LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
Introduction OTTAWA, le mardi 21 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 h 1 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue, sénateurs. Avant de commencer, j’aimerais demander à chacun d’entre vous et aux autres personnes ici présentes de consulter les fiches sur la table pour obtenir des directives sur la prévention des incidents de retour de son.
Afin de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes, veuillez prendre note des mesures préventives suivantes. Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. Utilisez uniquement les oreillettes noires approuvées; les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette loin des microphones en tout temps. Lorsque vous ne l’utilisez pas, veuillez la placer face vers le bas sur l’autocollant apposé sur la table à cette fin. Je vous remercie tous de votre collaboration.
Je tiens d’abord à souligner que les terres sur lesquelles nous sommes rassemblés aujourd’hui font partie du territoire traditionnel ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe, et qu’elles abritent maintenant de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.
Avant que nous ne commencions nos travaux officiels, j’aimerais que quelqu’un présente une motion d’ordre administratif. La motion est la suivante :
Que, nonobstant la pratique habituelle, conformément à l’article 12-17 du Règlement, le comité soit autorisé à tenir la réunion de cet avant-midi sans quorum, si cela s’avère nécessaire, pour recevoir et publier des témoignages, à condition que deux membres du comité soient présents.
La sénatrice Coyle : J’en fais la proposition.
Le président : Merci, sénatrice Coyle.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, d’Epekwitk, aussi connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis président du Comité des peuples autochtones. J’inviterais maintenant les membres du comité à se présenter en indiquant la province ou le territoire qu’ils représentent.
Le sénateur Tannas : Scott Tannas, de l’Alberta.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Antigonish, Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki.
Le sénateur Prosper : Sénateur P. J. Prosper, Nouvelle-Écosse, Mi’kma’ki.
Le président : Merci, chers collègues.
Aujourd’hui, nous poursuivons notre nouvelle étude de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021, aussi appelée Loi sur la DNUDPA. Le comité entend des témoins afin de préciser davantage son sujet d’étude.
Sur ce, je vous présente nos témoins : Harold Calla, président exécutif du Conseil de gestion financière des Premières Nations; Stephen Buffalo, président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes du Canada; et Matthew Foss, vice‑président, Recherche et politiques publiques, Conseil canadien pour l’entreprise autochtone.
Merci à tous d’être parmi nous aujourd’hui. Les témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant M. Calla à présenter sa déclaration préliminaire.
Harold Calla, président exécutif, Conseil de gestion financière des Premières Nations : Merci, honorables sénateurs, de me donner l’occasion d’être ici aujourd’hui.
Tout d’abord, je tiens à remercier le Sénat, car il y a un an, il a adopté les modifications à la Loi sur la gestion financière des premières nations, qui ont reçu la sanction royale dans les 78 jours suivant leur dépôt. Je crois comprendre qu’il s’agissait d’une sorte de record. C’est peut-être un modèle à suivre. C’est apprécié, surtout dans le contexte de la Loi sur la DNUDPA, car le projet de loi relatif aux institutions est le plus efficace de l’histoire du Canada en ce qui concerne les Autochtones. Plus de 360 sont inscrites à l’annexe de la loi, et nous assurons le renforcement des capacités et les services de soutien qui permettent aux Premières Nations de s’intégrer à la société canadienne. À mon avis, ce qui a été accompli grâce à la Loi sur la gestion financière des premières nations doit être pris en compte dans la mise en œuvre de la DNUDPA. Je pense que la DNUDPA exige que nous commencions à créer des institutions et des structures dont profitent les autres ordres de gouvernement du pays afin de soutenir nos communautés.
Je tiens également à souligner que j’étais présent à New York lorsque le Canada a retiré son statut d’opposition. J’étais fier de voir cela se produire. Cependant, je tiens aussi à rappeler que le Canada n’est pas comme les autres pays colonisés. Les autres pays colonisés ne bénéficient pas de l’avantage — j’appelle cela un « avantage » dans ce cas particulier — que procure la Proclamation royale de 1763. Les autres pays n’ont ni l’article 35 de la Constitution ni l’article 25 de notre Charte des droits et libertés. Lorsque le Canada a retiré son statut d’opposition, à mon avis, il a accepté l’obligation de respecter les dispositions qui constituent la relation entre le Canada et les peuples autochtones. Je pense qu’il est important que la DNUDPA reconnaisse que nous ne parlons pas simplement de droits non existants; ces droits existent et doivent être pris en compte. La plupart d’entre nous ont tendance à oublier la Proclamation royale de 1763. Elle est même mentionnée à l’article 25 de la Charte des droits, et je pense qu’il est donc important que le plan d’action commence par la reconnaissance des principes qui y sont énoncés.
Le plan d’action doit reconnaître et prendre en compte les mesures de soutien et les outils nécessaires pour renforcer la capacité des Autochtones à accéder à l’autonomie au sein de la fédération canadienne en tant qu’ordre de gouvernement égal, et pas seulement en tant que gestionnaire de la prestation des programmes. La plupart des éléments du plan d’action tiennent compte, comme il se doit, des conditions sociales et économiques désastreuses qui existent actuellement dans nos collectivités. Services aux Autochtones Canada, ou SAC, et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, ou RCAANC, se sont vu confier la majeure partie des responsabilités, mais je ne vois pas comment ils peuvent réussir dans le cadre de leurs pouvoirs existants. Le Canada doit être disposé à modifier les arrangements fiscaux et les accords de financement qui aident les gouvernements autochtones à obtenir les ressources requises pour remplir leurs obligations. La lutte contre la pauvreté dans nos communautés demeurera un défi de taille si les gouvernements autochtones demeurent financés au coup par coup en ce qui concerne la prestation de programmes. Nous avons besoin de pouvoirs financiers et d’une voie claire pour accéder à l’éventail de capitaux dont disposent d’autres particuliers et d’autres gouvernements.
Le plan d’action doit rendre possibles les investissements dont les peuples autochtones ont besoin pour poursuivre la création d’institutions et d’organismes qui soutiennent leurs gouvernements. Nous voyons que les gouvernements non autochtones disposent de ces institutions et organismes. La Loi sur la DNUDPA va au-delà de la prestation de programmes et de services conçus par d’autres. Le plan d’action doit le reconnaître. Nous devons aller au-delà du cloisonnement qui existe trop souvent dans cette ville. Il n’y a pas que SAC et RCAAN qui doivent être à la table. La DNUDPA doit être une initiative pangouvernementale respectée uniformément à l’échelle du pays. Nous avons besoin du ministère des Finances, du Conseil du Trésor, du Conseil privé, de l’Agence du revenu du Canada, du ministère des Ressources naturelles, du directeur parlementaire du budget, du Bureau du vérificateur général et du ministère de la Justice, pour ne nommer que ceux-là. Ils doivent participer à un processus d’élaboration conjoint afin de susciter les changements stratégiques et législatifs requis pour la création d’un plan d’action qui mette en œuvre la DNUDPA. Le fait d’appuyer l’élargissement des pouvoirs fiscaux — en tenant compte des obstacles qui empêchent nos gouvernements de combler l’ensemble de leurs besoins en immobilisations — est une condition préalable à toute mise en œuvre réussie d’un plan d’action.
Le Canada, je tiens à le souligner, a pris des mesures très positives au cours des dernières années par l’entremise de SAC, de RCAANC, de Ressources naturelles Canada et du ministère des Finances. C’est un pas dans la bonne direction, mais pendant que nous examinons de nouvelles lois, qu’en est-il des anciennes? Comment nous y prendre pour supprimer les obstacles qui découlent des politiques législatives existantes?
Je pense que nous avons besoin d’un grand plan prévoyant des investissements importants dans nos communautés, dans nos gouvernements et dans le développement économique. L’économie canadienne et l’économie autochtone sont intrinsèquement liées. Nous devons commencer à examiner les répercussions du statu quo, comme nous avons pu le faire en constatant les résultats de règlements récents. Nous allons présenter un mémoire beaucoup plus étoffé au comité au sujet du plan d’action, et nous espérons avoir l’occasion d’en observer les résultats.
Je terminerai en disant que je pense que c’est la première fois depuis 1982 que nous choisissons d’engager une discussion sur les droits et les titres ancestraux et sur la relation avec le Canada plutôt que de nous en remettre à la Cour suprême du Canada afin d’obtenir des directives. C’est une étape historique, et je nous souhaite à tous beaucoup de succès à cet égard.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Calla. J’invite maintenant M. Buffalo à faire sa déclaration préliminaire.
Stephen Buffalo, président et chef de la direction, Conseil des ressources indiennes du Canada : Merci beaucoup. Je tiens à souligner que je me trouve sur le territoire du Traité no 7.
Je vous remercie, chers sénateurs, de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. C’est un sujet très important et fort d’actualité. Je m’appelle Stephen Buffalo, et je suis président et chef de la direction du Conseil des ressources indiennes du Canada, ou CRI. Je suis originaire de Maskwacis, en Alberta, et je vis actuellement à Calgary. J’ai grandi entouré de chevalets de pompage et de l’industrie de la région. Je suis également président de l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation, ou AIOC, qui dispose actuellement d’un fonds de 3 milliards de dollars qui est garanti par le gouvernement et qui sert à assurer la participation des Autochtones dans les secteurs du pétrole, du gaz et des ressources naturelles.
Notre organisation représente plus de 130 Premières Nations, principalement de l’Alberta et de la Saskatchewan, qui produisent du pétrole et du gaz ou qui ont un intérêt très direct dans l’industrie. Nous comptons aussi parmi nos membres des Premières Nations du territoire du Traité no 8 en Colombie-Britannique, du Manitoba et de l’Ontario, et quelques Premières Nations du Québec et des Maritimes. Notre mandat consiste à promouvoir une participation et un engagement accrus de nos membres dans le secteur pétrolier et gazier, qui a profité et profite toujours à bon nombre de nos nations. Nous plaidons également en faveur de politiques fédérales et provinciales qui amélioreront les possibilités de développement des ressources pour nos membres.
Le sujet de notre discussion d’aujourd’hui, soit la DNUDPA, est très pertinent et important pour le travail que nous faisons. Je suis certain que les membres du comité savent que les Premières Nations ont toujours été exclues des possibilités économiques au Canada. Nous n’avons guère notre mot à dire quant aux activités qui se déroulent dans nos réserves et sur nos territoires traditionnels, même si elles continuent de restreindre nos droits issus de traités. Les choses évoluent un peu, mais il reste encore du chemin à faire. À l’heure actuelle, la DNUDPA nous donne l’occasion de tirer profit de l’exploitation des ressources. Permettez-moi de formuler des commentaires sur deux points essentiels qui concernent la mise en œuvre de la DNUDPA par le Canada.
Tout d’abord, Pétrole et gaz des Indiens du Canada, ou PGIC, est un organisme de service spécial relevant de Services aux Autochtones Canada qui a le mandat légal et fiduciaire d’exploiter et de gérer les ressources pétrolières et gazières sur nos terres, conformément à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes et à son règlement d’application. Malheureusement, je suis ici pour vous informer que PGIC a fait preuve de négligence dans l’exécution de son mandat pour ce qui est de la gestion et de l’exploitation des ressources pétrolières et gazières et du fait de veiller à ce que l’exploration de nos ressources soit équitable et rentable pour nous. Par conséquent, de nombreuses poursuites ont été intentées contre PGIC pour manquement à ses obligations de fiduciaire.
Les techniciens des Premières Nations participent actuellement à la modification du Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes en vue de le rendre plus conforme aux intérêts des Premières Nations et de réformer PGIC de manière à ce que les Premières Nations puissent exercer un plus grand contrôle et une plus grande autonomie en ce qui a trait à leurs propres ressources et leurs propres terres, conformément aux principes de la DNUDPA. Le plan d’action de la DNUDPA ne prévoit rien pour ce qui est de PGIC ou de la surveillance par la Couronne des activités pétrolières et gazières dans les réserves, même si, en tant qu’organisme relevant de la responsabilité fédérale, PGIC devrait être évalué systématiquement. Ce point devra être ajouté au plan d’action. PGIC a un nouveau président-directeur général qui a été désigné par quelques chefs des Premières Nations membres du CRI, et j’exhorte le comité à se pencher sur le rôle de PGIC, des Premières Nations et des producteurs de pétrole et de gaz dans ses délibérations à venir sur la mise en œuvre de la DNUDPA.
Mon deuxième point concerne la mise en œuvre de la réconciliation économique. Le plan d’action de la DNUDPA énonce plusieurs mesures relevant de Ressources naturelles Canada, notamment l’amélioration de la participation économique des Autochtones dans le secteur de l’exploitation des ressources naturelles et l’exercice de l’autorité réglementaire fédérale actuellement assumée par la Régie de l’énergie du Canada. Les membres du CRI sont très probablement ceux qui prendront en charge les fonctions de la Régie de l’énergie du Canada, car une grande partie du développement énergétique se déroule sur nos territoires traditionnels. Les communautés des Premières Nations aimeraient être consultées de près au sujet de ces plans. À ce jour, les membres du CRI n’ont pas été mobilisés ni consultés au sujet de ces plans, qui sont si bien définis dans la DNUDPA. Il est impératif de consulter sérieusement les peuples autochtones lorsqu’ils sont touchés par l’exploitation des ressources. Seules les Premières Nations qui participent activement à l’exploitation pétrolière et gazière sur leurs terres peuvent parler en leur propre nom.
Le CRI est également ravi de l’annonce du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones du gouvernement fédéral, et très heureux de constater qu’il ne tient aucun compte du secteur et qu’il inclut le pétrole et le gaz. En tant que président de l’AIOC, j’ai vu des programmes de ce genre créer des occasions extraordinaires dans les communautés. Toutefois, on pourrait faire davantage pour favoriser la réconciliation économique, notamment en améliorant la politique réglementaire qui facilite l’exploitation pétrolière et gazière en Alberta et au Canada au lieu de la bloquer. Comme ce secteur procure des avantages concrets aux membres du CRI, cela ne sert à rien d’avoir accès à des capitaux pour participer à des projets énergétiques si aucun projet n’est approuvé et lancé.
Il est également important que Ressources naturelles Canada collabore avec le secteur des ressources naturelles dans le cadre de ces plans d’action. D’après ce que j’ai vu, une grande partie du plan d’action porte sur ce que les ministères fédéraux font ou ne font pas pour se conformer à la DNUDPA. Cela semble être un exercice bureaucratique interne. Ce qui est beaucoup plus important pour les membres, c’est que des mesures soient prises en vue de mettre en œuvre la DNUDPA avec nos partenaires de l’industrie. J’aimerais que Ressources naturelles Canada utilise ses ressources pour faciliter l’action et le dialogue entre les communautés des Premières Nations. Nous devons trouver des solutions afin d’améliorer ensemble — le gouvernement, l’industrie et les Premières Nations — les politiques fédérales. Si l’industrie est exclue de la discussion, je crois que nous ne parviendrons pas à réaliser les principes de la DNUDPA en matière de réconciliation économique. Le CRI a établi d’importants partenariats avec l’industrie, y compris l’Association canadienne des producteurs pétroliers, pour veiller à l’harmonisation de nos objectifs relatifs à la DNUDPA. C’est un autre exemple de réconciliation économique.
Merci.
Le président : Merci, monsieur Buffalo. J’invite maintenant M. Foss à faire sa déclaration préliminaire.
Matthew Foss, vice-président, Recherche et politiques publiques, Conseil canadien pour l’entreprise autochtone : Taanishi, Matthew Foss dishinihkaashoon. Bonjour, je m’appelle Matthew Foss. Je suis membre de la Nation métisse de l’Alberta et je m’adresse à vous aujourd’hui depuis le territoire du Traité no 6. À titre de vice-président, Recherche et politiques publiques du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone, ou CCEA, je tiens à remercier tous les distingués membres du comité de me donner l’occasion de formuler des commentaires au sujet de la mise en œuvre du plan d’action de la Loi sur la DNUDPA.
Comme bon nombre d’entre vous le savent, et comme je l’ai mentionné lors de ma dernière comparution devant le comité en août dernier, le CCEA jette des ponts et s’emploie à soutenir les entreprises autochtones et la croissance de l’économie autochtone grâce à la collaboration avec les entreprises canadiennes et les parties gouvernementales. Le CCEA est le porte-parole des entreprises et des entrepreneurs autochtones. Nous prenons acte de la publication par Justice Canada du plan d’action de la Loi sur la DNUDPA, et plus particulièrement du fait qu’il s’agit d’un point de départ pour la mobilisation des partenaires autochtones et la collaboration avec eux en vue de mettre en œuvre ces mesures dans l’avenir. Nous sommes impatients de continuer à soutenir ces efforts dans toute la mesure du possible.
L’économie du Canada dépend fortement des ressources et de l’exploitation des terres autochtones, et pourtant, les Autochtones vivent majoritairement dans la pauvreté. L’absence d’une réelle participation des Autochtones à l’économie canadienne freine le Canada. L’économie autochtone représente 2 % de l’économie du Canada, alors que les Autochtones représentent 5 % de la population canadienne. Les exportations de ressources naturelles du Canada étaient évaluées à 422 milliards de dollars en 2022, ce qui représente 58 % de la valeur totale des exportations de marchandises du Canada. À elles seules, les ressources naturelles représentent environ 20 % du PIB du Canada. Ces estimations ne tiennent pas compte de la valeur pour l’économie canadienne des autres activités qui existent grâce aux terres traditionnelles autochtones ou qui dépendent de ces terres et des ressources naturelles qui s’y trouvent. La participation efficace et constructive des Autochtones à l’économie du Canada est une condition nécessaire à la mise en œuvre de la DNUDPA, à la réduction de la pauvreté dans les communautés autochtones et à la prospérité de l’économie canadienne.
La plupart des mesures du plan d’action qui concernent les entreprises autochtones et le développement économique ne font que commencer. Le CCEA était fier de s’unir à d’autres organisations économiques autochtones nationales la semaine dernière à Winnipeg dans le cadre d’un forum unique en son genre afin de discuter des priorités en matière de promotion des économies autochtones. L’une des principales priorités des membres du CCEA est la mesure 79 du plan d’action, qui porte sur les efforts déployés en vue de l’attribution d’un minimum de 5 % de la valeur totale de tous les contrats fédéraux a` des entreprises autochtones. Les récents rapports du gouvernement du Canada sur les dépenses d’approvisionnement auprès des Autochtones pour l’exercice 2022-2023 indiquent qu’en moyenne, une proportion de plus de 5 % a été attribuée à des entreprises autochtones à l’échelle de tous les ministères fédéraux. Il s’agit d’un signe évident de progrès, mais il y a un manque de transparence quant à la façon dont ces totaux ont été atteints. Les entreprises autochtones continuent d’exprimer de la frustration à l’égard des possibilités de participation aux marchés publics du gouvernement, ce qui laisse entendre que l’esprit de cet objectif n’a pas vraiment été réalisé.
Des rapports plus précis et une meilleure compréhension au sujet de la proportion réellement attribuée aux entreprises autochtones sont nécessaires pour assurer une véritable participation. Ce besoin de transparence va bien au-delà de la production de rapports sur l’approvisionnement, et s’étend à des domaines comme les négociations commerciales et le développement des exportations, la modification de la réglementation sur la propriété intellectuelle et même les efforts visant à soutenir l’entrepreneuriat des femmes autochtones. Les problèmes liés à la transparence nuisent à la reddition de comptes et à une réelle collaboration. Parfois, les organisations autochtones qui ont participé à ces efforts ont eu la possibilité de suivre activement les négociations, de recevoir des mises à jour pertinentes, d’examiner des ébauches de documents et plus généralement d’être suffisamment informées pour pouvoir fournir une rétroaction. Or, la plupart du temps, ce n’est pas le cas. Au lieu de cela, bien souvent, on nous présente des mises à jour de 5 à 10 minutes lors de réunions et on s’attend à ce que nous formulions des observations alors que nous n’avons pas suffisamment de renseignements contextuels sur lesquels nous appuyer ou de détails à examiner. Il ne s’agit pas d’un exemple de véritable partenariat ou de respect des principes énoncés dans la DNUDPA.
Il faut aussi élargir le champ d’application de plusieurs des mesures du plan d’action. À titre d’exemple, la mesure 27 traite d’un cadre stratégique de transfert de services impliquant un transfert de responsabilités pour « la conception, la prestation et la gestion de services de Services aux Autochtones aux partenaires autochtones. » Le CCEA estime qu’il est essentiel que cela englobe les services économiques et commerciaux et le financement. Cela devrait inclure le transfert de la responsabilité de l’administration du répertoire des entreprises autochtones ou de la vérification des entreprises autochtones aux organisations autochtones, plus particulièrement le CCEA, qui a déjà mis en place une structure d’approvisionnement autochtone efficace sur laquelle comptent tant des entreprises autochtones que des entreprises canadiennes.
Un commentaire encore plus pointu sur la mise en œuvre du plan d’action, c’est que les mesures actuelles visent à inclure les perspectives autochtones dans ce que le Canada a déjà décidé de faire. Cela va à l’encontre de l’esprit de la DNUDPA et accentue les problèmes. Les communautés autochtones sont contraintes de s’exprimer sur des solutions prédéterminées au moyen de processus prédéterminés. En quoi cela est-il compatible avec l’autodétermination?
Cela dit, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de faire entendre notre voix sur ce sujet extrêmement important. Je serai heureux de répondre à vos questions. Maarsii.
Le président : Merci, monsieur Foss.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, et je vais poser la première. Elle s’adresse à tous les témoins.
Dans le cadre de diverses études menées par le comité au cours des dernières années, beaucoup de témoins ont signalé des lacunes en matière de consultation et d’élaboration conjointe sur un certain nombre de questions. Lors de son témoignage devant le comité, le ministre Anandasangaree a souligné que le système de Westminster, y compris le privilège parlementaire, pose des limites au Canada et empêche la communication d’un avant‑projet de loi aux organisations autochtones ou aux parlementaires avant qu’il ne soit rédigé sous sa forme définitive. Avez-vous rencontré des difficultés liées à la manière dont le gouvernement du Canada a compris ou entrepris les consultations, la collaboration et l’élaboration conjointe? Dans l’affirmative, pourriez-vous les décrire? Est-il possible d’améliorer le processus actuel pour faire en sorte que le Canada respecte les droits des peuples autochtones prévus par le droit national et le droit international?
Monsieur Calla, nous allons commencer par vous.
M. Calla : Merci.
Je me suis heurté à quelques-unes de ces difficultés dans le cadre de mon travail concernant la Loi sur la gestion financière des premières nations, la Loi sur le développement commercial et industriel des premières nations, la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières Nations. Dans chacun de ces cas, nous nous sommes heurtés à cette difficulté. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous avons commencé à parler de l’objectif du projet de loi. Nous avons commencé à travailler sur la formulation d’un libellé qui pourrait être interprété comme une contribution aux instructions de rédaction, et nous avons assurément été mis au courant de certaines des propositions législatives envisagées, sinon du libellé. Cela exige beaucoup d’efforts.
J’espère qu’à l’avenir, des discussions plus ouvertes pourront être tenues dans le respect des traditions du Parlement. Il doit y avoir des discussions qui nous permettent de comprendre de quoi il est question afin qu’on ne nous présente pas des solutions que nous n’avons pas contribué à concevoir. Il faut que les discussions que nous avons entraînent des changements dans les discussions stratégiques qui ont lieu. Ce sera le véritable test.
Le président : Monsieur Buffalo, voulez-vous répondre?
M. Buffalo : Oui, merci.
Pour faire suite aux commentaires de M. Calla, à tous les égards, beaucoup de Premières Nations membres du CRI semblent avoir l’impression qu’elles n’ont pas été consultées.
Bien honnêtement, c’est pour cela que nous sommes ici. Nous sommes ici pour contribuer à la coordination avec le gouvernement fédéral et pour travailler avec lui afin d’avoir de véritables conversations avec les dirigeants, qui finissent par se rendre jusqu’aux techniciens, ce qui est probablement la meilleure façon de formuler d’autres observations. Malheureusement, notre organisation s’est vraiment opposée à certaines politiques fédérales — principalement les projets de loi C-48 et C-69 — qui allaient nuire au développement économique des Premières Nations. Lorsque nous ne jouons pas le jeu, on ne nous consulte pas ou on ne nous informe pas à propos de certaines de ces questions. C’est vraiment difficile. Cela dit, pour la suite des choses, même si cela va à l’encontre des précédents en matière de mesures parlementaires, un plan consisterait à tenir des discussions régionales dans chaque province et à tendre la main non seulement aux dirigeants, mais aussi au milieu des affaires pour s’assurer que tout le monde a son mot à dire en ce qui a trait aux mesures.
L’élément le plus essentiel, c’est que les Premières Nations doivent prendre les décisions, et non les organisations. Je respecte vraiment le rôle de l’Assemblée des Premières Nations, mais elle semble parfois intercepter un grand nombre des mesures qui sont prises, et je ne pense pas qu’elles atteignent la base, où les répercussions se font véritablement ressentir. J’espère que nous pourrons tous travailler ensemble, en tant qu’organismes de défense des droits, pour veiller à ce que les messages soient diffusés et à ce que les nations puissent décider elles-mêmes. C’est ce que j’espère que nous pourrons accomplir. Merci.
Le président : Monsieur Foss, avez-vous des commentaires?
M. Foss : Merci de votre question.
Je vous dirais que le travail commence bien avant la rédaction du projet de loi. Comme je l’ai mentionné dans mes observations, le défi réside dans le fait de participer à des discussions et à des groupes de travail, de prendre connaissance du libellé proposé et d’avoir la possibilité de participer à certaines de ces discussions assez tôt dans le processus pour s’assurer que le texte présenté aux parlementaires ait réellement été rédigé dans un esprit de collaboration. La consultation des communautés autochtones, des entreprises autochtones et des titulaires de droits autochtones ne doit pas se faire après coup, une fois que quelque chose a été proposé; il faut plutôt que cela soit élaboré conjointement avec eux, pour ensuite être présenté.
Le président : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup à nos trois témoins de ce matin. J’ai une question pour chacun d’entre vous, alors je vais essayer d’être brève.
Nous sommes heureux de vous revoir, monsieur Calla. Vous nous avez félicités au début, mais nous devrions vous féliciter pour les progrès incroyables qui ont été réalisés il y a un an.
Vous avez dit qu’il nous fallait un grand plan. Nous parlons ici du plan d’action relatif à la Loi sur la DNUDPA. Vous avez dit que vous nous enverriez un mémoire plus étoffé, mais lorsque vous dites que nous avons besoin d’un grand plan, il faut reconnaître que le Canada est un cas particulier, car il n’est pas comme les autres pays colonisés. Nous avons la reconnaissance des droits à l’article 35 de la Constitution, et nous avons aussi la Proclamation royale de 1763. Lorsque vous avez dit que nous avons besoin d’un grand plan et de ressources consacrées à ce plan, vous avez également mentionné qu’il faut que l’ensemble du gouvernement mette la main à la pâte, et pas seulement les suspects habituels que vous avez mentionnés. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la nécessité pour le gouvernement de mettre la main à la pâte en vue d’élaborer ce grand plan substantiel en partenariat avec les peuples autochtones du Canada?
M. Calla : Wow. J’aimerais bien avoir une réponse magique à vous donner.
Je pense qu’il faut d’abord que le Canada reconnaisse que les titulaires de droits sont aussi des gouvernements et qu’ils ont donc droit, à mes yeux, au respect dû à un gouvernement impliqué à ce niveau. Je pense qu’il faut que l’ensemble du gouvernement reconnaisse ce que signifie être un gouvernement. Quels sont les pouvoirs fiscaux? Comment seront-ils partagés? Quelle est notre place au sein de la fédération canadienne?
Comme on l’a mentionné, nous devons transférer les programmes et les services aux organisations et aux titulaires de droits autochtones, mais pour ce faire, nous devons investir dans le renforcement de la capacité de ces groupes à assumer leurs responsabilités de Premières Nations autonomes. Dans certains cas, nous devons renforcer la capacité des Premières Nations à se rassembler et à partager les mécanismes de prestation, de même que les avantages et les inconvénients de la prise de responsabilités. Prenez, par exemple, l’autorité sanitaire des Premières Nations de la Colombie-Britannique. Ou encore l’exemple des pools d’emprunts qui ont été créés par l’Administration financière des Premières nations en vertu de la Loi sur la gestion financière des premières nations, qui viennent tout juste de dépasser la barre des 2 milliards de dollars et qui servent à répondre aux besoins en immobilisations des Premières Nations.
Il faut reconnaître toutes ces choses, mais il faut aussi reconnaître que nous devons suivre le rythme des affaires si nous voulons parvenir à la réconciliation économique. Le temps est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. La pauvreté que j’observe dans les collectivités… Je suis allé à Attawapiskat deux fois au cours de la dernière année. Il faut trouver des solutions pour ces communautés, car sinon, elles n’ont aucun espoir.
Le plan d’action de la Loi sur DNUDPA prévoit ce mécanisme. Nous devons nous pencher sur la façon de financer les gouvernements des Premières Nations en tant que gouvernements et non pas en tant qu’entités financées au coup par coup. Nous devons être en mesure de monétiser les transferts fédéraux, et nous devons disposer de pouvoirs fiscaux nous permettant de recueillir des fonds afin de pouvoir répondre aux besoins des communautés d’une manière qui dépasse les capacités existantes de SAC ou de RCAANC en fonction de leurs crédits parlementaires.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, monsieur Calla.
Monsieur Buffalo, vous avez parlé de la participation du CRI au secteur pétrolier et gazier. C’est évidemment une composante très importante de notre économie. Compte tenu de ses préoccupations au sujet de la participation à la réconciliation économique, est-ce que le CRI ou un organisme équivalent participe à certains des nouveaux projets énergétiques, particulièrement dans l’Ouest canadien? Je sais que l’énergie éolienne et solaire est en expansion dans votre région. Je me demande si le CRI ou un organisme associé au vôtre participe à cela également.
M. Buffalo : Je vous remercie de votre question.
Nous constatons assurément un peu de diversité ici et là dans les secteurs. Bien sûr, bon nombre de nos membres commencent à avoir une idée des projets qui se déroulent sur leur territoire et dans les environs. Évidemment, par l’entremise de l’AIOC, nous voyons une occasion où le promoteur ou l’industrie propose de créer un bon partenariat avec les Premières Nations. Naturellement, nous appuyons ces initiatives. Comme nous le voyons, vu l’approche du gouvernement fédéral à l’égard du pétrole et du gaz et de l’exploitation de ces ressources, nous devons examiner ces occasions. Mais les Premières Nations disposent de ressources limitées pour ce qui est de vraiment mettre sur pied un groupe de défense à l’appui de ces mécanismes. Lorsque les Premières Nations ont la possibilité de contribuer, non seulement pour les emplois, mais aussi en participant au capital, je pense qu’elles doivent être prêtes à appuyer cela.
Là encore, dans certains domaines, le gouvernement continue d’agir de façon paternaliste quant à ce que les Premières Nations peuvent et ne peuvent pas faire. À mesure que nous progressons, en soutenant les avancées techniques, non seulement dans le secteur pétrolier et gazier, mais simplement par la création d’énergie pour les communautés... La pauvreté énergétique est une réalité, et la dernière chose dont nous avons besoin, c’est que certaines de nos communautés n’aient pas le gaz naturel ou l’électricité nécessaires pour subvenir à leurs besoins et entretenir leurs infrastructures.
Toutes ces choses sont très importantes, et elles sont liées les unes aux autres. Oui, nous avons commencé par le pétrole et le gaz, mais au bout du compte, nous essayons toujours d’apporter une contribution et de préconiser de meilleures ressources et des ressources plus propres, ainsi que des énergies renouvelables.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
Monsieur Foss, je vous remercie également de votre travail. Vous avez parlé de l’approvisionnement autochtone et de votre préoccupation quant à la question de la transparence. C’est un sujet que j’ai abordé pendant la période des questions au Sénat, et je n’ai pas vraiment obtenu de réponse satisfaisante à mon intervention, qui consistait essentiellement à exprimer les préoccupations soulevées par les dirigeants autochtones. Il s’agit d’un outil très puissant pour stimuler et favoriser la prospérité économique des communautés et des entreprises autochtones. Pourriez-vous nous dire ce qu’il faudrait faire, à votre avis, pour améliorer les choses sur le plan de la transparence, et quelles autres mesures le gouvernement devrait prendre, selon vous, pour régler le problème lié à l’approvisionnement autochtone?
M. Foss : Je vous remercie de cette question.
Oui, nous avons beaucoup d’idées sur la façon de mieux faire les choses. Nous pourrions peut-être vous faire parvenir une réponse plus complète à ce sujet, mais il y a des aspects liés à une plus grande transparence et à la production de rapports détaillés sur la vérification de l’exécution de certains de ces contrats, particulièrement ceux qui impliquent des coentreprises, afin d’assurer la participation des Autochtones dans toute la mesure suggérée dans les propositions, les réponses aux propositions et les contrats attribués. On pourrait simplifier davantage les formalités administratives dans les contrats pour faciliter la compréhension et la participation des entreprises autochtones. Il pourrait y avoir un accès à du financement et à une assurance qui permettant aux entreprises autochtones de participer davantage à certains de ces contrats. Nous allons vous fournir de plus amples renseignements, car nous consacrons beaucoup de temps à la recherche à ce sujet. Merci beaucoup de votre question et de m’avoir donné l’occasion de vous faire part de quelques réflexions là-dessus.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
Le sénateur Tannas : Je remercie M. Foss, M. Buffalo et M. Calla d’être des nôtres. Je me suis empressé de venir ici et je suis arrivé très tôt, comme quelqu’un l’a fait remarquer. Je ne veux pas dénigrer qui que ce soit, mais c’est formidable d’être ici avec des gens qui ont accompli de grandes choses dans leur organisation respective, des choses durables, importantes et ayant apporté une énorme contribution.
Monsieur Calla, vous avez parlé d’un grand plan. J’admire et j’étudie depuis longtemps le Plan Marshall, adopté après la Seconde Guerre mondiale. Tout a commencé par une vision, puis il y a eu un travail à rebours pour revenir à la situation présente. Une partie du processus devait consister à reconnaître la dure réalité de notre situation afin d’établir des plans réalistes pour aller de l’avant avec une vision de l’endroit où nous voulions arriver. Il y a quelques années, le sénateur Sinclair, si je ne m’abuse, a dit que la DNUDPA représentait la vision de l’avenir. Ce grand plan, c’est ce que nous essayons de bâtir, et ce sera quelque chose de multigénérationnel. Je pense qu’il n’y a aucun doute là-dessus. Il y a une vision, et la DNUDPA nous l’expose. Je suis très enthousiaste à cet égard lorsque je pense à l’avenir.
Je vais m’éloigner un peu du sujet et réfléchir non pas aux progrès réalisés durant l’ère Trudeau, mais plutôt à l’après‑Trudeau. Nous pouvons débattre du moment où cela se produira. Seriez-vous d’accord pour dire qu’il y a beaucoup à faire pour un gouvernement, quelle que soit son allégeance? En fait, les gouvernements présentant un intérêt particulier au cours des prochaines générations pourront apporter une contribution importante dans leurs domaines d’intérêt et dans leurs domaines d’expertise naturelle. Pourriez-vous nous en parler brièvement? Je voulais que cela figure au compte rendu. Vous êtes des personnes éminentes qui travaillent si fort depuis si longtemps. Pourriez-vous nous donner un message d’espoir dont d’autres pourraient s’inspirer dans l’avenir?
M. Calla : Je peux essayer. Je pense que nous avons toujours considéré qu’il s’agissait d’une question non partisane. C’est quelque chose qui touche tous les Canadiens de diverses façons. Si nous pouvons mettre en œuvre un plan d’action de la DNUDPA qui démontre notre capacité d’améliorer la vie de nos communautés autochtones, cela aura des répercussions importantes sur notre économie dans l’avenir.
Le Conseil international des normes de durabilité et la profession comptable vont maintenant exiger des rapports pour les sociétés cotées en bourse. Ces rapports vont influer sur l’accès aux capitaux qui entrent au pays et le coût de ces capitaux. Nous devons examiner comment nous allons accélérer le développement des projets au pays. Cela exigera la participation et le leadership des Autochtones.
C’est merveilleux que nous ayons pu envisager la transition énergétique d’une façon qui pourrait nous permettre d’avoir trois usines de batteries au Canada, mais d’où viendra la matière première? C’est théorique pour le moment, jusqu’à ce que nous en arrivions à des ententes avec les communautés autochtones des territoires traditionnels où se trouvent ces minéraux.
Ce sont des questions qui vont au-delà des allégeances politiques. Nous ne pouvons pas maintenir notre mode de vie au Canada sans soutenir ni stimuler notre économie et sans effectuer une transition vers une économie adaptée aux nouvelles réalités. C’est ce qui me donne espoir : le fait que tous les Canadiens en profiteront. Il ne s’agit plus seulement d’un enjeu autochtone. Il s’agit d’un enjeu canadien qui mérite l’attention de tous les partis. Nous avons constaté que, par suite des efforts qu’on nous a demandé de déployer pour faire en sorte, par exemple, que des mesures législatives soient adoptées en 78 jours, nous devons nous adresser à tous les partis politiques puis leur parler de l’avenir et de la façon dont ils pourraient être touchés.
J’ai bon espoir que nous pourrons y arriver. Je sais qu’à l’approche d’une élection, ce processus pose toujours des difficultés, mais nous allons les surmonter. J’en ai connu un certain nombre, et nous en sortirons gagnants. Je crois que tous les partis politiques auront intérêt à s’assurer que l’économie canadienne peut être soutenue et stimulée, et pour ce faire, ils auront besoin de partenaires autochtones. Mais pour y arriver, il faut faire les investissements requis pour que ces titulaires de droits puissent s’asseoir à la table et participer en tant que partenaires égaux.
J’ai vu ce qui se passe lorsqu’ils ne sont pas prêts, en Colombie-Britannique, dans le secteur pétrolier et gazier et, en tant que membre du conseil d’administration de Trans Mountain, j’ai vu ce qui peut se passer si on participe plus activement. J’encourage les membres du comité à examiner le rapport sur les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance de Trans Mountain afin de comprendre à quoi peut ressembler la réconciliation économique. Merci.
M. Foss : Merci de ces observations. Comme vous l’avez si bien dit, ce sera un défi multigénérationnel à relever dans l’avenir. Il nous a fallu plusieurs générations pour en arriver là et créer un bon nombre des problèmes. Nous constatons toutefois des progrès. Nous constatons des progrès en ce sens que de plus en plus de conversations ont lieu. La conversation d’aujourd’hui en est un exemple, et c’est l’occasion de continuer d’exprimer certains des défis et d’engager le dialogue.
Comme M. Calla l’a souligné, il sera essentiel à l’avenir d’accroître le financement de la capacité et de veiller à ce que les collectivités autochtones disposent des ressources nécessaires pour participer de manière productive à la conversation, mais il ne s’agit pas d’une question politique qui ne concerne qu’un seul parti. Comme vous l’avez souligné à juste titre, tous les partis vont trouver des façons d’aller de l’avant, vont trouver des initiatives et des projets qui plaisent à leurs électeurs et qui contribuent à régler ce problème, pourvu qu’ils reconnaissent et se souviennent qu’il s’agit d’un problème qui touche tous les Canadiens.
Lorsque la communauté autochtone ne se porte pas bien au Canada, tous les Canadiens en souffrent. Nous le voyons du fait que la plus grande proportion de notre population carcérale au Canada est autochtone, ce qui porte à croire que les Autochtones posent des problèmes pour la société alors que les difficultés sociales qu’ils éprouvent, en grande partie en raison de la pauvreté, ne sont pas abordées. Nous devons tous nous attaquer à ce problème.
Le sénateur Tannas : Merci.
M. Buffalo : Sénateur, je vous remercie de vos observations.
Compte tenu de la situation actuelle, je suis moi aussi très optimiste. Nous avons beaucoup de travail à faire dans nos collectivités pour comprendre dans quelle direction nous voulons aller. Bon nombre d’entre nous, de nos collectivités, sont formés avec ce que j’appelle le « doux communisme » bureaucratique sous le régime de la Loi sur les Indiens. Bien sûr, cela doit changer.
Il ne faut pas oublier que la DNUDPA était initialement une loi sur les droits de la personne. Mon oncle — je l’appelle mon autre père — Willie Littlechild a joué un rôle très important, et c’est un héros pour moi. Pour ce qui est de l’avenir, par exemple, le Conseil des ressources indiennes a conclu avec le gouvernement fédéral un protocole d’entente qui a été rédigé en 1996, et l’une des choses que nous étions censés faire dans le cadre de ce protocole d’entente, c’était l’allégation de compétence, afin que les collectivités des Premières Nations puissent réglementer et avoir leurs propres lois foncières qui leur permettent d’aller de l’avant. La DNUDPA concorde avec cela. Je pense que cela va de pair.
Nous assistons actuellement à une évolution, bien sûr, avec l’AIOC. Je tiens à remercier Jason Kenney, le premier ministre de l’époque, qui en est à l’origine. La première ministre Danielle Smith a fourni son appui afin que les Premières Nations profitent de ce qui se passe. Je pense que cela mènera vraiment à un partage des recettes de l’exploitation des ressources avec les provinces pour qu’on puisse se libérer du système bureaucratique de la Loi sur les Indiens. C’est probablement la chose la plus importante à mes yeux.
Nous voyons les paiements de péréquation fédéraux et la façon dont l’Alberta finance l’ensemble du pays. Quand j’entends dire qu’on envoie 22 milliards de dollars de l’Alberta à Ottawa et que le Québec en reçoit 13 milliards, cela me laisse un peu perplexe, parce que je sais que les Premières Nations de l’Alberta et de la Saskatchewan auraient probablement besoin d’un peu plus que les quelques cents par dollars qui proviennent de ce que j’appelle un système communiste sous le régime de la Loi sur les Indiens. Nous devons faire mieux.
Pour l’avenir, je pense que l’optimisme est de mise, et la DNUDPA constitue un élément clé. Comme l’ont mentionné mes collègues ici, la pauvreté est endémique. Nous sommes aux prises avec toutes ces pathologies sociales. Il est vraiment difficile pour les dirigeants autochtones d’assumer une fonction comme celle-ci, parce qu’ils essaient de faire ce qu’ils peuvent pour leurs collectivités. Il est très difficile de les éloigner de leur collectivité.
Mais encore une fois, pour être optimiste, il y a beaucoup de travail à faire. Même à l’interne, dans nos collectivités, nous avons beaucoup de travail à faire afin de saisir cette occasion. Merci.
Le président : J’ai une question pour vous, monsieur Buffalo. Comment le Canada peut-il améliorer sa politique et sa réglementation en matière de développement des ressources, et pouvez-vous décrire les obstacles que vous avez mentionnés dans votre exposé?
M. Buffalo : Il s’agit de consulter les gens sur le terrain. Nous avons un comité appelé le comité technique mixte, qui modernise la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. La modernisation s’accompagne de la prise en compte des tendances et des possibilités actuelles dans le secteur pétrolier et gazier. Le comité est principalement composé des techniciens de chaque comité qui a produit du pétrole et du gaz ou qui s’y intéresse. Ce sont des gens très instruits qui travaillent avec l’industrie et qui comprennent la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. C’est l’approche que nous devons adopter à l’égard de bon nombre de ces questions, non seulement dans le secteur pétrolier et gazier, mais dans tous les domaines. Comme l’a mentionné M. Foss, lorsqu’on a à la table des techniciens travaillant sur le terrain, je pense que cela donne une meilleure idée de la façon dont on peut faire avancer les choses ensemble. Il est impératif que nous participions à ces discussions et à ces politiques plutôt que de nous en faire informer. Merci.
Le président : Merci, monsieur Buffalo.
Monsieur Calla, selon vous, quelles institutions et structures amélioreront l’économie autochtone de façon plus générale?
M. Calla : Je pense que nous devons reconnaître les lacunes dans notre accès au capital et que nous devons les combler. Nous parlons souvent du capital comme s’il s’agissait d’une seule chose. Ce n’est pas une seule chose. Les Premières Nations ont toutes sortes de besoins — capital de risque, financement structuré, capitaux propres —, et nous devons être en mesure de nous attaquer à ce genre de problèmes. Nous avons besoin de choses simples, comme la capacité d’obtenir un cautionnement pour participer à des contrats importants. Voilà le genre de mesures dont nous avons besoin, à mon avis. Je sais que les institutions créées en vertu de la Loi sur la gestion financière, les autorités financières, commencent à se pencher sur ce genre de questions relatives à la capacité de cautionner. Dans le cas de Trans Mountain, si vous examinez les rapports, 6 millions de dollars ont été accordés en contrats pour se joindre à des entreprises et à des partenariats autochtones. Bon nombre d’entre eux ont exigé des coentreprises parce qu’ils ne pouvaient pas obtenir de cautionnement. Nous devons être en mesure de nous attaquer à ce que nous considérons comme des obstacles sur le terrain pour soutenir le développement économique.
L’accès au capital est un élément important, mais le renforcement des capacités l’est encore plus. La First Nations Major Projects Coalition est une autre organisation essentielle. Je l’appelle une institution, même si elle s’y oppose. Elle doit être en mesure de se rendre dans des collectivités qui n’ont pas la capacité interne de la Major Projects Coalition pour les appuyer et examiner les questions qui leur sont présentées concernant l’extraction et le développement des ressources naturelles sur leurs territoires traditionnels, ainsi que de soutenir davantage d’initiatives comme celles de la côte Est. Comment mettre en œuvre les droits issus de traités? Comment mettre en œuvre les décisions de la Cour suprême? Eh bien, on nous a montrés dans l’Est. On a acheté Clearwater. Voilà le genre de choses sur lesquelles nous devons nous concentrer et que nous devons appuyer. Cette transaction a été conclue grâce à la Loi sur la gestion financière des premières nations et à la capacité de ces collectivités de se réunir et de comprendre qu’elles devaient travailler ensemble pour avoir accès, par l’entremise des autorités financières, aux ressources dont elles avaient besoin pour acheter les permis de pêche. Il a fallu un certain temps pour renforcer cette capacité, et il a fallu que Membertou s’étende à tous les habitants de la région pour commencer à rassembler les gens afin de discuter et de présenter un front uni. C’est le genre de choses que nous devons faire partout au pays.
Le président : Merci, monsieur Calla.
Le temps alloué à ce groupe de témoins est écoulé. Je ne vois pas d’autres mains levées, alors je tiens à vous remercier tous de vous être joints à nous aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, veuillez les faire parvenir à notre greffière dans les sept jours.
J’aimerais maintenant vous présenter notre prochain groupe de témoins. Il s’agit de Neil Belanger, chef de la direction d’Indigenous Disability Canada, qui se joint à nous en ligne; de Marilee A. Nowgesic, cheffe de la direction de la Canadian Indigenous Nurses Association; et de Merrell-Ann Phare, directrice exécutive du Centre autochtone de ressources environnementales, qui se joint à nous en ligne.
Merci à tous de vous joindre à nous aujourd’hui. Les témoins feront une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une période de questions et réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant M. Belanger à faire sa déclaration préliminaire.
Neil Belanger, chef de la direction, Indigenous Disability Canada : Simgiigyet, Sigidim hanuak, K’ubawilxsihxw. Je tiens à remercier le comité de me donner l’occasion de parler brièvement de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
Avant de commencer, je tiens à saluer et à remercier les peuples Esquimalt et Songhees, dont les territoires non cédés font l’objet de ma présentation d’aujourd’hui, et à reconnaître les territoires d’où vous et d’autres personnes participez.
Je suis membre du Lax Se el Clan dans la maison du Nikat’en de la Nation gitxsan. Je suis le chef de la direction d’Indigenous Disability Canada et du British Columbia Aboriginal Network on Disability Society, une organisation nationale autochtone qui offre des services aux Autochtones en situation de handicap depuis plus de 31 ans.
Au Canada, environ 27 % de la population générale déclare souffrir d’un handicap. Toutefois, la proportion de personnes handicapées chez les Autochtones est beaucoup plus grande, soit environ 35 %. Cela signifie que plus de 600 000 Autochtones de tous âges au Canada ont un handicap.
Comme le comité le sait, les Autochtones handicapés connaissent un taux de pauvreté plus élevé que les non‑Autochtones, des taux de chômage et d’incarcération plus élevés, du racisme et de la discrimination fondée sur le handicap dans tous les secteurs. Ce sont des survivants des pensionnats et des membres de la famille de survivants. Ils vivent quotidiennement avec les traumatismes et les dommages causés par les systèmes gouvernementaux, tout en continuant de subir des politiques d’assimilation à tous les niveaux parce qu’ils sont Autochtones et handicapés.
Bien que l’objectif déclaré de la Déclaration soit de fournir une feuille de route commune aux peuples autochtones et aux gouvernements afin qu’ils travaillent ensemble au renforcement des relations et des droits des Autochtones, cela ne peut pas se produire si on n’encourage pas les Autochtones handicapés à s’exprimer et à s’intégrer, et si on n’agit pas en conséquence. Même si la Déclaration est entrée en vigueur en 2021, nous constatons toujours que les voix et les orientations des Autochtones handicapés sont largement ignorées en ce qui concerne les lois et les politiques qui ont une incidence sur leur vie.
Parmi les exemples récents, mentionnons l’aide médicale à mourir, l’AMM, en particulier dans le cadre du volet 2 en ce qui concerne les personnes handicapées qui ne sont pas en fin de vie. Même si la majorité des témoins experts autochtones ont exprimé leurs préoccupations au sujet de l’AMM dans leurs témoignages devant les divers comités et que tous les rapports des groupes d’experts ont affirmé qu’aucune consultation tangible des Autochtones n’avait eu lieu à ce sujet, il continue de prendre de l’ampleur. Le gouvernement fédéral n’a entamé un processus de mobilisation des Autochtones relatif à l’AMM que l’automne dernier, soit sept ans après l’entrée en vigueur de la loi initiale et deux ans après l’inclusion du volet 2.
Un autre exemple est le financement récemment annoncé dans le budget fédéral concernant la Prestation canadienne pour les personnes handicapées, ou PCPH. Malgré des années de consultation auprès des personnes handicapées autochtones et non autochtones et la promesse de sortir les personnes handicapées en âge de travailler de la pauvreté par l’entremise de la PCPH, le financement et le mécanisme de soutien mis en place par le gouvernement sont loin d’atteindre l’objectif déclaré de la prestation et de répondre aux attentes et aux besoins exprimés par la communauté des personnes handicapées.
Je pourrais mentionner de nombreux autres cas, mais il ne s’agit là que de deux exemples illustrant la progression de la feuille de route commune et du parcours que les Autochtones handicapés effectuent actuellement avec le gouvernement, qui demande des orientations, puis qui prend un chemin totalement différent vers une destination totalement différente. Si on veut que la déclaration et son intention déclarée se réalisent, il faut que cela change. Il est essentiel que le gouvernement garantisse que, sans exception, les voix, les orientations et les besoins des Autochtones handicapés sont reconnus, respectés et intégrés dans toutes les interactions, de l’échelle communautaire à l’industrie en passant par le gouvernement. Autrement, la mise en œuvre de la déclaration ne sera que de façade… une initiative qui paraît bien sur papier.
Afin d’aider le gouvernement à élaborer et à mettre en œuvre la déclaration, et de garantir le respect des droits et l’intégration des Autochtones handicapés, nous ferions les recommandations suivantes :
Premièrement, pour compléter et renforcer la déclaration, le gouvernement fédéral devrait s’efforcer d’enchâsser la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées dans le droit canadien.
Deuxièmement, le gouvernement devrait établir un mécanisme qui aide les jeunes Autochtones handicapés, en tant que nos futurs dirigeants, à participer à l’échelle nationale et internationale à toutes les conventions des Nations unies dont le Canada est signataire afin qu’ils puissent présenter le point de vue des Autochtones handicapés.
Troisièmement, il faudrait créer au gouvernement un conseil consultatif national autochtone sur les handicaps composé de membres ayant une expérience vécue, d’organisations de personnes handicapées dévouées aux Autochtones et de familles.
Quatrièmement, il faudrait fournir des mécanismes qui veilleraient à ce que les voix, les besoins et les préoccupations des Autochtones handicapés dans les établissements correctionnels fédéraux soient entendus et évalués, à ce que des mesures soient prises à leur égard et à ce qu’ils fassent l’objet de comptes rendus.
Cinquièmement, il faudrait accroître la collecte de données sur les besoins des Autochtones handicapés et les obstacles particuliers auxquels ils font face dans les collectivités autochtones et les centres urbains et ruraux.
Sixièmement, il faudrait élaborer des stratégies publiques nationales permanentes pour lutter contre le racisme et la discrimination envers les Autochtones et les personnes handicapées, créées en partenariat avec les Autochtones handicapés.
Septièmement, il faudrait veiller à ce que les programmes et les services destinés aux Autochtones handicapés soient adéquatement financés et élargis en vue de répondre à leurs besoins variés et uniques.
Huitièmement, il faudrait élaborer des mécanismes visant à assurer la participation des Autochtones handicapés à l’élaboration de la déclaration et à d’autres initiatives gouvernementales qui sont par ailleurs négligées ou dont la participation est habituellement minimale.
Neuvièmement, il faudrait inclure l’exigence d’une communication accessible dans tous les engagements et toutes les réunions du gouvernement, y compris la mise à disposition de la langue des signes autochtone, de l’ASL, de la LSQ et du sous-titrage.
Dixièmement, il faudrait reconnaître et solliciter la participation des systèmes héréditaires autochtones, des dirigeants et de leurs membres, qui sont souvent négligés ou non reconnus.
Onzièmement, il faudrait qu’on s’assure que toutes les mesures sont proactives et non pas réactives.
Je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole aujourd’hui. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Belanger.
J’invite maintenant Mme Nowgesic à faire sa déclaration préliminaire.
Marilee A. Nowgesic, cheffe de la direction, Canadian Indigenous Nurses Association : Merci beaucoup.
Tout d’abord, je tiens à souligner que le territoire sur lequel je me trouve actuellement est celui des Algonquins Anishinaabeg. Je suis originaire de la Première Nation de Fort William, près de Thunder Bay, en Ontario, et je suis du clan de l’Aigle.
Je suis actuellement cheffe de la direction de la Canadian Indigenous Nurses Association, qui aimerait remercier les membres du comité de nous avoir invités à participer à l’examen de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
La Canadian Indigenous Nurses Association, ou CINA, est, depuis plus de 45 ans, l’organisation de santé autochtone la plus ancienne au pays. Auparavant, les infirmières autochtones ne pouvaient pas postuler à une faculté de soins infirmiers sans être privées de leurs droits. C’est pourquoi nous ne connaîtrons pas nos chiffres réels tant que nous n’aurons pas réglé la question de l’identité. Toutefois, la CINA possède plus de quatre décennies d’expérience et de sagesse en ce qui concerne les modes de savoir autochtones, les connaissances infirmières autochtones, ainsi que le bien-être et les pratiques sécuritaires sur le plan culturel dans nos écoles de soins infirmiers.
Tout au long de son histoire, l’organisation a participé à des activités allant de la recherche aux politiques, en passant par l’éducation et la consultation, et nous avons présenté de nombreux rapports pour donner suite à chacune d’elles. Au fil des ans, la CINA a apporté de précieuses contributions à diverses initiatives en matière de santé des Autochtones et continuera de le faire avec nos partenaires, comme la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits de Services aux Autochtones Canada, ainsi qu’avec de nombreux autres intervenants au sein d’organismes non gouvernementaux et du secteur privé.
La CINA a plaidé en faveur de la compétence culturelle en soins infirmiers afin d’améliorer et d’offrir des soins adaptés à la culture, appropriés et dignes de confiance aux clients autochtones et à leurs collectivités. L’objectif de la compétence culturelle et de la sécurité culturelle est d’améliorer l’état de santé des Autochtones grâce à des approches adaptées à leur culture et à l’excellence en soins infirmiers. Les infirmières autochtones combinent leur formation occidentale à un ancrage solide dans leur langue, leur culture et leurs traditions de guérison afin de façonner le domaine des connaissances infirmières autochtones et, en fin de compte, de façonner le contexte des pratiques des écoles de soins infirmiers.
Les connaissances infirmières autochtones font partie intégrante de ce que nous savons pour permettre des pratiques infirmières qui respectent et préservent la responsabilité envers nos ancêtres et nos détenteurs du savoir en permettant des approches de rechange en soins infirmiers et le savoir traditionnel de nos peuples autochtones afin qu’ils n’aient pas à s’inquiéter de ce qu’ils fournissent dans ce contexte. Les connaissances infirmières autochtones éclairent l’élaboration continue de ressources, de recherches et de programmes fondés sur des données probantes, et c’est pourquoi nous sommes enthousiastes à l’idée que la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones se concrétisera.
Le seul mécanisme que nous présentons à nos partenaires et intervenants non autochtones à la table est, bien sûr, les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Bien que nous nous concentrions sur la section relative à la santé, il y a de nombreux autres appels à l’action qui s’y rattachent… les numéros 7, 10, 57, 62 et 63. Je précise à mes partenaires présents à la table qu’il ne s’agit pas de notre exercice, mais que nous serons, je l’espère, invités à nous asseoir à la table lorsque nous rédigerons notre plan de travail sur 500 ans. Oui, j’ai bien dit 500 ans. Quand on regarde cela, il s’agit de sept générations. Si une génération représente environ 75 ans, c’est notre plan de travail sur 500 ans. En ce qui concerne la longévité, nous constatons que la voie que nous avons tracée pour comprendre ce que fera la Déclaration des Nations unies renverra à la responsabilité des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. J’ai toujours avec moi mon petit guide afin de m’assurer que je sais ce que nous devons faire dans nos devoirs.
Lorsque nous examinons bon nombre des nouvelles relations que nous avons nouées grâce à la Déclaration des Nations unies et à la Commission de vérité et réconciliation, nous examinons également les engagements pris par des ONG comme le forum des professionnels de la santé de l’administrateur en chef de la santé publique, où je siège avec 24 autres ONG pour examiner leur engagement, ce qu’elles ont fait, comment elles sont liées à cette question et comment elles l’évaluent, le secteur privé et nos alliés internationaux comme l’Organisation mondiale de la santé, le Conseil international des infirmières et la Conférence circumpolaire inuite.
La CINA a de solides antécédents en ce qui concerne l’amélioration de la santé de notre peuple. Nous sommes reconnus pour notre expertise en matière d’adaptation culturelle, de pratiques infirmières, d’écoles de soins infirmiers, d’orientation stratégique et de recherche. Je suis fière de dire que l’une de nos championnes, l’Association canadienne des écoles de sciences infirmières, s’est enfin penchée, après de nombreuses années d’existence, sur l’éducation des Autochtones dans les écoles de sciences infirmières. Ces données nous appartiennent. Il faut demander notre permission pour les utiliser.
La CINA est en mesure d’atteindre la plupart de ses objectifs en tant qu’organisation nationale dans le cadre de ses ententes de financement actuelles avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous avons déjà une relation pour ce qui est de nous pencher sur le milieu des ressources humaines en santé et sur son état désastreux. L’engagement des ministères fédéraux qui ne faisaient pas partie du plan stratégique précédent avec la CINA, et ils ont maintenant été invités à la table en vue d’examiner leur engagement et la façon dont nous pourrions le mesurer.
La force de la CINA, en tant qu’organisation, réside dans l’examen approfondi de la Déclaration des Nations unies. Nous examinerons les structures de gouvernance améliorées et les mises à jour des politiques. Nous envisageons un examen des politiques et les lacunes importantes qui existent actuellement, des comités de travail remaniés et améliorés, tant à l’interne qu’à l’externe, à tous les paliers de gouvernement, ainsi que la capacité accrue et le vaste réseau d’entrepreneurs expérimentés, de consultants, de gardiens du savoir et de personnes traditionnelles partout au pays.
Bien que nous sachions qu’il y a quatre domaines qui nous concernent relativement à la déclaration, c’est par l’entremise de ces niveaux que nous devons reconnaître les protocoles, la compétence et l’autorité autochtones qui sont accordés à nos dirigeants respectifs, y compris nos fournisseurs de soins de santé. Leurs droits ne se limitent pas à l’interprétation que quelqu’un fait d’une armoire à pharmacie. Nous examinons la chose de manière beaucoup plus approfondie.
C’est par cette méthode que nous voyons aussi comment nous allons pouvoir collaborer avec l’Association des médecins indigènes du Canada et en ce qui concerne l’engagement pris par l’Association médicale canadienne d’obtenir les connaissances et les conseils qu’elle demande à CINA dans le cadre de son travail stratégique. L’Association médicale canadienne est la voix nationale des médecins, mais elle a annoncé qu’elle s’engageait à présenter des excuses officielles et à établir un lien avec la Déclaration des Nations unies.
La seule question que nous devons nous rappeler, et que je soulève toujours lorsque nous discutons de santé, c’est le racisme systémique. C’est le système qui est en cause, pas les personnes. Nous tenons également compte des déterminants sociaux de la santé et nous faisons en sorte qu’ils constituent une base de référence pour la recherche, l’examen, l’analyse et les rapports à tous les niveaux sur les prochaines étapes.
Nous sommes une nation souveraine. Nous avons des droits inhérents et issus de traités à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, et c’est la même chose pour les infirmières autochtones. Cependant, avec le format actuel, avec le contexte actuel, nous avons peur parce que la santé et les ressources humaines s’épuisent. Comment allons-nous combler cette lacune? Comment allons-nous faire face aux problèmes d’identité auxquels font face les infirmières? Nous avons vu la catastrophe. Nous voulons être proactifs plutôt que réactifs. Nous voulons être en mesure de déterminer qui est une infirmière autochtone lorsque nous l’intégrons dans le savoir traditionnel et dans le savoir de guérison.
Nous avons des systèmes fondés sur la culture, les croyances et les valeurs autochtones traditionnelles. Sont-ils reflétés dans la déclaration? Oui. Elles ne sont tout simplement pas énoncées de cette façon. Nous reconnaissons la santé traditionnelle. Nous reconnaissons la nécessité d’un programme d’études en soins infirmiers qui tient compte de la connaissance infirmière autochtone. Elles sont intégrées aux écoles de sciences infirmières et, heureusement, aux écoles de médecine.
Nous savons qu’actuellement, la coordination est mauvaise entre les provinces, les territoires et les systèmes fédéraux, ce qui crée des obstacles inutiles pour les clients autochtones, et c’est propre à un élément que M. Belanger a déjà mentionné, la collecte de données. L’une des choses que j’ai toujours dites, c’est que nous ne pouvons pas nous présenter à la table sans avoir beaucoup de chiffres. Je ne vais pas vous donner beaucoup de chiffres parce que je ne peux pas me fier à ceux-ci. Je n’en connais pas la source. Je dois examiner ces sources. Nous savons qu’en 2018, avec l’Université de la Saskatchewan, nous avons été en mesure d’effectuer un sondage. Nous comptions environ 11 000 infirmières et infirmiers membres des Premières Nations, inuits et métis dans l’ensemble du pays. Toutefois, nous avons un combat à mener à l’égard de ce chiffre, encore une fois, à cause de la fraude à l’identité.
Nous voulons envisager l’établissement, l’habilitation, la communication et la collaboration en ce qui a trait aux données administrées par les provinces et les territoires. Nous travaillons avec des organisations, comme le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, qui sont mandatées par les chefs des Premières Nations du pays, mais il existe aussi des mécanismes semblables pour les Métis et les Inuits. Nous travaillons actuellement avec l’Institut sur la gouvernance des Premières Nations de l’Alberta, et nous cherchons des moyens d’améliorer la gestion des données. Où pouvons-nous les stocker? Combien ce stockage va-t-il coûter? Qui en est le gardien? Qui magasine dans notre boutique? Que prennent les gens lorsqu’ils visitent nos boutiques?
Cette mauvaise coordination a aussi une incidence sur les services de soins de santé essentiels comme ceux sur lesquels nous travaillons actuellement en oncologie, en maïeutique, en santé mentale, et plus particulièrement les programmes dont bénéficieront les commissaires aux langues autochtones et qui leur permettront de créer un lexique pour notre peuple et que nos infirmières non autochtones pourront aussi apprendre.
En conclusion, nous voulons que vous sachiez que la déclaration doit être suffisamment souple pour respecter l’orientation unique des infirmières autochtones au pays et que le gouvernement du Canada collabore avec nous afin de s’en assurer, et nous envisageons de collaborer avec l’Agence d’évaluation d’impact du Canada pour promouvoir l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard de la Déclaration des Nations unies. Nous savons que, grâce à cette table, il faudra aussi examiner notre propriété intellectuelle. Il y a des choses que nous faisons depuis des centaines d’années et qui ne seront pas écrites, qui ne feront pas partie de la matière enseignée dans nos salles de classe et qui resteront seulement avec nous. Nous souhaitons travailler avec nos partenaires de manière à favoriser la réconciliation et à respecter vos besoins en matière d’évaluation fédérale.
Je vous remercie de cette occasion.
Le président : Merci, madame Nowgesic.
J’invite maintenant Mme Phare à faire sa déclaration préliminaire.
Merrell-Ann Phare, directrice exécutive, Centre autochtone de ressources environnementales : Bonjour, honorables sénateurs. Merci beaucoup de m’avoir invitée à vous parler aujourd’hui. Je fais partie de l’équipe de direction du Centre autochtone de ressources environnementales, ou CARE. Je vous appelle aujourd’hui depuis le territoire visé par le Traité no 1, dans le Sud du Manitoba, qui est également la patrie des Métis de la rivière Rouge.
Brièvement, le CARE est un organisme de bienfaisance national. Il s’agit d’un organisme caritatif voué au renforcement des capacités environnementales qui a été mis sur pied et qui a toujours été dirigé par un conseil d’administration autochtone, notamment par des gens que vous connaissez très bien, comme Phil Fontaine, qui a mené la création de la Commission de vérité et de réconciliation en vertu de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, et Manny Jules, commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des premières nations. Ils l’ont créé il y a 30 ans dans le cadre d’un modèle de collaboration. Je suis membre de la direction. Je ne suis pas autochtone, mais notre personnel est composé de 20 autres professionnels autochtones et non autochtones. Il y a 30 ans, on a vu la nécessité de la collaboration comme une voie clé pour le Canada, et notre organisation est un modèle à cet égard.
Aujourd’hui, je veux soulever quatre points qui ont tous trait à une partie particulière de la mise en œuvre du plan d’action. C’est là que le bât blesse. On l’appelle « élaboration conjointe ».
Depuis 2010, j’ai participé à 11 processus d’élaboration conjointe au Canada avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest à titre de négociatrice en chef, et aussi avec le gouvernement de la Colombie-Britannique. Je participe actuellement au processus d’élaboration conjointe lié à la Loi sur l’eau potable des Premières Nations avec le Canada. Je ne comparais pas à ce titre aujourd’hui, mais je suis présidente de la commission mixte internationale qui s’occupe de la gestion de l’eau entre le Canada et les États-Unis, et nous avons un mandat relativement à la pollution de l’eau dans la vallée de la rivière Elk, en Colombie-Britannique. Le cœur de ce mandat est la cogestion transfrontalière internationale entre le Canada, les États-Unis et la nation Ktunaxa. En outre, je mène six autres initiatives par l’intermédiaire du CARE, l’organisme où j’ai commencé, que nous mettons actuellement en œuvre à l’échelle du pays et qui s’appelle l’initiative de leadership de collaboration.
Je vais parler un peu de l’élaboration conjointe parce qu’au cœur de l’engagement et de la promesse énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il est question de consentement dans le contexte de la souveraineté canadienne, ce qui est difficile. C’est très légal, et c’est très politique. Cette notion devrait avoir de l’importance pour vous parce que la solution aux problèmes ou aux enjeux que je vais soulever, c’est la volonté politique, en fin de compte. Ce sera à vous de choisir si vous voulez vous attaquer à certains de ces problèmes particuliers qui nuisent à la mise en œuvre du plan d’action.
Celui-ci parle d’élaboration conjointe. Il mentionne le terme 78 fois. Il donne une définition. Elle ne dit pas vraiment ce qu’est l’élaboration conjointe, mais elle précise qu’il s’agit de l’extrémité supérieure du spectre de la consultation et de la coopération, puis elle ajoute que c’est quelque chose de substantiel, de collaboratif et de consensuel. Je veux souligner d’emblée que, d’après mon expérience, cette définition est, avec tout le respect que je vous dois, inexacte. De mon point de vue, l’élaboration conjointe ne fait pas partie du spectre de la consultation. La consultation, c’est l’obligation légale qu’ont les gouvernements de la Couronne s’ils veulent faire quelque chose qui pourrait avoir une incidence sur les droits des Autochtones. En fin de compte, c’est un processus de violation des droits. L’élaboration conjointe est un processus de gouvernement à gouvernement. Il s’agit de collaborer en tant que gouvernements pour faire quelque chose qui est dans l’intérêt de tous les gouvernements concernés. Il s’agit de négocier une question d’intérêt commun. Un gouvernement pourrait vouloir faire quelque chose qui pourrait avoir un impact sur l’autre, alors ils décident de le construire ensemble pour que ce soit la meilleure solution commune. Ce n’est pas un processus de consultation.
Le deuxième point que je veux soulever, c’est qu’il ressort clairement du plan d’action qu’il y a beaucoup de confusion entre les différents ministères. Il n’y a pas d’approche pangouvernementale à cet égard. Le terme est mentionné 78 fois, comme je l’ai dit, et il y a 58 mentions différentes de lois qui seront élaborées, révisées ou créées, ou quelque chose du genre. Selon le ministère qui prend l’engagement ou le projet de loi envisagé, l’engagement va essentiellement de la tentative d’apporter des modifications qui pourraient viser à bâtir un monde potentiellement meilleur jusqu’à l’élaboration conjointe complète. Il n’y a pas de cohérence sur le plan de l’engagement à élaborer des lois ensemble. Il ne faut pas oublier que, en tant que législateurs, vous savez que c’est dans la loi que la volonté se concrétise. C’est là que les gouvernements respectent leur engagement et confèrent des pouvoirs. Si ce n’est pas dans la loi, cela ne se réalise pas. Voilà pourquoi l’élaboration conjointe, en particulier en ce qui concerne la législation, et le fait de bien préciser clairement quand la loi s’applique et quand nous allons le faire, est incroyablement importante. L’idée devrait être que, si vous avez l’intention d’avoir une incidence sur les droits, alors, très bien, tenez des consultations, mais, si vous voulez élaborer des lois ou des politiques ou aborder des questions d’intérêt commun, utilisez l’élaboration conjointe.
Le troisième élément que je veux mentionner est le fait qu’en ce qui concerne l’élaboration conjointe de lois en particulier, comme je l’ai dit, j’ai participé à l’élaboration conjointe de six lois distinctes dans diverses régions du pays. Nous nous heurtons constamment à la question du privilège du Cabinet, de divers renseignements confidentiels du Cabinet et de diverses formes de privilège. Il faut faire beaucoup plus de recherche sur la façon dont ces protocoles peuvent être adaptés de manière à traiter d’une relation de gouvernement à gouvernement avec les peuples autochtones dans la rédaction. Par exemple, les négociateurs du gouvernement commencent par recevoir un mandat du Cabinet. Ce mandat établit les paramètres des discussions. Dès lors, on a dévié de la voie de l’élaboration conjointe. Il faut permettre aux gouvernements de discuter ensemble de leurs objectifs avant l’obtention d’un mandat, puis de présenter conjointement une demande de mandat au Cabinet. Les problèmes de confidentialité surviennent, et je peux vous donner un certain nombre d’exemples. Je n’utiliserai pas mon temps pour vous les donner, mais nous pourrons en parler pendant la période des questions, si cela vous intéresse.
Le dernier point que je veux soulever, c’est que tout cela est une question de volonté politique. Je peux vous dire que ma toute première participation à tout ce qui a trait à l’élaboration conjointe a été la rédaction conjointe de lois dans les Territoires du Nord-Ouest, ce qui, le Canada l’affirme encore à ce jour, est impossible parce que cela contreviendrait à la règle voulant que le ministère de la Justice soit le seul endroit où les lois peuvent être rédigées. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le ministère de la Justice et tous les gouvernements autochtones, leurs avocats et un rédacteur neutre se sont réunis et ont rédigé des projets de loi, et tout le monde a participé à la rédaction. En tout respect, je ne suis pas d’accord avec le Canada à ce sujet, et je dis que nous pouvons le faire, en fait. C’est là que cette rédaction conjointe doit avoir lieu, mais il faut faire plus de recherche dans le contexte fédéral canadien sur la façon de modifier le statu quo de toutes ces règles de longue date qui pourraient utiliser des choses comme des ententes de confidentialité ou d’autres outils qui permettraient d’éliminer ces obstacles coloniaux du passé à la création, de gouvernement à gouvernement, d’outils qui favoriseront la réconciliation et la concrétisation de la promesse ultime de la DNUDPA.
Je vais m’arrêter là, et j’ai hâte de répondre à toutes les questions que vous pourriez me poser. Merci.
Le président : Merci, madame Phare.
Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs, et je vais commencer.
Monsieur Belanger, selon vous, quelles mesures supplémentaires le plan d’action devrait-il comprendre afin de mieux répondre aux besoins des Autochtones handicapés et de respecter leurs droits, et quelles améliorations le gouvernement fédéral devrait-il apporter pour mieux mobiliser cette population dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation continues du plan d’action?
M. Belanger : Je vous remercie de poser la question.
Je pense que j’ai abordé le sujet dans mes propos, et d’autres témoins en ont parlé également. Il faut que ce soit une approche pangouvernementale. Il ne peut pas être géré par un seul ministère ou par deux ou trois ministères qui cherchent à s’assurer que les Autochtones handicapés se font entendre et qu’on donne suite à leurs recommandations. Le gouvernement a de la difficulté à cet égard, à tendre la main aux Autochtones handicapés, en laissant souvent aux dirigeants communautaires ou aux organisations représentatives le soin de s’en occuper au lieu de se rendre jusqu’à la base. C’est une recommandation que d’autres et nous-mêmes formulons toujours, à savoir qu’il doit y avoir une mobilisation communautaire auprès des membres qui vivent avec un handicap afin qu’ils puissent se faire entendre.
Lorsque nous travaillons auprès d’une population qui vit dans la pauvreté systémique et qui a souvent un accès limité aux communications ou même une connaissance limitée des événements organisés par le gouvernement fédéral lorsqu’il s’agit de mobilisation ou de consultation — peu importe comment on l’appelle à ce moment-là —, il est difficile pour les gens de participer. Le gouvernement doit déployer un effort concerté afin de joindre les Autochtones dans les communautés des Premières Nations et inuites et les Métis dans les centres urbains et ruraux, et il doit le faire concrètement.
Merci.
La sénatrice White : J’ai trois questions, une pour chacun des témoins. Je ne sais pas si j’en aurai le temps, mais je vais commencer.
Monsieur Belanger, dans votre exposé, vous avez recommandé que nous mettions sur pied un conseil consultatif sur les handicaps, et cette idée m’intéresse beaucoup. Selon vous, à quoi ressemblerait ce conseil? Plus important encore, comment s’inscrirait-il dans le plan d’action en ce qui a trait à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones pour ce qui est de veiller à ce que vos préoccupations et les besoins des personnes handicapées soient pris en compte? Pouvez-vous nous donner quelques explications à ce sujet?
M. Belanger : Absolument.
Je pense que l’on pourrait créer un comité pour l’ensemble du gouvernement ou au sein de chaque ministère, et je ne pense pas qu’il ne devrait y avoir aucun ministère qui n’envisage pas l’établissement d’un comité consultatif autochtone sur les handicaps.
Comme nous l’avons constaté partout au Canada dans le secteur fédéral, les Autochtones handicapés ne participent pas adéquatement à un certain nombre de choses. Rien dans la DNUDPA ne les exclut. Comme dans la plupart des cas, la DNUDPA comprend le « et » les Autochtones handicapés. Il n’y a pas beaucoup de contenu portant sur les situations de handicap dans la déclaration en soi, et c’est une erreur. C’est là que nous avons l’occasion de nous assurer que les peuples autochtones ont leur mot à dire sur toutes les mesures que prend le gouvernement et sur la conception de toutes les lois futures et de la déclaration en soi. Si nous ne le faisons pas, comment pourrons-nous avoir quelque chose qui soit représentatif des Autochtones handicapés?
Nous ne pouvons pas nous en remettre aux dirigeants. Nous ne pouvons pas nous en remettre à des organisations comme la nôtre. Nous avons besoin de gens qui possèdent une expérience concrète et qui peuvent parler des obstacles auxquels ils font face et aller de l’avant, qu’il s’agisse de la conception conjointe d’un processus lorsque nous envisageons d’adapter la loi ou d’en créer une nouvelle… Cette collaboration n’a pas eu lieu. Lorsqu’elle se produit, ce n’est que très rarement, et nous avons des comités consultatifs sur les handicaps dont un seul membre est autochtone — peut-être —, et c’est un problème, parce que cette représentation nous fait défaut dans l’ensemble du gouvernement fédéral.
Si cette déclaration doit vraiment être une initiative pangouvernementale, alors nous devons amener les Autochtones handicapés à se faire entendre dans tous les ministères, et il faudra respecter ce qu’ils ont à dire et y donner suite.
Merci.
La sénatrice White : Madame Nowgesic, votre exposé m’a beaucoup intéressée, ainsi que le fait que vous avez souligné que c’est le système qui est raciste, et non les gens. Je pense que cela en dit long sur la société en général. Je suis curieuse de savoir quel est votre meilleur conseil, selon vous? De quelles ressources aurions-nous besoin pour nous assurer que les écoles de soins infirmiers peuvent offrir des compétences culturelles de façon efficace et significative afin que nous puissions briser le système et être les gens que nous sommes?
Mme Nowgesic : Nous le faisons actuellement. Nous travaillons avec les facultés de sciences infirmières de tout le pays pour vraiment les encourager fortement à insérer du contenu autochtone dans leurs programmes d’études de premier cycle et des cycles supérieurs. Ces niveaux correspondent au premier cycle du savoir infirmier autochtone et, de même, aux cycles supérieurs.
Ce que nous devons faire, c’est défaire ce qu’on leur a enseigné, c’est-à-dire une façon de faire très britannique, et inclure d’autres images que celle que nous connaissons de Florence Nightingale. Je n’ai qu’à donner cet exemple, et tout le monde se met à rire. Ce que je veux vraiment dire, c’est que l’on doit également se demander, lorsqu’elle se tenait devant cette fenêtre avec cette lampe, qui se trouvait à l’extérieur et allait chercher des herbes et des médicaments? C’était probablement une gardienne du savoir traditionnel, une personne ayant des modes de connaissances autochtones.
Nous devons être en mesure de trouver des façons de faire appel au secteur actuel du leadership dans la profession infirmière du Canada afin de nous attaquer à ce problème. Ces gens n’ont pas les réponses. Si nous tentons de nous adresser à eux pour leur apporter des connaissances en soins infirmiers autochtones, ils nous regardent comme un chevreuil qui fixe les phares d’une voiture, et je me dis que ce n’est pas sorcier. Cela fait des années que nous vous disons comment nous voulons le faire, et que nous voulons le faire avec vous... non pas sans vous, mais avec vous.
En examinant les programmes cliniques du Nord et en les réinstaurant, en étudiant les connaissances organisationnelles de nos infirmières qui ont quitté la population active et en disant : « Voici ce que les infirmières doivent faire; voici comment elles doivent se préparer à une pandémie; voici comment elles doivent examiner l’équipement de protection individuelle », sans instiller la peur dans nos collectivités... Comment pouvons-nous aussi prévoir du temps afin que les gens de la communauté puissent venir à la table pour expliquer leurs besoins importants dans leur langue?
Merci.
La sénatrice White : Madame Phare, j’ai trouvé votre exposé sur l’élaboration conjointe et les documents confidentiels du Cabinet très intéressant, et je sais de quoi vous parlez, du fait que j’ai une certaine expérience de ce que le gouvernement fédéral considère comme des documents confidentiels et des privilèges du Cabinet et de l’élaboration conjointe. Je ne sais pas si c’est vraiment d’élaboration conjointe qu’il s’agit lorsque nous la regardons d’un point de vue autochtone. Cela dit, ma question est la suivante : le Plan d’action est-il un bon plan à adopter pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones?
Mme Phare : Je dirais que oui, à une réserve près. Si vous considérez l’élaboration conjointe comme étant ce que les peuples autochtones ont dit, « rien ne se fera à notre sujet sans nous » — c’est le cœur de Willie Littlechild —, il s’agit de travailler ensemble, alors il faut définir la façon de travailler ensemble. Ce qu’on a fait, c’est dire que l’élaboration conjointe est une bonne chose. On l’interprète comme supposant de la collaboration et un partenariat, et ce sont de bonnes choses. Le problème tient au fait que c’est très confus. Nous sommes en train d’effectuer la transition pour déterminer ce que signifie l’élaboration conjointe, et je crains qu’on en soit au statu quo, c’est-à-dire que nous ne voulons rien changer à notre façon de mener nos activités, mais nous voulons simplement mieux consulter. De fait, ce n’est pas le cœur de l’élaboration conjointe. Le cœur de la collaboration, c’est que nous nous présentons à la table d’égal à égal, que nous nous reconnaissons les uns les autres, de gouvernement à gouvernement, et que nous bâtissons ce que nous devons bâtir ensemble. Ce pourrait être votre loi ou ma politique, mais, si nous l’élaborons en collaboration, elle deviendra quelque chose que nous appuyons tous. C’est là qu’il y aura une véritable réconciliation.
À l’heure actuelle, il y a une énorme confusion dans le Plan d’action quant à la façon d’utiliser l’élaboration conjointe, aux moments où l’utiliser et à ce qui est censé être fait. Il faut faire une tonne de travail pour expliquer clairement qu’elle s’applique à tout le monde, dans quel contexte on l’utilise et pourquoi. Ensuite, il faudra changer des éléments clés concernant les moments où les peuples autochtones peuvent participer. Si le processus relatif aux mandats et celui lié aux mémoires au Cabinet demeurent les mêmes et que tout reste exactement pareil, il n’y aura pas de différence. Ce n’est qu’une plus grosse boucle sur cette boîte très limitative. Je pense qu’il est bien jusqu’à présent, mais que nous avons encore du travail à faire.
La seule autre chose que j’ai à dire au sujet de l’élaboration conjointe, c’est qu’il y a un certain nombre d’exemples… je participe personnellement à 11 situations différentes où l’on traite dans le détail de la manière de bien faire l’élaboration conjointe. On tire beaucoup de leçons. Selon moi, on pourrait faire beaucoup de recherches sur les façons de tirer parti de ces exemples et d’autres pour s’attaquer aux obstacles coloniaux qui existent encore. Merci.
La sénatrice Coyle : Je remercie tous nos témoins. J’ai plus d’une question à poser, alors je vais essayer d’être brève.
Monsieur Belanger, merci beaucoup pour le travail que vous faites. Nous sommes au courant. Vous êtes de bons communicateurs. Nous entendons parler de votre travail.
Nous avons abordé la contribution limitée ou le fait qu’il n’y pas eu de contribution significative au projet de loi sur l’aide médicale à mourir. La Prestation canadienne pour les personnes handicapées a suscité une énorme déception. Comme vous l’avez dit, la DNUDPA paraît bien sur papier, mais... et vous nous avez adressé des recommandations vraiment importantes. Je me pose deux questions au sujet des recommandations que vous avez formulées aujourd’hui.
Premièrement, avez-vous envoyé ou adressé ces recommandations au gouvernement? Dans l’affirmative, à qui, au gouvernement?
Deuxièmement, au sein des organisations détentrices de droits autochtones du Canada... je présume que ces organisations détentrices de droits sont très désireuses de représenter également les droits des Autochtones vivant avec un handicap. Pouvez-vous nous dire comment pourrait fonctionner, ou comment fonctionne actuellement la relation entre votre organisation, ses membres et ces organisations détentrices de droits autochtones nationales au Canada?
Alors, la première question porte sur le gouvernement, et la deuxième, sur les gouvernements autochtones.
M. Belanger : Je vous remercie pour les questions, madame la sénatrice.
Nous avons transmis la plupart des recommandations au gouvernement ainsi qu’au Sénat. Il y a quelques années, nous avons fait parvenir au premier ministre et aux chefs de chaque parti politique notre proposition d’inscrire la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées dans la loi canadienne. Comme vous le savez peut-être, nous avons reçu le soutien du Sénat, qui a appuyé cette recommandation auprès du premier ministre et du Cabinet. D’autres recommandations que nous avons présentées ont également été transmises au gouvernement, par l’entremise de Services aux Autochtones Canada ou d’Emploi et Développement social Canada — selon le cas —, ainsi qu’à des entités provinciales.
En ce qui concerne les organisations de leadership, nous travaillons avec un grand nombre d’entre elles, plus avec certaines qu’avec d’autres. Nous travaillons de temps à autre avec l’Assemblée des Premières Nations sur un certain nombre de questions, et nous lui soumettons diverses résolutions. Étant donné qu’il s’agit d’un organe politique et que nous sommes davantage une organisation communautaire, certains de nos points de vue sont souvent différents en ce qui a trait aux situations de handicap. Nous voulons plus entendre l’opinion des gens que nous servons et ce que les gens de la base ressentent, mais c’est la vie sur le terrain au sein de la collectivité. Nous travaillons avec la nation métisse, surtout ici, en Colombie-Britannique. Nous avons travaillé avec l’ITK, ainsi qu’avec le Congrès des peuples autochtones, ou CPA. Nous venons tout juste d’avoir une réunion avec le CPA et avons assisté au Sommet national sur l’accessibilité du transport aérien qui a eu lieu à Ottawa il y a environ une semaine. Nous avons également eu plusieurs occasions de travailler avec l’Association des femmes autochtones du Canada.
Nous entretenons ces relations, et chacune de ces organisations accorde une certaine priorité à ses membres handicapés. Je ne pense pas que ce soit suffisamment prioritaire pour la moindre d’entre elles, et je ne pense pas non plus que ce soit suffisamment prioritaire pour le gouvernement fédéral, ni pour ou les gouvernements provinciaux ou territoriaux, en ce qui concerne les Autochtones en situation de handicap. Les Autochtones ont tellement de priorités par rapport à tellement d’autres choses que les handicaps sont souvent mis de côté. C’est pourquoi nous avons besoin d’en faire une priorité. Mais, même au sein du gouvernement fédéral, il n’existe presque pas de programmes destinés aux Autochtones. Si on regarde le projet à l’intention des personnes handicapées, je crois que nous disposons d’un portefeuille d’un million de dollars pour 635 Premières Nations au Canada, alors le financement et le soutien sont très limités, et il est souvent difficile de vraiment soulever ce problème lorsqu’on doit gérer toutes les autres priorités et pressions auxquelles les dirigeants font face au sein des collectivités. Mais oui, nous travaillons avec ces organisations pour tenter de faire avancer les choses.
La sénatrice Coyle : Madame Nowgesic, tout ce que vous aviez à dire m’a intéressé. Cela semble être un moment vraiment important pour ce qui est de la possibilité d’influencer le changement et de renforcer les capacités dans ces écoles de soins infirmiers, qui sont essentielles pour le personnel infirmier partout au Canada. Vous avez aussi beaucoup parlé de l’utilisation des connaissances traditionnelles, et cetera.
Je ne suis pas certaine de vous avoir entendue le dire — ou peut-être que j’essaie seulement de l’entendre —, mais j’ai déjà travaillé avec des groupes qui tentent de faire le pont entre les deux mondes comme vous le faites. Ils essaient de mettre en œuvre ce qu’on appelle la « double perspective ». Est-ce également pertinent par rapport au travail que vous faites? Si vous savez ce que j’entends par « double perspective », est-ce quelque chose que vous tentez d’influencer dans les écoles de soins infirmiers?
Mme Nowgesic : Pour ce qui est de faire le pont, les ponts ont tendance à s’effondrer, et l’interprétation de l’approche à double perspective que l’aîné Marshall nous a donnée a été mal communiquée plusieurs fois. Lorsque nous voyons cette approche à la table, nous sommes tout à fait certains que les responsables n’ont pas fait les choses correctement, alors nous devons recommencer et reconstruire le pont. Qu’est-ce que vous n’avez pas compris? Quel aspect de ce concept n’avez-vous pas saisi? Comment allez-vous être en mesure de créer ce genre d’environnement d’apprentissage?
Lorsque nous envisageons de faire adopter ces approches traditionnelles, je dois être plus précise. Elles doivent être axées sur les régions. Ce qui se passe en Colombie-Britannique ne s’applique pas à ce qui arrivera aux Micmacs, aux Malécites, aux habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, aux habitants du Nunavut et à tous les autres. Il faut adopter une approche différente à ces endroits, et il faut la mesurer à l’aide des indicateurs qui ont un lien avec nos gens ou qui les interpellent.
Cela dit, l’un des obstacles auxquels nous faisons face dans le cadre de notre étude visant à savoir comment la profession infirmière participera à la mise en œuvre des droits énoncés dans la déclaration, c’est le fait de s’assurer que, lorsque les jeunes auront terminé leur programme de soins infirmiers, ils pourront retourner dans leur collectivité au lieu d’être pris dans le piège de se faire dire qu’ils n’ont pas l’expérience nécessaire ou qu’ils ne peuvent pas aller travailler tout de suite. Il y a le National Council Licensure Examination, le NCLEX; il faut s’en débarrasser. Cet examen crée des obstacles et des limites pour nos jeunes et nos étudiants francophones. Nous devons éliminer certaines de ces pratiques.
Alors, la double perspective n’est qu’une approche dans la pratique traditionnelle, et il y en a beaucoup d’autres. Il y a la roue de médecine, les valeurs sociétales des Inuits, et cetera. Les gens de la Colombie-Britannique et la population de Haida Gwaii adoptent des approches semblables dans leurs enseignements en fonction de la spécificité régionale dont ils ont besoin pour leur peuple. Par conséquent, même les traitements et l’enseignement doivent refléter les besoins des gens.
Merci.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup pour cette réponse.
Madame Phare, je suis curieuse. La question de l’élaboration conjointe est assez fondamentale. Elle a été soulevée ici à maintes reprises. Lorsque je siégeais au Comité sur l’Arctique, elle l’a été alors que nous étions dans les Territoires du Nord-Ouest, lors de cette discussion au sujet de la nécessité que tout le monde contribue à la rédaction, que ce ne soit pas qu’une personne qui rédige le projet de loi, mais la question de participer à la rédaction a été soulevée à ce moment-là.
A-t-on fait des recherches sur les pratiques exemplaires en matière d’élaboration conjointe? Y a-t-il des recherches en cours qui portent sur ce dont nous parlons, c’est-à-dire une élaboration conjointe véritablement authentique, de la façon dont vous l’expliquez et dont elle a été mise en pratique, comme vous l’avez dit, dans les Territoires du Nord-Ouest et peut-être dans d’autres administrations?
Mme Phare : Il y a ce qu’on appelle la contribution de tous à la rédaction, et c’est ainsi que l’élaboration conjointe m’a été décrite au début, et, oui, il y a des recherches. Le POLIS Institute a publié un document sur la gouvernance écologique. J’ai été l’une des auteurs de ce document — qui s’intitulait Collaborative Consent — il y a quelques années.
Mon organisation, le CARE, a préparé un résumé des modèles d’élaboration conjointe que nous n’avons pas publié officiellement, mais je pourrais probablement vous le faire parvenir. Nous avons examiné tous les exemples que nous avons pu trouver et avons vérifié quelles étaient les caractéristiques distinctives et les meilleures choses qui avaient été faites à cet égard. Nous avons effectué cette recherche parce que nous sommes des praticiens. Nous participons à des processus d’élaboration conjointe, et nous tentons d’obtenir la forme de relation la plus substantielle que nous puissions trouver. Nous butons contre les détails concernant la localisation des obstacles. Dans la mesure où ce serait utile, nous pourrions voir si nous pouvons vous l’envoyer, mais cette dernière partie n’a pas été publiée officiellement. Nous pensons toutefois qu’il faudra publier quelque chose officiellement.
J’ai été conseillère juridique pour l’Assemblée des Premières Nations au sujet du projet de loi C-61, et je crois qu’elle aussi a produit un énoncé des principes de l’élaboration conjointe ou de choses connexes.
La section sur les Métis du plan d’action contient un engagement de Justice Canada et de divers ministères et organismes. On dit qu’il faut :
[...] élaborer conjointement des processus de nation à nation et de gouvernement à gouvernement pour l’élaboration conjointe d’initiatives législatives et réglementaires [...]
C’est un engagement parfait, mais il ne figure que dans la section sur les Métis. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas simplement l’engagement du Canada, dirigé par le ministère de la Justice, pour que ce soit clair, envers toutes les nations autochtones. Le libellé pourrait être légèrement différent pour chacun, évidemment, en fonction des distinctions, mais c’est l’engagement qui est nécessaire pour que tous les ministères suivent une approche cohérente avec un raisonnement qui soit clair pour les gens de l’extérieur.
C’est une longue réponse. Si vous voulez que je vous envoie des documents, je pourrai le faire.
La sénatrice Coyle : Nous en serions ravis.
Le président : Si vous le pouvez, ce serait formidable, madame Phare.
Vous avez donné un exemple des Territoires du Nord-Ouest. En quoi l’élaboration des lois diffère-t-elle en Colombie-Britannique?
Mme Phare : Le processus législatif est le même. Il y a la partie interne, parrainée par le gouvernement, où le ministre parrain, habituellement investi d’un mandat du Cabinet, décide qu’un objectif législatif sera atteint. Il y a ensuite le processus parlementaire externe, ou le processus législatif, qui comprend la première, la deuxième et la troisième lecture. L’élaboration conjointe modifie la première partie, mais pas la deuxième. Les Territoires du Nord-Ouest et la Colombie-Britannique ont la même structure. Tout le monde a la même structure, essentiellement. La différence, c’est que les Territoires du Nord-Ouest peuvent être un peu plus souples, peut-être qu’ils sont un peu plus petits, mais la solution réside dans les directives données par le Cabinet pour que l’on procède d’une certaine manière et selon lesquelles nous voulons que l’élaboration se fasse conjointement. Lorsque j’ai participé à l’élaboration conjointe dans le Nord, c’est ce que le Cabinet a fait. Il a donné au ministre la permission d’élaborer les projets conjointement, et c’est exactement ce qu’il faudrait en Colombie-Britannique. Je pense que c’est ainsi que les choses se sont passées en grande partie. L’exemple de la Colombie-Britannique auquel j’ai participé a été la création d’une table de cogestion sur l’eau douce, dont j’ai été la facilitatrice de la création. C’était une directive du Cabinet.
Le président : Merci, madame Phare.
Voilà qui nous amène à la fin de notre tour de table. Je remercie encore une fois tous nos témoins d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Si vous souhaitez présenter d’autres mémoires, n’hésitez pas à le faire auprès de notre greffière dans les sept prochains jours. Nous serons heureux de recevoir tout ce que vous nous enverrez.
Voilà qui met fin à notre réunion.
(La séance est levée.)