LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 1er octobre 2024
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.
Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour s’informer des lignes directrices sur la prévention des incidents de rétroaction auditive. Veuillez vous assurer de garder votre oreillette loin de tout microphone en tout temps. Lorsque vous ne l’utilisez pas, veuillez la placer vers le bas sur l’autocollant se trouvant sur la table à cette fin. Je vous remercie de votre coopération.
J’aimerais d’abord souligner que le territoire sur lequel nous nous trouvons est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la Première Nation algonquine anichinaabe, qui accueille maintenant de nombreuses Premières Nations ainsi que des Métis et des Inuits de divers endroits sur l’île de la Tortue.
Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, aussi connu sous le nom de l’Île-du-Prince-Édouard. Je préside le Comité des peuples autochtones. Je demanderais maintenant aux membres du comité de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.
Le sénateur Arnot : Je m’appelle David Arnot et je suis de la Saskatchewan.
La sénatrice Hartling : Je m’appelle Nancy Hartling et je suis du Nouveau-Brunswick, le territoire non cédé du peuple mi’kmaq.
La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate et je suis de l’Ontario, le territoire non cédé du peuple algonquin anichinaabeg.
La sénatrice Sorensen : Je m’appelle Karen Sorensen. Je suis du parc national Banff, en Alberta, le territoire visé par le Traité no 7.
La sénatrice White : Je m’appelle Judy White. Je suis une fière Mi’kmaq de Ktaqmkuk, mieux connu sous le nom de la province de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Greenwood : Je m’appelle Margo Greenwood et je suis de la Colombie-Britannique, le territoire du Traité no 6.
La sénatrice Coyle : Je m’appelle Mary Coyle et je suis de la Nouvelle-Écosse, dans le Mi’kma’ki.
Le président : Je vous remercie. Aujourd’hui, nous poursuivons notre examen de la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entendra le témoignage de divers témoins afin de préciser le sujet de son étude.
Sur ce, je vous présente notre premier témoin, M. Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada au Bureau de l’enquêteur correctionnel. Je vous remercie d’être là, monsieur Zinger. Le témoin présentera ses remarques liminaires pendant environ 10 minutes, puis nous passerons à une série de questions de la part des sénateurs.
Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada, Bureau de l’enquêteur correctionnel : Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs et les sénatrices. Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant votre comité. Je me réjouis de votre étude opportune et importante sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones par le Canada.
L’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones dans le droit canadien est une réalisation rare et importante, car le Canada n’incorpore habituellement pas directement dans le droit interne les normes ou les déclarations internationales relatives aux droits de la personne. L’adhésion à la loi promet de transformer fondamentalement les relations du Canada avec les peuples autochtones.
En tant qu’enquêteur correctionnel, mon mandat se limite aux services correctionnels fédéraux. Mon bureau assure une surveillance indépendante de Service correctionnel Canada. J’agis donc comme ombudsman pour les personnes qui purgent une peine fédérale. Mon bureau relève du portefeuille de la Sécurité publique, mais je travaille de façon indépendante du ministère, du ministre ou de Service correctionnel Canada. Nous enquêtons sur les problèmes individuels et systémiques des personnes incarcérées pour nous assurer que les peines sont appliquées équitablement, humainement et conformément au cadre canadien et international des droits de la personne.
[Traduction]
Concernant l’objet de votre étude, le système correctionnel fédéral s’occupe principalement des actions énumérées dans la priorité partagée 60, notamment réduire le nombre disproportionné d’Autochtones dans les établissements correctionnels; accroître la capacité actuelle dans les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81; offrir des interventions efficaces, non discriminatoires et adaptées aux réalités culturelles ainsi que des services de soutien à la réinsertion sociale des délinquants autochtones; et veiller à ce que les programmes, les politiques et les pratiques correspondent aux besoins particuliers des Autochtones dans les établissements correctionnels.
Il ne s’agit pas du tout de nouveaux engagements, puisqu’ils s’inscrivent dans une série d’appels à l’action, dont beaucoup ont été publiés et republiés dans bon nombre de rapports provenant de mon bureau, et mis en évidence par des commissions d’enquête telles que la Commission de vérité et réconciliation, ou CVR, et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Les progrès visant à réduire la surreprésentation des Autochtones ont été lents, frustrants et décevants. Au cours des 25 dernières années, pratiquement tous les gouvernements ont promis de réduire ou d’éliminer la surreprésentation des Autochtones, et chacun d’entre eux a échoué. Il y a 10 ans, mon bureau a indiqué que les Autochtones constituaient 23 % de la population carcérale fédérale dans son ensemble. Aujourd’hui, cette proportion atteint 32 %. Ce qui est encore plus alarmant, c’est que les femmes autochtones représentent la moitié des femmes incarcérées dans les pénitenciers au pays.
L’autochtonisation de notre système correctionnel est profondément ancrée dans le racisme, la discrimination et les désavantages systémiques, qui font en sorte que les Autochtones représentent une part disproportionnée des personnes ayant des démêlés avec le système de justice criminelle. Notre système carcéral, institué avant la Confédération, n’est pas à l’origine du problème. Toutefois, il a contribué à la marginalisation, à la criminalisation à outrance et à la surincarcération des Autochtones au pays.
Le système lui-même semble perpétuer les désavantages et la discrimination. L’écart entre les Autochtones et les non-Autochtones continue de se creuser pour pratiquement chaque indicateur de rendement du système correctionnel fédéral, comme le temps passé derrière les barreaux avant la première libération, la surreprésentation dans les établissements à sécurité maximale et dans les incidents nécessitant le recours à la force, le placement dans le nouveau système d’isolement préventif et le taux élevé de récidive et de retour à la détention, ainsi que les taux plus élevés de suicide et d’automutilation.
Lorsque nous nous sommes à nouveau penchés sur ces enjeux, ma dernière enquête m’a amené à conclure qu’un seul nouveau pavillon de ressourcement communautaire relevant de l’article 81 avait été créé depuis le premier rapport du bureau intitulé Une question de spiritualité, un rapport spécial qui a été déposé au Parlement en 2013. Ce rapport avait été déposé par mon prédécesseur. De plus, 10 ans plus tard, il n’y a toujours pas de pavillon de ressourcement en Ontario, dans la région de l’Atlantique ou dans le Nord, et il n’y a aucun établissement géré par la communauté dans la région du Pacifique.
Nous avons observé que les pavillons de ressourcement gérés par l’État sont mieux financés, dotés en personnel et en ressources que les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 administrés par des Autochtones. En fait, le gouvernement fédéral dépense environ deux fois plus dans les pavillons de ressourcement gérés par le Service correctionnel du Canada, ou SCC, ou par l’État. Il y a donc 40 % de moins par résident dans les établissements gérés par la communauté comparativement aux établissements gérés par l’État. Un système de pavillons de ressourcement à deux vitesses signifie que ces établissements se livrent une bataille constante pour les ressources, le personnel et les résidents. Ils sont également à plein rendement.
Concernant la priorité partagée du SCC de faire des interventions adaptées à la culture, j’ai indiqué que les interventions phares du SCC dans les services correctionnels pour les Autochtones, des programmes comme Sentiers autochtones ou les Centres d’intervention pour Autochtones, continuent de reposer largement sur le système pénitentiaire. Les critères de sélection pour la participation à ces initiatives s’avèrent tellement restrictifs que la plupart des Autochtones qui purgent une peine fédérale ne bénéficient jamais du continuum de soins autochtones prévus pour eux. Moins de 8 % des Autochtones incarcérés ont pris part à une intervention conçue pour les Autochtones.
Le tout dernier Cadre de responsabilisation des services correctionnels pour Autochtones du SCC, qui témoigne sur une base annuelle des progrès de l’organisme au chapitre des services correctionnels pour les Autochtones, précise ceci :
Les tendances indiquent que la surreprésentation des Autochtones s’accroîtra probablement au cours des prochaines années. Par conséquent, le SCC accentue les efforts liés aux interventions pour Autochtones et, en fin de compte, à la réduction de la surreprésentation des Autochtones.
Avec tout le respect que je vous dois, je ne vois pas en quoi le fait de continuer à faire exactement les mêmes choses permettra d’obtenir des résultats au chapitre de la surreprésentation des Autochtones. Sans cibles concrètes, précises et réalisables qui forceraient le SCC à réduire le nombre d’Autochtones incarcérés pour la première fois ou à nouveau dans une prison fédérale, nous ne risquons pas de voir de progrès considérables. Le financement fait partie du problème, puisque moins de 3 % du budget annuel des services correctionnels fédéraux est consacré aux initiatives pour les Autochtones.
Lors de ma dernière enquête, intitulée Dix ans depuis Une question de spiritualité, j’ai conclu que le système pénitentiaire du Canada conserve de nombreuses caractéristiques et de nombreux concepts issus du colonialisme. Il est évident que le système correctionnel en soi contribue à la surincarcération des Autochtones. Afin de mener à terme les réformes urgentes qui s’imposent, le Canada doit rompre avec son héritage colonial, adopter une démarche fondée sur les distinctions dans ses interactions avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis et s’engager véritablement dans les efforts de réappropriation et de réconciliation.
J’ai demandé au gouvernement fédéral de transférer des responsabilités, des ressources et des pouvoirs touchant la prise en charge, la garde et la supervision des Autochtones qui purgent une peine aux peuples et aux communautés autochtones. J’ai recommandé la création d’un nouveau modèle de financement pour les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 afin d’atteindre la parité de financement avec les établissements gérés par l’État, et de transférer le contrôle et les droits de propriété relatifs aux pavillons de ressourcement gérés par l’État existants aux communautés autochtones, comme il était prévu à l’origine. Par souci d’équité et de justesse, le gouvernement fédéral devrait offrir une sécurité d’emploi et fournir des avantages et des soutiens additionnels aux aînés qui travaillent dans des pénitenciers.
Enfin, le gouvernement du Canada doit impérativement donner suite aux nombreux appels à l’action et aux engagements pris pour réduire la surreprésentation en mettant en œuvre une stratégie de décarcéralisation des Autochtones, dont l’objectif général serait de réaffecter les ressources des pénitenciers vers les initiatives de réinsertion dans la communauté.
[Français]
Je vous remercie et je serai heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie, monsieur Zinger. Nous allons maintenant passer à la période de questions.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie, monsieur Zinger. Vous avez indiqué que le gouvernement fédéral doit élaborer une stratégie de décarcéralisation et qu’il fallait mettre en œuvre la totalité des 14 recommandations que vous avez formulées dans le dernier rapport sur Une question de spiritualité.
Avez-vous reçu une réponse satisfaisante de la part de l’un des ministères mentionnés dans votre rapport et qui doivent prendre des mesures? Je cherche des conseils sur ce que nous pourrions indiquer dans notre rapport. Quels sont les catalyseurs nécessaires pour lutter contre la discrimination? Il s’agit manifestement d’un problème chronique, ce que vous avez très bien mis en évidence. Vos 14 recommandations, à mon avis, sont sans ambiguïté, précises et très pratiques. Il n’y a pas de malentendu sur la suite des choses.
Que pouvons-nous faire pour mettre fin à l’intransigeance et à l’immobilisme dont vous parlez?
M. Zinger : Sénateur, la question que vous posez est importante et fondamentale. Lorsque je regarde la structure de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et la façon dont le Canada a essayé de mettre en œuvre cet instrument international, les piliers consistent en l’élaboration d’une sorte de plan d’action. On a ensuite des rapports d’étape, qui peuvent être annuels, pour communiquer les progrès. L’essentiel est d’examiner le plan d’action fourni par le Service correctionnel du Canada. Nous n’avons jamais été consultés là-dessus.
J’aimerais faire quelques remarques à ce sujet, car je pense que nous avons là une possibilité de progresser; autrement, nous risquons l’inertie totale.
J’ai examiné le plan d’action global, et c’est peut-être juste une question de sémantique, mais je remarque que chacune des priorités partagées commence par l’énoncé suivant : « Le gouvernement du Canada prendra les mesures suivantes en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones », sauf quand il est question des services correctionnels. Dans l’introduction du plan d’action, on retrouve ce qui suit : « Le Service correctionnel du Canada continuera à [...] ». Le libellé est fort différent.
Je me concentrerai sur la priorité partagée 60. Elle comporte 11 points, dont 6 exigences législatives. Ce que le service indique, c’est qu’il continuera à suivre la loi et ses obligations en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. C’est déjà très problématique à mon avis.
Pour le reste, je ne vois rien de nouveau qui me donnerait envie d’obtenir le service, ce qui est l’objectif. Je vais vous le lire. En fin de compte, il y a quatre éléments. Il s’agit de contribuer à appliquer la déclaration des Nations unies en assurant l’autodétermination, l’autonomie gouvernementale, la reconnaissance des traités et la réconciliation entre le Canada et les peuples autochtones. Rien ne me permet de croire que les choses vont bouger.
C’est là que le comité pourrait peut-être jouer un rôle, en veillant à ce que ces plans d’action soient assortis de calendriers, d’objectifs et de résultats précis. C’est aussi simple que cela.
J’ai formulé la même critique à l’égard des lettres de mandat. Il existe de merveilleuses lettres de mandat, dont celle du ministre de la Sécurité publique à la commissaire du Service correctionnel. Tout y est et ces lettres sont comme des ordres pour la commissaire, mais malheureusement, une fois encore, il n’y a pas d’échéancier ou d’objectif défini.
Concernant la question des pavillons de ressourcement, une décennie s’est écoulée entre les deux rapports, et le service s’est engagé à plusieurs reprises à en améliorer la capacité. Cependant, en 10 ans, il n’y a eu qu’un seul nouvel accord et 53 nouveaux lits.
Vous devez préciser que vous souhaitez voir de nombreuses nouvelles ententes où le ministre conclut une sorte d’accord avec les communautés ou les organisations autochtones pour le transfert, la prise en charge, la garde et la supervision des Autochtones. Il faudrait davantage d’accords et beaucoup plus de lits disponibles.
Je ne sais pas si cela s’applique à d’autres parties du plan d’action — il n’est pas de mon ressort de faire des remarques à ce sujet —, mais je peux vous dire que c’est ce qui manque. Je pense qu’il faudrait être beaucoup plus précis concernant nos attentes. Les élus ainsi que les sénateurs, qui sont en fait nommés par les élus pour faire votre excellent travail, doivent être beaucoup plus précis dans la manière d’obtenir des actions de la part du ministère. Je vous remercie de votre attention.
Le président : Je vous remercie, monsieur Zinger. Nous avons une liste assez longue de sénateurs qui veulent poser des questions. Si vous pouviez être aussi concis que possible avec vos questions et vos réponses, ce serait utile pour que tout le monde puisse poser au moins une question.
La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup d’être présent. Votre exposé a été très instructif pour moi. J’avais préparé une question, mais je l’ai changée après votre intervention.
J’aimerais que vous m’en disiez plus sur l’histoire et que vous m’éduquiez pour que je puisse comprendre. Comment en sommes-nous arrivés à un système à deux vitesses? Je ne comprends pas pourquoi il existe des pavillons de ressourcement communautaires et des pavillons de ressourcement gérés par l’État. J’aimerais comprendre. Pourriez-vous également m’expliquer ce que vous entendez exactement par « modèle de décolonisation »?
M. Zinger : D’accord. En 1992, le gouvernement de Brian Mulroney a présenté la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ce texte législatif — qui était assez progressiste parce qu’il intégrait des questions relatives à la Charte et des principes du droit administratif — comportait des dispositions liées plus particulièrement aux peuples autochtones. L’article 81 permettait au ministre de la Sécurité publique de conclure ces ententes. Le SCC a d’abord travaillé très dur pour négocier certaines de ces ententes, ce qui était tout à son honneur et à son avantage. C’était très innovant. Je pense que le monde entier nous regardait. Tous les pays qui connaissaient des problèmes de surreprésentation des Autochtones, comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie, par exemple, ont été impressionnés par la façon dont le Canada abordait la question. Les services correctionnels ont initialement fait du très bon travail. Ils ont créé beaucoup de capacité. Les services correctionnels ont créé quatre pavillons de ressourcement dans le but de les transférer aux communautés autochtones, ce transfert ne s’est jamais concrétisé. Ensuite, en vertu de l’article 84 — il y en a six — la capacité est intéressante parce que les pavillons de ressourcement gérés par l’État comprennent 250 lits, qui ne sont malheureusement pas toujours pleins, et la capacité établie par l’article 81 est de 138 lits.
L’une des recommandations que j’ai formulées, depuis 2019, est que l’on modifie la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour permettre au ministre de traiter non seulement avec les communautés autochtones concernées par ces ententes, mais aussi avec les organismes autochtones. Le Service correctionnel du Canada pourrait lancer un appel d’offres et tout organisme autochtone pourrait essayer d’assumer cette responsabilité. Il y a des possibilités, mais il est très difficile pour la bureaucratie de renoncer aux ressources et au contrôle; c’est pourtant ce qu’elle doit faire.
Vers l’année 2000 — souvenez-vous, en 1992, Brian Mulroney a promulgué cette nouvelle loi — le Service correctionnel du Canada a décidé de ne plus chercher à conclure de nouvelles ententes ou à créer des lits dans la communauté, et de réaffecter tous les fonds à des initiatives en milieu pénitentiaire, comme Sentiers autochtones et, plus récemment, les Centres d’intervention pour Autochtones. Voilà pour l’histoire.
La sénatrice Sorensen : Je ne sais pas si j’ai le temps, mais à un moment donné, j’aimerais comprendre ce qu’est le « modèle de décolonisation », exactement.
M. Zinger : Je vous enverrai un exemplaire.
La sénatrice Sorensen : Ce serait formidable. Merci.
La sénatrice Coyle : Bienvenue, monsieur Zinger. J’aurais aimé que vous ayez quelque chose de nouveau à nous dire, mais malheureusement, rien ne change. Il doit être très frustrant pour vous, comme pour nous tous, d’entendre que la situation ne s’améliore pas. Elle s’aggrave considérablement, bien que nous ayons clairement établi nos objectifs et nos engagements.
J’aimerais aborder deux éléments de ce casse-tête. Le premier est l’incarcération massive d’hommes et de femmes autochtones en particulier, qui découle d’une surcriminalisation. Il y a un pipeline qui alimente ce système carcéral, dont vous avez dit qu’il n’était pas la raison de la surincarcération initiale. Le système pénitentiaire n’a pas sorti ces personnes de nulle part pour les mettre en prison. J’aimerais comprendre le lien entre la surpénalisation et l’incarcération massive, et ce que nous devons faire pour réduire ce flux.
Le deuxième élément est le piège — c’est-à-dire le système carcéral — qui maintient les gens en prison et ne permet pas la mise en place de réformes et de soutiens adaptés à la culture, ainsi que tous les éléments que vous avez décrits et qui aideraient les gens à sortir de ce piège et à réintégrer la société d’une manière saine. Nous avons un peu parlé de cette question, mais pas de la prévention. Ces chiffres sont obscènes et tragiques, et nécessitent une remise en question à plusieurs niveaux. Pourriez-vous nous parler du lien entre la surcriminalisation et l’incarcération massive?
M. Zinger : Volontiers. Merci. C’est une partie du problème. Il est tout à fait vrai que si nous intervenions davantage au sein de la communauté, nous pourrions empêcher les gens d’entrer en contact avec le système de justice criminelle par l’entremise de toutes sortes d’initiatives. Il est selon moi évident que les problèmes découlent du fait que la société canadienne n’accorde pas aux Autochtones les droits que nous considérons comme acquis. Je parle des droits de la personne au sens large, des droits socio-économiques, des droits culturels, des droits politiques et, aujourd’hui, des droits des autochtones. Ils ne bénéficient pas des mêmes droits, c’est pourquoi la société dans son ensemble doit faire des efforts.
Ma compétence se limite aux services correctionnels fédéraux, il ne m’appartient donc pas de formuler des recommandations qui sortent du cadre de mon mandat légal. Cela dit, le Service correctionnel du Canada ne cesse de me répéter, ainsi qu’à vous tous, qu’il n’a aucun contrôle sur l’admission des personnes dans les établissements pénitentiaires. C’est partiellement vrai. Il n’a aucun contrôle sur la condamnation des personnes à une peine fédérale, c’est-à-dire à une peine de deux ans ou plus. Cependant, il dispose de nombreux moyens de pression qui pourraient atténuer cette surreprésentation.
En définitive, les services correctionnels sont censés corriger les problèmes et fournir des services, d’où le nom « Service correctionnel du Canada ». C’est peut-être là qu’ils ont des difficultés. Il est vrai qu’ils prennent en charge des personnes au profil assez complexe et difficile, mais ils ne semblent pas obtenir d’amélioration des résultats au plan correctionnel.
C’est pourquoi nous nous retrouvons avec un système dans lequel les Autochtones sont incarcérés beaucoup plus longtemps que les non-Autochtones, et où beaucoup d’entre eux passent la majeure partie de leur temps dans des établissements à sécurité maximale. Ils y sont nettement surreprésentés. Ils sont largement surreprésentés dans le nouveau régime de ségrégation administrative que sont les unités d’intervention structurées. Ils sont plus susceptibles d’être transférés contre leur gré, de faire des tentatives de suicide, et cetera. Leur taux de récidive est excessivement élevé. Il est de 65 % chez les Autochtones. Ils ont le devoir et l’obligation d’essayer de ramener les gens sur le droit chemin, mais ils n’y parviennent pas parce que l’approche qu’ils adoptent n’est pas favorable à la réussite. L’injection de fonds supplémentaires ne permettra probablement pas d’améliorer les résultats.
Nous devons envisager des réformes audacieuses. C’est le défi que doit relever le Service. Lorsque je parle de transférer une part importante du budget du Service correctionnel du Canada à des solutions de rechange communautaires ou même à des pavillons de ressourcement gérés par des Autochtones, ce travail exige un leadership exceptionnel et constitue un énorme casse-tête. Il faudrait réaffecter des centaines de millions de dollars. Il ne s’agit pas de nouveaux fonds. Ce point est important. Il faudrait céder quatre institutions, qui sont les pavillons de guérison. Cette réaffectation nécessiterait probablement une réduction progressive de l’infrastructure et du nombre d’employés. Ce n’est pas simple. Au sein des ministères — qu’il s’agisse du Service correctionnel du Canada ou de tout autre ministère — la mentalité de la bureaucratie est malheureusement un peu égoïste, et c’est un énorme casse-tête.
Si les politiciens, les sénateurs et tous les autres intervenants ne se mettent pas d’accord sur ce qu’il faut faire pour faire bouger les choses — ce ne sera peut-être pas moi qui reviendrai dans dix ans — mais la personne qui occupera mon poste dans dix ans reviendra et vous dira la même chose. C’est ce qui est si regrettable. Voilà l’histoire.
Il existe un très grand nombre d’engagements relatifs à la surreprésentation, dont certains remontent à 1999 — soit il y a déjà plus de 25 ans — lorsque l’arrêt Gladue a été invoqué. À l’époque, la Cour suprême du Canada avait déclaré ce qui suit :
En 1997, les autochtones constituaient près de 3 % de la population du Canada, mais 12 % de l’ensemble des détenus fédéraux...
On lit plus loin : « Les chiffres sont criants et reflètent ce qu’on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale. » Le taux était alorsde 12 %, il est aujourd’hui de 32 %. C’était une crise à l’époque, du moins c’est ce que la Cour suprême du Canada a déclaré. Nous ne sommes donc pas sur la bonne voie. Merci.
La sénatrice Hartling : Je vous remercie de votre présence. C’est intéressant. Après la Journée du chandail orange d’hier, à l’occasion de laquelle les médias de tout le pays ont parlé de l’importance des peuples autochtones, de leur histoire et de ce que nous devons faire, il est déprimant d’entendre ce matin ce que vous avez à nous dire. Je tiens à vous remercier pour votre excellent travail et pour ces rapports.
Il y a quelques années, vous avez comparu devant notre Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous étudiions les pénitenciers fédéraux et nous avons eu l’occasion de visiter des établissements pénitentiaires. La plupart des Canadiens ne se rendent pas compte, à moins d’y être allés, de la situation qui y règne, en particulier en ce qui concerne les populations autochtones, qui n’ont aucun lien avec leur guérison et ne savent pas comment ils pourront aller de l’avant.
Dans l’une de vos recommandations — et je vous remercie pour ces rapports — vous avez mentionné le nouveau modèle de financement des pavillons de ressourcement au titre de l’article 81, ainsi que la lacune, à savoir qu’il n’y en a pas dans la région de l’Atlantique ou dans d’autres provinces. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce modèle de financement, sur ce à quoi il ressemblerait et sur la manière dont il améliorerait la situation?
M. Zinger : C’est une question d’équité et de justice. Mon prédécesseur, Howard Sapers, a publié ce rapport sous forme de rapport spécial. Nous avons rédigé très peu de rapports spéciaux dans l’histoire de notre bureau, qui a maintenant plus de 50 ans. Nous avons notamment constaté un écart entre le financement des pavillons de ressourcement gérés par le SCC et celui des pavillons relevant de l’article 81. D’après nos calculs, les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81 ne recevaient que 60 cents par dollar. Il s’agit d’un écart considérable.
Ces pavillons de ressourcement, gérés par des communautés autochtones, n’ont pas d’autre choix. Ils sont soumis aux mêmes exigences en matière d’application de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition : programmes de sécurité et toutes ces obligations.
Lorsque nous avons reçu ce rapport, nous avons été assez surpris que le service ait réagi positivement à nos recommandations et ait augmenté le financement de ces pavillons de ressourcement. Nous avons pensé que, pour une fois, le service répondait à nos demandes. Nous n’avions pas réalisé qu’il y avait là un écart. Il y a les pavillons de ressourcement relevant de l’article 81, mais aussi ceux qui sont gérés par le SCC, et ils ont augmenté le financement de ces deux types d’établissements. Aujourd’hui, dix ans plus tard, le taux est toujours de 61 cents par dollar. J’estime qu’il devrait y avoir parité. Si vous demandez à une communauté autochtone de faire le même travail que vous, vous devriez recevoir la même somme d’argent. En fin de compte, il s’agit de discrimination.
Encore une fois, une façon de régler ce problème est de faire ce qui était prévu à l’origine, c’est-à-dire de transférer ces quatre pavillons de ressourcement à des organismes ou à des communautés autochtones — si elles souhaitent y prendre part — et de les financer exactement comme ils l’étaient dans le cadre du Service correctionnel du Canada, avec le même budget. On établirait ainsi un partenariat équitable et on ne traiterait pas les communautés autochtones comme de petites ONG qui peuvent effectuer ce travail à moindre coût.
La sénatrice Pate : Je vous remercie, monsieur Zinger, et je remercie également votre équipe de tout le travail effectué.
Pour ma part, je serai sur le point de prendre ma retraite dans 10 ans, et j’espère vraiment que ce dossier sera réglé depuis longtemps à ce moment-là.
Pour revenir à la question soulevée par la sénatrice Sorensen, il va de soi que les prisons sont remplies de personnes que tous les autres systèmes ont laissé tomber. Le problème du colonialisme réside en partie dans le fait que les personnes qui se retrouvent en prison sont celles qui sont méprisées à tous les niveaux, et souvent par le public, de sorte qu’il n’y a pas d’intérêt politique ou public à résoudre ces problèmes. Pourtant, comme vous l’avez dit, nous en voyons l’impact dans les prisons.
J’aimerais que vous nous parliez davantage des améliorations concrètes que les recommandations de notre comité pourraient aider à mettre en place. La sénatrice Hartling a mentionné que vous aviez comparu devant le Comité permanent des droits de la personne. Le rapport produit par les sénateurs membres de ce comité n’a reçu aucune réponse. En fait, il a démontré que le gouvernement ne ressentait aucune obligation à cet égard. Lorsque le Comité sénatorial permanent des finances nationales a demandé au Service correctionnel du Canada de rendre compte de l’utilisation des 9,2 millions de dollars qu’il était censé recevoir pour des places externes en santé mentale, il a reçu une réponse selon laquelle le Service correctionnel du Canada avait simplement utilisé ces fonds pour renouveler des contrats qui existaient déjà. Aucune nouvelle place n’a donc été ajoutée.
Vous avez mentionné les articles 81 et 84. Il est également important de rappeler au comité que la vision des pavillons de ressourcement est venue de femmes autochtones qui se sont penchées sur ce qui devait être mis en place pour le groupe qui connaît la croissance la plus rapide, c’est-à-dire les femmes autochtones. Elles ont imaginé un modèle qui pourrait être appliqué à toute personne qui entre dans le système, pour revenir à la réponse que vous avez donnée à la question de la sénatrice Coyle, à savoir que les articles 81 et 84 de la loi ne stipulent pas qu’il doit s’agir d’une sécurité minimale ou d’autre chose. En fait, comme vous le savez, car vous y avez participé directement, l’une des autres questions auxquelles le Service correctionnel du Canada a contribué est le système de cotes de sécurité. Chaque fois que les intervenants du Service correctionnel du Canada se sont adressés à une source externe, on leur a dit qu’il était préférable que les gens commencent au niveau de sécurité minimal, et non au niveau utilisé actuellement par le service, afin d’offrir de plus grandes possibilités aux gens de passer d’un niveau à l’autre. Les intervenants du service correctionnel ont toutefois rejeté toutes ces recommandations.
Je sais que certaines communautés autochtones des Premières Nations tentent actuellement d’obtenir des accords au titre des articles 81 et 84. Le système correctionnel ne transmet même pas ces demandes au ministère de la Sécurité publique. Il prend les décisions et rejette ces demandes dès le départ.
Pour revenir sur le point soulevé par le sénateur Arnot, devrait-on, selon vous, produire une déclaration claire accompagnée de recommandations? Les recommandations pourraient notamment viser à fixer un objectif de réduction de 1, 2 ou 10 % de la population autochtone dans les établissements d’ici un an, à conclure un nombre fixe d’ententes individuelles et peut-être collectives au titre de l’article 81, selon le nombre que vous jugez approprié, à retourner les quatre pavillons de ressourcement visés par l’article 81 aux communautés, avec un plan détaillé sur la façon de transférer cette responsabilité et enfin, à indiquer clairement que les fonds qui sont censés être réservés pour des places externes, qu’il s’agisse ou non de places en santé mentale, doivent être utilisés pour ces places.
Pouvez-vous suggérer à notre comité des données qui pourraient nous aider à formuler ce type de recommandations concrètes, précises et à échéance déterminée?
M. Zinger : Tout d’abord, je suis d’accord avec tous vos commentaires
C’est la discussion qui devrait avoir lieu entre le ministre de la Sécurité publique et la commissaire, c’est-à-dire qu’il faut lui demander combien de temps serait nécessaire pour apporter des changements et comment il faut procéder, puis ensuite parcourir cette liste.
On pourrait fixer des objectifs selon lesquels, dans 10 ans, une part importante — par exemple 500 millions de dollars — du budget du service serait transférée aux communautés autochtones. Ensuite, on pourrait se demander comment accomplir cela et comment le ministre de la Sécurité publique peut appuyer la commissaire. Ce ne sera pas facile. Cela pourrait se faire par attrition en raison du vieillissement des effectifs du service. Il existe des moyens de traiter certaines questions qui ont un impact sur les employés.
Il existe des initiatives à court, moyen et long terme. Il faut fixer des échéances et rédiger une lettre de mandat qui indique les résultats exacts que le gouvernement souhaite obtenir, et non se contenter de décrire des objectifs généraux et des intentions ambitieuses. Comme pour tout administrateur général dans cette ville, une prime de rendement est versée pour les éléments d’une lettre de mandat qui ont été accomplis, mais ces objectifs doivent être plus précis. C’est donc une partie de la solution.
Comme je l’ai dit, il faut être en mesure de réaliser des progrès visibles. On pourrait le voir dans le libellé actuel. Permettez-moi de vous renvoyer à un autre document, soit le troisième rapport d’étape annuel. J’ai lu ce rapport. Dans le cadre des priorités partagées, mesure no 60, vous avez inscrit « Service correctionnel du Canada » et l’état d’avancement est « mise en œuvre en cours ». Je n’ai pas vu, au cours des trois dernières années, de nombreuses actions fondées sur le service qui ont eu un impact concret sur les principaux indicateurs de rendement et résultats que j’ai mentionnés plus tôt. Oui, les intervenants traitent les dossiers plus rapidement grâce à une gestion efficace des cas dans leurs Centres d’intervention pour Autochtones, mais il s’agit d’une gestion efficace des cas qui n’a rien à voir avec les Autochtones — il s’agit seulement du traitement des dossiers. En outre, ils empêchent de nombreuses personnes d’avoir accès à ces ressources. Ils dressent toutes sortes d’obstacles, de sorte que si une personne a des liens avec un gang ou qu’elle présente un risque élevé, elle ne peut pas avoir accès à ces services. Bref, la grande majorité ne profite donc d’aucune des pratiques exemplaires qui ont été mises en œuvre.
Le président : Monsieur Zinger, pourriez-vous nous parler des principaux obstacles à une réinsertion réussie? Par exemple, comment le manque de logements et d’emplois contribue-t-il à un taux de récidive plus élevé chez les Autochtones? Comment les expériences vécues dans le cadre des pensionnats, des externats, de la rafle des années 60 ou de la rafle du millénaire ou encore des interactions préjudiciables avec l’État ont-elles aggravé cette crise?
M. Zinger : Il n’est pas facile de répondre à cette question, monsieur le président, en cinq minutes ou moins.
Je sympathise avec le Service correctionnel du Canada, car je peux vous dire qui sont ces hommes et ces femmes qui entrent dans le système fédéral. La prévalence des problèmes de santé mentale et des déficits cognitifs est excessivement élevée, et les personnes qui entrent dans le système sont toxicomanes, elles ont un faible niveau d’éducation et peu de compétences professionnelles. La prise en charge de tous ces aspects représente un véritable défi. Les problèmes que je viens d’énumérer sont souvent plus fréquents chez les Autochtones en raison des traumatismes et des privations socioéconomiques qu’ils ont subis, ainsi que des facteurs historiques comme les pensionnats, etc. La tâche n’est donc pas facile.
Je compatis, car chaque fois que je vais dans un pénitencier, je suis souvent stupéfait par ce que je vois, mais je vois aussi de nombreuses personnes dévouées et professionnelles qui travaillent dans ces établissements.
Il existe toutes sortes d’obstacles. Prenons par exemple l’infrastructure. C’est un exemple facile, car il y a encore, au Canada, trois pénitenciers qui ont plus de 100 ans. Deux d’entre eux sont remplis de détenus autochtones. L’un d’entre eux est le Pénitencier de la Saskatchewan, et le plus ancien au Canada est l’établissement de Stony Mountain. Il est très difficile de faire un bon travail correctionnel dans ces établissements arriérés et désuets.
Chaque fois que je visite l’Établissement de Stony Mountain, je suis impressionné par la qualité du personnel. Il y a toutefois des défis à relever, et ils sont énormes, car ces établissements sont répressifs et dépassés. Ils ont été construits à une époque où la philosophie correctionnelle était essentiellement punitive. Ils ne sont pas propices à une approche correctionnelle judicieuse, à la guérison ou aux efforts d’une personne pour reprendre sa vie en main. Ils sont déshumanisants. L’infrastructure représente donc l’un de ces obstacles.
Le Canada doit admettre que ses pénitenciers ont en moyenne 50 ans. Ils sont en béton, ils ont de petites cours et ils laissent entrer très peu de lumière. Ils ne sont pas conçus pour traiter des enjeux liés à la santé mentale et aux déficits cognitifs, et l’infrastructure en place n’est pas équipée pour offrir des programmes et des compétences professionnelles transférables à la communauté.
Lorsque les Autochtones sont pris dans un tel système, leur situation devient très difficile. Prenez par exemple la rémunération des détenus, qui a été fixée en 1981 et n’a jamais été augmentée depuis. Elle n’est pas non plus ajustée à l’inflation. À l’époque, le taux de rémunération le plus élevé était 6,90 $, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Si le salaire des sénateurs ici présents n’avait pas changé depuis 1981, ne seriez-vous pas un peu inquiets et ne trouveriez-vous pas cela injuste? C’est pourtant le système que nous avons actuellement. De plus, on observe que très peu de détenus autochtones reçoivent le niveau de rémunération le plus élevé. C’est disproportionné. Cette situation est problématique.
CORCAN, l’organisme en milieu carcéral responsable de fournir les meilleurs programmes permettant aux détenus d’acquérir de nouvelles compétences, est également dépassé. En effet, 80 % des emplois dans le cadre de CORCAN relèvent de l’industrie textile. Il s’agit essentiellement de machines à coudre. Cela n’offre pas beaucoup de compétences transférables dans l’économie d’aujourd’hui. En ce qui concerne l’éducation, il n’y a pas d’accès à Internet, pas de courrier électronique surveillé, pas de tablettes et pas d’enseignement postsecondaire. Je dirais que moins de deux douzaines de détenus dans notre pays sont actuellement inscrits à un programme menant à un diplôme universitaire, car le service ne fournit aucune sorte de soutien à cet égard. Je vous remercie.
La sénatrice Coyle : À des fins d’éclaircissements, dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que moins de 8 % de la population carcérale totale d’origine autochtone participent à des interventions axées sur les Autochtones. Vous avez dit que le financement fait partie du problème, car moins de 3 % des dépenses annuelles dans les services correctionnels fédéraux au Canada sont consacrées à des initiatives axées sur les Autochtones. Vous avez également recommandé au gouvernement fédéral de transférer cette responsabilité, et vous avez décrit cette recommandation en détail.
J’aimerais donc savoir dans quelle mesure et dans quelle direction cette recommandation devrait être mise en œuvre. Est-ce que tenter de travailler à l’intérieur du système reviendrait à jeter de l’argent par les fenêtres? Devrions-nous tenter de rafistoler le système, même s’il ne s’améliore pas, ou devrions-nous concentrer nos efforts sur le transfert des responsabilités aux Autochtones pour qu’ils gèrent eux-mêmes un dossier que notre gouvernement n’a pas été en mesure de gérer correctement du tout? Il s’agit visiblement d’un échec cuisant.
Qu’en pensez-vous? Sur quels aspects faut-il mettre l’accent? Devrions-nous continuer d’augmenter le budget et les programmes offerts pour tenter de réduire au moins le taux de récidive? En même temps, devrions-nous faire cela ou nous concentrer davantage sur le transfert des responsabilités?
M. Zinger : C’est là l’essence du problème. J’ai occupé diverses fonctions au Bureau de l’enquêteur correctionnel au cours des 20 dernières années et j’ai vu beaucoup de rafistolage. Au cours des 20 dernières années, j’ai vu le service proposer cinq stratégies différentes pour les Autochtones. À chaque fois, la personne responsable de cette initiative débordait de motivation, d’enthousiasme et d’énergie, mais au bout du compte, nous n’avons vu que très peu d’améliorations concrètes.
La dernière stratégie en date est encore plus préoccupante, à mon avis. En effet, le nouveau cadre ne fait que présumer que la tendance à la surincarcération se maintiendra, mais qu’elle diminuera peut-être un jour par elle-même. Cela fait donc partie du problème.
D’autres initiatives sont en cours. Par exemple, il y a trois ans, le ministère de la Justice a annoncé sa nouvelle Stratégie en matière de justice autochtone. Je n’ai encore rien vu de concret en ce qui concerne cette initiative. Aucune date précise n’a été donnée pour la mise en œuvre de cette stratégie. Il faudra établir un plan d’action. Nous avons communiqué avec le ministère de la Justice, car nous faisons partie de l’un de ses groupes de travail, et nous avons fait valoir que les services correctionnels devaient faire partie de cette stratégie globale. Nous redoutions en effet que le ministère de la Justice ne se concentre que sur ce qu’il connaît, à savoir les condamnations et des choses comme la mise en liberté sous caution. Toutefois, cela fait trois ans, et rien n’a encore été fait.
Je suis également conscient qu’il y aura des élections dans un an et je ne sais pas ce qu’il adviendra de ce projet à ce moment-là. Il en va de même pour la Loi établissant un cadre fédéral visant à réduire la récidive. Il y a eu de grands débats et de grandes discussions, mais très peu d’améliorations concrètes.
La sénatrice Pate : Vous nous avez démontré de façon évidente que lorsque nous rafistolons le système — lorsque nous disons que nous l’adaptons aux Autochtones en mettant en place quelques pavillons de ressourcement, quelques tribunaux spécialisés et quelques programmes —, cela nous aide à nous sentir mieux, mais que cela mène en réalité à une augmentation du nombre d’Autochotones en prison et non à la résolution du problème. Lorsqu’on ne tient pas compte des recommandations formulées dans le cadre de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui visent tous les aspects du système, ces nombres augmentent.
Nous sommes déjà dans un autre cycle ou une autre vague de ce que l’on appelle l’établissement de la loi et l’ordre, une période pendant laquelle on établit plus de lois et, à mon humble avis, moins d’ordre. Vous avez d’ailleurs mentionné un bon exemple à cet égard, soit la réforme de la mise en liberté sous caution. Même si toutes les données probantes indiquent qu’une approche différente est nécessaire, le gouvernement a déjà... Et nous ne sommes même pas dans la prochaine version d’un gouvernement conservateur. Nous avons vu ce qui s’est passé dans les dernières versions. Nous avons vu ce qui s’est passé sous les gouvernements Mulroney et Harper et qui sait ce qui se passera si nous nous retrouvons avec un autre gouvernement conservateur.
Je suis étonnée de constater qu’un bon nombre d’entre nous — y compris, parfois, votre bureau — reconnaissent que les seuls facteurs déterminants semblent maintenant dépendre des litiges. La soi-disant volonté politique ne change qu’après avoir démontré que les services correctionnels violent la loi — qu’il s’agisse de la Déclaration des Nations unies, de la Charte ou de sa propre loi. J’accepte certainement qu’on me corrige si je me trompe.
La mise en œuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a entraîné un énorme changement d’orientation, car elle oblige les juges à examiner d’abord tous les autres systèmes. C’était plus acceptable pour les jeunes, mais ils doivent se demander pourquoi nous ne nous occupons pas de l’éducation, de la protection de l’enfance et d’autres systèmes. À lui seul, ce changement a permis de réduire de moitié le nombre de jeunes placés en détention. Le nombre de jeunes autochtones n’a pas diminué autant, mais cela a changé.
Existe-t-il d’autres changements comme celui-ci que le comité pourrait recommander d’apporter dans le système fédéral pour contribuer à ces changements, en plus de ceux que vous avez déjà mentionnés, c’est-à-dire les changements liés aux quotas et aux mesures de rendement pour la commissaire et la haute direction?
M. Zinger : J’espère que le service fera preuve d’ouverture pour donner suite aux recommandations qui ont déjà été formulées. Vous avez mentionné la Commission de vérité et réconciliation et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Dix-sept recommandations portent sur les services correctionnels, mais une seule a été mise en œuvre. Mon bureau a fait des recommandations et le rapport du Sénat sur les droits de la personne en contient. Mon mandat est axé sur les services correctionnels et je pense que vous voudrez peut-être parler à d’autres témoins de ce que l’on peut faire et obtenir à l’extérieur des services correctionnels. Je pense qu’il y a beaucoup plus de possibilités à cet égard également.
Comme je l’ai dit, j’ai bon espoir que si nous pouvons être plus précis quant à ce que nous demandons au service d’accomplir, en prévoyant des échéances, des objectifs et des quotas, les choses avanceront et s’amélioreront.
Le président : Merci, monsieur Zinger. Notre temps est écoulé. Nous avons toujours peu de temps. Je vous remercie d’être venu témoigner aujourd’hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Si vous souhaitez présenter d’autres observations, n’hésitez pas à le faire et à les envoyer à notre greffier, M. Payet, d’ici sept jours.
J’aimerais maintenant vous présenter notre prochaine témoin. Il s’agit de Mme Bernadine Coleman, conseillère de la Première Nation O’Chiese. Bienvenue, madame Coleman.
Notre témoin fera une déclaration préliminaire d’environ cinq minutes. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. J’invite maintenant Mme Coleman à commencer.
Bernadine Coleman, conseillère, Première Nation O’Chiese : Bonjour. Merci au président et aux sénateurs. Je suis très honorée d’être ici aujourd’hui. Ahneen. Je m’appelle Bernadine Coleman, femme oiseau-tonnerre.
[Mots prononcés dans une langue autochtone]
Je suis conseillère de la Première Nation O’Chiese, dans le centre de l’Alberta. J’aimerais souligner que la Première Nation O’Chiese est située sur le territoire traditionnel des Saulteaux Anishinaabe. Je suis heureuse et honorée de me trouver à titre d’invitée sur le territoire traditionnel et non cédé des Algonquins Anishinaabe, ici, à Ottawa, qui ont des liens étroits avec notre nation.
J’ai été élue au Conseil de la Première Nation O’Chiese en 2021. Il s’agit de mon premier mandat, d’une durée de quatre ans. Je joue un rôle au sein du conseil d’administration d’O’Chiese Energy, une société énergétique axée sur la croissance qui appartient à part entière à ma nation, avec des participations importantes dans la production de gaz naturel et de liquides. Je suis également vice-présidente de l’O’Chiese Business & Investment Centre, un centre d’affaires et d’investissement.
J’ai un baccalauréat ès arts, avec spécialisation en justice pénale. Avant de siéger au conseil, j’étais agente de développement économique de la Première Nation O’Chiese, ce qui m’a permis de contribuer à réaliser l’objectif d’assurer la viabilité à long terme de ma collectivité.
Je m’intéresse notamment au renforcement des pouvoirs de négociation des Premières Nations et du profil international et je travaille à améliorer ma propre expertise dans le domaine des affaires. Je me consacre actuellement à approfondir mes connaissances dans le secteur de l’énergie.
Parmi les objectifs de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il y a la confirmation, la reconnaissance et la protection des droits constitutionnels des peuples autochtones, y compris de nos intérêts au Canada et de ceux des peuples autochtones partout dans le monde.
Je trouve que les principes de la déclaration des Nations unies sont très compatibles avec le concept de sécurité énergétique. En ce qui concerne la nouvelle orientation des dirigeants en matière de politique énergétique, que nous avons lancée en 2021, un chef et un conseil nouvellement élus pour la Première Nation O’Chiese ont défini un nouveau mandat dans le cadre duquel O’Chiese Energy apporterait des avantages grâce à ses concepts.
Au cours de mon mandat, nous avons pris conscience de notre importance dans l’économie en général, non seulement dans notre province, mais aussi dans l’ensemble du Canada et dans le cadre du développement économique mondial.
La nation a le droit de choisir les types de sources d’énergie et les infrastructures connexes qu’elle préfère pour sa collectivité et de s’exprimer sur la politique énergétique en général.
En ce qui concerne la culture, l’importance des connaissances et des pratiques traditionnelles serait intégrée dans l’exécution et la gestion de projets énergétiques qui respectent les valeurs et les croyances culturelles et spirituelles.
Sur le plan du développement économique, nous nous efforçons d’assurer une gestion et un contrôle plus poussés du développement et d’établir de véritables partenariats avec la possibilité de prises de participation, ce qui réduirait notre dépendance à des sources de revenus externes et offrirait des possibilités de croissance économique.
Nous avons l’intention de faire progresser notre nation et d’autres nations comme la nôtre, et de nous présenter comme un modèle de solution pour l’avenir.
Pour ce qui est de la gérance de l’environnement, la nation intégrerait la responsabilité liée à la durabilité dans le développement énergétique afin de limiter au maximum les incidences sur la terre, l’eau et l’air.
Comme vous le savez peut-être, parmi les objectifs énoncés dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il y a ceux de définir un plan d’action, de consulter les peuples autochtones et de coopérer avec eux. Je tiens à remercier le gouvernement du Canada d’avoir adopté la déclaration des Nations unies. Je pense que c’est assurément la voie à suivre pour que nous puissions collaborer et grandir ensemble. Le Canada a travaillé avec les peuples autochtones et les a consultés pour élaborer le plan d’action provisoire de mars 2023 et le récent rapport le concernant.
De nombreuses modifications réglementaires ont été recommandées pour la plupart des politiques et des règlements fédéraux. Il est absolument essentiel d’accroître la participation des Autochtones au sujet des politiques, des règles et des règlements. J’ai des inquiétudes quant aux termes utilisés lorsqu’il est question de normes minimales.
Selon la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, il faut respecter les droits de la personne et assurer une égalité totale et véritable aux peuples autochtones du Canada. Il s’agit notamment de reconnaître et d’appliquer de façon complète et globale les traités. À l’heure actuelle, de nombreuses provinces ne reconnaissent ni n’honorent les traités historiques.
En ce qui concerne nos terres, nos territoires et nos ressources, les terres de la Première Nation O’Chiese sont situées au-dessus d’un immense bassin de ressources naturelles. L’énorme quantité de gaz naturel alimente non seulement la province et le pays, mais aussi d’autres régions du monde. Entre 30 et 40 % de notre gaz naturel constituent un avantage pour nous et pour l’ensemble de l’économie mondiale.
Pour ce qui est de l’environnement, il reste beaucoup à faire sur le plan des politiques, des règles et de la réglementation, qui doivent reconnaître et appliquer pleinement les traités historiques du Canada. Les mesures, les outils et les cadres de responsabilisation doivent être modernisés et adaptés aux normes actuelles. Un grand nombre de politiques, de règles et de règlements en matière d’énergie doivent être mis à jour pour l’avenir.
Un grand nombre de politiques, de règles et de règlements, en particulier en Alberta — comme nous le savons tous, la province est une énorme productrice de pétrole et de gaz —, doivent être mis à jour afin que nous puissions répondre aux demandes actuelles d’une voie à suivre pour le développement économique global.
En ce qui concerne le renforcement des capacités des Premières Nations, elles sont les intendantes de la terre. Nous sommes ici. Nous pouvons apporter des solutions dans le cadre d’activités commerciales et de projets de collectivités.
Quant à la transparence et à l’égalité dans les relations commerciales, les Premières Nations sont sur la voie de l’indépendance dans le secteur de l’énergie et des ressources naturelles. Nos ressources naturelles ont une valeur énorme et les membres de la Première Nation O’Chiese en tiennent compte et sont attentifs à ce qui entre dans les grands pipelines et à ce qui en sort. Nous voyons notre valeur globale et nous en prenons soudainement conscience.
La Première Nation O’Chiese procure un avantage économique global important, qui vient du gaz naturel. Nous avons le pouvoir d’influer sur les résultats économiques en traçant une voie vers l’avenir. Nous devons travailler et le faire ensemble.
Pour les Premières Nations du Canada, il y a les terres, les routes et toute une série de répercussions sur l’environnement. Là encore, c’est ensemble que nous trouverons les solutions. Il est très important que les Autochtones participent à l’élaboration des politiques, des règles et des règlements.
Pour que les Premières Nations puissent participer aux activités commerciales et à l’industrie des ressources naturelles, nous devons prendre des décisions d’investissement judicieuses et fondées sur des faits. De nombreuses nations, contrairement à la nôtre, n’ont pas la pleine capacité de participer à des projets d’envergure. L’économie dans son ensemble est touchée par les ressources qui relèvent de la compétence des Premières Nations.
En ce qui concerne la capacité et les projets majeurs dont je parle, dans une étude du Canada qui a été réalisée par Ressources naturelles Canada, ou RNCan, il est question de projets prévus pour la décennie à venir au pays. Selon l’étude, le Canada doit multiplier par 200 sa participation avec les peuples autochtones pour pouvoir respecter l’échéance de 2030. Nous avons beaucoup de travail à accomplir ensemble. La participation des Autochtones est absolument impérative.
Nous vivons dans une période et une ère très excitante et importante où nous devons travailler avec les peuples autochtones. Le gouvernement et les Autochtones doivent discuter ensemble et tracer la voie à suivre. Par conséquent, le Canada a un devoir fiduciaire de remplir toutes les obligations que lui impose la common law et toutes ses obligations législatives. Les Premières Nations sont en voie de renforcer leur indépendance économique et financière.
Ce qui pose particulièrement problème, c’est que le Canada prévoit retirer des dispositions législatives et des politiques. Par exemple, pour de nombreuses Premières Nations, il y a maintenant les accords de contribution de 10 ans. De nombreux accords sont actuellement imposés aux Premières Nations. Le Canada s’en sert comme un outil pour négocier nos traités de longue date, ce qui, à notre avis, entraîne une diminution des pouvoirs en vertu de nos traités existants. Cette situation est inacceptable.
Nous constatons la disparité économique entre les Premières Nations partout au Canada, qui peut être directement liée à la capacité et à la disponibilité des ressources.
Je ne suis pas ici pour négocier des traités, mais plutôt pour réaffirmer nos traités originaux et il n’est pas question d’extinction. L’objectif est d’assurer la pérennité de nos traités et leur respect, tels qu’ils sont, tant que le soleil brille, que les rivières coulent et que l’herbe pousse.
Hiy Hiy. Meegwetch.
J’ai hâte de poursuivre la conversation.
Le président : Merci, madame Coleman. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.
Le sénateur Arnot : Je vous remercie de votre présence aujourd’hui. Vous estimez qu’il y a beaucoup d’espoir pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.
J’aimerais comprendre. Il me semble qu’O’Chiese Energy est viable. Combien de membres de la collectivité sont employés? Combien reçoivent une formation leur permettant d’acquérir les compétences nécessaires pour travailler dans l’industrie dans votre collectivité? Pensez-vous que le soutien et la coopération entre le gouvernement fédéral et votre Première Nation vous permettent de réussir en utilisant le pouvoir de l’éducation pour faire en sorte que les membres de la collectivité puissent participer à l’économie sur un pied d’égalité avec le reste des employés canadiens?
Mme Coleman : C’est une excellente question. Je vous en remercie. J’ai mentionné plus tôt qu’avant mon mandat actuel, j’étais agente de développement économique. J’ai également passé plus de 20 ans à travailler dans le cadre d’un programme de formation pour les compétences et l’emploi destiné aux Autochtones. J’ai donc fait beaucoup de travail dans ce domaine.
Comme nous le savons, pour développer l’économie, il faut beaucoup aider notre population. Vous avez tout à fait raison, il y a des défis et des obstacles dans ce contexte.
Cependant, nous avons connu une croissance énorme au cours des trois dernières années. Il est absolument indispensable et prioritaire que les membres de notre population occupent des emplois. Il y a actuellement plus de 13 entreprises. Nous essayons de faire en sorte que les gens de notre collectivité les dirigent ou y suivent des personnes qui y travaillent, ce qui leur permet de prendre le temps d’accroître leurs capacités dans le cadre de programmes d’éducation, d’emploi et de formation.
Je suis très heureuse de dire que la proportion d’étudiants a plus que doublé dans notre collectivité, ce qui est absolument indispensable. Nous avons des entreprises, dans tous les domaines : du commerce de détail à l’énergie en passant par les technologies de l’information. Nous sommes également présents dans le secteur des jeux. Nous possédons le Red Deer Resort & Casino. Nous avons participé à hauteur de plus de 70 millions de dollars à la construction de l’hôtel et du casino dans la région de Red Deer.
Nous y avons aussi construit un centre d’événements récemment.
Nous avons également un bureau dans le centre-ville de Calgary, pour O’Chiese Energy. À partir de là, nous avons l’intention de créer un centre d’excellence afin de transmettre nos connaissances et notre expérience à d’autres Premières Nations du Canada.
Le sénateur Arnot : Il semble que c’est un excellent modèle de réconciliation économique que d’autres nations peuvent adopter. C’est très impressionnant. Merci de nous en avoir informés.
La sénatrice White : Je vous remercie de votre exposé. La Première Nation O’Chiese me fascine, en particulier parce que vous avez une histoire distincte en ce sens que vous avez apporté une modification à un traité. Ce n’est pas une chose très connue dans le contexte des relations découlant des traités.
Étant donné que la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, en particulier l’article 37, stipule que rien ne doit diminuer ou remplacer les droits issus des traités, pouvez-vous nous dire ce que cela signifie pour votre collectivité dans la manière dont vous considérez les traités et les relations découlant des traités? Encore une fois, je tiens à vous féliciter pour tout le travail que vous accomplissez, non seulement sur le plan du développement économique, mais aussi quant à l’importance que vous accordez aux programmes culturels, à la reconnaissance des traités et à la sensibilisation. Vous êtes certainement un modèle pour les Premières Nations. Je vous en remercie. J’aimerais en savoir un peu plus sur la façon dont vous conciliez les traités et le travail lié à la déclaration des Nations unies.
Mme Coleman : Absolument. Ce sont de très bonnes questions. Je vais vous donner un bref historique de la Première Nation O’Chiese. Comme nous le savons, notre nation est issue des traités originaux de 1876 pour le Traité no 6. La Première Nation O’Chiese a été l’une des dernières Premières Nations à signer des traités au Canada. Je dis toujours que mes ancêtres, ceux qui ont signé les traités, étaient d’excellents négociateurs de leur époque. Comme je l’ai mentionné plus tôt, quand j’étais jeune, j’ai toujours été fascinée par l’idée d’inscrire dans les traités « tant que le soleil brille, que les rivières coulent et que l’herbe pousse », ce qui revêt une grande importance pour la Première Nation O’Chiese, car cela signifie pour toujours et pour la durée de l’existence du monde.
En tant qu’Autochtones, nous, les membres de la Première Nation O’Chiese, avons non seulement du pouvoir et de vastes connaissances grâce à notre culture et à nos traditions, mais nous pouvons aussi servir de modèle et participer à de grandes discussions à l’échelle internationale. J’ai eu l’honneur de rencontrer d’autres dirigeants autochtones dans le monde.
Pour en revenir au pouvoir et à la richesse de notre culture, la Première Nation O’Chiese se trouve dans le centre de l’Alberta. Lors de notre installation, il n’y avait que peu ou pas de terres agricoles. Nous avons dû déployer d’énormes efforts pour survivre et, sur le plan culturel, nous sommes très riches. Nous mettons cela en œuvre dans tout ce qui concerne notre mode de vie.
Les traités sont très importants et nous les gardons intacts pour la Première Nation O’Chiese, qu’il s’agisse de la santé ou de l’éducation. Je ne vais pas vous expliquer toute ma stratégie à cet égard, mais il est très important que notre culture et nos traditions soient présentes dans tout ce que nous faisons, qu’il s’agisse des affaires ou de la façon dont nous nous gouvernons. Ces éléments sont intégrés dans notre mode de vie. Nous en tenons compte dans nos activités commerciales et dans la manière de faire avancer notre nation. Merci.
Le sénateur Tannas : Madame la conseillère, merci de votre présence ici aujourd’hui. J’aimerais que vous nous en disiez plus sur deux choses, parce que comme tout le monde l’a dit — et ceux d’entre nous qui viennent de l’Alberta le savent —, votre histoire constitue un merveilleux succès et une inspiration.
J’examine toujours le nombre de membres de la communauté qui habitent dans la réserve ou ceux qui n’y habitent pas. Dans votre communauté, un très grand nombre d’entre eux résident dans la réserve; ils restent là. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
De plus, j’aimerais en savoir plus sur l’importance que vous accordez à l’éducation des jeunes. Est-ce que les jeunes vont aux études et demeurent dans la communauté? Pourriez-vous ajouter un peu de couleur à ce propos?
Mme Coleman : Merci de cette question. Je suis très enthousiaste de vous parler de nos jeunes et de leur éducation. Comme je l’ai dit plus tôt, je suis ravie de vous dire que nous avons doublé le nombre de jeunes qui poursuivent leurs études. J’ai eu l’honneur de m’asseoir avec nos étudiants il y a deux semaines, peu après qu’ils aient entamé leurs études à Edmonton. Nous avons réuni tous nos étudiants. Certains d’entre eux visent à occuper des métiers, et d’autres veulent décrocher des diplômes en affaires et en commerce dans le monde de la finance. Je suis véritablement très enthousiaste.
J’en ai parlé avec mes étudiants. Je leur ai dit que nous avions besoin de toutes sortes de guerriers, parce que j’ai beaucoup de postes à combler. Toutes ces mesures permettent de rehausser l’économie autochtone, et pas seulement celle de ma communauté. Toutes nos entreprises en bénéficient. Nous embauchons des membres d’autres Premières Nations aussi. L’effet global est extrêmement important.
Vous avez parlé d’un grand pourcentage de nos membres qui restent dans notre communauté, mais nous devons continuer de parer à un énorme manque d’emplois à combler. Non seulement cela, mais cela s’inscrit dans la culture de la Première Nation O’Chiese. Notre communauté, c’est chez nous. Ce sont les traditions et les valeurs qui habitent les peuples autochtones, et c’est ainsi que nous prenons soin les uns des autres. C’est en grande partie pourquoi nos gens choisissent de vivre dans la communauté O’Chiese. Merci.
La sénatrice Coyle : Merci à notre invitée spéciale d’aujourd’hui, Mme Coleman. Merci de votre leadership. On voit bien que vous travaillez à ces questions depuis longtemps, et vous et les dirigeants de votre communauté connaissez un franc succès. Comme mes collègues l’ont dit, vous êtes une inspiration. C’est exactement ce que la DNUDPA est censée faciliter, pour votre communauté et d’autres. Il est important de voir qu’il pourrait y avoir un lien.
Vous avez parlé de leadership économique et avez dit que votre communauté est un acteur majeur en énergie. Félicitations.
Mme Coleman : Merci.
La sénatrice Coyle : Vous êtes aussi un intendant important en matière d’environnement. Vous accordez beaucoup d’importance à vos forces, votre culture et l’éducation de vos jeunes. Ce sont des pierres d’assise de ce que vous décrivez comme un succès. C’est ce que nous voulons voir : plus de ce que vous percevez comme un succès.
Vous avez dit qu’il fallait actualiser les politiques énergétiques. Le besoin de renforcer les capacités se fait sentir davantage. Oui, on améliore les capacités, mais il faut en faire plus. Je ne suis pas sûre que vous ayez parlé de vos besoins en infrastructure, mais j’ai peut-être lu là-dessus.
Quand vous songez à la relation du gouvernement fédéral avec le pays et à sa relation avec la Première Nation O’Chiese, concernant ces politiques à moderniser, le renforcement des capacités, l’infrastructure et d’autres domaines, quels sont les principaux éléments qui méritent notre attention et plus de travail?
Mme Coleman : Oui, merci. J’aimerais que nous ayons plus de temps, mais je vais brièvement mentionner ce qui importe à la Première Nation O’Chiese.
Je vais citer deux exemples. Tout d’abord, les déplacements pour exploiter le gaz naturel sont un des grands défis que nous connaissons. Même en 2024, nous avons toujours une route de gravier que l’industrie utilise beaucoup pour atteindre les sites d’extraction de notre gaz naturel. Nous voyons aussi énormément d’activité en ce qui a trait au renforcement de l’infrastructure et aux pipelines. C’est inacceptable que cette route soit toujours faite de gravier. Je viens ici pour démarcher le gouvernement fédéral et lui demander de paver cette route. Ce n’est pas beaucoup demander, considérant l’énorme quantité de gaz naturel que nous produisons. C’est de ce genre d’infrastructure dont je parle. Nous avons examiné nos options. Il faut paver cette route. Elle sert non seulement à l’industrie pour exploiter le gaz naturel, mais aussi aux services d’urgence, à la GRC, aux ambulances, ainsi qu’aux infirmières et aux médecins qui desservent notre nation. C’est un exemple.
L’infrastructure constitue un autre exemple. Notre infrastructure a été endommagée. Nous cherchons à améliorer un pont endommagé par un incendie de forêt qui nous a coûté des millions de dollars pour sauver nos maisons et notre terre. Pour ce qui est de renforcer nos capacités, nous pouvons compter sur un excellent service incendie et une équipe de gestion des urgences, qui ont protégé nos terres et nos gens. Nous n’avons déploré aucune perte de vie et n’avons perdu qu’un nombre minimal de maisons dans notre nation.
Nous n’avions plus qu’un pont pour entrer et sortir de la Première Nation, et c’est ainsi que le pont a été endommagé. Je répète que l’infrastructure est limitée. Je peux vous parler de l’infrastructure physique, comme les bâtiments, les routes et les ponts. Il y a aussi l’infrastructure des pipelines. Comme nous le savons, cela présente des occasions à saisir. Il y a peut-être un an et demi, il était question de participation à la propriété du pipeline Trans Mountain. Je pense que ces voix ont été muselées. Je ne suis pas sûre qu’on réentendra un jour parler de ce projet.
Concernant NGTL très récemment, j’aimerais parler d’infrastructure en lien avec la DNUDPA et la participation concrète et respectueuse des Autochtones. Il faut donner plus d’information aux Premières Nations pour qu’elles puissent prendre des décisions éclairées à l’avenir. Nous devons aussi participer aux discussions avec les promoteurs quand des occasions se présentent, au lieu que ces promoteurs nous soumettent une entente déjà ficelée sur le plan structurel et financier. Nous devons participer à la création de cette structure et favoriser la participation non seulement de ma nation, mais de maintes nations au Canada. Je pense que cela nous placerait en excellente position à l’avenir.
La sénatrice Coyle : Merci.
La sénatrice Pate : Merci de vous joindre à nous. Je veux revenir à ce que le sénateur Tannas a dit.
Concernant l’éducation, j’aimerais connaître le pourcentage d’étudiants qui réussissent leur formation dans les métiers, leurs études postsecondaires et leur 12e année. De plus, j’aimerais connaître les niveaux de dépendance, d’itinérance et de criminalité dans votre communauté. Quand M. le juge Causey a examiné les taux d’incarcération en Alberta en 1991 (son rapport a été publié en 1992), il a constaté qu’à 30 ans, 90 % des hommes autochtones avaient un casier judiciaire, par exemple. Dans bien des cas, quand la communauté dispose du genre d’infrastructure que vous avez, les taux sont moindres. J’aimerais savoir quels sont vos chiffres et à quoi vous les attribuez.
Mme Coleman : Oui. Merci de ces questions, sénatrice Pate. Je n’ai pas les statistiques sous la main, mais vous avez tout à fait raison.
Je suis très contente que vous ayez soulevé les enjeux liés à la dépendance, l’incarcération, le crime et la GRC. La croissance que nous avons connue dans la Première Nation O’Chiese a apporté bien des difficultés en matière de taux de criminalité et d’incarcération. C’est clair que nous demandons la protection de la GRC. J’ai envoyé une lettre on ne peut plus claire à la GRC récemment. J’y disais qu’il est inacceptable qu’elle ne réponde pas aux besoins de notre nation. La GRC doit pourtant soutenir les membres de l’Entente tripartite communautaire. Notre nation est signataire de quatre ententes de ce genre : deux portent sur ma nation, et les deux autres s’appliquent à la nation voisine, la Première Nation Sunchild. Il n’y a pas toujours d’agents de la GRC disponibles pour nous. Je lui ai exprimé cette préoccupation.
Je sais aussi que dans la région où la GRC travaille, le taux de criminalité et d’autres indices sont élevés. Je peux vous citer ces données, parce que je poursuis mes discussions avec la GRC. C’est un enjeu très important auquel il faut réfléchir.
De tous ces problèmes découle la dépendance, qui vient avec son lot de difficultés, et pas seulement dans la Première Nation O’Chiese. Bien des Premières Nations au Canada sont aux prises avec un problème de dépendance plus dangereux et plus important — je parle toujours d’un monstre. La dépendance prend le contrôle de la vie de bien des gens, et pas seulement des Autochtones. On retrouve aussi ce problème dans les municipalités et les villes canadiennes. Je pense qu’il s’agit d’un enjeu que nous devons examiner ensemble. Je tiens à le dire, car c’est très important : auparavant, pour traiter une dépendance, on allait dans un centre de désintoxication pour à peine 30 jours. C’était le programme qu’on suivait. Dans un tel centre, on traitait les problèmes comme la drogue et l’alcool. Désormais, le monstre que nous devons combattre est une drogue bien plus nocive qui fait des ravages dans les collectivités de partout au Canada. Je répète que le problème n’existe pas uniquement chez les Premières Nations, mais aussi dans les municipalités et les villes. Pour s’en sortir, il faut une cure plus longue. On ne peut pas vaincre la dépendance en 30 jours, ou avec une cure très brève. C’est très important à savoir.
Il faut commencer par considérer les dépendances comme étant la source du problème. C’est extrêmement important pour la Première Nation O’Chiese. Durant mon mandat de chef, j’ai mis en œuvre des programmes qui devraient fonctionner. Je tente de plus en plus de soutenir les programmes qui marchent. Nous avons mis sur pied un programme de traitement de jour qui fonctionne dans notre communauté. Je répète que tout le mérite revient au personnel traitant, qui sauve des vies. Lorsque les patients voient un des leurs vaincre sa dépendance, ils se disent qu’ils peuvent y arriver eux aussi. Ils se questionnent pour savoir ce qui a fonctionné pour les autres.
J’ai toujours demandé un centre de désintoxication qui répond à ces besoins, mais sans succès. Je ne parviens pas à fournir ce centre pour mettre en œuvre le programme et ce qui fonctionne pour nous, bien que nous connaissions beaucoup de succès avec le programme et ce qui fonctionne.
J’aimerais vous faire une recommandation. Peu importe, de quoi ont l’air ces centres de désintoxication, les programmes doivent être de plus longue durée. Il doit y avoir des médecins et des infirmières qui peuvent aider les patients à diminuer leur dépendance. En général, les programmes doivent offrir des services complets pour que le personnel puisse traiter l’aspect physique de la dépendance. Comme nous l’avons dit, nous devons également songer à ce que ces gens peuvent faire ensuite. Nous devons les loger et avoir des emplois pour eux. Je suis un grand défenseur de la sécurité des itinérants, mais aussi des familles et des enfants. Nous travaillons fort en matière de protection de l’enfance à l’heure actuelle. C’est extrêmement important et c’est bon à voir.
Comme je l’ai dit, nous pouvons vous faire part de notre savoir abondant sur les choses que nous faisons. La Première Nation O’Chiese a beaucoup de travail à faire en matière de protection de la jeunesse. Nous devons ramener nos enfants à la maison et avoir plus d’autorité et d’autonomie pour ce faire. Quand nous parlons de sécurité, je dis toujours que c’est inacceptable que la population de la Première Nation O’Chiese, qui compte plus de 1 500 personnes, ait plus de 100 enfants dans un système où rien n’est mis en place et qui nous empêche pour le moment de les ramener à la maison. C’est extrêmement important. Tous les jours, lorsque je commence ma journée et que nous prions, je pense à ces enfants. On me raconte encore des histoires absolument horribles. Il reste beaucoup de travail à faire, concernant la DNUDPA et bien d’autres domaines.
Je veux aussi parler des taux de criminalité et d’incarcération. Comme nous le savons tous, ces statistiques sont très élevées. À certaines occasions, la GRC nous a dit que ce n’était pas tout le monde de notre communauté qui était touché, et que nous faisions bonne figure. Nous connaissons tous ce genre d’exemple. Ce n’est sans doute même pas 10 % de nos gens qui sèment le chaos, mais cela ne s’arrête pas là. Je répète qu’en matière de dépendance, il faut aussi s’attaquer à la vente de drogues. Je sais que notre communauté a fait des avancées face à ce problème. Je ne suis pas ici pour vous dire que je vais un jour trouver la solution. C’est un problème que nous devons régler tous ensemble.
Je répète que la drogue joue un rôle important dans les statistiques sur la criminalité et les incarcérations. En Alberta, les Maskwacis présentaient les taux de criminalité les plus élevés. La croissance de l’économie et de la richesse dans la nation s’accompagne de la hausse de la criminalité et de la dépendance.
Je suis ici pour demander la mise en place de diverses mesures pour nos secteurs, surtout à l’avenir. L’enjeu que nous devons examiner, c’est la sécurité des personnes. Envisage-t-on à la GRC d’assurer plus de sécurité et un meilleur maintien de l’ordre? Ou faudrait-il se pencher sur ce que d’autres Premières Nations font avec leurs propres services de police?
Comme vous pouvez le voir, ces enjeux m’épuisent. Tandis que d’autres peuvent focaliser sur une chose au travail, les dirigeants autochtones examinent une vingtaine d’enjeux par jour. Comme vous le savez, la Première Nation O’Chiese a accompli beaucoup de travail, en ce qui a trait autant à la criminalité, la dépendance, la santé et les incarcérations que le logement abordable. Nous possédons aussi un grand nombre de propriétés immobilières à Edmonton. Bon nombre de nos étudiants peuvent y résider.
Nous tentons de créer le modèle dont toutes les Premières Nations ont besoin, notamment sur le plan du développement économique et de tous les aspects sociaux. Dans ce contexte, cela exige énormément de travail.
Le président : Merci, madame Coleman, de votre témoignage aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants d’être ici.
Le temps imparti à ce groupe de témoins est écoulé. Cela conclut notre réunion.
(La séance est levée.)