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Notes de procédure

NUMÉRO 12

LE PRIVILÈGE PARLEMENTAIRE

Définition et objectif

Le privilège parlementaire s’entend des droits, pouvoirs et immunités conférés au Parlement et aux parlementaires pour leur permettre de s’acquitter adéquatement de leurs fonctions parlementaires sans ingérence ou obstruction injustifiée[i]. Le privilège comprend :

  • la liberté de parole au Parlement et en comité;
  • la protection contre l’arrestation dans les actions civiles;
  • l’exemption du service de juré et de l’obligation de témoigner devant un tribunal;
  • en général, la protection contre l’obstruction et l’intimidation.

Le privilège le plus fondamental du Parlement est le droit d’une Chambre de régir ses affaires, c’est-à-dire de se fixer ses propres règles de procédure et de les faire appliquer. Tout acte qui contrevient à l’un de ces droits peut être considéré comme une atteinte au privilège. Il existe aussi d’autres infractions générales contre l’autorité et la dignité du Parlement qui ne concernent pas nécessairement les privilèges expressément définis et qui constituent des outrages au Parlement[ii]. Tant l’atteinte au privilège que l’outrage peuvent être soulevés comme des questions de privilège.

Il existe cinq façons de procéder pour soulever une question de privilège au Sénat. Les voici :

  1. en vertu de l’article 13-3 du Règlement, avec un préavis écrit et oral (méthode la plus couramment utilisée);
  2. en vertu des articles 5-5k) et 13-2(2), en tant que motion de fond;
  3. en vertu de l’article 13-4a), sans préavis, pour toute affaire qui survient après le délai prévu pour en donner préavis ou pendant la séance;
  4. en vertu de l’annexe IV du Règlement du Sénat concernant la divulgation non autorisée de rapports de comités, de délibérations ou de documents confidentiels;
  5. au moyen d’un rapport de comité, portant à l’attention du Sénat la possibilité d’une question de privilège ou d’un outrage relatif à un comité.

Cette note de procédure explique la méthode la plus couramment utilisée pour soulever une question de privilège au Sénat, c’est‑à‑dire à la première occasion avec un préavis écrit donné avant une séance du Sénat[iii]

Marche à suivre pour soulever une question de privilège à la première occasion

Les étapes de base pour soulever une question de privilège de cette manière sont les suivantes :

  • Avant la séance du Sénat, le sénateur donne un préavis écrit de sa question de privilège.
  • Il donne un préavis oral de sa question durant les Déclarations de sénateurs.
  • Au moment opportun de la séance, la parole est donnée au sénateur pour qu’il explique sa plainte. D'autres sénateurs peuvent intervenir pour donner conseil ou un autre point de vue au Président.
  • Le Président décide si la question de privilège est fondée à première vue.
  • Si le Président juge que la question de privilège est fondée à première vue, le sénateur qui l’a soulevée propose une motion pour que le Sénat prenne des mesures ou que l’affaire soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour étude et rapport.
  • La motion fait l’objet d’un débat.
  • Si la motion est adoptée, le Sénat prend les mesures appropriées ou le comité étudie la question, selon le cas. 

Critères à respecter pour soulever une question de privilège

Le Règlement du Sénat prévoit plusieurs critères à respecter pour qu’une question de privilège ait la priorité sur toute autre question au Sénat. Elle doit[iv] :

  • être soulevée à la première occasion;
  • se rapporter directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur;
  • viser à corriger une infraction grave et sérieuse;
  • être soulevée dans le but d’obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire.

Si la question n’est pas soulevée à la première occasion, le sénateur qui la soulève peut le faire en donnant préavis d’une motion, mais ne peut y donner suite conformément à la procédure décrite dans cette note[v]

Préavis oral et écrit[vi]

Le sénateur qui souhaite soulever une question de privilège doit donner un préavis écrit au greffier du Sénat au moins trois heures avant l’heure prévue pour la séance du Sénat (ou au plus tard à 18 heures le jeudi, en vue de la séance du vendredi). Le greffier fait traduire le préavis et le distribue à tous les bureaux de sénateurs. Le sénateur qui a donné le préavis est reconnu au cours de la période des déclarations des sénateurs afin de donner préavis oral de sa question de privilège. Comme c’est le cas pour toutes les déclarations de sénateurs, l’intervention visant à soulever une question de privilège ne doit pas dépasser trois minutes. Dans les préavis écrit et oral, le sénateur doit préciser l’objet de la question de privilège. Dans le préavis oral, le sénateur doit également indiquer que, si un cas de privilège est établi, il proposera une motion pour que le Sénat prenne des mesures ou renvoie la question au  Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. 

Examen d’une question de privilège[vii]

L’examen d’une question de privilège dont préavis a été donné aura lieu dès que le Sénat a épuisé l’ordre du jour, mais au plus tard à 20 heures le même jour (ou midi le vendredi). Si plusieurs préavis sur des questions de privilège différentes sont reçus le même jour, le Sénat les abordera dans l’ordre dans lequel les préavis écrits ont été reçus par le greffier.

Le Président juge quand les arguments présentés sont suffisants pour prendre une décision quant au bien-fondé d’une question de privilège[viii]. Il rend alors une décision immédiatement ou prend la question en délibéré en vue de rendre une décision plus tard. Le Président doit motiver sa décision en citant les articles du Règlement, les pratiques, ou les autres ouvrages pertinents qui font autorité[ix]. Les décisions concernant les questions de privilège peuvent faire l’objet d’un appel.

Examen d’un cas de privilège[x]

Si le Président détermine qu’une question de privilège est fondée à première vue, le sénateur qui l’a soulevée peut proposer l’adoption d’une motion immédiatement après la décision afin de demander au Sénat de prendre des mesures ou de renvoyer l’affaire au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, pour étude et rapport[xi]. Bien que cette motion soit proposée tout de suite après la décision, le débat ne commence que lorsque le Sénat a épuisé l’ordre du jour de la séance ou à 20 heures (midi le vendredi), selon la première éventualité. Le débat ne peut durer plus de trois heures, après quoi le Président met la question aux voix. Pendant le débat, un sénateur ne peut prendre la parole qu’une seule fois pour une durée maximale de 15 minutes. Cette motion peut être modifiée et, dans la plupart des circonstances, le débat peut être ajourné.           


Pour des informations supplémentaires sur le privilège parlementaire:
La procédure du Sénat en pratique (chapitre 11)

Pour des informations supplémentaires sur d’autres points abordés dans cette note:
Note de procédure du Sénat no 2, L’ordre des travaux
Note de procédure du Sénat no 3, Le débat
Note de procédure du Sénat no 4, Le vote
Note de procédure du Sénat no 9, Le Président du Sénat


Références

[i]Voir la définition de privilège, annexe 1 du Règlement.
[ii] La procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 230 et La procédure et les usages de la Chambre des communes, 3e éd. (2017), p. 80-83.
[iii] Voir la décision du Président, Journaux du Sénat, 25 mars 2010, p. 165-167. Pour de plus amples renseignements concernant les autres façons de soulever une question de privilège, voir La procédure du Sénat en pratique, juin 2015, p. 240-245.
[iv] Article 13-2(1) du Règlement.
[v] Articles 5-5k) et 13-2(2) du Règlement.
[vi] Article 13-4 du Règlement.
[vii] Article 13-5 du Règlement.
[viii] Article 2-5(1) du Règlement.
[ix] Articles 2-5(2) et 13-5(5) du Règlement.
[x] Article 13-6 du Règlement.
[xi] Article 13-6(1) du Règlement.

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