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NFFN - Comité permanent

Finances nationales


LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES FINANCES NATIONALES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 5 juin 2024

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd’hui, à 18 h 49 (HE), avec vidéoconférence, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

Le sénateur Claude Carignan (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je voudrais demander à tous les sénateurs et aux autres participants qui sont ici en personne de consulter les cartes qui sont sur la table pour connaître les lignes directrices visant à prévenir les incidents liés au retour de son.

Veuillez prendre note des mesures préventives suivantes, qui ont été mises en place pour protéger la santé et la sécurité de tous les participants, y compris les interprètes.

Dans la mesure du possible, veillez à vous asseoir de manière à augmenter la distance entre les microphones. N’utilisez qu’une oreillette noire homologuée. Les anciennes oreillettes grises ne doivent plus être utilisées. Tenez votre oreillette éloignée de tous les microphones à tout moment. Lorsque vous n’utilisez pas votre oreillette, placez-la, face vers le bas, sur l’autocollant placé sur la table à cet effet.

Merci à tous de votre coopération.

Bienvenue à tous les sénateurs et sénatrices et à tous les Canadiens qui nous regardent sur sencanada.ca

Je m’appelle Claude Carignan, sénateur du Québec et président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je vais maintenant demander à mes collègues de se présenter, en commençant par ma droite.

Le sénateur Smith : Larry Smith, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, Terre-Neuve et Labrador.

La sénatrice Ross : Krista Ross, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice MacAdam : Jane MacAdam, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Kingston : Joan Kingston, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate, et je vis ici sur le territoire non cédé et non abandonné du peuple Algonquin Anishinaabeg.

Le sénateur Loffreda : Bienvenue. Je m’appelle Tony Loffreda, et je viens de Montréal, au Québec.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Pierre Dalphond, division sénatoriale De Lorimier, au Québec.

La sénatrice Oudar : Manuelle Oudar, du Québec. Bienvenue.

Le sénateur Gignac : Clément Gignac, division sénatoriale de Kennebec, au Québec.

Le sénateur Forest : Éric Forest, division sénatoriale du Golfe, au Québec. Bonsoir.

Le président : Merci, chers collègues.

Aujourd’hui, nous continuons notre étude sur la teneur complète du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024, qui a été renvoyé à ce comité par le Sénat du Canada, le 9 mai 2024.

Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui plusieurs hauts fonctionnaires de sept différents ministères.

Bienvenue à tous et merci d’avoir accepté notre invitation à témoigner devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je comprends qu’un ou deux fonctionnaires de chaque ministère feront des déclarations et que les autres aideront à répondre aux questions.

Donc, pour gagner du temps, je vais vous demander de vous présenter avant de faire votre allocution et de vous présenter lorsque vous répondrez à des questions.

Nous allons commencer par Emploi et Développement social Canada. Nous avons aussi des représentants de Santé Canada, Justice Canada, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada, Service correctionnel Canada et Patrimoine canadien.

Bienvenue à tous; je vous cède la parole.

Christina Norris, directrice générale, Programme canadien pour l’épargne-études, Emploi et Développement social Canada : Merci beaucoup de votre invitation à comparaître devant vous ce soir. Je m’appelle Christina Norris. Je suis directrice générale du Programme canadien pour l’épargne-études à Emploi et Développement social Canada.

[Traduction]

Je présenterai une vue d’ensemble de six sections de la partie 4 de la Loi d’exécution du budget, à savoir les sections 3, 4, 5, 14, 23 et 43.

La section 3 de la partie 4 du projet de loi permettrait à la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social de conclure des accords bilatéraux avec les provinces et les territoires afin de transférer des fonds à ces partenaires aux fins du programme national d’alimentation scolaire, et ce dès l’année scolaire 2024-2025.

Le gouvernement s’est engagé à consacrer un milliard de dollars sur cinq ans à la création de ce programme, qui permettra à 400 000 enfants supplémentaires d’avoir accès aux repas scolaires et contribuera ainsi à réduire l’insécurité alimentaire.

La section 4 de la partie 4 du projet de loi modifierait la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants afin d’ajouter de façon permanente une liste de titres de professions admissibles à l’exonération des prêts étudiants et de donner au gouverneur en conseil le pouvoir d’établir des règlements pour définir les titres en question, à savoir : éducateur de la petite enfance, dentiste, hygiéniste dentaire, pharmacien, sage-femme, personnel enseignant, travailleur social, préposé aux services de soutien à la personne, physiothérapeute et psychologue. Cette mesure s’appuierait sur l’exonération de prêts actuelle offerte aux médecins de famille et au personnel infirmier pour remédier aux pénuries de soins de santé dans les collectivités rurales et éloignées.

La section 5 de la partie 4 modifierait la Loi canadienne sur l’épargne-études afin d’introduire l’inscription automatique au Bon d’études canadien et de prolonger la limite d’âge pour demander cette prestation. Cette section confère également au gouverneur en conseil le pouvoir d’établir des règlements pour l’administration de ces mesures.

Le Bon d’études canadien permet de verser jusqu’à 2 000 $ dans le compte d’un régime enregistré d’épargne-études d’enfants ayant grandi dans un ménage à faible revenu. L’inscription automatique constitue une solution à long terme à la faible participation au Bon d’études canadien. Cette mesure bénéficierait aux enfants nés en 2024 ou après, et les premiers comptes seraient automatiquement ouverts en 2028.

La section 14 de la partie 4 du projet de loi modifierait le Régime de pensions du Canada, conformément à l’entente de principe conclue par les ministres des Finances du Canada dans le cadre de l’examen triennal 2022-2024 du Régime de pensions du Canada. On prévoit six mesures. Premièrement, un supplément de 2 500 $ à la prestation de décès sera versé dans les cas où aucune autre prestation du RPC à l’exception de la prestation d’orphelin n’a été versée à l’égard des cotisations du cotisant décédé. Deuxièmement, une nouvelle allocation pour enfant à charge âgé de 18 à 24 ans sera versée à ceux qui fréquentent l’école à temps partiel. Troisièmement, l’admissibilité à la prestation d’enfant de cotisant invalide sera maintenue dans les cas où un cotisant invalide atteint l’âge de 65 ans. Quatrièmement, les dispositions du RPC relatives à l’incapacité seront prolongées afin de protéger la date de la demande de prestation d’enfant d’un cotisant invalide. Cinquièmement, le droit à la pension de survivant sera exclu dans les cas où une personne a reçu un partage des crédits à l’égard de son conjoint séparé décédé. Sixièmement, et enfin, la détermination du bénéficiaire de la prestation du cotisant invalide sera clarifiée, en utilisant une terminologie qui reflète celle de la Loi sur le divorce.

La section 23 de la partie 4 du projet de loi modifierait la Loi sur l’assurance-emploi afin de prolonger jusqu’au 24 octobre 2026 la date de fin des mesures législatives temporaires actuelles de l’assurance-emploi qui prévoient des semaines supplémentaires de prestations régulières d’assurance-emploi pour les travailleurs saisonniers dans certaines régions économiques bénéficiant du programme. Cette prolongation permettrait aux travailleurs de bénéficier d’un maximum de cinq semaines supplémentaires de prestations régulières d’assurance-emploi — jusqu’à concurrence de 45 semaines — pendant leur saison morte.

La section 43 de la partie 4 du projet de loi modifierait la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social pour conférer au Tribunal de la sécurité sociale du Canada le pouvoir d’entendre les appels liés à des décisions prises en vertu de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées. La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social serait également modifiée afin d’ordonner au Tribunal sur la sécurité sociale de renvoyer les appels liés au revenu interjetés au titre de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées à la Cour canadienne de l’impôt. Cette section modifierait également la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt pour conférer à la Cour canadienne de l’impôt le pouvoir d’entendre les appels liés au revenu et veiller à ce que les demandes de contrôle judiciaire des décisions du Tribunal de la sécurité sociale qui portent sur les prolongations du délai relatif aux demandes de réexamen soient confiées à la Cour fédérale plutôt qu’à la Cour d’appel fédérale.

Je cède maintenant la parole à mon collègue qui parlera du Code canadien du travail et d’autres mesures connexes.

Douglas Wolfe, directeur général, Élaboration des politiques et réforme législative, Programme du travail, Emploi et Développement social Canada : Bonsoir. Je parlerai ce soir de modifications apportées à deux sections. Je commencerai par la disposition relative aux travailleurs à la demande.

La section 21 de la partie 4 du projet de loi modifie le Code canadien du travail afin d’améliorer les mesures de protection des emplois des travailleurs à la demande, tel que promis dans la lettre de mandat du ministre du Travail de 2021 et dans le budget de 2023.

De nombreux travailleurs à la demande, y compris ceux qui travaillent sur des plateformes numériques dans le secteur privé sous réglementation fédérale, devraient être considérés comme des employés alors qu’ils sont classés à tort comme des entrepreneurs indépendants, ce qui les prive de leurs droits en matière de travail. Des modifications au code renforceraient les dispositions existantes relatives à la classification erronée. Elles introduiraient une présomption du statut d’employé. Les travailleurs seraient présumés être des employés faute de preuve du contraire. Quant aux véritables entrepreneurs indépendants, ils pourraient faire valoir leur statut d’indépendant.

Le gouvernement ajouterait également des interdictions de classification erronée existantes à d’autres parties du Code canadien du travail, et des modifications seraient apportées pour renforcer l’interdiction actuelle de classification erronée dans la partie III du code en supprimant l’exigence selon laquelle le Programme du travail doit prouver qu’un employeur avait l’intention de mal classer un travailleur. Ces modifications feraient en sorte d’interdire toute classification erronée en toutes circonstances.

La section 22 de la partie 4 modifierait le Code canadien du travail afin d’exiger que les employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale publient une politique comprenant les attentes de l’employeur en matière de communication liée au travail en dehors des heures de travail prévues et toute possibilité pour les employés de se déconnecter. Cette politique rejoint l’engagement énoncé dans la lettre de mandat du ministre du Travail de 2021.

Il est prouvé que la déconnexion du travail est essentielle au bien-être et à la productivité. Les politiques sur le droit à la déconnexion peuvent réduire l’attente informelle selon laquelle les employés doivent rester constamment connectés, tout en maintenant la flexibilité dont les employeurs ont besoin pour maintenir l’économie en mouvement.

Les modifications proposées exigeraient également que les employeurs examinent et mettent à jour la politique tous les trois ans, consultent les employés ou les syndicats lors de l’élaboration ou de la mise à jour de la politique, et tiennent des registres de la politique et des consultations.

Cette section apporterait d’autres modifications ciblées au code, y compris deux modifications techniques visant à corriger des erreurs dans la partie II du Code canadien du travail, ainsi que des modifications visant à garantir que tous les employés licenciés par leur employeur ont droit à une indemnité de licenciement ou de départ s’ils remplissent les conditions d’admissibilité existantes. Merci beaucoup.

Celia Lourenco, sous-ministre adjointe déléguée, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada : Bonsoir. Je suis accompagnée par David Lee, dirigeant principal de la réglementation, Direction générale des produits de santé et des aliments.

[Français]

Nous sommes ici pour vous parler de l’article 31, qui propose un certain nombre de modifications à la Loi sur les aliments et drogues.

Santé Canada est le régulateur fédéral chargé d’assurer la sécurité, l’efficacité et la qualité des produits thérapeutiques tels que les médicaments et les instruments médicaux, ainsi que les aliments.

Bien que la réglementation canadienne régissant la vente de ces produits fonctionne bien dans la plupart des cas, il peut arriver qu’il soit nécessaire d’adapter notre approche réglementaire afin de garantir que les Canadiens aient accès aux produits dont ils ont besoin.

[Traduction]

La loi d’exécution du budget propose trois modifications clés qui donneront au ministre de la Santé de nouveaux pouvoirs pour faire ce qui suit : mettre en place des dérogations ciblées à des exigences réglementaires spécifiques de produits thérapeutiques ou d’aliments, en ajoutant des conditions, le cas échéant, pour garantir le respect des normes de santé et de sécurité, s’appuyer sur des informations ou des décisions d’autorités réglementaires sélectionnées pour répondre aux exigences réglementaires spécifiques et mettre en place des règles supplémentaires pour certains produits thérapeutiques pour assurer une protection contre des risques pour la santé et les effets néfastes tout en maintenant l’accès à ces produits pour ceux qui en ont besoin.

La loi d’exécution du budget propose également trois autres modifications plus techniques : étendre les pouvoirs réglementaires existants en matière de pénuries aux aliments consommés à des fins diététiques spéciales, rationaliser le processus de mise à jour des documents relatifs aux normes de rendement incorporés par référence et traiter les incohérences entre les définitions anglaise et française du terme « drogue ».

Les nouvelles autorités amélioreront la flexibilité et l’adaptabilité de la réglementation tout en maintenant les normes scientifiques rigoureuses de Santé Canada pour les produits thérapeutiques et les aliments. Cela changera réellement la donne pour les Canadiens et leur famille à divers égards.

Par exemple, la législation nous permettrait de réagir plus efficacement en cas de pénurie de produits importants tels que les préparations pour nourrissons. Elle nous permettrait également de prendre des mesures pour protéger les Canadiens contre les dommages potentiels liés à l’utilisation non prévue de produits thérapeutiques, par exemple en veillant à ce que les produits de remplacement de la nicotine ne tombent pas entre les mains d’adolescents.

Je tiens à assurer les sénateurs que ce projet de loi n’a pas pour but d’interdire, de bloquer ou de réduire la disponibilité des produits dont les Canadiens dépendent, de contourner les processus d’approbation scientifique rigoureux de Santé Canada ou de réglementer de quelque manière que ce soit la capacité des professionnels de la santé à suggérer à leurs patients les traitements qu’ils estiment être les meilleurs pour eux.

[Français]

Ce projet de loi garantit simplement que Santé Canada dispose des outils réglementaires nécessaires pour faciliter l’accès à des produits de santé et à des aliments sécuritaires, efficaces et de haute qualité.

Monsieur le président, je vais passer la parole à ma collègue Aysha Mawani, qui donnera un aperçu des amendements aux articles 32 et 44. Merci.

Le président : Merci.

Aysha Mawani, directrice générale, Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses, Santé Canada : Bonsoir.

Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui.

[Traduction]

De la Direction générale des substances contrôlées et du cannabis à Santé Canada, je suis accompagnée de Sonia Johnson, directrice générale de la Direction de la lutte contre le tabagisme et de Jennifer Pelley, directrice de la Direction des substances contrôlées et de la réponse aux surdoses.

Je suis ici pour vous parler de la section 44 de la partie 4 du projet de loi, qui propose un certain nombre de modifications à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et de la section 32 de la partie 4 du projet de loi, qui propose un certain nombre de modifications à la Loi sur le tabac et les produits de vapotage.

Je vais commencer par les modifications proposées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Les services de consommation supervisée et de vérification des drogues sont d’importants éléments fondés sur des données probantes de la réponse globale du Canada en matière de santé publique aux méfaits liés à la consommation de substances et à la crise des surdoses.

Les données communiquées à Santé Canada indiquent qu’entre janvier 2017 et octobre 2023, les sites de consommation supervisée au Canada ont reçu plus de 4,4 millions de visites, pris en charge plus de 53 000 surdoses non mortelles, et ont effectué plus de 424 000 orientations vers des services sociaux et de santé.

Actuellement, les sites de consommation supervisée fonctionnent légalement conformément à une exemption ministérielle accordée en vertu de l’article 56.1 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les demandes au titre de l’article 56.1 sont examinées au cas par cas.

Les modifications proposées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances permettraient d’atteindre trois objectifs clés :

Premièrement, les pouvoirs réglementaires actuels seraient modifiés pour permettre l’élaboration d’un nouveau régime réglementaire proposé avec des exigences réglementaires claires et prévisibles afin de fournir plus de stabilité et de transparence aux exploitants de services, tout en maintenant des contrôles stricts qui sont compatibles avec les objectifs de santé publique et de sécurité publique de la LRCDAS.

Deuxièmement, l’article 56.1 de la LRCDAS et les dispositions connexes seraient abrogés à une date fixée par décret du gouverneur en conseil. Cela permettra à Santé Canada de continuer à accorder des exemptions au titre de l’article 56.1 aux exploitants de services jusqu’à ce que le nouveau régime réglementaire ait été élaboré.

Troisièmement, des dispositions transitoires garantiront que, même après l’abrogation de l’article 56.1 de la LRCDAS, tous les sites existants pourront continuer à fonctionner jusqu’à l’expiration de leurs exemptions. À ce moment-là, les exploitants demanderaient une autorisation dans le cadre du nouveau régime réglementaire.

Si les modifications législatives sont adoptées, Santé Canada mènera des consultations avec les partenaires provinciaux, territoriaux, communautaires et autochtones, les exploitants de services, les personnes avec une expérience vécue et vivante, les organismes d’application de la loi, et d’autres parties intéressées, afin de s’assurer que tous les points de vue sont pris en compte dans l’élaboration du nouveau régime réglementaire.

[Français]

Je vais maintenant parler des modifications proposées à la Loi sur le tabac et les produits de vapotage.

[Traduction]

Ces modifications soutiendraient les cadres proposés pour le recouvrement des coûts liés au tabac et au vapotage dans la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023. La mise en œuvre de ces cadres de recouvrement des coûts contribuerait à minimiser le fardeau financier imposé aux contribuables par le financement des activités fédérales liées au tabac et au vapotage.

Les modifications proposées dans le cadre de ce projet de loi amélioreraient l’échange d’informations relatives aux produits du tabac et de vapotage au sein du gouvernement fédéral.

Ces modifications appuieraient l’exécution et le contrôle de l’application de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage. Plus précisément, si les dispositions de recouvrement des coûts proposées dans la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne sont adoptées, nous serions en mesure de vérifier les renseignements reçus des fabricants de produits du tabac et de vapotage. Ces renseignements seraient utilisés pour calculer les frais à payer.

Les modifications autoriseraient l’Agence des services frontaliers du Canada à fournir à Santé Canada certains renseignements douaniers recueillis en vertu de la Loi sur les douanes et permettraient à Santé Canada de communiquer des renseignements recueillis en vertu de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage à d’autres ministères et agences fédéraux. Cela permettrait de vérifier la conformité à toute loi fédérale, telles que la Loi sur les douanes et la Loi sur l’accise.

La Loi d’exécution du budget propose également une modification technique concernant les documents — tel que les formulaires — élaborés par Santé Canada en relation avec les futurs règlements liés au recouvrement des coûts.

Si la disposition prévue dans la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne est adoptée, elle offrira une souplesse et une meilleure efficacité lors de la mise en œuvre du régime de recouvrement des coûts proposé.

[Français]

Le président : Merci.

Me Marie-Josée Poirier, conseillère juridique, Section des affaires judiciaires, ministère de la Justice Canada : Bonsoir. Je m’appelle Marie-Josée Poirier et je suis accompagnée de ma collègue Anna Dekker. Nous sommes avocates à la Section des affaires judiciaires municipales au ministère de la Justice Canada. Nous sommes ici pour vous parler et répondre à vos questions en lien avec la partie 4, à la section 29 du projet de loi. Cette section contient l’article 320, qui modifie deux alinéas de la Loi sur les juges pour réaffecter 17 salaires de juges initialement autorisés dans le budget de 2018 à l’article portant sur les tribunaux unifiés de la famille, donc le paragraphe 24(4) de la Loi sur les juges, et pour les réaffecter à l’article sur les tribunaux de première instance, soit l’alinéa 24(3)b). Cela permettrait au ministre de la Justice de réaffecter les ressources judiciaires à toute cour supérieure de première instance au Canada d’une manière qui répond aux demandes de ressources judiciaires et aux besoins démontrés. Les juges nommés en vertu de l’alinéa 24(3)b) peuvent entendre une variété d’affaires, y compris des affaires criminelles, civiles et de droit de la famille.

Je vais maintenant céder la parole à mon collègue, qui va vous parler d’une autre mesure du ministère de la Justice.

Me Daniel Bourgeois, avocat général principal, Portefeuille des services du droit fiscal, ministère de la Justice Canada : Je vais vous parler de l’article 321 de la section 30 du projet de loi, qui modifie l’article 17.1 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, une disposition qui traite de la façon dont une partie à une instance régie par la procédure générale de la Cour canadienne de l’impôt peut être représentée devant la cour. La modification prévoit que la Cour canadienne de l’impôt peut, dans des circonstances spéciales, permettre à une partie qui n’est pas une personne physique de se faire représenter devant la cour par une personne qui n’est pas autorisée à exercer la profession d’avocat, pourvu qu’elle soit membre de son organisation, soit un administrateur, un dirigeant, un employé, etc.

Cette modification a été rendue nécessaire pour faire suite à une décision de la Cour d’appel fédérale, qui avait conclu que la disposition actuelle permettant à une partie de comparaître en personne devant la cour ne s’appliquait qu’à une personne physique, et non à une personne morale ou à une société. Dès lors, la cour n’avait pas le pouvoir, dans aucune circonstance, de permettre à une société de se faire représenter par un de ces employés, par exemple, lorsqu’elle n’avait pas la capacité financière de se payer une représentation juridique.

Ainsi, cette modification corrige l’effet de cette décision en prévoyant spécifiquement que la Cour canadienne de l’impôt a ce pouvoir, et elle permet d’harmoniser les pouvoirs de celle-ci avec les autres cours fédérales.

Jason Hollmann, directeur général, Direction générale des politiques d’asile, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Bonjour. Je suis Jason Hollmann, directeur général, Direction générale des politiques d’asile. Je voudrais remercier le comité de nous avoir invités à participer à son étude du projet de loi d’exécution du budget. Nous sommes heureux d’avoir l’occasion de présenter certaines des modifications législatives importantes qui ont été proposées et qui contribueront à favoriser un système d’octroi de l’asile efficace, efficient et équitable, en conformité avec l’engagement international du Canada vis-à-vis de la protection des réfugiés.

[Traduction]

Le système d’octroi de l’asile au Canada reflète nos obligations internationales en vertu de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et du Protocole de 1967, qui décrivent la protection juridique et les droits des réfugiés.

Malgré l’augmentation considérable des déplacements forcés dans le monde, le Canada reste déterminé à maintenir un système de protection des réfugiés équitable et compatissant, et à aider les personnes qui ont besoin de protection. Le Canada respecte ses engagements en matière de protection des personnes risquant d’être persécutées par l’entremise de deux programmes principaux. Premièrement, le programme de réinstallation des réfugiés offre une protection aux personnes se trouvant à l’extérieur du Canada. Dans le cadre de ce programme, les réfugiés sont identifiés principalement par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ou par des parrains privés au Canada, et sont sélectionnés pour être réinstallés et sont examinés à l’étranger, et obtiennent le statut de résident permanent à leur arrivée au Canada.

Le second programme, qui fait l’objet des modifications législatives proposées aujourd’hui, est le système d’octroi de l’asile au Canada. Le système d’octroi de l’asile au Canada vise à offrir l’asile aux personnes qui se trouvent déjà au Canada et qui craignent avec raison d’être persécutées ou d’être menacées de torture ou de peines cruelles dans leur pays d’origine. Dans le cadre du système d’octroi de l’asile au Canada, les personnes qui arrivent à un point d’entrée canadien ou qui se trouvent déjà au Canada peuvent demander l’asile.

Les demandes recevables sont ensuite transmises à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, un tribunal administratif indépendant chargé de rendre une décision. Le gouvernement fédéral fournit également aux demandeurs d’asile des permis de travail afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins pendant que leur demande est en cours d’examen, ainsi qu’un accès à une couverture médicale fédérale provisoire et un financement pour des logements provisoires.

Depuis quelques années, le système d’octroi de l’asile au Canada est sous pression en raison d’une hausse marquée du nombre de demandes d’asile, ce qui a mené à de longs délais de traitement et à l’accumulation d’arriérés, et a entraîné une incertitude prolongée chez les demandeurs. Bien qu’un certain nombre de mesures aient été mises en place pour faire face à la hausse récente des demandes d’asile, notamment le Protocole additionnel à l’Entente sur les tiers pays sûrs au printemps dernier et la modification de la politique des visas concernant le Mexique en février dernier, nous continuons à constater une augmentation des demandes d’asile. Cela signifie que des milliers de demandeurs font face à de longs délais d’attente à différents stades du processus.

Les modifications législatives proposées visent à relever les défis associés au système d’octroi de l’asile au Canada, en introduisant des gains d’efficacité à l’échelle du système et des mesures d’amélioration du service à la clientèle. Ces modifications législatives visent à éliminer des goulots d’étranglement à travers le système en simplifiant et en épurant le processus de demande afin de renforcer l’intégrité du programme et d’accélérer le traitement des demandes d’asile. Les changements introduits rendront le système plus rapide, plus efficace, et plus simple pour les personnes ayant besoin de protection. Ils contribueront à rendre le processus plus clair pour les demandeurs et à faire en sorte qu’ils n’aient à fournir leurs renseignements qu’une seule fois.

Dans le système actuel, les demandeurs d’asile doivent remplir plusieurs documents dans le cadre de leur demande. De plus, les documents diffèrent selon que la demande a été présentée à un point d’entrée officiel ou à un bureau intérieur.

Les changements proposés exigeront la soumission des demandes en ligne afin de simplifier le processus de réception des demandes, tout en conservant le formulaire papier dans des circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du demandeur, et pour des raisons d’accessibilité. Les demandeurs soumettront tous leurs renseignements, y compris le fondement de leur demande, en un seul endroit par le biais d’une demande unique en ligne, et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sera en mesure de fournir à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada ces renseignements dans un dossier complet, prêt à faire l’objet d’une décision.

Il s’agit d’une démarche conviviale qui soutient l’approche d’« une fois suffit ». Ces modifications permettront d’améliorer l’efficacité des opérations et des programmes et de n’envoyer que des dossiers complets et prêts à être entendus à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Cela permettra de réduire les reports et la reprogrammation des audiences de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada et de faire avancer les dossiers de la manière la plus rapide possible. En fin de compte, cela permet d’améliorer l’efficacité opérationnelle et la transparence pour le demandeur.

Des modifications supplémentaires donneront aussi à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada le pouvoir d’exiger de ses membres qu’ils utilisent les outils et les modèles prescrits pour rendre les décisions et les motifs, ce qui contribuera également à accélérer la communication des décisions aux demandeurs. De plus, des modifications sont proposées pour permettre la nomination de représentants désignés afin d’aider les personnes qui ne sont pas en mesure de comprendre la procédure à différentes étapes du système d’octroi de l’asile, par exemple dans le cadre de l’examen des risques avant renvoi.

Le projet de loi changera également la façon dont les mesures de renvoi sont délivrées. Aujourd’hui, elles sont émises au début du processus à tous ceux qui font une demande, mais elles ne sont pas appliquées tant que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada n’a pas rendu une décision négative. À l’avenir, les mesures de renvoi ne seront émises qu’après que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada aura rejeté une demande ou déclaré qu’elle a été retirée ou abandonnée, ce qui élimine ce processus qui prend beaucoup de temps.

Notre objectif est de faire en sorte qu’un demandeur reçoive aujourd’hui la même décision après ces changements, mais plus rapidement et avec moins de demandes d’information.

Enfin, j’aimerais souligner que ces modifications législatives ne changent pas les conditions d’admissibilité des demandeurs. Le gouvernement a pour objectif d’adapter le système aux réalités d’aujourd’hui et de faire en sorte qu’il puisse faire face aux défis de demain, en s’attaquant aux volumes du système, en améliorant son efficacité et en renforçant les services aux demandeurs d’asile.

Merci.

[Français]

Le président : Merci.

Carl Desmarais, directeur général, Exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada : Je suis Carl Desmarais, directeur général et responsable des bureaux des services intérieurs à l’Agence des services frontaliers du Canada. Je suis ici pour discuter de la section 39 du projet de loi.

[Traduction]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de nous accueillir, mon collègue du Service correctionnel du Canada et moi, aujourd’hui, pour discuter des dispositions d’intérêt pour le comité.

L’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, est légalement tenue, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, de renvoyer les personnes inadmissibles du Canada dès que possible. La détention des immigrants est un outil et un filet de sécurité nécessaires pour aider à l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin d’assurer l’intégrité du programme d’immigration du Canada dans son ensemble et pour soutenir les responsabilités du gouvernement en matière de sécurité publique.

[Français]

Afin de respecter ses obligations légales, l’ASFC emploie la détention en matière d’immigration comme mesure de dernier recours, et ce, seulement une fois que toutes les solutions de rechange appropriées à la détention ont été considérées.

Le Programme de solutions de rechange à la détention permet aux individus de demeurer dans la collectivité avec le soutien de leur famille ou le soutien obtenu par l’entremise de fournisseurs de services spécialisés dans les services communautaires.

[Traduction]

Actuellement, 98,6 % des personnes soumises à des contrôles d’application de la loi en matière d’immigration ont une solution de rechange à la détention, l’autre 1,4 % étant en détention.

Bien que l’ASFC continue d’élargir le recours à des solutions de rechange à la détention, il restera toujours des personnes qui se livrent à des activités ou à des comportements criminels graves qui ne leur permettent pas d’être gérées efficacement à l’aide d’une solution de rechange à la détention, dans la communauté.

[Français]

Les personnes ne posant aucun risque pour la sécurité et ayant montré une aptitude à se conformer aux procédures d’exécution de la loi en matière d’immigration peuvent être libérées conformément à une solution de rechange à la détention en attendant les prochaines étapes dans leur processus d’immigration, que ce soit une enquête ou un renvoi du Canada.

[Traduction]

Pour les personnes jugées inaptes à être libérées par l’entremise d’une solution de rechange à la détention, la décision qui mène à leur placement dans un centre de surveillance de l’immigration ou un établissement correctionnel provincial est fondée sur une évaluation de leur risque pour autrui. À l’heure actuelle, plus de 80 % des immigrants détenus dans des établissements correctionnels provinciaux ont été reconnus coupables de crimes graves et violents ou n’ont pas encore été inculpés. Ces crimes comprennent l’agression, l’agression sexuelle, le meurtre et le vol à main armée.

C’est le comportement d’une personne — et non la simple présence d’un casier judiciaire — qui détermine si elle peut être gérée en toute sécurité dans un centre de surveillance de l’immigration. Lorsqu’ils prennent des décisions de placement, les agents doivent tenir compte de la sécurité d’autres détenus dont le bien-être pourrait être compromis par la présence d’une personne à risque plus élevé qui ne peut être gérée en toute sécurité dans un centre de rétention d’immigration tel qu’il est actuellement conçu.

L’ASFC travaille depuis de nombreuses années avec des partenaires provinciaux pour que les personnes qui présentent un risque élevé soient détenues dans des établissements correctionnels provinciaux. Toutefois, comme nous le savons, les provinces ne sont plus disposées à soutenir la détention des immigrants dans leurs établissements.

[Français]

Depuis 2023, l’ASFC prend des mesures visant à améliorer l’infrastructure actuelle de ces centres de surveillance de l’immigration et apporte des modifications aux opérations à la dotation, afin de gérer les personnes réputées poser un risque élevé pour le public, pour d’autres détenus ou pour le personnel de l’ASFC. D’autres formations et outils sont déployés afin de s’assurer que le personnel est outillé pour traiter les détenus de l’immigration à haut risque. Le nombre de gardiens formés sous contrat dans les centres de surveillance de l’immigration sera augmenté pour assurer la sécurité permanente des détenus et des employés. Entre-temps, une solution est nécessaire pour héberger en toute sécurité un faible nombre de détenus à haut risque qui sont actuellement détenus dans des établissements correctionnels provinciaux.

[Traduction]

L’adoption des modifications législatives proposées permettrait à l’ASFC d’avoir accès à des installations construites pour accueillir un petit nombre de détenus à risque élevé qui étaient auparavant pris en charge dans les établissements correctionnels provinciaux.

Plus précisément, les modifications permettraient à l’ASFC d’obtenir de l’aide temporaire du Service correctionnel du Canada et d’avoir accès à un espace géré séparément et de façon indépendante pour héberger un petit nombre de détenus à risque élevé. L’entente entre les deux organisations permettrait donc à l’ASFC d’utiliser l’infrastructure du SCC, de solliciter des services administratifs limités auprès du SCC au besoin et, dans des circonstances exceptionnelles seulement, de solliciter l’aide du personnel du SCC.

[Français]

Toute entente d’aide viserait à permettre à l’ASFC de continuer d’exploiter et de doter en personnel ses espaces de détention, indépendamment des services correctionnels et des détenus qui sont sous responsabilité fédérale.

[Traduction]

Le projet de loi limite l’utilisation de ces établissements aux personnes qui présentent un risque pour autrui, tout en appliquant des mesures d’équité procédurale et en tenant compte des considérations de santé, afin de s’assurer que les établissements sont véritablement utilisés à titre de dernier recours pour les personnes présentant les risques les plus élevés. Pour être clair, il s’agit d’une mesure temporaire de dernier recours, pour un petit nombre de personnes, appliquée pendant une période de transition alors que l’ASFC fait des mises à niveau dans ses centres de surveillance de l’immigration.

Lorsque la détention est jugée nécessaire pour gérer les risques et maintenir la sécurité publique, l’ASFC demeure déterminée à veiller à ce que tous les détenus soient traités de façon uniforme, digne et humaine, conformément à la Charte canadienne des droits et libertés et à nos obligations et engagements internationaux.

Je tiens à souligner que les changements envisagés dans le cadre de cette proposition législative particulière ne modifient pas les pouvoirs de l’ASFC ni la façon dont elle maintient la détention. C’est un régime qui demeure inchangé.

Je vous remercie de votre attention.

[Français]

Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Desmarais. Monsieur Bisson, vous avez la parole.

Luc Bisson, commissaire adjoint par intérim, Politiques, Service correctionnel Canada : Honorables sénateurs, merci de nous accueillir ce soir. Je suis Luc Bisson, commissaire adjoint par intérim, Politiques, Service correctionnel Canada. Je serai heureux de répondre à vos questions ce soir. Mon collègue a déjà très bien résumé les mesures, donc je vous retrouverai dans quelques minutes si vous avez des questions. Je cède la parole à ma collègue.

Sarah Boily, directrice générale, Langues officielles, Patrimoine canadien : Je suis Sarah Boily, directrice générale, Langues officielles, Patrimoine canadien.

Un amendement est proposé à la section 24 de la partie 4 du projet de loi C-69 pour apporter des modifications à l’article 61 de la Loi visant l’égalité réelle entre les langues officielles du Canada et au paragraphe 19(1) de la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. C’est un amendement qui a pour but de corriger une omission afin de conserver des droits pour toutes les catégories d’employés. On parle des employés actuels, des employés potentiels et aussi d’anciens employés. Il est question ici de leur droit de pouvoir déposer une plainte auprès du commissaire aux langues officielles ou encore d’intenter un recours judiciaire s’ils sont d’avis que leurs droits n’ont pas été respectés en vertu de la nouvelle Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale.

La façon dont le régime a été conçu prévoit qu’il entre en vigueur tout d’abord au Québec, puis, deux ans après son anniversaire, dans les régions à forte présence francophone.

Dans le libellé, lorsqu’ils entrent en vigueur au Québec, les droits sont prévus pour les trois catégories d’employés auxquels j’ai fait référence tout à l’heure. Cependant, lorsque le régime entre en vigueur dans des régions à forte présence francophone, conformément au libellé actuel, les droits ne s’appliquent qu’aux employés actuels. L’intention n’était pas d’exclure les employés potentiels ni les ex-employés.

Voilà donc ce qui explique l’amendement proposé.

Le président : C’est très clair. Merci beaucoup. Nous pouvons commencer la ronde de questions. Nous avons une diversité de sujets — et donc plusieurs questions.

[Traduction]

La sénatrice Marshall : Merci. Je vais commencer avec les représentants d’Emploi et Développement social Canada. Ma question s’adresse à M. Wolfe ou à Mme Norris. J’aimerais parler de la section 5 de la partie 4 du projet de loi et de l’inscription automatique des enfants au Bon d’études canadien. J’ai trois questions précises à vous poser.

J’aimerais savoir pourquoi il y a un délai de cinq ans. On octroiera 150 millions de dollars à la cinquième année, alors je me demande pourquoi le délai est aussi long.

On octroiera 12 millions de dollars au cours des quatre premières années. Je me demande à quoi serviront ces fonds. Y a-t-il un plan associé à cet investissement de 12 millions de dollars?

Enfin, sur quoi se fonde le montant de 150 millions de dollars? J’ai vu quelque part que l’on accorderait jusqu’à 2 000 $ par enfant. Si vous pouviez aborder ces trois sujets, je vous en serais reconnaissante. Merci.

Mme Norris : Bien sûr. Je vous remercie de vos questions.

Il est vrai qu’il y a une période de mise en œuvre pour l’inscription automatique des enfants au Bon d’études canadien. Ce que j’aimerais préciser, c’est que les enfants qui sont admissibles commencent cette année, en 2024. Nous communiquons avec les parents et les gardiens pour les informer qu’un compte pour leur enfant sera automatiquement ouvert. Notre intention est de donner aux parents et aux gardiens suffisamment de temps pour ouvrir eux-mêmes un compte. Nous croyons toujours que les parents sont les mieux placés pour ouvrir un régime enregistré d’épargne-études pour leurs enfants. Nos données montrent que le taux de participation augmente, puisque les jeunes enfants entrent habituellement dans le système scolaire des provinces vers l’âge de quatre ans. C’est donc un objectif.

L’autre objectif est le suivant : pour mettre en œuvre cette initiative, nous établirons un partenariat avec une institution financière — l’un de nos 85 partenaires à l’échelle du pays — et nous lancerons un processus de consultation et de demandes de propositions pour mettre en place les systèmes nécessaires à l’échange de données et aux paiements.

Les 12 millions de dollars que vous avez évoqués comprennent divers coûts, notamment les coûts de développement des systèmes et du personnel pour concevoir et gérer les propositions, ainsi que le coût des activités de communication avec les parents et les enfants partout au pays. Les fonds pourraient aussi servir à payer une institution financière pour nous aider à gérer le programme.

En ce qui a trait à votre dernière question au sujet des 150 millions de dollars, ces estimations se fondaient sur les montants qui seront versés aux enfants. Nous avons un ensemble de données très robustes provenant de l’Agence du revenu du Canada, qui nous permet de savoir combien d’enfants admissibles à la prestation. Selon nos estimations, environ 170 000 enfants par année seront automatiquement admissibles à la prestation. Le premier versement est de 500 $; il y a ensuite 100 $ par année d’admissibilité, jusqu’à un maximum de 2 000 $. Cette estimation des coûts se fonde sur nos données existantes et sur les projections démographiques.

La sénatrice Marshall : Pourquoi quatre ans? Je regarde les montants : 1 million de dollars, 2 millions de dollars, 5 millions de dollars, 4 millions de dollars. Ces montants sont relativement peu élevés comparativement aux dépenses du gouvernement fédéral. Pourquoi faudrait-il quatre ans pour élaborer le système? Cela ne me semble pas productif du tout.

Mme Norris : Je crois que les objectifs sont nombreux. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le premier objectif est de veiller à bien communiquer avec les parents et les enfants. Nous tentons d’atteindre un équilibre entre les objectifs stratégiques et la prestation automatique du service, tout en veillant à ce que les parents et les enfants aient amplement de temps pour prendre une décision au sujet de ces comptes. Nous savons qu’il y aura un défi en matière de sensibilisation et de promotion du Bon d’études canadien.

L’une des caractéristiques importantes de ce bon, c’est que les fonds s’appliqueront de manière rétroactive, de sorte que les enfants — lorsqu’ils présenteront une demande — pourront recevoir toutes les prestations auxquelles ils ont eu droit.

La sénatrice Marshall : J’ai une question au sujet de la section 4 de la partie 4 du projet de loi, qui vise à élargir la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants et la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants afin de rendre d’autres professions admissibles à l’exonération du remboursement.

Pourquoi ces professions ont-elles été choisies?

Mme Norris : Je vous remercie pour la question. Mon collègue, qui se joint à nous de façon virtuelle — le directeur général du Programme canadien d’aide financière aux étudiants —, pourra vous répondre.

La sénatrice Marshall : Avant de commencer, j’aimerais aussi savoir pourquoi l’on a ajouté ces professions. Est-ce que c’est dans le but de créer un certain nombre de postes?

D’accord, monsieur Wallace, merci.

Jonathan Wallace, directeur général, Programme canadien d’aide financière aux étudiants, Emploi et Développement social Canada : Bonjour, sénatrice. Je vous remercie de la question.

Le programme canadien d’exonération de remboursement des prêts d’études vise à remédier aux pénuries de professionnels de la santé dans les régions rurales et éloignées mal desservies. Les 10 professions que l’on propose d’inclure dans la portée de la prestation répondent à quatre critères clés.

Premièrement, nous avons examiné les données sur les pénuries de main-d’œuvre... par l’entremise du Système de projection des professions au Canada, par exemple.

Deuxièmement, nous avons mené de vastes consultations auprès d’un certain nombre de professionnels, ainsi qu’auprès des gouvernements provinciaux et territoriaux, afin de recueillir des données probantes sur les régions aux prises avec des pénuries et de déterminer où elles sont les plus aiguës.

Troisièmement, nous avons examiné les priorités du gouvernement pour harmoniser certaines professions avec d’autres priorités du gouvernement, comme les soins dentaires.

Enfin, nous avons déterminé quel serait le coût total pour le gouvernement et nous avons tenté de trouver un équilibre entre l’ajout de nouvelles professions et la réduction des coûts pour les contribuables.

La sénatrice Marshall : Avez-vous un chiffre en tête pour les éducateurs de la petite enfance? Y a-t-il un objectif que le gouvernement souhaiterait atteindre... ou pour encourager 200 personnes de plus? Est-ce qu’il y a un objectif précis, ou est-ce plutôt ouvert?

C’est ma dernière question.

M. Wallace : Oui, nous avons des estimations fondées sur nos modèles et sur les données disponibles. Pour les éducateurs de la petite enfance de façon particulière, lorsque la mesure sera pleinement mise en œuvre — donc d’ici 2028-2029, moment où nous aurons probablement atteint une certaine stabilité —, nous nous attendons à ce qu’elle profite à environ 2 700 nouvelles personnes.

La sénatrice Marshall : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence ici ce soir.

Ma première question concerne la section 21 de la partie 4, sur les améliorations au Code du travail pour mieux protéger les travailleurs à la demande. Dans les notes d’information qui accompagnent le projet de loi C-69, le gouvernement donne l’exemple des travailleurs des plateformes numériques. J’aimerais savoir si ce cas s’applique également aux camionneurs indépendants. On sait qu’il existe un problème important avec les camionneurs indépendants. Les petits camionneurs indépendants ne reçoivent pas d’avantages sociaux. On parle d’un écart de 2 milliards de dollars depuis que le phénomène existe. Est-ce que cette mesure touchera également les camionneurs indépendants?

M. Wolfe : Merci beaucoup pour la question. Si vous me le permettez, je vais y répondre en anglais pour être clair.

[Traduction]

Nous avons tenu des consultations exhaustives sur ce changement potentiel. Nous avons consulté de nombreux camionneurs, afin de veiller à répondre à leurs besoins. Je tiens à préciser que la disposition ne s’applique pas aux propriétaires exploitants indépendants.

[Français]

Le sénateur Forest : Pourquoi cela ne les concerne-t-il pas? Quelle est la différence entre l’exemple qu’on nous donne et un camionneur indépendant?

[Traduction]

M. Wolfe : Le cas des employés représente un défi dans le domaine du camionnage, comme c’est le cas dans d’autres domaines. Ces employés ne sont peut-être pas propriétaires de leur camion. Ces personnes sont désignées à titre d’entrepreneurs indépendants, et ils se voient refuser leurs droits en matière de travail. Nous voulons nous assurer que ces personnes ont accès aux droits des travailleurs. Nous ne voulons pas que cela s’applique aux entrepreneurs indépendants qui sont propriétaires de leur camion, par exemple.

[Français]

Le sénateur Forest : Je sais que la section 23 de la partie 4 concerne le maintien des cinq semaines supplémentaires d’assurance-emploi pour pallier le fameux phénomène du trou noir, qui est attribuable à un problème structurel et permanent sur le plan des emplois temporaires. Cette section sera analysée par notre Comité des affaires sociales.

Ma question est la suivante. Depuis deux ans, on dit qu’on est actuellement dans un immense chantier pour réformer l’assurance-emploi. Où en est ce chantier? Va-t-on voir un jour les fruits de ce travail, qui est si important dans plusieurs de régions du Canada, où il y a une industrie dont la structure même fait qu’on a une légion de travailleurs et travailleuses indépendants?

Benoit Cadieux, directeur, Analyse des politiques et initiatives, Politique de l’assurance-emploi, Direction générale des compétences et de l’emploi, Emploi et Développement social Canada : Je m’appelle Benoit Cadieux, directeur responsable des prestations régulières et pour pêcheurs à Emploi et Développement social Canada. Merci pour la question.

Le gouvernement reste engagé à améliorer le programme de l’assurance-emploi. Je pense que le gouvernement veut rester prudent, étant donné la situation avec l’inflation que vivent les Canadiens et Canadiennes, et ne veut pas présenter de mesures qui mettraient de la pression sur les taux de cotisation de l’assurance-emploi — des mesures permanentes à long terme. Le gouvernement reste engagé à améliorer le programme. On continue d’essayer de trouver différentes manières d’améliorer le programme, mais je pense que le gouvernement procède d’une manière... Je crois qu’il procède avec précaution, étant donné la situation financière.

Le sénateur Forest : C’est très précautionneux. Je pense qu’on se presse lentement, parce que cela fait deux ans qu’on nous dit que c’est un chantier important. D’ailleurs, c’est une situation très problématique pour énormément de Canadiens et de Canadiennes. Il n’y a donc pas d’échéance pour en arriver à une réforme de l’assurance-emploi?

M. Cadieux : Comme je l’ai mentionné, le travail se poursuit. Le gouvernement reste engagé à trouver des solutions et à améliorer le programme. De notre côté, nous essayons de déterminer de quelles manières il pourrait être amélioré. Des consultations de deux ans ont été menées en 2021-2022. Beaucoup de suggestions et de recommandations ont été faites.

Le gouvernement continue d’analyser les données et l’utilisation du programme post-pandémie. On attend d’avoir des données sur les années suivant la pandémie pour voir comment le marché du travail a changé et comment les Canadiens et les Canadiennes utilisent le programme. Le gouvernement pourra prendre des décisions ultérieurement sur les façons d’améliorer le programme à long terme.

Le sénateur Forest : Le gouvernement reste engagé, mais il ne s’engage pas à livrer la réforme à une date précise.

Le président : Il s’engage à y penser.

M. Cadieux : Comme je l’ai dit, cela demeure une priorité et on continue de travailler là-dessus; je vais vous laisser avec cela.

Le président : Merci. Vous n’êtes pas chanceux avec vos questions aujourd’hui.

Le sénateur Forest : Cela fait une semaine que je ne suis pas chanceux.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Est-ce que nous pouvons faire venir Celia Lourenco, de Santé Canada, à l’avant? Merci beaucoup.

Imperial Tobacco Canada se préoccupe de la possibilité que les changements proposés à la Loi sur les aliments et drogues — à la section 31 de la partie 4 du projet de loi — ciblent ses pochettes de nicotine. La société demande le retrait complet de l’article 326 du projet de loi afin d’éviter ce qu’elle considère être un excès de réglementation. Pouvez-vous répondre à ces préoccupations et nous fournir des renseignements à ce sujet? Pourquoi la section 31 de la partie 4 du projet de loi est-elle importante pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens?

Mme Lourenco : Je vous remercie beaucoup pour cette question. La section 31 de la partie 4 et l’article 326 du projet de loi visent à permettre au ministre d’émettre une ordonnance pour aborder les risques de certains produits thérapeutiques pour la santé, ce qui comprend les drogues, les instruments médicaux et les produits de santé naturels.

Nous nous attendons à avoir recours à ce pouvoir en particulier dans de rares circonstances, très précises. Le problème avec les produits pour la thérapie de remplacement de la nicotine, surtout avec les pochettes de nicotine, c’est que les jeunes y ont accès, ce qui préoccupe la communauté des soins de santé. En effet, les jeunes se procurent des produits de nicotine autorisés et non autorisés sur le marché. C’est un problème à l’échelle internationale.

L’idée est de disposer de ces pouvoirs d’émettre une ordonnance qui ajoute des restrictions supplémentaires à l’accès à ces produits. Nous voulons que ces produits restent disponibles pour les adultes qui fument et veulent essayer d’arrêter — parce que c’est le but de ces produits de remplacement de la nicotine — tout en limitant le risque que des jeunes accèdent à ces produits. À cette fin, nous devons examiner des aspects comme leur lieu de vente ou leur promotion, et veiller à ce que les publicités relatives à ces produits ne mentionnent que leur effet bénéfique pour la santé et non leur usage à des fins récréatives. Nous devons également examiner d’autres facteurs, comme les arômes, l’emballage et l’étiquetage, et nous assurer qu’ils ne sont pas attrayants pour les jeunes. Voilà l’objectif de ces mesures.

C’est une préoccupation dont nous ont fait part plusieurs professionnels de la santé de tout le pays. Nous aimerions pouvoir y remédier.

Le sénateur Smith : S’agirait-il d’une exclusion totale qui empêcherait les personnes d’un certain âge d’acheter ces produits? Comment appliqueriez-vous cette exclusion et quel type de discussions avez-vous eues avec les fournisseurs, comme Imperial Tobacco Canada?

Mme Lourenco : Nous étudions actuellement les différentes mesures que nous envisageons d’adopter, notamment en ce qui concerne le lieu de vente, la promotion de ces produits, les restrictions liées à la publicité et, éventuellement, la vérification de l’âge — ces produits sont autorisés pour les personnes âgées de 18 ans et plus; ils sont destinés aux adultes — et les arômes. Nous discutons en ce moment même avec les professionnels de la santé, et nous consulterons également l’industrie pour recueillir son avis.

Le sénateur Smith : Pouvons-nous passer à l’Agence des services frontaliers du Canada et à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada? Je pense qu’il s’agit de M. Desmarais. Selon le gouvernement, les modifications législatives apportées à la section 38 de la partie 4 du projet de loi font suite au rapport de 2019 de la vérificatrice générale sur le traitement des demandes d’asile, qui souligne de nombreuses inefficacités à l’échelle du système et des lacunes dans le partage de l’information, ainsi que des chevauchements entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, l’Agence des services frontaliers du Canada et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada.

Comment ces changements amélioreront-ils l’efficacité du traitement des demandes d’asile et comment réduiront-ils les lacunes en matière de partage de renseignements?

M. Hollmann : Je vous remercie pour votre question. Nous avons examiné le système d’un point de vue global, et certaines des modifications que nous proposons visent à simplifier le processus et à trouver les goulets d’étranglement dans le transfert entre les ministères qui peuvent être éliminés.

La mise en place d’un processus semblable pour les demandes reçues au point d’entrée par l’Agence des services frontaliers du Canada et celles présentées à un bureau intérieur d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sera utile à cet égard. Le fait que les demandeurs fournissent leurs renseignements dans une seule demande en ligne permet à tous les services d’avoir accès à ces renseignements et de simplifier la transmission de ces renseignements par voie électronique.

Nous essayons également de procéder à tous les contrôles nécessaires et de vérifier l’information, et d’élaborer des dossiers prêts à être entendus pour la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, de sorte que seuls les cas prêts à être entendus lui soient transmis. Ainsi, nous éliminons les allers-retours entre les ministères, qui pourraient renvoyer des dossiers avant d’avoir obtenu tous les renseignements, par exemple, auquel cas la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada doit communiquer avec d’autres ministères pour obtenir ces renseignements.

Nous avons essayé de trouver les éléments liés à certaines des difficultés recensées précédemment afin de simplifier le processus.

Le sénateur Smith : Fixez-vous des objectifs précis? D’accord. Nous essaierons de nous rattraper au prochain tour.

Le sénateur Loffreda : Je remercie tous nos témoins de leur présence. Je vais commencer par une question sur le Code canadien du travail. Compte tenu de l’essor du travail à la demande — nous savons que ces travailleurs sont généralement des entrepreneurs indépendants — le projet de loi C-69 propose d’inscrire dans la loi une présomption selon laquelle toute personne ayant reçu une rémunération d’un employeur sera considérée comme un employé, à moins que l’employeur ne puisse réfuter cette présomption.

Pensez-vous que cette mesure pourrait avoir des conséquences imprévues? Je dis cela parce que les employeurs choisissent d’engager des travailleurs occasionnels sur une base contractuelle pour diverses raisons, par exemple pour limiter les risques liés à l’embauche ou pour répondre à des exigences particulières. A-t-on mené des consultations appropriées et adéquates auprès des parties prenantes, notamment les employeurs? Pourrait-il y avoir des conséquences involontaires, par exemple, une réduction de la main-d’œuvre par les employeurs? L’embauche d’un employé a un coût, n’est-ce pas? Nous voulons tous protéger les travailleurs, et il s’agit d’une bonne politique, mais j’espère qu’elle n’aura pas de conséquences imprévues.

M. Wolfe : Merci beaucoup pour cette question.

Oui, je répondrai que le gouvernement a mené des consultations approfondies auprès des groupes d’employeurs, des syndicats et des employés. Nous avons effectivement mené des consultations approfondies pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de conséquences inattendues. Il est assurément important que nous fassions les choses correctement.

Pour donner une explication plus détaillée, on utilise certains tests, qui relèvent du droit civil, pour déterminer si quelqu’un est effectivement un employé. Ces tests sont bien établis et nous ne pensons pas qu’il puisse y avoir de conséquences imprévues et qu’une personne puisse faire l’objet d’une erreur de classification. Nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas de conséquences imprévues.

Le sénateur Loffreda : Les employeurs que vous avez consultés étaient convaincus que cette mesure répondait à leurs besoins et ont affirmé qu’ils s’y conformeraient, même si elle augmentait leurs coûts.

M. Wolfe : Je dirais que l’intérêt premier des employeurs légitimes est...

Le sénateur Loffreda : Qu’entendez-vous par « employeurs légitimes »?

M. Wolfe : Les employeurs qui ne se livrent pas à une classification erronée des salariés. C’est ce que je voulais dire.

Le sénateur Loffreda : D’accord.

M. Wolfe : Les employeurs qui ne se livrent pas à une classification erronée des salariés souhaitent que les règles du jeu soient les mêmes pour tous. Ils souhaitent que tous les employeurs soient réellement sur un pied d’égalité et ils ne veulent pas que certains d’entre eux bénéficient d’avantages injustes en termes de coûts. Nombre d’entre eux souhaitent que l’on veille à un certain niveau d’application pour que les employés, s’ils sont réellement des employés, soient traités comme tels.

Le sénateur Loffreda : Pour que les choses soient claires, disons que j’ai besoin d’un travailleur pour un an, un contrat d’un an. Au bout d’un an, je me rends compte que j’ai besoin de lui pour une année supplémentaire, un contrat supplémentaire. Au bout de deux ans, je me rends compte que je n’ai plus besoin de ce travailleur à la demande. Serait-il alors considéré comme un salarié?

M. Wolfe : Il existe des tests pour tout travailleur potentiel qui permettent de déterminer si une personne est ou non un salarié. Ces critères s’appliquent à tout travailleur, même s’il a été embauché sous contrat pour une période donnée. S’il s’agit véritablement d’un salarié, il bénéficie normalement des droits du travail prévus par le Code canadien du travail.

Le sénateur Loffreda : Ils pourraient donc bénéficier des droits, bien qu’ils soient sous contrat pour deux ans?

M. Wolfe : S’ils sont des employés, alors oui, c’est exact.

Le sénateur Loffreda : Il s’agit d’un changement majeur dans le mode de fonctionnement d’un grand nombre de ces entreprises.

M. Wolfe : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un changement majeur. Je pense que nous ne faisons que renforcer les dispositions existantes relatives à la classification erronée des travailleurs.

Le sénateur Loffreda : En réduisant le nombre de travailleurs à la demande, ou le contrat lui-même, et en faisant d’eux des employés, on leur donne accès à des avantages, à des droits et à une indemnité de licenciement le moment venu?

M. Wolfe : Je pense que c’est exact. Nous voulons que les employés qui sont réellement des employés bénéficient des protections auxquelles ils ont droit, tout à fait.

Le sénateur Loffreda : Et qu’ils ne se contentent pas de contrats.

J’ai une question à poser à Santé Canada. Pour poursuivre sur ce dont nous avons déjà parlé, la section 31 de la partie 4 de la Loi d’exécution du budget permet au ministre d’établir des règles, y compris des interdictions et des restrictions, sur une base immédiate sans suivre la procédure régulière. Nous en avons déjà parlé. À moins que l’on adopte le projet de loi C-368 — et il a été renvoyé au comité le 29 mai — cette modification permettra au ministre de la Santé de recourir à ces pouvoirs pour imposer des restrictions et des interdictions sur les produits de santé naturels, comme s’il s’agissait de médicaments, et sur tous les produits de santé.

Certaines parties prenantes, comme l’Association canadienne des aliments de santé, craignent que ce soit aller trop loin. Que pouvez-vous répondre à ces commentaires? Si nous n’avons pas assez de temps ou si nous ne pouvons pas faire un deuxième tour, vous pourrez peut-être nous envoyer votre réponse par écrit. Vous ne pensez pas que ce soit aller trop loin?

Mme Lourenco : Ces mesures seront très ciblées. On ne les utilisera que lorsque nous avons de sérieuses inquiétudes pour la santé des personnes qui utilisent ces produits, en cas d’usage abusif intentionnel, comme dans l’exemple que j’ai donné des produits de remplacement de la nicotine, notamment les pochettes de nicotine, que les jeunes se procurent et utilisent à des fins récréatives. La nicotine crée une forte dépendance. Nous ne voulons pas que les jeunes développent une dépendance à la nicotine.

Nous aimerions pouvoir mettre en place des mesures pour restreindre l’accès des personnes qui ne devraient pas utiliser ces produits, tout en facilitant l’accès aux adultes qui ont l’intention d’arrêter de fumer.

Le sénateur Loffreda : Ils ne devraient donc pas s’inquiéter outre mesure?

Mme Lourenco : Exactement.

La sénatrice MacAdam : Cette question s’adresse à Emploi et Développement social Canada et porte sur la section 4 de la partie 4 du projet de loi sur le programme canadien d’exonération de remboursement des prêts d’études.

L’un des critères est que ces personnes doivent travailler dans une collectivité rurale ou éloignée désignée comme mal desservie. Premièrement, comment définissez-vous une « collectivité rurale ou éloignée »? Deuxièmement, compte tenu de la crise des soins de santé actuelle, comment définissez-vous une « collectivité mal desservie » lorsque vous prenez la décision d’élargir le nombre de ces professions?

M. Wallace : Bonjour, madame la sénatrice. Je vous remercie de votre question. Je vais parler de la définition actuelle du terme « collectivité rurale ou éloignée mal desservie », puis je mentionnerai les changements que le gouvernement est en train d’apporter à cette définition.

Actuellement, une « collectivité rurale ou éloignée mal desservie », aux fins de l’exonération de remboursement des prêts d’études, est toute collectivité située au Canada qui ne fait pas partie d’une région métropolitaine de recensement, d’une agglomération de recensement comptant 50 000 habitants ou plus, ou d’une capitale provinciale. Si une collectivité ne fait pas partie de l’un de ces trois groupes, elle est considérée comme « rurale, éloignée et mal desservie ».

Cela étant dit, le budget 2023 comportait l’annonce d’une modification de cette définition, afin de garantir qu’aucune collectivité rurale ne soit laissée pour compte. Nous mettons actuellement en place des modifications réglementaires à cet effet. Une fois que le gouverneur en conseil aura donné son approbation, toute collectivité au Canada comptant 30 000 habitants ou moins sera jugée admissible à cette prestation. Cette nouvelle définition se fonde sur une méthodologie différente pour établir la ruralité. Elle utilise le modèle fondé sur les centres de population de Statistique Canada, qui est basé sur la densité de la population. On estime qu’il s’agit d’une méthode plus juste pour déterminer l’admissibilité des collectivités.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Quels sont les résultats de l’actuel programme canadien d’exonération du remboursement des prêts d’études, auquel peuvent accéder les médecins de famille, les infirmiers et les infirmiers praticiens admissibles qui travaillent dans des collectivités rurales ou éloignées? Quelle est l’incidence de ce programme sur l’accès aux soins de santé dans ces collectivités?

M. Wallace : C’est une excellente question. Nous avons des résultats. Nous avons récemment achevé une évaluation de la prestation existante, qui a révélé qu’elle avait une incidence sur la décision des professionnels de travailler dans des collectivités rurales ou éloignées mal desservies. Cela dit, il ne s’agit que de l’un des facteurs envisagés lors de la prise de décision.

Pour répondre à votre question sur les résultats plus généraux en matière de santé, nous ne disposons pas de preuves ou de données solides qui nous permettent de les étayer à l’heure actuelle.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Merci.

Ma prochaine question porte sur la section 14 de la partie 4 du projet de loi sur le Régime de pensions du Canada. Les changements apportés au Régime de pensions du Canada auront-ils une incidence sur les personnes qui reçoivent déjà des prestations de ce régime?

Neal Leblanc, directeur, Politique et Législation du Régime de pensions du Canada, Emploi et Développement social Canada : Merci pour cette question, madame la sénatrice. Non, il n’y aura aucune incidence sur leurs prestations. Il s’agit de changements envisagés qui commenceront en 2025.

La sénatrice MacAdam : D’accord. Il y a des prestations bonifiées, donc toute personne qui reçoit actuellement des prestations du Régime de pension du Canada ne bénéficierait donc pas de cette bonification?

M. Leblanc : Ces changements particuliers sont en fait de petites modifications marginales, qui concernent essentiellement les conditions d’admissibilité. Par exemple, l’augmentation de la prestation de décès sera accessible pour les décès survenus à partir de 2025.

La nouvelle prestation pour enfants entrera en vigueur en 2025. Pour les personnes âgées de plus de 18 ans — les demandeurs doivent actuellement fréquenter l’école à plein temps pour bénéficier de la prestation pour enfants du Régime de pensions du Canada —, une nouvelle prestation d’un montant inférieur sera accessible aux personnes qui étudient à temps partiel. Ainsi, les personnes qui, par exemple, doivent arrêter de suivre un cours en raison d’enjeux liés à l’éducation ou du stress causé par la perte d’un parent dans le cas d’une prestation d’orphelin, ou d’autres facteurs, pourront rester admissibles aux prestations, au lieu d’être confrontées à la situation de « tout ou rien » actuelle.

Il s’agit de nouvelles prestations qui ne seront disponibles qu’à l’avenir. Elles n’affecteront pas les prestations antérieures, car les personnes qui reçoivent déjà des prestations ont été jugées admissibles à celles-ci. Aucune de ces mesures, à l’exception du supplément à la prestation de décès, n’augmente réellement les prestations existantes.

La sénatrice MacAdam : Merci.

La sénatrice Kingston : Ma première question s’adresse à Santé Canada. Il s’agit d’une question d’ordre général que j’ai posée aux représentants du ministère des Finances, qui m’ont dit que je devrais la poser à Santé Canada, alors je vais essayer. Je regarde la section 12 de la partie 4 du projet de loi; on y parle du Transfert canadien en matière de santé et du fait qu’il y aura des suppléments qui garantiront une croissance minimale de 5 %, à condition que les provinces prévoient de fournir plus de données à l’Institut canadien d’information sur la santé.

Quels sont les projets pour cette année? Que manque-t-il? Quelles sont les lacunes dans les renseignements que vous aimeriez obtenir des provinces?

Mme Lourenco : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je ne pense pas que nous soyons en mesure de répondre à la question ici. Je regarde mes collègues. Pourriez-vous nous soumettre cette question par écrit? Nous y répondrons volontiers.

La sénatrice Kingston : Si vous pouviez répondre par écrit, ce serait formidable.

Mes prochaines questions portent sur la section 44 de la partie 4 du projet de loi, soit la raison pour laquelle vous êtes ici aujourd’hui.

En ce qui a trait à la lutte contre la crise des surdoses, vous parlez de soutenir et d’améliorer l’accès à des services de désintoxication et de soutien fondés sur des données probantes à l’échelle communautaire, y compris des services de traitement, de réduction des méfaits et de rétablissement.

Par ailleurs, vous recommandez le financement d’initiatives qui permettent de comprendre et d’aborder les relations complexes entre la crise des surdoses et d’autres facteurs transversaux, comme la gestion de la douleur, la santé mentale et l’itinérance.

En fait, nous parlons des déterminants sociaux de la santé.

J’ai travaillé dans ce domaine auprès de personnes en situation d’itinérance chronique et aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Ces gens ont besoin de beaucoup de soutien. À cet égard, Logement d’abord est une initiative de réduction des méfaits.

Dans votre planification des mesures à prendre pour lutter contre la crise des surdoses, avez-vous songé à intégrer le tout — un peu comme dans le cas du Transfert canadien en matière de santé — en collaborant avec les provinces pour déterminer la façon dont l’argent est dépensé, ainsi que les critères connexes, afin de regrouper une partie des fonds, comme ceux du programme Vers un chez-soi, qui sont maintenant gérés par Infrastructure Canada, dans le but de créer un programme destiné à soutenir les personnes qui ont des besoins très complexes en matière de santé mentale et de toxicomanie et qui, par conséquent, risquent le plus d’être victimes d’une surdose?

Jennifer Pelley, directrice, Bureau des affaires législatives et réglementaires, Direction des substances contrôlées et de la réponse à la crise des surdoses, Direction générale des substances contrôlées et du cannabis, Santé Canada : Je vous remercie de votre question, ainsi que de votre suggestion. À l’échelle fédérale, nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres ministères qui s’occupent de dossiers comme l’itinérance. Nous travaillons également avec des collègues de Services aux Autochtones Canada.

Vous avez mentionné les déterminants de la santé. Certains groupes sont plus vulnérables dans le contexte de la crise des surdoses. Nous observons un nombre disproportionné de décès dans certaines régions, et nous savons que le groupe le plus touché est celui des hommes appartenant à une certaine tranche d’âge.

Certes, comme vous l’avez dit, nous sommes très conscients de la nécessité de travailler ensemble et de regrouper des initiatives. Je vous remercie de cette observation.

La sénatrice Kingston : Santé Canada a-t-il un plan pour collaborer avec les provinces précisément à cet égard afin de s’assurer que ces enjeux sont pris en compte dans les cadres qui sont présentés afin d’aider à atténuer cette crise pour les gens?

Mme Pelley : Je ne peux pas parler d’un plan concret à cet égard. Ce n’est pas mon domaine d’expertise. Je m’occupe plutôt des affaires législatives. C’est tout de même une bonne question et un bon constat, que nous ne manquerons pas d’examiner plus à fond. Merci.

La sénatrice Kingston : Je vous remercie.

La sénatrice Ross : Mes questions portent sur la section 39 de la partie 4 du projet de loi.

Lorsque la ministre Freeland nous a parlé la semaine dernière, je lui ai fait part de mon inquiétude concernant la présence de nombreuses mesures non budgétaires dans le projet de loi C-69. J’ai quelques questions à vous poser.

Premièrement, pouvez-vous me donner une idée de la raison pour laquelle, d’après vous, la section 39 figure dans la loi d’exécution du budget?

Deuxièmement, à votre avis, cette section ne mérite-t-elle pas un projet de loi à part entière afin qu’elle puisse faire l’objet d’un examen plus approfondi en bonne et due forme? C’est, me semble-t-il, une mesure législative importante.

Vous avez comparu tous les deux, avec d’autres, devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants pour discuter de la section 39, mais le ministre LeBlanc a par la suite écrit une lettre au comité pour clarifier et corriger divers témoignages.

Nous nous efforçons de faire en sorte que cette mesure non budgétaire prévue dans le projet de loi omnibus soit examinée comme il se doit. Cependant, le ministre a jugé nécessaire d’écrire une lettre pour contester des témoignages présentés au comité, d’autant plus que des amendements ont été déposés au sujet de cette section il y a moins de trois heures.

Ma troisième question est la suivante : il semble y avoir un décalage entre les témoignages que nous avons reçus lors de l’étude préliminaire et les affirmations du ministre. Pouvez-vous nous donner des conseils sur le degré de confiance que nous pouvons accorder aux études préalables des lois d’exécution du budget, surtout en ce qui a trait à la modification de mesures non budgétaires complexes?

M. Desmarais : Je peux répondre à une partie de votre question.

En ce qui concerne le pourquoi — et la raison pour laquelle c’est inclus dans la loi d’exécution du budget —, il s’agit d’une mesure très pressante qui se doit d’être présentée dans l’intérêt de la sécurité publique.

Malheureusement, depuis plusieurs années, l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, compte sur les établissements correctionnels provinciaux pour y héberger un nombre restreint de détenus à risque élevé, et cette pratique a lieu depuis au moins deux décennies.

Or, les ententes conclues à cette fin ont été rapidement et successivement résiliées en l’espace d’un an. Nous devons donc prendre des mesures — chose que nous avons déjà faite — pour moderniser nos installations actuelles, lesquelles ont été conçues pour accueillir des détenus à risque faible et à risque moyen.

Essentiellement, l’intention est d’obtenir, pour une durée limitée, l’aide du Service correctionnel du Canada en permettant à l’ASFC d’utiliser et d’administrer les espaces existants dans les pénitenciers fédéraux aux termes de ses pouvoirs actuels. Aucun nouveau pouvoir n’est conféré à l’ASFC en ce qui concerne la façon dont elle procède à la détention. Les pouvoirs demandés portent précisément sur le placement de personnes afin de protéger la sécurité publique. Il est urgent de prendre cette mesure afin de veiller à ce que l’ASFC dispose des outils nécessaires pour continuer à s’acquitter de son mandat. Je rappelle au comité que son mandat est d’exécuter un renvoi dès que possible. Tel est le mandat législatif de l’ASFC. Cela montre bien l’urgence de la mesure.

Quant à la question de savoir pourquoi cette mesure est prévue dans la loi d’exécution du budget, j’en ai peut-être parlé dans ma première réponse. Je ne contrôle pas nécessairement la façon dont les projets de loi sont présentés, alors je vais sans doute m’abstenir de répondre à cette question. Je pense que la ministre des Finances en a déjà parlé.

En ce qui a trait aux témoignages de groupes particuliers qui sont venus après l’ASFC, je pense que le ministre a jugé important de rétablir les faits — par l’entremise de la lettre, qui a été adressée au comité —, surtout en ce qui concerne les modalités de la détention des immigrants.

Il a été dit en comité — du moins au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, lors de ma comparution — qu’il s’agit d’une mesure de dernier recours. Je tiens à le souligner de nouveau. L’ASFC traite près de 30 millions de demandes de ressortissants étrangers — de non‑citoyens — chaque année. Nous en détenons peut-être 5 000. Près de la moitié d’entre eux sont libérés dans les 48 premières heures. On se retrouve donc avec un petit nombre résiduel.

Parmi ceux qui restent en détention, un certain nombre pourraient présenter des comportements inacceptables. Il peut s’agir, par exemple, de personnes qui sont condamnées — que ce soit au Canada ou à l’étranger — dans un contexte différent pour diverses infractions graves, notamment des infractions sexuelles, des actes de violence et des infractions relatives aux armes. Ces personnes pourraient aussi avoir une conduite qui n’est pas nécessairement facile à gérer dans le contexte des établissements à sécurité minimale, ce à quoi l’ASFC a actuellement accès dans ses centres de surveillance de l’immigration.

Même si des efforts sont en cours pour transformer nos centres de surveillance de l’immigration, la possibilité d’utiliser des installations spécialisées qui seront administrées par l’ASFC dans un établissement du Service correctionnel du Canada a été considérée comme une solution appropriée dans les circonstances, et c’est la raison pour laquelle la ministre a présenté cette mesure.

La sénatrice Pate : Je suis tentée de sauter tout de suite dans le vif du sujet. J’aimerais d’abord poser une question aux représentants d’Emploi et Développement social Canada.

En ce qui concerne les dispositions d’appel relatives à la prestation canadienne pour les personnes handicapées, l’alinéa 10.1b) de la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées prévoit le droit d’interjeter appel de toute décision qui porte sur le montant de la prestation canadienne pour les personnes handicapées qui a été versée ou qui sera versée. Je suis consciente que la décision de fixer la prestation à seulement 200 $ par mois n’est pas de votre ressort, mais voici ce qui me frappe : sur quoi portera l’appel? À quoi bon faire appel d’une décision si le montant maximal s’élève à 200 $? Vous attendez-vous à ce que le processus d’appel permette de verser des prestations supérieures au montant de 200 $ par mois qui est actuellement versé? Sinon, quelle analyse avez-vous faite pour déterminer combien de personnes sortiront de la pauvreté? Si vous pouviez fournir ces données désagrégées — dans la mesure du possible — par région, par sexe et par race, ainsi que, évidemment, par degré d’invalidité, ce serait très utile.

Nous vous serions également reconnaissants de nous dire si les provinces, les territoires et les compagnies d’assurances se sont déjà engagés à ne pas récupérer ce montant — je suppose que cela fait partie du processus d’appel — et si des modifications sont envisagées concernant ces dispositions.

Voilà donc les questions que je vous pose, et je passerai ensuite au Service correctionnel du Canada. Pour revenir aux observations de la sénatrice Ross, j’ai été frappée d’entendre M. Desmarais parler des raisons pour lesquelles les gens sont détenus. D’après mon expérience, dans le cadre de ce processus, les gens sont habituellement détenus dans des centres de surveillance de l’immigration une fois qu’ils sont jugés admissibles à une mise en liberté sous condition par l’entremise du processus correctionnel, ce qui signifie qu’en fait, ils sont admissibles à une libération conditionnelle. Autrement dit, leur évaluation du risque est habituellement liée à leur risque de prendre la fuite, auquel cas ils sont placés dans un établissement provincial.

Étant donné que ces gens sont souvent détenus d’abord dans un établissement fédéral, comptez-vous les garder dans un établissement fédéral — là où ils se trouvent déjà — lorsque leur dossier sera évalué ou traité en vue d’un renvoi?

J’aimerais vous entendre en premier, avant de passer aux autres, et, si nous n’avons pas le temps d’obtenir une réponse complète, vous pourrez toujours nous fournir une réponse par écrit. Je vous remercie.

Lorraine Pelot, directrice générale, Direction générale de la sécurité du revenu et du développement social, Emploi et Développement social Canada : Merci, sénatrice. Je suis la directrice générale du Bureau de la condition des personnes handicapées à Emploi et Développement social Canada.

En ce qui concerne la première question, c’est-à-dire la nécessité d’un processus d’appel pour une prestation de 200 $, si j’ai bien compris, tant la Loi sur la prestation canadienne pour les personnes handicapées que le règlement proposé seront adaptés aux divers niveaux de la prestation, peu importe le montant actuel ou éventuel des versements. Les propositions tiendront compte de différents scénarios.

Il y a un engagement dans le cadre législatif pour que les personnes qui reçoivent la prestation puissent d’abord demander un réexamen auprès d’autres fonctionnaires du ministère, avant de passer au processus d’appel. Ce qui est proposé dans le projet de loi, à la demande des Canadiens et des personnes handicapées, c’est le recours à un tribunal administratif — soit le Tribunal de la sécurité sociale — pour rendre le processus d’appel plus facile et plus accessible.

En somme, je dirais que le processus d’appel proposé est le même, peu importe le montant des prestations versées.

La sénatrice Pate : Je vois. Qu’en est-il des données sur le nombre de personnes qui sortiront de la pauvreté et sur les mesures de récupération par les compagnies d’assurances, les provinces et les territoires?

Mme Pelot : En ce qui a trait aux données désagrégées, je peux vous faire parvenir les chiffres dont nous disposons à ce sujet.

Quant aux mesures de récupération provinciales et territoriales, des discussions sont en cours avec les provinces et les territoires, entre des fonctionnaires de divers échelons et entre les ministres. Nous n’avons pas encore pris de décision ferme, mais, bien entendu, les provinces et les territoires ont récemment reçu les chiffres en même temps que l’annonce du budget. Nous travaillons en étroite collaboration avec eux pour nous assurer que les gens bénéficient du plein montant de la prestation canadienne pour les personnes handicapées.

La sénatrice Pate : Si vous avez prévu des sommes pour les poursuites qui pourraient être intentées par des personnes handicapées, pourriez-vous ajouter cette information à ce que vous allez nous transmettre? Si vous n’avez encore rien prévu à cet égard, alors la question évidente est la suivante : pourquoi pas? Je vous remercie.

M. Desmarais : Il y a une interaction entre le système de justice pénale et le système d’immigration. Je pense que vous comprenez cette interaction. Le système de justice pénale prend toujours le dessus. Il a préséance sur l’immigration, et c’est ce qui aboutit à la détermination de la peine.

Il est important de noter que deux évaluations du risque distinctes sont menées. Il y a des dispositions particulières en matière d’immigration qui précisent dans quelles circonstances une personne doit être détenue. Ces décisions peuvent faire l’objet d’une révision par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada; c’est donc un autre tribunal.

La décision de placement est prise par l’ASFC. Ce n’est pas parce qu’un détenu est libéré à la suite d’une incarcération pénale dans un pénitencier fédéral qu’il sera forcément placé dans un poste d’attente désigné, par exemple. Cette évaluation du risque tiendra compte d’un certain nombre de critères différents, y compris la conduite de la personne.

Ainsi, à l’heure actuelle, 30 % des détenus de notre centre de surveillance de l’immigration ont déjà commis des actes criminels. C’est plutôt la conduite de la personne qui sera un indicateur du placement.

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’ai cinq questions et j’aimerais avoir des réponses courtes. La première porte sur l’article 326 de la section 31; le sénateur Smith y a fait référence, parce que nous avons eu des gens d’Imperial Tobacco cet après-midi. Est-ce que j’ai raison de penser que l’inquiétude de cette compagnie et d’autres, c’est que le ministre fixerait par arrêté les conditions de vente, de mise en marché, d’étiquetage, d’emballage, et cetera? Donc, certains croient que c’est un autre beau scénario comme celui de la cigarette.

Est-ce que j’ai raison de penser que le pouvoir qui est confié au ministre ne peut s’exercer que par arrêté et que, en vertu de l’article 30.03, l’arrêté est soumis à la Loi sur les textes réglementaires? Donc, il doit être publié à l’avance. Nous pouvons recevoir la consultation, puis adopter le règlement, sauf s’il ne vise qu’une personne. Qu’est-ce que nous entendons par le mot « personne » à l’article 30.03?

Mme Lourenco : Une personne, c’est quand il y a des exemples où l’on veut avoir un arrêté ministériel pour un certain produit, une certaine compagnie.

Le sénateur Dalphond : Ce peut être une seule compagnie qui est visée?

Mme Lourenco : Oui, c’est possible.

Le sénateur Dalphond : Donc, un seul produit.

Mme Lourenco : Un seul produit, c’est cela.

Le sénateur Dalphond : Donc, ils ont raison de penser que cela pourrait les viser et que leur système d’application ne s’appliquerait pas? Il y aurait donc une publication des avis, avec une période de consultation, puis une adoption?

Mme Lourenco : Nous prévoyons toujours d’avoir une période de consultation, même si c’est avec une seule compagnie. Nous allons consulter la compagnie avant de mettre en place l’arrêté ministériel.

Le sénateur Dalphond : Donc, on fera la publication dans la Gazette du Canada, pour qu’on puisse tenir les périodes habituelles de consultation?

Mme Lourenco : On peut utiliser ou non la Gazette du Canada; cela dépend si c’est urgent ou non, mais il y aura des consultations, évidemment.

Le sénateur Dalphond : Merci. J’ai une question qui porte sur la section 38, concernant les réfugiés, le traitement des dossiers et l’accélération de ce traitement. J’ai compris que le Comité des finances de la Chambre des communes avait supprimé la section 38. Est-ce que cela causera des problèmes sérieux dans les opérations?

[Traduction]

M. Hollmann : Les mesures proposées en vertu de cette loi visent à améliorer le système et à en accroître l’efficacité.

Le sénateur Dalphond : Vous avez déjà dit cela, mais cette section a été supprimée hier au comité. Elle pourrait être présentée de nouveau à l’étape de la troisième lecture, mais sa suppression serait-elle vraiment une mauvaise chose?

M. Hollmann : Nous travaillons dans un contexte où, selon les estimations du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, 130 millions de personnes seront déplacées de force d’ici la fin de l’année. Le Canada n’est pas à l’abri de l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile. En 2022, nous avons reçu 92 000 demandes. L’année dernière, nous en avons reçu 144 000. Ce que nous essayons de résoudre grâce aux mesures — au regard du contexte que j’ai évoqué dans ma déclaration préliminaire —, c’est un système mis à rude épreuve et des arriérés qui ont une incidence sur les clients et les délais d’attente avant d’obtenir une confirmation.

Le sénateur Dalphond : Je comprends cela. Le retrait de la section 38 vous causera-t-il de sérieux problèmes?

M. Hollmann : Eh bien, cela signifie que le Canada continuera d’appliquer l’approche utilisée aujourd’hui dans le système d’octroi de l’asile, approche qui est plus lente, y compris pour les demandeurs d’asile.

Le sénateur Dalphond : La section 39 — un amendement — a fait en sorte que la durée maximale soit de cinq ans. Vous êtes au courant, je présume? Hier, le comité a modifié les procédures qui prévoyaient des raisons sérieuses pour décider qui peut aller dans l’unité spéciale. Ce serait très limité, et la décision doit être prise par le ministre afin que la procédure soit respectée. Je comprends cela. Pour moi, il s’agit d’une amélioration substantielle et d’un grand pas en avant qui répond à de nombreuses préoccupations des parties prenantes.

L’autre changement consistait à limiter la durée maximale d’application de la loi à cinq ans — l’article 441 a été amendé. Vous avez dit qu’il s’agissait d’une mesure temporaire. Seriez-vous à l’aise avec une durée de cinq ans?

M. Desmarais : Comme je l’ai mentionné, l’intention a toujours été d’avoir des mesures temporaires. Les mesures mises de l’avant par le gouverneur en conseil étaient limitées à cinq ans, avec la possibilité d’une prolongation de cinq ans.

Le sénateur Dalphond : Ce n’est plus le cas.

M. Desmarais : Ce n’est plus le cas. Il s’agira maintenant d’une période unique de cinq ans, ce qui nous donnera le temps de réexaminer la question et de mettre en œuvre d’autres options.

Le sénateur Dalphond : Vous pourrez donc vous accommoder de cet amendement?

M. Desmarais : Oui, je le pourrais.

Le sénateur Dalphond : En ce qui concerne l’article 21 sur l’économie de petits boulots, je crois comprendre qu’il ne s’applique qu’aux entreprises réglementées constituées en vertu d’une loi fédérale.

M. Wolfe : Je vous remercie de votre question. Oui, c’est tout à fait exact, donc les entreprises réglementées par le gouvernement fédéral...

Le sénateur Dalphond : Les entreprises réglementées par des gouvernements provinciaux ne sont donc pas concernées. Une province a-t-elle des dispositions similaires où la présomption est que vous êtes un employé au lieu d’être un entrepreneur indépendant?

M. Wolfe : Non, pas à ma connaissance.

Le sénateur Dalphond : Vous seriez donc des précurseurs — vous enverriez un message.

M. Wolfe : On peut le dire ainsi, oui.

Le sénateur Dalphond : Et le message s’appliquerait à environ 5 à 10 % des employés?

M. Wolfe : C’est exact.

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie.

[Français]

Le sénateur Gignac : Bienvenue aux témoins. Ma question s’adresse à Santé Canada. On va parler de la section 12; on va d’abord parler des chiffres. Au fond, c’est une entente qui a été conclue en février 2023 entre les provinces et le gouvernement fédéral pour une garantie de 5 %, si je comprends bien, en ce qui a trait aux taux de croissance des transferts en matière de santé pour s’assurer que les provinces ont au moins 5 % de progression.

Je suis curieux de savoir ceci : dans les notes d’information qu’on nous a données au bureau du représentant du gouvernement, on parle d’un coût d’environ 15 milliards de dollars, selon les estimations sur 10 ans; est-ce bien le cas?

Voici ma question précise : tout cela semble basé sur des prévisions relatives au PIB nominal. En quoi cela peut-il coûter plus ou moins de 15 milliards de dollars? Pouvez-vous en dire un peu plus sur la formule? J’aurai une deuxième question par la suite.

Mme Lourenco : Merci de votre question. Est-ce que nous pouvons avoir la question par écrit? Nous n’avons pas de représentants ici.

Le sénateur Gignac : Pas de problème, je la transmettrai par écrit. On va parler plutôt des conditions. Pour avoir cette garantie de 5 %, il faut que les provinces répondent à certaines conditions, donc qu’elles acceptent le partage, la collecte et les échanges de données. Est-ce que toutes les provinces se sont soumises à ces conditions, au moment où l’on se parle? On sait que le Québec a toujours l’épiderme sensible quand vient le temps d’avoir des transferts conditionnels, comme c’est le cas ici. Est-ce que toutes les provinces se sont soumises aux conditions? Dans l’affirmative, de quels genres de conditions s’agit-il en matière de données?

Mme Lourenco : Merci de votre question. Si vous êtes d’accord, nous pourrons y répondre par écrit.

Le sénateur Gignac : Je vais laisser du temps à mes collègues pour qu’ils posent leurs questions, parce que les miennes tournaient autour des mêmes éléments. On parle quand même de 15 milliards de dollars sur 10 ans. Ce sont de gros montants. Ce sont des formules mathématiques. Tout cela est basé sur des scénarios, alors je vais soumettre ma question par écrit.

Le président : Pourriez-vous nous répondre assez rapidement, parce que c’est le projet de loi C-69?

Mme Lourenco : Ce n’est pas mon domaine, malheureusement. On va vérifier.

Le président : Je comprends.

Le sénateur Gignac : C’est par rapport à la section 12 qui nous avait été présentée.

La sénatrice Oudar : Merci à tout le monde d’être ici ce soir. Mes questions portent sur les sections 21 et 22, notamment sur les modifications au Code canadien du travail. Je vais peut-être conclure l’échange que vous venez d’avoir; on parle de stratagèmes, donc d’employeurs qui cherchent à contourner les lois du travail pour éviter de payer des charges sociales, comme la santé et la sécurité du revenu, et de couvrir un employé qui est véritablement un salarié. Je suis contente d’entendre les réponses qui ont été données.

Dans les chiffres qui nous ont été fournis et les documents que nous avons, on parle de 41 000 travailleurs. Il y en a dans le transport routier — on en a parlé — et aussi dans la messagerie; il y a les pigistes, les artistes, les livreurs — on pense à Uber et à Uber Eats —, etc. Ce sont des chiffres qui datent de 2016. Avez-vous des données plus récentes que le chiffre de 41 000 travailleurs? Tout à l’heure, vous disiez que vous avez fait beaucoup de consultations. Est-ce qu’on peut avoir des chiffres à jour? Combien de travailleurs cela vise-t-il aujourd’hui?

Le président : Les exemples que vous avez donnés sont surtout de compétence provinciale. Cela doit quand même réduire le chiffre.

La sénatrice Oudar : On parle ici du Code canadien du travail. La question qui vous est posée porte seulement sur la compétence relative au Code canadien du travail, donc sur les entreprises fédérales. Quand on parle de transport routier, c’est un secteur interprovincial. Pour toutes les entreprises sous réglementation fédérale, dans les télécommunications, par exemple, avez-vous un chiffre plus récent que ce qui nous a été fourni?

M. Wolfe : Merci de votre question. Malheureusement, on n’a pas de données plus récentes. C’est tout ce qu’on a. C’est un problème. On travaille avec Statistique Canada pour avoir des données plus récentes, mais c’est évident que les chiffres augmentent. La plupart des gens qui sont des travailleurs autonomes sont dans les provinces et les territoires. C’est évident qu’il y en a aussi un bon nombre au gouvernement fédéral.

La sénatrice Oudar : Puisque ma deuxième question portait sur l’évasion fiscale, j’imagine que la réponse est du ressort du ministère des Finances. Il n’y a pas d’évaluations qui ont été faites sur ce qui sera prélevé en impôts et versé au ministère des Finances? Il n’y a pas de données à ce sujet?

M. Wolfe : C’est une bonne question et c’est vrai qu’on n’a pas de chiffres, malheureusement. Je suis désolé.

La sénatrice Oudar : On a posé la question hier aux représentants du ministère des Finances. Je ne sais pas si vous vous êtes parlé. Il n’y avait pas plus de réponses.

Je passe directement au droit à la déconnexion, qui est une mesure importante. Je ne peux que saluer cette mesure et vous remercier. Vous rejoignez la France, l’Allemagne, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et bien d’autres pays, j’espère. J’étais très heureuse de voir cela. Ensuite, j’ai lu le projet de loi — je suis à la page 243 du budget. J’ai aussi regardé les modifications à la loi, mais j’ai constaté qu’il n’y avait pas de date d’entrée en vigueur. Quel est le plan de match? Pourquoi, s’il n’y a pas de date d’entrée en vigueur, indique-t-on que c’est par décret? Vous allez sûrement me dire que puisqu’il faut d’abord un règlement et qu’il faut que celui-ci soit prépublié, on aurait pu prévoir une date butoir. Ce ne serait pas une vraie réponse si vous vous apprêtiez à me dire cela.

Plus spécifiquement, mon problème, c’est que les sommes de 3,6 millions de dollars commencent à être versées dès maintenant. Pourquoi ce montant est-il versé aujourd’hui, puisque la date d’entrée en vigueur est inexistante? On n’est pas naïf; s’il n’y a pas tout de suite d’implications ni de règlements, on peut présumer que les employés, les travailleurs et les travailleuses n’en verront pas les bénéfices avant 2026 et même plus tard.

Je ne comprenais pas pourquoi il y avait des sommes qui étaient versées dès maintenant.

Est-ce que ces sommes sont versées au Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada, qui touche les salaires, ou est-ce qu’elles sont versées aux entreprises, pour les aider à développer des politiques?

M. Wolfe : Merci beaucoup pour la question. C’est vrai qu’il faudra du temps pour rédiger les règlements. Le Programme du travail a du travail à faire. Il faudra du temps pour cela et il faudra des personnes pour faire ce travail. Le montant servira donc à faire ce travail.

La sénatrice Oudar : Le montant de 3,6 millions de dollars, c’est pour les salaires des employés chez vous —

M. Wolfe : C’est exact.

La sénatrice Oudar : — et non des subventions versées aux entreprises pour les aider à développer des politiques. Il n’y a pas de sommes versées aux employeurs et dans les milieux de travail?

M. Wolfe : Non. C’est vraiment pour le gouvernement, pour qu’il fasse le travail requis par rapport aux règlements.

La sénatrice Oudar : Est-ce que vous avez une idée de la date, du plan de match? Qu’est-ce que vous visez comme date d’entrée en vigueur?

M. Wolfe : Premièrement, pour faire les règlements, il faut environ 18 mois. On ne sait jamais, mais normalement, c’est le temps que cela prend.

La sénatrice Oudar : Dix-huit mois; on va vous surveiller. Est-ce que j’ai encore du temps, monsieur le président?

Le président : Non.

La sénatrice Oudar : Je voulais parler de harcèlement sexuel, mais ce sera pour une autre fois.

Le président : Peut-être lors de la deuxième ronde de questions.

Monsieur Wolfe, j’ai des questions pour vous. C’est la première fois que je vois cela. Je ne sais pas si d’autres collègues avocats ont déjà vu cela, mais on écrit une présomption. L’objectif d’une présomption est de faciliter la preuve lors d’une poursuite. Vous donnez une présomption indiquant que la personne qui reçoit une rémunération d’un employeur est présumée être son employé. Donc, ce n’est pas une présomption qui est irréfragable; on peut la réfuter, et on le dit d’ailleurs, sauf preuve contraire de l’employeur. Tout de suite après, on dit que la présomption ne s’applique pas dans le cadre des poursuites engagées sous le régime de la présente partie, alors à quoi sert-elle?

M. Wolfe : Je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.

[Traduction]

L’idée derrière la présomption est vraiment de tenir compte des cas où le statut d’une personne est contesté, à savoir si elle est un employé ou un entrepreneur indépendant. L’idée est d’avoir une présomption qui dirait que la personne est considérée comme un employé, car dans bien des cas, nous constatons que nombre d’employés n’ont pas beaucoup de ressources pour, par exemple, embaucher un avocat ou être en mesure de prouver leur statut. S’il y a contestation, la présomption sur son état d’employé s’en trouvera facilitée. Cela sera donc utile pour...

[Français]

Le président : Vous dites que la présomption s’applique de façon administrative dans la relation employeur-employé, mais si on va plus loin et que des poursuites sont intentées par le gouvernement et par l’instance, la présomption ne s’applique plus, mais le fardeau de la preuve sera sur l’employeur, qui devra prouver que la personne n’est pas son employé.

[Traduction]

M. Wolfe : C’est exact. Pour être clair, lorsqu’une personne est, disons, un entrepreneur indépendant ou n’est pas un employé, c’est tout à fait normal. Si les arguments sont avancés, il n’y aura pas de problème. La décision devrait être assez simple.

[Français]

Le président : Parfait. Je ne veux pas trop insister, mais c’est la première fois que je vois une telle structure de rédaction. Je ne sais pas si des collègues ont déjà vu cela, mais c’est assez rare.

L’autre question que j’avais concerne les bons d’étude pour les congés de remboursement de prêts étudiants.

Je ne me souviens pas qui répondait à cette question concernant les congés pour que les personnes comme les dentistes et les hygiénistes dentaires, les travailleurs sociaux et d’autres puissent aller travailler en région.

M. Wallace : C’est moi.

Le président : À moins que je comprenne mal le système, on veut donner un congé de remboursement de prêts à des professionnels de certains métiers pour les encourager à aller travailler en région. On leur dit qu’ils auront un congé de remboursement. C’est ça?

M. Wallace : Ce n’est pas un congé de remboursement, c’est une exonération.

Le président : Une exonération?

M. Wallace : Oui, exactement.

Le président : Pourquoi viser seulement les gens qui ont eu des prêts? C’est comme si un dentiste qui n’avait pas eu de prêts et bourses ne bénéficiait pas d’avantages pour aller travailler en région, alors que celui qui en a eu a certains avantages s’il va travailler en région. Il y a espèce de discrimination entre les dentistes et d’autres métiers — je prends les dentistes comme exemple, mais ils n’ont peut-être pas nécessairement besoin d’incitatifs financiers.

M. Wallace : C’est une bonne question. On parle du Programme canadien d’aide financière aux étudiants. C’est un outil que le gouvernement fédéral utilise pour aider à résoudre le problème. Pour ce qui est des gens qui n’ont pas de prêt étudiant canadien, on n’a pas accès à leurs données. On ne peut pas utiliser cet outil.

Le président : Non, mais ils paient de l’impôt. Pourquoi ne pas offrir un crédit d’impôt en disant : « Si vous allez travailler en région, vous avez un crédit d’impôt ou votre taux d’inclusion est moindre »? Le gouvernement, au moyen des dispositions fiscales, a beaucoup de marge de manœuvre. Pourquoi ne pas utiliser des crédits d’impôt qui pourraient s’appliquer à tous les dentistes, tous les hygiénistes et tous les psychologues qui pourraient en bénéficier, et pas seulement ceux qui sont déjà dans une classe défavorisée et qui avaient des prêts et bourses?

M. Wallace : Bien sûr, ce pourrait être une autre option, mais une des raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé d’utiliser le Programme canadien d’aide financière aux étudiants, c’est parce que d’habitude, les étudiants qui reçoivent des prêts viennent de familles moins bien nanties qui n’ont pas les moyens de payer pour des études postsecondaires. L’idée, c’est que cela les aidera à exercer leur profession — et il est possible que les autres Canadiens et Canadiennes n’aient pas besoin de cette aide de la même façon.

Le président : Je comprends. Merci, je n’ai plus de questions.

Il nous reste quelques minutes. On peut faire une tournée rapide pour la deuxième ronde avec une question courte et une réponse courte. On a une rencontre après la réunion. Ce sera vraiment une deuxième ronde rapide.

Le sénateur Forest : Je vais essayer de trouver une question qui viendra avec une réponse. Ma question s’adresse aux représentants de Santé Canada. Comment la nouvelle réglementation dans le cadre de la section 44 permettra-t-elle d’améliorer la cohabitation des sites de consommation de drogue et le voisinage?

Le président : Je m’excuse. On a une minute pour la question et la réponse.

Mme Pelley : Malheureusement, je n’ai pas bien entendu.

Le sénateur Forest : Comment la nouvelle réglementation va-t-elle améliorer la cohabitation des sites de consommation de drogue et le voisinage? On a vu qu’il y avait des problèmes de cohabitation au Canada.

Mme Pelley : Il faut dire qu’on n’a pas encore consulté sur la réglementation, mais c’est assurément un aspect sur lequel on aura besoin de faire plus de consultation.

Le sénateur Forest : Merci.

Le sénateur Gignac : Je vais donner ma minute à ma collègue la sénatrice Oudar.

[Traduction]

Le sénateur Smith : Ma question s’adresse à l’Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, et elle porte sur les demandeurs d’asile déboutés. Les rapports sur les demandeurs déboutés avec des mandats actifs de l’ASFC continuent d’augmenter, ce qui soulève des questions de sécurité.

J’aimerais savoir combien de mandats actifs sont en attente d’un traitement et s’il y a quelque chose dans le budget qui vous aidera à traiter cette question des demandeurs déboutés ou des personnes avec des mandats. Y a-t-il quelque chose en place qui va vous aider? Disposez-vous du personnel nécessaire pour gérer le volume de demandeurs d’asile et de détenteurs de mandat? Si vous ne pouvez pas répondre maintenant, envoyez-nous une réponse par écrit. Ce serait utile.

M. Desmarais : Je vous remercie de votre question. Plus de 30 000 mandats sont toujours ouverts. Nous pourrons fournir des renseignements supplémentaires en réponse à la question.

Le sénateur Loffreda : Ma question porte sur les professionnels qui se rendent dans les régions et sur l’exonération du remboursement des prêts d’études. Bien que nous cherchons à encourager les professionnels à aller dans les régions, j’estime qu’il y a un manque d’équité entre ceux qui ont des prêts étudiants et ceux qui n’en ont pas. Quelle est la taille des prêts étudiants? De quel montant est-il question? Quels résultats voulons-nous obtenir et qui a été consulté? Cela dit, il ne nous reste qu’une minute, alors je vais m’arrêter là.

M. Wallace : Merci de vos questions, sénateur. Nous disposons de données sur les soldes moyens des prêts au moment de la consolidation. Pour tous les détenteurs de prêts étudiants, le solde moyen est légèrement supérieur à 15 000 $. Cependant, pour les infirmières, il est d’environ 24 000 $. Pour les médecins, il est d’environ 34 000 $. Je n’ai pas encore les chiffres pour toutes les nouvelles professions, mais nous savons que le solde des prêts est plus élevé pour certains professionnels, notamment parce que certains ont tendance à poursuivre leurs études plus longtemps. Je pense que cela répond à la première partie de votre question.

Pour ce qui est de la deuxième partie, en ce qui concerne les résultats que nous attendons, nous nous attendons à ce que cette mesure fasse augmenter le nombre de professionnels qui travailleront dans les zones rurales ou éloignées et qui y resteront.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie.

La sénatrice MacAdam : La question que j’avais a déjà été posée.

La sénatrice Kingston : J’aimerais céder mon temps de parole au sénateur Oudar, qui posera une question sur le harcèlement sexuel.

[Français]

La sénatrice Oudar : On dirait bien que tout le monde a hâte d’entendre parler de harcèlement sexuel.

Je suis à la page 291 du budget. Nous sommes heureux et heureuses de voir un gros titre comme « La lutte contre le harcèlement sexuel en milieu de travail et l’accès à la justice sont une priorité pour le gouvernement du Canada ». Nous sommes tous d’accord avec cela ainsi qu’avec le libellé qui dit que « chacun a le droit de se sentir en sécurité dans son milieu de travail », que le harcèlement sexuel au travail est inadmissible et que cela « a des répercussions sur la santé et le bien-être des personnes concernées », particulièrement pour les femmes, les jeunes, les personnes issues de la communauté 2ELGBTQI+, les Autochtones et les personnes racisées.

Toutefois, lorsqu’on regarde à quoi serviront les 30,6 millions de dollars octroyés au ministère de la Justice, on constate que c’est pour financer des services-conseils pour les victimes.

On est bien d’accord pour dire qu’il faut soutenir les victimes, mais lorsqu’on parle de lutte contre le harcèlement sexuel, on vise à ce que le harcèlement ne se produise pas, donc on parle plutôt de prévention. Or, quel est le montant prévu pour la prévention du harcèlement? Si l’on parle véritablement de lutte contre le harcèlement, je pense qu’il faut non seulement soutenir les victimes, mais faire en sorte que de tels gestes ne soient jamais plus posés.

Le président : Qui est ici pour répondre à cette question? Il n’y a donc personne qui peut répondre à cette question dans la salle?

[Traduction]

La sénatrice Pate : Ma question concerne l’Agence des services frontaliers du Canada.

L’énoncé concernant la Charte relatif aux dispositions du projet de loi C-69 n’inclut pas la détention des migrants. Pourriez-vous nous fournir quelque chose par écrit sur l’analyse faite en vertu de la Charte concernant ces articles?

M. Desmarais : Oui, assurément. Nous devrons consulter nos collègues du ministère de la Justice.

[Français]

Le sénateur Dalphond : J’ai une minute pour poser ma question et vous pourrez envoyer votre réponse par écrit. On est toujours à la section 4.

On a ajouté beaucoup de professions médicales; celles de médecin de famille et d’infirmier praticien et d’infirmière praticienne existaient déjà.

Pourriez-vous nous dire combien de gens se sont prévalus de ce système chaque année? De plus, pourriez-vous nous parler des conditions liées à cela? La loi dit : « commence à travailler dans une collectivité rurale ». Si on y travaille six mois, la dette est-elle annulée? Peut-on retourner dans la collectivité? Si l’on considère cette annulation, si vous allez travailler dans une région pour cinq ans, efface-t-on un cinquième de la dette chaque année?

M. Wallace : Monsieur le président, est-ce que j’ai le temps de répondre maintenant?

Le président : Oui, vous avez 30 secondes.

M. Wallace : Pour recevoir l’exonération du remboursement de l’équivalent d’un an de prêt, il faut avoir travaillé dans la communauté en exerçant sa profession. On peut le faire cinq fois tout au plus. Si vous retournez à l’école et vous recevez d’autres prêts étudiants, vous ne pouvez pas utiliser ce programme par la suite pour obtenir encore une exonération de prêt.

Pour les chiffres concernant les médecins de famille et les autres professions qui se trouvent actuellement dans le programme, les chiffres les plus récents indiquent qu’il y a 5 400 professionnels qui ont reçu une exonération d’une portion de leur prêt étudiant en 2021-2022. Nous prévoyons que, avec les 10 nouvelles professions, on passera à environ 27 000 personnes par année une fois la mise en œuvre du programme terminée. Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Wallace. Merci beaucoup à tous les témoins; votre présence est fort appréciée. Nous sommes parfois obligés de vous bousculer un peu et nous nous excusons du peu de temps qui vous a été alloué. Vous comprendrez qu’il n’est pas facile d’avoir un projet de loi contenant plusieurs dispositions et sections différentes, ainsi que des façons de penser différentes selon le sujet traité. Cela met fin à la réunion pour aujourd’hui.

Pour ceux qui ont pris des engagements d’envoyer des réponses par écrit ou d’envoyer des documents, vous pourrez le faire d’ici la fin de la journée du mardi 11 juin 2024. Ce serait bien apprécié de les recevoir bientôt.

Nous allons suspendre la réunion trois minutes; je vais inviter les sénateurs à rester dans la salle, car nous devons passer à huis clos afin de préparer nos directives pour le rapport.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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