L’honorable Renaude Lapointe, C.P.
En se dirigeant vers la Chambre rouge, où les débats du Sénat se déroulent, les sénateurs passent par le foyer. Les hauts murs sont revêtus de la collection de portraits commandés des anciens présidents. Ce patrimoine visuel permanent honore les personnes qui ont occupé le plus important rôle du Sénat. Liées par cette tradition et les conventions de l’art du portrait, ces peintures exposent aussi des éléments de chaque artiste et de leur sujet. En regardant la collection, mon regard s’est posé sur le portrait de l’honorable Louise Marguerite Renaude Lapointe, C.P. (1912-2002), réalisé par Barbara Tarnowska (1911-1984). L’effet de lumière inhabituel, les détails soignés et les touches de couleurs vives m’ont inspirée à en apprendre davantage sur ces deux femmes.
Renaude Lapointe fut l’une des premières journalistes professionnelles au Canada. Elle est arrivée sur le terrain pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours de ses 39 ans de carrière, elle a été rédactrice pour Le Soleil, La Presse et Le Nouveau Journal. Journaliste reconnue et honorée de distinctions qui étaient rarement remises à des femmes à cette époque, elle fut aussi auteure et correspondante pour les magazines Time et Life, ainsi que pour le service international de Radio-Canada. Après avoir travaillé auprès d’Affaires autochtones et Développement du Nord, elle est nommée au Sénat en 1971. En 1974, elle devient la première femme canadienne-française à être nommée à la présidence du Sénat, un poste qu’elle occupera jusqu’en 1979. Connue par ses collègues pour être des plus dévouée et vaillante, elle quitte le Sénat en 1987 et reçoit l’Ordre du Canada en 1989.
Originaire de la Pologne, Barbara Tarnowska quitte son pays pendant la Seconde Guerre mondiale. De 1946 à 1950, elle réside dans plusieurs pays de l’Europe et commence à suivre des cours de peinture. C’est en 1950 qu’elle immigre avec sa famille en Uruguay, où elle peint des diplomates et les membres de leur famille grâce à ses relations établies en Europe. Elle continue de peindre des portraits malgré les différents déplacements de sa famille aux États‑Unis, en France et au Canada. Selon la famille de l’artist, en 1981, elle a l’occasion de peindre la reine Elizabeth II, qu’elle considère comme le point culminant de sa carrière. Mme Tarnowska travaillait en personne, passant souvent des jours avec ses sujets. Armée d’un couteau à palette plutôt que d’un pinceau, elle réalise des œuvres à la texture riche imprégnées de couleurs et d’émotions, qui saisissent les sujets humains avec une sensibilité exceptionnelle.
Au moment de la réalisation du portrait en 1978, Mme Lapointe avait sept ans d’expérience comme sénatrice et quatre comme Présidente. Mme Tarnowska avait presque 30 ans d’expérience en tant qu’artiste. Je me demande de quoi elles parlaient pendant que Mme Lapointe posait pour son portrait. Femmes d’une même génération, toutes deux ont eu à surmonter des obstacles considérables pour réussir dans leurs professions dominées par des hommes. Elles avaient beaucoup voyagé et rencontré des chefs et des dignitaires. Aussi, elles étaient connues pour leur modestie malgré leurs importantes réalisations. Le lien entre ces pionnières discrètes se dégage du regard expressif de Mme Lapointe, de l’atmosphère lumineuse et des caractéristiques précises qui se détachent du fond abstrait et vibrant. Par leur travail acharné et leurs nombreuses réalisations, elles ont en retour frayé un chemin pour les prochaines générations de femmes.
Garnet Muething est la conservatrice d’art du gouvernement du Yukon, à Whitehorse, au Yukon.
Five Stone Markers (Cinq marqueurs de pierre)