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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES BANQUES ET DU COMMERCE

TÉMOIGNAGES


[Traduction]

OTTAWA, le mercredi 11 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd’hui, à 16 h 17, pour élire un vice-président et pour étudier les questions relatives aux barrières au commerce intérieur.

Le sénateur David Tkachuk (président) occupe le fauteuil.

Le président: Bon après-midi. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Mon nom est David Tkachuk et je suis le président du comité.

Chers collègues, vous savez que la sénatrice Hervieux-Payette, notre vice-présidente, a pris sa retraite. Nous avons donc un poste à combler.

La semaine dernière, en comité, j’ai essayé de tenir une élection pour pourvoir ce poste. Certains d’entre vous ont indiqué vouloir élire le vice-président par scrutin secret. Cependant, comme je l’ai mentionné la semaine dernière, le Sénat n’a pas l’habitude d’élire des présidents ou des vice-présidents par scrutin secret.

Depuis notre dernière réunion, et à la demande de certains d’entre vous, j’ai consulté les greffiers au Bureau pour m’assurer que mon interprétation du Règlement s’applique spécifiquement au recours à des scrutins secrets. C’est mon rôle comme président de décider de toute question de procédure, et je suis maintenant prêt à vous communiquer ce qui suit:

L’article 12-20(4) du Règlement dispose que:

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

Le sénateur Kinsella donne des précisions sur les limites des pratiques et procédures des comités dans sa décision du 16 septembre 2009:

Bien que les comités opèrent souvent de façon informelle, ils restent assujettis au Règlement du Sénat. Ils ne peuvent pas adopter à leur guise n’importe quelle procédure. L’expression « compte tenu des adaptations de circonstance », à l’égard de nos usages, veut dire que le Règlement s’applique aux comités, sauf s’il prévoit une exception ou s’il ne peut manifestement pas s’appliquer à eux. On dit souvent que les comités sont « maîtres de leurs procédures », mais ils n’en doivent pas moins se conformer au Règlement du Sénat.

Sans modification du Règlement, il vaut la peine de répéter que le Sénat ne prend pas de décisions par scrutin secret. Ni le Président ni le Président intérimaire du Sénat ne sont choisis de cette manière. Un scrutin secret contreviendrait donc à l’article 12-20(4) ou aux pratiques actuelles du Sénat.

Je sais que vous êtes peut-être impatients de changer ou de moderniser nos pratiques, mais notre comité n’a pas le droit de recourir à un scrutin secret pour élire un président ou un vice-président. Je continue de vous encourager, si vous le souhaitez, à faire part de vos propositions au comité du Règlement.

J’espère que ces explications permettent de résoudre la question. J’aimerais maintenant revenir à l’élection du vice-président.

Concernant la procédure d’élection du vice-président, j’aimerais vous rappeler, mesdames et messieurs, que cette procédure est semblable à l’élection du président. Lors de l’élection du vice-président, le président demande s’il y a des propositions. S’il y a plus d’une proposition, le président met les motions aux voix dans l’ordre où elles sont reçues. Une seule proposition est examinée à la fois. Le vote se déroule oralement et le président pose la question « La motion est-elle adoptée? » puis détermine le résultat.

Lors de notre dernière réunion, j’ai reçu deux propositions pour le poste de vice-président: le sénateur Day en premier, et la sénatrice Ringuette ensuite. Je suis prêt à mettre la motion aux voix, comme je viens de l’expliquer.

À vous la parole, sénatrice Ringuette.

La sénatrice Ringuette: Monsieur le président, j’aimerais remercier les sénateurs Greene et Massicotte de m’avoir proposée comme vice-présidente. Après vous, monsieur le président, c’est moi qui ai le plus d’ancienneté au sein de ce comité. Cependant, je suis consciente des aspects politiques et je constate qu’il s’agit d’un enjeu à court terme. Par conséquent, je retire ma candidature comme vice-présidente.

Le président: Merci, sénatrice Ringuette.

Y a-t-il d’autres propositions? Le sénateur Enverga propose le sénateur Day comme vice-président du comité.

Vous plaît-il, mesdames et messieurs, d’adopter cette motion?

Des voix: D’accord.

Le président: Vous êtes tous d’accord? Je déclare la motion adoptée.

Félicitations.

Des voix: Bravo!

Le président: C’est aujourd'hui la 11e réunion. Je souhaite la bienvenue à nos témoins.

Rapidement, j’aimerais dire que les réunions de Vancouver et de Calgary ont été exceptionnelles. Je sais que nous en parlerons à une autre réunion, mais j’aimerais souligner que nous avons entendu des témoins fort intéressants. Nous n’avons pas eu une journée complète à Vancouver, mais la journée passée à Calgary a été bien remplie. Merci, sénateur Black, d’avoir suggéré que nous allions à Calgary. Nous avons enregistré tous les témoignages. Espérons que vous pourrez les écouter. Les analystes ont préparé des documents d’information également.

Nous avons reçu la permission d’utiliser tous les témoignages entendus. Les réunions ont pris la forme de conversations et ont été plus informelles que nos réunions habituelles. Nous avons fait un très beau voyage. Dommage que nous n’ayons pas été plus nombreux à le faire.

Nous consacrons aujourd’hui une 11e réunion à notre étude spéciale sur les questions relatives aux barrières au commerce intérieur. Je suis ravi d’accueillir le premier groupe de témoins, composé de Cyndee Todgham Cherniak et Jon Johnson, tous deux avocats chez LexSage Professionnal Corporation, qui comparaissent à titre personnel, et de François Émond, directeur général du Conseil canadien des marchés publics, que nous entendrons par vidéoconférence.

Au nom du comité, je vous remercie d’être ici aujourd'hui. Nous allons écouter l’exposé de chacun des témoins, puis il y aura une période de questions et réponses.

Maître Cherniak, veuillez débuter.

Cyndee Todgham Cherniak, avocate, LexSage Professionnal Corporation (à titre personnel): Merci beaucoup. Je remercie les membres du comité de nous avoir invités à témoigner. Me Johnson et moi sommes des avocats spécialisés en droit commercial international. Il n’existe pas de spécialité interprovinciale ou en commerce intérieur. Nous ne représentons aucun client. Nous sommes ici comme avocats spécialisés en droit commercial international.

J’ai apporté des documents que vous pourrez consulter à votre guise.

Le 29 avril 2016, la Cour provinciale du Nouveau-Brunswick rendait sa décision dans l’affaire R. c. Gérard Comeau. M. Comeau avait été arrêté alors qu’il rentrait au Nouveau-Brunswick en possession de quelques caisses de bière qu’il avait achetées au Québec. J’aimerais porter quelques paragraphes de cette décision à votre attention. Au paragraphe 193, le juge conclut que:

L’alinéa 134b) de la Loi sur la réglementation des alcools du Nouveau-Brunswick constitue une barrière commerciale qui enfreint l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867…

Au paragraphe 191, il déclare:

Je suis sûr qu’interpréter l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 comme permettant la libre circulation des produits entre les provinces sans barrières tarifaires ou non tarifaires…

Au paragraphe 101 de la décision, il indique que:

… les Pères de la Confédération souhaitaient la libre circulation des biens entre leurs provinces respectives… la Confédération visait le libre-échange, l’élimination de toutes les barrières commerciales entre les provinces formant le Dominion du Canada proposé.

La décision Comeau change la donne. Elle offre une nouvelle interprétation de l’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Cette décision est une bonne leçon d’histoire. Vous devriez la lire si vous ne l’avez pas déjà fait. On y trouve des discours et de longs exposés des Pères de la Confédération, et j’aimerais discuter de certains d’entre eux avec vous.

Le 6 février 1865, Sir John A. Macdonald a dit ceci:

[...] si nous souhaitons […] établir une union commerciale entre les peuples des cinq provinces, sans aucune entrave à la liberté de commerce […].

Le 12 septembre 1864, George Brown a dit que l’union de toutes les provinces ferait « tomber toutes les barrières commerciales entre elles ». Le 1er novembre 1865, Alexander Galt a dit ceci: « nous voulons maintenant amener ces échanges commerciaux dans nos propres colonies ».

Le 7 février 1865, Alexander Galt a dit ce qui suit:

L’Union équivaut à des échanges sans entrave entre nous. […] Avec l’Union, l’Est commercera librement avec l’Ouest.

Voici ce qu’a dit Alexander Galt le 23 novembre1864:

[…] des principaux avantages découlant de la confédération, selon les prévisions, c’est l’échange sans entrave des produits du travail de chaque Province […].

Nous avons donc cette décision. Quelles sont les prochaines étapes? Il est possible qu’il y ait un appel. Personne ici n’a de contrôle là-dessus. Le gouvernement fédéral pourrait renvoyer la question à la Cour suprême du Canada pour qu’elle détermine si la décision rendue dans la cause Comeau est valable en droit. Si cela se fait plus rapidement — si cela se produit, car nous ne passons pas par le processus d’appel d’une province et peu importe combien de temps il faudra, et il y a des intérêts qui ne sont pas nécessairement semblables —, nous aurons le contrôle sur les questions. Qui plus est, advenant un renvoi à la Cour suprême du Canada, une question secondaire qui ne s’est pas posée dans la cause Comeau pourrait se poser: si la décision Comeau est juste et que les Pères de la Confédération voulaient que les provinces commercent librement les unes avec les autres, comment les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 s’appliquent-ils dans ce contexte?

Nous pouvons poser plus de questions à la Cour suprême et obtenir les réponses. Nous n’attendons pas que cette cause fasse l’objet d’un appel ou qu’une autre cause soit devant les tribunaux. Les provinces ont ici l’occasion d’intervenir et de présenter d’autres citations et informations que la Cour suprême devrait prendre en considération.

La décision de la Cour suprême pourrait avoir et aurait des effets très variés, surtout si elle convenait que la décision rendue dans l’affaire Comeau était appropriée.

L’autre décision que j’aimerais porter à votre attention et que vous ne connaissez peut-être pas, c’est celle qui a été rendue par la Cour suprême du Canada, en 2009, dans l’affaire Northrop Grumman Overseas Services Corporation c. Canada (Procureur général). Dans cette cause, la Cour suprême a examiné l’ACI dans le contexte des marchés publics et s’est demandé si une entreprise étrangère pouvait être un fournisseur potentiel en vertu de l’Accord sur le commerce intérieur.

Qu’a dit la Cour suprême au sujet de l’ACI, soit l’Accord sur le commerce intérieur? Voici ce qu’elle a dit:

L’ACI est un accord intergouvernemental conclu par l’organe exécutif des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux (sauf le Nunavut). Il ne s’agit pas d’une loi. L’organe exécutif ne peut écarter des lois existantes en concluant des accords, bien que les accords qu’il ratifie puissent le lier[.] [...] L’organe législatif, quant à lui, peut évidemment choisir d’adopter un accord, en tout ou en partie, et lui donner force de loi.

La Cour suprême du Canada a dit également ce qui suit:

[…] le fait qu’une partie de l’ACI a été adoptée dans la loi ne doit pas faire oublier que ce document n’a pas été rédigé comme un texte législatif. […] l’ACI est un document politique. Beaucoup de ses dispositions expriment des principes et objectifs généraux qui ne peuvent être directement exécutoires.

De plus, la Cour suprême a dit que l’ACI

[…] vise le commerce intérieur canadien. Il s’agit essentiellement d’un accord de libre-échange commercial à l’intérieur du Canada.

Le comité devrait tenir compte des déclarations de la Cour suprême dans la préparation de son rapport.

J’ai parlé de renvoi à la Cour suprême. Il y a une autre possibilité que le comité pourrait examiner. À l’article 18 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, il est question de saisine:

Le Tribunal, sur saisine par le gouverneur en conseil, enquête et lui fait rapport sur toute question touchant, en matière de marchandises ou de services — considérés individuellement ou collectivement —, les intérêts économiques ou commerciaux du Canada.

Des rapports antérieurs recoupent certaines des questions qui se posent dans le commerce intérieur. J’en ai mentionné trois: GC-90-001, qui porte sur la compétitivité de l’industrie canadienne des fruits et des légumes frais et conditionnés; GC-92-001, qui porte sur la compétitivité des industries canadiennes de l’élevage des bovins et de la transformation du bœuf; et GC-97-001, qui comprend un certain nombre de rapports, dont Profil de l’industrie laitière canadienne, Le cadre juridique canadien et international et Régimes d’importation des produits laitiers.

Je recommanderais peut-être à votre comité d’envisager de s’adresser au Tribunal canadien du commerce extérieur s’il veut savoir quels sont les effets économiques du retrait de certains obstacles au commerce interprovincial et les répercussions que cela aurait à l’échelle fédérale et provinciale. La portée sera vraiment essentielle. Les aspects que votre comité examine pourraient aider à déterminer la portée d’une question ou d’une série de questions que vous pourriez poser au Tribunal canadien du commerce extérieur.

Pour revenir sur l’affaire Northrop Grumman, j’aimerais signaler un problème que nous pose l’ACI qui doit être réglé dans tout nouvel ACI. Il concerne les dispositions sur les marchés publics. Comme nous le savons, les gouvernements acquièrent des produits et des services, mais il n’y a pas d’autre mécanisme de règlement des différends accéléré et efficace dans les provinces. Il existe des recours devant les cours provinciales par contrôle judiciaire, mais cela coûte cher et c’est une longue entreprise. On ne peut émettre d’ordre de suspendre les travaux comme dans le cas du Tribunal canadien du commerce extérieur au fédéral. Les violations aux dispositions sur les marchés publics de l’ACI sont très difficiles à corriger dans les provinces.

De plus, les obligations relatives aux marchés publics prévues dans l’ACI ne sont pas appliquées dans le cadre des lois provinciales, de sorte que les dispositions qui ont été convenues dans l’ACI n’ont pas été adoptées par les provinces. Les obligations s’appliquent à l’échelle fédérale, mais pas à l’échelle provinciale. Même si une décision était prise, il faut se demander si les provinces touchées par cette décision feraient quelque chose.

Je recommande également que tout nouvel ACI s’applique dans le cadre des lois provinciales et qu’il comprenne un mécanisme de règlement des différends accéléré et efficace. Mon collègue vous parlera du règlement des différends.

Jon R. Johnson, avocat, LexSage Professional Corporation, à titre personnel: J’aimerais remercier les sénateurs de nous accueillir aujourd’hui. C’est un sujet intéressant et important. Je vais parler surtout du règlement des différends. Le sujet a été soulevé par un certain nombre de témoins. Des gens ont proposé l’adoption d’un meilleur mécanisme de résolution des différends dans l’ACI. Je vais vous parler d’un certain nombre de modèles de résolution des différends qui existent dans le cadre de divers accords. Il y a trois catégories: premièrement, ce que j’appellerai le modèle des accords commerciaux; deuxièmement, celui qui touche les différends entre un investisseur et un État, dont un certain nombre de témoins ont parlé devant votre comité; troisièmement ce que j’appellerais le modèle de règlement ayant force de loi.

Le modèle des accords commerciaux, c’est le type de règlement des différends que l’on retrouve dans l’Accord sur l’OMC, l’ALENA, l’AECG, qui est l’accord avec les Européens proposé, l’Accord de libre-échange Canada-Chili, donc dans divers accords de libre-échange.

Les procédures de règlement des différends ne sont offertes qu’aux gouvernements centraux. Les gouvernements sous-nationaux et les particuliers n’ont pas qualité pour y recourir. En général, les parties font appel à un groupe, qui détermine si la mesure — la pratique, par exemple — va à l’encontre de l’accord et recommande qu’on la rende conforme. Le gouvernement qui perd peut accepter, mais on ne peut le forcer à le faire. Habituellement, dans les cas de non-conformité, le gouvernement qui gagne peut user de mesures de représailles en bloquant des avantages prévus dans l’accord commercial, et il existe un processus pour le déterminer. Le fait est qu’au bout du compte, la mesure ne peut être balayée.

Puisque ce sont des nations souveraines qui signent ces accords et qu’aucun système judiciaire ne les lie, on peut comprendre pourquoi ce type de règlement des différends s’applique ici.

Brièvement, le mécanisme de règlement des différends prévu dans l’ACI correspond essentiellement à ce modèle. Quant à savoir s’il ne s’applique qu’aux gouvernements, l’ACI permet également aux personnes de présenter des demandes, mais il s’agit d’un processus complexe. Premièrement, il faut que la personne ait épuisé tous ses recours locaux. Deuxièmement, elle doit convaincre son gouvernement provincial de commencer les procédures. Si le gouvernement provincial ne le fait pas, la personne peut le faire elle-même, mais elle doit tout d’abord s’adresser à un examinateur, qui déterminera si la plainte est justifiée ou frivole. S’il décide qu’elle n’est pas justifiée, il n’y a pas de suite. S’il décide qu’elle l’est, on engage des procédures, et un groupe spécial est constitué.

Le même principe s’applique, à savoir que le gouvernement qui perd peut obtempérer, mais il n’est pas obligé de le faire. Vous avez entendu ce qu’a dit Me Todgham Cherniak au sujet de l’affaire Northrop. Il y a une cause liée à l’ACI entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Pour l’essentiel, dans ce cas, le gouvernement néo-brunswickois disait que le Nouveau-Brunswick avait tout à fait le droit de déterminer s’il mettait en œuvre les recommandations du groupe spécial, et de quelle façon et dans quelle mesure il le ferait. Le groupe spécial a trouvé que cela n’était pas fameux et a dit que parce qu’il a signé pour ces choses, le Nouveau-Brunswick devrait obtempérer. Toutefois, « devrait » ne signifie pas qu’il est dans l’obligation de le faire.

En gros, comme dans le cas des accords commerciaux internationaux que signent des nations souveraines, le moyen de recours, ce sont les représailles. L’ACI inclut l’idée de sanctions pécuniaires. Elles sont assez légères dans le contexte. Dans le cas d’une personne qui intente une action, la sanction pécuniaire n’est pas donnée à la personne, mais elle est mise dans un fonds comprenant d’autres sanctions pécuniaires, bien qu’il puisse y avoir des coûts pour la personne plaignante. Voilà pour le modèle des accords commerciaux.

Un certain nombre de témoins vous ont parlé du modèle qui touche les différends entre un investisseur et un État. Cela figure dans le chapitre de l’ALENA sur l’investissement, et l’AECG contient une disposition semblable. Il est question des APIE dans le document PowerPoint. Il s’agit des Accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers, qui comprennent des dispositions similaires. De plus, il y a des milliers de traités bilatéraux d’investissement. C’est un phénomène très courant.

Des parties non gouvernementales, dans ce cas des investisseurs, ont qualité pour agir. Elles n’ont pas à demander la permission à qui que ce soit pour commencer les procédures. Elles peuvent simplement le faire. Elles n’ont pas non plus à épuiser tous leurs recours locaux. En général, l’investisseur doit choisir. Il peut opter pour, disons, le chapitre 11 de l’ALENA, ou pour le système judiciaire national, par exemple. Il peut choisir l’un ou l’autre, mais il ne peut pas choisir les deux.

Un tribunal est constitué, et il existe diverses façons de choisir ses membres. Habituellement, le plaignant en choisit un, le pays visé par la plainte en choisit un autre, et le président est choisi d’une certaine manière. Le tribunal détermine si la mesure qui fait l’objet d’une plainte viole les dispositions de l’accord d’investissement. Si c’est le cas, le tribunal accorde des dommages-intérêts à l’investisseur plaignant.

La mesure peut demeurer en vigueur, mais à la différence des sanctions pécuniaires liées à l’ACI, dont le montant maximal est de 5 millions de dollars, celles-ci peuvent être très élevées.

Il y a par exemple l’affaire AbitibiBowater. Il s’agissait d’une affaire d’expropriation contre le Canada qui touchait Terre-Neuve. L’affaire s’est finalement réglée, mais le montant du règlement était de 130 millions de dollars.

Le montant le plus important jamais accordé dans le cadre d’un différend entre un investisseur et un État, du moins jusqu’en 2012 — je ne suis pas allé plus loin —, c’est dans l’affaire Occidental Petroleum Corporation and Occidental Exploration and Production Company c. la République de l’Équateur. Le montant était de 1,77 milliard avec intérêts. Cela diffère fortement du processus de l’ACI.

Il est peut-être difficile pour les provinces d’y adhérer, mais c’est de cette façon que les choses fonctionnent. Pour ce qui est de la mesure, ne pas se conformer pourrait coûter très cher.

Le troisième modèle, je l’appelle le modèle de règlement ayant force de loi. C’est lorsqu’une décision découlant d’un processus décisionnel dans le cadre de l’accord commercial aboutit à une ordonnance selon laquelle le gouvernement fautif doit obtempérer.

Je vais vous donner deux exemples. Le chapitre 19 de l’ALENA était plutôt exceptionnel. Il prévoit l’examen par un groupe spécial binational de certaines décisions dans les recours qui concernent les droits antidumping et compensateurs plutôt qu’un examen par des tribunaux. Si le groupe spécial se penche sur, disons, la constatation d’un préjudice par la Commission du commerce international des États-Unis, il détermine si la Commission a appliqué correctement les règles de droit américaines. C’est la loi américaine qui s’applique, mais on dira « écoutez, vous avez commis des erreurs de telle façon, alors faites ce qu’il faut ».

Cela peut s’éterniser, mais au bout du compte, le groupe spécial binational peut dire, « bon, annulez cela ». Bien sûr, dans un différend sur les droits antidumping et compensateurs, si la constatation d’un préjudice disparaît, il n’y a plus de fondement, et il faut rembourser. C’est ce que j’entends par modèle de règlement ayant force de loi. Trois nations souveraines — qui étaient deux à l’origine dans le cadre de l’accord entre le Canada et les États-Unis, et la troisième est le Mexique — ont intégré ce processus de règlement des différends dans leur loi.

Il y a eu des problèmes concernant le bois dans le cadre de ce modèle, mais ils n’ont pas vraiment à voir avec ce que je veux dire.

L’autre exemple va dans le sens de ce qu’a dit Me Todgham Cherniak au sujet des marchés publics. Fait intéressant, le gouvernement fédéral a établi un processus devant le TCCE — le Tribunal canadien du commerce extérieur — dans lequel un fournisseur éventuel qui croit avoir été traité injustement par suite de la violation d’une obligation prévue par un accord commercial — il y a l’ACI, l’ALENA et les accords sur les marchés publics de l’OMC, qui sont les principaux, et il y a également l’accord entre le Canada et le Chili — peut se plaindre au TCCE. C’est un processus assez rapide, et le tribunal peut faire un certain nombre de recommandations, comme celles de faire un nouvel appel d’offres, d’annuler un contrat attribué. Il peut même s’agir d’accorder des dommages-intérêts.

Le tribunal fait ces recommandations aux institutions fédérales, c’est-à-dire à l’organisme responsable de l’acquisition. Le paragraphe 30.18(1) de la Loi sur le TCCE prévoit que « [l]orsque le Tribunal lui fait des recommandations en vertu de l’article 30.15 » — qui indique quelles recommandations peuvent être faites —, « l’institution fédérale » — c’est-à-dire l’organisme responsable de l’acquisition — « doit » — et non pas « devrait » —, « sous réserve des règlements, les mettre en œuvre dans toute la mesure du possible ». Je crois comprendre que concrètement, c’est ce qui se passe presque toujours. C’est ce que j’entends par « force de loi ». Un organisme d’arbitrage peut dire au gouvernement fautif d’arranger les choses.

C’est un très bon modèle. J’ignore si les provinces l’accepteraient, mais il existe. C’est l’une des façons efficaces de régler les différends.

Les organismes d’arbitrage peuvent être de divers types. Les chapitres 20 et 19 de l’ALENA prévoient des groupes spéciaux d’arbitrage. Le gouvernement dresse une liste de personnes parmi lesquelles les parties au litige choisissent les membres du groupe d’arbitrage.

C’est à peu près la même chose pour les procédures opposant des investisseurs à l’État dans le cadre des accords sur la promotion et la protection des investissements étrangers. La structure des tribunaux diffère légèrement, mais, essentiellement, on constitue des listes de personnes pouvant y siéger et les parties choisissent parmi les personnes inscrites sur la liste.

L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne a une structure plus solide; l’accord institue un tribunal qui a vocation permanente. Il prévoit également un organe d’appel qui est lui aussi de nature permanente.

Pour sa part, l’Accord de l’OMC prévoit des groupes spéciaux d’arbitrage, mais un organe d’appel permanent. L’un des avantages de cette permanence, c’est qu’elle a rendu possible l’établissement d’une jurisprudence beaucoup plus uniforme.

Quant à l’Accord sur le commerce intérieur, il prévoit des groupes spéciaux formés à partir de listes. Il y a une procédure d’appel, mais c’est encore une fois un groupe spécial formé de la même manière. La question qui se pose est la suivante: serait-il plus efficace de confier cette tâche à une cour ou à un tribunal administratif du commerce déjà établi ou de constituer un nouveau tribunal permanent chargé d’entendre ces appels?

Je vais ajouter une dernière chose. Le gouvernement fédéral contribue à dresser des obstacles au commerce intérieur et dans certains cas, de manière évidente. Il y a les obstacles qui puisent leur fondement dans les lois fédérales, et le régime régissant la bière, le vin et les spiritueux consiste en l’amalgame d’une loi fédérale — la Loi sur l’importation des boissons enivrantes — et des diverses lois provinciales. La Loi sur l’importation des boissons enivrantes rend possible la création de monopoles provinciaux qui eux seuls possèdent le droit d’importer des boissons alcoolisées ou d’en contrôler l’importation dans une province.

Il s’agit d’un obstacle évident au commerce, qui est maintenu en place conjointement par les deux ordres de gouvernement. Bien entendu, Comeau pourrait venir y changer quelque chose, car le juge LeBlanc a déclaré qu’il ne s’était pas prononcé au sujet de la Loi sur l’importation des boissons enivrantes simplement parce que personne ne l’avait plaidée comme argument.

Les régimes de gestion de l’offre tombent dans la même catégorie. Pour les produits laitiers, il y a la Loi sur la Commission canadienne du lait, qui prévoit l’établissement d’un système de contingents dans chacune des provinces ainsi que de nombreuses autres mesures. Ensuite, chaque province met en place son propre régime. En Ontario, c’est la Loi sur le lait qui alloue les contingents aux producteurs laitiers.

Je pense que l’un de vos témoins a indiqué que le régime de gestion de l’offre ne constitue pas en soi une restriction commerciale. Je ne sais pas si c’est vrai. Ce régime repose non pas sur la « complicité » du gouvernement fédéral, car ce serait un peu trop fort, mais il dépend de sa participation.

Par ailleurs, lorsque les exigences réglementaires varient d’une province à l’autre, c’est souvent parce qu’il s’agit d’un champ de compétence exclusif des provinces. Parfois aussi, c’est le résultat d’une politique fédérale, comme la décision de confier à chaque province le soin d’agir contre les changements climatiques. Il peut y avoir une dizaine de règles distinctes dont découlent divers règlements. Le gouvernement fédéral peut avoir une excellente raison d’intervenir, qu’elle soit politique ou autre, mais cela a pour effet de multiplier les règles et les règlements. On demande ensuite aux provinces d’harmoniser leurs mesures le plus possible et on leur impose la reconnaissance mutuelle même lorsque cela ne fonctionne pas.

Soit dit en passant, j’ai remarqué que dans le New West Partnership, la reconnaissance mutuelle occupe une place beaucoup plus grande que dans l’Accord sur le commerce intérieur.

Cela clôt ma présentation. Cyndee et moi serons heureux de répondre à vos questions.

[Français]

François Emond, directeur exécutif, Conseil canadien des marchés publics (CCMP): Monsieur le président et honorables sénateurs, je tiens d’abord à vous remercier de l’invitation à comparaître devant votre comité pour discuter des questions relatives aux barrières au commerce intérieur.

Je m’appelle François Emond. Je suis le directeur exécutif du Conseil canadien des marchés publics, qui est un organisme sans but lucratif autonome créé en 1999. Nous avons comme premier objectif de devenir la principale ressource en matière de marchés publics au Canada. Notre organisme a comme mission de promouvoir le dialogue et l’établissement de réseaux, de faciliter l’échange des renseignements et des connaissances, d’apporter des réponses aux questions communes et de jouer un rôle d’impulsion pour relever des défis communs, tout en étant au service des citoyens et des marchés publics au Canada.

Nous jouons un rôle de premier plan afin de promouvoir les échanges en matière de marchés publics, de rehausser la valeur de la fonction de professionnel en approvisionnement et de gestion de la chaîne logistique de nos organismes membres. Nous avons également comme objectifs d’échanger des idées, de l’information et des expériences ayant trait aux activités d’acquisition, ainsi que d’examiner les répercussions sur le plan opérationnel des nouvelles politiques ou des pratiques d’acquisition publiques, notamment les accords commerciaux, les marchés en ligne ainsi que les partenariats publics et privés.

Notre communauté de membres est composée de professionnels en approvisionnement, qui sont à l’emploi d’environ une centaine d’organismes publics un peu partout au Canada. Ceux-ci proviennent de tous les ordres de gouvernement, qu’il s’agisse de l’échelon fédéral, provincial-territorial ou municipal, ainsi que des sociétés d’État et des organismes des secteurs de l’éducation et de la santé.

L’un de nos objectifs stratégiques est la reconnaissance de la fonction d’approvisionnement, laquelle joue un rôle de premier plan au sein des organismes publics, peu importe leur taille ou leur origine. Nous sommes convaincus que cette fonction peut avoir une influence positive sur l’atteinte des objectifs de ceux-ci et contribuer à ce que les fonds publics soient dépensés de façon optimale. Nous croyons aux valeurs d’intégrité et de transparence du processus global d’approvisionnement, soit de la définition d’un besoin jusqu’à l'octroi d'un contrat, en passant par la gestion qui en découle.

L’un des axes importants associés à la profession de spécialiste en approvisionnement public a trait à la connaissance de son marché lorsqu’arrive le moment de le solliciter afin de combler un besoin, qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service spécifique. Cette sollicitation peut se faire sous la forme d’un appel d'offres réalisé de façon publique ou par voie écrite selon les règles en vigueur. Le processus de préparation des documents d’appel d’offres suppose donc une réflexion stratégique importante dont la connaissance du marché visé et les contraintes s’y rattachant sont des éléments importants.

L’ouverture des marchés est donc une préoccupation de premier plan, puisqu’elle assure une compétitivité accrue entre les soumissionnaires, ce qui favorise l’octroi de contrats à des conditions plus avantageuses pour nos organismes publics. Cette ouverture des marchés ne doit donc pas être freinée par la présence de barrières intérieures qui pourraient décourager certaines entreprises de conclure des contrats avec des organismes publics.¸

À l’heure actuelle, les accords en place entre les provinces réduisent les risques et favorisent l'ouverture des marchés entre elles. Bien que ces accords soient bien intégrés dans les pratiques des organismes publics, ceux-ci gagneraient sans doute à être mieux connus par la communauté des fournisseurs qui souhaitent transiger avec eux.

La réalité opérationnelle associée à certains besoins où la proximité géographique est un élément important qui pourrait toutefois représenter une barrière en soi. Pour certaines entreprises, les coûts liés au développement des marchés et au commerce avec certains organismes publics, en fonction de leur territoire, sont d'autres éléments qui peuvent nuire à l'ouverture des marchés.

Bien que bon nombre d’éléments soient en place à l’heure actuelle afin de favoriser le commerce intérieur entre les organismes publics et leur communauté de fournisseurs, nous croyons que les professionnels en approvisionnement peuvent faire une différence dans la mise en œuvre de stratégies novatrices permettant de créer des conditions propices à l’ouverture des marchés, pour ainsi favoriser l'obtention d’un plus grand nombre de soumissions.

Nous devons veiller à ce que la légitimité des exigences contractuelles soit revue afin que ces exigences ne deviennent pas une barrière au commerce intérieur. Toutefois, il ne faut pas que les organismes publics diminuent leurs exigences dans le seul but d’assurer une compétitivité accrue au-delà des frontières provinciales et territoriales, surtout lorsqu’il y a déjà un bassin de fournisseurs qui favorise une bonne compétitivité et qui assure ainsi l’obtention de prix adéquats. Plusieurs secteurs d’activités ont toutefois des bassins restreints de fournisseurs potentiels. Il serait avantageux pour eux de disposer d’un plus grand nombre de fournisseurs à l’échelle nationale et de démontrer un intérêt à faire affaire avec les organismes publics.

Voici donc un bref exposé de la mission et de la vision du Conseil canadien des marchés publics quant aux enjeux liés aux barrières au commerce intérieur. J'ose espérer que ces quelques éléments alimenteront vos réflexions. Je serai ravi de répondre à vos questions en anglais ou en français afin de poursuivre le débat.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Il reste deux témoins et nous devons partir à 18 h 15. Une autre réunion commence dans une demi-heure, et on aura besoin de temps pour s’organiser. Nous allons continuer les questions pour encore 20 minutes, puis écouter les deux autres témoins.

Le sénateur Black: Je vous remercie d’être venus aujourd’hui. Les renseignements que vous nous avez présentés sont très exhaustifs — il y a matière à beaucoup de réflexion.

J’ai quelques questions pour chacun de vous.

En ce qui concerne la décision Comeau — et je vous remercie de vos intéressants propos à ce sujet —, croyez-vous qu’elle vise également le commerce des services ou uniquement celui des biens?

Mme Todgham Cherniak: L’article 121 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit ceci:

Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admise en franchise dans chacune des autres provinces.

Comme il est écrit « articles du crû, de la provenance ou manufacture », je pense qu’on vise principalement les biens.

Peut-on dire d’un service qu’il est « du crû » d’une province? Je ne sais pas si l’on peut faire valoir sur le plan juridique que les termes « du crû, de la provenance ou manufacture » peuvent s’appliquer également à des services. Pour être honnête, je pense que ce pourrait être exagéré, mais il faudrait poser la question à la Cour suprême.

Le sénateur Black: C’est la prochaine étape. Croyez-vous que nous devrions recommander que le gouvernement renvoie cette décision à la Cour suprême et qu’il lui demande en même temps de se prononcer sur la question des services?

Mme Todgham Cherniak: Tout est possible. La question pourrait être: L’affaire Comeau a-t-elle été tranchée correctement? Comment faudrait-il interpréter l’article 121 au regard des articles 91 et 92 sur le partage des pouvoirs, et l’article 121 s’applique-t-il également aux services? Ainsi, on éviterait que les causes se multiplient devant la Cour suprême et que des questions demeurent sans réponse. Puis, une fois que la Cour suprême se serait prononcée, on travaillerait avec les provinces en fonction de cette décision.

Le sénateur Black: Merci, c’est très utile.

J’aimerais faire le pont rapidement entre ce que vous venez de dire et ce que vous avez dit au sujet de la décision Northrop que la Cour suprême a rendue en 2009. Croyez-vous que le raisonnement qui sous-tend cette décision pourrait influencer un éventuel envoi?

Mme Todgham Cherniak: Je n’en suis pas sûre. En fait, la Cour suprême du Canada a fait des déclarations au sujet de l’Accord sur le commerce interprovincial — sur ce qu’il est et ce qu’il n’est pas — et cela nous aide beaucoup à comprendre son avis sur l’accord.

Le sénateur Black: Très bien. Alors vous me dites qu’ils ont regardé l’accord et l’ont catégorisé comme une entente — et non comme un document juridique, une loi ou un règlement. C’est notre point de départ. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Todgham Cherniak: Oui.

Le sénateur Black: Monsieur, j’ai une question très brève à vous poser. Dans le contexte de la résolution des différends, cela occupe bien entendu une place essentielle.

J’imagine que vous avez jeté un coup d’œil à la procédure de résolution des différends dans le New West Partnership?

M. Johnson: Oui, un bref coup d’œil. Je n’ai pas analysé le texte en profondeur, mais je l’ai lu.

Le sénateur Black: Ce serait très utile si vous pouviez, soit maintenant ou plus tard, dire à notre comité ce que sont à votre avis les éléments essentiels d’une bonne disposition de résolution des différends.

M. Johnson: Pour qu’une telle disposition soit réellement efficace, elle doit avoir un effet juridique. Autrement dit, si une mesure n’est pas appliquée de façon constante, elle devient impossible à faire respecter; elle doit disparaître.

Le sénateur Black: Vous voulez dire qu’il faut un maillet.

M. Johnson: Oui, il doit y avoir un maillet et il doit statuer de façon ultime. Essentiellement, c’est ce que nous avons dans le processus de passation des marchés du Tribunal canadien du commerce extérieur. Nous avons la même chose au chapitre 19 de l’ALENA.

Le sénateur Black: Faudrait-il alors s’en remettre aux tribunaux ou croyez-vous que la création d’un organe d’arbitrage serait efficace ou préférable?

M. Johnson: Je dirais probablement la création d’un organe d’arbitrage. Les tribunaux font certaines choses, mais je crois qu’un organe constitué à cette fin serait préférable, car il serait spécialisé.

Le sénateur Black: Je vois.

Le président: Monsieur Emond, vouliez-vous ajouter quelque chose? Ne vous gênez pas pour intervenir.

M. Emond: Non, pas pour l’instant. Merci.

Le sénateur Black: J’ai une question pour M. Emond, si vous permettez.

Le président: Bien sûr.

Le sénateur Black: Monsieur, je veux simplement m’assurer que j’ai bien compris votre important témoignage d’aujourd’hui.

J’entends que votre organisation prône l’ouverture et la concurrence et que, par conséquent, vous êtes pour la suppression des obstacles au commerce interprovincial. Est-ce bien l’essence de votre témoignage?

M. Emond: C’est exact. Nous sommes pour l’ouverture entre les provinces.

Le président: Pour donner suite à la question du sénateur Black au sujet des services, est-ce que la notion de services existait à l’époque? Est-ce qu’on en a même discuté en 1867?

Mme Todgham Cherniak: Ce n’est pas moi qui ai fait la recherche. Les travaux que je vous ai présentés aujourd’hui sont ceux des avocats dans l’affaire Comeau. Ils ont fait un excellent travail. Je n’ai fait aucune recherche de mon côté pour répondre à cette question, mais il serait très intéressant de le faire.

M. Johnson: Quand on lit la décision Comeau, je pense que la réponse est non. L’idée de « services » à cette époque était encore inexistante.

Le président: Les citations de tout à l’heure tirées des débats sur la Confédération m’ont donné l’impression qu’on voulait tout englober. On ne posait aucune réserve. Autrement dit, il n’y avait ni exception ni restriction. On ouvrait le marché.

Mme Todgham Cherniak: Il y a de nombreuses citations, mais je pense qu’il faudrait fouiller les archives davantage.

Le président: Je suis sûr que vous le ferez.

Mme Todgham Cherniak: Et analyser plus en profondeur les déclarations qui ont été découvertes. Je les trouve d’ailleurs très intéressantes, tout comme la décision Comeau. Si vous vous intéressez à l’histoire du Canada, c’est une très bonne décision à lire, elle est bien rédigée. Je recommande à tous de la lire. Vous serez fascinés. Le juge LeBlanc a fait un excellent travail.

Le sénateur Tannas: Le sénateur Black a déjà obtenu de très bonnes réponses aux questions que je voulais poser, alors je vais passer mon tour.

La sénatrice Ringuette: Merci beaucoup; nous sommes toujours très heureux de vous accueillir et de bénéficier de votre expertise.

En tant que Néo-Brunswickoise, j’ai été un peu étonnée par la décision du juge sur les principes, étant donné l’inclusion moderne, dans la Constitution et dans la Charte des droits et libertés, de la liberté de circulation pour les consommateurs et de la liberté de circulation entre les provinces. J’habite à cinq kilomètres de la province du Québec, mais à deux kilomètres de la frontière du Maine. Je suis un peu étonnée.

J’ignore si vous vous êtes penchée là-dessus, mais comment l’article 121, qui concerne la libre circulation des biens, cadre-t-il avec le partage des compétences exclusives entre les provinces et le gouvernement fédéral? Ces deux points ne sont pas mentionnés dans la décision du juge LeBlanc, alors qu’ils font également partie de notre Constitution. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme Todgham Cherniak: Je suis d’accord avec vous. Je pense que la décision ne porte que sur l’article 121 parce que c’est précisément la question qui a été posée au juge LeBlanc. S’il y a un renvoi à la Cour suprême, ce sera un important prolongement de ceci: l’affaire Comeau a-t-elle été tranchée correctement, et est-ce que le Sceau d’or est dépassé?

Si l’on veut permettre le libre-échange entre les provinces, d’est en ouest, si c’est ce que voulaient les Pères de la Confédération, alors comment cela cadre-t-il avec les articles 91 et 92 sur le partage des pouvoirs? L’article 121 est-il un chapeau, ou a-t-il préséance sur le partage des pouvoirs dans un contexte où ce partage serait accessoire à la règle générale, qui serait le libre-échange? Cela pourrait faire l’objet d’un renvoi secondaire à la Cour suprême pour éviter de devoir lui poser la question plus tard. Je crois que nous pourrions obtenir une interprétation exhaustive du commerce interprovincial et de la forme que celui-ci est censé revêtir d’un point de vue constitutionnel, et de l’intention des Pères de la Confédération.

Ce serait formidable si les avocats du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux ainsi que les autres intervenants rassemblaient toute l’information qu’ils jugent importante et demandaient à la Cour suprême du Canada de trancher si oui, il doit y avoir libre-échange entre les provinces ou si, au contraire, ce n’est pas ce qui avait été envisagé dans une perspective plus étroite. J’ai hâte de lire cette décision.

M. Johnson: Les tribunaux se prononcent uniquement sur ce qui est plaidé devant eux. D’une certaine manière, ce n’est pas très édifiant. Par exemple, le juge LeBlanc n’a rien décidé au sujet de la Loi sur l’importation des boissons enivrantes, car elle n’a pas été invoquée comme argument.

Quant aux questions entourant l’article 92, notamment celle de savoir si son interprétation de l’article 121 porterait atteinte aux pouvoirs exclusifs des provinces, elles n’ont pas été soulevées devant la cour. Personne n’a dit: « Nous détenons ce pouvoir en vertu de l’article 92, et l’article 121 vient contredire ce pouvoir ». Si quelqu’un avait fait valoir cet argument, le juge LeBlanc aurait été tenu de se prononcer sur la question. Or personne ne l’a fait.

La sénatrice Ringuette: On a parlé des obstacles non tarifaires dans le contexte, notamment, de l’inspection des viandes. Lorsqu’une usine transforme de la viande destinée à une autre province, elle tombe sous le coup de la loi fédérale. Par contre, si la viande n’est destinée qu’au marché provincial, c’est le régime provincial qui s’applique.

L’inspection des viandes constitue en soi un service. Elle est obligatoire en raison des lois et des règlements qui visent à protéger les citoyens.

À votre avis, maître Johnson, où l’inspection des viandes s’inscrirait-elle dans le scénario?

M. Johnson: C’est un bon point que vous soulevez, car c’est une question assez difficile. La difficulté découle du fait qu’on inspecte les viandes parce que les gens peuvent mourir s’ils mangent de la viande contaminée. Personne ne conteste les raisons qui motivent la mise en place de systèmes et de règles rigoureuses où il faut se conformer à ceci et à cela, et où il faut inspecter la viande, les abattoirs et les usines de transformation.

Le problème, c’est lorsqu’il y a, par exemple, un décalage entre deux provinces et que l’une dit: « Vous n’auriez vraiment pas dû faire cela » et que l’autre répond: « Non, c’est trop strict, mais nous croyons que vous devriez faire ainsi ». C’est là que les difficultés surviennent. Évidemment, la meilleure solution consiste à harmoniser les règles. Beaucoup de choses peuvent être harmonisées et le sont. Ensuite, il y a le principe de reconnaissance mutuelle.

Il convient aussi de signaler que, parfois, ces systèmes éminemment raisonnables et essentiels sont mis à profit à des fins protectionnistes. Est-ce qu’on tente ici de protéger la santé des humains ou de protéger le marché? La distinction n’est pas toujours évidente, d’où la difficulté.

Le sénateur Day: Je vous remercie tous les trois de vos exposés.

La plupart des questions que je voulais vous poser sur le renvoi à la Cour suprême ont été abordées. Je tenais toutefois à préciser que nous avons fait l’association avec l’arrêt Comeau, mais qu’un renvoi à la Cour suprême par le gouvernement fédéral n’est pas nécessairement lié à cette affaire. Ces questions auraient pu nous venir à l’esprit à la suite de l’arrêt Comeau, mais tout cela est distinct et n’a rien à voir avec les faits de l’affaire.

Mme Todgham Cherniak: Non, je dirais simplement que l’arrêt Comeau nous a amenés à réfléchir un peu. L’affaire nous a donné un nouveau point de vue et une nouvelle façon de voir ce que souhaitaient les Pères de la Confédération au moment de créer la Confédération. Puisque près de 150 années se sont écoulées, le moment est idéal pour examiner à nouveau ce qu’ils ont dit et pour obtenir un jugement de la Cour suprême.

Le sénateur Day: Le gouvernement fédéral pourrait notamment demander si la Constitution s’appliquait tant aux biens qu’aux services, même si c’est une question d’interprétation. Cette précision pourrait être demandée, même s’il n’en a pas été question dans l’arrêt Comeau.

Mme Todgham Cherniak: Tout à fait. Je pense que l’affaire Comeau nous pousse en quelque sorte à réfléchir. Que pouvons-nous demander à la Cour suprême, étant donné que nous avons cet arrêt? Nous voulons prendre les rênes et éviter que la procédure ne prenne 10 années avant d’aboutir devant la Cour suprême, comme dans l’affaire Comeau où les questions pourraient être limitées, ou dans d’autres affaires dont nous ne connaissons même pas encore les faits.

Le sénateur Day: Maître Johnson, vous avez dit qu’il n’a pas été question de la Loi sur l’importation des boissons enivrantes dans l’affaire Comeau. Cela pose-t-il problème en ce qui a trait à la valeur de l’affaire dans l’établissement d’un précédent? Devrions-nous faire fi du processus d’appel prévu et encourager un renvoi distinct?

M. Johnson: Je pense que la question serait posée dans le renvoi. Au fond, compte tenu de ce qui a été décidé, personne ne pourrait interjeter appel relativement à la Loi sur l’importation des boissons enivrantes parce que le juge LeBlanc a décidé à juste titre de ne pas s’en occuper — il n’en a pas été question.

Dans la mesure où une procédure d’appel serait engagée, l’instance responsable — par exemple le gouvernement du Nouveau-Brunswick — ne soulèverait aucune question à ce sujet puisque le tribunal ne s’est pas prononcé là-dessus. Je ne suis pas spécialiste des renvois à la Cour suprême, mais je pense qu’il est possible de soumettre un éventail beaucoup plus large de questions dans un renvoi.

Le sénateur Day: Je suppose que le renvoi a une connotation politique. Des témoins ont parlé de l’approche nucléaire. Puisque le gouvernement fédéral a le pouvoir, qu’il aille de l’avant, et au diable les torpilles. Si le gouvernement fédéral décide de faire un renvoi sans consulter les provinces, il pourrait vraisemblablement y avoir des répercussions politiques.

Mme Todgham Cherniak: Je dirais que les provinces auront l’occasion de participer au renvoi à la Cour suprême à titre d’intervenants. En fait, elles auront ainsi leur mot à dire et pourront présenter tout élément de preuve et argument que la Cour suprême pourrait trouver pertinent.

M. Johnson: Voilà qui pourrait donner du fil à retordre au gouvernement fédéral. Je pense à la Loi sur l’importation des boissons enivrantes. J’ignore à quel point le gouvernement s’en soucie, mais c’est une loi fédérale, et certaines d’entre elles sont essentielles au maintien du système de gestion des approvisionnements.

La sénatrice Ringuette: J’aimerais faire suite à la question de l’inspection des viandes, étant donné que votre domaine d’expertise est surtout international. Je crois que s’il y a un problème, il existe aussi une solution.

Dans le cas de l’inspection des viandes, la reconnaissance du système ISO — comme ISO2000 et le reste — pourrait-elle assurer l’établissement de normes et l’harmonisation que nous souhaitons? Toujours sur la question de l’inspection des viandes, ne pourrions-nous pas privilégier ce système pour contribuer à l’harmonisation et à l’établissement de normes?

M. Johnson: Je ne connais pas particulièrement le sujet, mais je sais qu’un certain nombre d’accords commerciaux internationaux favorisent l’adoption de normes internationales. C’est bel et bien ce que font les mesures sanitaires et phytosanitaires de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce, ou OMC, de même que le chapitre de l’Accord de libre-échange nord-américain, ou ALENA. Dans bien des domaines, il existe des normes internationales visant à protéger divers éléments.

J’ignore dans quelle mesure les pays adoptent de telles normes, mais j’imagine que beaucoup d’entre eux le font et que ces normes sont généralement reconnues. C’est une excellente façon d’harmoniser les procédures, étant donné que quelqu’un a réfléchi sérieusement et intelligemment à un régime permettant de protéger les gens. Vous n’avez donc pas à réinventer la roue si vous adoptez un de ces régimes.

Encore une fois, si tout le monde procède ainsi, vous vous retrouverez essentiellement avec un système assez uniforme, ce qui est fort souhaitable. C’est bel et bien une façon de procéder tout à fait souhaitable.

Le sénateur Day: Nous nous attendons à ce que les choses bougent du côté de l’Accord sur le commerce intérieur, ou ACI. Des propositions devaient être soumises en mars dernier, et elles devraient arriver sous peu. J’ai lu des articles qui parlent d’une nouvelle initiative concernant le règlement des différends. Êtes-vous au courant de ce dont il pourrait s’agir?

Mme Todgham Cherniak: Je n’ai eu vent d’aucune déclaration publique sur les propositions à ce stade-ci, de sorte que je ne peux vous transmettre aucune information.

Le président: Avez-vous quelque chose à dire, monsieur Emond?

Le sénateur Day: Monsieur Emond, avez-vous quoi que ce soit à ajouter là-dessus?

M. Emond: Ma remarque ne porte pas expressément sur votre question. Elle se rapporte plutôt à la question de la sénatrice Ringuette sur les exigences de la norme ISO, de sorte que je pourrais y revenir plus tard.

Le président: Non, veuillez s’il vous plaît prendre la parole maintenant.

M. Emond: J’ai longtemps travaillé dans le milieu de l’approvisionnement du secteur privé, ce qui m’a permis de me familiariser avec les exigences de la norme ISO. Cette voie pourrait être une solution, sauf que ces exigences demeurent très générales et vastes, et elles s’appliquent à n’importe quel secteur.

Dans le cas de secteurs particuliers comme l’inspection des viandes, dont vous avez parlé, il se peut que des normes internationales s’appliquent expressément à ce domaine, comme Me Johnson l’a mentionné. J’ignore si les exigences de la norme ISO sont la solution et pourraient s’appliquer de façon globale ou générale étant donné qu’elles ciblent la qualité et les procédures au sein de l’entreprise. Elles ne s’appliquent pas nécessairement à une industrie donnée, ce pour quoi certains secteurs ont établi leurs propres normes, comme celui de l’automobile.

La sénatrice Ringuette: Avez-vous quelque chose à ajouter, maître Johnson?

M. Johnson: Non.

Le président: Je remercie les témoins.

Notre prochain groupe de témoins ramène l’Atlantique à Ottawa. Nous accueillons Kal Whitnell, directeur principal des recherches économiques et des négociations commerciales au sein du Développement économique et tourisme du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard. Nous écouterons également Marco Navarro-Genie, président et chef de la direction de l’Atlantic Institute for Market Studies, qui témoignera par vidéoconférence.

Kal Whitnell, directeur principal — Recherches économiques et négociations commerciales, Développement économique et tourisme, gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard: Je suis ravi d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui. Je suis le directeur principal des recherches économiques et des négociations commerciales pour le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard. Je m’occupe des négociations commerciales intérieure et internationale de la province.

J’ai eu l’occasion de passer en revue une bonne partie des témoignages que le comité a entendus ces derniers mois, et je constate un certain nombre de thèmes qui se dégagent. J’en aborderai quelques-uns aujourd’hui, et j’aimerais évidemment en discuter après mon exposé.

Je m’occupe évidemment de l’harmonisation de la réglementation et de la reconnaissance régionale — la notion de la transparence et de l’approche fondée sur des listes négatives —, de même que du règlement des différends, un sujet sur lequel beaucoup de témoignages portaient et qui semble être un thème majeur, d’après certains témoins. La notion de barrières au commerce intérieur englobe certaines marchandises. De toute évidence, les boissons alcoolisées sont actuellement à l’avant-plan en raison de l’affaire Comeau et du jugement rendu au Nouveau-Brunswick. Il est aussi question de l’Accord sur le commerce intérieur, ou ACI, de sa structure de gouvernance actuelle de même que de son fonctionnement.

J’aimerais vous donner un aperçu de la perspective de l’Î.-P.-É. concernant l’importance du commerce, après quoi je parlerai de l’ACI en place, puis j’aborderai brièvement le renouvellement de l’entente et la direction que nous pourrions prendre à ce chapitre.

Pour l’Î.-P.-É., le commerce est de la plus haute importance. Nous avons une économie diversifiée. Nous sommes donc moins à la merci des cycles d’expansion et de ralentissement qui touchent les économies de fabrication et de ressources d’autres provinces. Nous avons un certain nombre de petites industries qui nous protègent contre la plupart de ces cycles.

En ce qui concerne l’économie de l’Î.-P.-É. de façon générale, nous comptons sur nos secteurs économiques traditionnels, comme l’agriculture, les poissons, les fruits de mer et le tourisme, mais aussi sur un certain nombre de nouveaux secteurs stratégiques qui se portent très bien, du côté de l’aérospatiale, des sciences biologiques, des technologies de l’information et des communications, de la fabrication de pointe, des technologies marines et des services professionnels aussi, évidemment.

La capacité des entreprises de l’Î.-P.-É. à s’adonner au commerce international et intérieur est essentielle au dynamisme de l’économie. C’est d’une importance capitale pour la province. Le commerce interprovincial représente environ 60 p. 100 de l’ensemble de nos importations et exportations.

Il est impératif que des règles et des dispositions régissant le commerce soient en place pour permettre aux entreprises de l’Î.-P.-É. de faire des affaires dans d’autres provinces canadiennes.

Je pense au témoignage du représentant de Statistique Canada, qui parlait d’une mesure de l’ouverture aux échanges interprovinciaux. En fait, il semble que l’Î.-P.-É. ait obtenu le meilleur résultat, avec environ 80 p. 100. Nous sommes très ouverts, et nous voulons nous assurer que les négociations à venir laissent suffisamment d’ouverture à nos entreprises pour qu’elles puissent continuer leurs échanges.

Nous avons mis en place plusieurs initiatives déterminantes pour donner un coup de pouce à nos entreprises. Nous avons lancé une initiative sur la force de vente de la province de même qu’une initiative de partenariat en matière d’alimentation sur l’île pour aider nos entreprises à étendre leur portée dans d’autres marchés, que ce soit au Canada ou à l’étranger.

Permettez-moi de retracer brièvement l’histoire de l’ACI. Vous savez tous qu’il a été signé en 1994, puis qu’il est entré en vigueur en 1995. Il y a eu, au cours des 20 ou 21 années qui se sont écoulées depuis la création et l’entrée en vigueur de l’accord, un certain nombre de plans de travail ou de modifications, soit un total de 14 protocoles de modification. Il y a eu des modifications déterminantes du côté du règlement des différends, de la mobilité de la main-d’œuvre et des marchés publics.

Il y avait probablement un certain froid dans la décennie ayant suivi l’entrée en vigueur de l’accord, mais depuis 2004, les premiers ministres ont pris la décision d’élaborer des plans de travail complets pour la suite des choses portant sur des éléments déterminants de la mobilité de la main-d’œuvre, des marchés publics et du règlement des différends. En 2007, un autre plan de travail en cinq points était une sorte de mélange avec la version de 2004.

Je sais que la séance d’aujourd’hui porte sur les barrières au commerce intérieur, mais je ne trouve pas le Canada truffé de barrières. À mes yeux, une barrière laisse entendre qu’il est interdit de vendre un bien ou un service, ou d’investir dans une autre province. Dans bien des cas, ce qui est actuellement en place est plutôt un irritant ou un fardeau. Nous devons composer avec les irritants qui restent. Nous nous sommes occupés d’une grande partie des problèmes faciles à régler, mais je ne crois pas que le pays soit criblé de barrières à proprement parler.

En ce qui concerne le mandat à venir dans le cadre du renouvellement de l’entente, pourquoi le faisons-nous maintenant, et sur quoi portent les négociations? Je vais aborder la question sous deux angles. Le premier est le vaste mandat des premiers ministres et du gouvernement fédéral. Pourquoi agissons-nous maintenant? Je pense que le moment est venu de renégocier l’ACI. De toute évidence, le commerce intérieur est important, et il a nettement augmenté depuis 2004. Il représente près de 20 p. 100 du PIB canadien. En revanche, le gouvernement fédéral a entrepris un programme ambitieux en matière de commerce international. Il y avait les négociations de l’accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, celles du partenariat transpacifique, de même que les négociations bilatérales lancées avec le Japon et la Corée du Sud, qui sont terminées, et dont les mesures sont également entrées en vigueur.

Le moment est idéal, et à l’avenir, nous devons nous assurer d’examiner également ce qui se passe au pays, étant donné que nous mettons l’accent sur les marchés extérieurs. Il faut veiller à ce que les entreprises et les gens d’affaires d’ici aient les mêmes chances que nos homologues étrangers, et qu’ils ne soient pas défavorisés par rapport à eux dans les ententes qui sont entrées en vigueur ou qui pourraient entrer en vigueur sous peu.

Six priorités ont été identifiées pour le renouvellement de l’entente: les marchés publics, les biens, les services, l’investissement, les barrières techniques au commerce et la coopération en matière de réglementation.

Le mandat et les objectifs de l’Î.-P.-É. comportent deux volets. D’une part, nous voulons améliorer l’ouverture et repousser les limites de l’accord en place sur le commerce intérieur. Nous croyons qu’il est possible d’améliorer l’accord actuel et de favoriser une meilleure ouverture. D’autre part, comme je l’ai déjà dit, nous voulons veiller à ce que les Prince-Édouardiens et l’ensemble des Canadiens soient à tout le moins traités aussi favorablement que nos homologues étrangers.

Un certain nombre d’initiatives sont en cours à l’Î.-P.-É. Les accords commerciaux visent à donner accès à nos entreprises et à étendre leur portée en leur offrant de nouvelles possibilités. À l’échelle locale, nous cherchons à réduire le fardeau administratif et à prendre des mesures pour faciliter les échanges commerciaux des entreprises. Nous prenons aussi des mesures à ce chapitre dans les provinces de l’Atlantique et dans les Maritimes.

Grâce au renouvellement de l’ACI, nous pourrons non seulement faire ce que nous faisons, mais aussi élargir la portée à l’échelle nationale de ce que nous faisons dans les Maritimes et dans les provinces de l’Atlantique.

L’année dernière, nous avons mené une enquête auprès de plusieurs entreprises de l’Î.-P.-É. dans le but de comprendre leurs problèmes relativement au commerce intérieur. Les consultations sont importantes. Quelque 250 entreprises ont répondu à l’enquête, et environ 46 p. 100 d’entre elles ont dit exporter actuellement. Notre étude est basée sur bon nombre des résultats et des commentaires obtenus auprès des quelque 110 entreprises.

Des thèmes similaires émanent des entreprises dont j’ai parlé en introduction aussi. D’après ce que les témoins ont dit au comité permanent à propos du manque de transparence, il se pourrait que des provinces et des territoires, de même que le gouvernement fédéral aient des préférences locales en matière de marchés publics.

De toute évidence, il faut absolument s’attaquer aux divergences de normes et de réglementation puisque cela peut aussi augmenter le coût des affaires.

Sur quels éléments déterminants portera le renouvellement de l’accord? L’Ontario préside actuellement les négociations, et toutes les instances gouvernementales — fédérales, provinciales et territoriales — y participent. Nous nous efforçons d’achever le travail. Le ministre fédéral Bains et le ministre ontarien Duguid ont mentionné les objectifs dans quelques communiqués. Il a évidemment été question de la notion de transparence et de l’approche fondée sur des listes négatives. Aussi, un cadre réglementaire solide pourrait contribuer à composer avec les diverses normes et réglementations et à réduire le coût des affaires.

Nous étudions également l’élimination possible de plusieurs exceptions consenties aux gouvernements dans cet accord. Celles-ci concernent les enjeux que j’ai soulignés plus tôt par rapport aux préférences locales.

Cela dit, les gouvernements ont toujours le droit de réglementer, à des fins légitimes et objectives, les questions relatives à la sécurité publique, à la santé et à la protection des consommateurs, notamment. Je crois que cette question, ainsi que l’inspection des aliments, a fait l’objet de beaucoup de discussions avec le dernier groupe de témoins. Il ne faut pas oublier que les règlements en vigueur ont été adoptés pour des raisons légitimes.

À la suite de consultations internes avec le gouvernement et diverses entreprises, l’Île-du-Prince-Édouard se concentrera davantage sur les règlements qu’elle souhaite examiner dès maintenant. Les aliments sont essentiels à la province, puisqu’elle se présente maintenant comme l’île gastronomique du Canada. Nous souhaitons donc profiter de chaque occasion d’exporter nos aliments, que ce soit le bœuf, les pommes de terre, les bleuets ou tout autre aliment produit sur l’île. Le transport, plus précisément le transport interprovincial des marchandises, constitue un autre problème.

Au sujet du service, même si elles ont obtenu un contrat dans une autre province, certaines entreprises, surtout des entreprises de construction, ont de la difficulté à honorer leur contrat en raison des barrières.

Nous tentons aussi de réduire autant que possible le nombre d’entités exclues du processus d’approvisionnement gouvernemental, donc qui ne sont pas tenues de procéder par un appel d’offres ouvert, que ce soit des ministères fédéraux ou provinciaux ou des Sociétés d’État. Les provinces jouissent d’autres exceptions limitées prévues par l’ACI en vigueur. Nous espérons réduire ces exceptions.

Cela dit, l’objectif l’Île-du-Prince-Édouard dans ces négociations demeure l’ouverture des frontières interprovinciales.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Whitnell.

Marco Navarro-Genie, président et chef de la direction, Atlantic Institute for Market Studies: Je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de comparaître devant vous au nom de l’Atlantic Institute for Market Studies.

Le commerce est essentiel à la région de l’Atlantique.

[Français]

Le commerce fait partie intégrante de l’histoire des Canadiens de la région atlantique, des Autochtones aux premiers colons européens, qu'ils fussent Anglais ou Français.

[Traduction]

Dans l’esprit des personnages principaux ayant participé à la fondation du Dominion du Canada, cette nouvelle entité devait ouvrir la porte au libre-échange.

Au cours de la dernière décennie, le Canada a déployé beaucoup d’efforts pour développer les échanges avec d’autres pays. Toutefois, le commerce intérieur n’est pas à la hauteur des rêves et promesses des fondateurs du dominion. C’est la raison pour laquelle j’aimerais me concentrer aujourd’hui sur le commerce intérieur et vous proposer une idée audacieuse.

Comme l’a souligné John A. Macdonald, en 1865, le nouveau projet devrait:

[…] permettre la création d’une union commerciale et ouvrir la voie au libre-échange entre les peuples des cinq provinces […].

On retrouve cette vision à l’article 121 de la Constitution de 1867 qui dit:

Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d’aucune des provinces seront, à dater de l’union, admis en franchise dans chacune des autres provinces.

Bien qu’il soit difficile de comprendre la signification juridique de l’expression « admis en franchise », tous conviennent, comme le précise l’article, que chaque province peut définir, sur son propre territoire, la façon dont un produit peut être distribué ou vendu une fois qu'il est entré librement sur son territoire. Sans priver les provinces de leur droit, certains pouvoirs provinciaux se sont opposés à l’idée du libre-échange interprovincial que caressaient les fondateurs. Cela est indéniable.

En étudiant les débats et études ayant mené à la création du dominion, dans les années 1860, il est clair que les leaders et législateurs étaient d’avis que l’union des colonies serait avantageuse sur le plan politique et commercial. Comme le disait George Brown: « Il faut libérer l’énergie et l’ingéniosité » des gens. Ce qu’il voulait dire, c’est de libérer les gens des restrictions paroissiales et des limites imposées par les chefs locaux.

Le rapport Ivany pour la commission One Nova Scotia soutient qu’à moins qu’elle ne modifie ou renverse une série de politiques, la province se dirige vers un précipice économique.

Dans son rapport, M. Ivany recommande d’encourager une culture d’entrepreneuriat et souligne que le commerce constitue une des façons pour la province de renforcer son économie et d’éviter le parfait désastre économique. Parmi les facteurs qui contribuent à ce désastre, on trouve l’émigration interne, la hausse des impôts, l’accumulation de dettes, une population vieillissante, la disparition de la campagne, la détérioration des infrastructures, la perte de capitaux, la diminution de la productivité et un système d’éducation sous-performant.

Les autres provinces de l’Atlantique sont conscientes que l’analyse de M. Ivany s’applique également à elles, à quelques différences près.

Le rapport Ivany exprime un sentiment d’urgence, comme en fait foi son titre, Now or Never (Maintenant ou jamais). L’auteur fait part de sa préoccupation selon laquelle les gens passeront des mois et des années à débattre de la question sans prendre immédiatement les mesures qui s’imposent pour corriger les lacunes économiques actuelles avant qu’il ne soit trop tard.

L’Atlantique Institute for Market Studies formule deux recommandations, une à chacun des ordres constitutionnels de gouvernement.

Elle recommande au gouvernement fédéral d’encourager les provinces de l’Atlantique à réduire autant que possible les barrières au commerce — M. Whitnell vient de dire qu’il n’y a pas de barrières, seulement des irritants, mais les irritants causés par d’autres moyens demeurent des barrières —, à la libre circulation de la main-d’œuvre et à la création de mécanismes de règlement des différends, et à faciliter l’harmonisation des normes en matière d’investissement, des pratiques d’embauche dans le secteur public, des processus d’approvisionnement, des permis d’exploitation d’entreprise, des licences et des accréditations professionnelles, notamment.

Pour éviter à chaque province de l’Atlantique des années de négociations qui pourraient, de toute façon, se terminer en une impasse ou par un échec, l’institut leur recommande fortement de signer, au moment qui leur conviendra, le New West Partnership Trade Agreement. Chaque province pourrait choisir d’adopter un ensemble de normes déjà en vigueur conçues pour réduire les barrières au commerce, sans attendre la conclusion d’une entente qui conviendrait à toutes les provinces de l’Atlantique.

L’union des provinces de l’est et de l’ouest dans le but de réduire les barrières au commerce permettrait de renforcer l’étoffe de notre nation, de développer des liens entre les deux côtes et de souligner la nécessité de terminer la construction de l’oléoduc d’Énergie Est et la volonté des parties concernées d’achever ce projet.

Une telle union pourrait avoir de nouveau un effet salutaire pour nous et ouvrir la voie à une plus grande libéralisation des échanges intérieurs.

Enfin, nous réaliserions le rêve que caressaient les fondateurs du dominion il y a un siècle et demi et dont a fait écho George Brown lorsqu’il a dit: « La proposition devant nous consiste à abattre toutes les barrières entre les provinces […]. »

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Navarro-Genie. Nous allons maintenant passer aux questions des membres.

Le sénateur Tannas: Monsieur Navarro-Genie, vos oreilles ont dû vous chauffer, hier. Plusieurs sénateurs participaient à des audiences, à Calgary, où d’autres ont proposé la même chose que vous, dont un des anciens négociateurs du partenariat, soit que d’autres provinces signent le New West Partnership. D’ailleurs, il nous a transmis de très bonnes informations. Je ne vous raconte pas d’histoire: il était d’accord avec l’idée. Le compte rendu vous le confirmera.

En fait, il a avoué que les négociateurs ont jonglé avec l’idée de proposer à toutes les provinces de se joindre au partenariat. Cela permettrait d’éliminer les listes négatives et de disposer d’un mécanisme robuste de résolution de différends, des points qui reviennent régulièrement.

Je suis heureux de vous entendre proposer la même chose. Comme je l’ai dit, cette proposition a été faite hier et a frappé mon imagination et celle des autres sénateurs qui ont maintenant eu 24 heures pour y réfléchir.

J’aimerais d’abord m’adresser au représentant de l’Île-du-Prince-Édouard. On évoque de plus en plus — probablement chaque jour — l’hypothèse selon laquelle l’ACI ne mènera à rien. La date butoir du 30 mars est dépassée depuis 45 jours. Depuis, silence radio. Cela vient nourrir l’opinion grandissant selon lequel l’ACI est un échec.

Je vous pose la question suivante: selon vous, avec la ronde de négociations actuelle et les groupes de travail, malgré les 45 jours de retard, l’ACI pourrait-il produire des résultats concluants? Nous avons également entendu parler de mesures protectionnistes, comme exiger que seul l’acier provenant de l’Ontario soit utilisé dans la construction d’infrastructures en Ontario. Croyez-vous que l’ACI ait le potentiel de livrer la marchandise? Qu’en pense votre province? Que recommanderiez-vous à votre supérieur quant à la signature du New West Partnership?

M. Whitnell: Vous soulevez des questions intéressantes. Bien entendu, certaines sont de nature plutôt politique, alors je les éviterai. En tant qu’un des négociateurs, je participe aux négociations sur le renouvellement de l’accord. Pour l’heure, notre objectif demeure le même, soit renouveler l’accord. Le gouvernement fédéral ainsi que toutes les provinces et tous les territoires travaillent très fort afin d’en arriver à un résultat solide.

J’ai entendu les commentaires concernant le New West Partnership, mais pour le moment, je n’y prête pas attention. Nous concentrons toute notre énergie à obtenir un résultat très solide.

Il ne faut pas oublier que les calendriers et dates butoirs sont parfois fixés pour des raisons politiques. Il y a des enjeux complexes dont il faut tenir compte. Des élections ont eu lieu. Il y a plusieurs raisons. À mon avis, il est mieux de sacrifier quelques semaines ou quelques mois pour obtenir le résultat solide souhaité.

Nous poursuivons nos efforts. D’un point de vue politique, nous maintenons le cap vers la conclusion d’un accord solide.

Je ne parlerai pas du New West Partnership sauf pour dire que du point de vue du commerce — et je ne parle pas d’une politique commerciale —, 90 p. 100 des échanges commerciaux des provinces de l’Atlantique, surtout de l’Île-du-Prince-Édouard, se font avec l’Ontario. Nous devons évaluer sérieusement si l’adhésion au New West Partnership constitue une option. Nous devons tenir compte de notre orientation régionale et de nos partenaires commerciaux actuels.

Le sénateur Tannas: Évidemment, l’Île devrait s’associer aux autres provinces de l’Atlantique qui ne souhaitent pas adopter les principes du New West Partnership. Je peux comprendre.

Vous parlez de semaines et de mois. Selon vous, à quel moment les cyniques qui ne voient rien de bon à l’horizon pourront-ils crier victoire? À Noël?

M. Whitnell: Je ne peux pas commenter la question de la date butoir ou vous dire quand la conclusion de l’accord sera annoncée. À mon avis, il s’agit d’une décision politique qui revient au premier ministre fédéral et aux premiers ministres provinciaux et territoriaux. Ce sera à eux de l’annoncer.

Je le répète, nous nous concentrons à conclure un accord solide qui profitera à tous les participants, tous les gouvernements et, surtout, tous les intervenants du monde des affaires.

Le sénateur Black: J’aimerais poursuivre là où mon collègue a laissé; nous sommes tous les deux de l’Alberta, donc nous voulons que les choses se fassent sur-le-champ. J’en suis conscient. Je comprends que vous allez de l’avant et que vous faites ce que vous avez à faire.

J’aimerais soulever un point qui, à mon avis, devrait inquiéter les Canadiens, une situation qui suscite un sentiment d’urgence, et connaître votre opinion sur la question.

Il semblerait que tant le futur Président Trump que la future Présidente Clinton soit anti-commerce. Selon vous, à la lumière de cette possibilité, ne devrait-on pas faire tout en notre pouvoir pour conclure un accord commercial national pour nous protéger?

M. Whitnell: Je ne suis pas convaincu qu’ils sont l’un ou l’autre anti-commerce. Je crois que M. Trump penche un peu plus de ce côté, mais concernant Mme Clinton, dans le cadre d’une campagne électorale, on peut dire plusieurs choses.

Ensuite, les économies et chaînes d’approvisionnement canadiennes et américaines sont intégrées. Il est très important que le commerce et la frontière entre le Canada et les États-Unis demeurent ouverts — je parle, évidemment, de la frontière allégée.

Je sais qu’il y a encore beaucoup de cynisme entourant le commerce intérieur au Canada et que beaucoup soutiennent qu’il reste encore plusieurs barrières à faire tomber. Ce n’est pas mon opinion. Selon moi, il existe plusieurs irritants. Je ne dis pas qu’on ne peut pas faire mieux, que certains coûts supplémentaires ou fardeaux administratifs ne pourraient pas être éliminés, mais somme toute, je crois que les choses ne sont pas si mauvaises. Nous avons fixé beaucoup d’objectifs réalisables, mais il est temps maintenant de passer de la parole aux actes. Nous voulons suivre la tendance amorcée par le gouvernement fédéral dans sa négociation d’accords internationaux et nous assurer que nos entreprises et entrepreneurs sont traités aussi bien que leurs homologues des autres provinces.

M. Navarro-Genie: Évidemment, nous n’avons aucun contrôle sur les intentions des électeurs américains. Ce serait faire l’autruche que de croire que le résultat des élections présidentielles n’aura aucune conséquence pour nous, peu importe qui sera élu. Il faudrait faire preuve de prudence et se préparer au pire, en espérant pour le mieux. Nous avons déjà vécu une telle situation avec les États-Unis, par exemple, l’annulation du traité de réciprocité qui a finalement mené à la création du dominion et mis de la pression sur nos épaules. Cela n’a rien de nouveau; l’histoire se répète.

Les traités internationaux ont eu des répercussions sur notre commerce intérieur. Je fais référence ici aux politiques changeantes de nos principaux partenaires commerciaux. Même un léger changement chez nos voisins du sud peut avoir de graves conséquences pour nous. Raison de plus pour éliminer les barrières au commerce intérieur et ouvrir nos frontières interprovinciales.

Le sénateur Enverga: Je vais poursuivre dans le même sens que mes collègues. Vous dites que les négociations entourant l’ACI progressent bien. Vous dites également que les provinces devraient se joindre au New West Partnership.

Les gouvernements, je le sais, changent leurs orientations. Il y aura des élections dans une province d’ici l’année prochaine, et il faut s’attendre à tout dans vos négociations sur l’Accord sur le commerce intérieur.

Entre-temps, pourquoi n’adhérez-vous tout simplement pas au New West Partnership, tout en poursuivant les négociations sur l’Accord sur le commerce intérieur? Vous êtes ainsi sûr de gagner. Vous concluez un accord global, puis vous continuez de négocier avec les autres groupes. Vous parviendrez ainsi à abaisser les coûts commerciaux, si on se fie à notre témoin d’hier.

Pouvez-vous adhérer au New West Partnership tout en poursuivant vos négociations sur l’Accord sur le commerce intérieur? Vous avez ainsi une garantie de résultat.

M. Whitnell: Les trois provinces du New West Partnership sont présentes à la table. Elles y apportent leurs idées, un cadre conceptuel et d’éventuelles réflexions fondées sur leur expérience et leur accord commercial.

Notre point de vue est que nous commerçons avec tout le Canada. Pas seulement avec les provinces ayant adhéré au New West Partnership: nous commerçons avec l’Ontario, le Québec et d’autres. Nous avons tout le Canada dans notre mire. Je ne vois pas nécessairement l’utilité de segmenter notre démarche et de conduire des négociations parallèles avec d’autres provinces, d’autres territoires ou, d’ailleurs, le gouvernement fédéral. Ils sont présents à la table et nous voulons conclure un accord global avec eux tous. Notre objectif, notre but, c’est un accord canadien.

Le président: Monsieur Navarro-Genie, avez-vous des observations?

M. Navarro-Genie: Ça me semble mettre la charrue, sinon devant les bœufs, du moins, à côté.

Le Québec, par exemple, ne fait partie d’aucun partenariat avec l’Est ou l’Ouest, mais il continue de commercer avec l’Alberta et les membres du New West Partnership. Affirmer que l’adhésion au New West Partnership compromettra, sans qu’on sache comment, le commerce avec d’autres provinces ou territoires du Canada, c’est simplement une fausse hypothèse.

En fait, c’est le contraire qui est vrai. Si les provinces de l’Atlantique voulaient adhérer aux règles et au cadre du New West Partnership, elles pourraient rapidement commencer à commercer avec la région de l’Atlantique, selon les mêmes règles et ainsi accroître la prospérité de la région.

La sénatrice Wallin: J’ai en quelque sorte une déclaration à l’intention de M. Whitnell, puis peut-être une question pour lui.

Je sais que vous participez à ce processus. Vous devez donc être optimiste et rejeter les solutions de repli. Nous comprenons tous que vous ne pouvez pas en même temps préconiser une solution et affirmer à qui veut l’entendre que vous vous rallierez à l’autre si elle est retenue.

Vous semblez insister beaucoup pour nier l’existence d’obstacles et affirmer seulement celle de sources d’irritation et de charges. Je pense que ça découle de votre posture et de vos fonctions. Pour tous ceux qui vous écoutent, s’il n’y avait pas d’obstacles, le marché aurait été conclu.

Cette insistance, je la trouve intéressante.

M. Whitnell: Je trouve qu’il faut plutôt définir le mot. Pour moi, l’obstacle est l’empêchement absolu, pour une marchandise, d’entrer dans une province. Je ne crois pas que ça existe. Effectivement, il pourrait y avoir des sources importantes d’irritation dans certaines situations, mais, dans la plupart des cas, les marchandises peuvent entrer dans une province, que ce soit des boissons alcoolisées ou autre chose. Certains ont prétendu que les vins, les bières et les spiritueux ne pouvaient pas entrer dans une province. Ce n’est pas tout à fait vrai. Toutes les provinces possèdent une société des alcools qui est la première à réceptionner ces marchandises.

Je pense que les producteurs peuvent en fait essayer de figurer sur les listes de fournisseurs de chacune des provinces. Ensuite, le maintien de leurs produits sur les étagères découle d’une décision économique. Le manque de demande empêche leurs produits de rester sur les étagères dans certaines régions. Il est évident qu’une succursale manque de place pour offrir toutes les marques de boissons alcoolisées produites au pays.

Dans mon esprit, un obstacle ne pourrait empêcher une marchandise d’entrer que dans ma province. C’est plutôt une contrariété, parce que les marchandises peuvent toujours aller dans d’autres provinces.

Le président: Pensez-vous qu’un fonctionnaire devrait décider de la marque de vin que le consommateur devrait acheter? C’est ce que vous dites.

M. Whitnell: Absolument pas.

Le président: Vous dites qu’ils doivent figurer sur une liste pour être vendus. Vous pouvez y faire figurer 10 ou 20 vins canadiens, mais les marques sont innombrables. Le consommateur du l’Île-du-Prince-Édouard ne peut pas s’en procurer beaucoup, parce que vous ne l’autorisez pas.

M. Whitnell: Vous pouvez passer par la société des alcools de votre province pour en commander.

La sénatrice Wallin: C’est difficile. Je prends votre définition, parce que, manifestement, nous avons entendu des témoignages — et vous les aurez lus — selon lesquels il existe effectivement des obstacles. Ce n’est pas seulement anecdotique.

Je vous remercie de votre point de vue, qui sera utile à nos rédacteurs. Merci.

Le président: Monsieur Navarro-Genie, avez-vous des observations?

M. Navarro-Genie: Nous devons peut-être affiner notre vocabulaire et dire que nous devrions préconiser l’aplanissement des obstacles, la suppression des barrières et l’élimination des sources d’irritation.

Le sénateur Greene: J’allais poser la même question que la sénatrice Wallin. J’ai été vraiment étonné de vous entendre nier l’existence d’obstacles et dire qu’il existe seulement des causes d’irritation. Une clôture est un obstacle. Certains pourront la franchir au prix d’efforts extrêmes, d’autres, pour je ne sais quelle raison, n’y parviendront pas. C’est donc un obstacle.

Comme nous sommes, en partie, engagés dans un exercice de communication, j’espère que nous examinerons tout ce que vous pourriez peut-être choisir d’appeler source d’irritation relativement à un obstacle. Si, pour en autoriser la vente en Ontario, le gouvernement de cette province insistait auprès de son fabricant, établi dans l’Île-du-Prince-Édouard, pour qu’il produise un article quelconque en rouge plutôt qu’en bleu, comme il le fait déjà, il fallait repenser sa chaîne de fabrication, ce qui pourrait être trop coûteux, c’est un obstacle et non une source d’irritation.

Il est rare que je donne des conseils à nos témoins, mais je vous incite vivement à réviser votre position.

Le sénateur Black: Nous vous sommes très reconnaissants d’être ici, parce que nous n’avons pas entendu beaucoup d’administrations venir témoigner. Il faut donc que vous sachiez que nous vous aimons.

J’ai quelques remarques à soumettre à votre opinion. Certains témoins nous ont dit que vos « sources d’irritation » pourraient coûter à l’économie canadienne jusqu’à 35 milliards de dollars par année. Voilà, n’est-ce pas, toute une « source d’irritation »? Vous n’êtes pas obligé d’être d’accord.

M. Whitnell: Est-ce une question?

Le sénateur Black: C’est une observation sur laquelle je me demande si vous avez une opinion.

M. Whitnell: La discussion sur le coût des obstacles me fait me poser beaucoup de questions. D’après moi, cette affirmation n’est pas fondée. Il faut vraiment que je comprenne. J’ai entendu que ce coût était de l’ordre de 2 milliards de dollars. En avril, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, dans son témoignage, l’a chiffré à plus de 100 milliards. L’intervalle entre les deux est assez étendu. D’après moi, les études sur le sujet… visiblement, l’intervalle est énorme. Lequel des deux chiffres est le plus sensé? Je n’en suis pas certain.

J’aurais vraiment besoin de comprendre quelles sont les hypothèses de départ — celles qui conduisent à ces résultats. Dans l’estimation de 2 milliards, 5 milliards ou 100 milliards, peu importe, qu’est-ce qui est implicite? Est-ce que ça comprend la gestion de l’offre? Que définit-on, dans ce modèle, comme un coût réel?

D’un point de vue économique, mon opinion est que si les coûts sont de 2 ou de 10 milliards, est-ce que le coût optimal est nul? Je l’ignore. Par exemple, les sociétés du secteur des télécommunications ou d’autres secteurs emploient des modèles de service à la clientèle et elles mesurent ce service. Pensez-vous que leur objectif est de parvenir à un taux de satisfaction de la clientèle de 100 p. 100? Je n’en suis pas sûr. L’obtention de ce résultat est peut-être trop coûteuse.

On adopte un point de vue très étroit en ne s’attachant qu’à un membre de l’équation, le coût, par exemple. Il faut aussi voir les avantages. Une meilleure unité de mesure est peut-être les avantages nets et le coût d’opportunité de la suppression de certains de ces coûts, s’ils sont réels. Quand on tente de les supprimer, à quels coûts s’expose-t-on, et, ce faisant, quel est le retour sur l’investissement?

Le sénateur Black: Je me demande si les autres témoins ont une opinion sur le coût des sources d’irritation.

M. Navarro-Genie: C’est absolument contraire à l’esprit qui a présidé à la fondation du pays que de penser d’abord, pour diverses raisons, que des mesures de protection sont des avantages. Il est sûr qu’elles profitent à certains, mais, dans l’ensemble, elles ne sont pas avantageuses pour le pays et elles contredisent le projet de ses fondateurs.

Le refus de prendre en considération certains coûts me remplit de confusion. Peu importe que, à la fin, ils soient de 100 ou de 50 milliards. Prenons ce dernier chiffre, dans un souci de scepticisme. Si, pour nous, ce montant exprime la différence entre procurer plus d’emplois aux Canadiens ou compter plus de chômeurs au pays, par exemple, ce pourrait être une unité de mesure et non si ça profite à un petit groupe ou s’il s’agit de types de cartels comme ceux que nous avons créés dans nos affaires commerciales.

La satisfaction des consommateurs est une fausse analogie, parce qu’il reste toujours, c’est certain, un client difficile à satisfaire, mais concentrons-nous sur le principe: moins les sources d’irritation sont nombreuses, moins les obstacles sont élevés et moins les barrières sont nombreuses, plus la prospérité de tous les Canadiens est susceptible d’en profiter.

Dans ma région natale, où on a besoin de plus d’occasions à saisir, de plus d’emplois et de plus de prospérité, je pense que nous devrions faire de notre mieux — et mieux encore — pour supprimer ces sources d’irritation et assurer la prospérité générale dans tout le Canada atlantique.

Le sénateur Black: Vous avez fait remarquer, vers la fin de votre témoignage, que le gouvernement devrait cependant, malgré tout ce qui vient de se dire, se réserver la capacité de réglementer des domaines telle que la sécurité. Vous avez donné trois exemples, mais la mention de la sécurité m’a frappé. Vous avez dit que le gouvernement devrait avoir le pouvoir de réglementer la sécurité.

Voyons l’exemple de la sécurité des ascenseurs. Pourquoi les règlements néo-écossais ne seraient-ils pas assez bons pour l’Île-du-Prince-Édouard ou le Nouveau-Brunswick? Pourquoi les règlements sur les ascenseurs de l’Île-du-Prince-Édouard ne devraient-ils pas être assez bons pour la Nouvelle-Écosse? Ne voyez-vous pas que, si nous encourageons tous les gouvernements à avoir leurs propres protections réglementaires, nous contredisons absolument ce que nous essayons de faire? Je voudrais connaître vos opinions, s’il vous plaît.

M. Whitnell: Je suis d’accord avec vous. Les règlements diffèrent et je pense qu’ils évoluent différemment. Ce sont les sources d’irritation que j’essaie de définir ici. Leur évolution légèrement différente peut être une source d’irritation et de problèmes pour les entreprises.

Je suis totalement acquis à la prospérité, au libre-échange et à tout le reste. Je suis d’accord avec vous. Si vous prenez l’ascenseur en Nouvelle-Écosse ou dans l’Île-du-Prince-Édouard, vous ne vous souciez pas de l’hôtel où vous êtes; vous savez seulement que la norme est respectée.

Je suis d’accord: des normes ou des règlements sont probablement à revoir. C’est ce qui nous motive.

Le sénateur Black: Je voulais seulement comprendre. Cela m’est très utile.

Le sénateur L. Smith: Monsieur Whitnell, avez-vous l’impression que les négociateurs parlent un langage commun? Je vous le demande, à cause de l’interprétation différente d’« obstacle » par rapport à « cause d’irritation », et je vous entends parler de négociations. Ça m’amène à penser, ayant moi-même participé à des négociations dans ma carrière dans les affaires, que, faute de s’entendre sur le sens des mots, ces négociations conduiront peut-être à des progrès, mais à rien de concret? Je ne dis pas que c’est effectivement le cas, parce que vous êtes celui qui est le mieux placé pour le savoir. Cependant, votre témoignage et celui de M. Navarro-Genie semblent différents, établis sur des bases différentes.

Si certains promettent d’être souples, mais disent devoir protéger certains acquis, je ne suis pas sûr du progrès des négociations. C’est peut-être derrière vous, mais vous ne pouvez pas en parler.

J’essaie de comprendre. Les négociateurs parlent-ils un langage commun? C’est indispensable à toute négociation, particulièrement entre de nombreuses parties. Nous, les sénateurs, c’est ce que nous savons le plus. Pour moderniser le Sénat, nous devons parler un langage commun. C’est la plus grande de nos difficultés.

Qu’en est-il pour vous?

M. Whitnell: Indéniablement, nous employons un langage commun. Nous visons tous les mêmes objectifs, les mêmes buts, l’ouverture du commerce interprovincial.

Chaque province ou territoire possède des caractéristiques particulières. Évidemment, les économies ne sont pas toutes identiques. Les sensibilités seront donc légèrement différentes ou on s’arrêtera à des secteurs différents, mais je pense que tous parlent un langage commun.

Aujourd’hui, j’ai parlé de « source d’irritation ». Ce n’est pas au nom de tous les autres gouvernements qui participent aux négociations que je nierai l’existence d’obstacles ou de causes d’irritation. C’est mon opinion personnelle.

J’espère que les négociateurs parlent un langage commun. Ça fait plus de 12 mois que nous négocions, et je connais très bien mes vis-à-vis. Nous visons tous les mêmes objectifs.

Le sénateur L. Smith: J’essaie de trouver des renseignements certains qui nous permettront de faire le point sur vos progrès.

Le président: Voilà un témoin très cohérent: pour lui, une cause d’irritation n’est rien d’autre que cela.

Le sénateur L. Smith: Monsieur Navarro-Genie, avez-vous une opinion?

M. Navarro-Genie: Oui. Quand nous entendons, par exemple, ce qui se dit sur les différences entre les règlements d’une province à l’autre sur quelque chose d’aussi fondamental qu’un ascenseur, il faut présumer que tous les gouvernements cherchent à favoriser leurs citoyens et à assurer leur mieux-être. En adhérant au New West Partnership, on éviterait toutes ces discussions sans fin sur le choix des termes.

Le partenariat a déjà établi une communauté de langage et de politiques sur des sujets très divers. En attendant les arguments sur la synonymie entre « cause d’irritation » et « barrière », nous pouvons nous inspirer de nombreuses décennies de réalisations à l’autre bout du pays.

Nous savons tous que, dans les communications, il faut d’abord être d’accord pour négocier et le faire avec la même bonne foi. Nous reconnaissons, par exemple, certaines insensibilités à beaucoup de ces questions, à cause de la mise en place d’obstacles, de causes d’irritation. Pourquoi des règlements si rigides sur la façon d’envelopper le beurre, par exemple? Ce sont manifestement des signes d’un désir de créer des paralysies ou des entraves.

Voyons le dernier argument: « Les économies ne sont pas toutes pareilles ». On l’invoque souvent, dans cette région, pour justifier une forme d’exception. Nous sommes trop petits, trop gros, trop faibles, trop ceci, trop cela. On superpose ainsi les exceptions comme si on mendiait pour obtenir le droit d’obéir à un ensemble différent de règles dans le Canada atlantique. Une économie étant une économie et rien de plus, je pense que ce devrait être l’hypothèse de travail de départ.

Le président: Merci, messieurs Whitnell et Navaro-Genie. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages et de votre participation à la discussion.

Notre dernière réunion sur cette question de commerce aura lieu demain, puis, la semaine prochaine, mercredi, nous discuterons du rapport. Nous disposerons d’une heure et demie ou de deux heures. Nous aurons un sujet concret de discussion. Le lendemain, un jeudi, nous serons déjà en train de nous informer sur le projet de loi d’exécution du budget.

Je n’ai pas de comité de direction. Nous planifions donc une semaine à l’avance un programme de nos travaux. Messieurs Day et Black, mon bureau vous contactera pour voir si, à trois, nous pouvons trouver le temps pour une réunion ordinaire, toutes les deux semaines, pour caser notre itinéraire. C’est alors que nous nous rencontrerons. Si ça vous va, nous procéderons de cette manière.

Le sénateur Black: Un petit éclaircissement, s’il vous plaît: êtes-vous en train de dire que, la semaine prochaine, nous examinerons la première ébauche d’un rapport?

Le président: Non, nous parlerons du rapport; autrement dit, de la marche que nous suivrons.

Le sénateur Black: À huis clos, alors?

Le président: À huis clos. On nous présentera une liste de recommandations.

Le sénateur Day: L’avons-nous déjà vue?

Le président: Non.

Le sénateur Black: Ce sera mercredi prochain?

Le président: Jeudi, c’est le budget. Il faut que le budget soit de retour au Sénat avant le 9 juin. Haute priorité. Affaire émanant du gouvernement. C’est donc priorité numéro un.

Le sénateur Massicotte: Je propose que le comité de direction se réunisse mercredi prochain, à midi.

Le président: Nous tiendrons compte de votre proposition.

Le sénateur Day: Nous lui accorderons l’attention qu’elle mérite.

(La séance est levée.)


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