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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 1er décembre 2022

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 heures (HE), avec vidéoconférence, pour étudier de nouvelles questions concernant le mandat du comité.

La sénatrice Josée Verner (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, je m’appelle Josée Verner, je suis une sénatrice du Québec, et je suis vice-présidente du comité.

Aujourd’hui, nous tenons une séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

[Traduction]

J’aimerais maintenant présenter les membres du comité qui participent à la réunion : Margaret Dawn Anderson, Territoires du Nord-Ouest; Marty Klyne, Saskatchewan; Mary Jane McCallum, Manitoba; Julie Miville-Dechêne, Québec; et Karen Sorensen, Alberta. Je souhaite la bienvenue à vous tous ainsi qu’aux téléspectateurs partout au pays qui regardent peut-être nos délibérations.

Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de l’industrie canadienne du pétrole et du gaz. Pour notre premier groupe de témoins, nous accueillons Jean-Denis Charlebois, économiste en chef; et Genevieve Carr, spécialiste en chef de l’environnement, de la Régie de l’énergie du Canada, ou REC. Nous recevons Dave Sawyer, économiste principal, de l’Institut climatique du Canada. Bienvenue, et merci d’être avec nous. Vous avez chacun cinq minutes pour présenter votre déclaration liminaire, et nous commencerons par M. Charlebois.

[Français]

Jean-Denis Charlebois, économiste en chef, Régie de l’énergie du Canada : Merci beaucoup et bonjour, chers membres du Sénat.

Je m’appelle Jean-Denis Charlebois, je suis économiste en chef à la Régie de l’énergie du Canada. Ma collègue Genevieve Carr, spécialiste en chef de l’environnement, m’accompagne.

[Traduction]

Je tiens à souligner que je m’adresse à vous à partir de Montréal, territoire traditionnel des Kanien’kehá:ka ou Mohawks, un endroit qui a longtemps servi de lieu de rencontre et d’échange entre les nations.

Je traiterai de deux des rôles distincts de la REC, d’abord, les évaluations de projets et les décisions qui s’ensuivent; ensuite, notre rôle concernant la communication d’information sur l’énergie. La REC s’emploie à assurer le transport de l’énergie au Canada en appliquant des normes de sécurité et environnementales parmi les plus strictes au monde. La commission de la REC, en tant que cour d’archives, est chargée de rendre des décisions indépendantes et de formuler des recommandations sur les projets de pipeline, de ligne de transport d’électricité ou d’énergie renouvelable extracôtière de compétence fédérale. Pour rendre une décision ou formuler une recommandation sur la question de l’intérêt public d’une installation proposée, la Commission doit tenir compte d’un certain nombre de facteurs précis, y compris la mesure dans laquelle le projet nuit ou contribue à la capacité du Canada de respecter ses engagements en matière d’environnement à l’égard des changements climatiques.

Ce faisant, la Commission examine l’ampleur des émissions directes de gaz à effet de serre, ou GES, et des mesures d’atténuation proposées pour un projet, les émissions en amont associées, son plan à zéro émission et l’applicabilité des lois ou politiques pertinentes, le tout combiné à d’autres facteurs déterminés par la loi. Avec l’évolution constante du secteur de l’énergie dans le contexte de la transition vers une économie sobre en carbone, la REC s’adapte continuellement au large éventail de conditions qui s’appliquent au secteur qu’elle réglemente. Cela comprend, par exemple, la mise à jour de nos règlements et des lignes directrices pour le dépôt de documents, du travail sur les normes techniques en vue du transport d’hydrogène dans des pipelines et aussi des changements touchant l’utilisation des canalisations en place.

La REC joue également un rôle important en fournissant, dans le cadre de ses responsabilités essentielles, de l’information et des analyses, à la fois opportunes et pertinentes, afin de favoriser le dialogue sur l’énergie au Canada. Nous surveillons les marchés de l’énergie de façon continue et produisons une série de publications sur des sujets d’actualité comme le commerce de l’énergie, l’offre et la demande, ainsi que l’utilisation des pipelines. Nous modélisons également ce qui pourrait attendre les Canadiens à long terme dans le cadre des scénarios de la série de rapports sur l’avenir énergétique du Canada. La prochaine version du rapport de la REC sur l’avenir énergétique, qui sera publiée à la fin du printemps prochain, comprendra des scénarios où le Canada atteint la carboneutralité d’ici 2050. Nos modèles et scénarios sont fondés sur la meilleure information disponible, et tiennent compte d’hypothèses sur les politiques futures qui pourraient être adoptées par les gouvernements fédéral et provinciaux. En sa qualité d’organisme de réglementation, la REC ne façonne pas les politiques en vue de l’atteinte des objectifs de carboneutralité du Canada. Son rôle est plutôt de mettre en œuvre les politiques fédérales dans la mesure où elles ont un rapport avec son mandat.

L’énergie occupe une place de choix dans l’économie canadienne, représentant 8,1 % du PIB du pays, soit 168 milliards de dollars. La part des produits énergétiques dans les exportations du Canada était de 18 % en 2020 et se chiffrait ainsi à près de 100 milliards de dollars. Dans notre plus récente analyse de l’avenir énergétique, la demande mondiale de pétrole ou de gaz naturel et les prix qui en découlent sont les principaux déterminants de nos projections de production. Dans nos scénarios, la demande et les prix futurs sont liés au rythme de l’adoption des politiques climatiques, mais aussi à leur rigueur, tant au pays qu’à l’étranger. Les prix de l’énergie sont au cœur des décisions d’investissement et des volumes de production simulés par nos modèles. Dans un monde où la demande mondiale de combustibles fossiles commencerait à baisser en raison de l’intensification des mesures de lutte contre les changements climatiques, les prix seraient plus bas que dans les scénarios où la demande est plus élevée.

Notre modélisation montre aussi comment la transition influe sur l’ensemble du pays en encourageant l’émergence de nouvelles filières énergétiques. La construction de nouvelles infrastructures énergétiques, que ce soit pour l’énergie éolienne, solaire et nucléaire; la construction de lignes de transport d’électricité; la construction d’installations de captage et de stockage du carbone ne sont que quelques exemples des possibilités qui pourraient s’offrir aux travailleurs canadiens, tout comme la modernisation des maisons et des entreprises au moyen d’appareils sans émissions pour le chauffage résidentiel ou l’amélioration de l’efficacité énergétique.

[Français]

Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler du travail de la Régie de l’énergie du Canada, plus particulièrement de son rôle à l’égard de la transition énergétique. Nous sommes prêts à répondre à vos questions. Merci.

La vice-présidente : Nous allons maintenant céder la parole à M. Dave Sawyer.

[Traduction]

Dave Sawyer, économiste principal, Institut climatique du Canada : Merci de me recevoir. Je me réjouis d’avoir un crayon, parce que je suis un économiste et que j’aime les crayons aiguisés. C’est bon à voir. Merci.

Je vais parler d’autres mesures stratégiques qui sont nécessaires pour harmoniser les émissions pétrolières et gazières du Canada avec la carboneutralité et les aspirations du Canada pour 2030. À l’Institut climatique du Canada, nous avons lancé une nouvelle initiative intitulée 440megatonnes.ca, qui représente les émissions totales nécessaires pour atteindre nos objectifs de 2030. Il s’agit de suivre et de mettre en œuvre le plan de réduction des émissions du Canada d’ici 2030, et d’examiner comment nous pouvons atteindre les réductions d’émissions et nos aspirations en matière de réduction des émissions, non seulement avec une bonne technologie, mais aussi avec de bonnes politiques. Nous avons besoin d’une bonne gouvernance dans le pays pour atteindre ces objectifs. Cette bonne gouvernance comprend de solides cadres de responsabilisation avec un examen et une analyse indépendants.

À l’ICC, nous continuerons de fournir des évaluations indépendantes de la progression du Canada pour ce qui est de réduire les émissions, de déployer des technologies énergétiques et de catalyser des investissements. Mes commentaires sur le pétrole et le gaz découlent de cette initiative de 440 mégatonnes.

Le secteur pétrolier et gazier en amont, qui comprend la production de sables bitumineux, de pétrole conventionnel et de gaz naturel, doit réduire radicalement ses émissions si le Canada veut limiter les émissions de gaz à effet de serre à 440 mégatonnes d’ici 2030. Malheureusement, notre analyse montre que les politiques existantes ne suffisent pas à contenir la croissance prévue des émissions du secteur pétrolier et gazier au cours de la présente décennie.

D’autres mesures stratégiques, comme la mise en œuvre réussie d’un plafond des émissions de gaz et de pétrole et des contrôles plus stricts du méthane, seront essentielles pour réaliser les réductions rapides et profondes nécessaires pour que le secteur atteigne l’objectif du Canada pour 2030. En utilisant le nouvel outil de suivi Pathways interactif de l’institut, et en fonction de notre évaluation indépendante du Plan de réduction des émissions, ou PRE, du gouvernement fédéral, nous avons deux observations importantes à vous communiquer.

Premièrement, les politiques existantes et législatives qui ont déjà été mises en œuvre ne suffisent pas pour faire face à la hausse des émissions dans le secteur pétrolier et gazier. Dans nos simulations, les émissions de 2030 pour le secteur sont bien supérieures aux niveaux de 2021 et de 2005. Elles n’atteignent pas un pic avec les politiques existantes, mais, en fait, elles augmentent.

Deuxièmement, des mesures supplémentaires seront nécessaires pour contenir la croissance prévue des émissions de pétrole et de gaz au cours de cette décennie. Les politiques annoncées et en cours d’élaboration dans le cadre du Plan de réduction des émissions du Canada devront réduire les émissions du secteur de plus de 44 mégatonnes, ce qui représente environ 30 % de moins que les niveaux actuels. Il faut adopter une politique lourde pour atteindre les objectifs futurs que nous nous sommes fixés.

Secteur par secteur — ou sous-secteur par sous-secteur — pour les sables bitumineux et la valorisation, des politiques supplémentaires seront sans aucun doute nécessaires pour contenir l’augmentation prévue de 20 mégatonnes des émissions de sables bitumineux pour cette décennie. Les projections sont incertaines — elles sont toujours un peu à côté de la plaque — mais nous prévoyons une croissance importante des émissions du secteur à l’avenir. Cependant, nos projections montrent que les réductions des émissions provenant du secteur des sables bitumineux et de la valorisation ne sont pas très importantes, et même qu’elles ne sont pas visées par les politiques annoncées et en cours d’élaboration, comme le plafonnement du pétrole et du gaz prévu dans le Plan de réduction des émissions. Cela veut dire que le secteur des sables bitumineux doit relever des défis pour réduire de manière importante ses émissions, mais il existe des options, comme je suis sûr que vous l’entendrez de la bouche de Mark Cameron, d’Alliance Nouvelles voies, qui témoignera devant vous plus tard au cours des délibérations.

Cela ne veut pas dire que le secteur des sables bitumineux ne peut pas s’engager à imposer des contraintes plus importantes à court terme sur ses émissions. Il existe aujourd’hui une combinaison de possibilités technologiques, y compris le contrôle du méthane, les solvants, l’utilisation du captage du carbone, le stockage et le changement de combustible, mais il faut encore que la politique soit souple pour que la technologie soit encouragée et pour envoyer des signaux à long terme indiquant que le secteur doit en faire plus.

À long terme, l’hydrogène bleu et vert offrent de bonnes possibilités, tout comme les petits réacteurs modulaires, mais à l’institut, nous appelons cela des « inconnues ». Ce ne sont pas des valeurs sûres. Il y a des disponibilités techniques et des coûts incertains, et leurs potentiels ne sont pas encore connus. À long terme, il y a des technologies inconnues, et à court terme, les options les plus sûres sont plus limitées pour le secteur.

Ne présumons pas non plus que la politique sur le carbone est mauvaise pour tous les producteurs canadiens. Notre modélisation et notre analyse montrent constamment que si les États-Unis adoptent une politique sur le carbone, le coût de réduction des émissions des gisements de pétrole de schiste aux États-Unis est assez élevé, et les producteurs canadiens ont la possibilité de s’emparer d’une plus grande part du marché américain. L’idée selon laquelle les producteurs canadiens peuvent être le baril marginal se reflète dans l’analyse. Ce n’est pas toujours une mauvaise nouvelle pour la politique sur le carbone au Canada.

Il y a bien sûr de bonnes nouvelles dans le secteur. À court terme, le gaz naturel et le pétrole conventionnel en amont présentent d’importantes possibilités de réduire les émissions. Dans la même analyse et la même modélisation, nous voyons beaucoup de réductions à venir dans le gaz naturel et le pétrole conventionnel. Lorsque nous pensons aux réductions d’émissions, nous ne pensons pas seulement au secteur des sables bitumineux, mais nous devons penser à un secteur beaucoup plus large et complet avec des possibilités de réduction variées et des coûts variés. Nous devons examiner tous les secteurs pour voir si nous pouvons obtenir des réductions d’émissions à divers endroits.

Nous étudions depuis longtemps la politique sur le carbone. Sous le gouvernement Harper, nous avions une politique appelée Prendre le virage. Sous le premier ministre Harper, nous avons apporté des améliorations à cette politique de 2009 à 2011, et nous continuons d’examiner la politique pour le secteur depuis près de 20 ans. Nous savons ce que sont les politiques et les technologies.

À quoi ressemblerait un ensemble de politiques pour faire avancer le secteur? Supprimer les subventions aux combustibles fossiles. Nous en parlons depuis longtemps : une politique simple à mettre en œuvre, mais difficile à mettre en œuvre politiquement. Je comprends.

Mettre en œuvre et évaluer une réglementation plus stricte sur le méthane. Le gouvernement fédéral agit dans ce dossier en collaboration avec les provinces, mais il doit y avoir une certaine harmonisation entre les provinces et le gouvernement fédéral en ce qui concerne ces accords d’équivalence pour assurer des résultats équivalents. Nous n’avons pas de ligne de mire sur les réductions d’émissions découlant de ces accords d’équivalence et de la réglementation sur le méthane en particulier.

Établir le plafond pétrolier et gazier. Il s’agit d’une grande partie de la politique qui doit être mise en œuvre, mais il faut reconnaître qu’un tel plafond est une expérience politique continue et qu’il faut faire preuve de souplesse dans la conception. Il y a beaucoup d’inconnues pour le secteur et beaucoup de risques; nous devons donc avancer lentement et faire preuve de souplesse. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas envoyer des signaux à long terme, mais nous avons été intelligents dans la conception de nos politiques.

Continuer d’investir dans la recherche et le développement et envisager de mettre au point des grappes industrielles et d’investir dans celles-ci. Il s’agit essentiellement d’aider les pipelines de captage, d’utilisation et de stockage du carbone à démarrer, d’examiner le partage de la chaleur résiduelle, toutes sortes de choses qui aident essentiellement l’industrie à réduire ses émissions.

Enfin, nous devons reconnaître que les risques liés à la compétitivité sont réels en ce qui concerne la possibilité pour d’autres producteurs de gagner des parts du marché canadien, mais nous avons ce problème depuis longtemps, nous avons une politique sur le carbone depuis longtemps dans le pays et nous avons en grande partie réglé cette question. L’Alberta le fait par l’intermédiaire de son programme pour les grands émetteurs. Les politiques peuvent faire une grande faveur à l’industrie et l’inciter à produire le baril ayant la plus faible intensité d’émissions possible, et l’aider à être concurrentielle à mesure que les émissions diminuent conformément à une trajectoire de carboneutralité, alors que les marchés et la demande diminuent également.

Les producteurs canadiens peuvent continuer de prospérer dans un tel environnement. Ils ont le savoir-faire technologique et sont très avisés, mais ils devront le faire avec la politique de la plus faible intensité d’émissions, et c’est là que les politiques peuvent aider à faire avancer les choses. C’est tout. Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Sorensen : Ma première question s’adresse à M. Charlebois. Les crédits d’impôt à l’investissement du Canada, en partie en réponse à l’Inflation Reduction Act des États-Unis, peuvent offrir des avantages économiques importants pour faire progresser les projets d’énergie nucléaire, d’autres énergies propres et d’hydrogène, ce qui est une bonne nouvelle pour l’industrie. Le Plan de réduction des émissions pour 2030, qui comprend 9,1 milliards de dollars de nouvelles dépenses pour que le Canada atteigne ses objectifs au regard du climat, ne prévoit pas de dépenses supplémentaires pour favoriser la réduction des émissions du secteur pétrolier et gazier.

J’ai eu de nombreuses réunions avec des membres du secteur privé en Alberta qui se sont engagés publiquement à atteindre la carboneutralité. Est-ce que le gouvernement fédéral rencontre et consulte les producteurs de l’industrie, par exemple, l’Alliance Nouvelles voies? Y a-t-il un plan pour appuyer la stratégie de l’alliance?

M. Charlebois : Pour répondre à votre question, mes collègues de Ressources naturelles Canada et d’Environnement et Changement climatique Canada seront mieux placés pour parler de l’engagement et du soutien qu’ils envisagent pour l’industrie en particulier. La Régie de l’énergie du Canada, comme je l’ai mentionné, n’élabore pas de politiques et ne soutient pas spécifiquement le secteur pétrolier et gazier. Nous modélisons plutôt les politiques qui sont en place pour voir comment le système énergétique évoluera dans l’avenir. Avec tout le respect que je vous dois, votre question s’adresse davantage aux ministères chargés des politiques.

La sénatrice Sorensen : J’ai une deuxième question pour M. Sawyer. Tout votre exposé était en quelque sorte une réponse à ma question. Il y a quelques semaines à peine, le gouvernement fédéral et le gouvernement de l’Alberta ont dit qu’ils verseraient 300 millions de dollars et 160 millions de dollars précisément pour encourager Air Products and Chemicals Inc., une entreprise de la Pennsylvanie, à construire une usine d’hydrogène de 1,6 milliard de dollars à l’extérieur d’Edmonton. Il s’agit de l’une des plus importantes mesures prises à ce jour pour décarboniser les sables bitumineux. C’est une nouvelle encourageante.

Mais nous savons que le captage et le stockage du carbone sont perçus par beaucoup comme une solution temporaire. Selon vous, quelles autres mesures et quels autres engagements le gouvernement devrait-il prendre pour investir dans l’évolution de l’énergie et dans un avenir carboneutre?

J’ai entendu beaucoup de conversations sur les politiques. Donc, si c’est la chose la plus importante qu’ils doivent faire, j’aimerais savoir où vous en êtes dans votre défense de cet aspect. Mais s’il y a d’autres choses que le gouvernement doit faire, j’aimerais que vous m’en parliez également.

M. Sawyer : Lorsque nous examinons l’ensemble des politiques mises en œuvre dans tous les secteurs du pétrole et du gaz en particulier, nous constatons qu’il y a beaucoup de politiques. Nous avons le système de tarification fondé sur le rendement de l’Alberta, où les paiements de conformité sont réinjectés dans le développement technologique, ce qui est une priorité pour l’industrie.

Le crédit d’impôt pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, ou CUSC, constitue un incitatif assez important pour les premiers à aller de l’avant. Il y a un grand défi autour du CUSC et des environnements réglementaires. Il n’y a pas de demande de mise en place du CUSC devant un organisme de réglementation de l’Alberta à l’heure actuelle. Nous avons cette politique et ce financement, mais il y a aussi d’autres obstacles qui sont difficiles à surmonter pour faire avancer la technologie.

Lorsque je regarde l’ensemble des politiques, il y a beaucoup d’occasions de les faire avancer. L’aspect financier est un élément important. Il y a beaucoup d’argent injecté dans le pétrole et le gaz. Parlez à d’autres secteurs, ils ne reçoivent pas cet argent. D’autres provinces ne reçoivent peut-être pas cet argent.

Je pense que le secteur pétrolier et gazier est coincé par des politiques et des finances. Nous devons simplement nous y mettre et établir des certitudes.

La sénatrice Sorensen : Merci.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie pour cet exposé complexe et nuancé. Vous avez notamment parlé d’éliminer les subventions à l’industrie pétrolière. Vous semblez dire que la politique du gouvernement fédéral est éparpillée et ne semble pas permettre de véritables progrès.

De façon plus simple, quelles sont les avenues prometteuses et celles qui ne le sont pas? Faut-il éliminer les subventions plus rapidement que prévu pour faire un virage et limiter les émissions nuisibles aux changements climatiques?

[Traduction]

M. Sawyer : Oui. Il y a en quelque sorte cet ordre du mérite stratégique concernant ce que nous devrions mettre en œuvre en premier, et la première chose que nous devrions faire est de supprimer les subventions, parce que c’est défavorable. Nous les appelons des subventions inefficaces qui mènent à...

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce que ce sont toutes les subventions ou les subventions inefficaces?

M. Sawyer : C’est une question ouverte. C’est vraiment une question nuancée.

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui.

M. Sawyer : Certains diront que les subventions à l’industrie prolongent la durée de vie des actifs et entraînent une augmentation des émissions, et que nous ne devrions donc pas faire cela du tout. Nous ne devrions pas appuyer le déploiement de la technologie du tout. Certains diraient cela.

D’autres diront que si nous avons des objectifs de réduction des émissions, nous ne devrions pas réduire les coûts d’exploitation afin d’augmenter la production et les opérations. Les économistes diraient que c’est un résultat inefficace.

Lorsque nous donnons de l’argent au secteur, ses bilans semblent meilleurs, le rendement de l’investissement est plus élevé, et vous avez plus d’activité; par conséquent, plus d’émissions. Nous disons que nous devrions supprimer ces subventions et laisser le secteur s’installer dans un bel équilibre où il est satisfait de sa situation.

Il faut donc supprimer les subventions aux combustibles fossiles. L’aide à l’égard des obstacles réglementaires est une autre mesure. Il faut donc aider le CUSC à aller de l’avant plus rapidement. Il y a ces grands enjeux technologiques qui exigent une approbation réglementaire. Les approbations — et l’organisme de réglementation peut faire un meilleur travail à cet égard — prennent beaucoup de temps. Nous pouvons chercher à rationaliser ces opérations.

Lorsque je pense à la prochaine politique que nous voulons adopter, la tarification du carbone, c’est très efficace, cela envoie un signal général à l’ensemble de l’économie : nous l’avons. Ce secteur est couvert. Ensuite, nous pourrons nous pencher sur la réglementation secteur par secteur, notamment la réglementation sur le méthane, qui est une priorité absolue.

Nous faisons tout cela. Nous devons simplement faire les choses plus rapidement.

La sénatrice Miville-Dechêne : Qu’en est-il du fait que, avec ce qui se passe en Europe, il y a maintenant une demande plus grande pour tout cela? Il semble y avoir une certaine contradiction entre l’idée de limiter nos émissions et le fait que nous vendons davantage aux gens qui ont besoin de pétrole. Oui, nous sommes plus efficaces avec un baril, mais nous en faisons plus. Y a-t-il une réponse à cela? Nous vivons dans un marché libre.

M. Sawyer : L’Europe et les États-Unis s’orienteront vers davantage de barrières commerciales à l’égard des exportations canadiennes. On parle déjà de rajustements de carbone à la frontière. C’est une politique en cours en Europe. Ils vont cibler certains produits. Aux États-Unis, il y a beaucoup de concurrence entre les États en ce qui concerne la politique sur le carbone. Nous pouvons les voir, disons en Californie, commencer à différencier les produits pétroliers en fonction de l’intensité des émissions et des contrôles en jeu.

Le marché se dirige vers une série de contraintes qui pourraient entraîner l’arrêt de la production. C’est une porte de sortie, mais c’est un risque. L’industrie et les politiques, en fait, doivent pousser l’industrie à réduire l’intensité des émissions.

Enfin, même dans un monde carboneutre où nous voyons la demande chuter incroyablement, il y aura des actifs qui seront retirés, et il faudra investir. Le Canada peut continuer d’être un producteur de pétrole dans un monde carboneutre, mais pour cela, il faut être un producteur à ultra-faibles émissions. Il faut se positionner pour être compétitif dans ce nouveau monde.

La sénatrice Miville-Dechêne : Enfin, « ultra-faibles », qu’est-ce que cela signifie pour une profane comme moi si vous comparez cela à ce qui se passe maintenant?

M. Sawyer : Avec la carboneutralité, nous devons passer de nos émissions actuelles — dans ce secteur, 170 mégatonnes — à zéro pour la durée de vie d’un pipeline et demi. Trois véhicules. C’est une courte période d’ici à 2050. Vous pensez à un taux de déclin qui est assez rapide pour les émissions et l’intensité des émissions.

La sénatrice Miville-Dechêne : Est-ce faisable?

M. Sawyer : C’est faisable. C’est un effort, oui. C’est pourquoi nous devons nous y mettre.

La sénatrice Miville-Dechêne : Merci beaucoup.

Le sénateur Klyne : Bienvenue à nos témoins. Merci pour vos déclarations liminaires. J’ai quelques questions pour M. Sawyer, puis j’en aurai une pour Mme Carr ou M. Charlebois.

Vous avez fait référence aux politiques, à l’ensemble de politiques et, dans l’ensemble, ce que j’en ai retenu, c’est que les politiques ne suffisent pas, tout comme les résultats, ce qui donne à penser qu’elles ne sont pas efficaces. Vous avez mis l’accent sur ce point avec l’ensemble de politiques. Vous en avez cité cinq : supprimer les subventions aux combustibles fossiles; réduire les émissions de méthane; imposer le plafond pétrolier et gazier; favoriser la recherche et le développement continus; créer des grappes industrielles — c’est une méthode pour mettre tout le monde dans le même sac, je suppose — et il y a le risque concurrentiel.

À cet égard, vous avez la sphère du secteur pétrolier et gazier, dans laquelle tout le monde se retrouve avec toutes ces politiques, mais qui en est le moteur? Sont-elles mutuellement exclusives? Ont-elles toutes leur propre voie? En même temps, il y aura des zones de chevauchement et elles sont inextricablement liées.

Vous avez parlé de plans de suivi, donc je présume qu’il y a un plan. Y a-t-il des entités particulières qui dirigent ce processus, qui essaie d’amener les parties prenantes à collaborer, à se consulter et à se tourner vers le monde universitaire et d’autres qui peuvent aider à faire avancer les programmes?

Pour ce qui est de savoir qui est à l’origine de chacune de ces mesures, envoie-t-on le message aux gens qui se trouvent dans ces différentes catégories, si vous le voulez, qu’il y a des difficultés ou un effet de levier? Que se passe-t-il si vous ne le faites pas? Je suis sûr qu’ils se penchent tous sur cette question et qu’ils la considéreraient comme un levier ou une difficulté pour vouloir participer et réussir. S’ils le font, cela répond à la question de savoir ce qu’ils y gagnent, mais aussi ce qu’ils y gagnent pour le pays et la planète en matière de changement climatique.

Je me demande comment tout cela fonctionne. Qui assure le suivi de ce plan et en rend compte?

M. Sawyer : C’est une excellente question. Nous nous accrochons, dans la politique climatique, à la technologie et à la politique, mais la gouvernance compte vraiment.

Ma déclaration liminaire sur les cadres de responsabilisation et la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité constitue un bon début dans cette direction.

Nous disposons d’un ensemble de politiques qui réduisent les émissions de carbone partout dans un seul secteur, en raison de la tarification du carbone, des subventions technologiques, de la réglementation sur le méthane, des compétences fédérales et provinciales et du chevauchement des politiques. Il se passe beaucoup de choses.

L’une des choses que nous devons faire, c’est commencer à faire le point sur ces politiques et à évaluer leur efficacité, puis leur efficience. Certaines d’entre elles se chevauchent et imposent donc des coûts et ne réduisent pas les émissions. Plus nous commençons à peaufiner ces politiques pour réduire les émissions, plus les politiques qui se chevauchent entrent en jeu. C’est un gros problème.

Nous avons besoin d’une meilleure surveillance indépendante. Nous avons besoin que le commissaire à l’environnement et au développement durable fasse régulièrement le point. Il faut des universitaires et un examen indépendant de ces politiques. Nous avons besoin d’un meilleur cadre de gouvernance.

Bien sûr, l’industrie sait à quoi elle fait face. Elle mène des consultations. Elle est soucieuse de savoir qui elle consulte et dans quelle mesure. Il y a beaucoup de politiques en cours. En général, ils sont conscients de la direction qu’elle prend.

Qu’est-ce qu’ils gagnent? Il y a beaucoup de possibilités ici. Oui, il y a des coûts. Oui, il y a des coûts au chapitre du bilan, mais il est possible d’éviter les coûts. Il est également possible de prospérer, de mettre au point des produits et d’avancer plus rapidement que quelqu’un d’autre.

Si vous parvenez à mettre en place un CUSC qui entraîne une réduction importante des émissions et qui est vendable, vous pouvez bénéficier de toutes sortes d’incitatifs qui se chevauchent. Le prix du carbone, par exemple, augmente de 15 $ par année. Quel autre actif augmente de 15 $ par an, passant de 50 $ aujourd’hui à 170 $? Si vous pouvez agir sur ce point, vous pouvez améliorer votre bilan. Il y aura des gagnants et des perdants, absolument. Mais il y a des gagnants, et c’est un grand incitatif.

Le sénateur Klyne : Madame Carr ou monsieur Charlebois, en ce qui concerne le risque concurrentiel, d’après ce que je peux évaluer, par rapport à l’environnement, notre secteur pétrolier et gazier au Canada — et à l’échelle mondiale — est réputé pour ses pratiques exemplaires en matière d’exploration, d’extraction et de distribution. En ce qui concerne les droits de la personne et les gens qui travaillent dans ces secteurs, nous avons également une excellente réputation en matière de droits de la personne. Cela me laisse songeur. Nous savons comment acheminer nos produits vers la côte Est. Pourquoi continuons-nous d’acheter du Vénézuéla, de la Russie et d’autres sources douteuses? Que trouvez-vous là-bas? Pourquoi ne pouvons-nous pas être concurrentiels et vendre nos propres produits dans l’Est du Canada?

M. Charlebois : Merci pour la question. Je vais y répondre, et ma collègue, Mme Carr, pourra compléter ma réponse.

En ce qui concerne les incitatifs pour les provinces de l’Est de continuer de s’approvisionner sur les marchés mondiaux, il s’agit en fait de la connectivité avec les pipelines en ce qui concerne précisément le pétrole.

Nous avons vu, par exemple, la canalisation 9 d’Enbridge être inversée en 2015-2016, ce qui a permis à une plus grande quantité de pétrole brut de l’Ouest d’atteindre les marchés de l’Est, en particulier l’Ontario et le Québec. Cela dit, cela ne suffit pas pour répondre à la demande actuelle pour ces marchés particuliers, où il y a, sans doute, la plus grande partie de la capacité de raffinage au Canada. Dans ce contexte, les raffineurs et les acheteurs de pétrole doivent compter sur les marchés mondiaux pour compléter leur approvisionnement en pétrole.

En ce qui concerne le gaz naturel, nous avons vu le développement et la croissance très importante de la production du gaz naturel dans le Nord-Est des États-Unis au cours des 10 dernières années. En raison de la proximité des centres de demande, encore une fois en Ontario et au Québec, il est plus rentable pour ces acheteurs de gaz naturel — les sociétés de distribution locales, par exemples — d’obtenir leur gaz naturel par le transport à courte distance, essentiellement à partir du Nord-Est des États-Unis plutôt que de l’Ouest canadien.

Cela ne veut pas dire que la production de gaz naturel dans l’Ouest canadien ne peut pas atteindre le marché. Nous constatons que cela se produit en fait dans une très grande mesure sur la côte Ouest, ainsi que pour répondre à la demande locale, en particulier dans les sables bitumineux.

Le sénateur Klyne : En périphérie de tout cela, je veux demander ceci : si des routes comme le Panama ou l’Arctique ne sont pas sur la table, y a-t-il d’autres discussions en cours au sujet d’un corridor énergétique dans le Nord?

M. Charlebois : Ces discussions ont lieu dans la sphère des décideurs, pour ainsi dire. Encore une fois, mes collègues de Ressources naturelles Canada pourraient parler des possibilités dont ils discutent avec les promoteurs.

Dans le cas de la Régie de l’énergie du Canada en particulier, nous n’avons pas de demandes concernant des pipelines qui desserviraient ces routes du Nord pour le moment. Lorsque nous recevons de telles demandes — le cas échéant —, nous les évaluerons certainement en temps opportun.

Le sénateur Klyne : Merci.

La sénatrice Anderson : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à M. Charlebois.

Vous avez parlé de l’évaluation de projets et de décisions. Vous avez parlé du fait de prendre les décisions les plus strictes et les plus sûres qui soient et d’examiner ce qui nuit ou contribue à l’engagement du Canada, à l’ampleur, à la carboneutralité et à l’applicabilité d’autres facteurs.

Ma question est la suivante : pouvez-vous expliquer comment les détenteurs de droits autochtones et les droits à l’autodétermination s’intègrent dans l’évaluation de projet et les décisions de la REC compte tenu de la lettre de mandat visant à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et à travailler en partenariat avec les peuples autochtones pour faire avancer leurs droits?

M. Charlebois : Merci de poser la question. Ma collègue, Mme Carr, sera bien placée pour y répondre.

Genevieve Carr, spécialiste en chef de l’environnement, Régie de l’énergie du Canada : Merci pour la question.

Avant de commencer — parce que c’est la première fois que je prends la parole —, je tiens à souligner que je m’adresse à vous aujourd’hui depuis Calgary, qui est le territoire traditionnel des peuples du Traité no 7 dans le Sud de l’Alberta et que la ville de Calgary abrite également la nation métisse de la région 3 de l’Alberta. C’est un privilège de m’adresser à vous.

Sénatrice Anderson, si j’ai bien compris votre question — et je suis prête à répondre à votre question de suivi —, vous vous intéressez à la façon dont l’organisme de réglementation tient compte des droits des peuples autochtones, principalement au départ en tout cas, en ce qui concerne son évaluation des projets.

Lorsqu’elle est entrée en vigueur en 2019, la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie a rendu explicite l’importance de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. À plusieurs endroits dans la loi, on exige la prise en considération des droits des Autochtones, y compris un — et c’est un facteur important — pour la commission dans son examen des propositions de projet qui lui sont présentées, et d’autres autorisations qui lui sont présentées.

La commission tient des audiences de manière à inviter les peuples autochtones à y participer. Depuis l’établissement de la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie et de la Régie de l’énergie du Canada en 2019, le rôle de l’organisme de réglementation en tant que mandataire de la Couronne a été officialisé dans cette législation.

En plus du processus décisionnel indépendant de la commission concernant les demandes, nous avons maintenant une coordonnatrice des consultations de la Couronne qui consultera les peuples autochtones susceptibles d’être touchés par les projets relevant de l’autorité de l’organisme de réglementation et qui intervient activement dans les processus dirigés par la commission pour faire valoir les intérêts, les préoccupations et les droits des peuples autochtones que la coordonnatrice des consultations de la Couronne entend dans ses consultations avec les peuples autochtones.

La sénatrice Anderson : Je suis au courant d’un projet dans la région Beaufort-Delta avec la Société régionale inuvialuite qui subit des retards importants en raison du processus de la REC.

Pouvez-vous nous dire quels pourraient être ces retards, et pendant combien de temps ils mettraient en œuvre un projet, en particulier dans une région qui est très dépendante du gaz naturel — avec des communautés qui sont très dépendantes du gaz naturel, qui ont également des équipements obsolètes qui dépendent du pétrole et du gaz —, et les répercussions que cela pourrait avoir sur une région où l’équipement a une durée de vie restante de trois ans?

Mme Carr : Sénatrice Anderson, je pense que vous faites allusion au projet de sécurité énergétique des Inuvialuit.

La sénatrice Anderson : Oui.

Mme Carr : Ce que je peux vous dire à ce sujet, c’est que je suis consciente — et c’était dans les médias, en fait — qu’il y a un différend entre les Inuvialuit et l’organisme de réglementation en ce qui touche la compétence et l’autorité.

La REC est l’organisme de réglementation pour ce projet dans la région désignée des Inuvialuit. L’organisme de réglementation a un ensemble de responsabilités et veille à ce que les autorisations et les exigences qu’il établit soient raisonnables compte tenu de son obligation de tenir compte d’un certain nombre de facteurs, y compris la protection de l’environnement du projet.

La sénatrice Anderson : Avec tout le respect que je vous dois, nous sommes les gardiens de la terre. C’est sur les terres revendiquées par les Inuvialuit. C’est un projet financé par les Inuvialuit. Dans le cadre de l’histoire, notre région est l’une des plus touchées par les changements climatiques. Nous en sommes très conscients. C’est la priorité absolue dans notre prise de décision.

Il nous reste aussi les travaux pétroliers et gaziers qui ont eu lieu dans notre région dans les années 1980. Nous avons une île artificielle qui se dégrade. Nous avons plus de 50 puisards dans notre région. Nous avons des infrastructures qui jonchent le sol de ma communauté de Tuktoyaktuk. Nous avons une barge métallique qui repose dans nos eaux.

Avec tout le respect que je vous dois, je tiens à vous faire prendre conscience que les décisions prises par les Inuvialuit sur le territoire des Inuvialuit et pour les Inuvialuit ont une incidence énorme sur notre niveau de vie, sur les possibilités d’emploi, sur nos taux élevés de suicide et sur les problèmes auxquels nous sommes confrontés en ce qui concerne le gaz naturel qui est actuellement disponible dans la région. Merci beaucoup.

La sénatrice McCallum : Merci de vos exposés. Bienvenue aux gens qui sont ici avec nous aujourd’hui.

Ma première question s’adresse à M. Charlebois. Lorsque vous parlez d’avoir de l’information opportune sur l’énergie, il y a actuellement un retard de deux ans dans la déclaration des émissions de gaz à effet de serre du Canada. En quoi l’absence d’estimations en temps réel des émissions influe-t-elle sur la capacité du Canada d’élaborer des stratégies et des politiques en matière de réduction des émissions? Comment le gouvernement fédéral conçoit-il ses mesures de réduction des émissions pour tenir compte de l’absence d’estimations en temps réel des émissions de gaz à effet de serre?

M. Charlebois : Merci. Votre question porte en grande partie sur l’actualité des données. La question du moment choisi doit toujours être soupesée par rapport à l’exactitude de ces données, d’autant plus qu’elles sont utilisées pour élaborer des politiques et, dans notre cas, pour la modélisation.

Dans le cas des estimations de gaz à effet de serre, comme vous pouvez le comprendre, la comptabilisation des émissions à l’échelle du pays — dans tous les secteurs, toutes les provinces — exige beaucoup d’efforts, et c’est la responsabilité de nos collègues d’Environnement et Changement climatique Canada.

À la REC, nous ne modélisons pas les émissions en particulier. Afin de répondre entièrement à votre question, en fait, je ne devrais pas aller plus loin que ce que je viens de dire en ce qui concerne les intentions d’avoir des données plus opportunes. C’est vraiment une question qui s’adresse à nos collègues d’Environnement et Changement climatique Canada.

M. Sawyer : Cette initiative de l’Institut climatique du Canada appelée 440Megatonnes.ca vise à combler une lacune en matière d’information sur les progrès réalisés par rapport à l’atteinte de nos objectifs climatiques. Il y a un retard important dans l’inventaire des émissions, comme vous l’avez souligné, et cela rend le suivi des progrès très difficile.

De plus, pour ce qui est des émissions totales, il est difficile de faire marche arrière et de voir ce qui les motive pour le déploiement de thermopompes ou la conversion de la production d’électricité au diesel. Il est difficile de connaître les actions individuelles en cours.

Une chose que nous devons faire en tant que pays, c’est mieux comprendre ces résultats intermédiaires — les ventes de véhicules électriques, la pénétration des thermopompes, le combustible qui est remplacé —, comprendre comment ils changent en temps opportun, puis examiner comment ils s’harmonisent avec nos aspirations en matière de réduction des émissions. Nous devons mieux suivre les progrès, mieux comprendre comment les politiques stimulent les résultats individuels, et pas seulement les émissions totales, puis corriger le tir au fur et à mesure. Nous ne sommes pas sur la bonne voie; réglons cela. Ce n’est pas ce qui se passe ici, nous pensions que cela allait se produire; réglons cela.

Le cycle d’évaluation et de rétroaction doit être renforcé au pays, et cela devient vraiment important avec toutes les politiques que nous avons. Le gouvernement fédéral a un grand programme. Nous avons recensé, à l’Institut climatique du Canada, 100 politiques que le gouvernement fédéral met en œuvre seul. Nous avons recensé 300 autres politiques provinciales et 80 milliards de dollars pour le financement de la lutte contre les changements climatiques. Nous avons énuméré toutes ces politiques sur notre site Web.

Il se passe beaucoup de choses. Au fur et à mesure que nous mettons en œuvre ces politiques, nous devons faire un meilleur suivi, et c’est ce qu’on appelle la bonne gouvernance : les éléments qui doivent être renforcés.

La sénatrice McCallum : Pour M. Sawyer, quel rôle joue la population canadienne? Quand nous regardons la nouvelle économie de marché libérale, l’individualisation qui va de pair avec cela et le consumérisme, où cela s’inscrit-il dans le tableau?

Chaque fois que je conduis mon véhicule, j’y pense. Je suis seule dans la voiture. Nous n’en parlons pas assez. Quel rôle jouons-nous en tant que Canadiens pour aider à faire avancer les choses?

M. Sawyer : L’information nous aide toujours à progresser et à comprendre là où nous devons aller. Nous nous concentrons souvent uniquement sur les politiques. Nous avons besoin d’une taxe sur le carbone, puis l’économiste dira que, lorsque vous tenez la pompe dans votre main, vous allez réfléchir au coût et à votre choix de conduite, comme vous l’avez dit. Ce qui manque souvent, c’est l’information sur ce qu’il faut faire.

Quelle est la récupération de l’investissement d’un véhicule électrique? Est-ce que je vais récupérer mon argent, et quand? Les thermopompes fonctionnent-elles bien dans le froid d’Ottawa? Les poêles à bois conviennent-ils? Quelles sont les émissions associées au bois?

L’une des choses que nous avions l’habitude de faire, c’était de nous contenter de programmes d’information. Il y a la publicité de Rick Mercer, le Défi d’une tonne. Tout le monde en a ri. Je l’ai aimée, parce que les parents ont commencé à parler de la politique sur le carbone. Nous n’avions pas de politique concrète à l’époque, alors tout le monde a dit que l’information était faible. Nous devons renverser la situation et bien communiquer les avantages et les possibilités.

La dernière chose que je dirai concerne les conséquences sur le climat. Vous venez de parler du Nord. Nous avons récemment réalisé une étude intitulée Limiter les dégâts, dans laquelle nous nous penchons sur les coûts économiques d’un changement climatique. Qui a le plus grand impact par habitant dans le pays? Le Nord, à cause du pergélisol, de la nourriture traditionnelle et de toutes sortes de choses qui se passent. La diffusion de ces renseignements est utile, mais nous avons besoin de plus d’information.

[Français]

La vice-présidente : J’ai une question pour vous, monsieur Sawyer. Ma question est en lien avec le troisième objectif de l’étude qui a pour but de traiter des effets de la transition sur les travailleurs. Vous avez dit dans vos notes que vous souhaitiez une transition plus rapide. Votre organisme a-t-il évalué les effets de vos propositions sur les différents travailleurs de l’industrie?

[Traduction]

M. Sawyer : C’est une bonne question. Nous suivons l’emploi, et l’emploi diminue habituellement dans certains secteurs et augmente dans d’autres. Il y a des achats de technologie. Les technologies à faibles émissions de carbone entraînent une augmentation de l’emploi, de sorte qu’il y a un effet net qui se répercute dans l’ensemble de l’économie.

Du point de vue des politiques, une chose que nous ne faisons pas très bien au pays, c’est d’avoir des politiques précises et ciblées pour les groupes qui sont en difficulté, qui sont touchés par la transition ou par le changement climatique. Nous avons plutôt des politiques générales de type assurance-emploi qui aident tout le monde, et nous nous sommes éloignés des politiques ciblées. Compte tenu de la transition qui survient, nous devons être plus réfléchis pour cibler les politiques et les programmes afin d’aider les travailleurs et de faciliter la transition.

Nous ne faisons pas un excellent travail à cet égard dans notre pays, mais nous commençons à le comprendre. Nous en avons beaucoup parlé, je crois.

[Français]

La vice-présidente : Je crois que sur votre site Web, on peut trouver les différentes initiatives qui ont été prises au Danemark, en Écosse et en Nouvelle-Zélande. J’imagine qu’il y a des façons de faire qui pourraient être très positives pour nous dans cette transition.

[Traduction]

M. Sawyer : C’est un sujet complexe. Je dis souvent que si quelqu’un dit qu’il a compris la politique sur le carbone — « Oh, nous devons faire ceci » — je dirais qu’il ne comprend pas le problème. Il y a beaucoup de choses qui se passent, et c’est assez complexe.

Pour comprendre ce qui se passe au pays, nous devons examiner les programmes à l’interne au pays qui sont utiles et les étendre. Bien sûr, nous devons aussi regarder à l’extérieur du pays et voir ce qui fonctionne. Comme je l’ai dit, nous devons être un peu plus réfléchis à ce sujet. Ce n’est pas vraiment mon domaine d’expertise, alors je ne peux pas en parler en profondeur.

Le sénateur Klyne : Une question pour l’organisme de réglementation et éventuellement pour M. Sawyer, qui voudrait peut-être fournir quelques commentaires. Je me questionne sur l’état d’avancement du prolongement du pipeline Trans Mountain, sur l’approbation de l’ensemble du tracé et sur l’avancement de la construction du terminal à Burnaby.

Ces deux projets vont-ils être mis en service en même temps? Je crois savoir qu’il y a déjà des engagements contractuels sur 20 ans, et qu’avant même que cela ne commence, Burnaby était déjà débordée de contrats. J’espère que le prolongement du terminal sera utile. Mais aussi, aux dépens des réparations... Est-ce que le pipeline et le terminal vont être mis en service en même temps et être disponibles pour transporter les produits?

Je sais que cela augmentera la production, mais dans l’ensemble, qu’est-ce que cela signifie pour le Canada? Est-ce une bonne chose, en ce qui concerne le changement climatique, que nous exportions des produits à l’étranger?

M. Charlebois : Merci de poser la question. La construction du prolongement du pipeline Trans Mountain est en cours. Selon l’information que nous avons, le projet est en voie d’être achevé sur le plan mécanique durant la deuxième moitié de 2023. L’achèvement mécanique signifie que le pétrole commencera à être transporté par étapes selon les segments et la connectivité avec le terminal de Burnaby. Il s’agira non pas d’un changement ponctuel du jour au lendemain, mais bien d’une mise en place graduelle qui se produira à la deuxième moitié de 2023.

Cela augmentera la capacité d’exportation de pétrole du Canada à hauteur de 590 000 barils par jour, ce qui est assez important. C’est quelque chose qui a été appuyé par des contrats à long terme pour les producteurs. Pour ce qui est des répercussions que cela a, évidemment, cela permet aux producteurs canadiens d’atteindre les marchés mondiaux. Nous voyons cela jouer dans les projections à long terme de la production de pétrole au Canada, qui, selon nos projections, atteindra un sommet vers le début des années 2030, puis commencera à diminuer. La production de pétrole est évidemment un amalgame de toute la production des producteurs individuels, et nous constatons qu’elle atteindra un sommet au début des années 2030.

Le sénateur Klyne : Monsieur Sawyer, aviez-vous des commentaires sur ce projet?

M. Sawyer : Aucun commentaire.

La sénatrice McCallum : Merci. Je voulais revenir au commentaire du sénateur Klyne au sujet d’un corridor énergétique dans le Nord. Lorsque le Comité de l’énergie est allé au Québec, je crois que c’était il y a deux ans, la question des pipelines passant par le Québec a été soulevée. La province avait refusé d’envisager la construction d’autres pipelines pour le transport vers la côte Est, puis il n’y en avait plus. Fin de la discussion.

Nous avons une conversation très différente lorsqu’il s’agit des peuples autochtones et des pipelines qui traversent leur territoire. Prenons le cas du corridor énergétique du Nord dont j’ai entendu parler et qui traverse Churchill; les chefs de cette région, qui se trouve sur les territoires du Traité ncc5 et du Traité no 10, n’ont même pas été consultés.

C’est aussi la ligne de chemin de fer. J’ai emprunté cette ligne de chemin de fer; j’y étais en août. J’ai vécu à Churchill, alors j’ai fait des allers-retours. Elle traverse des terres marécageuses, des marais, elle a une raison d’être et elle transporte du pétrole... le train roule très lentement en raison du terrain, et maintenant, le pergélisol fond aussi. Avez-vous quelque chose à dire au sujet des pipelines qui traversent le pays?

M. Charlebois : Permettez-moi de vous dire ceci : ce dont nous parlons ici, ce sont d’énormes projets d’infrastructure, habituellement de l’ordre de plusieurs milliards de dollars. Pour ce faire, il faut une vaste planification et la mobilisation des collectivités locales et des peuples autochtones locaux, ainsi que des participants du marché qui utiliseraient cette infrastructure, y compris les provinces. Ce sont des projets d’infrastructure assez complexes à mettre en œuvre, et dans la mesure où, par exemple, le corridor énergétique du Nord est envisagé par des promoteurs, ceux-ci devront faire preuve de diligence raisonnable, tant sur le plan commercial que sur celui de la mobilisation et de la consultation.

Dans la mesure où ces projets énergétiques sont réglementés par la Régie de l’énergie du Canada, nos attentes et nos exigences en matière de mobilisation sont très claires. L’histoire nous dira que si un promoteur ne fait pas un bon travail, et même s’il dépasse les attentes en matière d’engagement, cela retardera, en fait, le projet plutôt que de rationaliser quoi que ce soit. Je serais heureux de répondre à d’autres questions complémentaires, mais c’est ce que j’ai à dire au sujet de ces grands projets d’infrastructure.

La sénatrice McCallum : Monsieur Sawyer, le secteur pétrolier et gazier du Canada peut-il atteindre ses objectifs de réduction des émissions dans le cadre du Plan de réduction des émissions pour 2030 sans réduire la production de pétrole et de gaz?

M. Sawyer : C’est la question, n’est-ce pas? La politique sur le carbone, lorsque nous ajoutons des coûts, entraîne généralement une certaine perte de production. Certains bilans ne peuvent pas survivre. Le truc, c’est que nous devons être très prudents avec notre politique et ne pas aboutir à des résultats vraiment négatifs sur le plan de la compétitivité.

Lorsque je regarde le secteur pétrolier et gazier, il y a d’importantes possibilités de réduction des émissions, il y a une tonne de savoir-faire technique, une grande complexité, et cela se produit dans le contexte des vents contraires du marché : les défis liés à la baisse de la demande et au fait d’être le producteur marginal dans un marché en déclin. Il y a beaucoup de défis pour le secteur. Le marché pousse la production à la baisse, avec un objectif final de carboneutralité. La question est de savoir si la politique sur le carbone et les investissements des entreprises peuvent décarboniser ce pétrole pour qu’il puisse être compétitif dans ce monde restreint.

[Français]

La vice-présidente : Je tiens à remercier l’ensemble des témoins qui se sont engagés à être présents parmi nous ce matin.

[Traduction]

Merci d’être ici. Nous allons mettre en place notre deuxième groupe de témoins.

[Français]

Chers collègues sénateurs, nous allons procéder à la deuxième partie de notre rencontre.

[Traduction]

Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons David Billedeau, directeur principal des ressources naturelles, de l’environnement et de la durabilité, de la Chambre de commerce du Canada, et Mark Cameron, vice-président, Relations externes d’Alliance Nouvelles voies.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Vous avez cinq minutes chacun pour prononcer votre mot d’ouverture. Nous allons commencer par M. Billedeau, suivi de M. Cameron. Monsieur Billedeau, la parole est à vous.

[Traduction]

David Billedeau, directeur principal des ressources naturelles, de l’environnement et de la durabilité, Chambre de commerce du Canada : Honorables sénateurs et sénatrices, merci de me fournir l’occasion d’assister à la discussion d’aujourd’hui au nom de la Chambre de commerce du Canada.

Le secteur pétrolier et gazier du Canada joue un rôle important pour assurer la prospérité économique, la sécurité énergétique et le développement durable du pays. En ce qui concerne ses répercussions économiques, en 2020, le secteur pétrolier et gazier collectif a contribué à hauteur de 105 milliards de dollars au PIB du Canada et contribué à maintenir près de 400 000 emplois partout au Canada. Le secteur de la production à lui seul devrait contribuer à hauteur de 50 milliards de dollars en taxes et redevances en 2022. Ces revenus annuels pour les gouvernements sont essentiels au développement et à l’entretien des infrastructures du Canada, comme les routes, les écoles et les hôpitaux.

En même temps, le secteur pétrolier et gazier du Canada compte pour environ 27 % des émissions totales de gaz à effet de serre du pays. Par conséquent, il est essentiel d’avoir une stratégie de décarbonisation tout en maintenant les avantages économiques d’une production continue. Cela dit, le secteur s’est largement engagé à l’égard du développement durable et de l’atteinte de l’objectif de carboneutralité du Canada pour 2050.

Le secteur pétrolier et gazier du Canada n’a cessé de réduire l’intensité de ses émissions au cours des dernières années, sans pour autant être soumis à des exigences réglementaires de grande envergure. De plus, les entreprises du secteur des sables bitumineux se sont engagées à réaliser des projets évalués à près de 25 milliards de dollars pour réduire les émissions et améliorer l’efficacité énergétique de leurs opérations d’ici 2030. En effet, le secteur pétrolier et gazier du Canada est en mesure de faire preuve de leadership mondial en matière de recherche et de développement et de déployer les technologies de décarbonisation les plus avancées qui soient.

Alors que le secteur continue d’évoluer, il en va de même pour sa main-d’œuvre. Selon Statistique Canada, en 2019, 36 % de la main-d’œuvre du secteur était féminine, 26 % appartenaient à un groupe des minorités visibles, près de 10 % s’identifiaient comme Autochtones, et le secteur est un employeur principal de nouveaux Canadiens. En somme, le secteur offre de solides possibilités d’emploi de classe moyenne à tous les Canadiens et a des retombées positives sur l’économie et l’emploi dans presque toutes les régions du pays.

Le secteur pétrolier et gazier du Canada est également en mesure de soutenir les efforts de décarbonisation et les besoins énergétiques mondiaux. Le conflit en cours en Europe a renforcé la nécessité d’un leadership canadien pour soutenir la sécurité énergétique internationale. En même temps, les produits énergétiques canadiens ont la possibilité de remplacer les produits à forte intensité de carbone sur les marchés internationaux.

Depuis 2021, la Chambre de commerce du Canada travaille avec les membres du conseil sur la carboneutralité, un collectif multisectoriel de chefs d’entreprise déterminés à atteindre la carboneutralité, afin de s’assurer que la voie du Canada vers la carboneutralité est concurrentielle, qu’elle améliore l’investissement, qu’elle crée des emplois et qu’elle favorise l’innovation. À cette fin, je suis heureux d’avoir l’occasion de présenter trois recommandations importantes du récent rapport du conseil sur la carboneutralité au sujet de la façon dont le Canada peut atteindre ses objectifs en matière d’émissions.

Premièrement, le Canada devrait élaborer un plan détaillé en matière de compétences vertes afin de tirer parti des possibilités qu’offrira le concept de carboneutralité. Pour atteindre l’objectif de carboneutralité tout en tirant parti des possibilités économiques, il faudra une stratégie de la main-d’œuvre comprenant un ensemble complet de projections de l’emploi et des compétences afin de cerner les lacunes dans les industries nationales, y compris le pétrole et le gaz, et dans les régions géographiques.

Deuxièmement, le Canada devrait accroître le financement global de la carboneutralité et en faire davantage pour réduire les risques et éliminer les obstacles aux investissements du secteur privé. La chambre encourage le gouvernement du Canada à financer directement les programmes novateurs de technologie climatique, à attirer des co-investissements grâce à des partenariats publics privés, à soutenir les projets de recherche et développement et à réduire les risques liés aux investissements du secteur privé dans les technologies propres. Depuis que les États-Unis ont adopté récemment leur loi sur la réduction de l’inflation, nous devons accroître notre compétitivité pour obtenir des capitaux d’investissement.

Troisièmement, le Canada devrait tenir compte du portrait complet des émissions et fonder ses politiques pour le secteur environnemental sur les possibilités de réduire les émissions mondiales. À cette fin, le gouvernement fédéral devrait promouvoir et renforcer le secteur énergétique canadien, afin de réduire les émissions mondiales liées à la chaîne d’approvisionnement des produits, des matériaux et des entreprises. Pourtant, le Canada est l’un des seuls grands producteurs de pétrole et de gaz au monde qui nuit à la réussite de son industrie énergétique nationale avec des stratégies de décarbonisation qui créent des coûts supplémentaires, des règlements et des mécanismes qui ne tiennent pas compte de la viabilité financière ou technique. Ce genre de mesures minent notre capacité à être compétitifs sur la scène internationale et nous font perdre des parts de marché au profit de l’OPEP et d’autres pays non démocratiques, qui ne respectent pas le marché libre.

Pour conclure, la Chambre de commerce du Canada encourage le comité à reconnaître que le secteur pétrolier et gazier est déterminé à combattre les changements climatiques et à atteindre les cibles de réduction des émissions. En outre, le Canada a un potentiel illimité qui lui permettrait de mener la transition vers la carboneutralité mondiale. Cependant, des partenariats entre le secteur privé et le gouvernement seront absolument nécessaires pour concrétiser cet objectif. Je vous remercie encore une fois de votre temps et de votre écoute. Je suis impatient de poursuivre notre discussion.

[Français]

La vice-présidente : Merci. Monsieur Cameron.

[Traduction]

Mark Cameron, vice-président, Relations externes, Alliance Nouvelles voies : Merci beaucoup, honorables sénatrices et sénateurs, de m’avoir invité à témoigner devant vous aujourd’hui. Je m’appelle Mark Cameron, et je suis le vice-président, Relations externes, d’Alliances Nouvelles voies. Alliances Nouvelles voies est une organisation assez récente qui représente les six principaux producteurs de sables bitumineux du Canada : Canadian Natural, Cenovus, ConocoPhillips Canada, Imperial Oil, MEG Energy et SunCor. Ensemble, ces entreprises assurent l’exploitation d’environ 95 % des sables bitumineux au Canada.

Premièrement, je reconnais que notre industrie contribue énormément aux émissions carboniques du Canada. Nous produisons environ 10 % des émissions canadiennes, comme M. Billedeau l’a mentionné, et environ 27 % de l’ensemble des émissions du secteur pétrolier. Nous savons que nous faisons partie du problème, et c’est justement pour cette raison que nous devons absolument faire partie de la solution.

Alliances nouvelles voies est réellement la prochaine étape de l’évolution de l’industrie vers une lutte plus acharnée contre les changements climatiques. Au cours de la dernière décennie, les entreprises canadiennes des sables bitumineux ont coopéré, dans le cadre de la COSIA — Canada’s Oil Sands Innovation Alliance —, dans divers dossiers, pas seulement sur les changements climatiques, mais aussi dans les dossiers liés à l’air, à l’eau et à la terre, en plus d’investir 1,8 milliard de dollars dans plus de 1 000 technologies. Nos entreprises ont investi environ 10 milliards de dollars dans les technologies, au cours de la dernière décennie, dans divers projets de recherche et développement, dont la plupart concernaient directement la réduction des émissions.

Nous sommes parvenus à réduire l’intensité de nos émissions, c’est-à-dire les émissions produites par baril de pétrole, d’environ 22 % depuis 2009. Toutefois, nous reconnaissons qu’il n’est plus suffisant de simplement réduire l’intensité de nos émissions et que nous devons viser une réduction absolue des émissions. C’est pourquoi nous avons élaboré un plan pour réduire les émissions de 22 mégatonnes par année d’ici 2030, assorti d’un engagement à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour accomplir cela, nous aurons grandement besoin de la collaboration de tous les ordres de gouvernement, des partenaires des Premières Nations et de l’industrie; nous devrons tous travailler ensemble si nous voulons atteindre ce but ambitieux.

Je suis ici aujourd’hui pour parler au Sénat de nos plans et de la façon dont nous pourrons réellement contribuer à la réduction des émissions au Canada. Comme M. Billedeau l’a mentionné, l’industrie pétrolière et gazière contribue considérablement à la croissance économique du Canada. À dire vrai, on estime que cette année seulement, la contribution du secteur pétrolier et gazier en impôts et en redevances à tous les ordres de gouvernement s’est élevée à 50 milliards de dollars ainsi qu’à 9 milliards de dollars en impôts des sociétés, ce qui veut dire qu’environ 13 % de l’impôt des sociétés canadiennes vient de cette seule industrie. Il est impératif, même lorsque nous réduisons les émissions, que l’ensemble de l’industrie demeure robuste, dynamique et compétitive.

Nous devons surmonter d’importants défis en matière de compétition. Nous savons que la loi américaine sur la réduction de l’inflation a mis en place d’importantes mesures de soutien pour le captage et le stockage du carbone, et même pour toutes les formes de technologie allant de l’hydrogène aux batteries en passant par les petits réacteurs modulaires. Si nous voulons que le Canada soit en mesure de compétitionner pour attirer des capitaux et des talents pour nos efforts de décarbonisation, nous allons devoir adopter des mesures équivalentes. Nous avons été heureux de voir, dans l’énoncé économique de l’automne, que le gouvernement compte effectivement faire tout ce qui doit être fait pour continuer de concurrencer les États-Unis et les Européens.

Nous avons déjà reçu un soutien important du gouvernement fédéral grâce au crédit d’impôt à l’investissement qui est entré en vigueur il y a quelques années, mais nous aurons besoin d’autres mesures de soutien pour les coûts d’exploitation. Nous aurons aussi besoin de soutien sur le plan réglementaire et stratégique pour qu’il soit réellement possible de réaliser ce plan.

Je serai heureux de parler davantage de notre plan et de ce que font les entreprises d’Alliances Nouvelles voies. Je vous remercie beaucoup de votre temps.

[Français]

La vice-présidente : Merci beaucoup pour votre témoignage.

[Traduction]

La sénatrice Sorensen : Merci d’être avec nous. J’ai beaucoup de respect pour vos deux organisations. Je vais vous poser une question sur l’énergie de remplacement ou l’énergie nucléaire.

Monsieur Billedeau, vous avez récemment écrit un article pour la revue Options Politiques où vous affirmiez que la clé pour atteindre la carboneutralité est d’embrasser l’énergie nucléaire. Vous avez déclaré que, compte tenu de l’empreinte écologique des nouveaux projets d’infrastructure hydroélectrique et de la résistance des collectivités locales, ainsi que du caractère transitoire des autres sources d’énergie renouvelable, comme l’énergie solaire et l’énergie éolienne, le nucléaire pouvait nous fournir de l’énergie propre, fiable et ininterrompue.

Monsieur Cameron, Alliance Nouvelles voies a aussi publiquement déclaré que le développement de petits réacteurs modulaires, ou PRM, est la pierre angulaire de la décarbonisation du secteur pétrolier et gazier du pays.

Je vous demanderais à tous les deux d’approfondir vos commentaires et vos réflexions. Si vous le pouvez, dans vos réponses, réagissez aux préoccupations des Canadiens à l’égard de l’énergie nucléaire, et tentez de les rassurer.

Monsieur Cameron, voulez-vous commencer?

M. Cameron : Bien sûr. Les petits réacteurs modulaires sont une technologie extrêmement intéressante, à notre avis. Essentiellement, le traitement des sables bitumineux — la raison pour laquelle cela produit autant de carbone — exige d’énormes quantités de gaz, surtout du gaz naturel, pour générer de la vapeur afin d’extraire le bitume du sable auquel il est mélangé. C’est un traitement qui demande énormément d’énergie.

Une solution de rechange serait de remplacer le gaz naturel par de petits réacteurs modulaires afin de produire l’énergie et la vapeur nécessaires. Il y a deux ou trois technologies de PRM qui sont très prometteuses; il faut seulement avoir un réacteur de la bonne taille, pour produire la bonne quantité d’énergie et de chaleur. La Commission canadienne de sûreté nucléaire est en train de concevoir deux ou trois technologies qui semblent prometteuses pour les sables bitumineux.

Présentement, le captage du carbone est la seule technologie que nous utilisons pour réduire les émissions. Nous pensons que, d’ici le milieu des années 2030, les petits réacteurs modulaires pourraient être une solution de rechange importante et peut-être même plus économique. C’est quelque chose que nous étudions attentivement.

Comme vous l’avez mentionné, il y a le problème des préoccupations du public. L’Alberta n’a jamais utilisé l’énergie nucléaire. Évidemment, il faudrait un vaste processus de mobilisation et de consultation publiques, en particulier auprès des Premières Nations. Cela serait nécessaire si nous voulons réaliser un tel projet. C’est tout à fait quelque chose que nous envisageons pour le milieu des années 2030.

M. Billedeau : Me permettez-vous de donner suite à cette réponse?

La sénatrice Sorensen : Oui, allez-y.

M. Billedeau : Merci de la question.

Comme l’a dit M. Cameron, les PRM ont énormément de potentiel : ils permettraient non seulement de décarboniser certains secteurs de notre économie, notamment du pétrole et du gaz, mais aussi le secteur émergent des minéraux critiques du Canada.

L’énergie nucléaire, de façon générale, nous offre la possibilité de décarboniser de façon générale l’empreinte carbonique globale du Canada. Bien sûr, la Chambre de commerce du Canada est favorable à l’énergie nucléaire. Toutefois, je tiens à souligner que la Chambre de commerce du Canada soutient également les autres formes de production d’énergie.

Il est important de comprendre qu’il n’existe pas de solution unique au problème de la décarbonisation du Canada, ni une seule façon d’y arriver. L’énergie nucléaire a prouvé, au fil des ans, qu’elle était une source d’énergie sécuritaire, efficace et propre.

Le principal obstacle au développement de l’énergie nucléaire n’est pas technologique. Il y a évidemment de nouvelles technologies qui s’en viennent, comme les PRM, mais ce genre de problèmes d’ingénierie peut être résolu assez facilement, surtout compte tenu du fait que le Canada a une bonne expérience dans ce domaine.

Le principal obstacle, comme vous l’avez dit, c’est l’acceptation par la population. Comme cela a déjà été dit, je pense que le Canada doit adopter une stratégie et des initiatives misant fortement sur la sensibilisation, sur la mobilisation et sur la consultation avec le public pour dissiper toutes les préoccupations.

Le Canada, je le répète, a un excellent bilan en ce qui concerne la sécurité de l’industrie de l’énergie nucléaire. Il faut que cela soit mieux communiqué au public. Les avantages de l’énergie nucléaire en matière de coût de la production énergétique, mais aussi ses émissions relatives en comparaison d’autres formes de production d’énergie, doivent être plus clairement communiqués.

La sénatrice Sorensen : Merci beaucoup à vous deux.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une première question qui s’adresse à M. Billedeau.

Il me semble qu’il y a quelques contradictions dans votre point de vue, puisqu’en même temps, vous êtes un adepte du libre marché, et les chambres de commerce, en général, sont plutôt en faveur du libre marché. On parle tous des subventions, ici, assez importantes. Seriez-vous en accord avec l’élimination de toutes les subventions directes et indirectes aux industries fossiles pour que tout cela soit conséquent avec votre philosophie économique?

[Traduction]

M. Billedeau : Je ne pense pas que la chambre n’est pas en faveur de l’élimination des subventions et des mesures de soutien financiers pour le secteur pétrolier et gazier. Ce serait extrêmement difficile pour l’industrie fossile de compétitionner afin d’obtenir de nouveaux investissements sans aucun partenariat financier robuste avec le gouvernement, en particulier puisque les autres pays du monde fournissent énormément de soutien financier à leurs secteurs énergétiques.

Compte tenu des coûts importants des technologies de décarbonisation, il est logique que le gouvernement et l’industrie, qui ont le même but relativement à la décarbonisation, partagent les coûts et les risques.

La sénatrice Miville-Dechêne : Ne voyez-vous pas une contradiction entre votre philosophie générale quant au marché libre et ce secteur en particulier, qui contribue aux changements climatiques?

M. Billedeau : Certains types de subventions, par l’intermédiaire de programmes comme le Fonds stratégique pour l’innovation et d’autres programmes verts, sont alignées sur les exigences de l’Organisation mondiale du commerce, par exemple, et sont relativement normalisées d’un pays producteur d’énergie à un autre. Je ne pense pas qu’il y a une contradiction entre le fait que l’industrie et le gouvernement s’associent financièrement sur des grands projets d’infrastructure et des projets énergétiques et la position de la chambre quant à une économie de marché forte et libre.

[Français]

La sénatrice Miville-Dechêne : Pour atteindre la carboneutralité en 2050, vous avez demandé au gouvernement fédéral de financer votre projet jusqu’à 70 %. Vous voulez des subventions qui atteignent 70 % de votre projet pour arriver à la carboneutralité.

Cette cible de 70 % est plutôt frappante —

[Traduction]

Cela me semble plutôt élevé. Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivé à ce chiffre précis? Quand les citoyens voient cela, comment peuvent-ils croire que c’est raisonnable? Ne devriez-vous pas payer un peu plus de votre poche? De quoi est-il question ici? Nous parlons bien de 75 milliards de dollars. C’est assez élevé. S’il vous plaît, expliquez-nous cela en termes simples.

M. Cameron : D’accord. Je ne sais pas si nous avons jamais donné un chiffre comme 70 %, mais il est tout à fait vrai que nous demandons un soutien important. Si vous regardez ce qui se passe autour du monde, en Norvège, aux Pays-Bas et aux États-Unis, ces pays mettent de l’avant un soutien de cet ordre pour leur industrie. En Norvège, les coûts en capital et les coûts d’exploitation permanents du projet Longship de captage et de stockage du carbone sont soutenus à hauteur de 75 %, il y a aussi le crédit d’impôt 45Q que la Loi sur la réduction de l’inflation a essentiellement doublé, qui prévoit 85 dollars américains la tonne pour une période de 10 ou de 12 ans après la construction d’un projet de captage et de stockage du carbone. Ce sont d’énormes subventions, en comparaison de ce que le Canada offre.

Je pense qu’il faut faire une distinction quand il s’agit des subventions pour l’industrie pétrolière et gazière, qui sont utilisées pour notre production, pour l’exploration, pour le marketing, et cetera, et je pense qu’il est parfaitement légitime que le gouvernement dise qu’il ne veut plus être dans cette industrie et que nous pouvons compétitionner par nous-mêmes. Cependant, lorsqu’il s’agit de décarbonisation, d’abord, nous ne parlons pas uniquement de l’industrie pétrolière et gazière, mais de toutes les industries. Un crédit d’impôt pour le captage et le stockage du carbone s’appliquerait au secteur de l’acier, au secteur du ciment et à d’autres secteurs. Nous devons compétitionner à l’échelle internationale.

Si vous regardez les objectifs de décarbonisation du Canada pour 2030 et 2050, nous allons devoir compétitionner avec ce que font les États-Unis, l’Europe et la Chine. Malheureusement, cela veut dire que le Canada va devoir investir au même rythme que ces pays.

Si vous prenez en compte le coût de 75 milliards de dollars pour la décarbonisation et le plan d’Alliances Nouvelles voies, on perdrait environ 2 billions de dollars en activités économiques simplement en essayant d’éliminer graduellement notre production d’ici 2050. Donc, c’est un investissement de 75 milliards de dollars dans la décarbonisation pour protéger des activités économiques de 2 billions de dollars au Canada.

La sénatrice Miville-Dechêne : Vous avez dit que vous ne demandez pas au gouvernement de payer exactement 70 % de vos investissements. Ce serait quoi?

M. Cameron : Nous n’avons pas de chiffre définitif, parce qu’il y a différents programmes provinciaux et fédéraux : le programme Accélérateur net zéro, le crédit d’impôt à l’investissement, les contrats sur différence et les programmes de redevances provinciaux. Si on fait le total, ce sera peut-être dans ces eaux-là, mais nous n’avons pas fixé de chiffre.

Le sénateur Klyne : J’ai une question qui s’adresse à nos deux témoins ici présents. Bienvenue, et merci de nous avoir présenté vos déclarations.

M. Cameron a fait un commentaire à propos de collaboration qui m’a fait penser à quelque chose. Ma question porte surtout sur les tables régionales sur l’énergie et les ressources, dont le travail est en cours. Avant l’annonce de ces tables, je me demandais pourquoi le gouvernement fédéral n’avait pas d’approche pangouvernementale pour lutter contre les changements climatiques, et je me disais que le gouvernement mettait l’industrie devant des cibles et des politiques, et que son approche allait vraiment de l’intérieur vers l’extérieur à l’égard des entreprises.

Avec l’annonce des tables régionales sur l’énergie et les ressources, cela veut dire qu’il y a maintenant une approche pannationale, et notamment des consultations préalables avec les intervenants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les partenaires de l’industrie et les partenaires autochtones, et cela reflète vraiment ce que vous avez fait observer, monsieur Cameron.

Ma question à cet égard concerne l’empreinte et les répercussions colossales qu’aurait votre alliance, en comptant les membres de la Chambre de commerce du Canada. Ces tables vont se réunir pour une première ronde avec les provinces, afin de choisir de deux à quatre projets d’importance sur lesquels le gouvernement fédéral et les provinces pourraient travailler ensemble. C’est vraiment un pas de géant en avant, ce désir de travailler ensemble et de collaborer, par rapport aux consultations. Au deuxième tour, l’industrie et les partenaires autochtones seront invités à la table.

Y a-t-il une place pour vous dans ce processus, croyez-vous que vous serez présents à la table? Est-ce que les provinces à ces tables vous représentent, au premier tour, pour ce qui est de choisir des projets sur lesquels certains de vos membres ou votre alliance pourraient travailler, pour tirer parti de, disons les choses ainsi, des valises pleines d’argent, et pour qu’on puisse réinvestir l’argent des contribuables dans le PIB et trouver des occasions de monétiser, et en même temps, de faire en sorte que cela nous rapproche de nos buts en matière de changement climatique?

M. Cameron : Je pense que les tables régionales sur les ressources sont une bonne initiative, et nous sommes très favorables à ce que le ministre Wilkinson essaie de faire. Présentement, les provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan ne font pas partie du processus des tables régionales sur l’énergie et les ressources, ce qui est malheureux, mais il est évident qu’il y a des tensions politiques entre ces gouvernements.

Nous avons des discussions très vigoureuses avec les gouvernements fédéral et provinciaux et aussi avec les collectivités autochtones. Nous sommes évidemment très intéressés à participer à ce processus et à n’importe quel autre, mais nous discutons activement avec Ressources naturelles Canada, Environnement et Changement climatique Canada et avec les ministères provinciaux de l’Énergie et de l’Environnement. Nous participons pleinement, et nous estimons que tout le monde va devoir participer à ce processus : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les communautés autochtones, les syndicats et tous les autres acteurs vont devoir collaborer.

Ce serait un projet industriel de très grande ampleur : 35 000 emplois d’ici à 2030 pour construire un pipeline de 400 kilomètres, une zone de séquestration du carbone qui pourrait stocker 1 gigatonne de carbone et 16 installations de captage de carbone, le tout au cours des 10 prochaines années.

Le sénateur Klyne : C’est emballant. Merci.

M. Billedeau : Pour répondre à votre question, la chambre ne participe pas présentement à ces tables, mais nous soutenons l’initiative.

Il est important de souligner que, l’année dernière, le commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada a publié une série de leçons que le Canada avait retenues au fil des décennies dans sa lutte contre les changements climatiques et les problèmes environnementaux. La principale leçon retenue et la principale recommandation de ce rapport sont qu’un leadership et une coordination plus efficaces sont nécessaires pour faire progresser les engagements envers la lutte contre les changements climatiques.

La chambre appuie de tout cœur ce message. Pour lutter contre les changements climatiques, il faut un leadership et une coordination entre Ottawa et les organisations fédérales ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales et, bien sûr, le secteur privé. D’ailleurs, je félicite le gouvernement du Canada de son initiative dans ce projet, et, même si nous n’y participons pas actuellement, nous espérons que cela sera possible dans les mois qui viennent.

Le sénateur Klyne : Merci.

La sénatrice Batters : Merci à vous deux d’être ici aujourd’hui et de votre important témoignage. J’ai particulièrement aimé ce que M. Billedeau a dit à propos du nombre colossal d’emplois que l’industrie pétrolière et gazière fournit au Canada. Il a parlé de 400 000 emplois. J’avais même vu plus de 522 000 emplois au Canada, et le montant énorme de 105 milliards de dollars que notre industrie pétrolière et gazière contribue à l’économie canadienne.

Puisqu’il s’agit de facteurs très importants, je ne pense pas que l’on puisse dire que l’industrie pétrolière et gazière est, de quelque façon que ce soit, une « industrie subventionnée ». Elle contribue énormément à l’économie canadienne.

Ma première question s’adresse à M. Cameron : quelles sont les fausses idées les plus répandues à propos des sables bitumineux du Canada et de la capacité de l’industrie à aider le Canada à atteindre ses cibles climatiques?

M. Cameron : Excellente question. Il y a cette idée, certainement, dans certaines régions du Canada qui ne connaissent pas beaucoup l’industrie pétrolière et gazière, et à l’étranger, selon laquelle les sables bitumineux sont une forme d’exploitation pétrolière et gazière particulièrement sale, dangereuse ou problématique. La raison pour laquelle on pense cela est très simple : c’est un processus qui demande énormément d’énergie, et par conséquent, avec la technologie actuelle, cela veut dire que le processus produit beaucoup d’émissions. On comprend très bien le processus, et il s’améliore chaque année. Nous réduisons les coûts et les émissions. Depuis les 10 dernières années, nous avons réduit de 22 % les émissions par baril. Nous avons un plan bien défini pour atteindre la carboneutralité.

Parfois, il y a des compagnies d’assurance internationales, en Europe, qui montrent les sables bitumineux du doigt, et aussi le charbon, et qui disent : « Nous refusons d’investir dans cette industrie ou de l’assurer. » Cela ne nous dérange pas d’être tenus responsables de nos émissions, et pour un grand nombre de nos projets, les émissions se situent au niveau ou en dessous de la moyenne pour l’intensité des émissions en Amérique du Nord. Il n’y a pas de problème avec le type de production. Le problème, c’est de trouver une façon de faire mieux. Comment pouvons-nous réduire les émissions?

Il y a aussi le fait que 96 % des réserves de pétrole du Canada — d’ailleurs, nous avons la troisième ou la quatrième réserve pétrolière du monde en importance — sont les sables bitumineux. Quand on parle de l’industrie pétrolière et gazière du Canada, on parle très majoritairement des sables bitumineux, du moins en ce qui a trait aux possibilités futures.

Il y a une autre chose, c’est que la production de pétrole et de gaz mondiale diminue d’environ 6 % par année. Des efforts sont constamment déployés pour de nouveaux projets d’exploration et pour trouver de nouvelles sources de pétrole. Avec les sables bitumineux, nous n’avons pas besoin de chercher. C’est là. Nous savons que le pétrole est là. Il s’agit seulement de trouver une façon plus efficace, plus économique et plus durable de l’exploiter.

La sénatrice Batters : Je viens de la Saskatchewan, alors je m’intéresse particulièrement à la technologie de captage et de stockage du carbone. Je m’adresse aussi à vous, monsieur Cameron : les promoteurs de l’industrie pétrolière et gazière réclament — et peut-être que ces 70 % viennent de là — un crédit d’impôt à l’investissement de 75 % de la part du gouvernement fédéral pour stimuler l’investissement dans les technologies de captage et de stockage du carbone. Cela réduirait les coûts d’investissement initiaux qu’exige la construction de cette technologie critique. Cependant, l’annonce du gouvernement était en deçà de cela, avec une promesse d’un crédit d’impôt de 50 % seulement.

Beaucoup de gens de l’industrie ont déclaré qu’un crédit d’impôt de cette taille empêcherait certains projets d’aller de l’avant. Pouvez-vous nous dire à quel point il est important que cette technologie soit mise au point et nous parler du genre de répercussions qu’elle pourrait avoir sur les émissions de l’industrie pétrolière et gazière?

M. Cameron : J’ai vu ce chiffre de 75 % dans les journaux, mais nous n’avons jamais demandé cela. Nous n’avons pas demandé un crédit d’impôt à l’investissement de 75 %, et nous ne nous attendions pas à en recevoir un non plus; nous étions tout à fait satisfaits du crédit d’impôt à l’investissement que le gouvernement fédéral avait annoncé il y a quelques années. Mais depuis, les choses ont changé. Il s’agissait de ne pas prendre du retard sur les États-Unis, qui ont maintenant plus que doublé le crédit d’impôt de l’article 45Q. Même si le crédit d’impôt à l’investissement aide à couvrir les coûts d’investissement initiaux, le prix de l’électricité et du gaz naturel a augmenté, ce qui veut dire que les coûts d’exploitation du projet seront plus importants que les coûts d’investissement, et c’est pour cette raison que nous voulons du soutien pour les coûts d’exploitation.

Si les marchés carboniques fonctionnent parfaitement d’ici 2030, peut-être que ce sera assez. Nous pourrions vendre des crédits de carbone et cela serait plus que suffisant pour couvrir nos coûts d’exploitation, mais nous ne pouvons pas vraiment prévoir comment ces marchés vont évoluer. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous discutons avec les gouvernements et que le gouvernement fédéral étudie l’idée des contrats sur différence pour le carbone, puisque cela établirait essentiellement un prix plancher pour les futurs crédits de carbone.

La sénatrice McCallum : Merci de nous avoir présenté vos exposés. Je voulais revenir sur l’expression « développement durable » que M. Billedeau a utilisée. Je ne sais pas quel est le montant des subventions qui sont accordées à l’industrie pétrolière et gazière pour la recherche et pour commencer à résoudre ce problème.

J’aimerais revenir sur la remise en état et en valeur de l’atténuation des terres, en particulier les terres riches en sables bitumineux. Selon un article paru en 2017, depuis 1967, seulement 7 % — 60 kilomètres carrés — des terres ont été remises en état de façon permanente, et, de ce total, seulement un kilomètre carré était sur des sables bitumineux. Comme vous le savez, l’exploitation des sables bitumineux a des conséquences sur une grande partie de la faune ainsi que sur les peuples autochtones et leur culture, leurs moyens de subsistance et la terre qu’ils cultivent.

Il n’existe aucun incitatif financier pour que l’industrie se conforme à cette exigence. Les exploitants peuvent élaborer leur propre plan et le réviser tous les trois ans. Aucun exploitant n’a jamais dû rendre des comptes parce qu’il ne s’était pas conformé à ses propres objectifs de remise en état. Nous savons que les fonds ont été affectés à l’examen des puits orphelins abandonnés. Cela vient d’être annoncé, il y a deux semaines, pour les projets miniers et la façon dont les terres vont être remises en état.

Pouvez-vous formuler des commentaires là-dessus et sur l’échec de la remise en état des terres? J’ai l’impression que la zone ne fait que s’étendre. L’industrie a-t-elle un plan d’atténuation? Vous examinez les émissions de gaz à effet de serre, mais nous devons examiner ce qui se passe en aval également.

M. Cameron : Je suis tout à fait d’accord pour dire que la remise en état des terres, la gestion des problèmes relatifs à l’eau, aux résidus, aux caribous et à la faune, ce sont tous des enjeux critiques. Notre industrie met de côté des milliards de dollars pour les activités de remise en état à la fin des projets. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements, les collectivités autochtones et les universitaires, par l’intermédiaire du comité de gérance du Programme de surveillance des sables bitumineux. J’ai déjà mentionné le travail de la Canada’s Oil Sands Innovation Alliance, la COSIA. La COSIA investit énormément dans les activités de remise en état des terres et de l’eau. Je n’ai pas les chiffres à portée de main, mais je sais que beaucoup plus d’un kilomètre carré a été remis en état.

Le but ultime dans ces projets est que, après la remise en état, les conditions soient autant que possible similaires à ce qu’elles étaient avant. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Premières Nations. Des contrats représentant environ 5 milliards de dollars ont été attribués à des collectivités des Premières Nations, par l’intermédiaire de nos six sociétés. Il y a des entreprises qui sont des partenaires actifs dans certains de nos projets. Il y a, par exemple, le nouvel accord relatif au pipeline d’Enbridge, qui a été annoncé, et l’accord sur le parc de stockage avec Suncor.

Il y a des partenariats actifs avec presque toutes les Premières Nations de la région. Évidemment, les Premières Nations se préoccupent énormément de l’eau et de la faune, mais nous sommes activement engagés et nous dépensons des centaines de millions de dollars pour cela.

La sénatrice McCallum : Avez-vous un rapport que vous pourriez nous envoyer qui indique quelle proportion de terres ont été remises en état?

M. Cameron : Oui, bien sûr. Je peux vous envoyer un rapport.

La sénatrice McCallum : Cela serait utile.

Monsieur Billedeau, avez-vous un commentaire à faire?

M. Billedeau : Je n’ai pas de commentaire à faire sur ce chiffre de 7 % que vous avez mentionné. Je m’engage à examiner cela en détail, mais j’en profite pour souligner que le développement durable veut évidemment dire de répondre aux besoins des générations actuelles et futures. Dans l’ensemble, l’industrie pétrolière et gazière du Canada a aligné ses activités sur cette perspective. Pour la chambre, à mesure que l’industrie évolue et se décarbonise, il y aura toujours des possibilités de mobilisation et de partenariat avec les peuples autochtones.

Il y a divers exemples — et mon collègue vient tout juste d’en mentionner quelques-uns —, et je vais faire de même en soulignant le travail de Cenovus, qui s’est engagée à dépenser au moins 1,2 milliard de dollars avec des entreprises autochtones au cours des cinq prochaines années.

D’un côté, il y a le développement durable d’un point de vue environnemental, et je pense que l’industrie a un bon bilan de ce côté-là, mais d’un autre côté, il y a aussi le développement durable du point de vue économique, et je pense que l’industrie a aussi un excellent rendement à cet égard. Merci.

La sénatrice Anderson : Merci aux témoins. Ma question s’adresse à M. Billedeau. Si je ne me trompe pas, les Territoires du Nord-Ouest ont 23 des minéraux critiques qui sont considérés comme importants par le gouvernement fédéral. Dans quelle mesure ces minéraux critiques sont-ils importants pour atteindre la carboneutralité, et existe-t-il des obstacles réglementaires à l’accès?

M. Billedeau : C’est une excellente question. Les minéraux critiques sont essentiels si nous voulons atteindre la carboneutralité. Nous en avons besoin pour décarboniser notre secteur des transports et faire progresser nos sources d’énergie renouvelables. Ce sont des intrants essentiels pour l’avenir énergétique et à faibles émissions carboniques du Canada.

Pour ce qui est des obstacles réglementaires, la chambre travaille avec un grand nombre de ses membres à son initiative, le conseil des minéraux critiques, afin de cerner les obstacles à la croissance et au développement dans ce secteur. Évidemment, l’un des principaux obstacles à la croissance dans ce domaine tient au fait que la plupart des gisements de minéraux se trouvent dans des régions nordiques et éloignées de notre pays, ce qui fait que nous devons relever des défis majeurs relativement à l’infrastructure du réseau, pour alimenter l’exploitation et les mines de façon durable. Cela suppose énormément de collaboration entre les acteurs du secteur privé et du secteur public.

Il existe un éventail d’autres défis, et la chambre y travaille avec ses membres. Nous attendons également avec impatience la prochaine stratégie sur les minéraux critiques du gouvernement du Canada, qui, espérons-le, tracera la voie à suivre pour l’exploitation des ressources naturelles.

La sénatrice Anderson : Je vais passer à un autre sujet, pour donner suite à la question de la sénatrice McCallum. Quand vous parlez de développement durable et des responsabilités du secteur pétrolier et gazier à l’égard de l’extraction responsable et de la remise en état des terres, savez-vous s’il existe une politique concernant les exploitations antérieures et l’ensemble des infrastructures abandonnées?

M. Cameron : Je ne peux pas faire de commentaires sur les puits orphelins, parce que cela concerne davantage le secteur conventionnel du pétrole et du gaz, mais, pour ce qui est de la remise en état des mines et des bassins à résidus, nous avons une responsabilité par rapport aux exploitations antérieures. Nous mettons des fonds de côté pour la remise en état. Nous travaillons avec le gouvernement fédéral à des politiques sur le retour d’eau.

Nous sommes pleinement conscients du fait que l’ensemble des activités d’exploitation des sables bitumineux au cours des 40 dernières années relève, au bout du compte, des entreprises qui exploitaient ces infrastructures ou qui en ont pris possession lors de fusions et d’acquisitions, comme l’ont fait la plupart de nos membres. Nous reconnaissons tout à fait que nous avons des responsabilités par rapport à ce qui a été fait avant.

M. Billedeau : Je ne peux pas faire de commentaires détaillés là-dessus présentement, mais je peux m’engager avec quelques-uns des membres de la chambre, après notre discussion d’aujourd’hui, à faire un suivi et à examiner plus exhaustivement cet enjeu pour le comité.

La sénatrice Anderson : Quyanainni. Merci beaucoup.

La sénatrice Miville-Dechêne : J’ai une question sur la technologie de captage du carbone. Cela donne suite à ma question de tout à l’heure. Y a-t-il des investissements importants du secteur privé dans la technologie de captage du carbone, ou est-ce que la majeure partie du financement provient des gouvernements?

M. Cameron : La majeure partie du financement provient de nos entreprises et du gouvernement. Une partie du financement vient d’intérêts privés, mais pour l’instant, ces projets ne sont pas des projets qui vont générer le genre de rendements qui attireraient les investisseurs privés.

Aux États-Unis, où il y a de généreux crédits d’impôt, je sais que les entreprises du secteur privé investissent dans ces projets parce qu’elles y voient une façon de rentabiliser commercialement leurs investissements. Présentement, ces projets ne sont pas rentables pour nous. Nous faisons de l’argent grâce à l’exploitation pétrolière et gazière, mais ces projets ne sont pas économiques en soi. C’est le genre d’occasion d’investissement que recherchent les capitaux privés, le genre de projet qui leur permet de rentabiliser leur investissement.

La sénatrice Miville-Dechêne : En même temps, il y a d’importants investisseurs étrangers qui abandonnent le secteur pétrolier et gazier du Canada. Qu’est-ce que cela veut dire pour la viabilité commerciale de l’industrie?

M. Cameron : Certains investisseurs et certaines entreprises étrangères se sont retirés, tandis que d’autres sont arrivés. Le pétrole, le gaz et les sables bitumineux sont toujours des investissements très attirants. Au cours des deux ou trois dernières années, le cours de l’action et les investissements ont été très positifs pour notre entreprise. Évidemment, personne ne sait quelle sera l’ampleur du marché pétrolier dans l’avenir, et les investisseurs de partout dans le monde ont différentes hypothèses, mais nous avons beaucoup d’investissements internationaux dans le secteur pétrolier et gazier et des sables bitumineux du Canada.

Mais vous avez demandé des détails sur les investissements dans les projets de CUSC...

La sénatrice Miville-Dechêne : De quoi auriez-vous besoin, en tant qu’entreprise privée, pour investir dans les technologies de captage du carbone?

M. Cameron : S’il y avait quoi que ce soit d’équivalent à ce qu’il y a aux États-Unis, avec le crédit d’impôt 45Q, où les gens savent exactement quel est le rendement futur en dollars par tonne captée, cela attirerait probablement davantage de capitaux privés.

La sénatrice Miville-Dechêne : Notre témoin de la Chambre de commerce du Canada a-t-il quelque chose à ajouter?

M. Billedeau : Pour revenir à votre question initiale sur les industries de CUSC, M. Cameron a raison de dire que l’industrie et le gouvernement sont devenus des investisseurs, mais il faut aussi souligner que, que ce soit le CUSC ou l’hydrogène, nous commençons à voir émerger des intervenants du secteur privé au Canada. Je tiens à souligner qu’il y a une occasion de leadership à saisir pour le secteur privé du Canada dans le domaine du CUSC.

M. Cameron : Il y a beaucoup d’investissements privés dans les technologies de CUSC pour mettre au point les prochaines générations de cette technologie. Les lacunes sont plutôt du côté des investissements dans les projets.

La sénatrice Batters : Ma question s’adresse à M. Billedeau. En septembre, la Chambre de commerce du Canada a publié une réponse au document de travail d’Environnement et Changement climatique Canada concernant le plafonnement et la réduction des gaz à effet de serre dans le secteur pétrolier et gazier. Voici ce qu’elle a indiqué dans la réponse : « La Chambre de commerce du Canada s’oppose à l’orientation envisagée pour réduire les émissions du secteur pétrolier et gazier. » Puisque vous êtes déterminés à atteindre la carboneutralité, pouvez-vous expliquer davantage votre position?

M. Billedeau : Il s’agit d’une réponse générale de la chambre à la proposition d’Environnement et Changement climatique Canada, et elle s’appuie sur deux points principaux.

Premièrement, la Chambre de commerce du Canada estime que l’établissement de règlements secteur par secteur risque d’entraîner une prolifération d’outils politiques incohérents qui, à terme, créeront de l’incertitude réglementaire. Nous croyons plutôt que les efforts devraient être axés sur la promotion d’outils politiques généraux qui soutiennent la décarbonisation à l’échelle nationale. Cela permettrait, de fait, à chaque secteur de l’économie d’élaborer et de déployer ses propres stratégies de carboneutralité.

La réponse à la proposition d’Environnement et Changement climatique Canada est aussi fondée, deuxièmement, sur le principe que le Canada a déjà établi un cadre réglementaire pour la transition vers la carboneutralité, et la chambre estime que nous devons lui laisser le temps de donner des résultats, au lieu de constamment revoir les objectifs et les dispositions réglementaires connexes.

Les mesures politiques actuelles, comme la taxe fédérale sur le carbone, ont été conçues pour accélérer la décarbonisation au fil du temps. Puisque la taxe sur le carbone, par exemple, va passer à 170 $ par tonne d’équivalent CO2 au cours des prochaines années, nous avons encouragé, dans notre réponse au document de travail sur les émissions du secteur pétrolier et gazier, le gouvernement à laisser le temps aux mécanismes de faciliter la décarbonisation du secteur privé.

L’essentiel à retenir, ici, c’est que la chambre se demande si, en modifiant continuellement la réglementation et en créant des règlements et des politiques en vase clos, on ne décourage pas les investissements dans les activités canadiennes, que ce soit dans le développement de l’énergie propre ou autre chose. Voilà notre principale conclusion en réponse à l’orientation proposée par Environnement et Changement climatique Canada.

La sénatrice Batters : C’est très intéressant.

Le sénateur Klyne : Ma question est pour M. Cameron, mais si M. Billedeau veut faire un lien, vous pourrez certainement intervenir.

Je voulais vous poser une question sur le Centre de recherche en technologie pétrolière de l’Université de Regina, situé à Innovation Place. Au départ, j’allais vous poser une question sur le captage et le stockage du carbone et sur Aquistore, mais avez-vous parlé de HORNET dans votre déclaration préliminaire? HORNET est un projet de démonstration du développement durable, alors je me disais que vous avez peut-être travaillé là-dessus. Il fait de la recherche sur le pétrole lourd, pour améliorer l’efficacité de l’extraction du pétrole lourd et en réduire les émissions.

M. Cameron : Je serais heureux d’y jeter un œil, mais je n’en ai pas entendu parler.

Le sénateur Klyne : Monsieur Billedeau, vos membres ont-ils un lien quelconque avec le Centre de recherche en technologie pétrolière?

M. Billedeau : Moi aussi, je vais devoir vous répondre après avoir consulté nos membres pour pouvoir vous donner une réponse plus complète.

Le sénateur Klyne : Ils seront probablement contents que vous les appeliez. Merci.

La sénatrice McCallum : Je voulais reparler d’assainissement. Cette fois, discutons des bassins de résidus. Malgré la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999, ils ont augmenté de 300 %. Existe-t-il une technologie pour éliminer les toxines dans ces bassins de résidus et pour prendre des mesures d’assainissement? Dans le cas contraire, qu’est-ce qui empêche ces technologies d’émerger?

Il a été question de rejeter l’eau dans la rivière Athabasca, laquelle se déverse dans l’océan Arctique.

Selon vous, les bassins sont-ils de plus en plus grands?

M. Cameron : C’est une excellente question. On est en train de mettre au point de nombreuses technologies pour réduire les toxines dans les bassins de résidus.

La question qui nous pose problème est celle-ci : dans quelles conditions pouvons-nous rejeter l’eau? Cet été, le ministre a dit qu’il voulait que l’eau soit potable, mais l’eau de la rivière n’est pas potable. Les poissons ne vivent pas dans l’eau potable. Il faut établir un équilibre des minéraux et des sédiments qui est acceptable, sur le plan environnemental, et qui reflète la composition de l’eau naturelle.

Nous travaillons avec les gouvernements pour élaborer des politiques adéquates afin de veiller à réduire la quantité de tous les produits chimiques, métaux et minéraux lourds présents dans l’eau, et pour que l’eau soit d’une qualité suffisante pour être rejetée dans la rivière.

C’est essentiellement sur quoi nous travaillons. Nous avons dépensé des dizaines ou des centaines de millions de dollars sur diverses formes de technologies pour réduire les quantités de minéraux et de produits chimiques présents dans l’eau.

La sénatrice McCallum : Croyez-vous que cela va continuer à augmenter?

M. Cameron : Si nous pouvons élaborer une politique sur le rejet de l’eau, nous pourrons commencer à réduire la taille des bassins. Pour l’instant, nous ne pouvons pas rejeter l’eau. Beaucoup d’autres industries dans le secteur minier peuvent rejeter l’eau, mais pas nous. Nous devons conclure un accord pour que cela se fasse.

La sénatrice McCallum : Nous allons devoir examiner les autres résidus provenant des mines pour savoir pourquoi les mines peuvent rejeter leur eau et pas vous. Cela vous préoccupe-t-il?

M. Cameron : Bien sûr, mais nous travaillons activement là-dessus.

[Français]

La vice-présidente : Je tiens à remercier l’ensemble des témoins et mes collègues les sénateurs qui étaient présents ici ce matin. Je déclare la séance ajournée.

(La séance est levée.)

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