Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 1 - Témoignages du 10 décembre 2015
OTTAWA, le jeudi 10 décembre 2015
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 12 h 1, pour poursuivre son étude du Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président: Honorables sénatrices et sénateurs, cet après-midi, nous allons continuer notre étude du Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016.
[Traduction]
Le comité a étudié le Budget supplémentaire des dépenses (A) au début de l'année, avant les élections, et les membres du comité ont été convoqués cette semaine pour que le Sénat puisse obtenir de l'information et des explications concernant le Budget supplémentaire des dépenses (B).
Hier, nous avons entendu les représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor et du Service de protection parlementaire.
Aujourd'hui, honorables collègues, nous avons deux groupes de témoins. Nous entendrons pour commencer les gens d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, ce qui devrait prendre environ une heure, soit de midi à 13 heures.
J'ai le plaisir d'accueillir Tony Matson, sous-ministre adjoint, Administrateur principal des finances, et Sidney Frank, directeur général, Projet des réfugiés syriens. Vous avez certainement les mains pleines depuis un moment, et j'ai l'impression que cela va continuer. Nous accueillons également Mike MacDonald, directeur général, Gestion opérationnelle et coordination. Nous sommes également ravis d'accueillir Daniel Mills, directeur général, Gestion financière, et nous vous remercions de votre présence.
Monsieur Matson, je pense que vous avez une déclaration liminaire à présenter, après quoi nous allons discuter.
Tony Matson, sous-ministre adjoint, administrateur principal des finances, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada: En effet. Merci, monsieur le président.
Je suis ravi de venir parler aux membres du Comité sénatorial des finances du plan du gouvernement visant l'accueil de 25 000 réfugiés syriens d'ici le début de la nouvelle année. Je suis également heureux d'être ici aujourd'hui avec mes deux collègues, Mike MacDonald, directeur général, Gestion opérationnelle et coordination, et Frank Sidney, directeur général, Projet des réfugiés syriens. Nous sommes accompagnés de Daniel Mills, directeur général, Gestion financière.
[Français]
À mon avis, il importe de souligner que nous n'avons plus de ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Nous comptons plutôt sur le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. En ajoutant le mot « réfugiés », le premier ministre a envoyé le message que les réfugiés apportent une contribution importante à notre pays. Il a souligné le fait que les réfugiés sont toujours les bienvenus au Canada.
[Traduction]
Comme vous le savez, le conflit qui perdure en Syrie s'est transformé en l'une des pires crises humanitaires mondiales des dernières années. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) de 2015-2016 d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) ne comprend que le financement pour la mise en œuvre de la réponse du gouvernement à la crise des réfugiés syriens. Cela englobe 178 millions de dollars pour les dépenses de fonctionnement. Ces fonds serviront à la désignation et à la sélection des réfugiés en collaboration avec l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et le gouvernement de la Turquie, au traitement de toutes les demandes à l'étranger, y compris les examens de sécurité et les examens médicaux, au transport des réfugiés pour les emmener au Canada, ainsi qu'aux activités liées à la logistique, aux politiques et aux systèmes, et aux activités ministérielles à l'appui de cette initiative.
Un montant de 99,9 millions de dollars est également prévu pour les subventions et contributions. Cette somme servira au soutien du revenu des nouveaux arrivants et couvrira, notamment, la nourriture, les vêtements et le logement. Des fonds seront également versés à des organisations non gouvernementales qui offrent des services d'aide à la réinstallation, par exemple en fournissant des articles ménagers, du linge de maison et des meubles. Par ailleurs, des fonds seront consacrés à la formation linguistique des réfugiés, à leur orientation à la vie au Canada et à des services de consultation.
De plus, un montant de 2,3 millions de dollars est prévu pour les redressements législatifs liés à la contribution aux régimes d'avantages sociaux des employés qui participent directement à la réalisation de l'engagement envers les réfugiés syriens.
Au total, ces postes budgétaires représentent une augmentation de 280,2 millions de dollars. Par conséquent, les autorisations d'IRCC à ce jour pour 2015-2016 passent globalement de 1,487 milliard de dollars à 1,767 milliard de dollars.
[Français]
Comme cela a été rendu officiel le 24 novembre, lors de l'annonce du ministre d'IRCC et de ses collègues, ce financement se veut la réponse du gouvernement du Canada à la crise des réfugiés syriens. Ce plan prévoit la réinstallation au Canada de 10 000 réfugiés parrainés par le gouvernement et par le secteur privé d'ici la fin de décembre 2015. Un total de 15 000 réfugiés supplémentaires seront réinstallés au Canada d'ici la fin de février 2016.
[Traduction]
La structure des crédits du ministère comprend les dépenses de fonctionnement prévues au crédit 1 ainsi que les subventions et contributions prévues au crédit 5. Les fonds consentis dans le cadre de cette initiative relèveront de ces deux crédits.
Les Canadiens ont réagi au plan du gouvernement par une vague de soutien. Ils ont exprimé le désir d'aider de toutes les façons possibles.
Depuis l'annonce des détails de notre plan, le ministre a rencontré des représentants de divers ordres de gouvernement et des intervenants, et il a été encouragé par l'enthousiasme et le soutien de nombreuses personnes. Le ministre a eu l'occasion de passer en revue les cinq étapes du plan avec les provinces et territoires, les municipalités et d'autres partenaires et intervenants. On déploie d'énormes efforts pour la préparation de chacune des étapes.
Les réfugiés syriens seront réinstallés au Canada dans le cadre de deux programmes, à savoir le Programme des réfugiés parrainés par le gouvernement et le Programme des réfugiés parrainés par le secteur privé.
[Français]
Le gouvernement collabore avec le HCR, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, afin d'identifier des personnes en Jordanie et au Liban. Il travaille également à mettre en place un processus semblable avec le gouvernement de la Turquie où il revient à l'État, et non au HCR, d'enregistrer les réfugiés. Ces personnes viendront au Canada en tant que réfugiés parrainés par le gouvernement.
[Traduction]
Les réfugiés parrainés par le secteur privé sont ceux qui sont désignés par un groupe de répondants, comme des signataires d'entente de parrainage, des groupes de cinq ou des répondants communautaires. Plusieurs milliers de demandes sont déjà en cours de traitement dans le cadre de ces deux programmes.
Afin de maximiser la réussite de la réinstallation tout en minimisant les risques associés à la sécurité, le gouvernement a demandé au HCR d'accorder la priorité aux réfugiés les plus vulnérables, comme les familles complètes, les femmes en péril ainsi que les personnes vulnérables en raison de leur appartenance à la communauté bisexuelle, gaie ou transgenre.
Le Canada a déjà ouvert un bureau temporaire à Beyrouth afin de respecter cet engagement. Un bureau temporaire a ouvert ses portes à Amman et la capacité de délivrer des visas sera également haussée en Turquie une fois que les recommandations auront été reçues. Des agents d'immigration d'expérience ainsi que d'autres représentants du gouvernement et des partenaires en matière de sécurité sont en poste dans ces bureaux.
L'identité sera vérifiée tout au long du processus. Les agents des visas prendront le temps de procéder au contrôle minutieux des réfugiés avant d'accepter leur candidature aux fins de leur réinstallation au Canada. Une fois que les réfugiés potentiels auront franchi avec succès l'étape du contrôle, un visa de résident permanent leur sera délivré.
Le gouvernement préparera ensuite leur venue au Canada. Le gouvernement aura recours à des avions nolisés et à des avions militaires pour transporter les réfugiés. L'Organisation internationale pour les migrations, un organisme d'aide humanitaire se spécialisant dans la coordination des déplacements de grands groupes de personnes, assurera la gestion des opérations. À l'arrivée des réfugiés, on procédera à leur traitement en vue de leur entrée au pays. Cela comprendra une dernière vérification de leur identité.
Les réfugiés qui sont accueillis au Canada par des répondants du secteur privé seront transportés jusqu'à leur collectivité de destination, où leurs répondants les accueilleront. La plupart des réfugiés parrainés par le gouvernement seront transportés vers leur nouvelle collectivité, un peu partout au Canada, une fois que les agents des services frontaliers auront confirmé leur entrée au pays. Certains réfugiés parrainés par le gouvernement et dont la destination définitive n'aura pas encore été déterminée bénéficieront d'un hébergement temporaire dans l'attente de la finalisation du jumelage.
Le gouvernement s'attend à ce que ces séjours soient très courts. L'hébergement temporaire des réfugiés donnera aux représentants du gouvernement fédéral le temps nécessaire pour travailler avec les provinces, les territoires et les fournisseurs de services d'aide à l'établissement afin de désigner les collectivités qui accueilleront les réfugiés.
[Français]
J'espère que ces quelques mots vous auront permis de mieux comprendre le plan du gouvernement, qui a déjà été amorcé. Mes collègues et moi sommes disposés à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président: Monsieur Matson, je vous remercie de votre exposé. Je suis sûr que les honorables sénateurs auront de nombreuses questions à vous poser.
Le sénateur Wallace: Merci, monsieur Matson.
Dans votre exposé, vous avez ventilé la demande de fonds en deux parties, la première étant les 178 millions de dollars nécessaires à l'identification et à la sélection des réfugiés. Ce travail d'identification et de sélection se fait avec les Nations Unies et le gouvernement de la Turquie. Le gouvernement de la Jordanie participe-t-il au processus lié aux 178 millions de dollars?
M. Matson: À ma connaissance, oui, absolument, mais je devrais sans doute laisser M. Frank répondre à cette question.
Sidney Frank, directeur général, Projet des réfugiés syriens, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada: Sénateur Wallace, en ce qui concerne l'identification des réfugiés, l'UNHCR nous offre ce service, et le gouvernement de la Jordanie n'y participerait pas. Le gouvernement du Liban non plus.
En Turquie, l'inscription des réfugiés se fait par l'intermédiaire des autorités turques plutôt que par l'intermédiaire de l'UNHCR, alors nous travaillons avec les autorités turques dans ce cas.
Nous travaillons avec les autorités jordaniennes et libanaises pour l'établissement du processus. Il y a des facteurs comme l'obtention de permis de sortie. Nous devons travailler avec ces gouvernements à cette fin.
Nous devons les consulter pendant l'ensemble du processus. Les réfugiés sont dans leur pays, et nous n'irions pas chercher les très nombreux réfugiés comme nous le faisons sans travailler en étroite collaboration avec tous les gouvernements concernés.
Le président: Pourrions-nous, pour le compte rendu, avoir le nom complet de l'UNHCR?
M. Frank: L'UNHCR, c'est le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Le président: Et M. Matson a mentionné, dans sa déclaration, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Est-ce la même chose?
M. Frank: Oui, c'est la même organisation.
Le président: Merci.
Le sénateur Wallace: À n'en pas douter, la Turquie, la Jordanie et le Liban dépensent des sommes énormes. C'est formidable, ce qu'ils font pour aider les réfugiés en ce moment.
À l'étape initiale de l'identification et de la sélection, le coût que vous donnez pour le Canada serait de 178 millions de dollars. Est-ce qu'il y a à cette fin des coûts additionnels qui seraient couverts par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés ou par le gouvernement de la Turquie, ou incombe-t-il entièrement au Canada de couvrir ces dépenses pour les réfugiés qui viennent au Canada?
M. Matson: Les coûts qui figurent dans le présent Budget supplémentaire des dépenses sont ceux que le gouvernement du Canada assume. Nous versons des fonds à l'UNHCR pour qu'il nous aide à identifier les réfugiés dont nous accepterons les demandes, et des 178 millions de dollars, 10 millions ont été versés à l'UNHCR à cette fin. En plus de cela, tous les coûts que les autres gouvernements assument ne sont pas inclus dans ce montant.
Le sénateur Wallace: La deuxième partie de la demande de fonds est le montant de 99,9 millions de dollars pour les subventions et contributions à l'appui des nouveaux arrivants, comme vous l'avez dit. Est-ce que c'est pour ceux qui sont entièrement parrainés par le gouvernement fédéral en plus de ceux qui sont parrainés par le secteur privé? Est-ce que ces fonds vont aux deux groupes ou à un seul?
M. Matson: La plus grande partie des 99,9 millions va aux réfugiés parrainés par le gouvernement. En ce qui concerne une partie des fonds pour l'établissement, soit 10 millions de dollars, je pense que les réfugiés parrainés par le secteur privé sont aussi admissibles à des services d'établissement comme la formation linguistique, et cetera. Cependant, le montant restant du Programme d'aide au rétablissement va exclusivement aux réfugiés parrainés par le gouvernement.
Le sénateur Wallace: Sur quelle période ce soutien au revenu des nouveaux arrivants sera-t-il versé?
M. Matson: Si je ne me trompe pas, nous avons prévu six années de financement. Les fonds de l'actuel Budget supplémentaire des dépenses ne sont que pour l'exercice en cours, mais des fonds supplémentaires seront versés pour les quatre à cinq prochaines années.
Le sénateur Wallace: Vous avez dit de ces fonds qu'ils servent au soutien du revenu des nouveaux arrivants, pour la nourriture, les vêtements et le logement. Existe-t-il d'autres programmes fédéraux qui verseront une aide financière additionnelle aux réfugiés pendant la période de six ans que vous avez mentionnée, que ce soit en matière d'emploi ou par l'intermédiaire d'autres ministères?
J'essaie juste d'avoir une idée du type d'engagement financier. En tant que pays, nous sommes heureux de le faire. C'est un formidable effort humanitaire, mais je veux que nous comprenions les incidences financières de cela et que nous sachions s'il y aura des contributions fédérales en plus des 99 millions destinés au soutien du revenu des nouveaux arrivants.
M. Matson: Je n'ai pas de chiffres précis. J'hésite à faire des commentaires, mais je dirais que ces personnes seraient admissibles à d'autres programmes gouvernementaux, à l'instar des autres Canadiens. D'autres programmes pourraient venir en aide à ces personnes, mais je ne suis pas vraiment en mesure de vous donner même une vague idée du montant que cela représenterait.
Le sénateur Wallace: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Matson, il nous serait utile d'avoir des précisions à ce sujet. Les deux groupes, celui des réfugiés parrainés par le gouvernement et celui des réfugiés parrainés par le secteur privé, au nombre de 10 000... d'ici à la fin de l'année, est-ce que cela inclut les deux groupes ou seulement le groupe des réfugiés parrainés par le gouvernement?
M. Matson: C'est une excellente question, et je vais demander à M. Frank d'y répondre.
M. Frank: Selon nos estimations, parmi les 10 000 réfugiés, 2 000 seront parrainés par le gouvernement et 8 000 seront parrainés par le secteur privé. C'est une estimation, car nous avons des centres de traitement à Beyrouth, nous en avons un à Amman, et nous en avons un qui est sur le point d'ouvrir en Turquie. Nous traitons les dossiers dans de nouveaux centres, alors nous ne connaissons pas la capacité exacte de délivrance de visas. Ce sont cependant en gros les proportions que nous prévoyons.
Le président: C'est utile. Puis-je utiliser la même proportion pour les 15 000 réfugiés attendus avant la fin de février?
M. Frank: En fait, les réfugiés qui nous sont présentés par l'UNHCR et les autorités turques seront, pour la plupart, des réfugiés parrainés par le gouvernement, à moins qu'ils aient déjà des parents au Canada.
Dans l'ensemble, on estime qu'il y aura 15 000 réfugiés parrainés par le gouvernement et 10 000 réfugiés parrainés par le secteur privé, pour un total de 25 000.
[Français]
Le sénateur Rivard: Je crois que la crise syrienne est sans précédent. Dans le passé, nous avons accueilli beaucoup de réfugiés politiques, qu'on pense aux Kosovars, aux boat people, aux gens qui ont fui la tyrannie, comme au Cambodge, ou des situations comme le tremblement de terre en Haïti. On peut dire que les répercussions de l'ensemble de ces trois événements sont globalement inférieures à ce que nous vivons présentement avec la crise syrienne. Êtes-vous d'accord? Lorsque nous avons accueilli les Kosovars ou les boat people, c'était à peu près le même nombre de personnes. Je n'en ai pas les statistiques mais, de mémoire, est-ce comparable?
[Traduction]
M. Matson: Je n'ai pas les chiffres pour les autres initiatives, mais je sais que c'est l'une des plus importantes initiatives d'aide aux réfugiés depuis de nombreuses années. Malheureusement, je n'ai pas les chiffres.
[Français]
Le sénateur Rivard: Remarquez bien que je vous pose la question simplement pour obtenir un détail, car je suis tout à fait d'accord avec la décision du gouvernement. Cependant, lorsqu'on accueille des réfugiés, généralement, on leur octroie un prêt qui couvre l'examen médical et le transport de leur pays ou de l'endroit où ils sont vers le Canada. Dans ce cas-ci, le gouvernement a décidé d'assumer les coûts. Je ne dis pas qu'il s'agissait d'une politique, mais c'était la tradition, auparavant, et c'est ce qui était fait. Pour ma part, je suis d'accord avec cette façon de faire, mais avez-vous une idée du total, de ce que représente le coût de l'examen médical et du transport, par personne, pour les faire venir au Canada?
M. Matson: C'est une très bonne question, et je peux vous donner quelques chiffres.
[Traduction]
Normalement, historiquement, le prêt moyen consenti à un réfugié est d'environ 3 000 $. On a déclaré que le gouvernement renonçait à exiger des réfugiés qu'ils remboursent les frais de transport et les frais liés à certains examens médicaux au moyen d'un prêt. Ils ont donc décidé de payer tous les voyages d'outre-mer et les examens médicaux des 25 000 réfugiés. Je crois que cela nous amène à des montants se situant entre 70 millions et 80 millions de dollars que le gouvernement paiera à la place des réfugiés.
[Français]
Le président: Je vous remercie. Le sénateur Mockler a une question complémentaire.
Le sénateur Mockler: À titre de sénateur du Nouveau -Brunswick, je tiens à vous dire que j'appuie fortement la demande du Nouveau-Brunswick en ce qui concerne cette initiative, et j'aurai l'occasion, monsieur le président, de poser d'autres questions un peu plus tard après votre présentation. Je tiens également à vous assurer de l'appui de la grande majorité des Néo-Brunswickois à cette initiative humanitaire.
Toutefois, les Canadiens ont une fausse impression que le gouvernement donnera des millions de dollars aux réfugiés, individuellement. Pour donner suite à la question posée par le sénateur Rivard, êtes-vous en mesure de nous dire quel est le montant maximal que les réfugiés — accompagnés parfois de leurs grand-père, grand-mère, petits- enfants, et cetera — reçoivent à leur arrivée au Canada?
Je sais que dans le cas d'un bénéficiaire de l'aide sociale ou de l'aide au revenu offerte par les provinces, par exemple au Nouveau-Brunswick, l'aide est limitée. Pouvez-vous nous assurer que le gouvernement pourra informer la population de la somme maximale qui sera versée, dans le cadre de programmes gouvernementaux ou autres, aux réfugiés ou aux familles des réfugiés?
M. Matson: C'est une très bonne question, qui est complexe également.
[Traduction]
Les réfugiés qui viennent au Canada obtiennent divers niveaux d'aide. Quand ils arrivent au Canada, ils obtiennent une aide immédiate pour leurs besoins de base, et ils peuvent aussi être admissibles au soutien du revenu pour un maximum de 12 mois. Ce soutien du revenu se compare à l'aide sociale qu'ils recevraient dans la province où ils se trouvent.
Ils ont aussi droit à une aide à l'établissement, ce qui comprend entre autres la formation linguistique. Des montants sont prévus pour cela. Je n'ai pas les montants précis par réfugié, mais je pourrais vous les obtenir.
Les réfugiés ont droit à du soutien pour certains des coûts de leurs soins de santé, et il s'agit des montants qui correspondent à ce que les provinces paient à n'importe quel Canadien.
Le président: Revenons à la liste, si vous le voulez bien. Votre nom figure au bon endroit sur la liste. Habituellement, une question complémentaire sert à obtenir des précisions rapides. Si vous passez devant un autre, ça complique les choses.
Le sénateur Mockler: Merci. Je respecte toujours les conseils de la présidence.
Le président: J'ai déjà fait preuve d'une certaine indulgence à son égard en raison de son lieu de naissance.
Sénateur Gerstein, ancien vice-président du comité et sénateur de Toronto, vous avez la parole.
Le sénateur Gerstein: J'aimerais d'abord féliciter le comité pour l'initiative qu'il met en œuvre. Nous en sommes tous très fiers.
J'aimerais revenir à la question soulevée par le sénateur Day et m'adresser à M. Frank. Si j'ai bien compris, nous nous préparons à accueillir 10 000 réfugiés, soit 2 000 parrainés par le gouvernement et 8 000 parrainés par le secteur privé. Je ne suis pas certain de bien comprendre comment les réfugiés sont répartis dans ces deux groupes. Prenons, par exemple, une famille de cinq dans un camp de réfugiés en Jordanie. Quels sont les critères à respecter pour faire partie d'un de ces deux groupes? Quel est le processus décisionnel?
M. Frank: Pour les réfugiés parrainés par le gouvernement, c'est l'UNHCR qui nous transmet les dossiers. Dans le cadre de notre processus normal de sélection des réfugiés à l'étranger, c'est l'UNHCR qui nous épaule. Dans des conditions normales, les responsables de l'organisme rencontrent les réfugiés et évaluent leur niveau de vulnérabilité et leurs antécédents.
Nous travaillons en étroite collaboration avec l'UNHCR et laissons savoir à l'organisme quel type de réfugié nous sommes disposés à accueillir au Canada. Il peut s'agir de personnes ayant des besoins ou des problèmes médicaux ou des membres de la collectivité des LGBT. Nous comprenons très bien la situation vulnérable dans laquelle ces gens se trouvent en raison de leur orientation.
Il s'agit d'un projet très spécial. Tout se déroule très rapidement en raison des besoins. Nous avons donc mis en place un processus spécial en collaboration avec l'UNHCR.
Monsieur le président, j'espère que je ne prends pas trop de temps, mais il est important de bien expliquer le processus.
Le président: C'est très important pour nous de bien comprendre. Je vous dirais de prendre le temps qu'il vous faut, mais...
M. Frank: Je vous promets de prendre le moins de temps possible.
Nous avons donc mis en place un processus spécial où les responsables de l'UNHCR communiquent avec les réfugiés qui, selon eux, répondent à nos critères bien particuliers. Les responsables effectuent ensuite une évaluation rapide des candidats. Nous sommes à la recherche de familles et de femmes vulnérables et de membres de la collectivité des LGBT.
Ils effectuent une évaluation rapide des circonstances des candidats et rétablissent leur identité grâce à la lecture de l'iris, puisqu'ils ont déjà fait une telle lecture. Ils nous transmettent ensuite les noms des candidats retenus. Dans certains cas, ils organisent rapidement une entrevue avec nos responsables.
Pour les réfugiés parrainés par le secteur privé, le processus s'amorce au Canada. Il pourrait s'agir d'un groupe de cinq personnes qui désirent parrainer un réfugié ou ce que l'on appelle des signataires d'ententes de parrainage, comme des groupes confessionnels ou d'autres types d'organisations. Ces gens ou groupes identifient auprès de la Commission du statut de réfugié les réfugiés qu'ils désirent parrainer. Plusieurs de ces réfugiés sont déjà enregistrés auprès de l'UNHCR, mais ce sont les groupes de personnes ou les signataires d'ententes de parrainage qui nous fournissent les noms des réfugiés qu'ils désirent parrainer.
Le sénateur Gerstein: Si l'on tient compte du fait qu'il s'agit ici de réfugiés dans des camps de réfugiés, s'ils font partie, comme vous le dites, de la collectivité des LBGT, il est plus probable qu'ils soient parrainés par le gouvernement, alors qu'il est plus probable qu'une famille de cinq soit parrainée par un groupe sans but lucratif.
M. Frank: Ce n'est pas l'UNHCR qui répartit les réfugiés que ces organisations désirent parrainer. Ces organisations connaissent déjà les réfugiés en question. Très souvent, ce sont des réfugiés qui ont déjà de la famille au Canada.
Le sénateur Gerstein: D'accord. Je n'avais pas compris.
M. Frank: Il peut s'agir d'une personne dont le frère ou le cousin se trouve dans un camp de réfugiés au Liban, par exemple, et elle désire le parrainer.
Le sénateur Gerstein: D'accord. Merci beaucoup. Ces précisions sont très utiles. Je n'avais pas compris.
M. Frank: Il y a aussi les petits groupes, mais nous n'en parlerons pas pour le moment. Je ne voudrais pas semer la confusion.
Le sénateur Gerstein: Merci.
M. Frank: Je vous en prie.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette: Peut-être par curiosité et pour établir un rapport avec notre action en faveur des réfugiés dans le passé, au cours des trois dernières années, combien de réfugiés le Canada a-t-il accueillis par année?
M. Matson: Je crois que, pendant les trois dernières années, nous avons reçu à peu près 10 000 réfugiés par année.
La sénatrice Hervieux-Payette: Cela me donne une idée. Je vais vous parler de l'opinion publique qui semble faire toute une histoire avec l'accueil de 25 000 réfugiés.
Si on applique ce nombre à l'exercice de 2015-2016, on obtient à peu près le même nombre de réfugiés, de toute façon, en supposant qu'on ne choisisse que les personnes qui proviennent de la Syrie et que ce ne soit pas un nombre complètement farfelu sur plus de 1 million de réfugiés — car c'est ainsi qu'on le perçoit d'ici. Sur un million, on en prend 25 000. Sur deux ans, cela nous en fait 10 000 et 15 000. Nous avons l'habitude d'en prendre 10 000 par année. Pour rassurer les gens, on peut donc avoir confiance envers votre système. C'est un système qui existait déjà. Il n'a pas été mis sur pied, tout à coup, parce qu'il y avait une crise en Syrie.
Je crois qu'il est important que l'on rassure les gens — ce que je fais régulièrement —, que vous n'improvisez pas, que vous ne prenez pas n'importe qui et que vous avez mis en place un système et un mécanisme depuis plusieurs années. Lorsque j'apprends que nous accueillerons 2 000 réfugiés avant Noël, sous la gouverne du gouvernement, je suis loin d'être renversée par la quantité. À mon avis, c'est modeste comme chiffre.
J'aimerais savoir si la Croix-Rouge est l'un des organismes sans but lucratif qui participent à cette opération, car elle a développé une expertise dans ce domaine.
Mike MacDonald, directeur général, Gestion opérationnelle et coordination, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada: Oui, tout à fait. La Croix-Rouge participe aux activités menées au Canada. Nous travaillons étroitement avec elle.
La sénatrice Hervieux-Payette: Elle a, en effet, acquis l'expertise nécessaire pour effectuer ce genre de travail.
M. MacDonald: Absolument.
La sénatrice Hervieux-Payette: Il n'y a donc pas d'improvisation dans cette mesure. C'était le point que je tenais à soulever. Je voulais m'assurer, premièrement, que nous participons à des initiatives humanitaires qui sont plus que valables et auxquelles nous sommes tous heureux de contribuer. De toute façon, nous n'imposons pas à la population canadienne un fardeau insensé.
M. Frank: La Croix-Rouge fait aussi les examens médicaux, en partie, pour les réfugiés en Jordanie. Elle est impliquée à l'étranger également.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il un programme de jumelage et s'applique-t-il tant aux groupes publics qu'aux groupes privés?
M. Matson: Si je ne m'abuse, un programme a été créé. Je n'en connais pas très bien les détails, mais je crois que le gouvernement a mis sur pied un fonds de contrepartie et qu'il égalera toute contribution faite en appui aux réfugiés syriens. Je suis passablement certain que ce fonds est administré par Affaires mondiales Canada.
Le président: Savez-vous quel est l'engagement total du gouvernement fédéral? Envisage-t-il d'égaler les montants jusqu'à la fin décembre ou jusqu'en février 2016 pour les 25 000 réfugiés prévus?
M. Matson: Si j'ai bien compris, ce serait jusqu'à la fin décembre. Cette date peut avoir été repoussée. Je vais vérifier et vous transmettre l'information.
Le président: Communiquez avec la greffière. Elle nous transmettra l'information.
Est-ce que cela s'applique également aux groupes privés? Si, par exemple, un groupe confessionnel désire faire venir une famille et qu'il a recueilli 100 000 $ pour aider cette famille, le gouvernement égalera-t-il cette somme ou égalera-t-il uniquement les sommes recueillies pour les réfugiés parrainés par le gouvernement?
M. Matson: Je ne connais pas suffisamment bien les détails du programme relatif aux groupes chargés du jumelage pour vous répondre, mais je crois que c'est effectivement le principe. Tous les fonds recueillis par le secteur privé seront égalés grâce à ce fonds administré par Affaires mondiales Canada.
Le président: Toute précision que vous pourriez nous fournir nous serait très utile.
M. Matson: Certainement.
Le sénateur Mockler: J'aimerais partager quelque chose avec les sénateurs et les témoins. Il y a deux semaines, j'ai rendu visite à Francine Landry, une ministre de l'administration législative du Nouveau-Brunswick. Elle m'a informé sur la proposition de la province et j'aimerais vous transmettre cette information. Ce sont des renseignements publics; je ne dévoile aucun secret ministériel.
Les réfugiés ne sont pas des boulets; ce sont des atouts. J'aimerais porter à votre attention quelques éléments du projet du Nouveau-Brunswick. La province travaille à l'élaboration d'un plan multilatéral pour les réfugiés auquel participent, notamment, le ministère de la Santé, le ministère de l'Éducation, le ministère du Développement social, le ministère de la Sécurité publique et même Service Nouveau-Brunswick. La Croix-Rouge du Nouveau-Brunswick est également un partenaire à part entière de ce projet, et nous appuyons cette décision.
La province du Nouveau-Brunswick est la seule à être officiellement bilingue, en vertu de la Constitution du Canada. J'ai rappelé aux responsables de la province qu'il était important de s'assurer que ce ratio soit respecté. Ils m'ont dit que la question avait été soulevée dans les journaux, à la radio et à la télévision.
[Français]
Il est de 30 p. 100 de francophones et de 70 p. 100 d'anglophones. C'est la composition de nos communautés actuelles. Allez-vous suivre ce dossier de près pour assurer à la population, au gouvernement du Nouveau-Brunswick, à moi, en tant que sénateur, et à d'autres, que nous allons respecter cette proportion de 70 p. 100/30 p. 100?
[Traduction]
M. McDonald: Il y a quelques éléments de votre question que j'aimerais aborder, monsieur le sénateur. D'abord, l'esprit de collaboration pancanadien auquel vous faites référence, un élément très important. Pour s'organiser afin de régler la situation, tout commence au niveau du gouvernement fédéral.
Plusieurs ministères participent à cet effort; nous ne sommes pas seuls. Des centaines de personnes travaillent à ce dossier et les ressources fédérales sont jumelées. Tout est coordonné par l'entremise du Centre des opérations du gouvernement, en vertu du Plan fédéral d'intervention d'urgence.
Selon ce concept, les provinces, territoires et municipalités sont liés, mais les intervenants nous aident dans la planification des activités. C'est un point important que soulève le sénateur.
De plus, notre ministère a déjà établi des liens avec les signataires d'ententes de parrainage, des fournisseurs de services et ceux qui sont sur le terrain, les organisations auxquelles M. Frank faisait référence, celles qui travaillent avec les réfugiés parrainés par le gouvernement ou le secteur privé afin de les aider à s'établir ici et de répondre à leurs besoins fondamentaux. Tout est lié.
Ce qu'il est important de comprendre dans ce dossier, c'est que nous tentons de travailler en fonction des services disponibles dans les provinces, territoires et municipalités. Nous ne voulons pas épuiser les capacités, mais nous tentons aussi de respecter le souhait des provinces ou territoires quant au nombre de réfugiés qu'ils désirent accueillir.
La question de la langue est intéressante. C'est un élément dont nous tenons compte au moment de choisir où établir les réfugiés. Toutefois, un fait demeure, c'est que de nombreux réfugiés dans ce mouvement — et probablement la grande majorité d'entre eux — ne parlent ni l'anglais ni le français; ils parlent l'arabe. Nous avons donc eu à nous ajuster pour communiquer avec les réfugiés qui arrivent ce soir, à Toronto, et qui arriveront ce week-end, à Montréal.
Donc, monsieur le sénateur, nous connaissons très bien les besoins et les souhaits des provinces et municipalités et l'écart entre les régions urbaines et rurales. Nous devons toujours tenir compte des besoins et des particularités — problèmes ou besoins médicaux, langue, éducation — des réfugiés. Ce sont tous des morceaux d'un casse-tête complexe qu'il faut étudier au moment de choisir où établir les réfugiés.
Le sénateur Mockler: La question de la langue est très importante en raison du rôle qu'a joué le Nouveau-Brunswick dans l'histoire du pays et de son rôle actuel en tant que province bilingue. Je sais que l'Université de Moncton, entre autres, offre des formations linguistiques.
La raison pour laquelle cette question me tient à cœur — monsieur le président, j'aimerais fournir une autre statistique et je poserai ensuite une dernière question.
Le Canada prévoit accueillir 25 000 réfugiés et, de ce nombre, le Nouveau-Brunswick propose d'en accueillir 1 500. La population du Nouveau-Brunswick représente 2,1 p. 100 de la population canadienne. Pourtant, la province — et j'en suis très fier, tout comme, je n'en doute pas, les autres sénateurs du Nouveau-Brunswick — propose d'accueillir 6 p. 100 des réfugiés. Je tiens à le souligner, car c'est important. C'est la raison pour laquelle je voulais intervenir sur la raison pour laquelle les responsables sont ici. Je ne remets pas en question votre rôle. Celui-ci est important. Vous devez regarder l'ensemble du pays; mais n'oubliez pas le Nouveau-Brunswick.
Pourriez-vous nous fournir, ou à la présidence, une liste détaillée des ministères qui participent à cet effort visant à accueillir 25 000 réfugiés au Canada?
M. Matson: Absolument. Plusieurs ministères participent à cet effort et sans eux, cette initiative serait impossible. Je peux en nommer quelques-uns. Il y a l'Agence des services frontaliers du Canada. Je suis désolé, mais je vais utiliser leurs anciens noms, car ils me sont familiers.
Le président: Vous aurez une meilleure idée d'où vous en êtes.
M. Matson: Effectivement.
Affaires mondiales Canada, l'ancien MAECD, participe activement aux efforts.
L'ASPC, l'Agence de la santé publique du Canada, participe elle aussi activement.
Nous travaillons avec TPSGC à certains dossiers d'approvisionnement. Le ministère est un autre partenaire important dans le cadre de cette initiative.
Évidemment, le MDN participe aux efforts. Il offre un soutien essentiel, tant à l'étranger qu'au Canada. Il y en a plusieurs. La GRC et le SCRS participent également.
Service Canada apporte son soutien pour les services d'établissement afin d'aider les réfugiés à amorcer leur vie au pays.
Plusieurs ministères fédéraux participent à cette initiative, tout comme de nombreux partenaires municipaux et provinciaux. Il s'agit vraiment d'un effort pancanadien. Le ministère des Transports aussi prête main-forte.
M. McDonald: J'aimerais simplement souligner la participation de deux autres partenaires, soit Sécurité publique Canada et Patrimoine canadien. D'ailleurs, nous remettons aux réfugiés dès leur arrivée une trousse d'information de Patrimoine canadien pour les aider dans le cadre du programme d'assimilation. Entre 15 et 20 ministères ou organismes participent à cette initiative.
Le sénateur Mockler: Dans les deux langues officielles?
M. McDonald: Oui.
Le sénateur L. Smith: Messieurs, je fais écho aux autres sénateurs sur l'importance de cette initiative. Ma question s'appuie sur vos réponses aux questions du sénateur Mockler.
Avec la participation de 15 à 20 organismes, je suis convaincu que les choses roulent bien. Vous avez dû vous mobiliser rapidement. De ce côté-ci du gouvernement, nous appuyons fermement cet effort. Nous voulons simplement nous assurer que tout se fait de manière efficiente.
Quel est le coût total estimé de cette initiative et comment ces estimations varieront-elles au fur et à mesure que les choses progressent? De toute évidence, c'est un projet de grande envergure qui demande beaucoup de coordination et une compréhension des coûts. Il y aura certainement des surprises en cours de route. Que prévoit-on? Quelles sont vos hypothèses par rapport aux coûts?
M. Matson: C'est une excellente question. Le coût est un des éléments auxquels nous prêtons une attention particulière, surtout lorsqu'on compte toutes les permutations et situations possibles qui pourraient survenir au cours des cinq prochaines années. C'est très difficile, mais aussi très intéressant. Oui, nous prêtons beaucoup d'attention aux coûts, mais nous travaillons également en étroite collaboration avec le Conseil du Trésor qui remet en question toutes nos demandes, non seulement dans le cadre de cette initiative, mais aussi toutes les demandes de financement du gouvernement. Le Secrétariat du Conseil du Trésor nous met vraiment au défi.
Au bout du compte, le coût total de cette initiative visant à accueillir 25 000 réfugiés au Canada s'élèvera à environ 678 millions de dollars sur six ans, et ce pour tous les ministères participants, y compris le financement de l'exploitation. La majeure partie de ces fonds iront aux services d'établissement pour les réfugiés.
Donc, en tout, on parle d'environ 678 millions de dollars sur six ans pour tous les ministères, y compris les coûts d'exploitation et les avantages dont jouiront les réfugiés pour s'intégrer au Canada.
Le sénateur L. Smith: D'un point de vue pratique, si le MDN dépense un montant X au cours de cette période — probablement au cours des premières étapes du processus lorsqu'il hébergera des réfugiés à Valcartier ou sur des bases en Ontario —, que se passera-t-il? Son budget sera-t-il augmenté en conséquence ou devra-t-il présenter une demande au Conseil du Trésor? Quel sera le processus? J'ai posé la même question aux représentants du Conseil du Trésor, mais leur réponse n'était pas aussi définitive que la vôtre.
M. Matson: Pour notre ministère, par exemple, nous recevons des fonds supplémentaires par l'intermédiaire de ce Budget supplémentaire des dépenses et de notre Budget principal des dépenses pour les années à venir. J'imagine que les autres ministères procéderont de la même façon et qu'ils devront exercer une fonction d'examen critique semblable avec le Conseil du Trésor. Donc, à mon avis, le financement qu'ils pourront obtenir à l'avenir et leurs besoins restent à déterminer, et ils présenteront ces demandes au comité plus tard, lorsque l'examen critique sera fait. L'examen a déjà été demandé, et ils présenteront leur demande au comité lorsque ce sera prêt.
Nos demandes de financement comprennent des éventualités appropriées. Nous ne disons pas que nous dépenserons la totalité des 678 millions de dollars. Il s'agit d'une initiative très complexe, nous avons demandé des fonds appropriés pour éventualités afin de parer à toutes les permutations et combinaisons qui pourraient survenir au cours des six prochaines années. Je crois que le processus que vous verrez à l'avenir, c'est que chaque ministère se présentera ici ou devant d'autres comités pour expliquer et justifier les demandes de ressources.
Le sénateur L. Smith: De ces 678 millions, quel pourcentage est réservé aux éventualités, dans ce contexte précis, pour que vous puissiez planifier efficacement?
M. Matson: De ces 678 millions, les fonds pour éventualités pour l'ensemble des ministères s'élèvent à environ 114 millions de dollars, ce qui comprend à la fois le budget de fonctionnement ainsi que le budget de subventions et contributions pour les réfugiés. Une bonne partie de ces fonds pour éventualités est retenue par le Secrétariat du Conseil du Trésor, et nous devrons nous adresser au SCT pour y avoir accès. Les sommes inutilisées seront versées dans le cadre financier.
Le sénateur L. Smith: En ce qui concerne les calculs, les gens du SCT ont-ils collaboré avec vous pour leur préparation, ou les avez-vous faits vous-mêmes avant d'en discuter avec eux?
M. Matson: Je pencherais pour la deuxième option. Pour la détermination des coûts, nous avons travaillé en étroite collaboration avec de nombreux ministères en examinant toutes les options possibles qui s'offraient à nous pour la prestation du programme, mais nous avons aussi travaillé en étroite collaboration avec le Secrétariat du Conseil du Trésor tout au long du processus pour que le SCT ait une bonne connaissance des hypothèses sur lesquelles les estimations des coûts étaient fondées et du caractère raisonnable des options que nous examinions. En fin de compte, le SCT joue un important rôle d'examen critique. Il procède à l'examen après avoir été tenu au courant à toutes les étapes de l'évaluation des coûts. Ce n'est qu'après tout cela que nous venons au comité pour vous présenter le résultat final, qui est ce que nous demandons.
Le sénateur L. Smith: Les provinces et les municipalités vous ont-elles présenté des demandes de compensation pour les dépenses qu'elles engageront? Ces montants sont-ils inclus dans les 678 millions de dollars?
M. Matson: Notre demande ne comprend pas le financement pour les provinces et les municipalités. Je crois qu'on s'attend à ce que nous soyons tous partenaires dans ce dossier, et nous contribuerons à cet effort de diverses façons. Je ne peux pas vraiment émettre des hypothèses ou essayer de quantifier cet effort en dollars, mais notre demande de financement ne comprend pas le financement pour les provinces et les municipalités.
M. McDonald: Je tenais à ajouter une précision pour le sénateur Smith. Au Secrétariat du Conseil du Trésor et au ministère des Finances, tandis que les fonctions de détermination des coûts et d'examen avaient lieu, nous nous affairions simultanément, en raison des contraintes de temps, manifestement, à la planification des opérations, à l'élaboration du plan national et des plans stratégiques et à la préparation des activités à l'étranger.
Cette activité a eu lieu ailleurs; le Conseil du Trésor, le ministère des Finances et le Bureau du Conseil privé y ont collaboré avec nous à chacune des étapes. La fonction d'examen critique qu'ils exercent ne se limite pas au rôle traditionnel d'un organisme central. Les représentants de ces organismes sont avec nous pendant le processus de planification, de formulation des hypothèses et de planification stratégique.
Le sénateur L. Smith: L'ancien gouvernement avait indiqué, évidemment, qu'il s'était engagé à accueillir 10 000 réfugiés, et le nouveau gouvernement a maintenant porté ce nombre à 25 000, ce qui est formidable. Depuis combien de temps travaillez-vous à la planification? Si ceux qui étaient en poste auparavant planifiaient d'en accueillir 10 000, diriez-vous que votre processus de planification est en cours depuis six ou sept mois? Si oui, s'agit-il simplement d'augmenter le nombre de 10 000 à 25 000 et de faire les prévisions en conséquence? Comment avez-vous procédé?
M. McDonald: Dans l'ensemble, la planification est un processus complexe, et nous avons dû nous adapter rapidement aux exigences changeantes en cours de route.
Nous nous occupons de ce dossier depuis plusieurs mois, en fonction de l'objectif du gouvernement en place. Toutefois, grâce à la structure fédérale d'intervention d'urgence, nous avons été en mesure d'intensifier la planification très rapidement, et les ministères et les organismes appropriés sont déjà à pied d'œuvre. Nous avons adapté notre planification au fil des annonces successives sur les objectifs à atteindre.
Gardez à l'esprit cependant que le plan relatif aux niveaux annuels du ministère comporte déjà des cibles pour l'accueil des réfugiés. Par conséquent, beaucoup de ces structures sont déjà en place. Nous n'avons simplement qu'à planifier pour un nombre plus élevé. Je ne dirais pas « simplement », mais je pense que vous comprenez ce que je veux dire, sénateur. Chaque fois qu'un nouvel objectif est fixé, nous nous adaptons en fonction de ce que nous avons déjà fait. De toute évidence, nous sommes actuellement engagés dans une planification poussée et une opération tactique d'une grande importance.
Le sénateur L. Smith: Merci, monsieur.
M. Frank: Permettez-moi d'ajouter que ce processus requiert des efforts sans précédent. Malgré notre planification et les progrès réalisés, le rythme des arrivées proposées nous a obligés à établir des bureaux à une vitesse folle.
C'est du jamais vu; je pense que c'est la bonne réaction étant donné la situation humanitaire. Je dois dire que votre appui à nos activités me réjouit vraiment. Il s'agit d'un défi colossal pour nous tous, mais je pense que nous pouvons le relever.
Le président: Bien. Merci de ces observations supplémentaires. Nous vous appuyons sans réserve et nous ferons le nécessaire pour vous aider. Nous commencerons par approuver des fonds supplémentaires. C'est ce que nous tentons de faire.
La sénatrice Ataullahjan: Je tiens à préciser, aux fins de compte rendu, que j'appuie fortement les mesures prises par le gouvernement.
La plupart des enfants qui viendront au Canada ne sont pas scolarisés, bien malgré eux. A-t-on réservé des fonds pour l'éducation de ces enfants pour qu'ils soient sur un pied d'égalité avec les autres Canadiens et pour les aider à s'intégrer dans la société canadienne?
L'autre enjeu, manifestement, est qu'il y aura beaucoup de cas de problèmes de santé mentale. A-t-on aussi réservé des fonds à cet égard?
M. Matson: Pour répondre à votre première question sur les besoins supplémentaires liés à l'éducation, je dirais qu'à ma connaissance, cette demande ne contient aucun montant supplémentaire pour les besoins spéciaux des enfants en matière d'éducation. Je crois savoir que l'éducation relève de la compétence des provinces. Notre demande ne comprend aucune mesure liée à cet aspect.
En ce qui concerne votre deuxième question, la demande comprend du financement pour le soutien psychosocial. À leur arrivée au Canada, les réfugiés sont évalués. Un financement est prévu pour ceux qui auraient besoin de ce service.
[Français]
La sénatrice Bellemare: Moi aussi, je pense qu'on fait une action humanitaire très correcte et qu'il faut aller dans cette direction. Je m'interroge, toutefois, dans la même veine que le sénateur Smith, sur les perspectives financières, puisqu'il s'agit ici du Comité des finances. Je voulais comprendre un peu mieux l'impact qu'aura sur les finances ce geste humanitaire. Ce que je comprends, d'abord, de ce que vous nous dites, c'est que les chiffres augmentent, avec 25 000 réfugiés tout au long de 2016. Nous en avons toujours accueilli, alors nous ne savons pas s'il s'agit de 25 000 supplémentaires par rapport à ceux que nous avions acceptés ou s'il s'agit simplement d'une partie de l'ensemble du portrait.
Ce que je tiens à préciser, toutefois, c'est qu'en examinant les chiffres que vous nous avez donnés, et j'en fais un calcul rapide: vous demandez environ 280 millions de dollars dans le cadre du budget supplémentaire des dépenses pour 10 000 réfugiés, ce qui revient à peu près à 28 000 $ par réfugié. Vos chiffres se vérifient; vous nous dites que cela coûtera environ 778 millions pour 25 000 réfugiés. Tout cela est donc cohérent.
Ce sont les coûts du programme d'arrivée, si je comprends bien. Cela ne comprend pas les coûts pris en charge par les provinces. Ma question est donc la suivante: dans votre plan, exprimez-vous l'intention et la volonté de faire appel aux programmes d'intégration en matière d'emploi et d'entrepreneuriat pour l'ensemble de ces populations qui vont arriver, justement pour les intégrer rapidement à la société canadienne? Car on sait que c'est grâce à l'emploi et à la participation à l'activité économique que ces gens pourront non seulement apprendre les langues plus facilement, mais aussi s'intégrer. Est-ce qu'il y a, dans votre programme, des montants prévus à cet effet, parce que ces gens ne seront pas admissibles à recevoir du financement au moyen de l'assurance-emploi? Cette tâche reviendra aux programmes des provinces. Est-ce qu'il y a eu un signal d'alarme vous indiquant qu'il faut aussi examiner cette dimension dans l'intégration de ces nouveaux arrivants?
M. Matson: Votre question est très complète, et je vous en remercie. Je vais commencer par votre première question.
[Traduction]
Ces exigences s'ajoutent à ce que nous faisons dans le cadre de notre plan des niveaux d'immigration pour les réfugiés. C'est un effort supplémentaire, et c'est pourquoi nous demandons des ressources additionnelles pour 25 000 réfugiés pour l'exercice financier en cours. C'est un ajout, en effet.
Pour ce qui est de votre deuxième question, je crois savoir que notre demande ne comporte aucun financement pour le soutien d'éducation dont nous avons parlé plus tôt et pour la formation en cours d'emploi qui pourrait être très utile pour aider ces réfugiés à s'intégrer à la société canadienne. Cette demande ne contient aucune mesure en ce sens ni de financement pour les provinces concernant les aspects qui relèvent de leur compétence. Il s'agit uniquement du financement que nous demandons pour l'identification, le traitement des demandes, le transport et les mesures d'intégration à la société canadienne qui sont offertes aux réfugiés pendant une période allant jusqu'à un an après leur arrivée. Cette demande ne contient aucun financement pour des services supplémentaires.
[Français]
La sénatrice Bellemare: J'aimerais, monsieur le président, que cela puisse être inscrit dans nos travaux; il serait important que le gouvernement prévoie, à l'avenir, des sommes qui soient allouées à l'intégration au marché du travail de ces nouveaux arrivants.
M. Frank: Pour améliorer un peu la réponse de M. Matson, je crois qu'il est important que nous soyons plus précis en utilisant le mot « direct ».
[Traduction]
Une partie des sommes prévues dans notre Budget supplémentaire des dépenses est destinée à certains organismes qui œuvrent sur le terrain, à l'échelle communautaire, et dont la responsabilité est de favoriser l'établissement de liens avec la communauté et d'offrir du soutien, du counseling et de la formation, comme la formation linguistique et la formation préalable à l'emploi. Le gouvernement fédéral compte sur les organismes communautaires, les organismes de parrainage et les organismes de services pour la prestation de ces programmes.
Nous n'assurons pas directement la prestation de programmes d'emploi aux réfugiés. Nous les appuyons toutefois par l'intermédiaire d'ententes de contribution; nous fournissons ainsi du financement aux organismes qui le font, ce qui s'ajoute à ce qu'ils pourraient recevoir d'une municipalité, d'un groupe religieux, d'une ville ou de la province.
[Français]
La sénatrice Bellemare: Cela fait donc partie des 10,9 millions de dollars qui sont prévus, l'aide à la réinstallation étant directe en plus. Dans les dépenses de transfert, on voit qu'il y a un total.
[Traduction]
M. Matson: Nous demandons 99,9 millions de dollars en subventions et contributions pour appuyer cette initiative. Comme M. McDonald l'a indiqué, cela inclut l'aide que nous offrons aux fournisseurs de services qui aident les réfugiés à s'intégrer à la société canadienne en leur offrant une aide à l'emploi.
[Français]
La sénatrice Bellemare: Il y a l'initiative de 88 millions de dollars qui est destinée à l'aide à la réinstallation, et l'autre, de près de 11 millions de dollars, reliée aux programmes d'établissement. Quelle est la distinction à faire entre ces deux initiatives?
Daniel Mills, directeur général, Gestion financière, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada: Pouvez-vous répéter la question s'il vous plaît?
La sénatrice Bellemare: J'aimerais voir la différence dans vos transferts entre l'aide à la réinstallation, chiffrée à 89 millions de dollars, et le programme d'établissement, dont l'enveloppe est de 11 millions de dollars.
[Traduction]
M. Matson: Oui. Il y a environ 11 millions de dollars pour les programmes d'établissement. Le reste — environ 88 millions, comme vous l'avez souligné — est destiné à l'aide à la réinstallation, ce qui englobe les mesures d'aide offertes aux réfugiés à leur arrivée, comme l'aide pour les biens de première nécessité et le logement. Ils ont aussi droit à une allocation de soutien du revenu pour une durée pouvant aller jusqu'à un an, à moins qu'ils commencent à subvenir à leurs besoins financiers.
À cela s'ajoute la somme de 10 à 11 millions de dollars pour les services d'établissement. Nous faisons appel à des fournisseurs de services pour leur offrir une formation linguistique et, peut-être, pour les aider à trouver un emploi. Tout cela est inclus dans le chiffre de 10 millions de dollars que vous avez mentionné, en effet.
[Français]
La sénatrice Chaput: Ma question sera brève. Elle concerne les questions qu'a posées le sénateur Mockler à l'égard de l'apprentissage des langues.
Nous savons pertinemment qu'au Canada, il est toujours plus difficile pour les immigrants qui arrivent au Canada, qui ne parlent que très peu l'une ou l'autre langue, d'arriver à apprendre le français, parce que l'apprentissage de l'anglais ailleurs qu'au Québec est courant, facile et accessible.
Lorsqu'ils veulent apprendre le français, c'est moins accessible et cela leur coûte plus cher. Dans ce cas-ci, étant donné que nous allons recevoir une masse importante de réfugiés, permettez-moi de prendre l'exemple du Nouveau- Brunswick, qui est la seule province bilingue. Si un gouvernement provincial s'est fixé une cible pour le nombre de francophones et une cible pour le nombre d'anglophones, pouvez-vous nous assurer que, lorsque ces immigrants arriveront au Canada, que ce soit au Nouveau-Brunswick ou au Manitoba, ils auront un accès équitable à l'apprentissage de l'une ou l'autre des langues officielles?
Cela n'a jamais été le cas, et j'aimerais, cette fois-ci, qu'on fasse en sorte qu'il y ait un accès équitable pour l'apprentissage des langues officielles. Je crois que le gouvernement fédéral a l'obligation de fournir cet accès équitable.
[Traduction]
M. Frank: C'est une question difficile.
M. Matson: Je vais tenter une réponse.
Nous offrons du financement aux organismes de prestation de services pour aider à la formation linguistique, entre autres choses. À mon avis, le financement sera offert aux organismes de prestation de services dans les collectivités en fonction de la composition de la communauté, et ces organismes offriront la formation requise dans cette communauté.
Quant aux autres aspects, je n'ai pas assez de données pour en déterminer le pourcentage. Je n'oserais même pas m'avancer sur un pourcentage idéal.
M. McDonald: J'ajouterais que chaque année — ou tous les trois ans —, nous lançons un important appel de propositions à l'échelle nationale pour les organismes d'établissement. Nous cherchons à déterminer si un organisme peut, dans la proposition qu'il présente, satisfaire à des exigences très élevées en matière de langue, de formation linguistique, de compétences linguistiques et d'enseignement de la langue, qui sont tous des éléments essentiels à une intégration réussie. Nous recevons des centaines de propositions. Ce sont des fonds du crédit 5. Nous avons un système très rigoureux pour la signature d'ententes avec les fournisseurs de services retenus pour la prestation de ces services.
Je peux vous assurer, sénatrice, que les aspects liés à la dualité linguistique au pays font partie des nombreux critères d'évaluation que nous examinons par rapport aux organismes communautaires ou aux autres types d'organismes qui assurent la prestation de ces services. Cela fait partie du mandat du ministère.
[Français]
La sénatrice Chaput: En toute humilité, j'aimerais vous faire une suggestion. Lorsque vous octroyez ces contrats à des organismes ou à des groupes qui s'occupent de l'apprentissage des langues officielles, vous devriez vous assurer que cet apprentissage se fait de façon très simple.
La plupart de ces personnes qui viennent d'autres pays ne parlent ni l'une ni l'autre des langues officielles. Il y a des techniques très simples dont on se sert en alphabétisation pour aider la personne à apprendre à parler la langue. Par exemple, en ce qui concerne le français, s'ils le parlent, ils peuvent se débrouiller. Je comprends qu'il faut savoir l'écrire, mais, à mon avis, lorsque des enfants arrivent dans un pays étranger et qu'ils ne comprennent rien, la première chose qu'ils doivent apprendre, c'est de parler pour pouvoir communiquer.
Il ne faudrait pas oublier ces techniques utilisées en alphabétisation. De plus, dans vos critères, lorsque vient le temps d'octroyer les fonds, vous devriez inclure ce genre de suggestion. Il vaut vraiment la peine d'y songer.
M. MacDonald: Sénatrice, je vous remercie de vos suggestions. Je les communiquerai aux gens qui s'occupent des appels d'offres dans ce domaine.
[Traduction]
Le président: Plus, tôt, nous parlions du programme de financement de contrepartie, et vous n'en connaissez pas les détails exacts. Or, nous avons reçu un document, et je vais vous donner notre définition de ce programme. Si nous n'avons pas la même définition, dites-le-nous.
Il s'agit d'une somme de 100 millions de dollars dont le gouvernement fédéral se servira pour égaler les contributions privées liées à la crise des réfugiés actuelle, jusqu'au 31 décembre de cette année. Cela pourrait changer, étant donné qu'il y a eu des changements pour d'autres aspects. La date butoir pour l'accueil des 25 000 réfugiés a été reportée à février, d'après ce que nous comprenons de la dernière déclaration du ministre à ce sujet.
M. Matson: Cela correspond à ce que je comprends. Je n'étais pas certain à ce moment-là, mais c'est ce que je crois comprendre aussi.
Le président: Si c'est autre chose, vous nous le ferez savoir, mais utilisons cette interprétation pour le moment.
Nous avons pris plus de temps que convenu, mais deux sénateurs aimeraient que nous tenions une deuxième série de questions. Nous avons des règles très strictes à cet égard: les questions et les réponses doivent être brèves et percutantes.
Le sénateur Wallace: Monsieur Matson, comme vous l'avez indiqué, le nombre total de réfugiés parrainés par le gouvernement sera de 15 000. Dans quelle mesure ces réfugiés ont-ils leur mot à dire quant à l'endroit où ils s'établiront au Canada? Il y a évidemment une grande différence entre s'établir dans un grand centre urbain et s'établir en milieu rural. Ont-ils un rôle important quant au choix de l'endroit où ils s'établiront au Canada?
M. Frank: Lors de l'entrevue avec les demandeurs, l'agent des visas à l'étranger examine leur formation, leur expérience de travail et leur expérience professionnelle et cherche à savoir s'ils ont des besoins particuliers ou si un membre de la famille a un problème de santé, et cetera, et en tient compte. L'information est envoyée à ce que nous appelons le centre de jumelage — à différents centres de jumelage — et aux responsables des fonds de contrepartie.
Les centres ont un personnel qualifié qui examine ces informations ainsi que celles fournies par les collectivités prêtes à accueillir des réfugiés et par les fournisseurs de services. On tient également compte du nombre de réfugiés qu'une province a indiqué vouloir accueillir. Les renseignements recueillis servent à choisir la destination de la famille de réfugiés.
Le sénateur Wallace: Très bien, mais ma question était la suivante: les réfugiés ont-ils leur mot à dire quant à l'endroit où s'établir? S'ils connaissent des villes au Canada, il s'agit probablement de Toronto, de Montréal ou de Vancouver. S'ils disent vouloir s'établir dans un grand centre urbain, leur opinion a-t-elle un certain poids?
M. Frank: Absolument. L'un des facteurs importants est le fait d'avoir des parents ou amis au Canada.
Le sénateur Wallace: En l'occurrence, ils seraient peut-être parrainés par des particuliers.
M. Frank: Il arrive que des réfugiés choisis par le Haut Commissariat des Nations Unies aient des liens avec le Canada. C'est d'ailleurs ce que nous cherchons d'habitude à savoir. Même en dehors du programme actuel, nous demandons au Haut Commissariat si les réfugiés ont des liens avec le Canada. Nous demandons certainement cette information.
Nous demandons aux réfugiés leurs préférences, mais je dois dire que ce ne sont pas tous les réfugiés qui peuvent aller à Toronto ou à Vancouver. Nous voulons en envoyer dans des collectivités plus petites, situées dans des provinces comme le Nouveau-Brunswick. Des collectivités et des provinces nous disent constamment que ces gens sont très importants, elles nous disent qu'elles veulent des réfugiés.
Nous tenons certainement compte de ce que les réfugiés nous disent, mais nous les envoyons dans les collectivités qui ont besoin d'eux.
M. McDonald: Je peux, sénateur, vous donner un exemple qui est arrivé la semaine dernière.
Je me trouvais dans un centre de jumelage, où nous orientons les gens vers une destination. En consultant un dossier, j'ai vu que quelqu'un avait manifesté une préférence pour une petite collectivité éloignée des grands centres, où il avait des liens familiaux.
En tenant compte de ce facteur et après avoir étudié tous les autres services et besoins dont parlait M. Frank, ainsi que la capacité des fournisseurs de services, c'est dans cette collectivité que nous avons envoyé cette personne. C'est la semaine dernière que je suis tombé sur ce dossier.
Le sénateur Wallace: Ces renseignements sont utiles, merci.
Le sénateur Mockler: Au Nouveau-Brunswick, le Canada a déterminé trois centres: Saint John, Moncton et Fredericton. Vous êtes actuellement en train de certifier d'autres régions dans la province. Je vois ici celles de Caraquet, Sussex et Edmundston. Quand ces régions, que l'on appelle urbaines et rurales, seront-elles certifiées?
M. McDonald: Excellente question, sénateur.
Le processus de certification des collectivités qui souhaitent accueillir des réfugiés en dehors des trois centres dont vous avez parlé est fait par le ministère de façon très judicieuse, en s'assurant que ces collectivités disposent de tous les services d'appui nécessaires.
Cela dit, nous menons actuellement un processus de sensibilisation. Nous avons pris contact avec les provinces, les territoires et les fournisseurs de services afin de trouver rapidement — et je veux dire beaucoup plus rapidement que d'habitude — le moyen d'intégrer au réseau les centres qui souhaitent accueillir des réfugiés.
Il y a quelques raisons à cela, sénateur. Nous avons certes besoin d'un plus grand nombre de centres, mais nous devons bien les choisir, car depuis des années, nous avons accueilli quotidiennement des réfugiés, et nous continuerons de le faire à l'avenir. Nous devons nous assurer que les collectivités puissent appuyer ces réfugiés. Nous accélérons le processus, mais nous le ferons de façon judicieuse.
Le sénateur Mockler: Combien y a-t-il de réfugiés dans le monde entier? Quel est leur nombre? Est-ce 100 000? Des milliers, des millions? Avez-vous un chiffre?
M. Frank: Excusez-moi, sénateur, voulez-vous parler des réfugiés qui sont...
Le sénateur Mockler: Les gens réputés être réfugiés.
M. Frank: ... dans notre inventaire?
Le sénateur Mockler: Non, dans le monde entier.
M. Frank: Les personnes déplacées? Elles se chiffrent par millions et je n'en ai pas le chiffre exact.
Le sénateur Mockler: Selon les Nations Unies, cela pourrait être entre 4 et 8 millions et le chiffre, qui augmente, pourrait aller jusqu'à 80 millions.
Le président: C'est énorme.
Merci beaucoup, messieurs Matson, Frank, McDonald et Mills, qui représentez le ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, d'avoir répondu à si bref préavis à notre invitation. Nous vous savons gré de l'action que vous menez pour le Canada et le monde entier.
Nous sommes ravis d'accueillir, dans ce second groupe, une professeure de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Mme Liew, qui a entendu l'exposé du ministère. Je lui ai demandé si elle avait des commentaires, positifs ou autres, à faire sur les thèmes qu'il avait abordés et qui pourraient nous être utiles.
Nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation, madame Liew.
Jamie Chai Yun Liew, professeure, faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel: Merci, monsieur le président. Bonjour, honorables sénateurs. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de m'entretenir avec vous.
Comme l'a mentionné l'honorable président, je m'appelle Jamie Liew. Je suis avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés, mais j'enseigne également le droit à l'Université d'Ottawa.
Je tiens tout d'abord à saluer le gouvernement qui s'est engagé à une réinstallation à grande échelle des réfugiés syriens. Je reconnais qu'il s'agit d'une entreprise complexe, étant donné qu'elle n'avait pas été pleinement planifiée et que le gouvernement fait face à une situation fluide et dynamique. Dans cette optique, je vous soumettrai quatre recommandations tenant compte du fait que les collectivités n'ont peut-être pas suffisamment de ressources pour la réinstallation des réfugiés.
Je ferai remarquer premièrement que les agences chargées de la réinstallation des réfugiés sont sous-financées, alors que ce sont elles qui assumeront le lourd fardeau de la mise en œuvre du plan ambitieux du gouvernement. Deuxièmement, la réinstallation de ces réfugiés suppose des services de coordination et, partant, des ressources qui n'ont pas encore été attribuées aux agences. Troisièmement, l'aide devrait être offerte à tous les réfugiés, qu'ils proviennent ou pas de Syrie. Finalement, l'aide aux réfugiés devrait prendre notamment la forme de logements à prix abordable et, comme l'a mentionné la sénatrice Ataullahjan, des soins de santé mentale.
Il est important de comprendre que le gouvernement s'occupe de la réinstallation des réfugiés et finance cette dernière par divers moyens, que l'on vous a présentés cet après-midi. Premièrement, il subventionne directement la réinstallation dans le cadre d'un programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement. Par ailleurs, et comme beaucoup d'entre vous l'ont signalé, le gouvernement offre des prêts permettant aux réfugiés de passer des examens médicaux et de venir au Canada.
Le gouvernement finance toutefois aussi, dans le cadre d'un programme d'aide aux réfugiés, des agences qui s'occupent de la réinstallation des réfugiés. Il s'agit d'organismes de première ligne qui s'occupent de la réinstallation des réfugiés à leur arrivée au Canada.
Les crédits sont offerts aux services qui aident les nouveaux arrivants à s'installer et à s'adapter à leur nouvelle vie. Il peut s'agir de formation linguistique, d'aide à l'emploi, et d'orientation visant à obtenir des informations financières, ou des services gouvernementaux ou autres concernant l'intégration culturelle et sociale. Ces organismes ont également la lourde tâche de rencontrer les réfugiés aux aéroports et aux points d'entrée, de leur trouver un logement temporaire, de les diriger vers des services juridiques ou d'autres services sociaux, de les aider à trouver des articles ménagers de base, et de les accompagner à des rendez-vous afin qu'ils obtiennent des services gouvernementaux, médicaux ou autres.
Diverses organisations sont subventionnées de cette manière. Je crois que les représentants qui ont témoigné ici aujourd'hui ont fait remarquer qu'environ 11 millions de dollars étaient prévus pour ces divers services.
Permettez-moi de vous donner des exemples d'organisations qui œuvrent dans ce domaine et qui profitent de ce programme. À Ottawa, nous avons le Centre catholique pour immigrants et l'Organisme communautaire des services aux immigrants d'Ottawa, connu également sous l'acronyme d'OCISO. Sous-financées dans les circonstances les plus favorables, ces organisations auront encore plus de mal à répondre à la demande découlant de la réinstallation des réfugiés syriens par le gouvernement.
Les recommandations que je fais aujourd'hui découlent de la compréhension que j'ai des deux façons dont le gouvernement procède à la réinstallation des réfugiés. Comme je l'ai dit, j'ai quatre recommandations à faire.
Pour ce qui est de ma première recommandation, les agences de réinstallation seront essentiellement responsables d'appuyer les réfugiés nouvellement arrivés. Le gouvernement a certes annoncé hier une augmentation de 25 p. 100 du financement de ces agences, mais on ne sait pas si elle correspondra aux efforts que les agences déploient en prévision de l'afflux prévu de réfugiés et on pense qu'elle ne suffira probablement pas.
Par ailleurs, la décision qu'a prise le gouvernement de ne pas renouveler, mais plutôt de prolonger, les ententes actuelles avec les agences de réinstallation, amènera ces dernières à absorber les coûts de cette initiative. Ainsi, les mêmes personnes auxquelles on demande de déployer des efforts héroïques pour réinstaller un très grand nombre de réfugiés auront peut-être à renoncer à des augmentations de salaire correspondantes à l'inflation. En conséquence, je recommande que ces ententes soient renouvelées ou qu'un arrangement complémentaire spécial soit envisagé pour couvrir la période précédant le renouvellement des ententes.
Ma deuxième recommandation porte sur les efforts de coordination entourant la réinstallation des réfugiés. La réinstallation concerne en effet des personnes et des organisations qui pourraient ne pas avoir accès au financement de 11 millions de dollars réservés à cette fin.
À Ottawa, par exemple, se trouve une organisation appelée Réfugié 613 qui, à l'échelle de la ville, coordonne la réinstallation des réfugiés, mais ne s'en charge pas elle-même. Elle n'est donc pas admissible au financement offert aux agences de réinstallation. Pourtant, elle mène un travail important. Par exemple, elle met sur pied des groupes de travail, forme des parrains et communique de l'information. Il s'agit d'une coalition de la base qui ne dispose pas de financement durable. Son modèle peut être repris dans d'autres centres du pays pour coordonner les efforts déployés par les diverses agences de réinstallation. Ces efforts de coordination menés à l'échelle locale sont tout aussi importants que le financement à la réinstallation proprement dit.
Troisièmement, tous ceux qui comme nous travaillent dans le domaine des réfugiés trouvent encourageante la formidable réaction du gouvernement. Toutefois, le financement ne devrait pas être exclusivement réservé à la réinstallation des réfugiés syriens. Comme l'honorable sénateur Mockler l'a mentionné, il y a des millions de réfugiés dans le monde entier, et un réfugié vaut un autre réfugié. Bien d'autres groupes ont besoin de protection ainsi que de services de réinstallation et autres. Un traitement et un accès égal aux ressources doivent être offerts à tous les réfugiés.
Par exemple, le gouvernement a dispensé les réfugiés syriens du fardeau que représentent les emprunts à rembourser pour le transport, fardeau qui a des conséquences désastreuses pour les réfugiés eux-mêmes et le processus de réinstallation. On s'en réjouit, mais ce devrait être un premier pas pour l'élimination des emprunts que doivent prendre tous les réfugiés.
Enfin, il faudrait se pencher tout d'abord sur la question du logement à prix abordable et ensuite, sur l'accès aux soins de santé mentale. Un logement sécuritaire et à prix abordable est un facteur déterminant de la santé et du bien- être, et sert de base aux réfugiés et aux immigrants pour trouver de l'emploi, rétablir des liens familiaux et prendre contact avec l'ensemble de la collectivité.
Les immigrants et les réfugiés font face à un problème d'itinérance qui est mal connu. Il faudrait revoir l'offre d'un revenu adéquat. Comme on en a parlé au sein du groupe précédent, le revenu offert est uniquement au niveau de l'aide sociale. Il faudrait réexaminer la situation et faciliter l'accès à des logements sécuritaires et à prix abordable susceptibles de loger des familles avec enfants en nombre divers et des personnes souffrant de handicap.
Deuxièmement, il est facile de comprendre que les réfugiés, qui ont vécu dans des zones de guerre ou dans des camps de réfugiés, sont à haut risque de souffrir de problèmes mentaux allant bien au-delà des troubles de stress post- traumatique. Je crois savoir que le gouvernement a tenu compte des problèmes de santé mentale dans ses plans de réinstallation des réfugiés et, dans son dernier exposé, a déclaré que des crédits avaient été réservés à cette fin. Je pense qu'on peut faire davantage dans ce domaine.
Bien que le Canada dispose de professionnels compétents et expérimentés pour traiter les traumatismes, davantage de financement et de ressources s'imposent, non seulement pour faire face au pic de la demande, mais aussi pour offrir les premiers points d'accès à ces ressources. Les interventions précoces sont peu dispendieuses et permettent de prévenir la détérioration des problèmes de santé mentale. Les coûts peuvent en être multipliés si la réponse est retardée.
La réponse du gouvernement à la crise est merveilleuse et je comprends que les détails ne soient pas encore précisés. J'espère que mes recommandations d'aujourd'hui et mes réponses à vos questions aideront le gouvernement à planifier les étapes suivantes.
Je tiens par ailleurs à vous faire remarquer que je connais bien le processus de parrainage et de réinstallation des réfugiés, au cas où vous auriez des questions à poser à ce sujet. Je m'apprête à parrainer une famille de concert avec un groupe de particuliers et je puis vous renseigner à ce sujet.
Merci, honorables sénateurs, de l'occasion que vous me donnez de m'entretenir avec vous. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président: Merci beaucoup d'avoir répondu à notre invitation à si bref préavis. Votre perspective est fort intéressante et différente de celle des responsables gouvernementaux. Nous souhaitions d'ailleurs, pour bien comprendre ce qui arrive, avoir le point de vue de quelqu'un qui est en dehors du gouvernement mais qui connaît très bien les questions de réinstallation.
Vous avez mentionné les 11 millions de dollars prévus dans le Budget supplémentaire des dépenses pour les programmes de réinstallation, mais le gouvernement avait précédemment demandé plus d'un demi-milliard pour ce programme. Il demande donc tout simplement une rallonge de 11 millions de dollars.
Mme Liew: C'est exact.
Le président: On a donc déjà demandé 588 millions de dollars pour la réinstallation. C'est une grande dépense et beaucoup d'argent.
Mme Liew: Je vous remercie de ce commentaire, monsieur le président.
Le président: Il y a une autre catégorie intitulée « Aide à la réinstallation ». Je ne suis pas certain de la façon dont elle est répartie et dans le Budget supplémentaire des dépenses, le gouvernement demande 89 millions de dollars de plus dans cette catégorie.
La sénatrice Ataullahjan: Je vous remercie d'être venue témoigner.
J'aimerais revenir aux recommandations qui figurent au troisième paragraphe de votre exposé où vous dites que nous devrions étudier la situation des réfugiés dans le monde entier. À quelle région pensez-vous exactement? De mon côté, je pense aux Rohingyas de Birmanie, que le monde a oubliés.
Mme Liew: Si le monde a, à juste titre, apporté une grande attention à la crise des réfugiés, qui est phénoménale, certains groupes, qui ont eux aussi besoin d'aide, ont été laissés de côté par inadvertance.
On pense aux réfugiés déjà recensés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Chaque semaine, le gouvernement publie à l'intention d'éventuels parrains et titulaires d'ententes de parrainage une liste de personnes provenant de toutes les régions du monde, de l'Afrique du Nord à l'Asie. Il est important de comprendre que la crise ne concerne pas simplement les réfugiés syriens, mais que beaucoup d'autres grandes régions du monde sont touchées par le déplacement de populations, situations dans lesquelles le Canada peut intervenir pour offrir aide et asile.
La sénatrice Ataullahjan: L'autre sujet que j'ai abordé est la santé mentale, car nous avons vu des enfants, qui n'ont connu que la guerre civile ou la guerre, devenir très blasés. Ayant moi-même émigré du Pakistan et constaté l'émergence de la crise en Afghanistan, j'ai vu des enfants qui ont grandi en temps de guerre, pour lesquels la guerre semble normale. C'est la seule chose qu'ils ont vue. Il faut donc les aider à s'ajuster et à pouvoir envisager une autre vie que celle qu'ils ont connue dans une région en guerre. Tout particulièrement pour les enfants, je pense que les questions de santé mentale et d'éducation vont de pair.
L'éducation relève des provinces. Nous devons nous rappeler que les personnes qui viennent de Syrie... Là-bas, il n'y avait pas vraiment de gens très pauvres. Ces personnes appartiennent à la strate inférieure de la classe moyenne. Ils menaient donc une belle vie, et c'est maintenant chose du passé. C'est des enfants que je m'inquiète, parce que nous voulons qu'ils s'intègrent dans la société canadienne.
Mme Liew: Très juste. Visiblement, le gouvernement a pris d'importantes mesures pour assurer l'hygiène de base aux réfugiés réinstallés, et je pense que des efforts supplémentaires peuvent se faire pour fournir aussi des ressources en santé mentale. Les professionnels du milieu nous font souvent remarquer, à juste titre, que les services et les personnes compétentes sont disponibles, mais qu'ils seront l'objet d'une demande accrue. Il faudra fournir ces services en les maintenant accessibles, c'est-à-dire gratuits ou subventionnés. Il ne faut pas s'attendre à ce que les professionnels du domaine fournissent gratuitement un service très important. Il faut aussi saisir l'importance de ce service pour une intégration et un établissement réussis de ces réfugiés dans nos collectivités.
Le président: Madame Liew, vous avez dit que vous vous occupiez de parrainer des réfugiés et de les aider à se réinstaller. Pouvez-vous nous expliquer les modalités du processus de parrainage pour une organisation? Ce programme comprend-il des initiatives utiles et devrait-il y en avoir plus? Je pense au volet de l'exonération du remboursement des prêts qu'on maintiendra au moins jusqu'à la fin de l'année et la contribution de contrepartie de 100 millions de dollars. Pouvez-vous nous formuler des observations sur ces mesures?
Mme Liew: On peut parrainer un réfugié au Canada de deux façons: la première est en étant signataire d'une entente de parrainage, une organisation qui a déjà conclu une entente avec le gouvernement pour parrainer des réfugiés. Comme l'a dit le groupe de témoins, cela comprend les églises et d'autres organisations.
Dans ce processus, le financement se fait soit à l'interne, soit avec le concours d'un groupe constitutif, composé de particuliers chargés du financement, de l'élaboration d'un plan et d'une stratégie d'aide à la réinstallation d'une famille de réfugiés au Canada; ils remplissent les formulaires, puis ils trouvent quelqu'un dans les listes de réfugiés identifiés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, que le gouvernement publie.
L'autre méthode est celle par laquelle les signataires d'une entente de parrainage ou des particuliers peuvent trouver eux-mêmes une famille de réfugiés à parrainer. Cela peut se faire par l'entremise de Canadiens au pays qui ont des relations avec des familles ou qui connaissent certains réfugiés ayant besoin de protection. C'est ainsi qu'ils noueront des relations avec ces personnes et qu'ils rassembleront sur leur situation des renseignements importants qu'ils transmettront au gouvernement canadien.
Il y a deux méthodes: le UNHCR trouve les personnes, et met leur nom sur une liste de personnes à parrainer; des particuliers ou des signataires d'une entente de parrainage trouvent ces réfugiés et font faire les vérifications voulues par le gouvernement canadien à la faveur du processus de demande.
Le président: Au début, vous avez fait une observation sur l'annulation de ces ententes avec certaines organisations. Que se passe-t-il dans ces cas-là?
Mme Liew: Ce sont les ententes prévues par le gouvernement pour financer les organismes d'aide à la réinstallation. Certains de ces organismes craignent que, dans la précipitation pour aider ces réfugiés, ces ententes ne soient pas révisées, empêchant ainsi l'augmentation du financement à laquelle ils auraient droit, du fait de l'inflation ou de l'obtention de nouveaux renseignements. Ils redoutent de devoir combler la différence, d'enregistrer un déficit, avec les inconvénients que cela comporte, ou de devoir fournir des services insuffisamment financés.
Le président: Ils ne perdent donc pas le droit ni le pouvoir d'aider, mais la fébrilité actuelle pourrait faire négliger l'examen normal de leurs activités et l'éventuelle majoration qui leur permettrait d'éponger l'accroissement des coûts.
Mme Liew: Exactement.
Le président: Je vois.
Le sénateur Wallace: Madame Liew, vous possédez visiblement beaucoup d'expérience relativement aux réfugiés parrainés par des organismes privés et par ceux que l'État prend en charge. Je suppose que l'intégration des premiers aurait probablement un taux supérieur de réussite. Intégration n'est probablement pas le mot juste, ce serait plutôt le fait de trouver un moyen de réussir sa vie au Canada, grâce à ces relations.
Deux questions: Les 15 000 réfugiés qui arrivent au Canada et que l'État prend en charge — et, d'après ce que nous avons entendu, le financement pourrait être prolongé de six ans — peuvent-ils, ces réfugiés, après leur arrivée, bénéficier d'un parrainage privé, par exemple par des familles canadiennes?
Mme Liew: En un mot, non. La raison en est que, quand un groupe de citoyens est disposé à parrainer un groupe de réfugiés, il s'engage à lui accorder le même montant d'aide financière que celui que le gouvernement accorderait, le cas échéant. Il devient donc responsable de la prestation d'une aide sociale pendant un an ou deux — c'est-à-dire lui verser un revenu mensuel équivalent à l'aide sociale. Ces ressources, au lieu de provenir de l'État, proviennent de ces particuliers. Voilà pourquoi le parrainage privé est efficace et coûte moins à l'État, pour la réinstallation de réfugiés, parce que l'État fait l'économie du coût de la prestation de ce revenu.
Si un groupe de citoyens s'engage à fournir cette aide, il doit remplir des formulaires de demande, trouver une famille de réfugiés, la faire venir ici, puis mettre son plan en œuvre, c'est-à-dire lui trouver un logement, inscrire les enfants à l'école, aider les réfugiés à trouver un emploi convenable, et ainsi de suite.
Une fois les réfugiés pris en charge par le gouvernement, trouvés et amenés au pays, l'élan pour conclure des ententes de parrainage privé n'y est plus pour les citoyens, parce que l'État finance ces réfugiés et désigne aux organismes d'aide à la réinstallation les services dont les réfugiés ont besoin.
Il y a donc les deux modèles d'aide à la réinstallation: les organismes d'aide financés par l'État, les fonds privés et les particuliers.
Le sénateur Wallace: Ce qui me frappe dans tout cela, à part l'argent — il faut toujours en tenir compte, mais, à part l'argent —, c'est la vie réussie des réfugiés au Canada. J'ai horreur du mot « intégration ». Celui qui conviendrait mieux m'échappe encore. L'intégration est déterminée par les services et les ressources qu'on offre aux réfugiés. Pour ceux que l'État prend en charge, il existe divers programmes que vous avez mis en relief. Nous avons notamment entendu parler de l'assistance sanitaire, du logement, de tout cela.
Chez les réfugiés parrainés par le secteur privé, à part l'argent, est-ce qu'on reconnaît que les réfugiés ont besoin du même genre de ressources pour une transition réussie? Pour les deux catégories de réfugiés, sont-elles équivalentes?
Mme Liew: Je pense que vous avez raison de supposer que, au début, l'aide qui découle du parrainage privé est plus généreuse. Chaque famille de réfugiés a un groupe de particuliers qui ne s'occupe que d'elle. Cela ne veut pas dire que les réfugiés pris en charge par l'État ne recevraient pas le même soutien, parce qu'il existe un bon nombre d'organismes d'aide à la réinstallation, et j'ai constaté moi-même directement que des réfugiés nouent souvent des relations très étroites avec les employés de ces organismes, qui jouent souvent le même rôle que les particuliers. Dans certaines circonstances, donc, cela pourrait être vrai. Dans d'autres, des familles de réfugiés viennent nous annoncer qu'elles ont reçu toute l'aide nécessaire pendant quelques mois et qu'elles sont prêtes à voler de leurs propres ailes.
Je pense que cela dépend vraiment de la famille, du groupe de particuliers et des organismes d'aide à la réinstallation, ainsi que de leur personnel et de leur zèle.
La sénatrice Hervieux-Payette: Par simple curiosité, vu que vous exercez le droit dans ce secteur, travaillez-vous avec ces réfugiés ou leurs familles? Font-ils partie de votre clientèle?
Mme Liew: Oui. Mon travail m'amène effectivement au contact de réfugiés. J'ai des relations avec les organismes d'aide à la réinstallation dont j'ai parlé et je représente les réfugiés dans les poursuites qu'ils engagent et je les aide souvent en les dirigeant vers différents services sociaux et services d'aide à la réinstallation.
La sénatrice Hervieux-Payette: Qui éponge les coûts?
Mme Liew: Souvent, si je les dirige vers un organisme d'aide à la réinstallation, c'est l'État fédéral. Pour les services sociaux relevant de la province, c'est la province. Comme l'a dit le groupe précédent de témoins, les réfugiés sont en contact avec de nombreux services de l'État. Pendant leur réinstallation au Canada, ils ont affaire à beaucoup de ministères et d'organisations.
Le président: Madame Liew, je vous remercie de votre témoignage. Nous vous en sommes très reconnaissants. Nous savons maintenant qui travaille dans ce domaine particulier. Je suppose que la question ressurgira à la faveur du prochain Budget supplémentaire des dépenses ou du Budget principal des dépenses de l'année prochaine et que nous risquons de nous revoir.
Mme Liew: J'en serai très heureuse. Merci du temps que vous m'avez accordé.
Le président: Chers collègues, j'ai une motion visant la poursuite des délibérations à huis clos. J'en remercie le sénateur Smith. Êtes-vous tous d'accord? Y en a-t-il qui ne le sont pas?
Nous poursuivons la séance à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)