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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 2 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 45 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis.

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je demanderais à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents de rétroaction auditive. Veillez à ce que votre écouteur soit loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, déposez-la vers le bas sur l’autocollant placé sur la table à cet effet. Je vous remercie tous pour votre coopération.

Je tiens tout d’abord à rappeler que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinaabe et que de nombreux autres peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits de toute l’île de la Tortue y vivent maintenant.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connue sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité des peuples autochtones. Je vais maintenant demander aux membres du comité présents de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.

Le sénateur Arnot : Bonjour, je m’appelle David Arnot et je viens de la Saskatchewan.

Le sénateur McNair : John McNair, du Nouveau-Brunswick, territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick, territoire non cédé du peuple mi’kmaq.

La sénatrice Sorensen : Karen Sorensen, de l’Alberta, territoire du Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Mary Coyle, d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, territoire Mi’kma’ki.

La sénatrice Greenwood : Margo Greenwood, de la Colombie-Britannique, originaire du territoire du Traité no 6.

Le président : Merci à tous.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones de 2021, également connue sous le nom de DNUDPA, par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entend des témoins afin d’affiner le sujet de son étude.

Sur ce, j’aimerais maintenant présenter nos témoins. Nous accueillons les représentants de l’Assemblée des Premières Nations : M. Isaiah Bernard, co-président du Conseil National de la Jeunesse, et Mme Natasha Beedie, directrice des Droits et de la Gouvernance. Je vous remercie tous deux de vous être joints à nous aujourd’hui.

Nos témoins feront des remarques préliminaires d’environ cinq minutes, qui seront suivies d’une séance de questions-réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant M. Bernard à présenter ses observations préliminaires.

Isaiah Bernard, co-président, Assemblée des Premières Nations —Conseil National de la Jeunesse : [Mots prononcés dans une langue autochtone.]

Pour ceux qui ne parlent pas le mi’kmaq, bonsoir, sénateurs. Je m’appelle Isaiah Bernard et je suis co-président du Conseil National de la Jeunesse de l’Assemblée des Premières Nations, ou APN.

Je fais partie de la Première Nation de Potlotek, sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple mi’kmaq. Je m’adresse à vous depuis mon territoire d’origine. Je suis désolé de ne pas avoir pu être présent, mais je devais être chez moi pour la semaine des traités.

L’APN est une organisation nationale de défense des droits qui cherche à faire progresser les droits inhérents et issus de traités des Premières Nations par l’élaboration de politiques, la sensibilisation du public et l’élaboration conjointe de lois visant à renforcer les capacités des Premières Nations.

Le Conseil de la Jeunesse de l’APN est un organe qui donne aux jeunes des occasions de prendre part aux questions importantes auxquelles sont confrontées les Premières Nations. Il nous donne également une perspective unique sur nos problèmes, car les jeunes d’aujourd’hui sont les aînés de demain.

L’APN continue de plaider en faveur de la mise en œuvre intégrale de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones au Canada par des initiatives autochtones.

En tant que représentant du Conseil de la Jeunesse, j’ai le privilège de rappeler au comité et à tous ceux qui sont présents ici aujourd’hui que la voix de nos jeunes est importante et doit être activement prise en compte. Il est essentiel de donner aux jeunes l’occasion de faire entendre leur voix et de partager leurs expériences pour réussir la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies.

La mise en place de la DNUDPA est une priorité pour les jeunes, car nous cherchons à améliorer le bien-être de toutes les Premières Nations et à garantir le respect de nos droits fondamentaux.

Pour que la mise en œuvre de la déclaration puisse être couronnée de succès, les Premières Nations doivent piloter le processus. Une tribune distincte doit leur être donnée pour qu’elles puissent participer et communiquer leurs perspectives; toutes nos voix doivent être entendues et nos préoccupations dûment traitées.

Je vais revenir un peu en arrière. En avril, ma collègue et co-présidente, Veronik Picard, a pris part à la 23e session de l’Instance permanente sur les questions autochtones des Nations unies, qui portait sur la participation accrue des peuples autochtones et les perspectives des jeunes.

À la lumière de ces discussions, il apparaît évident que les jeunes disposent de capacités et de talents incroyables ainsi que d’une passion inébranlable pour mener à bien le changement. Ils constituent la pierre angulaire de toute solution aux défis actuels et futurs. Nous avons besoin d’une coordination et d’une coopération similaires de la part de nos partenaires au gouvernement du Canada. Si les jeunes autochtones de par le monde peuvent s’organiser pour planifier et exécuter des projets avec succès, le Canada peut également y parvenir.

Je recommande vivement que l’on accorde une grande priorité à l’élaboration d’approches pangouvernementales exhaustives pour la mise en œuvre fructueuse de la déclaration. Tous les ministères fédéraux doivent collaborer et communiquer efficacement, entre eux et avec les jeunes, afin de faire des progrès et d’éviter les redondances.

J’aimerais maintenant vous communiquer les mesures du Plan d’action, ou MPA, qui touchent plus particulièrement le Conseil national de la Jeunesse de l’Assemblée des Premières Nations.

J’attirerais tout d’abord votre attention sur la MPA 104, qui parle de la nécessité d’« élaborer conjointement des options pour mettre en œuvre l’appel à l’action 66 de la Commission de vérité et réconciliation, pour...

... établir un financement pluriannuel destiné aux organisations communautaires œuvrant auprès des jeunes pour leur permettre d’offrir des programmes sur la réconciliation, et de mettre en place un réseau national de mise en commun de renseignements et de pratiques exemplaires.

Le Conseil national pour la Jeunesse demande un financement pour nous permettre de mettre à profit nos talents et notre expertise afin de concrétiser cette MPA. En aidant les jeunes Autochtones des Premières Nations à piloter cette initiative, vous contribuerez à créer un réseau adapté aux réalités culturelles et vous aiderez les jeunes de partout au pays à tisser des liens féconds qui permettront un travail de collaboration dans l’avenir.

J’ai participé à la journée de la jeunesse autochtone organisée par One Young World le mois dernier. Les jeunes autochtones étaient nombreux. Nous avons tissé de très bons liens.

Nous devons également reconnaître que l’environnement change à la vitesse grand V et accorder la priorité aux mesures urgentes visant à sauvegarder la biodiversité et à promouvoir la sécurité alimentaire. Il va de soi que toute mesure du Plan d’action portant sur l’avenir des Autochtones cible les jeunes. La voix des jeunes Autochtones doit être entendue et prise en compte dans la mise en œuvre de toutes les MPA. Par conséquent, les MPA 86 et 87 sont essentielles pour notre avenir puisqu’elles traitent de la souveraineté alimentaire et de l’accès aux aliments traditionnels et aux systèmes alimentaires locaux. Nous devons agir maintenant pour préserver nos terres et nos aliments, puisqu’ils font partie intégrante de nos langues, de nos coutumes, de nos danses et de notre spiritualité. Sans notre lien avec le territoire, notre identité serait perdue.

Pour conclure, j’aimerais vous remercier de m’avoir invité à témoigner et de m’avoir permis de vous faire part de ma perspective. Welalioq.

Le président : Wela’lin. Nous allons maintenant passer à la période de questions.

Le sénateur Arnot : Madame Beedie, vous avez corédigé un article intitulé Vers la justice : S’attaquer à la pauvreté des enfants autochtones au Canada. Il s’agit d’un projet de recherche d’envergure. Vous avez de l’expérience en tant qu’analyste de politiques également. À votre avis, la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a-t-elle permis de faire progresser la réconciliation, et tout particulièrement les dossiers de la pauvreté et de la pauvreté chez les enfants? Je fais appel à votre expérience afin de mieux comprendre les enjeux. Je vous remercie.

Natasha Beedie, directrice, Droits et Gouvernance, Assemblée des Premières Nations : Je vous remercie de la question, sénateur.

Pour les personnes qui n’ont pas eu connaissance du rapport, il s’agissait d’un partenariat avec le Centre canadien de politiques alternatives et une autre organisation. Nous avons passé en revue la recherche visant à mesurer la pauvreté chez les enfants au pays pour la comparer à la pauvreté chez les Premières Nations, les Métis, les Inuits, les nouveaux arrivants et la population générale.

À mon avis, la déclaration s’avère un cadre important qui permet de se pencher sur la pauvreté à laquelle les Premières Nations continuent d’être confrontées. Depuis 2019, nous avons continué à plancher avec enthousiasme sur la mise en œuvre de la déclaration; toutefois, nous croyons qu’il faut en faire davantage pour lutter contre la pauvreté. J’estime que nous devons envisager la pauvreté selon une perspective multisectionnelle et interdimensionnelle qui se répercute non seulement sur le bien-être économique, mais également sur le bien-être social, ainsi que sur l’accès aux terres et aux aliments, comme M. Bernard l’a indiqué. Il ne s’agit pas uniquement de se pencher sur les salaires et les revenus des familles dans les Premières Nations; la question est bien plus vaste.

Je crois que la déclaration vient soutenir ce travail; toutefois, un investissement transformateur dans le bien-être des Premières Nations s’avère essentiel, lequel passera inévitablement par l’autodétermination et l’affirmation de leurs droits.

Le sénateur Arnot : Merci.

Monsieur Bernard, en tant que jeune leader dans votre communauté et à l’échelle nationale, comment voyez-vous l’impact de la Loi sur la DNUDPA sur la prochaine génération de leaders autochtones, dont vous faites probablement partie? Ensuite, vous avez parlé en particulier de la MPA 104 et de l’élaboration conjointe. Pouvez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet, s’il vous plaît, monsieur?

M. Bernard : Je pourrais demander à Mme Beedie de m’aider. Mes nerfs sont un peu à vif.

Mme Beedie : Je suis heureuse de répondre, sénateur. Je laisse à M. Bernard le soin de parler de l’avenir de la jeunesse. J’espère que je suis moi-même perçue comme une jeune, mais je n’ai plus cet âge.

La déclaration des Nations unies se veut un cadre pour l’affirmation des droits des Premières Nations, qui sont des droits de la personne. C’est un outil essentiel pour faire avancer nos droits et pour soutenir les partenaires autochtones qui travaillent en collaboration avec le gouvernement du Canada pour apporter des changements significatifs.

Nous devons accélérer la mise en œuvre des mesures du Plan d’action et veiller à ce qu’il y ait des rapports et une reddition de comptes fiables pour continuer sur cette voie. Je pense que nous avons tous constaté que lorsque le Canada s’associe aux Premières Nations pour créer ces grands cadres ou rapports tels que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la Commission de vérité et de réconciliation, ces rapports restent souvent sur les tablettes. Notre plafond a été atteint il y a plus de 30 ans, et nous sommes toujours à la recherche de changements significatifs.

Nous devons nous assurer que nous développons les outils et les cadres nécessaires pour soutenir les jeunes qui seront, comme l’a dit M. Bernard, les prochains dirigeants des Premières Nations. Il est temps d’agir pour préserver nos langues et nos coutumes et pour garantir l’accès à nos terres. Cela nécessitera beaucoup de travail, qui ne sera pas réalisé dans le cadre du mandat de ce gouvernement, et probablement pas par les gouvernements futurs, à moins qu’il n’y ait un investissement important et une accélération du travail en cours.

Le sénateur Arnot : Merci beaucoup.

Le président : Je vais poser une question à l’un ou l’autre d’entre vous pour donner suite aux propos du sénateur Arnot. Du point de vue du Conseil de la Jeunesse de l’APN, y a-t-il des priorités qui manquent dans le plan d’action? Est-ce l’un d’entre vous pourrait répondre?

M. Bernard : Je peux tenter de répondre à cette question. Le budget de 2024 prévoit 12,5 millions de dollars sur deux ans pour soutenir le programme Indigenous Youth Roots, ce qui est très bien, mais il ne s’agit que d’un seul groupe. Il y a 634 Premières Nations au Canada, et l’appel à l’action 66 de la Commission de vérité et réconciliation exige que nous mettions en place un réseau composé de nombreuses organisations, de sorte que nous avons besoin de plus de soutien pour nos groupes de jeunes et nos conseils de jeunes dans tout le Canada.

Le président : Voulez-vous répondre, madame Beedie?

Mme Beedie : Merci, monsieur le président.

Le plan d’action de la Déclaration des Nations unies a été créé avec des partenaires autochtones, mais nous reconnaissons qu’il n’englobe pas toute l’ampleur du soutien nécessaire à la modification des lois et des politiques pour la mise en œuvre de la déclaration. Il ne s’agit que d’une première étape. Bon nombre des mesures du plan d’action que le Canada a proposées étaient déjà des engagements qu’il était prêt à prendre avant la mise en œuvre du projet de loi C-15, qui est devenu la Loi sur la DNUDPA.

Je pense que la remarque de M. Bernard sur la jeunesse est pertinente. En réalité, cela revient à la question de l’élaboration conjointe, de la coopération et de l’engagement. Comment le Canada soutient-il comme il se doit la collaboration et l’engagement avec tous les détenteurs de droits des Premières Nations, y compris les jeunes autochtones? Je pense qu’il s’agit d’un défi important en matière de gouvernance sur lequel le Canada et les Premières Nations veulent travailler, mais, en réalité, les Premières Nations ont besoin d’être soutenues par des investissements significatifs pour pouvoir s’engager à fond et fournir l’expertise nécessaire pour que les actions du Canada soient pleinement conformes aux droits des Premières Nations, à leur autodétermination et à la façon dont elles voient l’avenir avec le Canada.

Le président : Je vous remercie tous les deux.

La sénatrice Sorensen : Ma question s’adresse à M. Bernard. J’espère que vous êtes à l’aise avec ce sujet.

Je suis vice-présidente du caucus parlementaire sur le tourisme et je m’intéresse beaucoup au tourisme autochtone et aux offres touristiques autochtones en tant qu’outil de développement économique et de revitalisation culturelle, mais aussi pour raconter des histoires sur les différentes offres touristiques. J’espérais que vous pourriez faire le lien avec votre expérience de l’organisation des Jeux d’été des Mi’kmaq dans votre communauté et peut-être parler un peu plus largement de l’importance d’un grand événement comme celui-là. Oui, il favorise le tourisme et attire des visiteurs dans votre communauté, mais il donne aussi une excellente occasion à d’autres de se familiariser avec votre communauté et d’autres.

M. Bernard : Vous avez fait des recherches sur moi. C’est génial. Je vous remercie.

La sénatrice Sorensen : Je vous ai fait peur.

M. Bernard : Pour ce qui est de l’avenir du tourisme, je veux prendre l’exemple de la Colombie-Britannique. Dans les aéroports, où que l’on aille, la culture des Premières Nations est omniprésente. C’est incroyable. Je n’aime pas dire que c’est la tendance, mais c’est la voie que nous suivons, parce que pendant trop longtemps, nos Premières Nations ont été mises en arrière‑plan. Il est temps pour nous de nous mettre en valeur et de montrer que nous sommes toujours là et qu’il y a de l’argent à gagner si nous travaillons ensemble à cette fin.

Lorsque je repense aux jeux d’été, nous avons accueilli au moins 10 000 personnes de toute la communauté. Je pense que sur l’ensemble de la semaine, nous avons accueilli 100 000 personnes. C’était plein à craquer. C’était vraiment impressionnant.

La sénatrice Sorensen : Je suis d’accord pour dire que la Colombie-Britannique fait un excellent travail en matière de tourisme autochtone, et je suis ravie que tant de gens soient passés par votre communauté et aient été exposés à cela.

Par curiosité — je ne sais pas si vous êtes au courant —, comment le gouvernement fédéral a-t-il soutenu cet événement, que ce soit financièrement ou d’une autre manière? J’observe votre gestuelle, monsieur Bernard. À votre connaissance, le gouvernement fédéral a-t-il soutenu cet événement en particulier?

M. Bernard : Voulez-vous que je sois gentil ou que je sois honnête avec vous?

La sénatrice Sorensen : J’aimerais que vous soyez honnête, tout en restant gentil et poli.

M. Bernard : Ce que le gouvernement m’a donné pour cet événement, c’est qu’il m’a demandé de faire un plan pour la COVID, parce que le virus circulait encore. Je pense que nous n’avons reçu que très peu de fonds. Notre financement provenait de tiers et d’autres communautés. Malheureusement, le gouvernement n’a pas été à la hauteur. Ce n’était pas seulement au fédéral, mais aussi au provincial. J’espère que la prochaine fois que nous organiserons les jeux, tous les gouvernements seront prêts à soutenir l’entité dans son ensemble.

La sénatrice Sorensen : Félicitations pour votre événement. Ce ne sont pas des choses faciles à organiser. Bravo.

M. Bernard : Cette semaine m’a traumatisé.

La sénatrice Coyle : Je remercie nos témoins d’être avec nous aujourd’hui. C’est un plaisir d’accueillir quelqu’un qui vient de près de chez moi. J’ai visité Potlotek pendant la pandémie. Nous étions là pour parler des questions de pêche avec vos dirigeants.

J’aimerais savoir quelle est la relation entre le Conseil de la Jeunesse et les groupes et conseils décentralisés pour les jeunes, et comment ils alimentent non seulement les processus fédéraux, mais aussi la base communautaire, puis l’APN elle-même. Comment votre travail intègre-t-il les voix de l’APN dans votre propre communauté, dans votre région et à l’échelle nationale? J’aimerais en savoir plus sur le processus entre Autochtones afin de mieux le comprendre.

M. Bernard : Chaque région est différente. Par exemple, la Nouvelle-Écosse est une petite région, mais la Colombie-Britannique, la Saskatchewan et l’Alberta comptent plus de Premières Nations que nous. Nos problèmes sont très différents de ceux de la Saskatchewan et de ce qu’ils font.

Je travaille également avec mon Conseil régional de la Jeunesse, ce qui nous permet d’entrer davantage dans le vif du sujet. En outre, je suis également conseiller municipal dans ma communauté. Je suis dans ma communauté tous les jours, au moins pour faire quelque chose, parce que j’aime mon chez-moi.

Lorsque je parle à d’autres membres du Conseil de la Jeunesse, nous voulons simplement améliorer les choses pour nos jeunes. Si une chose fonctionne pour eux, il en ira peut-être de même pour nous.

Je ne sais pas si j’ai bien répondu à la question.

La sénatrice Coyle : Je sais que c’est une question un peu bizarre. Je suis curieuse parce que vous faites partie du Conseil national de la Jeunesse de l’APN et que vous avez décrit les conseils régionaux et, bien sûr, vous vivez tous dans des lieux précis. J’aimerais juste savoir comment, à diverses échelles, la contribution des jeunes s’inscrit dans la contribution plus large, par exemple, de l’APN ou de ses chefs régionaux. Quel est le processus entre le Conseil de la Jeunesse et l’APN elle-même?

M. Bernard : Est-ce que vous êtes d’accord pour que je renvoie la question à Mme Beedie? Je pense qu’elle aurait plus de renseignements à ce sujet.

Mme Beedie : Merci.

Le Conseil de la Jeunesse de l’APN est l’un des nombreux organes de l’organisation. Nous avons un Conseil des aînés, ou des gardiens du savoir, un Conseil des femmes, un Conseil des personnes 2ELGBTQ+ et un Conseil des anciens combattants. Tous ces conseils donnent leur avis au Comité exécutif de l’APN, qui est composé de notre cheffe nationale et des chefs régionaux. Comme l’a mentionné M. Bernard, chaque région dispose également de son propre conseil de la jeunesse, auquel elle demande son avis.

Souvent, nous nous efforçons d’intégrer le point de vue et la voix des jeunes dans tout le travail qu’ils effectuent. Les jeunes participent aux réunions du comité des chefs. Ils reçoivent des mises à jour lors de nos assemblées spéciales des chefs et ont l’occasion de s’exprimer. Nous essayons vraiment de faire en sorte qu’il y ait suffisamment d’occasions d’être attentifs aux perspectives des anciens combattants, des aînés, des femmes, des personnes 2ELGBTQ+ et des jeunes lors de la mise en œuvre. En fin de compte, comme nous le savons, les populations des Premières Nations sont relativement jeunes. Nous avons beaucoup de jeunes. Il est important que toute modification de la politique ou de la législation élaborée conjointement avec le Canada tienne compte de leurs points de vue, de leurs intérêts et de leurs droits.

La sénatrice Coyle : Merci. C’est utile.

La sénatrice Martin : Je remercie nos deux témoins.

Monsieur Bernard, vous avez dit qu’il y avait près de 635 groupes et conseils de jeunes au Canada, ce qui m’a amenée à me demander comment l’on organisait la communication. Êtes‑vous d’avis que vous avez été véritablement consultés — que l’approche n’était pas autoritaire —, et que vous avez pu participer aux discussions et avoir une incidence sur les décisions stratégiques? Ma question porte d’abord sur la consultation. A-t-elle été efficace? Que peut-on faire pour la rendre plus efficace?

M. Bernard : Je me suis peut-être mal exprimé. Je voulais dire qu’il y avait 634 Premières Nations au Canada. Si l’on inclut tous les groupes de jeunes, le total s’approche de 700.

La meilleure façon de recueillir plus de commentaires est d’inclure nos jeunes, de s’assurer qu’ils participent aux discussions et qu’on les écoute. Ne dites pas que vous voulez nous écouter, si nos paroles sont pour entrer par une oreille et ressortir par l’autre. Cela s’est produit à de nombreuses reprises dans le passé. J’ai rencontré des chefs et des députés fédéraux et provinciaux. Je leur donnais mon avis, mais j’avais l’impression de parler à un mur, si vous voyez ce que je veux dire.

La sénatrice Martin : Oui. Je vous remercie. Cette image, cette métaphore, est excellente.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Beedie. Elle porte sur la mesure prioritaire 92, qui vise à revitaliser les langues autochtones par la mise en œuvre de la Loi sur les langues autochtones. Je m’adresse aussi au représentant des jeunes. Qu’est-ce que le gouvernement fédéral peut faire de plus pour garantir la revitalisation et le renforcement des langues et de la culture autochtones? Je m’intéresse beaucoup à ce domaine, pour ce qui est des langues. Mme Beedie peut répondre en premier.

Mme Beedie : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je ne suis pas une spécialiste des langues autochtones, mais je peux essayer de répondre à votre question.

Comme vous le savez peut-être, nous avons participé, en 2019, à l’élaboration conjointe du projet de loi C-91, qui est la Loi sur les langues autochtones. Nous sommes très heureux de voir que le poste de commissaire aux langues autochtones a été créé pour soutenir la revitalisation des langues autochtones des Premières Nations. Comme M. Bernard l’a dit, cette question est également très importante pour nos aînés et d’autres membres de l’APN. Lors de chaque assemblée générale annuelle, nous adoptons de nombreuses résolutions en faveur d’autres changements d’orientation et changements législatifs dans le domaine des langues.

Au bout du compte, les Premières Nations veulent un financement accru pour soutenir les langues autochtones. Cela signifie qu’il faut apporter plus de financement aux Premières Nations elles-mêmes afin qu’elles puissent élaborer et mettre en place des programmes de revitalisation des langues dans les écoles, dans les communautés et pour les parents et leurs enfants. Cela doit se faire maintenant. Les langues des Premières Nations risquent de disparaître à très court terme si l’on n’investit pas suffisamment pour les promouvoir. Nous ne pourrons pas revenir en arrière, pour ainsi dire, une fois que ces langues auront disparu. Voilà pourquoi il s’agit d’une priorité pour l’APN. Le Canada et les sénateurs peuvent soutenir les langues autochtones en plaidant en faveur d’investissements fédéraux pour continuer à aider les Premières Nations dans ce domaine.

M. Bernard : Vous avez visé juste. J’ajouterai qu’il nous faut un financement accru, surtout sur la côte Est. Je ne parle pas couramment la langue mi’kmaq ; je parle ce que l’on appelle le « mikglais ». Le sénateur Francis sait de quoi je parle. Le « mikglais » est un mélange de l’anglais et de la langue mi’kmaq. J’essaie peu à peu de me réapproprier ma langue, mais il est difficile de le faire sans le financement adéquat et le soutien dont notre nation a besoin. Cela dit, il nous faut plus de fonds pour que nous ne perdions pas notre langue. Notre langue, c’est aussi notre culture.

La sénatrice Martin : Je suppose que les jeunes leaders autochtones comme vous et les jeunes générations se soucient également de la préservation de la langue, et c’est essentiel. Je parle le konglish, qui est un mélange de coréen et d’anglais, alors je comprends ce dont vous parlez. Merci beaucoup.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie tous les deux de votre présence ce soir. Je viens de la Colombie-Britannique, et je suis d’accord pour dire que notre aéroport de Vancouver est magnifique. On y trouve beaucoup d’œuvres d’art.

J’ai quelques questions. La première porte sur le numéro 104, l’élaboration conjointe, et puis sur la partie qui concerne la biodiversité et la sécurité alimentaire. Pouvez-vous me donner des exemples d’initiatives d’élaboration conjointe auxquelles vous avez participé et qui, selon vous, ont connu du succès, surtout dans le contexte de la DNUDPA?

M. Bernard : Je vais demander à Mme Beedie de répondre à cette question.

Mme Beedie : Merci, monsieur Bernard.

Tout d’abord, la création du projet de loi C-15 a été un exercice d’élaboration conjointe entre les dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis et le gouvernement du Canada. Nous savons que ce n’était pas la première mesure législative que les représentants du Parlement du Canada élaboraient pour mettre en œuvre les droits des peuples autochtones dans le cadre de la Déclaration des Nations unies. Les Premières Nations ont essayé, pendant de nombreuses années, de faire en sorte que ce travail se fasse. Nous sommes heureuses de maintenant disposer d’une mesure du Plan d’action et d’un cadre national au Canada pour continuer à exercer nos droits.

Au cours des cinq dernières années, dans le cadre du mandat de ce gouvernement, nous avons travaillé ensemble sur de nombreuses initiatives d’élaboration conjointe qui ont été couronnées de succès. L’élaboration conjointe veut dire que nous sommes conjointement responsables du processus et des résultats. Nous devons nous assurer de nous entendre sur les recommandations formulées à l’intention des décideurs comme vous, les députés et les ministres. Il faut aussi veiller à ce que les Premières Nations et le Canada travaillent ensemble et partagent la même vision et les mêmes espoirs pour l’avenir. La Loi sur les langues autochtones, et le projet de loi C-92, qui est la loi sur les enfants et les familles, sont des exemples d’élaboration conjointe.

Ensuite, avec l’Assemblée des Premières Nations, nous avons créé des mécanismes fiscaux tels que la subvention décennale, qui permet aux Premières Nations de se prévaloir de processus qui leurs offrent un financement plus souple, plus prévisible et plus durable et qui les aident à exercer leurs droits inhérents et à fournir des services à leurs citoyens au moyen de la gouvernance.

Certains résultats nous ont permis de tirer des leçons en matière d’élaboration conjointe.

L’un des MPA concerne la mise à jour qu’effectue le Canada de ses lignes directrices en matière de consultation et d’accommodement. Ce travail est essentiel. Nous savons que les mandats et les mesures législatives s’accompagnent souvent de très courts délais, ce qui constitue une réelle menace pour le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause des Premières nations. Nous devons veiller à ce que les communications et les activités de sensibilisation que le Canada entreprend pour collaborer avec les Premières Nations soient accessibles, pertinentes sur le plan culturel et utilisent un langage simple. Les Premières Nations doivent aussi disposer de suffisamment de temps pour poser des questions, faire part de leurs préoccupations et obtenir les réponses qui s’imposent.

L’élaboration conjointe est importante et constitue une question intéressante que l’APN cherche à faire progresser pour que tout le monde comprenne ce que l’on entend par un travail en partenariat. Si vous reconnaissez que nous entretenons une relation de nation à nation, comment pouvons-nous négocier en tant que nations?

La sénatrice Greenwood : Dans les exemples que vous avez soulevés, les jeunes ont-ils eu voix au chapitre?

Mme Beedie : C’est une excellente question.

Comme je l’ai dit en réponse à une autre question, nos jeunes fournissent des conseils sur de nombreux dossiers importants. Ils siègent aux comités de notre cheffe. Monsieur Bernard, n’hésitez pas à en parler, si vous le souhaitez. Comme nous l’avons mentionné, les langues autochtones sont une priorité, et l’APN a fait en sorte que les jeunes soient inclus et pris en compte dans le travail qu’elle mène.

Lors de nos assemblées de l’APN, les dirigeants des Premières Nations se prononcent sur les mandats qui seront confiés à l’APN. Le Conseil national de la Jeunesse est présent pour fournir son expertise et ses conseils et pour transmettre aux dirigeants des Premières Nations ses points de vue sur chacun de ces points.

Nous pouvons toujours faire mieux pour veiller à ce que nous tenions compte des points de vue de nos jeunes, mais je crois — et je céderai la parole à M. Bernard pour terminer — que les jeunes participent efficacement à tous les travaux que nous entreprenons.

M. Bernard : Je vais vous donner un exemple. Lors de la dernière Assemblée générale annuelle de l’Assemblée des Premières Nations, j’ai eu la chance de participer à titre de représentant. Si un membre de notre Conseil de la Jeunesse avait une question, il se levait et prenait la parole. Nous encourageons nos jeunes à s’exprimer, et nos jeunes n’ont pas peur de dire ce qu’ils pensent, quand c’est nécessaire. Par exemple, l’un des jeunes a mené la conversation sur l’un des portefeuilles dont je m’occupe. De plus, lors du prochain rassemblement de l’APN sur le climat, il y aura un événement d’une journée destiné aux jeunes et organisé par les jeunes. C’est vraiment impressionnant de voir que les jeunes prennent les choses en main.

La sénatrice Greenwood : Je vous remercie tous les deux.

La sénatrice Hartling : Je remercie les témoins de leur présence. Cette conversation est très intéressante, et je tiens à vous dire que j’ai beaucoup aimé consulter le rapport préparé par les jeunes et la DNUDPA. Comme vous l’avez dit, monsieur Bernard, les jeunes sont si importants. Il était très intéressant de consulter et de lire tous les graphiques. Tout était si clair. Parfois, nous recevons des rapports qui ne sont qu’une série de mots, mais ce rapport était intéressant. Je vous félicite, monsieur Bernard, d’être venu discuter avec nous. Je sais que ce n’est pas facile. Lorsque l’on commence, c’est très difficile.

Vous avez parlé de quelques priorités et questions, comme la sécurité alimentaire et la spiritualité. Je ne sais pas comment cela fonctionne dans votre communauté, mais j’aimerais savoir comment vous abordez ces sujets au sein de votre conseil et ce que les jeunes disent à propos de ces questions.

M. Bernard : Dans notre communauté, par exemple, nous avons eu la chance de cultiver la terre et de faire pousser des légumes — je ne crois pas que nous ayons cultivé des fruits cette année — tout au long de l’été, et à la fin de la saison, nous avons organisé un grand marché. C’était amusant. Tous nos jeunes travaillent beaucoup dans notre jardin communautaire. C’est incroyable, et j’aimerais que toutes les communautés puissent et souhaitent en faire de même. Elles devraient le faire. Comme vous le savez sûrement, les réserves dans lesquelles nous avons été forcés de vivre se trouvaient sur des terres stériles. Il est incroyable que nous ayons un potager où nous pouvons cultiver la terre. C’est formidable.

Vous savez, les jeunes dans notre communauté sont... comment dire... Je veux utiliser un terme... Ils sont impressionnants. C’est le meilleur terme qui me vient à l’esprit.

La sénatrice Hartling : Qu’en est-il de la spiritualité? Comment cela fonctionne-t-il, et pourquoi pensez-vous que c’est si important?

M. Bernard : La nourriture fait également partie de notre culture. Je vous donne un exemple. Autrefois, la bannique était notre principale source de nourriture, notre principale source de subsistance. C’est maintenant un aliment traditionnel. Je déteste utiliser le mot indien, mais nous avons les tacos indiens. Bien souvent, nous utilisons la nourriture pour nous exprimer. Il faut cueillir des petits fruits ici et autre chose là-bas, il n’y aura pas d’orignaux ici pendant les prochaines années, alors il faut aller les chercher sur les hautes terres et les ramener pour nourrir la communauté, les aînés et la famille. Je ne sais pas si j’ai bien répondu à votre question.

La sénatrice Hartling : Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse. Je ne connais rien à ce sujet, alors vous m’apprenez des choses. Il s’agit de votre culture, et non de la mienne. Je suis heureuse d’apprendre ces choses.

J’aimerais demander à l’autre témoin si, vu ce que M. Bernard a dit, vous considérez que cela fait partie des éléments que la DNUDPA contribuera à encourager et développer pour que nous puissions continuer à aller de l’avant.

Mme Beedie : Oui. La Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones contient des articles qui protègent précisément les droits des Premières Nations, dont le droit à leurs savoirs et à leurs modes de vie, à leur spiritualité, à leur accès au territoire, à leur nourriture et à leurs eaux. Ces éléments sont tous interreliés.

M. Bernard a dit que la nourriture était une composante importante de la spiritualité, et de la langue aussi. C’est aussi la façon dont nous établissons des relations les uns avec les autres, et tout cela dépend de l’accès à la terre. Je pense que la Déclaration des Nations unies et le Plan d’action national proposent de premières étapes importantes pour donner de l’importance à la terre, et aux MPA qui réclament la restitution des terres des Premières Nations au moyen de mesures provisoires. Par contre, de nombreuses autres étapes sont nécessaires pour aider les Premières Nations à se sentir en sécurité, soutenues et capables de conserver leurs savoirs et leurs modes de vie qui existent depuis des temps immémoriaux. Il ne s’agit pas de nouveaux concepts ou de nouvelles pratiques des Premières Nations. Il est donc très important que nous agissions maintenant pour sauvegarder ces éléments et même assurer leur vitalité à l’avenir.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie.

Le sénateur Arnot : Madame Beedie, la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones a-t-elle eu une incidence sur le rôle des femmes en matière de gouvernance? Êtes-vous particulièrement enthousiasmée par des initiatives qui favorisent l’inclusion des femmes et des jeunes dans le processus décisionnel? Existe-t-il des possibilités d’aide, des obstacles? Je me demande si vous avez des commentaires à ce sujet.

Mme Beedie : Merci.

Tout d’abord, je tiens à dire que l’APN est en grande partie une organisation non gouvernementale composée de femmes des Premières Nations fortes et intelligentes, soutenues par une cheffe nationale et de nombreuses cheffes régionales qui ont les mêmes qualités. La question des femmes dans la gouvernance et le leadership est très importante.

Si l’on examine les recherches, on constate que les femmes autochtones qui obtiennent une maîtrise gagnent plus que leurs homologues, ce qui prouve que lorsque les femmes des Premières Nations reçoivent les outils et le soutien nécessaires pour améliorer leur situation et améliorer le sort de leurs communautés, il y a des retombées positives sur les Premières Nations.

La Loi sur la Déclaration des Nations unies contient des mesures du Plan d’action relatives aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées. Il s’agit d’un enjeu de taille pour les femmes des Premières Nations partout au Canada, et l’APN a accompli un travail considérable en continuant de plaider pour la mise en œuvre de tous les appels à la justice.

Justice Canada travaille également avec l’APN sur une stratégie en matière de justice autochtone, car un autre élément de la crise des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées est la surreprésentation de toutes les Premières Nations, y compris des femmes des Premières Nations, dans nos établissements correctionnels partout au Canada.

Pour soutenir les femmes des Premières Nations dans la gouvernance, il faut vraiment s’attaquer aux principales conditions socio-économiques et aux obstacles à la pleine mise en œuvre des droits des Premières Nations et à l’inclusion économique dans tous les secteurs, et pas seulement dans la gouvernance. De nombreux dirigeants, conseillers et chefs des Premières Nations au Canada sont des femmes, ce qui est très encourageant. Cependant, il n’y en aura pas plus si nous ne veillons pas à leur offrir des possibilités d’éducation et un accès aux soins de santé et à d’autres services sociaux, ainsi qu’à un soutien en matière de santé mentale. Cela passe par une mise en œuvre accrue de la Déclaration des Nations unies. Je pense que c’est la voie à suivre pour y parvenir.

Le sénateur Arnot : Merci beaucoup de cette réponse.

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Bernard?

M. Bernard : Je vais effectuer un petit retour dans le passé. L’histoire de la nation mi’kmaq révèle que nous formons une société matriarcale. Jadis, nous étions dirigés par des femmes. Aujourd’hui, le fait que nous essayions de promouvoir les femmes est vraiment formidable parce que nous avons besoin de plus de femmes dans des rôles de leadership, un peu comme c’était le cas avant la colonisation — avant ce qu’on appelle les « premiers contacts » et dans les temps qui ont suivi. Nos grands-pères allaient au conseil des grands-mères pour demander à celles-ci leur avis avant de parler aux colons qui arrivaient en Amérique.

Le président : Ma question s’adresse aux deux témoins. Comme vous le savez, la déclaration des Nations unies demande au gouvernement de s’assurer que les lois du Canada sont compatibles avec la déclaration. De votre point de vue, quelles lois fédérales devraient être examinées en priorité pour améliorer sensiblement la vie et l’avenir des jeunes Autochtones?

Mme Beedie : Je peux répondre en premier à la question et céder la parole à M. Bernard s’il y a quelque chose à ajouter.

Un aspect crucial du Plan d’action de la Déclaration des Nations unies est de réviser les lois et les politiques de même que de recenser les textes qu’il faut modifier, remplacer ou abroger. C’est la mesure no 1 du plan.

De nombreux textes qui permettraient de soutenir les jeunes pourraient être recensés et considérés comme prioritaires. Le premier qui me vient à l’esprit se rattache à un dossier qui progresse très lentement au Canada, soit la Loi sur les Indiens. Comment allons-nous nous affranchir de la Loi sur les Indiens?

Il faut pour cela soutenir la construction de la nation en revitalisant la langue, en accroissant le soutien à la gouvernance et en mettant sur pied de nouveaux mécanismes fiscaux qui appuient la reddition de comptes des dirigeants des Premières Nations envers les citoyens et les relations axées sur la responsabilité mutuelle entre les Premières Nations du Canada.

Plusieurs autres lois pourraient être abrogées ou modifiées. L’APN participe à des discussions dans un groupe de travail avec le ministère de la Justice pour déterminer les mesures prioritaires en question. Il faut pour ce faire réviser plus d’une centaine de textes pour les rendre compatibles avec la déclaration des Nations unies.

Le président : Merci de vous être joints à nous aujourd’hui. Si vous voulez transmettre au comité d’autres informations, n’hésitez pas à le faire en les soumettant au greffier, M. Payet, dans les sept prochains jours. Souhaitez-vous ajouter quelque chose avant que nous levions la séance?

Mme Beedie : Chi-miigwech de nous avoir donné l’occasion de venir discuter avec vous ce soir.

M. Bernard : Wela’lin de nous avoir invités à témoigner. Je me réjouissais à l’idée de voir un autre Mi’kmaq au Sénat. Malheureusement, le sénateur Prosper n’était pas présent ce soir, mais je vais le déranger plus tard avec un texto.

Le président : Wela’lin. Merci à vous deux.

(La séance est levée.)

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