LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mercredi 29 mai 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur des éléments des sections 25 et 26 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, avant que nous commencions, j’aimerais demander aux honorables sénatrices et sénateurs ainsi qu’à toutes les personnes qui participent en personne de bien vouloir consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices sur la prévention des incidents de rétroaction acoustique. Je vous demanderais de respecter les mesures de prévention suivantes, que nous avons mises en place afin de protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes. Dans la mesure du possible, asseyez-vous de manière à augmenter la distance entre les microphones. Utilisez seulement une oreillette noire approuvée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Évitez d’approcher votre oreillette des micros en tout temps. Si vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la face à l’envers sur l’autocollant sur la table prévu à cette fin. Merci à tous de votre coopération.
Tout d’abord, j’aimerais souligner que nous nous réunissons sur le territoire ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe, où vivent aujourd’hui nombre d’autres peuples des Premières Nations, Métis et Inuits, venant de partout sur l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis, originaire d’Epekwitk, aussi appelé Île-du-Prince-Édouard. Je suis aussi le président du comité des peuples autochtones.
Je vais maintenant demander aux membres du comité qui sont présents de bien vouloir se présenter en se nommant et en précisant leur province et territoire.
Le sénateur Arnot : Sénateur David Arnot, de la Saskatchewan.
La sénatrice Hartling : Sénatrice Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick, du territoire non cédé du peuple mi’kmaq.
La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, du parc national Banff, en Alberta, du territoire du Traité no 7.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, de Mi’kma’ki.
La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, originaire du territoire du Traité no 6.
Le sénateur Prosper : P. J. Prosper, de la Nouvelle-Écosse, du territoire des Mi’kmaqs.
Le président : Aujourd’hui, nous reprenons d’abord notre étude sur la teneur des éléments des sections 25 et 26 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.
Sur ce, j’aimerais maintenant vous présenter nos témoins. Nous accueillons Mme Sharleen Gale, cheffe et présidente du conseil d’administration; et M. Shaun Fantauzzo, vice-président, Politique, tous deux de la Coalition de grands projets des Premières Nations. Merci d’être avec nous aujourd’hui. La cheffe Gale présentera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, puis nous passerons à la période de questions des sénateurs. J’inviterais la cheffe Gale à présenter sa déclaration préliminaire.
Sharleen Gale, cheffe et présidente du conseil d’administration, Coalition de grands projets des Premières Nations : Bonsoir, honorables sénatrices et sénateurs.
Avant tout, je tiens à souligner que nous nous trouvons sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinaabe, et je le remercie de me permettre de faire mon travail ici cette semaine.
Je m’appelle Sharleen Gale, et je suis la cheffe de la Première Nation de Fort Nelson ainsi que la présidente de la Coalition de grands projets des Premières Nations. Je suis accompagnée aujourd’hui de M. Shaun Fantauzzo, vice-président, Politique, de la Coalition de grands projets des Premières Nations, la CGPPN.
En témoignant devant le comité pour présenter mon point de vue sur la façon de structurer le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones et afin qu’il puisse porter ses fruits, j’ai l’impression d’avoir bouclé la boucle.
En 2017, j’ai témoigné pour la première fois devant le comité pour donner des explications sur l’analyse de rentabilité montrant pourquoi nos nations avaient besoin de garanties de prêts du gouvernement pour faciliter leur accès aux capitaux. Bien avant cela, votre comité avait mentionné l’utilisation des garanties de prêts du gouvernement dans un rapport de 2008 sur le développement économique, intitulé Partager la prospérité du Canada : un coup de main, pas la charité, réalisé sous la direction des anciens sénateurs St. Germain et Sibbeston.
Nos membres nationaux, qui représentent 165 Premières Nations du Canada, ont déjà réclamé la mise en place d’un programme fédéral de garantie de prêts pour les Autochtones selon une approche sectorielle neutre. Nous appuyons les mesures prises par le gouvernement du Canada dans le budget 2024 pour l’établissement de ce programme.
Ce programme représente une étape concrète pour aider nos nations à surmonter les obstacles que la Loi sur les Indiens a imposés à notre peuple en nous empêchant de jouer un rôle de premier plan dans l’économie canadienne. Le fait de permettre aux nations autochtones d’agir en tant que co-investisseurs et copromoteurs donnera une plus grande assurance que le consentement a été accordé pour un projet donné, réduisant ainsi les risques associés aux grands projets et renforçant l’économie du Canada.
Le concept des programmes de garantie de prêts n’a rien de nouveau. Le Programme de garanties d’emprunts pour les Autochtones de l’Ontario a été lancé en 2009, et l’organisme Alberta Indigenous Opportunities Corporation a été établi en 2019. Des programmes semblables ont été lancés en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Ensemble, ces programmes ont apporté aux nations autochtones des avantages économiques de l’ordre de centaines de millions de dollars, sans défaut.
Selon nos propres estimations et celles d’autres acteurs du secteur financier, les garanties de prêt permettent une réduction de 1,5 à 4 % du coût des emprunts autochtones, dépendamment de la structure du projet. L’incidence financière des garanties de prêt peut totaliser des centaines de millions de dollars au cours de la durée de vie de la participation au capital.
Nos études montrent que, au cours des 10 prochaines années, on prévoit démarrer 473 grands projets sur des terres autochtones, ce qui représente des investissements de plus 525 milliards de dollars. Il est donc raisonnable d’estimer, suivant les structures d’entreprise habituelles, qu’il pourrait y avoir une prise de participation autochtone d’une valeur de plus de 50 milliards de dollars, qui nécessitera du financement.
Les Premières Nations membres de la CGPPN à elles seuls détiennent 500 millions de dollars en options sur actions liées au financement de quatre projets. Pour chaque projet, des accords ont été conclus avec des partenaires hautement reconnus et méritants, en lien avec des actifs à tarif réglementé. Il s’agit là de bonnes affaires pour nos membres et de structures solides pour les garanties financières du Canada.
La CGPPN recommande fortement au gouvernement de prioriser quatre enjeux au moment de mettre en œuvre le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones.
Premièrement, il faut continuer de soutenir le développement des capacités. Pour que les Premières Nations puissent donner leur consentement libre, préalable et éclairé à leur participation à des projets, il leur faut des capacités autant externes qu’internes. Le gouvernement et le secteur privé doivent s’engager à fournir les fonds nécessaires pour ces capacités. Les 3,5 millions de dollars alloués à la diligence raisonnable sont un début, mais nous soulignons qu’une somme de 3,5 millions de dollars, par rapport à des garanties de prêts participatifs de 5 milliards de dollars, ne sera tout simplement pas suffisante. Le Canada doit investir directement dans la préparation des entreprises des Premières Nations, de manière à les soutenir dès le début de l’accord jusqu’à la clôture des comptes, et pas seulement près de la ligne d’arrivée.
Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit mettre le programme en œuvre et commencer à offrir les garanties le plus rapidement possible. Les Premières Nations ont déjà perdu trop d’occasions de participer pleinement à des projets. Le statu quo d’aujourd’hui sera pire que le statu quo de demain, si le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones n’est pas prêt à démarrer. Avant le dépôt du budget, la CGPPN a sondé ses membres nationaux et a appris que plus de 70 % des répondants avaient pour principale préoccupation la lenteur de la mise en œuvre du programme, et pour deuxième préoccupation le décalage entre la structure du programme et les besoins des Premières Nations.
Troisièmement, la tolérance aux risques du Programme de garantie de prêts doit être appropriée, si l’on veut qu’il aide le Canada à atteindre ses cibles en matière de carboneutralité grâce à l’ouverture de mines de minéraux critiques et au soutien accordé aux secteurs émergents comme celui de l’hydrogène. Cette requête s’aligne en outre sur la directive donnée dans le budget 2024 à la Banque de développement du Canada et à Exportation et développement Canada d’assumer plus de risques dans le but d’attirer les investissements dans l’économie.
Quatrièmement, la mission du programme devrait être de soutenir le processus de réconciliation économique avec les nations autochtones en garantissant les accords sur une base strictement commerciale. Ma nation ainsi que d’autres nations membres de la CGPPN ont établi des pratiques pour la négociation d’accommodements relativement aux répercussions sur nos droits, séparément des occasions d’affaires commerciales comme la prise de participation dans une mine, un pipeline ou une ligne de transport d’énergie. Il faudrait surtout, dans le cadre du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, évaluer le besoin d’accéder aux capitaux en fonction de la solidité de l’analyse de rentabilité.
Merci d’avoir invité la coalition à faire part de ses réflexions. Mon collègue et moi-même sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci, cheffe Gale. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
La sénatrice Sorensen : Tout d’abord, c’est un plaisir de vous revoir, et vous avez effectivement bouclé la boucle.
Pouvez-vous me répéter votre troisième point?
Mme Gale : Troisièmement, il faut une tolérance aux risques appropriée, dans le cadre du Programme de garantie de prêts, si on veut que le programme aide le Canada à atteindre ses cibles de zéro émission nette.
La sénatrice Sorensen : Ma question est davantage de nature procédurale, car je veux m’assurer de bien comprendre lorsque nous invitons des témoins à nous parler du sujet. Je vous remercie d’avoir formulé ces quatre commentaires; je pense qu’ils sont très importants. Monsieur le président, comment ces commentaires figureront-ils au compte rendu, de façon que l’on sache qu’ils ont été pris en considération dans les recommandations que nous formulerons à la lumière des témoignages?
Le président : Ils feront partie des témoignages. Il s’agit d’information publique.
La sénatrice Sorensen : Le gouvernement peut les voir?
Le président : Oui.
La sénatrice Sorensen : Je n’ai pas de question à poser, mais pouvez-vous me confirmer que, dans l’ensemble, vous êtes satisfaite du Programme de garantie de prêts? Les préoccupations concernent l’avenir, c’est-à-dire sa rapidité, son suivi et le moment où, concrètement, il sera mis en œuvre, n’est‑ce pas?
Mme Gale : Une de mes préoccupations tient au fait qu’il faut s’assurer que ce processus soit dirigé par des Autochtones, par notre peuple, afin qu’il réponde aux besoins de nos collectivités et que nous puissions l’exécuter de manière à conclure des accords commerciaux qui suivent le rythme des entreprises.
Une chose qui me préoccupe, c’est l’intégration d’accommodements dans ce processus, parce que, à notre avis, il s’agit de deux processus distincts. Je pense qu’il est important de le reconnaître et de veiller à ce que cela n’arrive pas.
La sénatrice Sorensen : Cela nous ramène à d’autres réunions que nous avons eues à propos de la mise en œuvre de ce processus. Puis-je vous demander d’expliciter, aux fins du compte rendu, quels sont les obstacles pour les Premières Nations qui cherchent des investissements en capitaux, et en quoi ces obstacles sont-ils différents de ceux des non-Autochtones? J’aimerais aussi que vous nous parliez de certains des projets dont vous avez connaissance et que ce programme aidera immédiatement, que ce soit dans votre propre communauté ou ailleurs. Peut-être que M. Fantauzzo est au courant de certains autres projets à l’échelle nationale.
Mme Gale : Il y a deux obstacles principaux pour les Premières Nations : l’accès abordable aux capitaux et la capacité. En raison de l’article 89, il a été difficile pour nos nations de participer à l’économie parce que nous ne pouvions pas emprunter de l’argent à faible taux d’intérêt et que nous ne pouvions pas offrir nos actifs en garantie. La plupart de nos nations n’ont pas de bilans très solides. Nous avons conclu de mauvais marchés, dans le passé. Beaucoup de choses qui ont été mises en place sous le régime de la Loi sur les Indiens nous ont exclus de ce processus. Je dirais qu’il s’agit absolument des deux principaux obstacles.
Cela a été très difficile, pour nous, de ne pas pouvoir participer pleinement à ces projets et de ne pas avoir les capacités technique, commerciale, juridique et financière nécessaires pour prendre des décisions éclairées. C’est en travaillant avec la CGPPN que nous avons été en mesure de fournir les informations à nos membres pour qu’ils prennent des décisions éclairées.
La sénatrice Sorensen : Avez-vous des commentaires à faire sur les projets qui, vous en êtes certaine, sont prêts à démarrer?
Shaun Fantauzzo, vice-président, Politique, Coalition de grands projets des Premières Nations : Merci, madame la sénatrice.
Comme la cheffe Gale l’a dit, nous avons des prises de participation représentant environ 500 millions de dollars dans les projets qui seront prêts à démarrer dans les 12 à 18 prochains mois. Le projet le plus marquant est celui de Coastal GasLink, que 12 de nos membres ont négocié il y a quelques années. Le projet est presque prêt et il lui faudra bientôt du financement. Les autres projets qui sont prêts à démarrer concernent des lignes de transport d’énergie. Il y a aussi un projet éolien.
Au début de l’année, nous avions environ 10 projets, et nous en avons à présent 17, dans notre portefeuille, qui commencent à émerger et atteindre la maturité. Aujourd’hui, nous disons trois ou quatre, mais, dans les neuf ou dix prochains mois, ce pourrait être cinq, six ou sept.
La sénatrice Sorensen : Merci, cheffe.
La sénatrice Coyle : Merci aux témoins d’être avec nous.
J’ai l’impression que vous approuvez cette composante du budget, comme nous le devrions tous, je pense, mais d’après ce que je comprends, vous avez deux préoccupations : il faut que les choses soient bien faites, et il ne doit pas être indépendant.
La nouvelle filiale de la Corporation de développement des investissements du Canada qui sera créée aux fins du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, en vertu de la section 25 du budget, comme vous l’avez dit, est une bonne chose, mais ce n’est pas suffisant; vous vous préoccupez de sa mise en œuvre et vous vous demandez si la mise en œuvre elle-même sera dirigée par les Autochtones. Avez-vous réfléchi à quoi que ce soit d’autre, relativement à la mise en œuvre de cette composante particulière du budget, qui devrait être ajouté, selon vous? Est-ce que vous ou d’autres personnes avez contribué au processus de développement de cet élément? Comment s’est déroulé ce processus? Avez-vous été consultés? Comment cela s’est-il passé? Si vous avez été consultés, est-ce que le résultat ressemble à celui que vous envisagiez? Dans le cas contraire, en quoi est-il différent? Tout a l’air correct sur papier, mais à présent, comment faisons-nous pour que cela porte des fruits?
Mme Gale : Merci de la question, sénatrice. Nous avons eu plusieurs discussions avec des représentants du gouvernement fédéral avant le lancement du programme de garantie.
Je voudrais que le comité sache que cela fait plus de 10 ans que nous, avec nos membres, réclamons vigoureusement un tel programme. Un grand nombre de nos membres fondateurs ont perdu une occasion d’avoir une participation dans un pipeline, parce qu’il leur était impossible de réunir le capital nécessaire à faible taux d’intérêt. Les taux d’intérêt qu’on leur offrait étaient similaires à ceux d’une carte de crédit. Je dois dire qu’il est vraiment laborieux, comme nous le savons tous, d’aller de l’avant, et nous devons tous travailler en partenariat et trouver ensemble une solution afin que les peuples autochtones puissent être propriétaires de ces projets et gérer leurs terres et leurs ressources.
On s’est montré très positif et très favorable à la neutralité sectorielle, à la suite de nos discussions, ce dont nous étions très heureux. Ce que nous voulons, c’est une tolérance aux risques et un programme de garantie de prêts axé sur le commerce.
Un élément qui me préoccupe beaucoup est celui de la capacité. Cela va être un grand défi. L’une des choses que la CGPPN souhaite faire, c’est de veiller, dans le cadre du travail avec une nation, à ce qu’il y ait beaucoup de transfert de connaissances, afin que la nation puisse avoir l’information nécessaire à la réalisation indépendante de ces processus pour son projet suivant. C’est aussi quelque chose de très important. Nous allons continuer de surveiller l’évolution du programme et de soutenir sa mise en place ainsi que ses itérations futures, désormais, et nous serons toujours là pour fournir une rétroaction.
La sénatrice Coyle : Pour revenir aux projets et à la filière de projets, je serais curieuse de savoir comment les projets sont distribués, géographiquement, à l’échelle des divers territoires du Canada.
M. Fantauzzo : Merci de la question, sénatrice.
Quand la CGPPN a vu le jour, en 2017, nous nous concentrions surtout sur la Colombie-Britannique. Une bonne partie des projets de notre filière sont réalisés en Colombie-Britannique, mais à mesure que nous devenions une organisation d’envergure nationale, nous avons commencé à avoir des projets en Ontario, au Québec et sur la côte Est. Je parle seulement pour la CGPPN. Nous commençons à voir des projets émerger à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, au Québec, en Ontario… et dans l’Est de la Colombie-Britannique également. Nous pouvons dire en toute confiance qu’il y a une vaste répartition géographique de projets pouvant bénéficier aux Premières Nations.
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins.
D’après ce que je comprends, la Coalition de grands projets des Premières Nations compte un certain nombre de Premières Nations, dans son organisation, mais au total, les membres de votre organisation disposent de 45 milliards de dollars en tout en immobilisations. C’est beaucoup d’argent. Le plafond du programme devrait être de 5 milliards de dollars, donc 10 % de ce montant. Les sociétés, ou les contributions des Premières Nations nécessitent un capital important, vu la nature de l’investissement requis. À votre avis, est-ce que ce plafond est réaliste?
Certaines des Premières Nations de votre organisation, voire toutes, sont déjà très prospères par définition, et vous êtes prêt à participer à divers projets. Que faites-vous pour aider les autres Premières Nations qui n’en sont peut-être pas encore là? Avez-vous des conseils stratégiques à leur donner? Peut-être que vous êtes prêt, mais il y a plusieurs organisations qui ne le seront pas. Je me demandais simplement quel était votre avis sur les questions que je viens de soulever.
Mme Gale : C’est une très bonne question, sénateur. Merci.
J’ai participé aux activités de la coalition à ses débuts, et tout au long des processus, j’ai pu discuter avec de nombreux leaders d’un bout à l’autre du pays, et l’important, c’était le transfert de connaissances possible quand nous nous réunissons, le partage de notre vécu et des défis que nous avons dû surmonter. Par l’entremise de notre nation, nous avons pu séparer les affaires de la politique, mettre sur pied notre société et constituer un très bon conseil d’administration. Je suis très fière du travail que nous avons pu faire grâce à l’expertise des autres membres de la coalition, simplement en nous réunissant, en échangeant des connaissances et en nous transférant des connaissances les uns aux autres.
M. Fantauzzo : Merci de la question.
Le fait de pouvoir participer au processus de négociation, d’interagir avec l’industrie et les institutions financières, d’avoir une voix lors des discussions, de renforcer les capacités à plus long terme… ce sont toutes des externalités positives de l’apprentissage par l’action, dans le cadre du programme.
Nous avons vu des exemples en Alberta, avec l’organisme Alberta Indigenous Opportunities Corporation, qui regroupe, pourrait-on dire, des Premières Nations très prospères qui participent à ces transactions et qui font appel à d’autres Premières Nations dans le cadre de ces transactions, et ensuite leur prêtent leur expertise, leur leadership et leurs équipes juridiques et financières, et le résultat de tout cela est, bien sûr, le transfert des connaissances dont a parlé la cheffe Gale.
Pour ce qui est de la portée du programme, la ministre des Finances a déclaré publiquement qu’elle serait heureuse de voir le plafond rehaussé à plus de 5 milliards de dollars. Le chiffre que la cheffe Gale a donné plus tôt provient de nos estimations internes, selon lesquelles environ 50 milliards de dollars sont accessibles. Nous y voyons certainement une occasion d’aller au‑delà de 5 milliards de dollars prévus au départ par le gouvernement, mai, nous reconnaissons que le gouvernement veut bien commencer quelque part.
Mme Gale : Nous avons un congrès annuel, chaque année. L’année dernière, nous nous sommes concentrés sur les diverses ententes que différentes Premières Nations négociaient et sur les structures de ces ententes. Nous partageons ces informations non seulement avec nos propres membres, mais aussi avec le gouvernement et l’industrie.
Le sénateur Arnot : Prévoyez-vous établir une sorte de partenariat ou de collaboration avec le gouvernement fédéral, pour vous assurer de réussir?
Mme Gale : Oui, absolument. Je pense que c’est tout à fait avantageux de collaborer, que ce soit des Premières Nations qui travaillent avec l’industrie ou avec le gouvernement, et même, d’après ma propre expérience, quand je travaille avec une entreprise. Nous collaborons présentement avec deux ou trois groupes, et le simple fait d’avoir ce processus de partenariat, d’être avec sa communauté, de participer à une réunion avec la communauté, de discuter du projet, d’avoir notre partenaire à nos côtés quand nous posons des questions à la communauté… À ce moment-là, l’industrie, notre partenaire, notre gouvernement et notre conseil d’administration sont tous réunis à la table de discussion pour parler au gouvernement de notre projet et de la trajectoire que nous voulons explorer ensemble.
Le président : J’aimerais intervenir. J’ai une question pour vous, cheffe Gale. Comme le projet de loi est muet quant aux modalités de la direction autochtone du programme, quels conseils donneriez-vous au gouvernement, en ce qui concerne la gouvernance et le fonctionnement de la nouvelle société?
Mme Gale : À mon avis, je crois que le conseil d’administration devrait être très diversifié. Je crois qu’il faudrait prendre une approche indépendante, axée sur le mérite et accorder une attention toute particulière au recrutement et au maintien en poste de représentants diversifiés, tout particulièrement les représentants autochtones. Je pense que les deux conseils d’administration doivent être composés de cadres supérieurs. Il existe déjà des modèles dont nous pourrions nous inspirer, que ce soit la Coalition de grands projets des Premières Nations ou l’Alberta Indigenous Opportunities Corporation. Il ne fait aucun doute qu’il existe des modèles que nous pourrions examiner pour structurer les conseils.
Le président : Merci.
Le sénateur Prosper : Merci à vous deux d’être venus témoigner devant notre comité pour nous faire profiter de votre expertise.
Je vais essayer de poser trois questions rapidement. Je vais simplement les adresser à vous, cheffe Gale, et bien sûr à M. Fantauzzo.
Premièrement, au sujet de l’approvisionnement des entreprises autochtones par l’Assemblée des Premières Nations, l’APN a adopté pour l’approvisionnement deux résolutions visant la vérification et la certification, dans le seul but de veiller à ce que les fonds se rendent, dans les faits, jusqu’aux entreprises des Premières Nations et, indirectement, aux communautés proprement dites. Je serais curieux de connaître vos réflexions quant à l’identité et à la vérification.
Deuxièmement, vous avez parlé du renforcement des capacités et du transfert des connaissances, des capacités internes et externes, relativement aux 5 milliards de dollars. Je crois que vous avez dit que 3,5 millions de dollars seraient insuffisants. Y a-t-il un pourcentage en particulier qui, selon vous, serait en phase avec ces 5 milliards de dollars?
Troisièmement, vous avez évoqué des enjeux distincts concernant les accommodements selon lesquels les ententes pourraient être fondées sur le mérite. J’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous aimeriez isoler les aspects qui concernent les accommodements. Je pense que cela concernait le besoin de pouvoir transférer des fonds rapidement pour saisir des occasions. J’espère que mes questions sont suffisamment claires pour vous deux.
Mme Gale : Merci.
Il appartient vraiment aux communautés autochtones de décider avec quels partenaires elles veulent s’associer et de décider qui participera ou pas à un accord commercial. L’approvisionnement est un aspect important de tout accord commercial, et je pense que c’est très important, et la Première Nation devrait participer directement à ce processus aussi.
À la CGPPN, nous avons vu des accords commerciaux aller de l’avant, sans aucune participation de la Première Nation la plus touchée. Certaines Premières Nations exercent leur droit de ne pas participer, pour toutes sortes de raisons, et c’est bien leur droit. Le devoir de consulter et les autres enjeux prévus à l’article 35 doivent être traités séparément et de façon distincte.
Le gouvernement fédéral devrait appuyer la participation aux projets sur une base strictement commerciale, indépendamment des négociations du gouvernement ou de l’industrie sur les accommodements, les droits et les obligations juridiques. Si le gouvernement fédéral priorise ces objectifs, le programme de garantie de prêts nous fera faire un énorme pas vers la réalisation de la réconciliation économique avec le Canada.
Pour répondre à votre troisième question sur les capacités, les capacités sont un enjeu de taille. Il faut y consacrer au moins 1,5 à 2 %. D’après ma propre expérience avec Tu Deh-Kah, nous avons reçu 40 millions de dollars en subventions, et une part de 1,2 million de dollars de ce montant allait aux capacités, et cela aurait aidé considérablement s’il y en avait eu un peu plus.
Je suis fière de dire qu’un grand nombre de nos gens sont rentrés à la maison pour diriger ce projet. Quand une communauté voit des occasions à saisir, vous voyez que les gens qui sont partis pour aller à l’université ou pour explorer d’autres possibilités reviennent, et ils commencent à diriger et à élaborer ce genre de projets.
M. Fantauzzo : Sénateur Prosper, merci de la question.
Si vous me le permettez, j’aimerais ajouter un point à propos des capacités, pour faire le lien avec la question du sénateur Arnot également. Tout dépend bien sûr du quantum du programme. Bien évidemment, 1,5 % de 5 milliards de dollars représente quelque chose comme 75 à 100 millions de dollars pour les capacités. Comme la cheffe Gale vient de le mentionner, pour un seul projet, celui de la centrale géothermique Tu Deh-Kah, 1,5 million de dollars ont été dépensés pour les capacités, puisque c’est la part allouée la première année aux capacités, dans le cadre de ce programme. Vous pouvez imaginer à quelle vitesse les coûts s’accumulent pour la diligence raisonnable juridique, financière et commerciale.
Pour répondre à la question du sénateur Arnot à propos du quantum, l’importance réelle des 1,5 % dépend bien sûr du montant connexe : est-ce 5 milliards de dollars, 50 milliards de dollars ou 100 milliards de dollars? Nous voyons des occasions beaucoup plus grandes de participation au capital pour les Premières Nations, et en conséquence, cela veut dire que nous avons besoin de plus pour les capacités.
Le sénateur Tannas : Bienvenue. C’est un plaisir de vous revoir.
Je dois avouer que j’adore quand ces belles grandes initiatives et institutions se présentent devant nous. C’est le travail que vous faites pour fournir des capacités et de l’expertise et faciliter l’échange d’informations importantes qui nous permet d’atteindre nos objectifs, alors merci.
J’ai de la difficulté à comprendre et à bien saisir les garanties d’emprunt, emprunts qui doivent être remboursés et comprennent habituellement un processus dans lequel tout le monde perd tout, avant que la garantie de prêts entre en jeu. Il y a un décalage inhérent dans cette pratique, d’après ma propre expérience d’emprunt pour contribuer au capital.
J’espère que vous allez me dire qu’il y a un intérêt passif, une valeur qui est créée au-delà de chaque dollar reçu par dollar investi par votre partenaire, qu’il y a une autre valeur quantifiable, préférentielle, qui est créée pour la communauté, si vous savez ce que je veux dire, afin que vos capitaux propres ne soient pas disproportionnés par rapport à l’argent comptant de votre partenaire. Est-ce bien ce qui se passe, ou ne fait-on réellement qu’emprunter de l’argent pour participer au capital, et que cet argent serait le premier à disparaître si un problème survenait et que le prêt ne pouvait pas être remboursé?
Peut-être que je ne comprends pas bien comment fonctionnera le programme de garantie de prêts dans votre monde, mais, dans mon monde, le monde des affaires, c’est comme ça que ça se passe. Je vous laisse répondre.
M. Fantauzzo : Merci, sénateur Tannas. C’est une excellente question.
Je vais dire pour commencer que cela dépend en fin de compte de la façon dont le programme est conçu, s’il s’agit d’une garantie de recouvrement, par exemple, dans les cas où, comme vous l’avez dit, tout doit mal aller avant que la garantie ne soit réclamée, ou d’une garantie de paiement, ce qui pourrait ressembler à la garantie de prêt pour le Bas-Churchill, où les choses pourraient mal tourner et où le paiement pourrait être réclamé. Cela dépend de la façon dont le gouvernement le structure.
Les garanties existantes qui sont dans les livres des provinces de l’Ontario et de l’Alberta sont généralement des garanties de recouvrement. Beaucoup de choses doivent mal aller avant que la garantie ne soit réclamée. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas eu de cas de non-paiement au cours des 15 dernières années sur un total de 20 contrats, environ.
En ce qui concerne la question de savoir s’il y a une valeur supplémentaire associée à la participation des Premières Nations dans un de leurs projets, cela dépend aussi du type du projet. Par exemple, si vous prenez des projets qui sont actuellement des actifs sur le terrain, les propriétaires existants ne font que vendre leurs intérêts dans un projet. Il pourrait n’y avoir aucune valeur économique supplémentaire s’il y a un transfert de valeur. L’objectif de la garantie de prêt, dans ce scénario, c’est de substituer le financement par des placements en actions — pour l’acompte initial, disons — afin de réunir davantage de capital.
Toutefois, lorsqu’il est question de nouveaux projets, nous croyons fermement que le fait d’avoir un partenaire des Premières Nations augmente la valeur des projets et la taille de la tarte. Nous avons entendu, par exemple, Mme Penny Favel, d’Hydro One, dire que les rendements sur investissement des projets hydroélectriques sont meilleurs lorsqu’il y a des partenaires des Premières Nations. Dans ce cas, dans les nouveaux projets qui demandent de l’investissement supplémentaire, le fait d’avoir un partenaire des Premières Nations accélère la réalisation du projet d’une meilleure façon, et, bien entendu, cela pourrait créer une valeur supplémentaire.
Le sénateur Tannas : Vous partagez cela avec le partenaire, n’est-ce pas?
M. Fantauzzo : C’est exact.
Le sénateur Tannas : Merci.
Mme Gale : Je crois que vous pourrez voir que, une fois qu’un projet est réussi et que les nations commencent à générer leur propre source de revenu, elles pourront investir cet argent dans la deuxième phase, et nous espérons que cette nation pourra passer à autre chose et qu’une autre nation désirera participer à un projet avec l’aide du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones.
Le président : Merci, cheffe Gale.
La sénatrice Hartling : Merci d’être ici aujourd’hui.
Je veux vous féliciter pour vos nombreux et excellents projets et pour votre ténacité. Cela prend beaucoup de patience pour passer à travers tout cela, et parfois, j’ai l’impression que vous retenez toujours votre souffle et que vous vous demandez : « Eh bien, vont-ils y arriver? Est-ce que cela va fonctionner? »
Nous en avons beaucoup entendu parler du terme « réconciliation économique ». Nous l’entendons tout le temps. J’aimerais seulement que vous réfléchissiez un peu et que vous vous projetiez dans l’avenir, disons dans 10 ans. À quoi cela ressemblerait-il si les choses que vous avez expliquées devaient se produire comme vous l’avez dit?
Mme Gale : Je pense qu’il est important de commencer par dire que nous vivons une crise présentement en raison des changements climatiques. Je vois les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés sur le terrain en raison des changements climatiques. Je viens tout juste d’être évacuée, avec ma collectivité, pour 17 jours, et je ne serais pas ici présentement si ma collectivité n’avait pas pu rentrer chez elle lundi. Ce sont des enjeux bien réels que nous devons régler ensemble en tant que pays.
Je crois que, dorénavant, les gens reconnaissent que tous les projets futurs seront construits sur des terres autochtones, et il ne peut pas y avoir meilleur partenaire dans ce pays que des gens comme nous. Je regarde notre nation qui s’est serré les coudes pour révolutionner le Nord grâce au projet de la centrale géothermique Tu Deh-Kah en convertissant un vieux puits de pétrole et de gaz et en fournissant de l’énergie fiable. Pendant les incendies, nous avons connu de nombreuses pannes d’électricité, et cela a été très difficile de vivre sans électricité; nous avons besoin d’une source d’énergie fiable. Les nations autochtones partout au pays montrent qu’elles sont des chefs de file dans ce domaine et qu’elles ont les moyens et la capacité de concevoir ces programmes, de construire ces projets et de vraiment se mobiliser. J’ai toujours dit de ne jamais sous-estimer la capacité de notre nation. Elle me surprend tous les jours en me proposant des solutions à différents problèmes.
Si je regarde vers l’avenir, je pense que je vais être très fière de voir chaque projet se réaliser. Lorsque l’on conçoit un projet en partant de rien, cela veut dire que nos enfants et les membres de notre nation y participent. Nous avons d’excellents partenariats avec les municipalités. L’argent passe 10 fois entre les mains des nations avant d’arriver dans une municipalité, et ainsi de suite, et cela change vraiment le discours sur la façon dont nous construisons des projets au Canada et sur l’importance de la réconciliation économique et de la collaboration avec les nations autochtones. Nous avons été témoins de nombreuses réussites au fil des années des collectivités autochtones, et j’ai hâte de pouvoir servir d’autres collectivités, de les aider à prendre leur envol et de voir leurs rêves se réaliser.
La sénatrice Hartling : Avez-vous quelque chose à ajouter?
M. Fantauzzo : J’ajouterais, madame la sénatrice, un lien avec les commentaires de la cheffe Gale au sujet de la conférence que nous tenons chaque année. La conférence que nous tiendrons l’année prochaine en avril 2025 concerne la valeur et la réconciliation économique.
Sénateur Tannas, cela concerne aussi un peu votre question. Le transfert des connaissances dont a parlé la cheffe Gale entre les Premières Nations existe aussi, selon nous, entre l’industrie, le gouvernement et les Premières Nations. Nous espérons que la valeur de la réconciliation sera intégrée aux projets pour créer de la valeur pour les Premières Nations qui participent à ces projets que l’on ne cherchera pas à intégrer les Premières Nations à la dernière minute. Nous préférerions qu’elles soient présentes dès le début, que l’on crée de la valeur ensemble, que l’on détermine la valeur d’un projet ensemble, puis que l’on récolte les fruits de cette valeur ensemble aussi.
La sénatrice Hartling : C’est une réponse remplie d’espoir. Merci.
La sénatrice Greenwood : Bienvenue; et je suis très heureuse de vous voir ici, surtout que vous êtes de la Colombie-Britannique.
J’ai une petite question. L’économie n’est pas mon domaine, alors excusez-moi si ma question semble naïve. Par le passé, l’Administration financière des Premières Nations, dont les bureaux se trouvent en Colombie-Britannique, comme vous le savez, a comparu devant notre comité. Quelle est votre relation avec cette organisation? Pendant que je vous écoutais parler des deux choses principales, soit un capital abordable et les capacités... Nous avons entendu ces deux choses ici aussi. Je me demandais s’il y avait une relation avec cette organisation. Je me rappelle qu’elle avait beaucoup parlé de renforcement des capacités et d’éducation et de ce genre de choses. Y a-t-il une relation à cet égard?
Mme Gale : Il y a effectivement une relation. C’est important que toutes les organisations travaillent vraiment ensemble. Nous poursuivons le même objectif et nous voulons offrir différentes possibilités financières aux nations. Nous avons accès à différentes sources de financement pour nos projets, qu’il s’agisse d’infrastructure communautaire, de grands projets et ainsi de suite. Il y a certainement un lien à cet égard. Dans ma collectivité, personnellement, en tant que cheffe, j’ai travaillé avec cette organisation. Ses représentants se présentent devant notre conseil et nous leur demandons de l’aide ou des conseils. Nous participons aussi au processus du Conseil de gestion financière des Premières Nations. Ce sont toutes des institutions importantes, et nous devons tous travailler ensemble.
La sénatrice Greenwood : Merci de la réponse. Je me posais des questions parce j’ai entendu ce qu’elle avait à dire.
J’ai lu les documents que nous avons reçus au sujet du Programme de garantie de prêts pour les Autochtones, et on y parle d’un programme auxiliaire qui serait une société de la Couronne et qui administrerait les garanties de prêts du programme. Auriez-vous des conseils à donner quant à la forme que devrait prendre cette société de la Couronne? Qui en seraient les membres? Peut-être pas seulement qui, mais les critères, les éléments ou les caractéristiques que vous aimeriez retrouver dans une telle société, avec laquelle vous pourriez avoir à travailler.
Mme Gale : Nous avons parlé de la structure du conseil d’administration, du fait qu’il faut s’assurer que les Autochtones y soient représentés et du fait que le gouvernement pourrait travailler avec des chercheurs de tête ayant de l’expertise et de l’expérience dans le recrutement de cadres autochtones. Soulignons aussi que le gouvernement devrait vraiment chercher non seulement à attirer les talents autochtones, mais aussi à les retenir. Nous avons d’excellentes personnes partout au Canada qui pourraient aider à gérer ce processus. Ce sera très important à l’avenir, dans toutes les décisions prises pour nous. Nous disons que beaucoup de projets ont été construits pour nous sans nous, et cette institution doit vraiment être dirigée par des Autochtones. Je ne le dirai jamais assez.
La sénatrice Greenwood : Merci.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. Vous avez vraiment précisé beaucoup de choses.
Je vous pose maintenant ces questions par pure curiosité. Vous avez des grands projets, et vous avez parlé de la participation des Premières Nations à des projets, soit à un projet existant soit à un projet qu’un promoteur tente de lancer en concluant une entente. Est-ce qu’il y a des Premières Nations qui se présentent en tant que promoteurs d’un projet, pour diriger elles-mêmes un projet des Premières Nations? C’est ma première question.
Ma deuxième question — je pense que vous avez commencé à y répondre avant que je la pose — concerne le Fonds de garantie de prêts en tant que facteur habilitant qui favorise la participation à la nouvelle économie verte, où les choses bougent, et la façon dont ce Fonds de garantie de prêts aidera cela.
Ma troisième question concerne la valeur ajoutée pour vos nations en plus de l’argent que vous allez faire grâce à la création d’emplois et de petites entreprises dérivées. Avez-vous quantifié tout ça? Que voyez-vous à cet égard?
Mme Gale : C’est une excellente question, madame la sénatrice.
Je suis fière de dire que la centrale géothermique Tu Deh-Kah est détenue à 100 % par la Première Nation de Fort Nelson, et nous sommes très fiers de ce travail. Il y aura une foule de possibilités. Vous avez parlé des entreprises dérivées. La sécurité alimentaire est très dispendieuse et c’est quelque chose que nous devons résoudre nous-mêmes, dans le Nord. Je peux aller voir mes cousins dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon; vous ne pouvez même pas imaginer le prix de certains produits dans les épiceries. C’est pourquoi nous envisageons de construire 100 serres et d’offrir des aliments frais à des prix abordables pour nous tous. Pour acheter des aliments frais à l’épicerie, il faut littéralement y aller la veille.
Un autre débouché lié à cela, c’est le tourisme. Si on arrive à les construire à temps, nous serons l’un des premiers endroits au Canada et le premier endroit en Colombie-Britannique à le faire, et je pense que cela pourrait attirer beaucoup de touristes et de gens qui pourraient vouloir voir ces installations. Récemment, au Yukon, quelqu’un a construit un spa japonais en valorisant les sources chaudes de la région. Nous l’avons rencontré, et nous avons pris la température de l’eau. Cela revient à dire que nous avons la possibilité d’avoir un lagon bleu.
Il y a d’autres possibilités. Nous envisageons des débouchés liés à la saumure. Lorsque nous avons creusé le puits... Nous avons aussi un puits de saumure; il faut envisager les débouchés pour les minéraux critiques. Il y a tellement de possibilités, comme pouvoir utiliser la chaleur pour les routes et réchauffer nos maisons.
Une des choses dont je suis vraiment fière, c’est la capacité des Premières Nations de regarder vers l’avant, vers l’avenir, pour vraiment soutenir le projet et le fait que ce projet a ramené chez eux certains Autochtones qui étaient partis pour l’université et qui reviennent diriger le projet. Cela rend fier. Je pense que, lorsque vous avez plus de possibilités, vous pouvez attirer l’attention des membres de votre nation, et ce sont eux qui non seulement siégeront au conseil d’administration, mais qui occuperont aussi des postes de cadre, ce qui leur donnera droit à un bon régime de retraite. Nous pourrons fournir de l’énergie propre dans une région qui n’a pas été propre depuis des dizaines d’années. La source d’énergie renouvelable sera immense, et nous serons en mesure de vendre de l’électricité à l’Alberta, et vice-versa. Au cours des prochaines décennies, cela ouvrira les yeux de bien du monde en plus d’offrir de nombreux débouchés, non seulement à nos gens, mais aussi à ceux qui choisissent de vivre parmi nous et d’y élever leurs familles.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
Le président : Le temps alloué pour ce groupe est écoulé. Je souhaite vous remercier tous les deux d’avoir comparu ce soir. Si vous souhaitez présenter d’autres observations, veuillez les transmettre par courriel à notre greffière d’ici sept jours.
J’aimerais maintenant vous présenter notre prochain groupe de témoins. Nous accueillons Mme Anne David, directrice principale, Gestion d’actifs, Investissements d’État et Gestion des actifs, du ministère des Finances du Canada. De Ressources naturelles Canada, nous accueillons Mme Mary McKay, directrice générale, Coordination réglementaire, Consultation et inclusion économique, Nòkwewashk. Merci à vous deux de vous joindre à nous aujourd’hui.
Étant donné que Finances Canada est le principal intervenant, dans ce dossier, Mme David présentera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes, après quoi nous passerons à la période de questions et de réponses avec les sénateurs. Mme McKay sera également disponible pour répondre aux questions des sénateurs. J’invite maintenant Mme David à présenter sa déclaration préliminaire.
Anne David, directrice principale, Gestion d’actifs, Investissements d’État et Gestion des actifs, ministère des Finances Canada : Merci beaucoup, monsieur le président.
J’aimerais souligner que les terres sur lesquelles nous nous rassemblons se trouvent sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe qui accueille maintenant d’autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
Bonsoir, je m’appelle Anne David, et je suis la directrice principale des investissements d’État et de la gestion des actifs du ministère des Finances du Canada. Je suis ici pour faire une déclaration préliminaire sur la section 25 de la partie 4 du projet de loi C-69, la première loi d’exécution du budget de 2024. Ce projet de loi comporte des parties qui permettront de mettre en œuvre le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones.
Dans le budget de 2024, le gouvernement a annoncé son engagement à lancer le Programme de garantie de prêts pour les Autochtones. Voici les paramètres du programme.
Un financement maximal de 5 milliards de dollars sera accordé sous forme de garanties de prêts pour faciliter l’accès des communautés autochtones au capital. Cela créera des débouchés économiques et aidera ces communautés à réaliser leurs priorités en matière de développement économique.
Les parties admissibles seraient les gouvernements autochtones ainsi que les entités à priorité exclusive qu’ils contrôlent.
Le programme viserait les projets liés à l’énergie et aux ressources naturelles, peu importe le secteur. Il contribuerait à mettre de l’avant la réconciliation économique et l’autodétermination.
Le programme appuierait des projets de différents types réalisés à l’échelle du pays. Cela assurera que les communautés autochtones du pays bénéficient du programme.
Ressources naturelles Canada serait responsable de recevoir les demandes et de renforcer les capacités au sein du programme.
La Corporation de développement des investissements du Canada, la CDEV, est une société d’État du portefeuille du ministère des Finances du Canada. Elle créerait une nouvelle filiale d’État et assurerait la diligence raisonnable dans le traitement des demandes et qui administrerait le portefeuille de garanties de prêts.
La section 25 de la partie 4 propose des mesures législatives qui mettraient en œuvre certaines parties du programme. Elle autorise une filiale nouvellement créée de la CDEV à attribuer les garanties de prêts et à les administrer. Elle autorise aussi le prélèvement sur le Trésor et le versement à la filiale, par la ministre des Finances, des sommes nécessaires à l’égard de ces garanties.
Cette loi prévoit également que la filiale sera mandataire de Sa Majesté du chef du Canada à toutes fins utiles. Cela est nécessaire pour s’assurer que les garanties bénéficieront du crédit du gouvernement. Cela permettra d’offrir un taux d’intérêt plus bas que ce qui serait autrement offert aux emprunteurs.
Cette loi confère les pouvoirs nécessaires pour permettre à la nouvelle filiale de la CDEV d’offrir des garanties de prêts dans le cadre du programme. Cela aidera à atteindre l’objectif du gouvernement de faire progresser la réconciliation économique avec les communautés autochtones du Canada.
Merci beaucoup. Je répondrai avec plaisir à toute question sur le sujet.
Le président : Merci de votre déclaration, madame David. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs et des sénatrices. Mme Mary McKay, directrice générale, Coordination réglementaire, Consultation et inclusion économique, Nòkwewashk, de Ressources naturelles Canada est également présente pour répondre à toute question pertinente.
La sénatrice Sorensen : J’ai une question. Vous avez entendu les derniers témoins. Tout le monde semble content de cela. Ce sont de bonnes nouvelles. Mais j’étais intriguée par l’expérience que la cheffe a vécue, et je crois qu’elle a exprimé assez clairement ses préoccupations. Avez-vous des commentaires à faire au sujet de ces préoccupations? Le renforcement des capacités, la vitesse à laquelle tout cela se passera, la tolérance aux risques, et nous reconnaissons que ce programme fera progresser la réconciliation.
Mme David : Je serais ravie de répondre à certaines parties de cette question; si la réponse est incomplète, je soumettrai la question à mes collègues.
Je reconnais que l’une des principales préoccupations, c’est de démarrer le programme, d’établir un partenariat avec les communautés autochtones, mais également de l’activer le plus tôt possible. Je peux confirmer que, dans ce but, le gouvernement collabore avec les communautés autochtones et les consulte au sujet de ce programme depuis près de deux ans, et que nous sommes très déterminés à le démarrer et à l’activer dès que possible en vue d’accorder la première garantie de prêt d’ici la fin de l’année.
La sénatrice Sorensen : Merci. Avez-vous quelque chose à ajouter sur les autres aspects? Je suis d’accord avec vous. Je crois que c’est ce qui est le plus important.
Mary McKay, directrice générale, Coordination réglementaire, Consultation et inclusion économique, Nòkwewashk, Ressources naturelles Canada : Merci d’avoir posé la question.
Pour ce qui est du point soulevé par Mme David, je crois que nous avons travaillé avec diligence ces dernières années pour écouter les groupes autochtones du pays et nous informer sur leurs intérêts et leurs besoins, et cette démarche s’appuyait beaucoup sur le cadre national de partage des avantages, dont est responsable le ministre Wilkinson selon sa lettre de mandat de 2019. Bien entendu, le renforcement des capacités est en tête de liste, en plus de l’accès abordable aux capitaux.
Nous sommes ravis que le gouvernement ait pris cette mesure, sachant que, à l’échelle fédérale, c’est la première fois qu’il le fait selon une approche programmatique, et nous avons été honnêtes envers les groupes autochtones en disant qu’il s’agit d’un processus d’apprentissage pour nous tous. Nous sommes également très déterminés à faire ce travail rapidement et à le faire de la bonne façon. Nous savons que notre démarche s’améliorera au fur et à mesure. Je vais en rester ici, mais merci d’avoir posé la question.
La sénatrice Sorensen : Je vous remercie de vos commentaires.
Le sénateur Arnot : Merci aux témoins.
Madame David, vous avez une expertise et de l’expérience en gestion financière et en planification stratégique en matière d’élaboration de politiques, ce qui est essentiel pour administrer et orienter les investissements fédéraux dans divers secteurs, y compris les projets liés aux ressources naturelles et à l’énergie. J’aimerais savoir comment la direction des investissements d’État et de la gestion des actifs prévoit surveiller et évaluer l’efficacité de ce programme de garantie de prêts pour les Autochtones. Qu’est-ce qui sera évalué? Quels sont les paramètres d’évaluation? Qu’est-ce qui définira la réussite? Quels mécanismes financiers, y compris les mécanismes de transparence et de reddition de comptes, seront utilisés pour soutenir le programme? Je crois que tous les Canadiens sont particulièrement intéressés à la réussite de cette bonne initiative, et c’est pourquoi je me demande comment on mesurera cette réussite, comment vous allez en faire rapport et comment vous allez mettre à profit la réussite que nous espérons pouvoir créer en partenariat avec les Premières Nations.
Mme David : Je vous remercie beaucoup, monsieur le sénateur, de la question.
Avant de répondre, je dois dire que les décisions n’ont pas encore toutes été prises à l’égard du programme. Nous sommes encore en train de prendre des décisions sur la mise en œuvre. Toutefois, je peux dire que, comme le mentionne ce projet de loi, le programme et le portefeuille seraient encadrés par une nouvelle filiale créée par une société d’État, la Corporation de développement des investissements du Canada, qui fait partie du portefeuille du ministère des Finances. En tant que ministère responsable de la supervision de la société, nous nous assurons que la société effectue une planification régulière de ses activités par le truchement, entre autres, de plans organisationnels. Il s’agit de plans détaillés qui établissent les objectifs, les cibles, les mesures de rendement et les indicateurs clés de rendement de l’organisation ainsi que la manière dont nous allons faire connaître sa réussite aux Canadiens et aux parlementaires. Lorsque ce plan organisationnel sera approuvé par le Conseil du Trésor, qui est un conseil de ministres, le sommaire de ce plan organisationnel sera présenté aux parlementaires et sera rendu accessible publiquement à tous les Canadiens.
Pour ce qui est de sa planification organisationnelle et des mesures utilisées pour évaluer le rendement, c’est l’un des outils dont la société se servira. Un autre outil sera la présentation régulière de rapports. Une fois de plus, il s’agira d’une société d’État et elle fera donc rapport régulièrement à la fois sur les mesures financières et qualitatives, comme ses réalisations, son expérience et les types de garanties de prêts qu’elle accordera dans le cadre du programme. Elle le fera dans des rapports trimestriels réguliers ainsi que dans son rapport annuel, qui sera déposé au Parlement et qui sera rendu accessible au public et à tous les Canadiens sur son site Web.
Le sénateur Arnot : Merci.
La sénatrice Greenwood : Merci d’être ici ce soir.
J’aimerais vous poser les mêmes questions qu’aux témoins précédents. Je vais d’abord commencer par ma deuxième question. J’aimerais en savoir plus sur la création de la société d’État. Je sais qu’elle sera composée d’un conseil. Je sais qu’il y aura probablement un PDG. Je n’ai jamais fait partie de ce genre de société, donc je ne sais pas, mais je présume. Comment la nouvelle filiale sera-t-elle constituée? Comment allez-vous choisir les membres de son conseil? Ce sont les décideurs, mais vous pouvez me corriger si j’ai tort. Comment cela se fera-t-il? Pouvez-vous me dire à quoi ressemblera ce processus?
Mme David : Merci beaucoup, madame la sénatrice, de votre question.
Comme je l’ai mentionné et comme vous l’avez souligné dans votre question, il s’agirait d’une filiale d’une société d’État créée par la Corporation de développement des investissements du Canada. En tant que société d’État, elle aura, comme vous l’avez noté, un PDG et aussi un conseil d’administration. Les détails précis au sujet de la personne qui occupera le poste de PDG et des membres du conseil ne sont pas encore connus. Toutefois, étant donné qu’il s’agit d’une société subsidiaire, la CDEV, en tant que société mère, jouera un rôle en présentant au gouvernement des recommandations sur la composition du conseil de la filiale, et le gouvernement aura recours également à un processus ouvert, fondé sur le mérite et représentatif pour sélectionner le ou la titulaire du poste de PDG et également les membres du conseil.
La sénatrice Greenwood : Étant donné qu’il s’agit d’un programme de garantie de prêts pour les Autochtones et que nous sommes dans un processus de réconciliation, il serait extrêmement important que des Autochtones fassent partie de cette société d’État ainsi que du personnel de soutien connexe. Je comprends mieux maintenant qu’il s’agit d’une filiale, il y a donc le ministère des Finances, une société d’État puis cette filiale.
L’une des choses qui me viennent à l’esprit — je ne veux pas que vous répondiez maintenant à cette question —, c’est le degré de souplesse qui sera peut-être nécessaire. Comme vous l’avez dit, nous sommes tous dans un processus d’apprentissage et, comme dans tout projet, il est toujours nécessaire de faire preuve de souplesse, de prendre conscience de ce qui se passe sur le terrain et de savoir où nous nous situons dans la structure politique. Je voulais simplement le souligner.
Ma deuxième question est la suivante : que se passe-t-il — ce n’est pas mon domaine, donc pardonnez-moi de ne pas savoir — si quelqu’un manque à ses engagements?
Mme David : Merci encore de la question.
J’ai bien entendu les avis des témoins ici présents et les vôtres, madame la sénatrice. Nous allons faire part de ces avis aux décideurs. Comme je l’ai souligné, les décisions ne sont pas encore finales. Nous sommes encore à l’étape de l’élaboration.
Pour ce qui est de votre question de savoir ce qu’il se passera en cas de non-respect, comme en a fait mention M. Fantauzzo dans le groupe de témoins précédent, cela dépendra du type de garantie qui sera fournie. Dans le cadre de la plupart des programmes provinciaux, on doit avoir épuisé toutes les mesures avant de réclamer la garantie. Bien des mécanismes sont enclenchés avant que la garantie ne soit réclamée. C’est parce qu’il s’agit d’un prêt, comme l’a mentionné M. Fantauzzo, et non d’obligations, comme dans l’exemple du Bas-Churchill. Pour ce qui est des obligations, le paiement se fait de façon quasi automatique. Dans ce type de prêt, il y a davantage de mesures, pour que tout soit fait pour s’assurer que le prêt, dans la mesure du possible, peut être remboursé avant que la garantie de prêt ne s’applique. Une fois de plus, ce ne sont que des exemples. Les décisions finales concernant le programme n’ont pas encore été prises, mais, selon les exemples de programmes provinciaux, c’est de cette manière qu’ils fonctionneraient.
La sénatrice Greenwood : Merci.
La sénatrice Coyle : Bon nombre de nos questions concernent des aspects en cours d’élaboration, ce qui est bien naturel étant donné que le budget n’a pas encore été adopté, et cela fait partie du travail que nous devons faire ici aujourd’hui. J’aimerais en savoir davantage sur l’intention et la façon dont elle cadre avec diverses autres mesures. Nous savons assurément, selon les témoignages du dernier groupe de témoins, que le groupe responsable des grands projets le réclame depuis un certain temps au gouvernement, compte tenu du rôle qu’il joue dans la réconciliation et du fait qu’il se dirige vers une économie verte. Nous allons concilier ces deux aspects. Je présume que le programme de garantie de prêts facilitera ces deux démarches et permettra de bien les concilier.
Je crois que vous avez mentionné ou que quelqu’un d’autre a mentionné la lettre du ministre Wilkinson. Je crois que vous avez parlé de minéraux critiques. Avez-vous parlé de minéraux critiques? Non. Je veux simplement savoir s’il y a un préjugé quelconque, dans le secteur, favorable ou non, ayant trait à ce que le gouvernement tente d’accomplir sur tous ces fronts.
Mme David : Je peux répondre à une partie de cette question puis céder une partie de la question à ma collègue. Je vais m’occuper de la partie qui traite de la façon dont cela s’inscrit dans certains des objectifs économiques du gouvernement.
C’est l’un des nombreux programmes lancés par le gouvernement pour atteindre les objectifs de réconciliation économique et mettre sur pied de grands projets au Canada. L’objectif de ce programme vise principalement la réconciliation économique. Pour répondre à votre question au sujet des secteurs, sur le fait de savoir s’il y a des partis pris, l’objectif du programme, c’est de l’administrer selon une approche sectorielle neutre dans le cadre de projets de ressources naturelles et d’énergie. Cela signifie qu’ils doivent être dans ce domaine. Ce sont les ressources naturelles et l’énergie, mais dans ce secteur, il y a une neutralité pour ce qui est de savoir si nous parlons de pétrole et de gaz, de transmission ou d’autres types de projets. C’est une approche sectorielle neutre.
Encore une fois, l’objectif est de vraiment faire décoller cette partie du programme et de le mettre en marche rapidement, d’obtenir quelques garanties de prêt pour des projets qui font déjà partie d’un long pipeline auquel M. Fantauzzo a fait allusion, des choses de ce genre, pour que nous puissions démontrer notre réussite et commencer à travailler rapidement pour atteindre les objectifs de réconciliation économique du gouvernement.
La sénatrice Coyle : Il n’y a donc rien en dehors de l’énergie.
Mme David : Exact. Le champ d’application actuel du programme repose sur les ressources naturelles et l’énergie.
La sénatrice Coyle : D’accord, très bien. Donc, certaines des choses dont nous avons entendu parler au sujet du tourisme dans le dernier groupe de témoins ne sont pas acceptées. C’est ce que je pensais avoir entendu, c’est utile de le savoir. Merci.
Mme McKay : J’ajouterais rapidement que les paramètres du programme ont été définis à l’issue d’un mandat de deux ans qui s’est déroulé dans le cadre du partage des bénéfices. Nous avons écouté des groupes autochtones d’un bout à l’autre du pays pour connaître leurs intérêts. Il était très rare que les intérêts dépassent le secteur des ressources naturelles, compte tenu des conséquences sur la terre, et où une très grande partie de l’exploitation se produit actuellement ou s’est déjà produite dans le passé. Des sujets comme l’aquaculture, l’agriculture, les télécommunications, parfois l’hébergement, n’ont pas été évoqués assez souvent parce que nous avons besoin de ces éléments pour générer des revenus. Vous devez pouvoir obtenir un prêt que vous pouvez rembourser à partir du projet dans lequel vous souhaitez investir. Du point de vue commercial, cela fonctionne mieux dans le secteur des ressources naturelles, et c’est là où nous avons vu avancer la plupart des programmes provinciaux également.
La sénatrice Coyle : Je suis heureuse de le savoir, parce que cela n’avait pas encore été mentionné, ou peut-être que ça m’a échappé. Je pense avoir entendu une allusion à cela, donc c’est bon de le savoir.
Les lignes de transmission, par exemple, en feraient partie, la géothermie qui a été mentionnée, les grandes éoliennes que l’on voit dans ma partie du pays sur la côte Est, le pétrole et le gaz ou le pipeline de gaz naturel, ces choses dont nous avons entendu parler, l’achat de minéraux critiques, les possibilités d’exploitation minière, c’est ce dont nous parlons ici.
Mme McKay : Un important segment du secteur de l’énergie et des ressources naturelles, oui.
Le sénateur Tannas : Nous surveillerons cela, ou je le ferai certainement, avec grand intérêt pour voir son évolution. Vous avez entendu mes commentaires au sujet des garanties de prêt. C’est une bonne chose d’avoir une garantie de prêt. Si les choses tournent mal, c’est particulièrement bien pour les personnes qui ne sont pas payées, alors la structure de cette garantie de prêt nous permet de réaliser la vision suivante : « C’est très rare; c’est la dernière chose qui arriverait si la garantie de prêt était envisagée. » Je ne sais pas comment cela fonctionnerait. J’ai travaillé comme banquier. Je ne sais pas comment cela fonctionne, que la banque dise : « Tant pis, nous recevrons ni argent ni paiements. Ils sont en défaut, mais nous n’allons pas nous prévaloir de la garantie de prêt. » Je serais curieux de savoir comment la structure du prêt fonctionne dans ce contexte.
La deuxième question sur laquelle j’aimerais terminer concerne deux éléments qui, selon moi, pourraient vraiment permettre de renforcer la confiance des collectivités et peut-être même de l’industrie.
Premièrement, lorsqu’il s’agit d’énergie et de ressources naturelles, le siège ne devrait pas être à Ottawa. Il n’y a pas d’autres entreprises énergétiques et de ressources naturelles dont le siège est à Ottawa. Winnipeg, Calgary, Halifax, St. John’s, Saskatoon ou Prince George pourraient être des options, et je serais déçu si le siège était à Ottawa. Là où je veux en venir, c’est que j’espère qu’il ne s’agira pas d’un projet dont le siège sera situé dans les entrailles d’un quelconque bâtiment ici à Ottawa et qu’il sera administré par des personnes anonymes. C’est la première chose à laquelle vous devez réfléchir. C’est censé être différent. C’est censé être un élément de réconciliation, et ce n’est pas un programme gouvernemental de la même manière que tout le reste. Je vous laisse y réfléchir.
J’aimerais également terminer par cette question de leadership autochtone. Nous avons reçu d’excellentes personnes de l’industrie du pétrole et du gaz, dont un chef de la direction, qui a dit que l’avenir du Canada, son économie et l’exploitation des ressources naturelles seront respectés lorsque les peuples autochtones dirigeront les projets et que l’industrie assurera la logistique. Je vous inviterais à songer à cela lorsque vous élaborerez ce projet et au rôle que vous jouez, à la façon dont vous le jouerez et à la façon dont on estimera que vous le jouerez lorsque vous concevrez quelque chose de nouveau et d’emballant. Nous sommes à l’étape des grands espoirs et de l’optimisme. Je sais qu’il vous appartient de concrétiser le tout. Bonne chance, nous vous regarderons. Je vous remercie.
Le président : Merci, sénateur Tannas.
Le sénateur Prosper : Merci aux témoins d’être ici avec nous ce soir.
J’ai trois questions. Je vais essayer de les poser rapidement. Au moins deux d’entre elles concernent le groupe de témoins précédent.
La première traite de l’approvisionnement et du fait de s’assurer que les fonds fournis aux entreprises autochtones sont en fait remis aux entreprises autochtones et peuvent ainsi circuler dans les collectivités. Je sais que différents groupes autochtones comme l’APN ont deux résolutions traitant d’un certain type de processus de vérification et d’homologation pour les entreprises autochtones. Je pense que l’Association nationale des sociétés autochtones de financement envisage également la question. Comment prévoyez-vous traiter de la question, compte tenu des délais que vous avez proposés?
Ensuite, pour ce qui est de la capacité, nous avons entendu dans le groupe de témoins précédent la cheffe Gale parler de ses considérations concernant la capacité, le transfert des connaissances et la capacité interne et externe, et elles étaient en quelque sorte liées aux 3,5 millions de dollars réservés qui seraient insuffisants. Elle a fourni un chiffre approximatif, fondé sur son expérience, d’environ 1,5 à 2 % comme point de référence. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
Enfin, et cela fait suite également au témoignage de la cheffe Gale, elle a fourni au groupe quatre éléments de réflexion. Je pense que le troisième concernait la tolérance au risque et le besoin d’en tenir compte. J’aimerais savoir comment vous percevez la tolérance au risque sous le couvert de la réconciliation économique. Quel serait le lien entre les deux?
Mme David : Merci beaucoup d’avoir posé ces questions. Si vous êtes d’accord, je répondrai à la troisième question, puis je céderai la parole à ma collègue pour les première et deuxième questions.
Vous avez évoqué la tolérance au risque et la façon dont nous l’évaluons en fonction des objectifs du programme. Les objectifs du programme sont axés sur la réconciliation économique, et le programme est également axé sur les projets de ressources naturelles et d’énergie dans une approche sectorielle neutre. Pour faire avancer ces objectifs et atteindre les objectifs du programme, celui-ci se concentrera principalement sur des projets en mesure de générer des flux de trésorerie stables, de sorte que les prêts contractés pour l’achat du capital-actions puissent être remboursés. Le programme peut être un succès si les prêts sont contractés et garantis et que ces prêts sont remboursés au fil du temps dans le cadre de flux de trésorerie du projet, pour que le programme puisse montrer qu’il est encore plus réussi et émettre encore plus de garanties. Pour nous, les 5 milliards de dollars ne sont pas une circonstance unique. C’est une enveloppe qui devrait se recycler. À mesure que plus de prêts sont accordés, ils sont remboursés, et plus de projets sont réalisés.
Le sénateur Prosper : Merci.
Mme McKay : Sénateur Prosper, merci pour les trois questions.
En ce qui concerne la première, pour répéter les propos de ma collègue, les critères d’admissibilité du programme sont encore en train d’être définis, mais le budget était clair pour ce qui est des entités en propriété exclusive provenant des nations. Ce que nous avons vu dans les programmes provinciaux, c’est qu’ils solliciteront des résolutions des conseils de bande ou des motions de gouvernance auprès de nations pour qui des filiales en propriété exclusive agiront en leur nom. Nous avons observé certains des accords conclus d’un bout à l’autre du pays au cours des dernières années pour voir comment ces structures ont été mises en place. Je ne pense pas que nous ayons une réponse définitive pour dire que nous souhaitons également nous assurer que l’organisation qui fait la demande est qui elle dit être.
Par rapport au financement de la capacité, la cheffe Gale a frappé en plein dans le mille. En moyenne, il se situe entre 400 000 $ et 1,5 million de dollars par transaction, selon la complexité et la structure. C’est le début et non pas la fin d’une conversation sur la façon dont la capacité devrait fonctionner. Nous avons du travail à faire avec les programmes provinciaux ainsi qu’avec les promoteurs de projet pour voir ce à quoi commence à ressembler cet écosystème. Nous en sommes aux premiers jours et nous devons voir comment se comportent les 3,5 millions de dollars dans la première partie du programme pour savoir ce que nous pourrions faire avec lui plus tard, ou à tout le moins recommander autre chose aux décideurs. Je vais m’arrêter ici, mais merci beaucoup pour les questions.
La sénatrice Hartling : Merci d’être ici.
Il est très passionnant d’entendre parler de cette nouvelle entreprise unique et je ressens votre enthousiasme également et comprends vos relations avec les autres personnes ici présentes. Parce que tout est nouveau et en cours d’élaboration, je me demande si vous avez fait des recherches sur d’autres pays ou appris qu’ils faisaient des choses semblables dont vous pouvez apprendre.
Mme McKay : Merci d’avoir posé la question, sénatrice Hartling.
Nous n’avons pas trouvé énormément de nos partenaires à l’échelle internationale qui ont envisagé de faciliter l’accès à un régime de capitaux comme celui-ci. À l’échelle provinciale, nous avons vu un grand leadership de la part de l’Alberta, de l’Ontario, de la Saskatchewan et maintenant de la Colombie-Britannique. Nous espérons que d’autres gouvernements provinciaux et territoriaux s’ajouteront bientôt à la liste. Cependant, du point de vue international, de nombreuses nations nous ont demandé, maintenant que le budget a été publié, de quoi il retournait et comment cela pourrait fonctionner. Nous espérons que cela suscitera une conversation avec des partenaires à l’étranger, dont les États-Unis, sur ce que nous pourrions apprendre des expériences de l’un et de l’autre et pour partager une voie à suivre vers la réconciliation et des façons de trouver des moyens d’élaboration conjointe. Il pourrait y avoir des possibilités pour les États-Unis dans un avenir proche, je l’espère, mais nous n’en sommes qu’au début.
Oui, vous avez bien saisi l’enthousiasme. Avec nos partenaires du ministère des Finances, nous sommes très emballés que le gouvernement ait amené cette étape plus loin, et je pense que c’est une étape importante.
La sénatrice Hartling : C’est formidable pour les dirigeants j’en suis sûre, même s’il y a des embûches.
Je vous ai également entendu parler de la consultation, de la coopération et de la collaboration, et c’est quelque chose que nous n’entendons pas souvent. C’est parfois dirigé par le gouvernement. Comment ce processus s’est-il créé, ou comment s’est-il déroulé selon vous? Était-ce facile? Comment était-ce?
Mme McKay : Les dirigeants autochtones de partout au pays nous ont demandé d’agir dans ce domaine depuis un certain temps. Ils étaient à la table avant que nous puissions frapper à la porte. Avec des dirigeants comme la cheffe Gale et d’autres qui se sont exprimés sur cette question, cela a vraiment permis de créer une salle dynamique et intéressante. Nous avons organisé des séances dans tout le pays, puis des séances sur mesure avec des nations individuelles et leurs sociétés de développement économique.
Nous avons également reçu énormément de soutien de la part des chefs d’entreprise et chefs financiers autochtones comme la Banque des Premières Nations, l’Administration financière des Premières nations, le Conseil de gestion financière des Premières Nations et d’autres qui sont venus devant le comité qui nous ont donné des encouragements, des conseils et une voie à suivre utiles. Je ne dirais pas que nous avons dirigé la consultation et l’engagement : c’est plutôt eux qui nous ont pilotés. Nous sommes très heureux de la manière dont ils nous ont fait part ouvertement de ce qui pourrait fonctionner ou non et de notre honnêteté quant à la façon dont nous pourrions aller de l’avant ensemble. Je pense que nous continuerons d’apprendre d’eux au cours des prochaines années pendant que nous démarrerons ce projet.
La sénatrice Hartling : Bien joué. Merci.
Le président : Cela met fin à notre liste de sénateurs. Le temps pour ce groupe de témoins est terminé. Je tiens à nouveau à vous remercier de vous être joints à nous ce soir. Si vous souhaitez présenter des observations subséquentes, veuillez les envoyer par courriel à la greffière dans un délai de sept jours.
Nous allons maintenant suspendre brièvement les travaux afin de passer à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)