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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES PEUPLES AUTOCHTONES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 23 octobre 2024

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd’hui, à 18 h 46 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021 par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis; et, à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Brian Francis (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais demander à tous les sénateurs et aux autres participants en personne de consulter les cartes sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir la rétroaction acoustique. Veuillez garder votre oreillette loin de tous les microphones en tout temps. Lorsque vous ne l’utilisez pas, placez-la vers le bas sur l’autocollant apposé sur la table à cet effet. Je vous remercie tous de votre collaboration.

J’aimerais commencer par souligner que nous nous réunissons sur le territoire traditionnel, ancestral et non cédé de la nation algonquine anishinabe, qui accueille maintenant de nombreuses autres Premières Nations, des Métis et des Inuits de l’île de la Tortue.

Je suis le sénateur mi’kmaq Brian Francis d’Epekwitk, également connu sous le nom d’Île-du-Prince-Édouard, et je suis le président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je vais maintenant demander aux membres du comité de se présenter en indiquant leur nom et leur province ou territoire.

Le sénateur Arnot : Je suis David Arnot, de la Saskatchewan.

La sénatrice Martin : Je m’appelle Yonah Martin, et je viens de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Boniface : Gwen Boniface, de l’Ontario.

La sénatrice Sorensen : Je suis Karen Sorensen, de l’Alberta, sur le territoire visé par le Traité no 7.

La sénatrice Coyle : Je m’appelle Mary Coyle, et je viens d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, sur le Mi’kma’ki.

Le sénateur Prosper : Paul Prosper, de la Nouvelle-Écosse, sur le Mi’kma’ki.

Le président : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude sur la mise en œuvre de la Loi sur la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones de 2021, également connue sous le nom de DNUDPA, par le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Le comité entend des témoins afin d’affiner le sujet de son étude.

Sur ce, j’aimerais maintenant présenter notre premier témoin, M. Don Nicholls, qui est membre de la Coalition pour les droits humains des peuples autochtones. Je vous remercie de vous joindre à nous aujourd’hui, monsieur. Notre témoin prononcera une allocution d’ouverture d’environ cinq minutes, qui sera suivie d’une séance de questions et de réponses avec les sénateurs. J’invite maintenant M. Nicholls à présenter ses observations préliminaires.

Don Nicholls, membre, Coalition pour les droits humains des peuples autochtones : Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de m’avoir invité aujourd’hui. C’est un plaisir d’être ici pour discuter de ce sujet important pour les peuples autochtones de ce pays.

Je m’exprime aujourd’hui au nom de la Coalition pour les droits humains des peuples autochtones. La coalition milite pour l’adoption et la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies depuis plus d’un quart de siècle. Nous travaillons avec un large éventail de partenaires autochtones, tant au pays qu’aux Nations unies.

L’adoption par le Canada de la Loi sur la Déclaration des Nations unies et de son plan d’action est une réalisation importante grâce à laquelle le Canada est une figure de proue mondiale dans la mise en œuvre de celle-ci. Toutefois, les membres de la coalition sont préoccupés par ce que certains pourraient qualifier de progrès lents ou inégaux pour la réalisation des engagements énoncés dans la loi ou le plan d’action. Plus particulièrement, les membres souhaitent mettre l’accent sur des enjeux, notamment une véritable consultation et collaboration, la surveillance, la reddition de comptes, les conséquences juridiques de la Loi sur la Déclaration des Nations unies et la formation des fonctionnaires.

La Loi sur la Déclaration des Nations unies exige que le Canada mette en œuvre ses dispositions en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, pour reprendre les mots de la déclaration elle-même. Il s’agit d’une étape fondamentale pour établir une nouvelle relation avec les peuples autochtones qui serait fondée sur les principes de réconciliation, de confiance et de respect, et pour mettre en œuvre des appels à l’action lancés par plusieurs commissions et enquêtes nationales.

Cependant, sans consultation et collaboration entre les membres de la coalition et les ministères fédéraux, on a l’impression que les choses ne se passent pas comme promis ou de manière adéquate. Une norme de consultation et de collaboration concrète et transparente doit être établie pour orienter les ministères fédéraux, qui doivent être soutenus dans la mise en œuvre de ces nouvelles normes entourant les relations.

Nous croyons savoir que certaines organisations autochtones doivent négocier le financement de leur participation une initiative à la fois. D’autres peuvent détourner des ressources de domaines prioritaires pour participer à des initiatives visant à mettre en œuvre la déclaration des Nations unies. Le Canada doit fournir aux ministères fédéraux des lignes directrices claires et transparentes sur la consultation et la collaboration, et aussi financer adéquatement tous ceux qui participent à ces travaux. Nous recommandons au comité permanent de rechercher ou demander toutes les lignes directrices ou politiques sur la consultation et la collaboration qui pourraient être en cours d’élaboration. Ainsi, vous connaîtrez l’évolution de la norme dans ce domaine de la loi et du plan d’action national.

Le plan d’action du Canada pour mettre en œuvre la déclaration des Nations unies s’engage également à créer « un mécanisme indépendant relatif au suivi, à la surveillance, aux recours ou aux mesures de réparation des droits des Autochtones ». Un mécanisme indépendant de défense des droits des Autochtones doit refléter la mise en œuvre de la déclaration des Nations unies et du plan d’action et offrir des mesures de réparations et des recours aux peuples autochtones lorsque leurs droits individuels et collectifs sont bafoués. Ce mécanisme doit être élaboré en collaboration avec les peuples autochtones. Ses membres doivent être à l’aise avec la culture afin de garantir que les lois, les coutumes et les traditions autochtones soient dûment respectées dans le processus de résolution, comme l’exige explicitement la déclaration des Nations unies. Le mécanisme doit également disposer d’un financement suffisant et garanti et d’une indépendance totale afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement sans crainte de représailles. Le mécanisme doit avoir le pouvoir d’ordonner la prise de recours et de mesures correctives ayant force exécutoire. Les recommandations et les rapports sont trop souvent pris en considération sans jamais être mis en œuvre.

Étant donné que les droits énoncés dans la déclaration font désormais partie du droit en vigueur au Canada, il convient d’avoir un tribunal capable de les faire respecter. Un tribunal pourrait également lever l’obstacle financier qui empêche de nombreux peuples autochtones de défendre leurs droits dans le cadre de procédures judiciaires qui s’éternisent. Le Tribunal canadien des droits de la personne a rendu une décision ferme sur le principe de Jordan sans nécessiter un accès à la justice qui coûte cher ou se fait attendre.

Le mécanisme doit également être permanent, afin de garantir que les pratiques législatives, administratives, politiques et réglementaires du Canada restent conformes à la déclaration des Nations unies, à mesure qu’évoluent les relations entre l’État et les Autochtones, ainsi que le droit canadien et international.

Nous souhaitons également attirer l’attention du comité sur la nécessité de confirmer les conséquences juridiques de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies. Le premier objet énoncé de la loi est « de confirmer que la Déclaration constitue un instrument international universel en matière de droits de la personne qui trouve application en droit canadien ». Une récente décision de renvoi de la Cour suprême du Canada a conclu à l’unanimité que la déclaration fait partie du droit en vigueur au Canada. La coalition espère que les ministères fédéraux se rallieront à cette interprétation juridique de la plus haute instance du Canada. Comme l’indique la déclaration, il s’agit de normes minimales que tous les États ont acceptées, ce qui en fait un point de départ pour les discussions au sein de notre nation.

Le ministère de la Justice a un rôle clé à jouer en fournissant des conseils juridiques aux autres ministères afin de faire progresser la mise en œuvre de la déclaration et de remplir les obligations du Canada. Dans ce contexte, la coalition recommande que le comité permanent rencontre le ministère de la Justice au sujet de l’élaboration de normes et de directives en collaboration avec d’autres ministères fédéraux. Ces directives devraient être conformes à ce qu’a dit la Cour suprême, selon laquelle la déclaration des Nations unies est intégrée au droit canadien et conforme aux meilleures pratiques afin de garantir le respect et la protection des droits à l’avenir.

L’assimilation coloniale et les pratiques discriminatoires sont un lourd passé du Canada et continuent d’avoir un impact négatif sur les peuples autochtones au pays. Pour aller de l’avant, nous devons veiller à ce que les peuples autochtones ne soient pas considérés ou traités comme un groupe vulnérable de notre société. Les pouvoirs discrétionnaires perpétuent le statu quo et l’indifférence à l’égard des peuples autochtones. Il faut une orientation claire si nous voulons que les choses changent et que les droits des Autochtones soient pleinement respectés.

Enfin, nous souhaitons revenir sur la formation pour les fonctionnaires à propos de la déclaration des Nations unies. Dans le plan d’action, on s’engage à élaborer un programme de formation pour les fonctionnaires, conjointement avec des experts autochtones, qui favorisera la connaissance des peuples autochtones, de la déclaration des Nations unies et les enjeux connexes. La coalition recommande au comité permanent de demander aux ministères ou institutions fédérales concernés, tels que le ministère de la Justice et l’École de la fonction publique du Canada, des informations sur la formation dispensée pour remplir cet engagement. Cette formation devrait intégrer les nombreux rapports et études de l’Instance permanente des Nations unies sur les questions autochtones et du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones concernant la mise en œuvre concrète de la déclaration des Nations unies. On devrait aussi y trouver les recommandations de la Commission de vérité et de réconciliation et d’autres commissions, enquêtes ou organismes qui ont formulé des recommandations assorties d’actions concrètes pour remédier aux injustices.

Au nom de la coalition, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de souligner ces questions importantes.

Le président : Je vous remercie, monsieur Nicholls. Je vais maintenant donner la parole aux sénateurs pour qu’ils posent des questions.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie d’être ici. Voici un passage de mes notes, que vous avez cité dans vos commentaires :

Les organisations autochtones pourraient être contraintes de détourner des ressources affectées à d’autres priorités afin de pouvoir être présentes à la table des négociations lorsque des initiatives de mise en œuvre de la Déclaration seront mises de l’avant.

Il s’agit d’une préoccupation qui revient souvent, en ce qui concerne non seulement la DNUDPA, mais aussi la consultation en général. Les groupes autochtones, dont beaucoup manquent de ressources et sont préoccupés par des questions plus pressantes, sont désavantagés lorsqu’il s’agit de défendre leurs intérêts auprès du gouvernement fédéral. Je l’ai dit, et d’autres sénateurs aussi.

Il n’existe pas de processus clair sur la nature d’une consultation. On nous dit uniquement que nous avons l’obligation de consulter. Je vous demande, comme je l’ai demandé à d’autres, si vous avez des recommandations sur la manière dont le gouvernement pourrait améliorer les processus de consultation pour éliminer les obstacles, certes, mais aussi pour que la consultation ait un sens pour les personnes qui sont censées être consultées. Dans 99,9 % du temps, ce n’est pas ce que nous avons constaté, d’après ce que nous avons entendu.

M. Nicholls : Eh bien, aux Nations unies, lorsque les peuples autochtones se rendent sur place pour défendre leurs droits, il existe un fonds de contributions volontaires qu’ils peuvent demander, ce qui leur permet de participer. C’est une idée qui est utilisée lorsque l’on défend les droits des Autochtones sur la scène internationale et que de nombreux Canadiens utilisent. D’autres organisations fournissent aussi parfois un tel financement.

Mais pour notre part, un bon moyen de parvenir à l’égalité est d’avoir un tribunal, à l’instar du Tribunal canadien des droits de la personne. Ainsi, les plaintes pourraient être déposées et étudiées sérieusement par un organisme d’experts au Canada qui examinerait ces violations aux droits des Autochtones qui, bien sûr, sont déjà confirmés par la Cour suprême du Canada. L’existence de ces droits ne fait aucun doute; il faut simplement donner suite à la violation pour s’assurer qu’il y a un mécanisme contraignant. Un tribunal uniformiserait bon nombre de ces dossiers et assurerait la présence d’un mécanisme de contrôle.

En ce qui concerne la norme, comme je l’ai dit dans mon exposé, il serait important d’examiner les lignes directrices que les ministères mettront en place à l’égard de la consultation. Il serait très important d’y inclure les peuples autochtones. Si une mesure a une incidence sur les droits des Autochtones, le gouvernement, qui dispose des ressources nécessaires, devrait être tenu de leur tendre la main et de les consulter. Nous pensons que c’est ce qui permet de parvenir à l’égalité ou d’améliorer les choses.

La Cour suprême étant un mécanisme de contrôle au Canada, elle n’est pas autorisée à s’appuyer sur des fondements économiques. Elle peut rendre des décisions sur le droit et sur d’autres pans du gouvernement, et elle a déjà confirmé que les droits établis dans la déclaration ont force de loi. S’il y a une violation de ces lois, elle ne dépasse pas ses limites. Si nous avons un tribunal qui fait uniquement respecter les droits déjà reconnus au pays au moment de la violation, il sera beaucoup plus facile et accessible pour les peuples autochtones de déposer leurs plaintes auprès de ce tribunal. Nous envisageons quelque chose comme la Commission des droits de la personne, mais plutôt un tribunal ou une commission qui traite les droits des Autochtones et qui pourrait, en fait, porter ces questions à une instance supérieure et garantir que les normes appliquées au départ par les ministères sont suffisamment strictes pour que le gouvernement s’y conforme. La cour se conforme aux lois et non aux décisions économiques.

La sénatrice Sorensen : Je vous remercie.

M. Nicholls : J’espère que c’est clair.

La sénatrice Sorensen : Encore une fois, je demande continuellement des commentaires à ce sujet parce que la conversation se poursuit. Je vous remercie.

La sénatrice Coyle : Je vous remercie d’être avec nous. J’ai quelques questions.

Vous avez commencé sur une note positive. La Loi sur la DNUDPA a été adoptée. C’était loin d’être simple. Bien sûr, elle a été présentée sous différentes formes, puis il y a eu un projet de loi gouvernemental, qui a finalement été adopté. Vous vous en réjouissez, comme nous tous, mais votre organisation s’inquiète de la lenteur des progrès. Avez-vous une idée de ce qui cause cette lenteur? Je poserai d’abord cette question, puis j’en aurai d’autres.

M. Nicholls : Je pense que c’est le statu quo. Si les peuples autochtones ont été traités d’une certaine manière, je pense qu’au sein du gouvernement en place, il y a une discrimination systémique. Étant donné que les choses ont été faites d’une certaine manière pendant tant d’années, les personnes au pouvoir et qui ont ce pouvoir discrétionnaire perpétuent cette culture. Il n’y aura donc pas de véritable changement tant qu’il n’y aura pas de réorientation claire de ce pouvoir. C’est pourquoi nous avons parlé de former les hauts fonctionnaires et les juges sur la déclaration, les droits des Autochtones et ces nouveaux droits au Canada. En effet, chaque fois qu’un Autochtone se présente devant un haut fonctionnaire, un ministère ou un organe judiciaire, il ne devrait pas avoir à expliquer la déclaration. Il ne devrait pas avoir à expliquer des droits qui ont déjà été confirmés ou acceptés. Nous pensons que la formation est essentielle et qu’elle peut élever la conversation.

Vous avez raison. En 2006, j’étais au Conseil des droits de l’homme lorsque le Canada a voté contre la déclaration, puis en 2007, j’étais à l’Assemblée générale à New York lorsqu’il a encore voté. Le Canada a fini par changer de position et, cinq ans plus tard, nous avons cette loi incroyable et un plan d’action national. À mes yeux, c’est une chose incroyablement positive qui mérite que nous disions « Regardez, nous sommes en effet un leader dans ce domaine. » Lorsque je m’adresse à d’autres pays au Conseil des droits de l’homme, je le souligne et j’encourage les autres nations à suivre l’exemple du Canada et à élaborer ce type de mesure. Quelles que soient les préoccupations exprimées en 2006, elles ne se sont pas concrétisées. L’intégrité territoriale du pays n’a pas été mise à mal. Cela n’a pas empêché certains types de développement. Au contraire, les relations se sont renforcées. La déclaration a jeté des ponts qui ont permis aux gens d’avoir des conversations poussées sur les questions autochtones, les droits des Autochtones. Nous avons vu jusqu’où nous pouvions aller dans des domaines comme l’eau potable, le logement et d’autres qui étaient importants pour les peuples autochtones.

La sénatrice Coyle : Vous pensez donc que le système est fondamentalement cristallisé. Les acteurs du système n’ont pas reçu ce qu’il leur fallait en formation, entre autres, pour qu’ils changent les anciennes façons de faire. Il faut nous y prendre autrement, sinon la déclaration ne va jamais prendre son envol.

Vous avez parlé de l’importance du ministère de la Justice et du rôle clé qu’il joue auprès des autres ministères. Pourriez-vous préciser ce que vous entendez par là?

M. Nicholls : Le ministère de la Justice est le ministère qui dirige le Plan d’action national et sa mise en œuvre, et c’est donc lui qui mène la plupart des consultations, qui tend la main et qui aide à établir certaines des normes et à assurer une partie de la formation. Cet été, j’ai rencontré probablement 15 fois des représentants du ministère pour discuter de la stratégie nationale en matière de justice autochtone. Je vais les rencontrer à nouveau cette semaine. Il s’agira de discuter de la nature de la consultation et de la coopération dans le cadre de l’élaboration de la loi. Nous discutons donc avec eux de ce genre de choses.

Ils sont au premier plan de l’élaboration de la mise en œuvre. Ils ont une attitude très positive et ils nous tendent la main. C’est un bon signe. C’est ce que nous voulons; c’est la voie à suivre. Nous devons tous rester informés et établir les meilleures normes possible pour faciliter la mise en œuvre et éviter des problèmes plus tard, de sorte que nous n’ayons pas à nous adresser aux tribunaux pour faire réaffirmer ces droits, même s’ils ont déjà été affirmés, car demander à répétition aux tribunaux de les réaffirmer constitue un gaspillage de ressources et de temps. Je pense que nous avons une excellente relation, sur laquelle nous devons miser.

La sénatrice Coyle : Vous avez parlé, et moi aussi, de la formation et de l’éducation destinées aux fonctionnaires et aux juges, et de la formation qui est élaborée conjointement. Vous avez parlé de la formation sur la nature de la DNUDPA, sur les droits et sur ce genre de choses. À quels échelons et dans quels secteurs au sein de la fonction publique cette formation devrait‑elle être offerte, selon vous? Je devrais probablement le savoir, mais a-t-on déjà effectué une évaluation complète de la mise en œuvre de ce type de formation en fonction des priorités, selon les ministères, les échelons et les fonctions au sein de la fonction publique?

M. Nicholls : Dans le cadre de la stratégie en matière de justice autochtone, j’ai vu pour la première fois le ministère de la Justice présenter ce que signifie la déclaration à ses yeux. En tant qu’organisme autochtone et en tant que peuples autochtones membres de la coalition, nous étions très impatients de découvrir ce qu’on disait de la déclaration. Nous savons ce que nous voyons. Comme nous avons passé 40 ans à négocier cette déclaration aux Nations unies et que nous avons ensuite travaillé avec le Canada pour élaborer la loi et le plan d’action, il était très important pour nous de découvrir ce qu’on disait de la déclaration. J’ai assisté à des réunions au sein de différents ministères, où j’ai obtenu quelques points de vue pour essayer de me faire une idée, et lorsque j’ai pris connaissance de l’ensemble des points de vue, j’ai pu évaluer la situation. C’est ce à quoi nous voulions participer. Ceux qui connaissent les droits des Autochtones savent ce que représente cette déclaration et ils savent que nous voulions participer à l’élaboration de la loi pour nous assurer qu’elle soit complète, afin de favoriser une compréhension uniforme.

Lorsque nous parlons de consultation et de coopération, nous savons que la norme établie par le mécanisme d’experts, lors de la mise en œuvre au sein d’un État, consiste à inclure le consentement libre, préalable et éclairé. Il faut une grande compréhension et une coopération permanente. Nous voulons donc nous assurer que, lors de la mise en œuvre dans le pays, il y ait une bonne compréhension. Nous sommes là pour participer. Nous avons toujours dit que nous étions là pour aider à améliorer la loi et pour travailler ensemble sur nos relations mutuelles.

Le président : J’aimerais obtenir une précision, monsieur Nicholls. La préoccupation est-elle que le ministère de la Justice, dont les avocats conseillent d’autres ministères fédéraux, propose une interprétation très étroite de la loi sur la DNUDPA? Dans l’affirmative, pourquoi pensez-vous qu’il pourrait y avoir de la résistance?

M. Nicholls : Je n’en suis pas sûr. Je n’ai pas entendu ce que les avocats ont dit, donc je ne sais pas s’ils en font ou non une interprétation étroite. Je travaille en coopération avec tous les avocats que je rencontre au ministère de la Justice et je leur explique notre vision de la déclaration. Il est important que nous ayons des conversations très approfondies sur la mise en œuvre ou sur les droits. Je n’ai entendu personne définir la déclaration d’une manière étroite ou restrictive qui serait contraire à l’esprit de la déclaration. Malheureusement, j’ai constaté que certains organismes ne comprennent pas bien le libellé de la déclaration, de sorte que certains mots de la déclaration ont été modifiés parce qu’ils n’ont pas une compréhension profonde. C’est probablement la seule chose que j’ai constatée.

Pour être honnête, je dois dire que je viens justement de participer à une réunion du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, lors de laquelle j’ai parlé de l’examen périodique du Canada. C’est la quatrième année que le Canada y participe. Lors de cette réunion, nous avions probablement la plus grande représentation autochtone. Le Canada avait une incroyable délégation, dont un représentant de la Nouvelle-Écosse et un représentant du Québec, pour parler des droits des femmes et des droits des Autochtones au pays. Je pense que le lendemain, il y avait une réunion de la Commission nationale des droits de la personne, mais je n’ai pas vu que le Canada était présent. Notre voix était absente.

La sénatrice Martin : Tout d’abord, je tenais à vous remercier et à remercier votre défunt père, Kenneth Nicholls, pour son service en Corée. Moi-même et d’autres personnes d’origine coréenne pensons que nous ne serions pas là sans le service et les sacrifices incroyables consentis. Mes remerciements à votre défunt père.

Ma première question concerne la coalition elle-même. Je sais qu’il s’agit d’un groupe non partisan de peuples autochtones et d’organisations de défense des droits de la personne qui promeut la mise en œuvre complète et efficace de la DNUDPA. C’est tout un mandat. Pourriez-vous nous expliquer comment la coalition travaille avec les différentes nations et les divers groupes? Qu’avez-vous fait au sein du Canada? Il est évident que vous avez une grande expertise, mais je veux comprendre le rôle important de la coalition et ce que vous avez fait jusqu’à présent.

M. Nicholls : La coalition réunit de nombreuses personnes qui défendent les droits des Autochtones, tant à l’échelle nationale qu’internationale, depuis de nombreuses années. Elle comprend des membres d’Amnistie internationale Canada, de l’Assemblée des Premières Nations et du Ralliement national des Métis. Elle comprend aussi des membres de nos groupes autochtones de Colombie-Britannique, de ma région au Québec et d’autres régions du pays, ainsi que des experts, notamment des personnes de Kahnawake et d’autres endroits, qui défendent depuis de nombreuses années les droits des Autochtones à Genève. Il s’agit d’un ensemble de personnes de partout au pays qui comprennent ce que sont ces droits, qui les défendent et qui font des déclarations communes.

Pour l’Instance permanente, le mécanisme d’experts ou les principaux événements qui se produisent au Canada, nous nous réunissons et nous nous mettons d’accord sur ce qui doit être dit et sur ce qui doit être rendu public, et nous nous demandons ce que nous pouvons faire. Ensuite, nous organisons d’autres réunions pour nous préparer. Si nous devons rencontrer des représentants du ministère du Patrimoine canadien, nous organisons des discussions préalables pour parler des sujets à aborder et des différents aspects du gouvernement canadien.

La coalition est en fait un conglomérat de nombreuses organisations autochtones et d’organisations de défense des droits de la personne qui souhaitent proposer un plan d’action solide et mettre en place des actions concrètes que les différents organismes que nous rencontrons peuvent réaliser.

La sénatrice Martin : Je vois que vous travaillez à un haut niveau, que vous coordonnez le travail. Nous avons également entendu certaines nations et d’autres groupes. Il semble que lorsqu’il s’agit de comprendre la DNUDPA ainsi que le processus de mise en œuvre, tout le monde se trouve à un stade très différent. C’est une tâche considérable. Je ne sais pas si vous avez des commentaires à faire à ce sujet compte tenu du travail que vous avez effectué au sein de la coalition. Pour moi, c’est un effort monumental que d’essayer de comprendre ce qui s’est passé partout au Canada.

M. Nicholls : Oui. L’une des forces de la coalition réside dans le fait que certains de ses membres font ce travail depuis plus de 40 ans et qu’ils ont aidé à préparer les arguments présentés à la Cour suprême du Canada et dans le cadre de différentes causes lorsque les membres de la coalition défendent leurs droits ou qu’ils participent à des réunions à l’échelon provincial, national ou international. Ils font beaucoup de travail de préparation et ils ont acquis une grande sagesse. Ils comptent de nombreuses années d’expérience, ils ont une grande expertise et ils mettent à profit leur sagesse. L’un de nos avocats était présent en 1982 pour négocier les articles 35 et 25 avec le Canada. Il a ensuite participé à la Convention 169 de l’Organisation internationale du Travail et il a fait partie du groupe de travail sur les peuples autochtones pendant plus d’une dizaine d’années. Nous pouvons compter sur les connaissances approfondies de nos membres et nous voulons nous assurer que, lorsque nous avons l’occasion de nous exprimer, nous sommes très bien préparés à cet égard.

La sénatrice Martin : Dans le mémoire qu’elle a présenté au début de l’année, la coalition a déclaré ce qui suit :

Il n’existe pas de mécanisme de surveillance, d’évaluation et de reddition de comptes qui soit indépendant du gouvernement ou qui soit bien placé pour travailler à l’échelle du gouvernement plutôt que dans les limites d’un ministère spécifique.

Tout à l’heure, une question a été posée sur le rôle du ministère de la Justice. Pourriez-vous décortiquer cette citation pour moi en précisant ce dont nous avons besoin en plus de ce qui existe déjà?

M. Nicholls : Nous avons un plan d’action national et une loi, et il faut notamment déterminer, au Canada, comment s’assurer que leur mise en œuvre ait lieu et que des mesures concrètes soient prises. Il faut effectuer un suivi et exercer une surveillance pour s’assurer que le gouvernement et les autres parties prenantes appliquent ce qui a été convenu dans la loi nationale, dans le plan d’action et ailleurs. C’est le mécanisme de surveillance dont nous parlons, à savoir un tribunal autochtone, comme le Tribunal canadien des droits de la personne, qui serait un organe indépendant capable d’exercer une surveillance sur ces droits au Canada lorsque des violations se produisent ou sont confirmées, où qu’elles se produisent.

C’est vraiment la prochaine étape, mais je pense que le gouvernement du Canada attend. Il veut d’abord mettre en place le plan d’action, les politiques et la réglementation, puis il travaillera là-dessus au cours de la prochaine année. Ce que dit la coalition, c’est que nous avons vraiment besoin maintenant de ce mécanisme, alors que tout est en cours d’élaboration, qui va garantir que ces droits sont observés au Canada et qu’ils sont respectés par le gouvernement, les ministères et tous les autres.

La sénatrice Martin : Vous semblez avoir une vision à long terme. Vous avez 40 ans d’expérience. Le gouvernement doit vous rattraper. Il y a une feuille de route à suivre. Vous pouvez envisager une grande partie de ce qui doit être fait. J’ai d’autres questions, mais j’attendrai le deuxième tour.

La sénatrice Boniface : Y a-t-il d’autres pays dans le monde qui sont en avance sur nous et qui disposent de pratiques exemplaires dont nous devrions nous inspirer?

M. Nicholls : Je pense que c’est une bonne question. Lorsque je suis aux Nations unies et que je discute avec les différents ambassadeurs et les différentes délégations autochtones, je défends toujours le Canada parce que c’est ce que je connais le mieux. Mais y a-t-il des pays qui ont des pratiques exemplaires?

Lorsque j’ai participé à un panel il y a deux semaines pour le Conseil des droits de l’homme, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme m’a invité à parler de la façon dont les traités modernes, la législation et les causes judiciaires peuvent contribuer à la mise en œuvre de la déclaration. Lorsque j’ai pris la parole, la présidente du mécanisme d’experts, originaire de la Nouvelle-Zélande, s’est aussi exprimée, puis, bien sûr, le nouvel ambassadeur du Guatemala, qui a été rapporteur spécial, a pris la parole, et enfin, un juge spécial de la Colombie, où il existe des tribunaux spéciaux qui reconnaissent les droits des Autochtones, a parlé de nouvelles initiatives mises en œuvre en Colombie. Je sais que la Colombie et l’Amérique du Sud ont lancé une initiative visant à mettre en place des modèles de guérison et de justice réparatrice. Tous les pays d’Amérique du Sud et d’Amérique latine se réunissent régulièrement pour échanger sur les pratiques exemplaires. Je n’ai pas eu l’occasion de m’y rendre, mais je pense qu’il y a là quelque chose qui vaut vraiment la peine d’être étudié.

En ce qui concerne la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes, j’ai étudié le modèle norvégien, qui est considéré comme l’un des meilleurs au monde, et lorsque j’ai discuté avec les experts norvégiens qui ont conçu ce modèle, je leur ai demandé d’où venaient leurs idées. Ils m’ont répondu : « Nous sommes venus au Canada et nous avons examiné les modèles en cours d’élaboration », puis ils sont retournés chez eux et ils les ont mis en place là-bas, mais nous ne les avons jamais entièrement mis en place ici. Ils ont étudié nos modèles et ils ont mis au point là-bas un nouveau modèle visant à éviter la stigmatisation en prison, qui est axé sur l’enseignement. On enseigne des choses. Les détenus ne portent pas des vêtements différents de ceux des gardiens et ils vont davantage à l’extérieur. L’approche est différente. En Norvège, les experts nous disent que lorsqu’il n’y a pas assez de place dans les prisons, le délinquant reçoit une lettre disant, désolé, votre place n’est pas encore disponible, mais nous vous contacterons lorsque votre cellule sera prête. Leur approche est totalement différente.

La nation Navajo vient d’apporter des changements dans ses centres de détention sous la direction de Delores Greyeyes, titulaire d’une maîtrise en travail social. Elle a réorganisé le fonctionnement de ces prisons. Je vais m’y rendre et y jeter un coup d’œil. En janvier, je vais enseigner le droit constitutionnel autochtone à l’Université de l’Arizona. Je vais en profiter pour y aller afin de voir quelles pratiques exemplaires elle a pu mettre en œuvre.

Il est certain qu’il existe des pratiques exemplaires que nous devrions examiner.

La sénatrice Boniface : Je réfléchissais à la manière de faire avancer les choses par le biais du gouvernement et de la reddition de comptes. Vous savez, j’ai longtemps travaillé dans des milieux gouvernementaux. Les mesures prises sont souvent liées à des ententes de rendement. Est-ce l’une des choses que le gouvernement devrait envisager en ce qui concerne les sous‑ministres et les sous-ministres adjoints lorsque certaines tâches doivent être accomplies? Pensez-vous que cela soit important pour faire passer le message au sein de l’organisation et pour mener à bien le processus de formation du personnel, etc.?

M. Nicholls : Oui. Je pense que dans le cadre de toute initiative, les sous-ministres jouent un rôle clé au sein du gouvernement. Ils se réunissent, ils participent à des réunions au Conseil privé et ils discutent des grandes questions. C’est là qu’un grand nombre d’initiatives sont décidées. Si les questions autochtones étaient abordées à l’échelon des sous-ministres, cela favoriserait l’adoption de mesures plus concrètes.

Je fais également partie d’un conseil national au Canada qui conseille le gouvernement sur la consommation et l’abus d’opioïdes et de substances. Nous assistons souvent aux réunions de sous-ministres au sein de gouvernements provinciaux et territoriaux et nous invitons un sous-ministre à siéger à notre conseil pour discuter avec nous, parce qu’il est très important d’entretenir de tels liens. Je pense que ce serait également important dans ce cas.

La sénatrice Boniface : Merci.

Le sénateur Prosper : Merci pour votre présence.

Je tiens tout d’abord à saluer vos efforts et ceux de votre organisation, ainsi que le travail de défense des droits que vous accomplissez depuis 40 ans et l’intérêt que vous avez manifesté au cours des 25 dernières années pour la DNUDPA et son adoption.

Vous avez mentionné un certain nombre de points sur lesquels je veux revenir. Vous avez mentionné la lenteur des progrès en ce qui a trait au plan d’action. J’imagine que vos réseaux en ont la preuve. Vous avez également mentionné l’absence de consultation et de coopération, qui est tout à fait évidente, et la nécessité d’une norme significative. Vous avez parlé de lignes directrices et de politiques relatives à la recherche et à la consultation. Vous avez parlé d’un mécanisme indépendant de défense des droits des Autochtones, élaboré conjointement, capable d’appliquer le droit autochtone, disposant d’un financement adéquat, capable de prendre des décisions contraignantes et d’autres choses de ce genre.

Ce qui m’intrigue, et ce qui intrigue tout le monde, c’est la mise en œuvre et les actions concrètes. Vous parlez de pratiques exemplaires en matière de consultation et de coopération. Je pense que vous avez fait référence à l’expérience néo‑zélandaise — si je ne m’abuse — tout à l’heure lors d’un échange que vous avez eu. En ce qui concerne la mise en œuvre et les actions concrètes, pouvez-vous nous présenter certaines des pratiques exemplaires que vous avez observées?

M. Nicholls : À quels égards?

Le sénateur Prosper : En ce qui a trait notamment à la consultation et à la coopération.

M. Nicholls : Bien sûr. Certains membres de la coalition disent que les consultations ne sont pas inclusives. J’ai moi‑même été consulté et j’ai collaboré. J’ai fait connaître mon intérêt et j’ai pu travailler avec le gouvernement sur la Stratégie nationale de justice autochtone et le codéveloppement d’autres mesures. J’ai participé à des réunions où nous avons parlé du Plan d’action national et d’autres aspects qui y sont liés. Mon expérience a été mitigée. Dans la coalition, certains membres sont un peu différents et n’ont pas eu l’occasion d’être consultés. Donc, on ne peut pas parler d’équité pour tout le monde, mais j’ai pu participer aux travaux.

Même si le Plan d’action national est censé être toujours en développement et qu’on en fait la promotion, je sais qu’il n’est pas ouvert au changement présentement. Il ne change pas à l’heure actuelle. On nous a dit : « Attendez un peu plus longtemps. Nous devons préparer le terrain un peu plus. » Une part de ce travail a été un peu lent, mais grosso modo, c’est un exercice visant à tisser des liens. Par le passé, nous n’avons pas bénéficié de cette égalité en tout et pour tout. On ne nous a pas toujours invités à discuter et à bâtir ou à codévelopper quelque chose ensemble. La loi nationale et la Déclaration des Nations unies ont permis ce dialogue jusqu’à un certain point. Les choses ont donc évolué un peu dernièrement, mais tout le monde n’a pas pu le constater, parce que le gouvernement cherche selon moi à comprendre qui devrait toujours participer aux discussions. C’est bien plus facile lorsqu’on traite avec moi, parce que je représente un gouvernement autochtone. C’est donc très clair que je suis un titulaire de droits et que je vais participer aux discussions. J’en suis reconnaissant.

La sénatrice Martin : La liste du sénateur Prosper résume certains éléments clés dont je voulais parler. Mais en lien avec le rapport d’étape publié en 2024 et fondé sur le Plan d’action, je me demandais quelles seraient vos recommandations pour mettre en œuvre les priorités du Plan d’action. Quelles sont les prochaines mesures que vous considérez comme très importantes?

M. Nicholls : Je répète qu’il est très important d’être inclusif et d’avoir l’occasion de travailler ensemble. C’est aussi très important d’établir des directives pour que les gens soient à la table quand on codéveloppe des lois ou d’autres instruments qui pourraient avoir une incidence sur les droits autochtones.

C’est l’un des principes que nous défendons avec le plus de vigueur aux Nations unies. Quand nous parlons d’enjeux majeurs comme les changements climatiques, c’est très important que les peuples autochtones soient là, parce que nous sommes tellement interdépendants. Les incendies de forêt catastrophiques qui ont sévi dans le Nord du Canada se situaient dans mon territoire l’an dernier. Il y en avait de l’autre côté de l’Atlantique qui ont frappé Lisbonne. L’indice de qualité de l’air était mauvais, et on forçait les gens à rester à l’intérieur à New York. Il y avait des incendies de forêt dans différentes régions du monde. Nous sommes si interdépendants. Il est important pour nous d’être là concernant certains enjeux comme les changements climatiques, qui nous touchent considérablement, surtout quand les incendies de forêt au milieu de notre territoire durent tout l’été. Le simple fait de participer aux discussions, d’être invités, de pouvoir y contribuer et d’avoir une voix constitue une étape importante. C’est très important que nous réglions les problèmes ensemble. Les peuples autochtones veulent apporter leur contribution. Pendant des générations, nous avons utilisé l’environnement de manière durable. Nos économies traditionnelles respectent le fait que les générations actuelles et futures ont besoin d’en tirer des ressources. Notre point de vue, notre mentalité et nos croyances reposent sur un mode de vie durable au pays. Nous pouvons contribuer aux discussions. Nous savons que nous le pouvons. Les Nations unies, le secrétaire général et d’autres pays ont dit que les peuples autochtones apportent une contribution précieuse aux discussions sur les enjeux cruciaux.

Nous savons que le Canada s’est engagé à réaliser les objectifs de développement durable de 2030. Nous voulons examiner la pauvreté, le logement, l’eau potable et tous ces autres enjeux, mais nous devons faire partie des discussions. Il faut nous permettre de contribuer et de bâtir des relations pour travailler librement avec le gouvernement.

La sénatrice Martin : Concernant cette coalition, les groupes de Métis et d’Inuits sont-ils représentés? Y a-t-il une représentation de tous les groupes?

M. Nicholls : Oui. Divers groupes de Métis font partie de la coalition et, comme je l’ai dit, il y a l’APN et différents groupes et coalitions autochtones de l’Est, de la Nouvelle-Écosse, jusqu’en Colombie-Britannique. Tous ces groupes sont représentés dans la coalition.

La sénatrice Martin : Merci.

La sénatrice Coyle : Je vais m’écarter du sujet un peu, mais il est toujours question des droits des peuples autochtones.

Nous avons reçu Wilton Littlechild ici récemment. Chaque fois que je le rencontre, il me fait toute une impression. Il a toujours une longueur d’avance. Nous avons discuté avec lui de la DNUDPA, qui est bien sûr l’œuvre de sa vie, du travail visant à la faire signer par le Canada et de ce genre de choses. Mais maintenant que nous l’avons signée, ce n’est pas qu’il n’est pas intéressé par sa mise en œuvre, parce que cela l’intéresse évidemment, mais il nous parlait de l’Organisation des États américains, l’OEA, et de la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones. Nous avons manqué de temps pour lui demander pourquoi c’était la prochaine étape pour le Canada, ce qu’il faut faire et en quoi cela est lié, bien franchement, à là où nous en sommes avec la DNUDPA et sa mise en œuvre. Vous avez mentionné plusieurs membres de l’OEA. Le Canada en est bien sûr membre, et l’ancien ambassadeur du Canada à l’OEA est sénateur et président du Comité des affaires étrangères. J’y songe depuis que Wilton Littlechild a témoigné ici et nous a mis au défi de franchir un pas de plus. Nous ne voulons pas abandonner nos efforts actuels et la mise en œuvre de la déclaration, mais y a-t-il quelque chose que vous voulez nous dire sur votre monde — je pense que vous venez du même monde — et que nous devrions connaître quant à l’état d’avancement de nos travaux et les liens que l’on peut établir avec nos préoccupations actuelles sur la mise en œuvre de la DNUDPA?

M. Nicholls : Eh bien, l’Organisation des États américains, c’est un monde différent. Lorsque je suis allé en Arizona, j’ai travaillé à des affaires juridiques au Nicaragua et au Bélize avec l’OEA et à la Cour interaméricaine des droits de l’homme au Costa Rica. Le pays concerné doit accepter la juridiction ou la décision du tribunal, donc ce n’est pas un pouvoir absolu, mais il a fallu un certain nombre d’années pour façonner la déclaration. Lorsqu’on a lu la déclaration, le Canada ne s’y est pas opposé, donc on tenait pour acquis que le Canada l’acceptait. On parle d’un accord régional. La déclaration des Nations unies est un instrument international qui couvre toute la planète. L’OEA se limite pour sa part aux Amériques. Il y a des ressemblances, mais il y a aussi quelques différences ou quelques nuances à faire. La déclaration des Nations unies ne bénéficie pas d’une cour interaméricaine des droits de l’homme. On ne peut pas compter sur une commission interaméricaine des droits de l’homme qui examine ou rédige des rapports, donc c’est un peu différent.

Je pense que les membres de la coalition ont écrit au Canada deux fois cette année à propos de sa position, pour dire qu’il devrait endosser la déclaration américaine sur les droits, mais ce n’est pas le cas. Le gouvernement a indiqué qu’il se concentrait sur la déclaration des Nations unies et qu’il ne savait pas s’il approuvait la déclaration américaine. Il hésite toujours, et nous comprenons tout à fait qu’il faut mettre en œuvre le Plan d’action et la déclaration des Nations unies, mais on se demande toujours pourquoi le Canada n’inclut pas la déclaration américaine s’il appuie la déclaration des Nations unies.

La sénatrice Coyle : Merci. C’est un sujet sur lequel je voulais en savoir plus. Votre témoignage m’aide en ce sens.

Le président : Le temps est écoulé pour cette partie de la réunion. Je tiens à vous remercier de nouveau, monsieur Nicholls, de vous être joint à nous ce soir et d’avoir livré un excellent témoignage. Si vous avez quelque chose à ajouter par la suite, veuillez s’il vous plaît transmettre vos commentaires au greffier dans les sept jours.

Avant de passer à huis clos, veuillez me permettre, chers collègues, de vous rappeler brièvement que l’événement Voix de jeunes leaders autochtones 2024 aura lieu la semaine prochaine. Cet événement souligne les réalisations exceptionnelles des jeunes des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Chaque année, le Comité sénatorial des peuples autochtones invite les jeunes Autochtones âgés de 18 à 35 ans à faire part de leurs expériences de leadership, de leurs histoires et de leurs appels à l’action pour aider à guider le travail des sénateurs. Encore cette année, certains participants sont invités à Ottawa pour participer à des activités, rencontrer des sénateurs et comparaître à titre de témoins officiels devant le comité le 30 octobre. J’espère que vous serez nombreux à vous joindre à nous pour les accueillir en personne.

Cela conclut la partie publique de notre réunion. Nous passons maintenant à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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