37-1
37e législature,
1re session
(29 janvier 2001 - 16 septembre 2002)
Choisissez une session différente
Délibérations du comité spécial sur les
drogues illicites
Fascicule 6 - Témoignages du 17 septembre - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le lundi 17 septembre 2001
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Le Comité spécial sénatorial sur les drogues illicites se réunit
aujourd'hui à 13 h 32 pour réexaminer les lois et les politiques
antidrogue du Canada.
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Le sénateur Pierre Claude Nolin (président) occupe le
fauteuil.
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[Traduction]
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Le président: Avant de vous présenter nos distingués experts
de l'après-midi, je vous informe que le Sénat a ordonné que les
délibérations de notre comité de la 36e législature soient
consignées dans leur intégralité. Je vous informe également que le
comité à son propre site Internet qu'il met continuellement à jour
et que vous pouvez visiter en passant par le site Web du
Parlement à l'adresse www.parl.gc.ca.
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Vous trouverez sur ce site toutes les délibérations du comité,
ainsi que les mémoires et tous les documents de référence soumis
par nos témoins experts. Vous y trouverez également plus de
150 liens à d'autres sites connexes.
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[Français]
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Cet après-midi, nous discuterons plus spécifiquement de santé
publique. Nous recevons dans un premier temps le docteur
Richard Mathias, médecin et professeur d'organisation sanitaire
au Département de soins de santé et d'épidémiologie de
l'Université de la Colombie-Britannique, qui nous présentera une
nouvelle perspective en santé publique en ce qui concerne l'usage
des drogues par les Canadiens. Dans un deuxième temps, le
docteur Colin R. Mangham, Ph.D., directeur du Prevention
Source B. C., nous interpellera au sujet du vrai débat sur la
réduction des méfaits et de l'usage des drogues illicites.
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[Traduction]
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Richard G. Mathias, médecin et FRCPC, est natif de la
Colombie-Britannique. Il a été formé à l'Université de l'Alberta à
Edmonton, où il a reçu son diplôme en médecine en 1968. Après
s'être installé à Winnipeg, il a eu une bourse de recherche pour
faire de la médecine interne et étudier les maladies infectieuses en
1975. De 1975 à 1983, il a été nommé à la division de
l'épidémiologie régionale de Terre-Neuve, puis à la division de
l'épidémiologie provinciale en Saskatchewan, puis enfin à la
division de l'épidémiologie provinciale de la Colombie-Britanni
que, pour s'occuper des maladies infectieuses. En 1983, il est
passé au département des soins de santé de l'épidémiologie à
l'Université de la Colombie-Britannique, à titre de professeur à la
division de la pratique de la santé publique.
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En cours de route, il publiait plus de 70 articles ayant fait
l'objet d'une évaluation impartiale et donnait de nombreux cours
et conférences. En 1989-1990, il passait une année sabbatique à
l'Institut de la recherche médicale en Malaysia. En 1995, il
participait à un échange avec le laboratoire de lutte contre la
maladie à Ottawa à titre de directeur du nouveau bureau de
surveillance et de l'épidémiologie régionale.
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Il est de retour à l'Université de la Colombie-Britannique
depuis septembre 1997. Le Dr Mathias était également jusqu'en
mai 1998 rédacteur-réviseur scientifique à la Revue canadienne
de santé publique. En octobre et en novembre 1998, il faisait
office de conseiller auprès de l'OPS/OMS. Il a comparu à la
Commission Keever et à la Cour suprême de la Colombie-Britan
nique et de l'Ontario à titre d'expert en santé publique.
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Cette année, il présidait la division de la pratique en santé
publique au département des soins de santé et de l'épidémiologie
de la faculté de médecine à l'Université de la Colombie-
Britannique. Il est également directeur du programme de résident
en médecine communautaire. Pendant son année sabbatique, il
projette de rédiger une monographie sur les politiques gouverne
mentales en matière d'utilisation des drogues.
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Docteur Mathias, la règle est simple: Nous vous accordons de
30 à 40 minutes pour présenter votre mémoire, après quoi mes
collègues et moi-même voudrons sans doute vous poser des
questions. Vous avez la parole.
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Le Dr Richard Mathias, professeur au Département des
soins de santé et de l'épidémiologie, Université de la
Colombie-Britannique: Honorables sénateurs, c'est un plaisir
pour moi de comparaître aujourd'hui et je vous remercie de
m'avoir invité. Sachez que vous risquez de m'entendre plus
longtemps que le temps imparti, car c'est toujours un défaut chez
un professeur d'université.
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Je suis reconnaissant à l'université de m'avoir titularisé,
puisque la titularisation permet aux enseignants de la faculté de
réfléchir à de grandes problématiques et de pousser certaines
réflexions à ce qui est, je l'espère, leur conclusion logique. C'est
ce que j'entends faire avec vous aujourd'hui. J'espère que cela
pourra vous intéresser.
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Je voudrais tout d'abord définir ce que j'entends par «santé
publique». Il s'agit d'un effort organisé dans une collectivité pour
protéger et pour promouvoir la santé de sa population ou pour
remettre celle-ci en santé. La grande question, c'est aussi:
Qu'entend-t-on par «collectivité»?
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Il s'agit évidemment d'un groupe de gens, mais encore? En
général, les efforts que déploie l'État en matière de santé publique
se concentrent dans une région ou dans une ville - autrement
dit, dans une grande collectivité. On peut définir néanmoins des
groupes beaucoup plus petits: Ainsi, à Vancouver, il existe une
association, la «Downtown East Side Association», qui considère
ses efforts déployés en vue de protéger et de promouvoir la santé
publique de ses citoyens comme étant des efforts de santé
publique, et il nous faut le reconnaître.
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Je suis sûr que vous avez vu à maintes reprises la définition des
objectifs de la santé publique tels qu'énoncés par l'Organisation
mondiale de la santé. Ces objectifs mettent l'accent sur la
réalisation des aspirations personnelles et la capacité de s'adapter
à son environnement. Ce sont là les objectifs de la santé publique
et c'est ce sur quoi je me fonde pour vous faire des propositions.
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Cette vision doit toutefois se fonder aussi sur des principes
déontologiques. Il va de soi que la médecine se fonde sur des
principes de bioéthique et de déontologie. Le principe déontologi
que qui s'applique à l'individu, c'est le respect de l'autonomie;
autrement dit, l'individu a le droit de prendre lui-même les
décisions qui le concernent. Ce principe se fonde sur la
non-malveillance, ce qui signifie qu'on ne doit pas nuire à autrui.
Dans la mesure du possible, il faudrait aussi faire du bien à autrui.
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Il faut également suivre les principes de la justice naturelle; par
conséquent, les programmes doivent être instaurés en toute
connaissance de cause de la part des individus concernés. C'est ce
qu'on appelle ici la vision individuelle et bioéthique de la
médecine.
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Toutefois, étant donné que la santé publique s'adresse à des
collectivités, on en est toujours à définir la vision déontologique à
cette santé publique.
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Ainsi, le Dr Mann qui dirigeait le programme du sida de
l'Organisation mondiale de la santé jusqu'à il y a quelques années
à peine, fonde sa vision de la déontologie de la santé publique sur
les droits de la personne et la justice sociale. Par conséquent, toute
vision de santé publique doit répondre aux normes de justice
sociale et des droits de la personne.
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Cette norme déontologique implique une responsabilité parta
gée à l'égard de la collectivité. Autrement dit, ce principe veut
que l'on ne fasse pas courir de risques à un segment de la
collectivité parce que l'on perçoit un risque ailleurs. Dans mon
mémoire, je donne l'exemple des coussins gonflables. De l'avis
de tous, l'avènement des coussins gonflables a fait en sorte que
beaucoup d'adultes ont évité des blessures lors d'accidents de la
route. Malheureusement, cela nous a conduits à transférer ce
risque aux enfants et nourrissons. En effet, les coussins gonflables
en ont tué beaucoup de ces petits, ce qui est inadmissible du point
de vue de la santé publique. C'est parce qu'on avait demandé aux
petits d'assumer un risque qui pouvait présenter des avantages à
d'autres. Attention de ne pas répéter l'erreur.
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Pour revenir au fondement de ma vision, il faut comprendre
que toute la problématique de la bioéthique tourne autour du
consentement éclairé qui permet à l'individu de faire une
hypothèse et de déterminer si une mesure donnée présente pour
lui plus d'avantages que de risques. Sachons, au départ, que
presque tout ce que nous faisons comporte un risque. Pour exiger
une absence totale de risque, il faudrait inscrire un zéro comme
dénominateur de cette équation. Or, c'est impossible, ce qui
prouve que rien, absolument rien, n'est sans risque.
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Il faut toutefois optimiser les avantages par rapport au risque,
ce qui est fondamental et implique le consentement éclairé de
l'individu. Dans le cas des drogues, il s'agit notamment de définir
la clientèle dont nous parlons. La terminologie dont je me sers est
celle qui est employée dans les rapports de l'Institute of Medicine.
Il y a d'abord l'usager, c'est-à-dire celui qui a, un jour ou l'autre,
consommé de la drogue. Il peut s'agir d'un usager actuel ou d'un
usager passé. Ensuite, il y a celui qui fait un usage abusif de la
drogue, au point où cette consommation abusive l'a rendu malade
ou lui a causé des difficultés personnelles ou sociales. Je ne suis
sans doute pas le seul a avoir fait cela, mais lorsque j'étais
adolescent, tout particulièrement, je me rappelle avoir parfois
abusé d'alcool. Enfin, il y a celui qui consomme régulièrement de
la drogue et à une fréquence qui est déterminée par le besoin de
maintenir un équilibre dans le centre de récompense du cerveau. Il
s'agit d'une définition de type biologique, et elle implique que si
la drogue n'est pas accessible dans l'immédiat, le toxicomane
voudra en trouver, quels qu'en soient les coûts personnels,
sociaux et financiers.
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La première fois que j'ai présenté ces définitions, on m'a
signalé que la définition de «dépendance», pour celui qui en
consommait régulièrement, était inadéquate parce qu'il existait
deux types d'individus ayant une dépendance. Dans un premier
cas, il y a ceux qui assument bien leur dépendance: la drogue est
disponible, elle ne leur coûte pas trop cher et elle ne les empêche
pas de fonctionner normalement d'un point de vue personnel,
social et, en général, financier. Ainsi, les utilisateurs de tabac, qui
est facilement disponible au Canada, répondent à cette définition.
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Dans la deuxième catégorie, on trouve les personnes qui
souffrent de dépendance mais qui n'ont pas les moyens financiers
de se l'offrir ou dont le fonctionnement est perturbé par l'action
de la drogue, ce qui entraîne une dysfonction dans les tâches
normales, par exemple comme dans l'emploi. C'est à ce
deuxième type de personnes que l'on pense lorsque l'on parle de
toxicomane.
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Je vais maintenant aborder le cas de plusieurs différentes
drogues dont il question dans le cadre de la santé publique, et il y
en a plus que ce dont nous avons parlé jusqu'à maintenant. Il y a
deux chiffres qui m'intéressent pour chacune de ces drogues. En
premier lieu, il y a une estimation du pourcentage d'usagers dans
la population. Dans le cas de la marijuana, il s'agit de 46 p. 100.
Or, de ces 46 p. 100, on estime à 9 p. 100 le nombre de ceux qui
en consomment régulièrement.
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Je n'ai pas pu trouver de chiffres pour le khat ou le coca, qui
est, dans ce dernier cas, le produit non transformé. Dans le groupe
de produits transformés, on trouve notamment le hachisch,
l'opium, la caféine, le tabac et l'alcool. Ce sont tous des produits
transformés ou manufacturés ingérés ou fumés. Dans le cas du
tabac, 76 p. 100 de la population en a déjà fumé, et ce sont donc
des usagers; mais seulement 32 p. 100 de ces usagers en
prennent régulièrement. Cela m'a quelque peu surpris, car j'avais
cru que le pourcentage de consommateurs réguliers serait plus
élevé.
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Quant à l'alcool, 92 p. 100 de la population en a déjà
consommé, et seulement 15 p. 100 d'entre eux en consomment
régulièrement.
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J'attire votre attention sur le cas de l'héroïne. Nous avons
souvent l'impression qu'il n'y a pas de véritables «usagers»
d'héroïne, mais c'est à tort. En effet, même si ce n'est qu'une
toute petite partie de la population - 2 p. 100 - qui a un jour
ou l'autre consommé de l'héroïne, seulement 23 p. 100 d'entre
eux en utilisent régulièrement. Il n'y a que 16 p. 100 de la
population qui ait un jour ou l'autre consommé de la cocaïne,
mais seulement 17 p. 100 d'entre eux ont développé une
dépendance. Il s'agit partout de chiffres américains.
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Ce qu'il faut bien comprendre dans un cadre de santé publique,
c'est qu'il y a d'une part ceux qui ont un jour consommé de la
drogue et, d'autre part, ceux qui en consomment régulièrement.
Cela ne nous dit cependant pas chez combien d'entre ceux qui en
consomment régulièrement il y a compensation ou décompensa
tion.
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Je me suis intéressé à un groupe de toxicomanes que
M. Bruce Alexander avait réunis et qui faisaient de l'héroïnoma
nie compensée. Il s'agit d'héroïnomanes de longue date qui
travaillent et qui correspondent clairement au groupe de dépen
dants dits compensés. Il faut au départ comprendre clairement
quels sont les objectifs visés avant d'élaborer un cadre juridique
ou avant de chercher des solutions dans une perspective de santé
publique. Il faut tenir compte des différences d'utilisation.
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Du point de vue de la santé publique, il est évident que celui
des groupes qui nous intéresse le plus, c'est celui des dépendants
décompensés, autrement dit ceux qui rencontrent des difficultés
énormes d'ordre personnel, social et financier. Autrement dit, la
drogue nuit à toutes les différentes facettes de leur vie. Il faut
pouvoir traiter ces gens. Étant donné que les toxicomanies sont
des maladies sporadiques et chroniques du cerveau, et je m'en
tiendrai au modèle médical pour la définition; ce qui importe le
plus dans le cas de la toxicomanie décompensée, c'est d'empê
cher la rechute.
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À mon avis, et vous entendrez certainement des témoins qui s'y
connaissent plus que moi en matière de traitement, tout
programme de traitement doit reconnaître qu'il s'agit d'une
maladie chronique et récurrente et qu'il ne faut donc pas pénaliser
ceux qui en souffrent. Par conséquent, nos programmes doivent
être conçus en fonction de la récidive. On veut évidemment
travailler à empêcher la rechute, mais il faut comprendre qu'elle
existe.
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Le deuxième sujet qui peut constituer un objectif de santé
publique est la prévention et l'atténuation des effets directs de la
drogue. Je les qualifie d'«effets toxiques» avec réticence, car le
mot «toxique» signifie différentes choses dans notre société: on
parle, par exemple, d'air toxique. Néanmoins, je veux parler des
effets de la drogue qui sont préjudiciables à l'utilisateur.
Évidemment, la prévention ou la réduction de ce préjudice
lorsqu'elles sont possibles constituent un objectif de santé
publique.
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On peut procéder par la prévention de l'utilisation de la drogue.
C'est la formule prohibitionniste qui consiste à dire: «Pour
prévenir ou pour réduire les effets toxiques, il s'agit de dire non.»
Cependant, la formule retenue en santé publique consiste à réduire
la dose à un niveau sûr qui ne dépasse pas la capacité de
l'organisme à se régénérer.
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Dans ce contexte, on peut faire référence à l'alcool. Le
Dr Kendall a signalé tout à l'heure que l'alcool présente une
courbe en forme de «U» et qu'en quantité modérée, il réduit
globalement la mortalité. Ainsi, ceux qui n'en consomment pas
ont un taux de mortalité supérieur, de même que les gros
consommateurs. En effet, en dose faible ou modérée, l'alcool a
des effets bénéfiques pour l'organisme, aussi bien sur le plan
physiologique que dans la gestion de nombreux problèmes, en
particulier d'ordre psychologique.
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Par conséquent, la réduction à des niveaux acceptables
constitue un bon objectif de santé publique. L'organisme a une
capacité réparatrice considérable. Il peut y avoir des niveaux
acceptables. C'est également vrai pour la cigarette. On a tendance
à diaboliser la cigarette. Il est difficile de parler du tabagisme
comme d'une méthode de consommation de drogue, car en santé
publique, on assimile le tabagisme et le tabac. Néanmoins, il
existe des fumeurs qui fument de façon irrégulière ou de très
petites quantités, et dont on peut s'attendre qu'ils ne présentent
jamais les effets négatifs des maladies coronariennes, du cancer
du poumon, des maladies pulmonaires chroniques et autres
problèmes du même genre, car les doses qu'ils absorbent sont très
faibles. Des doses inoffensives sont donc possibles.
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Un autre objectif de santé publique est la prévention du
préjudice pour les autres. C'est une question très importante pour
nous. Ce dont je me préoccupe au premier chef, c'est la
prévention des dommages neurologiques chez le foetus et chez les
enfants. On ne peut tolérer que très peu de risques dans ce
domaine. Cela étant dit, on tolère en réalité un risque énorme.
L'alcool provoque le syndrome d'alcoolisme foetal. Même s'il
n'est pas très fréquent dans certaines couches de notre société, il
existe des communautés où le syndrome d'alcoolisme foetal et ses
effets causent d'énormes problèmes de santé publique auxquels il
faut absolument s'attaquer.
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D'après les rapports de l'Institut de médecine, la marijuana,
l'héroïne et la cocaïne n'auraient pas d'effets à long terme sur le
développement des jeunes. Lorsque l'on suit des enfants dont la
mère a été toxicomane pendant plus de cinq ans, on ne leur trouve
pas de différences détectables par rapport à l'ensemble de la
population. On parle ici pourtant d'un groupe de la population qui
présente un risque spécifique particulier. C'est très intéressant du
point de vue de la santé publique.
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Évidemment, il faut également s'intéresser à la réduction du
préjudice par rapport aux effets désirés d'une drogue. Nous avons
vu que l'alcool provoque un comportement agressif et que c'est là
l'un des effets souhaités de sa consommation. Les gens en
consomment pour libérer leurs inhibitions. Il est donc normal
d'essayer de réduire le préjudice découlant de cet effet souhaité. Il
en va de même pour l'ecstasy. L'un des effets physiologiques de
cette drogue est la difficulté d'évacuer la chaleur. Elle cause de
l'hyperpyrexie, c'est-à-dire une forte élévation de la température
corporelle, qui ne cause pas de problème à condition d'ingérer
suffisamment de liquide. Qu'il s'agisse d'un effet souhaité ou
d'un effet toxique, il faut de toute façon s'occuper des questions
de ce genre.
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On peut évoquer différents autres objectifs. L'un d'entre eux,
dont il sera souvent question, est la prévention de l'exploitation
des utilisateurs par les trafiquants, c'est-à-dire par ceux qui
réalisent un profit à partir de la drogue. Vous avez certainement
vu que le Journal de l'Association médicale canadienne refuse
désormais de publier les rapports de recherche des compagnies
pharmaceutiques parce que ceux dont la subsistance dépend de la
consommation de ces médicaments ont des préjugés. Ils ont un
point de vue particulier et voient la réalité d'un point de vue qui
leur est avantageux.
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Souvent, les médecins qui font ces recherches attribuent des
vertus aux médicaments parce qu'ils ont un parti pris dont ils ne
sont pas conscients. C'est la réalité. Nous devons y prêter
attention. Évidemment, l'exploitation des usagers par les trafi
quants est pour moi un sujet important. Il y a déjà eu de la
publicité pour le tabac et l'alcool. Il ne doit plus y en avoir avec
les autres drogues.
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Nous avons également évoqué le fait que les trafiquants
essaient de recruter de nouveaux toxicomanes. C'est leur marché.
Dans le quartier est du centre-ville de Vancouver, des trafiquants
essaient activement de recruter de nouveaux toxicomanes qui vont
devenir dépendants, de façon à préserver leur marché. Cela n'a
rien d'étonnant.
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La fonction de l'application de la loi dans ce modèle de santé
publique vise ceux qui exploitent les utilisateurs et donnent de
fausses indications sur les inconvénients et les avantages de la
consommation de leurs produits. Nous avons parlé de consente
ment éclairé, en disant que ce consentement devait être
véritablement éclairé. Cependant, ceux qui exploitent les consom
mateurs donnent souvent une information qui annule ce consente
ment éclairé parce que cette information est faussée. On a observé
la même chose avec d'autres drogues. Il faut être très attentif sur
ce point.
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Voici maintenant l'affirmation sans doute la plus controversée
de mon exposé: les gens prennent de la drogue pour des raisons
précises. Toutes les drogues consommées comportent des effets
positifs. Lorsqu'on parle de ceux qui consomment des drogues, on
donne l'impression qu'ils n'ont pas de volonté. Cependant, si
vous consultez des fumeurs, ils vous diront qu'ils trouvent un très
bon goût à la première cigarette du matin. Ceux qui ont une
dépendance à l'alcool vous diront qu'ils boivent parce qu'ils
aiment cela. Il en va de même de la marijuana. Ceux qui en
consomment le font parce que la marijuana leur procure un effet
positif. Ainsi, ils évaluent le pour et le contre selon la perspective
de quelqu'un qui obtient un effet positif de la drogue.
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On aurait tort d'ignorer cette réalité. Si on s'adresse à eux en
leur disant: «Voilà tous les effets négatifs de la drogue», sans
évoquer les effets positifs, nous n'aurons aucune crédibilité à leurs
yeux et nous ne pourrons pas contribuer à l'obtention d'un
consentement éclairé.
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L'un des objectifs de santé publique que je préconise consiste à
faciliter la consommation de drogues lorsqu'elle présente des
avantages physiques, psychologiques ou sociaux. À mon avis, si
la consommation de drogues est beaucoup plus forte chez les
adolescents et les jeunes adultes, c'est à cause du stress
considérable auquel ils sont confrontés. Il y a différentes façons
de remédier au stress, notamment par la consommation de
drogues, que ce soit de l'alcool ou de la marijuana. Il existe aussi
d'autres méthodes que les responsables de la santé publique
aimeraient préconiser, comme les bons résultats scolaires et
l'approbation des pairs. La pratique des sports s'avère une
solution très efficace pour obtenir une diminution de la
consommation de tabac chez les adolescents, notamment. Il faut
impérativement reconnaître les aspects positifs de la consomma
tion de drogues.
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Il faut aussi aborder certains problèmes de société du point de
vue de la santé publique. D'après le modèle des déterminants de
la santé, nous savons que la pauvreté est un facteur de
détérioration de la santé. Nous savons que les drogues illégales
occasionnent une perte économique considérable. Pour la Colom
bie- Britannique, on peut discuter des chiffres, mais le marché de
la marijuana représente des milliards de dollars. Si l'on pouvait
imposer ce marché, à raison de 10 p. 100 sur 4 milliards de
dollars, on obtiendrait 400 millions de dollars qui pourraient être
affectés à des programmes d'aide au développement de la petite
enfance. On disposerait ainsi de ressources supplémentaires pour
remédier aux problèmes dont nous avons parlé, ainsi qu'à
d'autres.
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Par ailleurs, l'un des objectifs essentiels de la santé publique est
de remettre le citoyen sur le chemin d'une vie productive. Le
dépendant compensé parvient souvent à travailler si la drogue
qu'il consomme ne l'empêche pas directement de le faire. J'ai
parlé d'un groupe d'héroïnomanes constitué en plusieurs années
par Bruce Alexander. La majorité des consommateurs de cocaïne
ont une consommation irrégulière et consomment pour améliorer
leur rendement. Les champions sportifs n'utiliseraient pas la
cocaïne si elle n'avait pas un effet stimulant leur permettant
d'améliorer leur performance. Une bonne partie de la cocaïne
consommée aux États-Unis est le fait de la classe moyenne. Elle
concerne des gens qui sont parmi les plus productifs, car c'est un
stimulant qui ne porte pas atteinte aux facultés mentales.
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En revanche, on constate une polytoxicomanie chez ceux qui
essaient d'équilibrer les effets de diverses drogues. En santé
publique, il faut se demander s'ils le font efficacement ou non.
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Je voudrais maintenant parler des stratégies de santé publique.
La première est la réglementation de l'offre et de la distribution.
Je ne prendrai pas le temps d'évoquer tous les avantages de la
culture du chanvre, mais ils sont nombreux. Le chanvre a déjà fait
l'objet d'une culture importante dans diverses régions des
États-Unis et du Canada; on s'en servait essentiellement pour
faire de la corde. Il est très utile pour maintenir le sol et pour
l'amender.
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Je laisserai ce sujet aux agronomes, qui le connaissent
beaucoup mieux que moi.
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J'aimerais parler des éléments que l'on peut souhaiter intégrer à
une stratégie de santé publique. La première question concerne le
point de vente. On dispose déjà d'une législation concernant les
médicaments oraux non concentrés. Vous avez récemment adopté
un projet de loi sur les produits naturels. On peut y lire que ceux
qui vendent ces produits ne sont pas tenus de faire des essais
cliniques. Je ne vois pas en quoi la marijuana, le khat et les
feuilles de coca peuvent être différents des autres produits naturels
que l'on utilise parfois depuis très longtemps. Ce sont des
produits naturels, ils ne sont pas concentrés et ils n'ont subi
aucune transformation. J'estime qu'ils doivent être assujettis à la
réglementation sur les produits naturels, pour ce qui est de la
pureté, de l'absence de contamination et de la concentration, et
qu'ils devraient pouvoir être vendus.
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L'imposition d'une restriction selon l'âge devrait susciter un vif
intérêt et un passionnant débat. Lorsque j'avais 12 ans et que je
voulais des cigarettes, il n'était pas difficile de s'en procurer.
Est-ce que vous souhaitez une réglementation si facile à
contourner qu'elle jette le discrédit sur l'ensemble de la
réglementation? C'est une question dont on peut débattre.
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Nous aimerions tous que l'âge légal pour acheter de la drogue
soit fixé en tenant compte de l'exigence du consentement. Une
personne suffisamment mûre pour exprimer son consentement
l'est également suffisamment pour acheter.
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Pour les produits transformés ou concentrés, il faudrait
appliquer le modèle mis au point pour l'alcool, qui a donné
d'assez bons résultats. Ces produits sont vendus dans des
établissements commerciaux licenciés. On peut évidemment situer
le contrôle à différents niveaux.
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Comme pour l'alcool, le permis ne devrait être délivré qu'à des
personnes qualifiées qui ne vendront la drogue que si elles sont
convaincues que l'acheteur a véritablement exprimé son consente
ment, après avoir pu consulter de la documentation sur les
avantages et les inconvénients du produit; le titulaire du permis
aura la responsabilité de s'efforcer de prévenir tout abus.
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Les drogues injectables posent un tout autre problème. Elles
doivent être préparées en milieu stérile, correctement dosées et
administrées par une seringue à usage unique.
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Vous avez sans doute entendu dire que les surdoses par
inadvertance causaient encore récemment environ 300 décès par
an en Colombie-Britannique. On a réussi à réduire ce chiffre de
moitié. Le rapprochement avec l'intérêt considérable suscité
récemment par l'approvisionnement en eau est intéressant. Le
nombre des personnes qui sont mortes parce qu'elles ne
connaissaient pas exactement la dose de drogue injectable qu'elles
prenaient est bien supérieur au nombre des victimes de l'eau
contaminée. On pourrait régler ce problème du jour au lendemain
en veillant à ce que les utilisateurs prennent la dose exacte et en
leur fournissant des seringues à usage unique, en particulier dans
les endroits ou 85 p. 100 d'entre eux ont l'hépatite C. Si l'on voit
ce qui s'est passé dans le domaine des transfusions, on comprend
pourquoi les perspectives de ces malades sont peu enviables.
Quinze pour cent d'entre eux sont séropositifs. Ce n'est pas un
effet de la drogue ou de l'héroïne. C'est un effet du mode
d'injection, qui est directement imputable au fait que ces drogues
sont illégales. Dans mon modèle de santé publique, si la drogue
n'était pas illégale, je pourrais éliminer presque immédiatement
de 90 à 95 p. 100 des partages de seringues. Quand on considère
les préjudices causés par les drogues, il faut soigneusement
distinguer les effets directement imputables à la drogue et ceux
qui résultent de son caractère illicite.
|
Je considère que les drogues injectables ne devraient être
disponibles qu'en pharmacie. Les pharmaciens sont des licenciés
et peuvent parfaitement garantir des conditions stériles. Je ne suis
pas d'accord avec M. Fisher. J'estime que si les drogues ne sont
disponibles que sur ordonnance, on va laisser de côté l'individu
qui veut en consommer à titre expérimental. L'important, c'est
d'utiliser obligatoirement des seringues à dose unique. Il existe
des seringues dont le piston se bloque une fois le contenu injecté,
et qui ne peuvent pas être réutilisées. Si ces seringues sont
disponibles, il n'est plus impératif de recourir à la prescription sur
ordonnance.
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Dans l'état actuel des choses, je considère que l'ordonnance
n'est pas indispensable lorsque la drogue est destinée à une
personne dépendante, mais qu'on pourrait l'imposer pour les
traitements de la dépendance. Lorsqu'un médecin ou un profes
sionnel de la santé diagnostique un cas de dépendance, il devrait
pouvoir prescrire un médicament pour essayer de faire passer le
toxicomane de la catégorie de la dépendance décompensée à celle
de la dépendance compensée, de façon qu'on puisse traiter la
dépendance proprement dite. L'essentiel est de faire passer le
toxicomane de la catégorie décompensée à la catégorie compen
sée.
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La stratégie de santé publique doit manifestement viser la
prévention du préjudice pour les autres. On parle ici de questions
comme l'interdiction de la conduite avec facultés affaiblies. Ce
devrait être l'une des responsabilités des établissements licenciés.
Les personnes dont les facultés sont affaiblies ne devraient pas
pouvoir conduire, et le fournisseur devrait être partiellement
responsable, comme il l'est actuellement pour l'alcool. Il existe
déjà des règlements en milieu de travail qui régissent le travail
avec facultés affaiblies. Je rappelle ce que j'ai dit en matière de
prévention des dommages pour le foetus et le nourrisson, cette
prévention devant constituer une des premières priorités pour
ceux qui s'efforcent de prévenir tout préjudice pour les autres.
|
Dans les toilettes des bars réservés aux hommes, on trouve des
affiches indiquant que la consommation d'alcool peut être
préjudiciable à l'enfant à naître. Je suppose qu'il en existe aussi
dans les toilettes des femmes. C'est là qu'il faudrait les installer
en priorité.
|
Il y a aussi des mises en garde sur les bouteilles d'alcool. Je ne
sais pas si elles sont efficaces. Il faudrait faire mieux et aborder le
problème selon une perspective beaucoup plus large, en considé
rant que les drogues causent des préjudices et non pas en se
contentant de décréter que certaines sont licites tandis que
d'autres sont illicites. C'est un véritable problème. Les mères
feraient bien mieux de prendre de la marijuana que de l'alcool, en
particulier aux doses dont nous parlons, et dans certaines
communautés.
|
Dans cette stratégie, il est essentiel d'interdire toute publicité.
Par l'exemple du tabac, on sait que les sociétés qui réalisent des
profits avec les produits de ce genre sont très habiles à persuader
les consommateurs d'acheter leurs produits. Du point de vue de la
santé publique, cela n'est pas souhaitable. Il faut donner de
l'information sur les avantages et sur les inconvénients du produit,
mais cette information ne doit pas être faussée par l'appât du gain.
|
J'espère que l'on peut faire confiance au gouvernement sur ce
point. J'étais moins dubitatif avant d'avoir vu ce qui s'est passé en
matière de jeu compulsif. Le jeu peut provoquer une accoutuman
ce dans un nombre relativement peu élevé de cas. De cinq à
15 p. 100 des jeunes qui ont accès aux appareils de loterie vidéo
développent une accoutumance au sens classique dont j'ai parlé.
Pourtant, les gouvernements n'interviennent pratiquement pas
parce que le jeu leur procure des recettes. J'aimerais pouvoir
espérer en toute confiance que les gouvernements vont s'occuper
de la santé des citoyens et refuseront de devenir des trafiquants
auprès des prochaines générations. Je pense que c'est notre
meilleure chance.
|
On ne peut sans doute pas interdire une publicité normale
comme celle que l'on trouve à Amsterdam au point d'utilisation
ou au point de vente, où le consommateur peut choisir sur une
liste de différentes variétés de marijuana. Je crois qu'il en existe
141 variétés différentes actuellement. Elles ne sont sans doute pas
toutes disponibles à tous les points de vente, mais elles existent
néanmoins.
|
Quels avantages présentent une telle situation? On pourrait
sauver immédiatement des vies, grâce à des seringues à usage
unique et à une drogue disponible en dosages précis et en
quantités suffisantes pour que les utilisateurs s'en prévalent. Un
héroïnomane s'injecte de quatre à six fois par jour. Il a donc
besoin d'une certaine quantité. Les surdoses par inadvertance,
comme je l'ai dit, posent un grave problème de santé publique qui
ne reçoit pas actuellement toute l'attention qu'il mérite. Les
infections liées aux injections sont un grave problème de santé
publique dans tous les grands centres urbains.
|
Je signale que la moitié des surdoses par inadvertance
constatées en Colombie-Britannique surviennent ailleurs qu'à
Vancouver, dans le reste de la province.
|
Ceux qui pensent qu'il s'agit là d'un problème localisé dans le
quartier est du centre-ville de Vancouver se trompent. C'est un
problème de santé publique, que l'on constate partout. On a
observé des épidémies d'hépatite C et d'hépatite B dans des
communautés relativement éloignées, qui connaissent parfois une
forte consommation de drogue.
|
On peut envisager dans ce domaine des avantages économi
ques. Une meilleure stratégie occasionnerait des gains économi
ques directs dans le secteur de l'accueil. On réalisera des gains
également dans le domaine fiscal. Il serait avantageux que cet
argent serve à venir en aide aux personnes nécessiteuses. On
pourrait aussi obtenir une réduction des coûts de l'application de
la loi, à défaut de pouvoir les éliminer, car dans la situation
actuelle, les préjudices causées aux autres, comme la conduite
avec facultés affaiblies, comportent des coûts considérables. On
devrait aussi constater une réduction rapide des coûts de soins de
santé, en particulier dans les grands centres.
|
On pourrait aussi opter pour des drogues de substitution moins
dangereuses et pour de meilleures méthodes de consommation.
Autrefois, on fumait de l'héroïne. Il est très rare que l'on
parvienne à une surdose en fumant. Si l'on peut apporter des
changements au niveau des approvisionnements, on peut aussi en
apporter en ce qui concerne les modalités de consommation.
|
La volonté des pouvoirs publics de dire aux gens comment ils
devraient se comporter sans se renseigner sur leurs niveaux de
stress et de difficultés, sans essayer de comprendre les avantages
recherchés dans la consommation de drogue, pose un problème
moral. La consommation de drogue ne répond pas à une
motivation d'ordre magique. Les consommateurs considèrent
souvent que la drogue aurait un effet bénéfique, notamment pour
atténuer le stress. Je pense qu'il existe néanmoins un problème
moral, qui mérite d'être approfondi.
|
Certains craignent une augmentation de la consommation, et en
conséquence, un plus grand préjudice pour les utilisateurs et pour
les autres. Ce problème mérite aussi qu'on s'y intéresse.
|
Il existe une question qui me préoccupe plus que les autres et
qui, je le crains, risque de vous poser de sérieux problèmes. Ceux
qui profitent de la drogue vont chercher à défendre leurs profits,
et vous ne les connaîtrez pas. Ils vont se présenter à vous avec
toutes sortes d'arguments qui vous seront soumis par des
spécialistes très efficaces et fort bien rémunérés. Qu'il me suffise
de vous rappeler la très grande efficacité des lobbyistes de
l'industrie du tabac - mais eux, vous saviez qui ils étaient. Vous
ne saurez pas qui sont les lobbyistes de ceux qui ont intérêt à ce
que les drogues restent illicites. Je vous souhaite bonne chance sur
ce point. Voilà un problème qu'il faudra régler. Vous allez subir
des pressions de la part de ceux qui vivent de la consommation de
drogues. Ils ont généralement un parti pris, conscients ou non. Je
ne prétends pas qu'ils faussent délibérément la vérité. Ils vous
présenteront la vérité, mais de leur point vue, qui peut être
déformé par des partis pris dont ils ne sont pas conscients.
|
L'autre problème, c'est que ceux qui ne voient que des
dépendants décompensés en viennent très rapidement à croire que
le monde se compose entièrement de dépendants décompensés. Ils
ne voient pas que d'autres utilisateurs, très nombreux, méritent
aussi notre protection.
|
En résumé, nos objectifs de santé publique comprennent la
réduction de l'effet direct des drogues, en particulier de leurs
effets toxiques. Il faut soumettre les effets négatifs à une
surveillance appropriée. Il faut traiter la dépendance décompen
sée. Il faut donner suffisamment d'information pour que le
consommateur puisse exprimer un consentement éclairé s'il veut
avoir accès à des drogues plus sûres, qui seront soumises à une
réglementation précise.
|
Le fait est que je crois que les drogues devraient être légalisées.
Il faudrait le faire le plus tôt possible afin de sauver la vie de
Canadiens.
|
À ma connaissance, toutes les conventions actuelles prévoient
une disposition autorisant un pays à abroger ladite convention si
c'est dans le but de sauver la vie de ces citoyens. À mon avis, la
position morale du gouvernement du Canada devrait être
d'essayer de sauver la vie de ses citoyens et d'améliorer la qualité
de la vie de ceux qui sont le plus vulnérables. Le groupe de
dépendants décompensés et le groupe de dépendants sont
composés de personnes qui sont très vulnérables qui méritent la
protection du gouvernement du Canada. Vous avez en fait le
pouvoir d'accorder à ces personnes cette protection.
|
Le président: À la fin de la réunion, après le dernier témoin,
nous passerons à une discussion générale. Vous êtes invité à rester
des nôtres si vous le désirez.
|
Dr Mathias: Merci. C'est ce que je ferai, monsieur le
président.
|
Le président: Le temps presse. Nous devrons peut-être réduire
la période réservée.
|
Le sénateur Kenny: En sommes-nous arrivés à un point où la
science n'entre plus en ligne de compte dans cette discussion sur
la politique publique? S'agit-il simplement de discuter de la
position morale ou des préjugés des gens?
|
Dr Mathias: J'ai deux réponses à cette question. Tout d'abord,
la politique publique doit être fondée sur des preuves. Il serait trop
hâtif de conclure que la preuve c'est la science. Je ne crois pas
que ces deux choses soient les mêmes. «Preuve» et «science» ne
sont pas des synonymes.
|
La preuve de préjudices est irréfutable. Nous cherchons
maintenant la preuve des avantages. La preuve démontre que
l'interdiction procure peu d'avantages mais beaucoup de désavan
tages.
|
Vous comprendrez qu'à titre de scientifique je veux mettre les
points sur les i. Cependant, la politique publique ne fonctionne
pas de cette façon. Vous ne pouvez pas attendre de mettre tous les
points sur les i si, en attendant, vous sacrifiez la vie de Canadiens.
|
La politique publique est l'art de faire converger les preuves
dont nous disposons, les questions politiques et les questions
internationales telles que vous les percevez. Je ne peux faire cela.
Je ne peux que vous offrir des conseils sur la question qui
m'occupe. La politique publique est un processus politique
justement en raison de tous ces éléments importants qui doivent
être conciliés. C'est en fait ce que vous ferez.
|
Pour ce qui est de la question morale, le Canada et les
démocraties occidentales dans l'ensemble ont une optique morale
fondée sur la tolérance; nous cherchons à démontrer de plus en
plus de tolérance, tout au moins dans notre pays, qui est
évidemment le pays que je connais le mieux. Nous devons
également faire preuve de tolérance à l'égard de ceux qui
dépendent des drogues et de ceux qui utilisent des drogues.
N'oubliez pas qu'ils le font pour une raison. Ils le font parce que
leur perception est qu'ils en tirent plus d'avantages que de
désavantages.
|
Une des causes de la tragédie de la semaine dernière est
l'intolérance. Un groupe de gens qui pensaient avoir raison se
sont livrés à cet attentat; ils avaient leur propre position morale
dans cette affaire. En fait, certains des membres du mouvement
des chrétiens intégristes extrémistes ont convenu que ceux qui
étaient morts lors des attentats étaient des personnes immorales,
ou amorales, ou que ce geste avait été décidé par Dieu pour des
raisons morales.
|
Ce genre de raisonnement est absolument répugnant aux yeux
des Canadiens. Nous devons nous garder de présenter des
arguments de moral quand ces arguments font la promotion
d'intolérance.
|
Les Canadiens doivent poursuivre leurs efforts. Je crois que
nous avons réalisé d'importants progrès et nous avons su défendre
la tolérance comme fondement de notre société. Nous devons
utiliser les preuves disponibles du mieux que nous pouvons.
Lorsque les gens ne nuisent pas aux autres, nous devrions nous
garder de juger leur comportement de peur que ces jugements ne
mettent leur santé en danger. Ça c'est mon opinion de l'aspect
moral de la question.
|
Le sénateur Kenny: Brièvement, sans trop s'écarter du sujet,
voulez-vous m'aider à comprendre certaines de vos équations. Je
n'ai jamais été très fort en algèbre. Je pensais que je comprenais
l'équation avantages-coûts. Vous parliez de l'équation avantages-
préjudices, et puis vous avez parlé de l'équation du risque. Si
j'essayais d'évaluer le risque, je comparerais les préjudices causés
aux risques que ces préjudices soient causés. Est-ce qu'il s'agit là
d'une des comparaisons dont vous parlez?
|
Dr Mathias: Ces équations sont semblables mais je les
présente dans l'ordre inverse. Je crois que recourir à l'analyse
avantages-coûts n'est pas vraiment la façon de procéder. Tout
d'abord, vous devez songer aux avantages. Vous voulez prendre le
dénominateur et en faire le numérateur. Je parle personnellement
de coûts-avantages. Nous avons les résultas que nous recherchons,
soit les avantages, puis nous déterminons le coût, plutôt que de
faire le contraire. La majorité d'entre nous préfèrent composer
avec le premier terme, soit le dénominateur, plutôt que le
deuxième, le numérateur. C'est pourquoi ici je parle de
coûts-avantages puis là d'avantages-risques. Il faut d'abord
déterminer les avantages et puis les risques. Les risques sont
fonction de la sévérité multipliée par l'incidence. Ce rapport est
également dans le dénominateur, et entre parenthèses dans les
données algébriques du dénominateur.
|
Le sénateur Kenny: Vous nous avez enjoints d'étudier de très
près la position de nos témoins pour savoir s'ils tirent profit de la
situation. Vous avez dit qu'il serait très difficile pour nous
d'identifier ceux qui profitent du trafic des drogues, et je ne crois
pas que nous ayons sur la liste des témoins, pas encore en tout
cas, des revendeurs. Certains de ceux qui se sont adressés à nous
ont dit qu'ils avaient utilisé des drogues. Mais j'aimerais savoir
comment nous pouvons identifier ceux qui profitent du trafic des
drogues.
|
Certains de nos témoins font partie de ce que j'appellerais
«l'industrie de production des consommateurs». Tout semble
indiquer que cette industrie est très importante aux États-Unis,
mais je ne sais pas si ça commence par la construction de
nouveaux pénitenciers, l'embauche de nouveaux gardiens de
prison et puis de policiers chargés de trouver des personnes pour
remplir ces pénitenciers. Il y a certainement une industrie qui se
dessine là-bas.
|
Pourriez-vous aider le comité à identifier les intérêts des
témoins qu'il entend? Peut-être pourriez-vous nous faire part des
vôtres?
|
Dr Mathias: Tout d'abord je devrais signaler que mon fils,
Gordon Mathias, a brigué les suffrages lors des dernières
élections provinciales pour le B.C. Marijuana Party. Il était d'avis
que les lois interdisant les drogues étaient une mauvaise chose, et
il jugeait qu'en passant par le processus démocratique il pourrait
mieux exprimer son opinion. Puisque je suis son père, il y a
peut-être là un conflit d'intérêts.
|
Personnellement, je ne consomme pas de drogue. Comme
intervenant du secteur de la santé publique, je crois qu'il y a des
façons beaucoup moins risquées d'obtenir les avantages qu'on
associe aux drogues, tout particulièrement en vieillissant. Je crois
que les stress de notre vie deviennent différents et nous pouvons
composer de façon différente. C'est mon opinion.
|
Ce n'est pas parce que le revenu, l'emploi ou la sécurité de
certaines personnes dépend de l'industrie que ce qu'ils disent
n'est pas vrai. C'est à vous de tenir compte de leur situation.
|
Le sénateur Kenny: Dites-vous que nous devrions avoir un
petit protocole pour chaque témoin? Une fois qu'on les invite à
témoigner, devrions-nous leur demander quels sont leurs intérêts
particuliers puis leur dire que c'est en fonction de ces intérêts que
nous évaluerons leurs témoignages?
|
Dr Mathias: Certainement. Dans tous les documents médi
caux étudiés par les pairs, aujourd'hui, à la fin des articles il doit y
avoir une déclaration sur les conflits d'intérêts où l'auteur doit le
déclarer s'il retire quelque avantage financier de ce document.
Cela s'applique même aux personnes les plus honorables. Je ne
crois pas que les gens cherchent à vous donner de faux
renseignements, tout au moins pas dans ce groupe de témoins.
Cependant, je crois qu'il faut interpréter leurs propos en fonction
de leurs intérêts. Je ne crois pas que ce soit une façon
déraisonnable de procéder.
|
Le sénateur Kenny: Passons maintenant aux services de
police. Notre comité a accueilli des témoins représentant les corps
de police. Les policiers ne jugent pas qu'ils représentent une
industrie dont la responsabilité est d'arrêter les utilisateurs de
drogue et de les envoyer derrière les barreaux. Ce n'est pas, à
leurs dires, ce qui les inspire. Ils voient plutôt un problème social
auquel ils sont confrontés tous les jours et cette situation les
inquiète. Les inquiète beaucoup. Ils ont dit au comité: «Nos lois
sont importantes. Elles communiquent un message aux gens leur
disant que ce comportement n'est pas acceptable aux yeux de la
société et qu'il faut donc respecter ces lois.» Tous les policiers ne
disent pas ça, mais certainement un bon nombre d'entre eux
tiennent de tels propos.
|
Dr Mathias: Oui, il y a des policiers qui ne sont pas de cet
avis.
|
Le sénateur Kenny: C'est vrai.
|
Dr Mathias: La situation d'un policier se compare un peu à
celle du médecin. Le policier est en contact avec des criminels.
En raison de ces contacts, leur milieu est le monde criminel. Ils
finissent par voir le monde de ce point de vue. Une des raisons,
par exemple, pour laquelle on fait passer les policiers d'une
escouade à une autre, c'est pour qu'ils ne pensent pas que tout le
monde représente un groupe particulier, pour qu'ils ne voient pas
les choses d'un seul point de vue. C'est très difficile pour eux de
s'écarter de ce milieu.
|
J'ai beaucoup de respect pour leur opinion, mais s'ils parlent
d'un programme social, ils parlent de mon domaine. Ils parlent de
santé publique. Ils parlent de quelque chose de complètement
différent. Ils n'ont ni le mandat ni les compétences pour se
pencher sur un problème social. Je crois que leur opinion que la
loi est la façon de composer avec un problème social est
caractéristique du milieu qu'ils représentent.
|
Le sénateur Kenny: Sauf le respect que je vous dois,
monsieur, les policiers jugent qu'ils sont sur la première ligne, et
que vous n'êtes que quelque part dans l'arrière-plan.
|
Dr Mathias: Mais ils ont parfaitement tort. Nous jugeons que
nous sommes sur la première ligne parce que nous sommes dans
les salles d'urgence où ces gens arrivent. Les mercredis où les
gens reçoivent leur chèque d'aide sociale, où se retrouvent ces
gens? Après leur surdose, ils sont ramenés au St. Paul's Hospital
par les techniciens médicaux d'urgence. Les salles sont pleines de
ces personnes que nous devons aider.
|
J'ai beaucoup de respect pour les policiers. Je ne voudrais pas
avoir une société où il n'y aurait pas de policiers. Cependant, je
crois qu'ils devraient s'occuper du mal causé à autrui. En fait, leur
rôle comme protecteur de ceux qui sont décompensés et qui sont
dépendantes est très important, mais ils ne devraient pas s'en
prendre aux personnes dépendantes décompensées qui sont
malades. Ils devraient plutôt s'en prendre à ceux qui les ont
rendues dépendantes, ou qui les ont aidées à le devenir, ou qui les
empêchent de recevoir les soins appropriés. Les policiers ont un
rôle important à jouer, mais je ne suis pas convaincu que nous
nous entendions sur la nature de ce rôle.
|
Le sénateur Banks: Merci d'être venu. J'ai beaucoup de
respect pour ceux qui ont une opinion catégorique et qui n'hésite
pas à l'exprimer.
|
C'est pousser un peu que de faire l'analogie qui suit, mais
permettez-moi de la faire quand même. Supposons qu'il y a une
falaise à partir de laquelle des gens font du saut en parachute, et
nombre de ceux qui sautent s'en tirent. Cependant, on sait - en
fait tout le monde le sait, c'est inévitable - qu'il y a des courants
ascendants étranges à proximité de cette falaise. Il y a plus de
gens qui meurent ou qui sont grièvement blessés après avoir sauté
de cette falaise que de n'importe quelle autre falaise de la région,
mais les gens sautent toujours de cette falaise. Ils connaissent les
dangers.
|
Personne au monde, certainement pas en Amérique du Nord ou
en Europe occidentale, peut dire qu'ils ne savent pas quels sont
les dangers mais ils se rendent quand même sur cette falaise. Puis
ils se retrouvent au sol, ils sont blessés, grièvement blessés ou
même malheureusement tués. J'ai l'impression que vous présen
tez ces gens comme étant des victimes ou comme étant malades.
Mais s'ils sont malades, c'est parce qu'ils ont fait quelque chose
qu'ils n'auraient pas dû faire! Est-ce qu'on en tient compte?
Est-ce que ce n'est pas un peu comme s'élancer aveuglément dans
la rue et se faire frapper par un autobus?
|
Dr Mathias: Vous posez votre question de façon à laisser
entendre que ceux qui pratiquent la chute libre le font après avoir
donné leur consentement éclairé.
|
Le sénateur Banks: Oui.
|
Dr Mathias: Selon mon modèle, allez-y, c'est parfait.
|
Le sénateur Banks: Excusez-moi, permettez-moi de vous
interrompre. Est-ce que cela signifie que nous disons à ceux qui
veulent prendre de l'héroïne par injection: «Essayez, vous
verrez»?
|
Dr Mathias: Tout à fait, dans la mesure où il n'y a pas de
risque.
|
Le sénateur Banks: Cependant ils savent qu'il y a des risques
puisqu'il y a des gens qui meurent d'une surdose.
|
Dr Mathias: On peut rendre la chose sûre. Je peux donner une
dose quantifiée. S'il n'est possible d'obtenir cette drogue qu'à la
pharmacie, le pharmacien peut dire par exemple: «Avez-vous déjà
fait cela? Si non, peut-être devriez-vous commencer par une
demi-dose». L'héroïne est une drogue sans le moindre danger. Il
n'y a pas d'effet toxique.
|
Le sénateur Banks: Quels sont ces avantages?
|
Dr Mathias: L'euphorie et le soulagement de la douleur. Il y a
également des inconvénients. Cela peut entraîner la constipation
et d'autres états. Toutefois, l'héroïne n'est pas toxique comme
l'alcool. Dans le cas de l'alcool, on tue quelques cellules du foie.
Il n'y a rien à faire, c'est ce que vous fait l'alcool. Toutefois, ces
cellules sont nombreuses et il y a régénération. Si votre
consommation est modérée, alors ce n'est pas vraiment un
problème. Si vous prenez beaucoup d'alcool, vous allez détruire
votre foie. L'héroïne ne vous fera pas cela. Toutefois, si la dose
est trop élevée, l'héroïne supprimera votre respiration. Si vous
cessez de respirer, vous êtes foutu. Le facteur de sécurité qu'il
faut accentuer, c'est que l'on doit savoir exactement combien
d'héroïne on prend et il ne faut pas partager la seringue avec
quelqu'un d'autre. Rien n'est pire que d'expérimenter avec
l'attirail de quelqu'un d'autre. On se trouve à vider le sang qui se
trouve dans la seringue si l'attirail a déjà été utilisé. On s'injecte
donc avec le sang de quelqu'un d'autre. C'est ainsi que l'on
attrape l'hépatite C. C'est pourquoi le taux d'infection est de
85 p. 100 au centre-ville est. Il y a quelques années, ce taux était
de 3 ou 4 p. 100.
|
Si vous voulez expérimenter, je veux que ce soit avec
l'information nécessaire pour dire: «Oui, je vais essayer ça.
Chouette. Allez-y.»
|
S'il s'agit d'utilisateurs occasionnels, ils ne se feront pas
beaucoup de mal. Je préfère dire: «Il y a une meilleure façon de
s'y prendre. La raison pour laquelle vous vous injectez, c'est pour
obtenir le résultat maximum avant que la police ne vous arrête.»
Ce produit est extrêmement coûteux. Voilà pourquoi on a de plus
en plus recours à l'injection. Jadis, on fumait l'héroïne. Et si je
disais à un jeune: «Écoutez, c'est très risqué ce que vous faites-là.
Les injections ça demande beaucoup de travail. Vous pourriez
rater votre coup. Il y a toutes sortes de problèmes associés à cela.
Si vous voulez expérimenter, faites-le avec quelque chose de
moins dangereux. Voici une cigarette; fumez-la. Vous allez avoir
le même résultat même si c'est un peu plus long. Vous ne courrez
pas les mêmes risques. Je ne sais pas si la dépendance sera plus
grande ou non, mais voici ce à quoi il faut faire très attention.»
Les pharmacies tiennent des données sur les produits qu'elles
vendent et leurs acheteurs. S'il y a un nom qui revient dans les
dossiers, nous pouvons tenter de convaincre la personne de se
faire soigner. Vous ne pouvez soigner quelqu'un sans son
consentement. C'est un aspect fondamental du régime de soins de
santé. Il y a des choses qu'on peut faire pour empêcher des gens
de se casser la gueule sur les rochers.
|
Le sénateur Banks: Il y a une question fondamentale que nous
n'avons pas très bien réglée dans le cas de certains médicaments
d'ordonnance, mais c'est une autre question.
|
J'en conclus donc que vous préconisez le contrôle des
injections de sorte qu'une personne de 19 ans qui donne son
consentement éclairé pour obtenir une demi-dose, par exemple, ne
pourra pas - nous en serons raisonnablement assurés - sortir et
remettre la dose à un jeune de 14 ans. Est-ce bien cela?
|
Dr Mathias: Oui. On peut élargir cette idée de salles
sécuritaires d'injection, si les drogues sont illicites, pour inclure
l'idée de les y vendre.
|
Le sénateur Banks: Proposez-vous d'avoir une salle d'injec
tion dans chaque pharmacie?
|
Dr Mathias: Il pourrait y avoir une infirmière hygiéniste. Ce
ne sera peut-être pas une petite salle à l'arrière de la boutique. Ce
sera peut-être la salle principale. Vous pourriez y aller et parler à
d'autres utilisateurs sur ce qui est bon ou mauvais au sujet des
drogues. Nous serons là comme responsables de la santé publique
pour dire: «Écoutez, ce que vous faites comporte des risques.
Vous y voyez peut-être un élément d'exaltation, mais il y a des
inconvénients à faire ce que vous faites.» Ainsi, nous pourrons
nous assurer que le consentement est le plus éclairé possible. On
peut les encourager à utiliser quelque chose de moins dangereux.
Nous pouvons dire: «Si vous voulez essayer cela, essayez de
fumer de l'opium. C'est beaucoup moins dangereux que
l'héroïne.» Pourquoi utilisons-nous l'héroïne au Canada? Il ne
faut pas oublier que de nombreuses personnes qui ont travaillé à
la construction du chemin de fer du Canadien Pacifique étaient
des coolies chinois. Ils consommaient régulièrement de l'opium
pendant la construction du chemin de fer. À chaque fois que vous
roulez sur ce chemin de fer, vous roulez sur le sang de ces
personnes. Elles ont pu continuer à travailler malgré tout. Nous
dirons peut-être: «Écoutez, s'injecter de l'héroïne, ça ne vaut rien.
C'est une mauvaise drogue, mais fumer de l'opium, c'est moins
risqué.» Si les gens vont consommer ces choses, il faut que ce soit
les drogues les plus sûres et qu'ils le fassent de la façon la moins
risquée. C'est difficile de prendre une surdose en fumant.
|
Le sénateur Banks: Dans ce régime que vous venez tout juste
de décrire, êtes-vous prêt à accepter le risque inconnu, mais qu'on
peut anticiper, d'une augmentation considérable dans l'utilisation?
|
Dr Mathias: Un à-côté de ce régime c'est qu'il est possible
que cela entraîne une utilisation considérablement accrue. Si nous
permettons la publicité, et s'il en est question publiquement, nous
aurons alors l'équivalent opium du coca-cola et nous serons en
difficulté. Toutefois, si les jeunes, en discutant, décident qu'ils
veulent essayer quelque chose, comme parent, je veux que ce soit
le plus sûr possible. L'approche de santé publique c'est de rendre
la consommation la plus sûre possible pour ceux qui veulent
expérimenter, pour ceux qui ont leurs problèmes et leur stress.
|
Un de mes enfants fait de l'escalade et c'est dangereux. C'est
comme le vol libre, bien que moins risqué, du moins je l'espère.
Néanmoins, cela comporte des risques. Est-ce que je dis: «Ne le
fais pas»? Non. Je dis: «Si tu veux faire ça, voici comment t'y
prendre, utilise de l'équipement sécuritaire approprié, fait de
l'escalade avec des personnes expérimentées.» Si je prive mes
enfants d'une possibilité d'épanouissement, suis-je plus avancé?
|
Le sénateur Banks: Je ne suis pas convaincu que l'héroïne soit
un moyen d'épanouissement.
|
Vous avez mentionné que ce nouveau régime pourrait avoir un
certain intérêt pour l'industrie de l'hospitalité. Voulez-vous parler
de voyageurs des quatre coins de la planète qui viendraient là où
c'est légal?
|
Dr Mathias: Tout d'abord, je veux dire que ceux qui dirigent
actuellement des bars et des établissements semblables pourraient
fort bien être ceux qui se lanceraient dans l'équivalent des cafés
d'Amsterdam. C'est là une industrie que la santé publique
comprend bien, surtout dans le cas des restaurants, de la gestion
du risque, et cetera. Les gens d'affaires légitimes auront
l'occasion de se lancer dans ce secteur. Aujourd'hui, on passe par
d'autres moyens. Ces moyens sont très dangereux. Personne n'a
la formation voulue pour surveiller ce qui arrive aux gens, et
cetera. Nous savons à la lumière de notre expérience avec l'alcool
qu'on est loin de la perfection. Toutefois, je pense que c'est le
mieux que nous pouvons faire si nous légalisons les drogues.
|
Le président: Nous allons nous arrêter là, monsieur. J'ai
quelques questions, mais je vous les ferai parvenir. Nous
afficherons vos réponses à mes questions sur notre site Web.
Merci beaucoup de votre exposé. Vous avez été très courageux et
très franc.
|
Notre quatrième témoin aujourd'hui est le Dr Colin Mangham.
Je ne lirai pas votre biographie en entier, car elle sera reproduite,
comme celle des autres, sur notre site Internet. Dans le but de
gagner du temps, nous passerons directement à votre exposé.
Nous devrons mettre fin à nos travaux aujourd'hui à 15 h 30.
Docteur Mangham, nous vous donnons jusqu'à 15 h 30, et nous
vous ferons parvenir nos questions, auxquelles vous pourrez
répondre par écrit. Comme les autres questions et réponses, tout
cela sera affiché sur l'Internet.
|
Le Dr Colin R. Mangham, directeur, Prevention Source
B.C.: Tout d'abord, je tiens à vous remercier de me permettre de
présenter ce mémoire au comité. Depuis la création de ce comité,
avant les élections, je m'intéresse à voir discuter de cette question
et à entendre présenter tous les arguments. J'ai suivi avec intérêt
les travaux du comité, les témoignages devant le comité, les
questions à l'étude que nous considérons d'une importance réelle.
Je sais que vous avez entendu de nombreux groupes jusqu'à
présent.
|
Comme il s'agit aujourd'hui, je présume, d'une journée de
santé publique, j'aimerais dire que la santé publique est un vaste
sujet. Nous avons adopté une approche de santé publique aux
drogues. Certains témoignages que j'ai lus laissent entendre que la
réduction des méfaits est une approche de santé publique, ce
qu'aucune autre approche n'est. Ce n'est pas du tout le cas. La
santé publique est une approche globale où la loi joue un rôle très
important. J'oeuvre dans le domaine de la prévention où la loi
joue un rôle particulièrement important, un rôle de contrôle social,
une des principales façons de réduire la disponibilité et le taux
d'acceptation de ces substances.
|
Je me présente devant vous comme spécialiste qui oeuvre dans
le milieu de la prévention au Canada, depuis plus de 20 ans en
Colombie-Britannique, dans le cadre de divers projets d'envergure
nationale et multinationale. La prévention est probablement le
domaine le plus mal compris et souvent négligé et sans suivi,
mais je pense que vous conviendrez que c'est l'aspect le plus
important de toute lutte contre les drogues.
|
Les opinions dont je vais vous faire part aujourd'hui sont les
miennes et je ne suis pas là pour représenter une organisation ou
un gouvernement. En fait, je pense que tous ceux qui ont
témoigné doivent parler en leur nom propre et permettent aux
gouvernements et aux organisations de faire des choix plus
raisonnés et plus démocratiques.
|
Je tiens beaucoup à ce que cette question soit discutée et
débattue ouvertement. Après avoir examiné les témoignages, je
dois reconnaître que mes opinions diffèrent de celles de nombre
des témoins qui ont comparu jusqu'à présent. Le message
fondamental que j'aimerais vous transmettre aujourd'hui, c'est
que je crois que si nous changeons notre opinion sur les drogues,
nous allons opter pour une voie moins noble pour le Canada et
nous allons nous sacrifier.
|
J'ai essayé d'obtenir un aperçu de la situation. Je vais vous
révéler mes préjugés. La joie dans mon travail, et je considère que
nous devons tous trouver de la joie dans notre travail, c'est mon
interaction avec les jeunes et les enfants. Pendant des années, à la
fin de la journée, si j'avais l'impression d'avoir fait quelque chose
pour aider un jeune à faire un choix plus sain et plus heureux de
façon à ce que les familles et les collectivités s'en portent mieux,
j'étais heureux de ce que j'avais fait.
|
Je pense que nous nous préoccupons tous de notre jeunesse.
Tous ceux qui ont témoigné jusqu'à présent, j'en suis sûr, sont les
membres aimés d'une famille, et s'intéressent aux autres; c'est
simplement que nous avons des opinions divergentes. Oui, j'ai des
préjugés. Chacun en a. Dans un article où on préconisait ce que
j'appelle la réduction des méfaits avec un grand «M», quelqu'un a
mentionné que la réduction des méfaits n'avait aucune incidence
sur les valeurs.
|
Ce n'est pas le cas. C'est impossible de n'avoir «aucune
incidence sur les valeurs». Il nous faut révéler nos valeurs, elles
sont implicites dans tout ce que nous faisons comme nation. Nous
ne pouvons pas les éliminer, nous ne pouvons pas déshumaniser
ou médicaliser des questions au point où nous enlevons leurs
valeurs à ceux que nous ne considérons pas des spécialistes dans
un domaine particulier.
|
Il convient donc de protéger les personnes et non pas les
drogues. Il n'y a aucune raison de protéger les drogues, d'en
chanter les louanges ou même d'en parler. Nous sommes ici pour
parler des gens. Le message que je veux vous transmettre est que
nous ne devons jamais perdre la vérité de vue et cette vérité est
incontestablement que les drogues à usage récréatif sont nocives.
La consommation de drogues n'aide en rien les gens. Elle cause
plutôt du tort aux familles qui constituent le coeur même de notre
civilisation. La dépendance que créent les drogues chez les
personnes qui en consomment les enferme dans un cercle vicieux
et les empêche de mener des vies productives. Cette dépendance
mène aussi à des actes antisociaux et incite au crime; les drogues
attirent en particulier les plus vulnérables que nous, soit les jeunes
à risque et ceux qui connaissent des problèmes émotifs ou
sociaux.
|
La prépondérance des preuves et le bon sens lui-même nous
disent que si nous relâchons notre vigilance et que nous
prétendons que certaines drogues présentent suffisamment peu de
risques pour en décriminaliser la consommation - ce qui revient
de fait à les légaliser -, le simple fait que ces drogues deviennent
plus acceptables et plus disponibles mènera à une augmentation
de leur consommation et transmettra le mauvais message aux
générations futures. Nous pouvons faire beaucoup mieux que cela.
|
Au lieu d'encourager l'adoption d'une politique sur les drogues
qui décriminaliserait la consommation du cannabis et qui irait à
l'encontre des traités internationaux auxquels nous sommes
parties, je presse le comité d'invoquer la réduction des méfaits
pour réclamer qu'on mette davantage l'accent sur la prévention
primaire de la consommation des drogues; qu'on renforce les
efforts en vue de réduire la consommation des drogues; qu'on
continue de rejeter les drogues comme mode de vie acceptable,
viable ou raisonnable; et pour qu'on améliore la disponibilité et
l'efficacité des programmes de traitement pour toxicomanes dans
ce pays.
|
J'aborderai maintenant les principales questions sur lesquels le
comité se penche. La première a trait à la décriminalisation du
cannabis. Quelle que soit la forme qu'il prend, on ne peut pas dire
que le cannabis ou la marijuana soit inoffensif. Tout examen
sérieux et représentatif des études menées sur le sujet fait ressortir
le fait qu'il s'agit d'une substance intoxicante psychodyselptique
qui comporte des risques et des conséquences particulières pour
les jeunes. Je citerai quelques études facilement accessibles qui
infirment la position voulant que le cannabis soit une drogue
relativement inoffensive. Certains témoignages en ce sens que j'ai
entendus m'ont surpris.
|
Je me limiterai aux études empiriques et je vous signale que ces
recherches, lorsqu'elles sont convenablement menées, sont mo
destes; les allégations qui sont faites ne se fondent pas sur
quelques études seulement. Ces études ne visent pas à prouver des
conclusions préétablies.
|
Des études récentes menées par le Center for Substance Abuse
Prevention des États-Unis font ressortir certains des risques liés à
la consommation du cannabis. Nous savons déjà que la
consommation du cannabis a des effets nocifs sur de nombreux
systèmes, dont le système respiratoire, le système moteur, la
mémoire et le système immunitaire, et qu'elle crée la dépendance
ainsi que la tension.
|
De nombreuses études démontrent maintenant l'existence d'un
syndrome de sevrage chez les consommateurs chroniques de
cannabis qui cessent de consommer cette drogue. L'existence d'un
syndrome de sevrage est un indicateur de dépendance physique
qui fait ressortir la nécessité pour la personne visée de participer à
un programme de désintoxication puisqu'il est fort probable dans
ce cas que la personne visée continue de consommer de la drogue
pour éviter de ressentir les symptômes liés au sevrage. Cette
constatation ne peut surprendre ceux qui ont lu le récit de
l'expérience vécue par des jeunes qui cherchaient à cesser de
consommer du cannabis. J'ai moi-même été à de nombreuses
reprises témoin de la souffrance ressentie par des personnes qui
voulaient cesser de consommer du cannabis. J'ai trouvé extrême
ment pénible de constater cette souffrance.
|
Je vous répète que le cannabis est aujourd'hui beaucoup plus
puissant que dans les années 60, ce qui est attribuable aux
méthodes de propagation et de culture actuelles.
|
Des recherches indiquent que la consommation de cannabis
nuit au développement du foetus. J'attire votre attention sur des
études qui concluent en particulier que la consommation de
cannabis pendant la grossesse peut avoir une incidence négative
sur le développement intellectuel des enfants. Se fondant sur des
études de neurotoxicité, l'American Academy of Pediatrics a
exprimé cette année son inquiétude au sujet des dangers que
présente la consommation de cette drogue tant pour les femmes
enceintes que pour les jeunes en général.
|
Permettez-moi maintenant de vous parler d'un trouble de
l'attention qui prend la forme d'une déficience du balayage visuel
et des fonctions connexes. Le balayage visuel se développe en
particulier au début de l'adolescence et l'on craint que la
consommation de cannabis puisse déclencher une déficience à cet
égard. Nous ignorons tous les effets possibles de la consommation
de cette drogue sur la santé mentale. Nous devons étudier
soigneusement cette question. Certaines études tendent à indiquer
qu'il existe un lien entre les troubles mentaux et l'utilisation des
drogues.
|
Nous constatons très rarement la présence chez une personne
d'un problème exclusivement lié aux drogues. D'autres facteurs
interviennent et nous ne savons pas toujours de façon certaine
dans quelle mesure certains problèmes existaient au préalable et
dans quelle mesure ils ont été aggravés notamment par l'effet
dépressif des drogues elles-mêmes.
|
Malgré qu'on ait pu vous dire le contraire, il est bien évident
que le cannabis est une drogue qui mène à la consommation
d'autres drogues. La plupart des gens qui passent à d'autres
drogues commencent par consommer de la marijuana. La
consommation de drogues suit une progression chronologique et
la première drogue consommée est souvent le cannabis.
|
Des études neurotoxicologiques très récentes dont les résultats
restent à confirmer menées par le National Institute on Drug
Abuse aux États-Unis indiquent que la marijuana peut entraîner
certaines modifications dans le cerveau qui augmenteraient les
risques de dépendance à l'égard d'autres drogues. De nombreuses
questions continuent de se poser. Faut-il conclure que ce risque de
dépendance accrue existe dans tous les cas? Ces conclusions
sont-elles coulées dans le béton? Non, pas plus que les
conclusions en sens inverse.
|
Nous discutons d'une substance dont la consommation compor
te de graves risques et au sujet de laquelle les points de vue sont
bien marqués. Je suis convaincu que vous avez du mal à trouver
quelqu'un qui présenterait ces faits comme un pur automate sans
émotivité. Je suis surpris de voir combien de personnes
intelligentes et bien instruites défendent cette drogue comme s'il
s'agissait d'une drogue mal comprise sur laquelle on aurait
répandu des faussetés comme s'il s'agissait d'une personne à
l'endroit de laquelle on aurait commis une injustice.
|
Je ne comprends vraiment pas ce qui explique ce point de vue.
Peut-être que ces personnes sont elles-mêmes des utilisateurs ou
qu'elles sont des partisans des libertés civiles. Je ne sais pas ce
qu'il faut en penser. J'ai moi-même un certain parti pris dont je
vous parlerai. Je crois cependant qu'il nous faut psychologiques
examiner quelles sont les conséquences sociales, émotives,
physiques et spirituelles de la consommation des drogues.
|
Certains font remarquer que l'alcool et le tabac sont des
substances plus nocives que le cannabis. Les partisans de la
réduction des méfaits insistent beaucoup sur cela. Le fait est - et
le bon sens le confirme - qu'étant donné que ces drogues sont
légales et donc davantage disponibles et socialement acceptables
que le cannabis, le taux de consommation du tabac et de l'alcool
sont respectivement cinq fois et 10 fois plus élevés que le taux de
consommation du cannabis malgré tous les efforts déployés pour
mettre en garde les gens contre les effets de ces substances.
|
Il ne fait donc aucun doute que la consommation de ces deux
substances entraînent des coûts très élevés. Elle entraîne
également des coûts que nous ne pouvons pas facilement mesurer,
mais dont il faut aussi tenir compte.
|
Comte tenu de cette situation, il semble illogique de vouloir
ajouter le cannabis à la liste des substances légales qui sont
cependant nocives en en décriminalisant la consommation.
|
Le principal facteur qui explique que la consommation du tabac
et de l'alcool soit plus élevée que celle du cannabis est le fait
qu'étant légales, ces substances sont plus acceptées et plus
disponibles. Cela m'amène à vous parler d'un autre point.
Lorsque je parle de «politique de réduction des méfaits des
drogues», je ne pense pas à la politique que nous avons mise en
oeuvre jusqu'ici. Nous avons tenté de nombreuses expériences
comme celle de l'échange des seringues et nous avons mis à
l'essai l'approche de réduction des méfaits pour ce qui est de la
conduite en état d'ivresse. J'ai conçu de nombreux programmes
destinés aux jeunes parce que c'est ma spécialité. Si on me
demandait d'élaborer un programme en vue d'enseigner aux
jeunes comment utiliser de façon modérée et sans risque les
drogues qui sont illicites aujourd'hui, je ne pense pas que je
saurais comment le faire. La consommation de drogues entraîne
toujours des effets. L'héroïne peut être la plus pure au monde,
mais la personne qui la consomme peut-elle fonctionner au sein
de sa famille et dans la société et a-t-elle les moyens de payer
pour la drogue qu'elle s'habituera à consommer? Voilà les
questions auxquelles il nous faut répondre.
|
Lorsque j'utilise la terme «réduction des méfaits», je l'utilise
dans son sens originel. Le terme a malheureusement pris une autre
connotation. À l'origine, l'objectif visé était noble, mais le terme
signifie maintenant décriminilisation ou légalisation des substan
ces. Je vous mets en garde contre l'utilisation de ce terme tel qu'il
est maintenant compris. Il a perdu son sens originel.
|
Cette approche ne donne pas de meilleurs résultats que les
autres. Ainsi, dans les pays européens qui l'ont adoptée, on
semble constater une augmentation de la disponibilité de la
drogue. Il est tout à fait logique qu'aux Pays-Bas, où le cannabis
est maintenant vu comme une drogue douce par opposition à
d'autres drogues, on a constaté une grande augmentation dans la
disponibilité et la consommation de cette drogue.
|
Permettez-moi maintenant de vous parler plus particulièrement
du cas des Pays-Bas et de la Suède qui ont des politiques tout à
fait opposées en matière de drogue. Pendant un certain nombre
d'années, la Suède a ouvertement mis en oeuvre une politique de
réduction des méfaits et compte tenu des résultats négatifs
obtenus avec cette approche, le pays a décidé, d'après le ministère
de la Santé, de revenir à une politique très stricte en matière de
drogue dont l'objectif idéaliste est de débarrasser la société des
drogues. Je ne pense pas que la Suède soit convaincue de pouvoir
atteindre cet objectif, mais c'est cependant celui qu'elle s'est fixé.
Pour poursuivre la comparaison entre ces deux pays, d'après les
statistiques qui ont été publiées au cours de l'année, l'approche
suivie par les Pays-Bas n'a pas permis de réduire davantage qu'en
Suède le nombre de cas de VIH. La Suède est parvenue au même
résultat que les Pays-Bas à cet égard en mettant l'accent sur les
programmes de traitement. La principale façon de réduire les cas
de VIH semble les programmes de traitement.
|
L'approche privilégiée par les Pays-Bas augmente aussi la
disponibilité et l'acceptabilité du cannabis. Permettez-moi de vous
dire quelques mots au sujet des principes que cela soulève. Si
nous estimons que les drogues sont nocives, nous ne voudrons pas
en accroître la disponibilité et l'acceptabilité. Si nous pensons
qu'elles représentent simplement un autre mode de vie, nous ne
nous préoccuperons pas de ce fait. Nous penserons alors que nous
pouvons permettre qu'elles soient utilisées de façon récréative et
que nous pourrons contrôler leur consommation. Or, la disponibi
lité et l'acceptabilité des drogues influent beaucoup sur leur
consommation. Les drogues qui sont les plus consommées sont
celles qui sont les plus disponibles et les plus socialement
acceptables. L'inverse vaut également.
|
Moins de 2 p. 100 des Canadiens âgés de 50 ans et plus ont
consommé de l'héroïne au cours de la dernière année; 7,5 p. 100
de tous les Canadiens âgés de 15 ans et plus ont consommé de la
marijuana au cours de l'année; un peu plus de 80 p. 100 des
Canadiens ont consommé de l'alcool au cours de la dernière
année et, selon la province, de 28 à 35 p. 100 des Canadiens ont
fumé du tabac pendant la même période. Dans le cas de l'alcool,
la consommation diminue lorsqu'on augmente l'âge à partir
duquel on peut légalement en consommer, comme cela s'est
produit aux États-Unis.
|
Il importe aussi d'attacher de l'importance à la façon dont la
consommation de drogue est perçue. L'existence de sanctions
juridiques influe davantage sur l'acceptabilité d'une substance que
sur sa disponibilité. L'acceptabilité sociale des drogues diminue
lorsque leur consommation donne lieu à des sanctions, ce qui à
son tour réduit la consommation. L'acceptabilité d'une substance
est liée au risque qu'elle présente ainsi qu'à la mesure dans
laquelle elle est acceptée par la société. Voilà les deux outils dont
nous disposons pour limiter la consommation des drogues. Les
statistiques démontrent que ces outils ont été efficaces au Canada.
|
Les sanctions qui visent la consommation des drogues influent
donc de façon déterminante tant sur la disponibilité que sur
l'acceptabilité sociale des drogues. Je répète que les Pays-Bas font
une distinction entre drogues dures et drogues douces et que la
consommation des drogues douces a augmenté, en particulier
chez les jeunes. Le taux de consommation du cannabis, qui était
autrefois faible aux Pays-Bas, a quadruplé. Ce taux est encore
inférieur à ce qu'il est au Canada, mais il fait bien ressortir les
différences culturelles entre le Canada et l'Europe.
|
J'attire aussi votre attention sur des répercussions de la
disponibilité des drogues comme le tourisme lié aux drogues. Je
vous renvoie au site Web du Hassela Nordic Network qui suit
cette question dans les documents gouvernementaux, les témoi
gnages et les reportages des journaux et qui permet de se faire une
bonne idée du dialogue qui existe sur cette question en Europe où
tous ne sont pas convaincus de l'efficacité de l'approche fondée
sur la réduction des méfaits. Je répète que la Suède a réduit son
taux de VIH en adoptant une toute autre politique.
|
Il serait beaucoup plus valable de comparer la situation en ce
qui touche à la consommation du cannabis au Canada et aux
États-Unis au cours des années 90. À la fin des années 70 et
durant les années 80 - et je l'ai personnellement constaté sur le
terrain -, nous avons vu la consommation de cannabis
progressivement diminuer chez les jeunes, à tel point qu'en 1992,
la consommation chez les élèves du secondaire avait atteint le
point plancher aux États-Unis de 27 p. 100, et de 25 p. 100 en
Colombie-Britannique.
|
En 1998, le taux de consommation se situait à 40 p. 100 en
Colombie-Britannique, d'après l'étude McCreary, et à 37 p. 100
aux États-Unis, selon l'étude longitudinale intitulée «Monitoring
the Future». Depuis 1988 et 1989, date de la fin de la campagne
Drogues, pas besoin, on n'a plus mis en oeuvre de campagnes de
lutte fédérale contre les drogues ou de campagnes provinciales
dans le cas de la Colombie-Britannique. Nous avons cependant
adopté une approche cohérente et globale de lutte contre le
tabagisme et la conduite en état d'ivresse, à tel point que les deux
comportements ont diminué de 50 p. 100 depuis les années 70
dans le cas du tabagisme et depuis environ 1980 dans le cas de la
conduite en état d'ivresse.
|
Lorsqu'on a cessé de mettre l'accent sur la prévention, et à
l'expiration de la Stratégie canadienne antidrogue, j'ai constaté
que de nombreuses coalitions et de nombreux groupes de travail
communautaires de lutte contre les drogues ont cessé leurs
activités faute de fonds. J'ai constaté ce phénomène à Nakusp, à
Penticton, le long de la Sunshine Coast, à Whistler et dans de
nombreux autres endroits à mesure que les intervenants sur le
terrain devaient cesser leur action parce que toute l'attention du
pays était maintenant tournée vers la santé des populations. On a
cessé de s'intéresser à la prévention et de financer des initiatives
dans ce domaine pendant qu'on commençait à parler du chanvre,
de la «marijuana médicinale» et de questions connexes. Je suis
récemment allé au Vancouver Sun pour discuter avec le rédacteur
en chef de la section des affaires internationales de l'importante
série d'articles que le journal avait fait paraître sur la légalisation
des drogues, sur la lutte contre les drogues aux États-Unis et sur
les méfaits des drogues aux États-Unis. J'étais accompagné de
deux autres personnes crédibles, un membre de la GRC et le chef
du service de traitement des toxicomanes à Maple Ridge, et on
nous a dit que le journal ne s'intéressait pas à notre point de vue
et qu'il ne publierait pas de points de vue contraires à celui
exprimé dans cette série d'articles. Compte tenu du fait que cette
situation existe depuis des années, comment s'étonner que la
consommation du cannabis ait augmenté. Comment s'en étonner
en effet quand on ajoute à cela l'imposition de sentences plus
clémentes dans le cas des crimes liés au trafic des drogues et à
l'énorme augmentation dans la disponibilité du cannabis.
|
Cette situation va à l'encontre de traités et s'inspire de mauvais
exemples. Je pense que nous devons nous abstenir d'enfreindre
les traités. Ils existent pour de bonnes raisons. L'Organe
international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies
critiquait pour la troisième fois d'affilée le Canada à cause de
l'apathie qu'il démontre dans le domaine de la lutte contre les
drogues. La réduction de la disponibilité des drogues doit être un
effort international. J'ai été élevé aux États-Unis. Avant de me
joindre à la marine en 1968-1969, je vivais au Texas. À cette
époque, une personne trouvée en possession d'une semence de
marijuana aurait pu en théorie être condamnée à l'emprisonne
ment à perpétuité. Je suis donc conscient du fait qu'on peut aller
trop loin dans l'application des lois visant à lutter contre les
drogues. Le Canada ne se trouve pas dans cette situation. Il est
injuste de dire que le Canada agit comme les États-Unis, mais
nous devons faire preuve de collaboration. Nous devons faire
notre part pour réduire la disponibilité et l'acceptabilité des
drogues.
|
Les Pays-Bas sont maintenant isolés des autres pays en raison
de leur politique sur les drogues. Le regroupement des villes
européennes pour une politique responsable en matière de drogue,
villes signataires de l'Accord de Francfort - dont on vante
beaucoup les mérites -, qui réclame la décriminalisation du
cannabis et la distribution contrôlée de l'héroïne, bat de l'aile.
Lors d'une réunion tenue en 2000 dans une ville des Pays-Bas,
une conseillère municipale qui présidait la réunion a fait valoir
que les Pays-Bas connaissaient un recul dans leur lutte contre les
drogues et que c'est le rejet sans équivoque des drogues préconisé
par le Regroupement des villes européennes contre les drogues,
dont font partie un bon nombre des principales villes du continent
signataires de l'accord de Stockholm, qui gagne de plus en plus
de terrain.
|
L'Alaska, la Suède et d'autres pays européens ont mis à l'essai
l'approche fondée sur la réduction des méfaits et l'ont abandon
née. Le comité doit vraiment se demander si cette approche,
comme beaucoup de modes, n'a pas fait son temps.
|
Je vous recommande de tenir compte des points de vue
divergents qui existent sur la question en Europe et de ne pas faire
l'erreur de croire que tous ceux qui oeuvrent dans le domaine de
la santé publique au Canada appuient cette politique.
|
Lorsque j'étais à l'université Dalhousie, j'ai participé à un
important projet de recherche dans le domaine de la promotion de
la santé qui portait sur la capacité d'adaptation. Nous avons
consacré beaucoup de temps, d'effort et d'argent à cette étude.
Grâce à une autre subvention, nous avons ensuite étudié la
capacité d'adaptation des collectivités de pêche de l'Atlantique
comme Île Madame, Chéticamp et une petite localité de
Terre-Neuve et nous nous sommes rendu compte qu'on avait déjà
étudié cette question. Nous ne faisions pas oeuvre de pionnier.
Cette question avait déjà été étudiée un certain nombre d'années
auparavant et on avait conçu des programmes s'y rapportant. Il
s'agit d'un concept utile et, à une certaine époque, il n'y en avait
pas d'autres. De la même façon, je me demande si l'idée de
modifier la politique sur les drogues n'est pas vue comme une
panacée. J'ai pu constater, et j'espère que certains d'entre vous
partagent cet avis, qu'en bout de ligne, ce que nous devons faire,
c'est de mettre en oeuvre de façon plus efficace la politique
actuelle en matière de drogue.
|
Je me permettrai de formuler trois recommandations au comité.
Premièrement, il faut mettre l'accent sur la prévention. Je parle en
particulier de la prévention primaire qui vise à prévenir la
consommation des drogues ou à tout le moins à la retarder. C'est
un domaine qui n'a pas été pleinement exploré par comparaison à
d'autres domaines. Nous savons que la prévention primaire peut
être efficace. Nous l'avons constaté dans le cas du tabagisme, de
la conduite en état d'ivresse et d'autres comportements posant des
risques de santé. Nous savons également que nous n'avons pas
accordé l'attention voulue à cette approche. Nous avons trop
attendu de certains programmes comme ceux dont je vous ai parlé
qui visent les élèves de sixième et de septième années. Nous
mettons actuellement au point un programme à l'intention des
élèves de huitième année. On s'attend à ce que ces programmes
réduisent d'eux-mêmes la consommation de drogue. À moins
qu'un enfant connaisse un moment fort lorsqu'il participe à ce
programme, nous savons que le simple fait d'y participer n'aura
pas une influence décisive sur sa vie. Nous savons cependant que
le fait de répéter le même message sous diverses formes non
contradictoires peut à la longue influer sur la façon dont les
drogues sont perçues et utilisées. Voilà ce qui peut intervenir pour
réduire la consommation des drogues. Par notre silence, nous
approuvons tacitement la consommation des drogues.
|
J'estime donc que notre politique devrait reposer sur la
prévention et non pas sur la réduction des méfaits.
|
Pour ce qui est des intérêts en cause, je me permets de faire
remarquer que je gagne sans doute moins d'argent que la plupart
des autres témoins qui ont comparu devant le comité. Je me suis
lancé dans le mauvais domaine si je voulais faire de l'argent.
Compte tenu de mon domaine de spécialisation et de mes
compétences, je pourrais travailler dans bien d'autres domaines si
je voulais faire plus d'argent. Je pourrais devenir un représentant
pharmaceutique et ainsi doubler ou tripler mon revenu. Je ne le
fais pas, et je m'oppose à ce qu'on laisse entendre que mes
collaborateurs et moi-même avons intérêt à ce que le problème
continue d'exister. C'est comme si on disait que les policiers
aiment le crime parce que cela leur donne un emploi. Il s'agit
d'une hypothèse dangereuse.
|
En deuxième lieu, je suis d'avis que nous devons grandement
améliorer les programmes de traitement pour toxicomanes. En
Europe, et je songe en particulier à la Suède, les programmes de
traitement pour les jeunes sont de durée illimitée et s'accompa
gnent de programmes d'études et de formation. Le programme de
traitement ne s'étend pas seulement sur 30 jours, mais sur plus
d'une année. L'idée d'un programme de traitement de 30 jours a
été mise de l'avant par des sociétés d'assurance américaines.
Quiconque a visité la partie est du centre-ville rirait si vous lui
demandiez: «Est-il possible, en 30 jours, de faire de cette
personne quelqu'un qui participera pleinement à la vie de la
société et renoncera aux drogues?» C'est impossible.
|
En ce qui concerne l'accès au traitement, nous manquons de
lits. Il y a plus de lits par habitant en Europe.
|
En Suède, on dit que l'usage de la drogue doit être rendu
difficile. De notre côté, nous parlons de tolérance. La tolérance
vient de la compassion et de la charité. La compassion et la
charité peuvent tout aussi bien dire la sévérité et la fermeté que la
tolérance. Tous les parents le savent. J'aime mes enfants de tout
mon coeur, mais ma compassion ne me permet pas d'être si
tolérant envers eux que je ne ferai rien s'ils veulent se détruire
eux-mêmes. Nous devons améliorer les traitements pour les
jeunes.
|
À la recommandation no 3, je pense qu'il faut être prudent
quand on utilise l'expression «réduction des méfaits». On s'en
sert maintenant surtout pour parler de changements de politiques
beaucoup plus vastes que les simples actions particulières qu'elle
devait désigner au départ. On insiste moins qu'auparavant sur la
prévention de l'usage ou d'un usage continu. C'était le cas dans
un document imprimé par le Centre canadien de lutte contre
l'alcoolisme et les toxicomanies, qui ne reflétait pas, je pense, la
politique du centre, mais qui avait été rédigé par l'un des
principaux auteurs dont les articles sont cités sur votre site Web.
Ce document disait que la prévention primaire stigmatise les
toxicomanes et les traite comme des déficients. J'ai travaillé dans
le domaine de la prévention probablement aussi longtemps que
n'importe qui au Canada et cette affirmation est tout à fait fausse.
La prévention dit qu'il vaut mieux ne pas utiliser la drogue et que,
si on l'utilise déjà, il est préférable d'arrêter. Elle ne dit rien à
propos des toxicomanes eux-mêmes.
|
Nous devons nous efforcer de réduire le caractère acceptable et
la disponibilité des drogues illicites. Si nous modifions la loi pour
refléter notre désir d'être sensibles et tolérants, nous devons nous
concentrer sur ceux qui commettent une première infraction et sur
les jeunes qui se sont égarés en nous efforçant de ne pas détruire
leur vie. Je ne pense pas que nous ruinions leur vie maintenant. Il
existe déjà un système où nous faisons preuve de prudence et où
nous pouvons offrir des solutions qui aident les toxicomanes à
changer au lieu de nous contenter de mettre les gens en prison
comme le font les États-Unis. Nous pouvons faire autre chose.
|
J'ai immigré au Canada et je dois dire que je suis extrêmement
fier d'habiter le Canada. Je suis très fier du Canada à l'heure
actuelle. Ma femme est une Canadienne de la troisième
génération. Mes enfants sont nés à Vancouver. C'est un privilège
pour nous d'habiter ce que je considère comme le meilleur pays
du monde. Nous devons cependant nous attaquer à bien des
problèmes. Bon nombre de nos enfants et de nos petits-enfants
cherchent des récompenses qu'ils supposaient en toute innocence
obtenir à l'école et dans le système. Ils pensaient: «Si je fais telle
ou telle chose, je serai récompensé.» Bon nombre d'entre eux ont
beaucoup de mal à obtenir ces récompenses. Il existe des
divisions internes à l'échelon provincial et fédéral qui nous font
du tort et qui poussent les habitants d'autres pays à se demander
ce que nous faisons sur ce point parce que le Canada est tellement
un bon pays. Les familles sont soumises à beaucoup de stress. Il
est essentiel d'améliorer le développement de l'enfance et de
réduire les effets de la pauvreté.
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Le nombre de personnes âgées augmente et il faudra une
assiette fiscale solide et productive pour leur fournir les soins
auxquels ils ont droit dans leur vieillesse pour les services qu'ils
ont rendus au pays.
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Compte tenu de tout ce que je sais et de tout ce que j'ai vécu, je
suis convaincu que, en ce qui concerne cette question sur laquelle
j'ai beaucoup lu et réfléchi, ce n'est pas nécessaire d'apporter
d'énormes changements à notre politique nationale sur les
drogues. Je crois que, dans l'intérêt de nos enfants, nous devons
prendre position et nous efforcer de réduire la consommation de la
drogue en nous concentrant de façon déterminée sur la préven
tion, le traitement et la réduction des sources d'approvisionne
ment.
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Si ce que j'ai dit reflète certaines valeurs, c'est parce que, si
nous aimons notre travail, si nous aimons les gens, nous ne
pouvons pas nous comporter comme des ordinateurs. Nous
devrions tous l'accepter et ne pas essayer de prétendre que nous
pouvons fonctionner sans la moindre émotion. Tous ceux qui
ressentent de la compassion ont des opinions et c'est impossible
de discuter de ces opinions de façon machinale.
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Je félicite le comité du temps qu'il consacre à cette question. Je
respecte les opinions de tout le monde à ce sujet. Je vous fais part
de mes propres idées avec compassion, mais je respecte chacun
d'entre vous et je respecte votre travail.
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Le président: Comme je l'ai dit déjà, pour gagner du temps,
nous vous enverrons des questions et nous attendrons vos
réponses. Nous publierons les questions et les réponses sur notre
site Web comme pour tous nos autres témoins.
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Merci de votre temps et d'avoir accepté notre invitation.
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[Français]
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Avant de clore les travaux de cette séance du comité, je tiens à
rappeler à tous ceux et celles qui s'intéressent aux travaux du
comité qu'ils peuvent lire et s'informer au sujet des drogues
illicites en consultant notre site Internet à l'adresse suivante:
www.parl.gc.ca. Vous y trouverez les exposés de tous nos témoins
ainsi que leur biographie et toute la documentation argumentaire
qu'ils auront jugé nécessaire de nous offrir. Vous trouverez aussi
plus de 150 liens Internet relatifs aux drogues illicites. Vous
pouvez utiliser cette adresse pour nous transmettre vos courriels.
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Au nom du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, je
désire vous remercier pour l'intérêt que vous portez à notre
importante recherche.
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La séance est levée.
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