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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 12 - Témoignages du 8 mai 2017


OTTAWA, le lundi 8 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, afin de poursuivre son examen de la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonsoir. Je m'appelle Claudette Tardif, et je suis sénatrice de l'Alberta. J'ai le plaisir de présider la réunion de ce soir. Avant de donner la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter, en commençant à ma droite.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, de Montréal, au Québec.

Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec. Félicitations, madame la présidente; il y a une école à votre nom et je crois que c'est une école d'expression française!

Le sénateur Cormier : René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

La présidente : Nous avons le plaisir de poursuivre notre étude sur la perspective des Canadiens au sujet de la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le premier volet de notre étude traite de la perspective des jeunes, et la réunion d'aujourd'hui porte sur les jeunes anglophones du Québec.

[Traduction]

Ce soir, nous sommes ravis d'accueillir Mme Rachel Hunting et M. Alexander Gordon, tous deux membres du Quebec Community Groups Network. Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence.

Je vois que vous avez un exposé. Je demanderais aux sénateurs de poser des questions concises et je demanderais aux témoins de respecter le temps de parole alloué pour les exposés. Le Sénat siège ce soir, et nous voulons respecter le temps accordé au comité, tout en veillant à ce que les sénateurs puissent être présents au Sénat.

Nous vous demandons d'être le plus concis possible, mais nous tenons à entendre toutes les informations importantes que vous avez à nous fournir.

Alexander Gordon, membre, Quebec Community Groups Network : Bonsoir, et merci de nous recevoir.

Je viens de Montréal, au Québec. Je suis né et j'ai grandi à Pointe-Claire, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. C'est là que j'ai fait presque toute ma scolarité. Après le primaire et le secondaire, j'ai fréquenté le cégep, puis je suis allé à l'Université Concordia, où j'ai obtenu un baccalauréat en sociologie.

Durant mes études à l'Université Concordia, j'ai été un membre actif de nombreux groupes d'étudiants, notamment l'Arts and Science Federation of Associations, dont j'ai été le président pendant un an. J'ai siégé au conseil d'administration de diverses organisations étudiantes, ce qui m'a permis de participer à des activités d'entraide et de servir la collectivité.

Une fois mon diplôme obtenu, je me suis rendu à Iqaluit, au Nunavut, où j'ai été enseignant suppléant à l'École secondaire Inukshuk, ce qui m'a permis d'élargir mes horizons. Je suis ensuite rentré à Montréal pour des raisons familiales et j'ai décroché un emploi au sein de l'organisme Youth Employment Services Montreal.

Youth Employment Services est un organisme axé sur l'emploi. Je m'occupais des activités spéciales et des collectes de fonds, mais pendant que je travaillais là, j'ai amélioré ma compréhension des difficultés et des défis que les jeunes Québécois affrontent sur le plan de l'employabilité. J'ai aidé les jeunes à poursuivre leur carrière et je leur ai fourni des services de soutien.

Je crois fermement à l'entraide communautaire. Il y a maintenant trois ans que je siège au comité de bénévoles de la Fondation du cancer du sein du Québec. Aussi, je suis actuellement directeur de la logistique pour la Course à la vie CIBC à Montréal. En 2015, le QCGN m'a décerné le tout premier prix Jeunes Québécois aux commandes. Ce fut un grand honneur.

Aujourd'hui, je travaille à des projets de développement chez Queues de Castor Canada. C'est un endroit amusant; je mange trop de queues de castor. On en vend sur le canal; je suis certain que vous y avez déjà goûté. Je suis aussi sous- lieutenant dans les Canadian Grenadier Guards, un régiment de la Réserve, à Montréal.

En vue de ma comparution ici aujourd'hui, j'ai lu les questions, j'y ai réfléchi et j'ai examiné les questions déjà posées. Certaines me parlent plus que d'autres. Vous avez une copie de mes notes, dont je vais parler brièvement.

Comme je l'ai déjà dit, ayant fait toutes mes études dans des établissements principalement anglophones, je comprends les difficultés que connaissent les gens vivant et étudiant dans les deux langues officielles. J'ai aussi travaillé dans l'industrie du tourisme d'accueil pendant de nombreuses années, secteur dans lequel il faut absolument pouvoir communiquer dans les deux langues officielles. Je comprends les difficultés qu'un Montréalais anglophone qui grandit dans l'Ouest-de-l'Île affronte par rapport au multiculturalisme et à l'identité multiculturelle du Canada.

Ayant travaillé dans la Réserve, je peux vous dire que nous sommes un groupe très diversifié. En tant que sous- lieutenant, je suis chargé d'un peloton. La moitié des membres sont des Canadiens de première et de deuxième génération, mais ils se considèrent véritablement comme Canadiens. J'ai un point de vue sur la notion que le bilinguisme et le trilinguisme y sont pour quelque chose. Je sens que je peux établir un contact avec la nouvelle cohorte de jeunes.

La raison pour laquelle je souhaitais devenir bilingue était liée surtout à l'aspect culturel. Au fil des années, j'ai travaillé principalement en anglais pour des organismes sans but lucratif, mais dans l'industrie du tourisme d'accueil et dans les organismes bénévoles comme la Fondation du cancer du sein, ma langue de travail principale est le français. J'ai acquis une meilleure compréhension et un plus grand respect de nos différences culturelles et de la façon dont nous formons l'identité canadienne ensemble. Nous y reviendrons, mais ce sont des points de discussion qui me parlent.

La présidente : Merci beaucoup pour votre exposé.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose, madame Hunting?

Rachel Hunting, membre, Quebec Community Groups Network : Je peux faire une brève introduction. Je viens des Cantons-de-l'Est, un peu plus loin que Montréal. Je suis née et j'ai grandi dans une toute petite ville qui porte le nom de ma famille, Huntingville, dans les environs de Sherbrooke, pour ceux qui connaissent la région. J'ai obtenu un diplôme de l'Université Bishop's, aussi en sociologie, comme mon collègue ici présent.

Je serai ravie de vous parler de mon expérience en tant que Québécoise anglophone ayant grandi dans la région, de la vie et du travail dans des milieux bilingues, ainsi que de la façon dont j'ai appris et cultivé le français langue seconde. J'ai occupé le poste de coordonnatrice dans un centre pour les jeunes de Lennoxville qui offre des services aux jeunes de 12 à 17 ans de la région et des collectivités rurales périphériques. Depuis cinq ans, je suis la directrice générale de l'Association des Townshippers, une grande organisation régionale qui défend les intérêts des anglophones des Cantons-de-l'Est et qui protège leur accès à une multitude de services. Je serai ravie de vous parler de ces expériences.

Ce soir, j'aimerais vous parler un peu d'un document créé en 2009, à la suite d'un effort collectif visant à recueillir les avis d'un grand nombre de jeunes Québécois d'expression anglaise âgés de 16 à 29 ans, sur des questions portant sur l'emploi, sur leur place dans la société québécoise, sur la façon dont ils construisent leur identité et sur la manière dont ils naviguent les eaux du Québec.

Depuis l'automne de 2016, près de 10 ans plus tard, notre table intersectorielle, composée de cinq groupes membres du QCGN, se réunit pour se pencher sur les mêmes questions, pour remédier à certaines lacunes dans la structure et les services, pour trouver des façons d'appliquer les solutions, ainsi que pour songer à de nouveaux moyens novateurs d'aider les jeunes anglophones à construire leur identité et à cultiver leur patrimoine et leurs première et seconde langues officielles.

Je pense que nous pouvons passer aux questions. Vous avez mes notes.

[Français]

Je serai heureuse de répondre à vos questions en français.

[Traduction]

Cela me fera plaisir.

La présidente : Merci beaucoup pour votre exposé. Il était bref, mais vous avez manifestement une feuille de route très impressionnante. Félicitations pour vos réalisations. Nous serons ravis d'en apprendre plus.

La sénatrice Fraser : Bienvenue au Sénat. C'était plus difficile de venir jusqu'ici aujourd'hui qu'en temps normal, à cause des inondations; nous sommes donc ravis que vous soyez des nôtres.

Notre comité a mené une étude sur le Québec anglophone il y a quelques années. Nous nous sommes penchés sur les difficultés qui touchent les jeunes en particulier. En lisant vos notes, madame Hunting, j'ai constaté que la situation semble avoir très peu changé.

Vous dites que les jeunes Québécois d'expression anglaise des régions grandissent et existent dans un milieu qui ne leur permet pas de célébrer leur identité, leur culture et leur patrimoine dans l'espace public. S'ils ne parlent pas français avec toute l'aisance d'un locuteur natif, ils ont de la difficulté à percer sur le marché du travail.

J'ai deux questions. La première est d'ordre factuel et la seconde porte sur les mesures à prendre aujourd'hui. Depuis des années, on critique la qualité des cours de français offerts dans le réseau scolaire anglophone au Québec. Y a-t-il eu des améliorations sur ce plan au fil des ans, disons au cours des cinq dernières années?

Mme Hunting : Je ne peux pas parler de l'expérience en salle de classe depuis les cinq dernières années. Pour ma part, j'ai fait tous les paliers d'éducation en langue anglaise qui étaient offerts dans ma région des Cantons-de-l'Est, c'est-à- dire le primaire et le secondaire. Il y avait trois niveaux de cours de français : un cours normal, un cours enrichi et un cours de français, langue maternelle, qui suivait le même programme que les écoles francophones de la région.

Pour une raison quelconque, après le primaire, j'ai été placée dans le programme de français, langue maternelle. C'est à l'école que j'ai appris la grammaire et l'écriture. J'ai eu la chance d'avoir des professeurs de français dévoués et passionnés.

À l'heure actuelle, il y a probablement plus de cours en français dans les écoles que lorsque j'étais au secondaire. Les jeunes peuvent choisir différentes options et ils sont placés dans des groupes divers. Par exemple, ils peuvent choisir de suivre certains cours en français, cours qui n'étaient pas offerts quand j'étais à l'école. Je ne sais pas quelle est la qualité de l'enseignement. Je sais que certaines régions manquent d'enseignants francophones. Il pourrait être problématique que des anglophones enseignent le français. C'est peut-être là une occasion ratée, mais personnellement, l'enseignement que j'ai reçu était excellent.

La sénatrice Fraser : Les données montrent qu'encore aujourd'hui, de nombreux parents anglophones inscrivent leurs enfants à des écoles de langue française parce qu'ils croient que c'est le seul endroit où la qualité de l'enseignement en français qu'ils recevront sera adéquate.

Mme Hunting : Oui. J'ai vu les deux cas. C'est une question qu'on me pose souvent en raison de mon métier. Des amis à moi ont des enfants qui commenceront bientôt l'école, et c'est une préoccupation.

Je réponds habituellement que d'après mon expérience, si vous instruisez vos enfants dans la langue de la minorité, ils recevront un enseignement plus approfondi de la langue de la majorité dans le réseau scolaire anglophone. La population d'expression anglaise, surtout dans ma région, a tout intérêt à maîtriser le français. Le français ouvre des portes; c'est la clé du succès. J'ai peut-être tendance à envisager la question sous un autre angle que la majorité des gens en raison de mes antécédents dans le secteur communautaire.

La sénatrice Fraser : Depuis toujours, les Cantons-de-l'Est sont un modèle d'intégration communautaire réussie.

Maintenant, la question d'ordre factuel : nous représentons le Parlement du Canada, le gouvernement fédéral. Ce que nous devons vraiment savoir, selon moi, c'est comment le gouvernement fédéral peut aider.

Ma question supplémentaire, pour vous deux, est la suivante : d'après vous, le gouvernement fédéral offre-t-il suffisamment de possibilités d'emploi au Québec aux membres de la minorité?

Mme Hunting : Je ne saurais pas répondre précisément à la question concernant les possibilités d'emploi au gouvernement fédéral. Dans ma région natale, il n'y a pas beaucoup de possibilités d'emploi au fédéral. Plus il y a d'emplois qui permettent aux gens d'utiliser les deux langues officielles, plus la situation est positive.

D'après moi, pour bien appuyer la minorité d'expression anglaise et les jeunes qui grandissent dans des collectivités de langue officielle en situation minoritaire, le gouvernement fédéral doit créer des espaces qui permettent de célébrer le patrimoine et l'histoire de la langue anglaise, ainsi que de reconnaître les contributions des collectivités anglophones et leurs rôles dans la création de la mosaïque riche et dynamique du Québec. Il faut tendre la main et promouvoir la langue seconde.

Nous ratons peut-être des occasions liées à la traduction. Nous vivons actuellement dans une société dynamique et technologique, à l'ère des médias sociaux. Nous pouvons employer la télévision, les médias sociaux et différentes applications pour présenter notre culture à l'autre. Je ne parle pas des applications qui se trouvent dans nos téléphones, mais plutôt de façons d'employer la technologie pour faire de la traduction simultanée, du sous-titrage ou quoi que ce soit qui nous pousse à découvrir l'autre à notre aise, d'une manière qui encourage et célèbre les différences, tout en attirant l'attention sur les ressemblances. Voilà des façons dont le gouvernement fédéral peut appuyer les collectivités de langue officielle en situation minoritaire.

M. Gordon : Je crois, moi aussi, que le gouvernement fédéral peut appuyer ces initiatives en favorisant l'accès. On m'a donné la possibilité, à moi qui étais un jeune anglophone, d'accéder à la grande culture francophone et à tous ses produits. Qu'il s'agisse de médias, d'actualités, d'émissions de télévision, de films ou de littérature, les deux cultures produisent tant de belles choses qui ne sont pas nécessairement aussi accessibles aux gens de l'autre langue maternelle.

Comme Rachel l'a mentionné, que ce soit au moyen de la technologie actuelle et du sous-titrage ou encore de la traduction d'œuvres importantes d'une langue à l'autre, la possibilité pour les jeunes d'accéder aux produits et d'approfondir leurs connaissances serait un moyen de fournir un appui.

[Français]

Le sénateur Cormier : Soyez les bienvenus. Je vous remercie d'être ici ce soir. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre documentation ainsi qu'une partie de votre rapport intitulé Créer des espaces pour les jeunes Québécois et Québécoises. J'ai noté les enjeux qui sont les vôtres, notamment en matière d'accès à l'emploi, d'exode et de reconnaissance de la contribution des communautés anglophones du Québec à l'épanouissement du Québec et du Canada.

Ma question pourrait vous paraître un peu primaire. Je vais être honnête avec vous, je connais très peu les communautés anglophones du Québec. Comme personne issue d'une communauté minoritaire de langue française au Nouveau- Brunswick, j'ai de grandes questions à vous poser qui touchent à l'identité. Vous êtes présents au sein d'une majorité francophone, le Québec, et, en même temps, vous êtes présents au Canada, où la majorité est anglophone. Je voudrais mieux comprendre la relation que vous entretenez, sur le plan de votre identité, et si vous pouvez généraliser, avec le Québec, et celle que vous entretenez avec le Canada. En d'autres mots, vous sentez-vous plutôt appartenir au Canada anglais qu'au Québec, et si oui, pourquoi? Et qu'est-ce qui vous manque pour que vous puissiez être pleinement intégrés à cette société qui est la vôtre, la société québécoise?

[Traduction]

M. Gordon : Est-ce que je me considère davantage comme un Canadien anglophone, un Canadien ou un Québécois? Je suis un Québécois anglophone. C'est comme cela que je me vois. Pour ce qui touche la sensibilité aux différences culturelles de l'autre groupe linguistique, à un jeune âge, je n'ai rien appris à l'école à ce sujet, moi qui ai grandi dans une collectivité très anglophone de Pointe-Claire. Mes deux parents sont très anglophones. Je n'ai pas été exposé à cette diversité culturelle.

En grandissant, j'ai commencé à interagir avec plus de gens, surtout dans l'industrie du tourisme d'accueil. J'ai rencontré beaucoup de francophones, j'ai découvert la culture, je suis allé à des événements familiaux et j'ai constaté la profonde richesse. Si on m'en avait montré l'importance dès un jeune âge, cela aurait certainement accru les possibilités pour moi d'avoir une identité commune avec les francophones. Malheureusement, personnellement, je n'ai pas grandi avec cette diversité; ma relation avec l'autre n'est donc pas aussi forte qu'elle pourrait l'être.

[Français]

Mme Hunting : Pour ce qui est de mon expérience, j'ai grandi dans une région où, à part l'école anglaise, il n'y avait pas beaucoup d'espaces pour être anglophone ou pour exercer son statut d'anglophone. J'ai toujours vécu un peu entre les deux identités. Cependant, ma famille m'a toujours encouragée à aller vers la communauté majoritaire et à m'immerger dans des situations peut-être moins confortables, dans lesquelles je me retrouvais souvent à être la seule anglophone. J'ai appris le français écrit, la grammaire et l'orthographe, à l'école, mais quant au français parlé, mon joual, mes expressions, je les ai appris au fur et à mesure, avec la communauté francophone, avec des collègues de travail ou lors d'un camp d'équitation à Compton. J'y suis allée pendant deux semaines et, si je voulais parler avec quelqu'un, il me fallait apprendre le français.

Le fait de connaître les deux langues a toujours été présenté comme un atout. Pour moi, ça a toujours été un atout. Ça m'a permis de voyager entre les deux identités, les deux communautés, mais en grandissant, j'ai compris qu'être anglophone pouvait poser problème dans certains contextes, et que j'avais intérêt à travailler mon accent pour que les gens ne sachent pas instantanément que j'étais anglophone.

Quand on parle d'identité, je suis Québécoise. Mon héritage est très important pour moi et ma famille. Nous sommes ici depuis les années 1800. Ça a toujours été quelque chose à transmettre, la fierté, l'héritage et la contribution à la communauté en général. Je n'ai jamais aimé qu'on me demande de choisir entre être Canadienne ou Québécoise.

[Traduction]

Suis-je anglophone? Suis-je francophone? Je ne devrais pas avoir à choisir. Si j'avais le couteau sous la gorge, je dirais que je suis Québécoise d'expression anglaise, mais pour moi, ce ne sont pas deux réalités distinctes. Mon passeport canadien ne diffère pas de mon permis de conduire québécois. Chacun appartient au gouvernement qui l'a délivré. C'est ainsi que je vois mon identité.

[Français]

Le sénateur Cormier : J'ai une question complémentaire, pour essayer de mieux comprendre encore. Je suis un Acadien du Nouveau-Brunswick, francophone dans une majorité anglophone. Alors, forcément, le rapport que j'entretiens avec la majorité au Nouveau-Brunswick est un rapport de minoritaire à majoritaire. La majorité francophone se trouve au Québec, dans notre cas. En principe, on pourrait croire que, comme francophone, je m'identifie à la majorité francophone du Québec. Or, ce n'est pas le cas pour moi ni pour les gens de chez nous — évidemment, les Québécois sont nos amis, mais nous ne nous identifions pas complètement à cette majorité. Je vous pose la même question, car je veux bien saisir. Est-ce que vous vous identifiez davantage au Canada anglais ou pas?

Je pense à la Loi sur les langues officielles, et selon les données, 14 p. 100 de la population du Québec est anglophone. Il semblerait que 1 p. 100 de cette population anglophone accède à la fonction publique, et que 50 p. 100 des gens qui quittent le Québec aujourd'hui sont des anglophones. Qu'est-ce qui empêche les anglophones du Québec, dont vous faites partie, de rester au Québec? Est-ce strictement une question d'emploi? Est-ce une question d'identification plus forte au Canada anglais? Est-ce une question de malaise avec la majorité au Québec? C'est ce que j'essaie de comprendre.

Mme Hunting : C'est probablement un mélange de tout cela. Dans certaines régions, il n'est pas facile de travailler et de vivre dans la langue anglaise.

[Traduction]

Dans ma région, qui compte environ 47 000 personnes qui disent avoir l'anglais comme première langue officielle, il serait difficile de vivre et de travailler en anglais au quotidien. Une très bonne connaissance du français est nécessaire pour trouver un emploi et saisir les occasions.

Pour certains, la décision est liée à l'emploi; pour d'autres, elle est liée aux possibilités de poursuivre des études. Les gens vont poursuivre leurs études ailleurs et décident ensuite, pour diverses raisons, de demeurer dans la région où ils ont étudié ou encore de poursuivre des études supérieures dans un autre établissement d'enseignement.

Personnellement, je ne m'identifie pas aux anglophones du reste du Canada. J'ai vécu dans d'autres provinces et je n'ai jamais eu un sentiment d'appartenance comme lorsque je suis chez moi, au Québec. Sur le plan politique, j'estime qu'il est difficile d'être un anglophone au Québec, selon ce qui se passe sur la scène politique.

Il n'est pas facile de faire l'objet de débats constants dans les médias, d'être visé par un politique ou d'être absent d'une politique. Cela se produit la plupart du temps. Il est difficile de constater que la communauté à laquelle on s'identifie est considérée comme un enjeu ou un problème qu'il faut résoudre. Il peut être plus facile, selon la génération à laquelle on appartient ou l'appui que l'on reçoit des membres de la communauté, de déménager dans une région où cela ne fait pas partie du paysage politique ou de la vie quotidienne.

[Français]

Le sénateur Maltais : D'abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre implication dans votre milieu et au niveau de votre vécu. Monsieur Gordon, j'ai vu que vous faisiez partie de la réserve canadienne; je vous en félicite. Je suis moi- même colonel honoraire du 62e Régiment d'artillerie. On a besoin de gens comme vous, non pas pour faire la guerre, mais bien pour préparer la paix. Je suis persuadé que vous jouez bien votre rôle de sous-officier, et je vous félicite.

Comment vous sentez-vous au Québec? Vous venez de Pointe-Claire, qui est connu comme le « village gaulois » des anglophones dans la francophonie. Comment vous sentez-vous quand vous vous promenez dans les rues de Montréal ou de Québec?

M. Gordon : Je n'habite plus à Pointe-Claire, mais à Montréal, dans le Mile End. C'est vraiment une communauté plus diverse, pas seulement francophone ou anglophone; on y parle aussi le portugais, et d'autres langues. Tout le monde y est accepté.

[Traduction]

C'est une communauté très diversifiée qui a une riche culture. J'estime qu'avoir une connaissance adéquate du français me donne confiance. Je ne remarque peut-être pas la discrimination ou les difficultés que connaissent certaines personnes qui n'ont pas au moins la chance de se débrouiller dans une deuxième langue officielle, ou je n'en suis peut- être pas conscient, mais je crois que peu importe les circonstances...

[Français]

— soit dans la ville de Québec, soit dans le cadre d'une opération ou d'un exercice avec mon unité, ou au centre-ville de Montréal ou dans le Mile End, je suis tellement à l'aise.

[Traduction]

Je me considère chanceux d'avoir la possibilité de le faire, parce que je sais que beaucoup de mes camarades de classe, de mes collègues d'université et de mes pairs ne sont pas aussi à l'aise que moi dans de telles situations.

[Français]

Le sénateur Maltais : Se sentir en minorité, c'est un fait, vous êtes minoritaires. J'ai vécu, dans un autre parlement, ce qu'était d'être un francophone minoritaire à l'intérieur de son propre parti politique. Lors des années 1980, il n'y avait pas beaucoup de députés libéraux francophones. Nous étions minoritaires. Il y a eu un exode malheureux des anglophones de souche à partir des années 1976 jusqu'aux années 1984, 1985. Je fais la différence entre les immigrants et les anglophones de souche.

J'ai été l'un de ceux qui ont contribué à inclure des protections pour les jeunes anglophones dans la Loi 178 et dans la Loi 87. Vous l'avez mentionné tout à l'heure, maintenant que la période d'exode est terminée, vous faites partie de la génération qui a décidé de vivre au Québec avec ses atouts et ses inconvénients. D'ailleurs, vous prenez de plus en plus votre place, parce que le Québec occupe une place importante à l'échelle internationale, comme le reste du Canada. Les jeunes francophones de votre âge doivent nécessairement parler la deuxième langue officielle.

Je demeure dans la ville de Québec, et il n'y a pas plus francophone que la ville de Québec. Il reste un évêque anglican et, heureusement que son fils assiste à la cérémonie le dimanche, parce que l'église serait vide. Il en va de même pour les églises catholiques. La communauté anglophone de la ville de Québec s'est intégrée complètement à la communauté francophone. Bien sûr, il reste quelques petits villages, comme Stoneham, mais ils sont très peu.

Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que vos chances de trouver des emplois sont égales à celles des francophones?

[Traduction]

M. Gordon : Je ne crois pas.

[Français]

À Montréal, je suis capable de parler et de travailler assez bien en français pour me chercher un emploi, mais je crois qu'il y a quand même des emplois que je ne suis pas capable d'occuper. J'ai vécu au Nunavut pendant six mois où je n'ai parlé qu'en anglais et où j'ai appris l'inuktitut. Il s'agissait d'une troisième langue.

[Traduction]

Je manquais de pratique en français; j'ai trouvé cela difficile. J'ai perdu des occasions d'emploi parce que je n'avais pas les compétences requises en français. Je ne maîtrisais tout simplement pas la langue. Quant à la communauté francophone — les jeunes francophones de Montréal dont vous avez parlé —, je ne suis pas à leur place. Certains emplois exigent peut-être une meilleure connaissance de l'anglais que celle qu'ils ont. Il est possible qu'ils n'aient pas les mêmes perspectives d'emploi parce qu'ils ne connaissent pas l'autre langue officielle.

Il est important que les deux langues soient nourries, enseignées et promues pour qu'elles aient une valeur égale. Nous sommes dans une situation unique : la possibilité d'être entièrement bilingues. Cela nous donne une longueur d'avance, pas seulement à Montréal, à Québec et au Canada, mais aussi à l'échelle mondiale. Cela nous donne une réelle occasion d'être concurrentiels et de nous démarquer par rapport aux autres.

Je suis heureux de connaître les deux langues et j'en reconnais l'importance, mais je ne crois pas que nous luttions à armes égales à Montréal pour l'ensemble des occasions d'emploi.

[Français]

Mme Hunting : En région, je dirais que non.

[Traduction]

Il est très difficile, pour un anglophone unilingue, de trouver un emploi bien rémunéré. Une personne comme moi, qui considère avoir les compétences d'un locuteur d'origine en français, est plus fréquemment tenue de prouver que ses compétences linguistiques dans cette langue sont bien réelles.

Il faut savoir que dans notre région...

[Français]

— ce qui est considéré être bilingue pour un francophone n'est pas nécessairement équivalent, au niveau des capacités linguistiques, que ce l'est pour un anglophone. Cela représente toujours un peu plus de travail, mais je crois que ce qui est important pour les Québécois et les communautés linguistiques majoritaires et minoritaires, c'est la compréhension que la menace linguistique ne vient pas de la communauté d'expression anglaise vivant au Québec. La menace ne vient pas des anglophones de souche. C'est l'anglais global qui nous affecte tous.

[Traduction]

Cette menace est semblable à celle qui pèse sur l'identité canadienne. On observe au Québec les mêmes influences qu'ailleurs au Canada, et elles ont une incidence sur la société québécoise. Il est très facile de faire un rapprochement entre la communauté anglophone du Québec et cette influence extérieure, puis de traiter cette communauté différemment parce qu'on craint de perdre sa langue et sa culture.

[Français]

Le sénateur Maltais : Vous avez mentionné la culture. Vous conviendrez avec moi que le Québec est pris en sandwich entre les États-Unis, l'Ontario et les provinces maritimes. La culture québécoise est propre aux francophones sauf que, depuis les 30 dernières années, si vous écoutez la radio, que ce soit Radio-Canada ou les autres chaînes, vous allez vous apercevoir que la culture anglophone y est bien représentée, que ce soit en provenance des États-Unis, de l'Ontario ou du Nouveau-Brunswick. Beaucoup de cultures se rapprochent dans la francophonie. Sur une échelle de 1 à 10, comment vous comparez-vous avec les Albertains?

Mme Hunting : Sur quelle base? Quelle est la comparaison?

Le sénateur Maltais : En ce qui concerne la culture.

Mme Hunting : L'accès que j'ai à la culture anglophone?

Le sénateur Maltais : Oui.

Mme Hunting : Pour un anglophone au Québec par rapport à un francophone en Alberta, c'est bien cela?

Le sénateur Maltais : Oui.

Mme Hunting : À un niveau plus élevé, c'est certain. Par contre, la différence, ce n'est pas à la culture anglophone québécoise à laquelle j'ai accès. Je ne le vois pas sur le plan social au Québec. C'est comme si on n'a pas le droit d'être là. Alors, l'influence que je subis est américaine ou provient de l'extérieur de la province.

[Traduction]

L'identité anglo-québécoise n'existe pas. Si j'écoute les nouvelles à NBC, CBS ou même Global, on ne présente que les nouvelles de Montréal. On ne présente pas les nouvelles régionales; les seules nouvelles qu'on a concernent la ville.

Je conviens que l'accès est meilleur que celle d'un francophone en Alberta, mais je n'ai pas nécessairement accès à la même culture.

[Français]

La sénatrice Moncion : Je viens de l'Ontario, et je suis du côté des minoritaires qui, comme vous, ont eu à apprendre l'anglais dès un jeune âge. Cela n'a peut-être pas été votre cas, parce que vous aviez peut-être davantage le choix que nous. J'ai commencé à apprendre l'anglais dès la deuxième année du primaire et je suis issue d'une famille extrêmement francophone. Je trouve intéressant de voir les barrières, les murs qui existent autour de la problématique que vous soulevez, qui sont exactement les mêmes que pour les francophones en situation minoritaire.

J'ai toujours travaillé pour une entreprise francophone, dans un milieu minoritaire francophone, et j'ai eu à embaucher à plusieurs reprises des gens comme vous qui parlaient français, mais qui faisaient face à certains défis. Ces personnes, en situation d'immersion, se sont mises à parler français de façon remarquable, et beaucoup d'améliorations ont pu être notées en l'espace de peu de temps. Comme vous le disiez tout à l'heure, lorsqu'on se retrouve en situation d'immersion dans une langue, on finit par apprendre cette langue, qu'il s'agisse de l'anglais ou du français.

Je reste toutefois impressionnée par le fait que 14 p. 100 de la population du Québec est anglophone, alors que moins de 3 p. 100 de la population de l'Ontario est francophone. Vous semblez éprouver les mêmes difficultés; échangez-vous avec les jeunes des communautés vivant en situation minoritaire à l'extérieur de la province? Le cas échéant, avez-vous la possibilité de discuter des défis auxquels font face les jeunes qui désirent être bilingues, que ce soit au Québec — même les Québécois francophones veulent être bilingues — ou à l'extérieur du Québec?

Mme Hunting : Je l'ai vécu alors que j'étais coordonnatrice du Centre des jeunes de Lennoxville. Certaines activités se déroulaient de façon commune avec des centres de jeunes ou des maisons de jeunes situés en Ontario. Une sortie annuelle rassemblait tous ceux qui avaient les moyens de se rendre à Ottawa; environ 1 000 jeunes de 12 à 17 ans se rassemblaient pour parler de différents enjeux liés aux jeunes. Le volet linguistique faisait partie des enjeux traités, et c'était très enrichissant pour les jeunes de constater que d'autres jeunes, en Ontario, en Alberta, au Manitoba ou au Nouveau-Brunswick vivaient les mêmes choses qu'eux. Cela rassemble les gens. Les différences peuvent rassembler, mais c'est quelque chose qui est semblable.

[Traduction]

C'est formateur. Je pense qu'il s'agit d'un exercice très enrichissant pour les jeunes anglophones qui n'ont pas nécessairement beaucoup d'informations ou un accès considérable aux collectivités du reste du Canada. Plus nous parviendrons à appuyer de telles activités destinées aux enfants, dès le plus jeune âge, plus nous réussirons à établir des ponts entre les communautés, à accroître la compréhension et à susciter l'intérêt dans ces communautés.

Cela me fait penser à l'époque où, au primaire, nous avions des correspondants, ce qui nous permettait d'en apprendre sur des élèves de sixième année de l'Australie. On peut en apprendre tellement des gens des autres régions du pays grâce à ce genre d'activités. Je pense que ce sont des activités vraiment intéressantes et positives pour les jeunes.

La sénatrice Moncion : Plus tôt, vous avez demandé ce que le Comité des langues officielles pouvait faire pour favoriser le bilinguisme dans votre collectivité, votre province et dans toutes les autres provinces canadiennes. Vous avez mentionné les difficultés de trouver des enseignants d'anglais et des enseignants compétents pour vos écoles; ce problème est aussi répandu ailleurs au Canada.

Quelles mesures pouvons-nous prendre pour faire progresser les choses? Nous savons que le Canada doit être bilingue et que c'est votre génération qui permettra que cela se concrétise.

M. Gordon : Nous avons d'abord parlé de perspectives économiques et de possibilités d'emploi. Pensez au Nord, par exemple; j'y suis allé à Iqaluit pour occuper un emploi. Je venais d'obtenir mon diplôme universitaire et j'avais un ami qui habitait déjà dans la région. À titre d'exemple, le besoin d'enseignants est beaucoup plus criant dans les collectivités nordiques, au point où on y offre des salaires extraordinairement élevés.

Nous parlons d'avoir des enseignants de français qualifiés dans le reste du pays ainsi que dans les écoles anglophones du Québec, ou encore d'avoir des enseignants d'anglais qualifié dans les écoles francophones du Québec. Accroître la viabilité des programmes et mieux faire connaître les perspectives d'emploi dans l'ensemble du pays afin d'appuyer l'apprentissage des langues dans ces collectivités pourrait être un excellent point de départ.

Mme Hunting : La mise en place de programmes d'immersion et d'échange simplifiés, accessibles et abordables destinés à tous et non seulement aux enfants doués. Nous avions de tels programmes lorsque nous fréquentions l'école. Nous pouvions participer à diverses activités et à divers programmes culturels, selon notre année scolaire ou selon que nous étions inscrits à un programme d'études enrichi. Les groupes les plus vulnérables n'y ont pas cet accès, ces services ou ces occasions.

Dans ma région, cela touche malheureusement les jeunes anglophones, car ils n'ont pas l'occasion de quitter la région et d'avoir accès aux possibilités qui peuvent leur être offertes ailleurs, à l'autre bout de l'autoroute. Il s'agit essentiellement d'offrir aux populations vulnérables un accès à diverses activités et diverses options qui démontrent qu'il y a d'autres façons de faire et d'autres possibilités. L'idée est d'instaurer cette passion chez les enfants en bas âge dans un contexte amusant, simple et facile.

Vous avez indiqué que vous avez commencé à apprendre l'anglais en deuxième année. Lorsque j'étais au primaire, nous avions des cours de français d'une demi-journée, dès la maternelle. De l'âge de cinq ans jusqu'à la sixième année, j'ai suivi des cours d'une demi-journée avec deux enseignants. Ensuite, j'avais au moins une heure de français par jour jusqu'à la fin de mon parcours scolaire à l'école publique.

Lorsqu'on vous donne le choix entre un cours de géographie donné en anglais ou en français, choisissez le cours en français. La carte est identique, mais le cours est donné par un enseignant de français langue seconde. Il convient de saisir les occasions qui sont offertes, notamment les cours d'immersion.

[Français]

La sénatrice Gagné : Bienvenue. J'ai beaucoup aimé votre présentation. Je pense que vous êtes très candides quant à la description de votre vie en tant que jeunes Anglo-Québécois.

L'étude porte sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, et nous aimerions entendre les différentes perspectives provenant de différents segments de la population canadienne. En vous écoutant, je me suis posé la question suivante : est-ce que le défi des jeunes anglophones au Québec est l'apprentissage du français ou plutôt le maintien de la langue anglaise?

Mme Hunting : Je ne sais pas si je les séparerais. Je pense que cela dépend du lieu où se trouve le jeune. Pour le maintien de la langue anglaise, cela dépend de la situation familiale. Souvent, le maintien de la langue se fait à la maison, mais on n'a pas beaucoup l'occasion de le pratiquer au travail ou ailleurs.

[Traduction]

Toutefois, je ne sais pas s'il serait possible de dissocier les deux aspects pour certains jeunes anglophones. Cela dépendrait des différents contextes. Le statut des jeunes sur les plans sociodémographique et socio-économique est certes des facteurs contributifs du maintien de la langue anglaise ou de l'apprentissage de la langue française. Dans de nombreuses collectivités, surtout en milieu rural, l'apprentissage d'une deuxième langue vient plutôt loin dans la liste des priorités lorsqu'on n'a pas de chaussures ou rien à manger.

[Français]

C'est une problématique vécue par les francophones hors Québec également. Plus on se trouve dans une région rurale, plus grand est le manque à gagner. Je ne sais pas si je peux établir une distinction entre les deux.

La sénatrice Gagné : C'est un peu des deux, j'imagine?

Mme Hunting : Oui, cela dépend du contexte et des occasions disponibles. Je crois que c'est ce qui fait la différence.

La sénatrice Gagné : Un autre sujet qui m'intéresse a trait à votre identité. Vous vous êtes tous les deux qualifiés de jeunes Anglo-Québécois et vous avez promptement répondu à cette question. On entend de plus en plus les jeunes des communautés francophones vivant en situation minoritaire à l'extérieur du Québec dire qu'ils ne se définissent plus comme des Franco-Manitobains ou des Franco-Ontariens, mais plutôt comme des personnes bilingues. Entendez-vous ce genre de propos parmi les jeunes que vous fréquentez dans vos associations?

Mme Hunting : Oui.

La sénatrice Gagné : Souvent?

Mme Hunting : Oui, c'est quelque chose que j'entends souvent à l'Association Townshippers.

[Traduction]

Les jeunes n'abordent pas les questions linguistiques de la même façon que d'autres générations. Prenons la situation de mes parents et la mienne comme exemple. J'ai grandi après l'adoption de la Loi 101. Ce que mes parents ont vu et vécu — les pertes liées à la langue, à l'accès et aux droits linguistiques — n'a pas eu la même incidence sur moi, car j'ai grandi dans un contexte où tout cela existait déjà.

Pour les jeunes d'aujourd'hui, en particulier ceux qui se définissent comme des personnes bilingues, c'est ainsi que les questions linguistiques leur ont été présentées lorsqu'ils étaient à l'école ou à un autre moment de leur vie. Ils n'ont pas nécessairement eu à faire un choix entre le français ou l'anglais.

Pour les jeunes, c'est un aspect important, selon le contexte; ils continuent de pratiquer leur langue seconde, qu'ils utilisent dans divers contextes. Elle est considérée comme une compétence importante qui, comme toute autre compétence, peut être apprise.

[Français]

La sénatrice Gagné : Je continuerai lors de la deuxième ronde.

La présidente : Oui, peut-être lors du deuxième tour, parce que nous devons tenter de respecter l'heure.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : J'ai une petite question à deux volets. Pour revenir à la modernisation de la Loi sur les langues officielles, comment les jeunes anglophones du Québec entrevoient-ils l'avenir de la Loi sur les langues officielles? Quelles seraient vos recommandations pour en renforcer l'application et pour promouvoir une meilleure reconnaissance des enjeux qui touchent les jeunes anglophones?

Comment peut-on l'améliorer? Quelles mesures doit-on inclure dans la loi pour offrir aux jeunes anglophones les outils dont ils ont besoin pour aller de l'avant?

M. Gordon : Les jeunes Québécois n'ont peut-être pas une connaissance aussi approfondie de la Loi sur les langues officielles et de sa nature officielle que les générations précédentes. Pour revenir au commentaire que j'ai fait plus tôt, je souligne de nouveau que l'accès est la voie à suivre pour améliorer ou promouvoir la notion de bilinguisme dans les deux langues officielles. Comme Rachel l'a indiqué, il s'agit d'instaurer cette passion chez les enfants en bas âge en intégrant dans l'ensemble des réseaux scolaires du pays la notion selon laquelle le Canada est un pays bilingue. Nous appuyons les deux langues officielles. C'est utile, d'un point de vue pragmatique, mais nous considérons aussi que c'est un aspect important sur le plan patrimonial. Le patrimoine français, si présent ici, fait peut-être défaut dans certaines régions de l'Ouest canadien. Selon mon expérience de la communauté anglophone du Québec, cela faisait défaut dès le plus jeune âge, d'où l'importance d'offrir cet accès le plus tôt possible.

Mme Hunting : Abordez les questions linguistiques de manière positive. Les discussions sur langues officielles ne devraient pas être un problème; elles devraient viser à mettre en valeur les langues officielles et à les promouvoir de façon à ce que leur apprentissage semble aller de soi.

J'ai voyagé à l'extérieur du pays. Lorsqu'on me demande combien de langues je parle, il est toujours un peu embarrassant de répondre « deux », car les gens se demandent ce qui ne va pas, chez nous, parce qu'ils parlent quatre, cinq ou six langues. Je réponds que je ne sais pourquoi il en est ainsi, mais que je n'ai eu qu'un cours d'espagnol quand j'étais au secondaire.

Il semble logique d'offrir aux jeunes du Québec et du Canada tous les outils possibles pour qu'ils puissent réussir, car s'ils réussissent, le Canada réussira aussi. Tout le monde en sortira gagnant.

L'idée est de trouver de nouvelles façons de discuter des enjeux linguistiques et d'utiliser les outils qui intéressent les jeunes. Je suis le fil Twitter du Commissariat aux langues officielles, mais c'est un peu terne. Si on veut attirer un segment de la population et susciter son intérêt, il convient de le faire de façon plus dynamique et plus amusante. C'est facile. Vous pourriez opter pour des choses qui font fureur, comme la baladodiffusion ou les infographies. Vous pourriez trouver une façon stimulante d'expliquer pourquoi le Canada a deux langues officielles et expliquer la loi. Si j'allais dans un centre jeunesse, ce soir, et que je demandais à 10 jeunes de me dire ce qu'ils savent de la Loi sur les langues officielles, ils répondraient qu'ils savent qu'elle existe, sans plus. Nous devons la faire connaître, mais en utilisant des méthodes qui susciteront l'intérêt des jeunes.

La sénatrice Bovey : Vous êtes axée sur l'inspiration plutôt que sur la loi.

Mme Hunting : C'est une autre façon de le dire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je ne suis pas membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles, et je suis ici pour remplacer un sénateur.

Monsieur Gordon, j'ai retenu que vous venez de Pointe-Claire. Moi, je suis natif de Montréal où j'ai toujours vécu. Je peux vous dire que, dans les années 1950-1960, les deux communautés étaient plus distinctes. Lorsque je travaillais pour la CIBC, on m'a d'ailleurs envoyé à Pointe-Claire pour y apprendre l'anglais.

Je voudrais vous parler de l'usage d'Internet chez les jeunes. Aujourd'hui, on parle de mondialisation. Or, j'ai l'impression que le monde d'Internet est plus anglophone que francophone. Croyez-vous que cela peut présenter un désavantage pour les générations futures? Certains politiciens disent que le français perd du terrain au Québec, avec la mondialisation et la technologie qui est offerte.

M. Gordon : Je crois qu'Internet est en effet majoritairement anglophone. L'anglais est la première langue mondiale. Même en Chine, j'imagine que beaucoup de gens parlent anglais, puisque c'est la langue pratique. On n'oublie pas sa langue maternelle, sa culture, mais l'anglais aide à communiquer dans une communauté mondiale et à rester compétitif.

[Traduction]

Cela ne nuira pas au Québec. Je pense que la capacité de communiquer avec des gens de partout dans le monde sur Internet est un avantage pour les Québécois francophones. Internet permet aux gens des petites collectivités rurales de communiquer avec le monde entier. La capacité de communiquer en anglais ne peut qu'être un avantage.

Je ne crois pas que cela puisse nuire au français; ce n'est pas le cas, à mon avis. Cela dit, de mon point de vue d'Anglo- Québécois, j'aimerais pouvoir communiquer plus aisément en français sur Internet.

[Français]

Je parle et j'écris un peu en français.

[Traduction]

La grammaire et les conjugaisons ne sont pas nécessairement ma force. J'aimerais avoir de meilleures compétences; je pense que cela aiderait mes interlocuteurs.

Mme Hunting : Adopter une mesure législative sur la langue d'Internet au Québec serait une erreur, sans aucun doute. Toute mesure législative en matière de langue qui semble obliger l'usage d'une langue donnée ne peut qu'inciter le groupe visé à s'en détourner.

[Français]

Je crois que rien n'empêche de mettre plus de contenu français sur Internet. Je pense que c'est une plateforme exceptionnelle qui offre une panoplie de possibilités, mais je ne crois pas qu'il devrait y avoir de loi exigeant que les sites soient rédigés uniquement dans une langue ou dans l'autre; il est possible d'avoir des sites web bilingues. C'est faisable. C'est une plateforme qui peut offrir beaucoup plus de possibilités si on n'oblige pas, par la loi, qu'elle soit faite dans une langue ou une autre.

Le sénateur Mockler : L'expérience démontre aussi deux choses. J'aimerais avoir votre opinion sur ceci : au rythme où l'on va, si on ne surveille pas les choses, et si on ne légifère pas ou si on ne réglemente pas, l'usage de nos deux langues va diminuer, surtout la langue française, à travers le pays. Vous avez entendu certains commentaires qui ont été faits et les questions qui vous ont été posées. Quelle serait votre approche, lorsqu'on parle de la modernisation des langues officielles autrement que par la législation? Si on regarde l'histoire du Canada, sans la législation en matière de langues officielles depuis 1969, on parlerait beaucoup moins français dans nos communautés. Que proposez-vous pour moderniser la Loi sur les langues officielles, et aussi pour faire reconnaître que les deux langues officielles du Canada sont l'anglais et le français?

[Traduction]

Mme Hunting : Ce n'est pas à moi qu'il pose les questions faciles.

[Français]

Le sénateur Mockler : Si vous me le permettez, j'aime certainement votre approche, mais un fait demeure — on l'a vu au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba et dans d'autres régions dernièrement, comme à Vancouver —, c'est qu'il faut nécessairement avoir les mécanismes, les outils en place, pour protéger les deux langues officielles du Canada.

Mme Hunting : Personnellement — et c'est Rachel Hunting qui parle, citoyenne du monde, et non mon organisation —, je pense que ce qui m'a été offert dans mon enfance, un enseignement dans les deux langues officielles dès la maternelle, devrait se faire partout à travers le pays. Si on est un pays avec deux langues officielles, les provinces devraient aussi utiliser les deux langues officielles. Cela devrait faire partie du quotidien, que les deux langues soient offertes, que des occasions d'apprentissage soient offertes, et que ce soit accessible à tout le monde. Je n'ai jamais compris pourquoi mes confrères francophones commençaient à apprendre l'anglais seulement en quatrième année. Pourquoi? Si c'est faisable dans une école anglophone, pourquoi est-ce que ce ne l'est pas dans une école francophone? C'est quelque chose qui peut se faire à travers le pays.

[Traduction]

Si cela fait partie intégrante de l'orientation de la loi, et du pays, ce ne sera pas difficile à intégrer aux programmes d'enseignement. Si on est vraiment un pays avec deux langues officielles, il faut avoir des occasions concrètes pour en tirer parti, ce que nous ne faisons pas actuellement.

La présidente : Madame Hunting, si vous avez d'autres informations à transmettre au comité, peut-être des informations que vous auriez aimé fournir en réponse aux questions des membres, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.

Mme Hunting : Certainement.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vais faire appel à votre imagination. Vous avez dit que la promotion des langues officielles avait besoin d'être plus inspirante, moins « dry ». Vous parlez beaucoup des avantages offerts par les deux langues officielles en ce qui concerne les compétences linguistiques, mais si vous aviez à promouvoir les deux langues officielles, en dehors du fait que cela apporte des compétences linguistiques, que diriez-vous? Si vous étiez ailleurs dans le monde et qu'on vous demandait pourquoi c'est intéressant de parler les deux langues officielles au Canada, que diriez-vous?

Mme Hunting : Pour moi, c'est l'apprentissage de la culture francophone. Cela m'a permis de m'immerger dans une culture différente de la mienne et de découvrir quelque chose de super intéressant et de très différent de mon vécu, de mes « partys » de famille, à Noël, et cetera. J'ai eu la chance de côtoyer des gens.

[Traduction]

J'ai eu des copains francophones lorsque j'étais plus jeune. Cet accès à la communauté francophone m'a permis de vivre des expériences incroyables — fêtes de Noël, BBQ, fêtes de familles, interactions, chansons, nourriture —, le genre d'expériences à ne pas manquer. C'est de ce genre de choses dont je parle lorsque je suis loin du Québec.

Je dis toujours aux gens de ne pas porter attention à ce que disent les médias. On y retrouve les opinions des politiciens. C'est dans la vraie vie que l'on retrouve les expériences incroyables et riches sur le plan culturel et l'on ne parle pas assez de ces expériences. À mon avis, l'image projetée ne reflète pas la réalité de nos communautés.

La sénatrice Fraser : Vous pourrez me répondre par écrit. En fait, oui, je vous demanderais de répondre à cette question par écrit.

Depuis le début, la communauté anglophone du Québec reçoit beaucoup moins de fonds par habitant de la part d'Ottawa que les minorités francophones hors Québec. J'aimerais que vous me donniez une liste des choses que vous pourriez faire si vous aviez plus d'argent, plus particulièrement en ce qui concerne les Townshippers, mais aussi des projets précis.

Par exemple, cette année, vous avez dû annuler la Journée des Townshippers, faute de bénévoles. Il s'agit d'un événement important pour les Townshippers. Est-ce que le fait de disposer de plus de fonds aurait aidé? Si nous pouvions vous fournir plus de fonds, que feriez-vous, précisément, avec ces fonds?

Mme Hunting : Il n'y a pas de limite à la liste que je peux vous envoyer, n'est-ce pas?

La présidente : Je vais vous laisser réfléchir aux questions de la sénatrice Fraser. Si vous pouviez faire parvenir vos réponses au greffier du comité, nous vous en serions reconnaissants.

Ceci met fin à cette première partie de la séance. Comme vous pouvez le constater par les questions des membres, ceux-ci aimeraient s'entretenir plus longuement avec vous.

Nous vous remercions pour votre présentation. Vous nous avez offert un bon témoignage. Vous vous exprimez bien et vous présentez vos idées avec confiance et facilité.

[Français]

Merci beaucoup d'avoir été avec nous. Cela promet beaucoup pour l'avenir de notre société, car vous êtes de très bons représentants de la jeunesse anglo-québécoise et de citoyens canadiens qui sont d'un certain âge, disons, plus jeunes que nous.

Nous allons procéder à la deuxième partie de notre séance ce soir en recevant deux nouveaux témoins.

[Traduction]

Nous sommes heureux d'accueillir M. Mario Clarke, directeur, Programme d'entrepreneuriat, et Mme Sarah Lukassen, coordonnatrice jeunesse, tous deux de la Youth Employment Services Foundation.

Au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je vous souhaite la bienvenue. Nous vous demandons de nous présenter votre exposé. Après quoi, nous passerons aux questions des sénateurs.

Mario Clarke, directeur, Programme d'entrepreneuriat, Youth Employment Services Foundation : Mesdames et messieurs les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, bonjour, et merci de nous avoir invités à échanger avec vous au nom de la Youth Employment Services Foundation.

Je suis originaire des Îles de la Madeleine. J'ai dû quitter ma communauté pour poursuivre mes études. J'ai étudié à Montréal puis en Europe avant de revenir dans ma province natale. En tant que membre de la communauté d'expression anglaise, je pourrai vous offrir un point de vue urbain et rural de la situation.

J'aimerais d'abord vous parler de notre organisation et des problèmes auxquels les jeunes de la CLOSM sont confrontés en matière de développement économique. Je laisserai ensuite la parole à ma collègue, Sarah.

Qui sommes-nous? Notre organisation aide les jeunes à amorcer leur carrière avec succès et à contribuer à leur communauté. Youth Employment Services, YES, est un organisme sans but lucratif situé à Montréal. Sa mission consiste à enrichir la communauté en offrant des services en anglais pour aider les jeunes à se trouver un emploi et à démarrer de petites et moyennes entreprises.

L'organisation a été créée en 1993 par un groupe de dirigeants des communautés des affaires, scolaire et des entreprises préoccupés par l'exode des jeunes et conscients que l'emploi constitue la principale stratégie pour garder les jeunes dans la province. Le maintien et le renouvellement font toujours partie de notre mission principale et de tout programme et de toute activité auxquels nous participons.

Chaque année, nous rencontrons plus de 4 000 personnes de partout au Québec dans nos centres ou dans les communautés, comme les Cantons-de-l'Est, Gaspé et la Côte-Nord, et dans le cadre des plus de 1 200 ateliers que nous offrons et des événements et conférences que nous organisons. Nous effectuons des recherches et publions des documents. Nous offrons plus de 7 000 séances d'encadrement et d'orientation par année, ainsi que des programmes de mentorat et de stages. Évidemment, rien de tout cela ne serait possible sans l'aide de bénévoles, de plusieurs partenaires différents et de fournisseurs de fonds, et surtout du Plan d'action en matière de langues officielles.

Qui sont nos clients? Notre clientèle a changé au fil des ans. Actuellement, 69 p. 100 de nos clients sont anglophones; 11 p. 100 sont francophones; 20 p. 100 parlent une autre langue que le français ou l'anglais; 36 p. 100 viennent d'un autre pays; 26 p. 100 sont diplômés du secondaire, d'une école de métier ou du cégep; 49 p. 100 ont un diplôme universitaire; 25 p. 100 sont titulaires d'une maîtrise ou d'un doctorat.

En raison de cette diversité, les expériences des jeunes varient beaucoup. Il existe certains points en commun dont nous parlerons plus tard, mais le Youth Voice : Community Talks Employment est l'un des projets qui met ces histoires et expériences en valeur.

En 2015, nous avons élargi la discussion sur ce que ressentent les anglophones qui se cherchent un emploi sur le marché du travail québécois d'aujourd'hui. Nous avons donné à des centaines de jeunes l'occasion de nous partager leurs histoires de recherches d'emplois. Nous avons installé des cabines vidéo, effectué des sondages et créé une campagne sur les médias sociaux. Ces efforts ont mené à la création d'une courte vidéo publiée sur YouTube et à un documentaire présenté au Cinéma Banque Scotia situé au centre-ville de Montréal. L'objectif était de favoriser le dialogue entre les gouvernements, les employeurs, les jeunes sans-emploi, les organismes à but non lucratif et les établissements d'enseignement. Je vous invite à visionner ces vidéos sur YouTube.

J'aimerais vous fournir quelques données principales : 49 p. 100 des jeunes s'identifient comme étant francophones et anglophones, donc une bonne majorité; 79 p. 100 songent à quitter le Québec pour se trouver un emploi; 68 p. 100 se disent sous-employés; et 58 p. 100 considèrent la langue comme étant le principal obstacle à l'emploi.

Les jeunes anglophones de la CLOSM au Québec vous diront qu'ils sont confrontés à des obstacles particuliers relatifs aux langues minoritaires en raison de l'histoire complexe de la province et du statut de langue officielle du français au Québec ayant pour but de protéger le français contre la menace de l'anglais. Le fait d'être anglophone n'est pas toujours source de réjouissance ou reconnu comme ayant une valeur économique et faisant partie de l'identité générale du Québec.

Ceci dit, il souffle un vent d'optimisme chez les jeunes anglophones qui souhaitent faire éclater les vieux stéréotypes, définir les points en commun et créer de meilleurs liens avec la communauté francophone. Ils sont nourris d'un désir ou d'un besoin de participer dans les deux langues officielles dans un environnement où les deux langues sont égales. Le défi consiste à bâtir une communauté durable et à mettre en place les conditions nécessaires pour permettre le maintien et le développement des deux langues officielles au Québec. Dans le cadre de notre travail, l'intégration économique est essentielle à ce maintien des jeunes au Québec et à la santé de notre communauté.

J'aimerais maintenant vous parler du chômage chez les jeunes. Il s'agit d'un problème majeur au Québec. Selon les statistiques, le taux de chômage chez les jeunes est plus élevé au sein de la communauté anglophone — 16,7 p. 100 — comparativement à la communauté francophone — 12 p. 100. L'entrepreneuriat joue un rôle essentiel dans l'intégration économique, car 92 p. 100 des emplois sont créés par des PME. Toutefois, le manque de documentation et de services de soutien offerts en anglais et le manque de lois linguistiques ont créé certains obstacles.

Les nouveaux arrivants composent maintenant une plus grande partie de notre communauté, mais, encore une fois, il manque de services offerts en anglais et de formation linguistique en anglais, comparativement au français.

Du côté artistique, les artistes contribuent à la vitalité, au sentiment d'appartenance et au bien-être économique de notre communauté. Mais, il y a des obstacles à surmonter, comme la force institutionnelle, l'éducation et la disparition progressive des médias traditionnels et la formation axée sur les activités artistiques.

Ce sont les enjeux auxquels nous travaillons.

Sarah Lukassen, coordonnatrice jeunesse, Youth Employment Services Foundation : Merci de nous avoir invités à venir témoigner. C'est un honneur. Je suis un peu nerveuse, alors je vous demanderais de faire preuve d'un peu d'indulgence à mon égard.

Je travaille chez YES à titre de coordonnatrice des activités de financement, mais, depuis quelques mois, j'assure la coordination d'un projet à l'intention des jeunes anglophones. Ce projet vise à promouvoir les services offerts en anglais aux jeunes de partout au Québec, notamment dans les régions éloignées.

Pour vous donner une meilleure idée de qui je suis et de ce qui m'a mené jusqu'ici, j'aimerais vous raconter mon histoire. Je suis anglophone. J'ai été élevé par une mère monoparentale dans la petite ville de Châteauguay, hors de l'île de Montréal. Dans cette petite ville de 45 000 habitants, 60 p. 100 des gens sont francophones. Pourtant, auparavant, Châteauguay a toujours compté l'une des plus grandes populations d'anglophones dans la région de la Montérégie.

J'ai grandi au sein de cette communauté protégée et très fière. J'ai fait toutes mes études, de la prématernelle à l'université, dans des établissements d'enseignement de langue anglaise. Toutefois, comme la plupart des parents qui veulent ce qu'il y a de mieux pour leurs enfants, ma mère s'est assurée de m'inscrire dans des programmes bilingues. J'ai terminé mes études secondaires avec mention en français. Pourtant, je parlais rarement en français en dehors du contexte scolaire, et très rarement dans le contexte social.

Ce n'est que lorsque, jeune adulte, j'ai traversé le pont Mercier pour voir le monde, dans mon cas, Montréal, faire mes études au cégep et me trouver un emploi que je suis devenue très sensible à la nécessité de la dualité linguistique. Je savais que j'avais un accent, mais je parlais français, alors, je me suis dit qu'il ne devrait pas y avoir de problème.

Contrairement à bon nombre de mes pairs pour qui les possibilités étaient limitées en raison de leur manque de compétences en français et leurs insécurités à cet égard, j'ai pu me trouver un emploi au centre-ville de Montréal. C'était la première fois que je me retrouvais complètement entourée de francophones. C'était également la première fois de ma vie où j'étais confrontée aux tensions linguistiques et politiques et aux défis du service à la clientèle dans ma langue seconde. Dans bien des cas, peu importe le bon français utilisé, la qualité de mon service ou la taille de mon sourire, je craignais de ne pas être bien accueillie par les francophones ou je me sentais comme une étrangère.

Malgré tout, l'occasion de me plonger dans le français, d'interagir et de développer des relations avec des francophones et de vivre au sein d'une nouvelle culture qui me semblait si loin, même si j'avais vécu près de cette culture toute ma vie, a fait de moi une personne bien équilibrée capable d'apprécier l'importance du bilinguisme au Canada. Ce sentiment se reflète dans le programme « Youth for Youth » que je coordonne, un programme à l'intention des jeunes anglophones, et c'est un sentiment que ressentent nos clients.

Même si nos parents et les générations précédentes ont pu vivre une vie productive au Québec sans avoir appris le français, il est clair que notre réalité est différente. La fermeture d'institutions de langue anglaise, l'effritement des communautés et le taux élevé de chômage chez les jeunes anglophones montrent clairement qu'il faut protéger nos racines anglophones, mais aussi adopter le bilinguisme et voir la dualité linguistique comme un atout qui peut nous aider à réaliser nos ambitions, notamment sur le marché du travail.

Nos jeunes anglophones nous ont répété que, selon eux, l'identité bilingue du Canada devrait faire en sorte que tous les Canadiens français et anglais aient accès dans leur langue à des services et des ressources, comme des soins de santé. Peu importe la langue que vous parlez, vous devriez pourvoir vous sentir à l'aise dans toutes les institutions.

On entend parler de l'accessibilité et de programmes de socialisation et d'apprentissage de base, comme des cours de langues, des emplois d'été, des programmes de stage et d'immersion pour encourager tous les Canadiens, pas seulement les Québécois, à apprendre la deuxième langue officielle du pays afin de cultiver une attitude ouverte et de tolérance à l'égard de la culture et de la langue. Au bout du compte, investir dans le bilinguisme et la promotion de celui-ci par l'entremise de tels programmes permettra, selon moi, de réduire l'insécurité linguistique et d'encourager une plus grande intégration communautaire et de développer une richesse au pays.

Ceci dit, nous serons heureux maintenant de répondre à vos questions.

[Français]

La présidente : Je vous remercie d'avoir partagé vos expériences et vos observations avec nous. La première question sera posée par la sénatrice Fraser.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je vais être insensible et parler d'argent. Votre organisation reçoit-elle des fonds du fédéral?

M. Clarke : Oui.

La sénatrice Fraser : Combien?

M. Clarke : Je n'ai pas cette information avec moi, mais je dirais que la contribution du fédéral représente probablement 85 p. 100 de notre budget. Du côté provincial, c'est autre chose.

La sénatrice Fraser : Oui. À combien s'élève la contribution de la province?

M. Clarke : Seulement environ 10 p. 100. Pour le moment, nous n'exploitons qu'un seul programme par l'entremise d'Emploi-Québec. Ce programme aide environ 380 personnes, alors que nous accueillons 2 000 personnes qui auraient besoin de ce service.

La sénatrice Fraser : D'accord. Alors, que pouvons-nous faire? Je vois que vous avez dressé une belle grande liste de recommandations. C'est très utile d'avoir une telle liste. Le problème, c'est que nous sommes au fédéral. Comme vous le dites, le gouvernement provincial ne voit peut-être pas les choses du même œil que le gouvernement fédéral.

En tenant compte des contraintes permanentes canadiennes, quelle devrait être la priorité du gouvernement fédéral?

M. Clarke : Notamment dans le domaine de l'emploi, il serait très utile que les ministères fassent preuve de plus de créativité et d'innovation en matière de maintien en poste, par exemple, le financement offert par Patrimoine Canada. Ils pourraient se pencher sur la façon de financer le maintien en poste, d'encourager l'emploi, de créer plus de programmes et d'accroître le financement.

En ce qui a trait à l'identité, il faut comprendre que pour participer pleinement, il faut un revenu qui nous permet de nous sentir en sécurité et en confiance pour contribuer à la communauté. C'est la principale raison pour laquelle nous faisons ce que nous faisons. Nous ne cherchons pas à faire de l'argent. Nous ne travaillons pas à la question de l'emploi pour aider une autre personne à faire de l'argent. Ce n'est pas notre objectif. Nous sommes là pour aider les jeunes et nous avons besoin d'aide à cet égard. C'est tout.

La sénatrice Fraser : Il y a longtemps que je n'ai pas examiné la question, mais, auparavant, il fallait être certifié pour pratiquer toutes sortes de métiers, non seulement celui de médecin, d'avocat ou d'ingénieur, mais aussi celui de manucure, de podiatre et bien d'autres. Il fallait réussir un examen de français.

Est-ce un problème pour les jeunes anglophones? Sont-ils capables de réussir un examen de français? Doivent-ils réussir un tel examen et, si oui, en sont-ils capables ou doivent-ils s'y préparer?

M. Clarke : Cela dépend beaucoup de chaque personne. Pour certains ordres, par exemple, il faut encore réussir un examen de français. Je peux vous donner l'exemple de ma copine. Elle est infirmière. Évidemment, puisqu'elle a grandi au Québec, elle n'a pas eu à écrire un examen de français. Mais, plusieurs de ses amis d'autres provinces qui souhaitaient travailler au Québec comme infirmières ont dû écrire leur examen en français, mais, n'ayant pas les compétences linguistiques nécessaires, elles sont parties travailler ailleurs.

Il aurait été intéressant de leur offrir des cours de langue pour leur donner l'occasion de renforcer leur maîtrise de la langue, mais c'est le défi. Cela dépend vraiment des diverses industries et essentiellement du niveau de maîtrise.

Nous devons comprendre que le bilinguisme est une grande valeur ajoutée pour notre province, mais cela devrait être un processus progressif pour éviter que des individus se sentent rejetés en raison de leur niveau de maîtrise.

La sénatrice Moncion : Ma question porte sur le programme d'emploi de YES, parce que cela existe ailleurs au Canada. Je crois que les défis ne sont pas exactement les mêmes, étant donné qu'au Québec vous devez composer avec la langue, mais je ne dirai pas que c'est une barrière.

Dans quelle mesure le programme d'emploi de YES réussit-il à aider les jeunes anglophones de diverses collectivités à obtenir différentes perspectives d'emploi?

M. Clarke : Nous nous occupons de l'ensemble de la province. Nous devons donc débuter par les endroits où les anglophones habitent au Québec. Nous aurons ainsi des indicateurs de réussite totalement différents en ce qui concerne notre capacité de trouver des emplois aux gens.

En ce qui concerne Montréal, si nous avons la chance d'avoir les bons réseaux, notre programme de stages a pratiquement un taux de réussite de 95 p. 100. Cela signifie que, lorsque nous trouvons des stages en entreprise pour ces gens, l'entreprise les adore vraiment et les engage. Il y a évidemment des dispositions linguistiques qui prévoient que certaines entreprises au Québec ayant plus de 50 employées doivent parler français. Nous sommes conscients que, si leur maîtrise de la langue n'est pas suffisante, ce ne sera peut-être pas un bon milieu pour les gens.

Cela dit, l'autre programme courant que nous gérons par l'entremise d'Emploi-Québec a un taux de réussite de 75 à 80 p. 100. C'est un défi. Nous devons comprendre que notre taux de réussite est un aspect dont nous sommes fiers, et nous y travaillons d'arrache-pied, mais la situation évolue constamment.

Lorsque l'économie tourne au ralenti, il y a plus de gens qui font appel à nos services. Je crois que le taux de chômage est actuellement de 6,8 p. 100; il n'a jamais été aussi bas au Québec. Nous semblons connaître actuellement du succès, mais la situation pourrait être toute autre le mois prochain. Nos programmes sont une réussite parce qu'ils permettent aux gens d'acquérir des compétences et surtout de la résilience. Je crois que c'est vraiment l'élément important.

La sénatrice Moncion : À quel point vos clients sont-ils bilingues?

M. Clarke : Environ 50 p. 100 de nos clients parlent les deux langues. C'est toujours leur niveau de maîtrise qui est difficile. Nous entendons couramment que les gens peuvent parler et lire dans les deux langues, mais qu'ils ne peuvent pas écrire. Même dans les descriptions de travail au Québec, nous voyons toujours la mention « maîtrise de la langue française et connaissance de l'anglais », ce qui fait automatiquement fuir les anglophones. Ils seraient peut-être en mesure de s'en sortir, mais ils voient automatiquement cela comme le premier obstacle en travers de leur route.

Mme Lukassen : Pour bon nombre d'anglophones qui ont l'impression d'être suffisamment bilingues pour s'en sortir, c'est en fait plutôt lié à l'insécurité d'avoir une entrevue et au sentiment que leur maîtrise du français laisse à désirer. Leurs connaissances sont peut-être suffisantes pour s'en sortir, mais ils n'osent même pas franchir le pas de la porte ou présenter leur candidature. C'est plutôt lié à l'insécurité de ne pas connaître les expressions et de ne pas être capable de parler la langue ou de l'écrire dans un contexte professionnel.

La majorité des anglophones au Québec peuvent avoir des conversations en français. À mon avis, le problème, c'est de le faire dans un contexte professionnel, et c'est un type de français qui n'est même pas appris à l'école, parce qu'il n'y est pas enseigné. Il y a cet écart.

La sénatrice Moncion : Le problème se pose ailleurs, parce que peu de francophones arrivent à bien écrire en français sans faire de fautes et avec toutes les bonnes phrases et expressions.

Mme Lukassen : Fait cocasse, nous avons souvent des francophones qui viennent au centre pour faire traduire leur CV en français plus acceptable, parce que leurs compétences rédactionnelles laissent à désirer. Je crois que le problème est généralisé. Nous devons améliorer notre système d'éducation et nos programmes pour nous assurer de former des citoyens aptes au travail après leurs études.

Le sénateur Mockler : Félicitations. Vous n'étiez pas nerveuse.

[Français]

Mme Lukassen : Merci, c'est gentil.

Le sénateur Mockler : Vous étiez très bien.

[Traduction]

J'aimerais poursuivre dans la même veine que la précédente intervenante. Si nous prenons M. Fraser, notre commissaire aux langues officielles, qui examine des études sur les avantages du bilinguisme au Canada en vue de percer les marchés étrangers, nous le voyons tout le temps.

J'aimerais entendre vos commentaires. Devrions-nous renforcer les pouvoirs du commissaire aux langues officielles, d'après votre expérience, en vue de promouvoir les langues officielles partout au Canada pour que les gens comprennent mieux que le bilinguisme offre son lot d'avantages?

La question porte sur le commissaire aux langues officielles, puis j'aurais une question complémentaire. Qu'est-ce que vous aimeriez voir les gouvernements ou le gouvernement fédéral faire de plus? Que recommandez-vous aux gouvernements de faire?

M. Clarke : Je crois que c'est une question un peu délicate lorsque je pense au moyen de donner un pouvoir accru à un autre. Est-ce que j'aimerais que les autorités disposent d'un programme plus solide en vue de souligner la valeur du bilinguisme? Évidemment. Je crois que nous devrions le crier sur tous les toits.

Lorsque je pense à la communauté anglophone au Québec, nous avons accompli de grandes choses. Nous avons des artistes formidables, comme Nikki Yanofsky, une très jeune chanteuse de jazz, et Oliver Jones. Cependant, nous ne voyons pas chaque jour les gens souligner la valeur économique de nos entreprises bilingues qui peuvent percer ces marchés. J'ai étudié en Suède où tout le monde parle suédois, mais tout le monde parle aussi anglais, et personne ne voit cela comme une menace pour la langue. C'est une autre corde à leur arc que les Suédois utilisent pour s'assurer que leur pays connaît énormément de succès.

Je considère la Loi sur les langues officielles comme un outil que nous utilisons. Cela fait également partie de notre identité. Les deux langues apportent une grande richesse et nous donnent l'occasion de nous améliorer. Lorsque je vois que cela restreint la manière dont nous pouvons participer à l'économie ou à la vie civique, cela devient vraiment difficile à accepter. D'après moi, je crois que nous devrions en faire la promotion pour voir là où c'est le plus avantageux.

Il m'arrivera parfois de me demander si j'ai besoin d'être bilingue si je fais du commerce avec les États-Unis. Ce ne serait probablement pas nécessaire, mais l'anglais ne serait même peut-être pas nécessaire si je souhaitais m'emparer des marchés québécois et français. Selon moi, il faut prendre un peu de recul et faire simplement preuve simultanément de logique et de fierté.

Le sénateur Mockler : Madame la présidente, si vous me le permettez, nous pourrions dire aux témoins que, s'ils veulent ajouter quelque chose aux questions qui ont été posées, ils peuvent nous faire parvenir leurs notes ou leurs commentaires par écrit.

J'aimerais traiter d'un autre sujet. Il y a de nombreux avantages.

[Français]

Il y a un sujet dont vous n'avez pas parlé : l'Organisation internationale de la Francophonie. Cette organisation regroupe plus de 60 pays ayant la langue française en commun; cela représente un grand marché économique dans le monde entier. Le Canada y joue un rôle très important, tout comme le Québec et le Nouveau-Brunswick.

Vous représentez la jeunesse et vous êtes les leaders de demain. Nous sommes passés par là il y a longtemps. De notre côté, nous nous sommes fait jeter des œufs et des tomates, parce que nous défendions nos institutions francophones.

[Traduction]

Croyez-vous que nous devrions imposer des sanctions aux institutions qui ne respectent pas leurs obligations linguistiques en vertu de la Loi sur les langues officielles au Canada?

[Français]

Ce sont vous, les jeunes; qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Clarke : Je crois que vous nous posez là une question extrêmement complexe. Je ne crois pas que je peux vous répondre oui ou non.

Le problème est que je crois que des sanctions ou des mesures législatives sont parfois nécessaires pour assurer une certaine protection, mais je suis également d'avis que nous devons trouver un équilibre très délicat pour nous assurer que personne n'a l'impression que c'est restrictif ou que c'est trop et que c'est nuisible.

Je sais que c'est une excuse un peu facile, mais j'entends ce que vous dites au sujet des divers groupes francophones et internationaux, et cela représente un grand accès. Cependant, comment puis-je dire ce que je veux dire? Je ne veux pas dire que tout devrait être permis et qu'il ne devrait pas y avoir de lois en la matière. Cela ne se veut pas une critique de l'autre. Je souhaite simplement que ce soit logique lorsque c'est nécessaire que ce le soit; je crois que c'est tout ce que je peux dire à ce sujet.

La partie de votre étude qui porte sur la modernisation vise vraiment à analyser la situation et à dire que c'est logique pour l'instant, et la notion importante à retenir est « pour l'instant », parce que nous essayons de moderniser la loi. La modernisation ne signifie pas que c'est permanent. Cela ne signifie pas que c'est valide cinq ans. Il est possible que seulement une brève période soit nécessaire avant de passer à autre chose, parce que nous avons accompli quelque chose. Je crois que c'est l'essence de votre étude et j'estime que c'est le seul processus que je peux suggérer.

La présidente : Nous avons parfois l'impression que la modernisation est pratiquement permanente, étant donné que la loi a été modifiée pour la dernière fois, je crois, en 1988. Cela fait 30 ans que la Loi sur les langues officielles n'a pas été modifiée. L'adoption de mesures qui peuvent évoluer au fil du temps finit parfois par devenir relativement permanente, parce qu'il est difficile d'effectuer les changements.

En ce qui concerne notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, croyez-vous que la loi traite suffisamment des enjeux qui touchent les jeunes? Avez-vous l'impression que votre groupe est consulté lorsque sont pris en compte les considérations et les enjeux liés aux langues officielles?

Mme Lukassen : Je crois que c'est actuellement le cas. C'est donc un grand progrès. Je vais essayer de répondre à votre question.

Les jeunes de notre génération sont en constante évolution. Ce que je comprends de mon groupe de jeunes, c'est qu'ils n'ont pas nécessairement l'impression d'être pleinement représentés. Je répète que cela change constamment. Je crois qu'ils aimeraient participer au processus et se faire entendre. Je crois qu'ils aimeraient être ici actuellement et participer à ces discussions au lieu que nous le fassions en leur nom. Il y a toujours moyen de les inclure davantage dans la conversation. Ils ont des points de vue uniques. Ils forment une génération complètement différente qui a des besoins, des intérêts et des objectifs uniques. Je crois que nous avons là une excellente occasion de les inclure dans les discussions.

M. Clarke : Bon nombre de jeunes ne comprennent pas comment la Loi sur les langues officielles sert leurs intérêts. Lorsque je pense à ma petite communauté de 500 anglophones aux Îles de la Madeleine, nous avons le CAMI, qui est un organisme local actif dans la région. Il offre d'excellents programmes scolaires et a même un plan de développement de l'industrie touristique. Aucune personne de moins de 18 ans de la région ne me dirait que c'est grâce à la Loi sur les langues officielles, qu'elle protège les communautés de langue officielle en situation minoritaire ou qu'elle rend possibles tous ces programmes d'échange auxquels les jeunes peuvent participer pour apprendre le français.

Le problème est que les jeunes ont beaucoup de pain sur la planche. Ils en font beaucoup, mais ils en ressentent les effets lorsqu'un service ou un soutien n'est pas offert. Lorsque c'est le cas, ils peuvent en profiter, s'ils le veulent. Nous devons nous assurer que rien n'est éliminé dans la loi et que c'est disponible au moment propice pour eux.

La présidente : Pendant que vous parliez, j'ai eu une idée. Nous pourrions afficher que c'est grâce à la partie VII de la Loi sur les langues officielles que vous profitez de ces avantages, un peu comme nous le faisons pour le développement économique pour expliquer que cette partie de la route est construite grâce au programme de relance économique.

La sénatrice Fraser : Il serait déraisonnable de nous attendre à ce que des jeunes soient au courant de chaque alinéa de la Loi sur les langues officielles. Notre travail est d'essayer de cerner les besoins, de peut-être consulter des spécialistes quant à la manière de répondre à ces besoins et de formuler des recommandations. Je ne m'attendrais évidemment pas à ce qu'un étudiant du cégep soit en mesure de nous répondre.

Je trouve intéressantes les données que vous avez présentées. Comme mes questions sont peut-être interreliées, je vais poser mes deux questions, puis vous pourrez trouver la meilleure façon d'y répondre.

Vous dites que 49 p. 100 de vos clients ont des diplômes universitaires; c'est 49 p. 100. J'aurais pensé que des gens avec des diplômes universitaires seraient bien outillés pour se trouver seuls un emploi ou démarrer des entreprises.

Dans la même veine, les 25 p. 100 de vos clients qui possèdent des diplômes d'études supérieures sont-ils inclus dans les 49 p. 100? Vous semblez indiquer qu'ils ne le sont pas. Bref, environ 74 p. 100 de vos clients ont des diplômes universitaires et viennent cogner à votre porte pour avoir de l'aide.

Quel est leur problème? Je ne dis pas cela de manière négative. Quel est en fait le problème qui les force à vous consulter? Je trouve également troublant les conclusions de votre sondage : 79 p. 100 des jeunes affirment avoir songé à quitter le Québec pour se trouver un emploi. Est-il question des mêmes personnes?

M. Clarke : C'est un petit échantillon.

La sénatrice Fraser : Quel est le principal facteur qui les pousse à songer à quitter le Québec? Est-ce la langue? Est-ce le manque d'emplois précisément dans leur domaine? Qu'est-ce que c'est?

M. Clarke : En ce qui concerne ce qui cloche avec eux...

La sénatrice Fraser : Ce n'était pas ce que je voulais dire. Je veux comprendre pourquoi ils ont besoin de votre aide.

M. Clarke : Je vais vous faire part de ma propre expérience, puis je vous parlerai de nos clients.

J'ai terminé mes études avec deux maîtrises en poche et je me considérais comme une personne très apte au travail. Cependant, si je voulais travailler pour le gouvernement provincial, ce ne serait pas nécessairement gagner d'avance, parce que mes compétences sont très précises. J'ai une maîtrise en développement, une maîtrise en administration des affaires et un baccalauréat en sciences politiques.

C'est ce que nous voyons souvent. Nous avons des clients qui viennent nous voir et qui ont des diplômes très précis. Certains doivent apprendre les compétences transférables. C'est ce que nous faisons souvent : nous leur apprenons comment se vendre. Ils possèdent peut-être de nombreuses compétences qu'ils ne savent même pas que les employeurs recherchent. La langue est encore une fois l'un des principaux défis. Si vous êtes actuellement un programmeur à Montréal dans l'industrie des technologies, vous vous en sortez plutôt bien. Vous réussirez probablement à vous trouver très rapidement un emploi. Par contre, si vous avez un diplôme en sociologie, vous aurez peut-être de la difficulté à y arriver.

C'est un peu le problème que nous constatons dans le domaine de l'emploi. Certaines personnes font des études parce qu'ils veulent s'instruire ou que le sujet les intéresse ou les passionne. Mes parents m'ont dit que les études étaient un laissez-passer. Ce n'est plus nécessairement le cas. C'est le défi.

Sont-ils brillants? Oui, ils le sont. Veulent-ils contribuer à la société québécoise? Oui, ils le veulent. Compte tenu des statistiques sur le nombre de postes qui seront vacants au Québec, il devrait donc y avoir des débouchés pour toutes ces personnes.

Une fois qu'ils ont commencé à avoir des difficultés et qu'on leur offre par la suite des postes dans lesquels ils sont sous-employés, ils acceptent ces emplois pendant un court laps de temps. Puis, habituellement, ils estiment qu'ils pourraient avoir de meilleures chances ailleurs. Ce pourrait être une impression. Parfois, ils croient que l'herbe est plus verte chez le voisin, mais voilà ce qui se produit.

Nous observons des retours. De temps en temps, nous constatons que des gens reviennent, et c'est très satisfaisant. Je choisis de faire partie du Québec, et j'y tiens. Je sais que ce choix est accompagné d'une certaine restriction, mais je pense qu'il offre également de grandes possibilités et de merveilleuses aventures.

La sénatrice Fraser : Des compétences qui ne sont pas nécessairement les bonnes auxquelles s'ajoutent d'éventuels problèmes de langues entraînent un sous-emploi ou la perception d'un sous-emploi.

M. Clarke : Oui.

La sénatrice Fraser : Parfois, nous nous surestimons.

M. Clarke : C'est vrai.

La sénatrice Fraser : Et il s'ensuit peut-être que l'herbe peut paraître plus verte ailleurs. Est-ce approximativement la façon dont les choses se déroulent?

M. Clarke : Oui, ce sont les histoires que nous entendons.

Mme Lukassen : J'aimerais ajouter quelque chose à ce qui a été dit. Ce qu'il y a d'unique à propos de la culture de Montréal, c'est qu'il s'agit véritablement d'une ville universitaire à de nombreux égards. Elle attire un grand nombre d'étudiants étrangers qui finissent par tomber amoureux de la ville, et pourquoi pas? Ils finissent par vouloir rester et nouent des relations.

Ce qui finit par se produire, c'est qu'ils réalisent que, pour réussir à une plus grande échelle à Montréal et au Québec, ils doivent parler français dans une certaine mesure. Une fois qu'ils ont fait face à cette réalité, ils viennent nous voir. Ils suivent nos cours de français et tentent de traduire leur curriculum vitae. Un grand nombre d'étudiants étrangers visitent notre centre. Je pense que c'est la raison pour laquelle nos chiffres sont si élevés à cet égard. Ils viennent vraiment ici pour fréquenter l'université et parfaire leur éducation, mais, plus tard, ils aimeraient rester.

La sénatrice Moncion : J'ai une question à vous poser à propos des petites et moyennes entreprises. Quel est le succès de ce programme? Quel pourcentage de jeunes commence par venir vous consulter avant de créer leurs propres entreprises?

M. Clarke : Nous contribuons à créer 200 petites et moyennes entreprises par année. Cela comprend, bien entendu, leur enregistrement et la mise en place de leur structure juridique. Après trois années d'activités, ce chiffre régresse assurément, étant donné que certaines entreprises ne survivent pas. C'est la réalité. Je pense qu'à l'échelle provinciale, la proportion est d'environ 30 p. 100.

Nous n'avons pas l'occasion de suivre l'évolution de ces données autant que nous le souhaiterions, mais elles montrent vraiment que les jeunes souhaitent devenir des entrepreneurs. Un nombre beaucoup plus important de jeunes pensent de cette façon. Parfois, ils le font par nécessité, parce qu'ils ne peuvent pas décrocher un emploi. D'autres sont de jeunes gens novateurs et créatifs qui désirent vraiment faire un travail différent.

Fait intéressant, Montréal est doté d'un excellent écosystème d'entrepreneuriat. Nous avons un grand nombre d'entreprises. Je pense que les Nations Unies nous classent parmi les 20 premiers à cet égard. Lorsqu'une étude a été menée pour classer la réussite des villes canadiennes en matière d'entrepreneuriat, je crois que Montréal s'est retrouvé dans les 10 p. 100 inférieurs. De nombreuses théories ont été avancées à ce sujet. Je ne peux pas parler de ces théories, mais, entre le milieu et le soutien offerts, la ville présente certaines difficultés uniques en leur genre.

La sénatrice Moncion : Le financement que vous recevez est substantiel. Vous ne manquez pas d'argent pour aider les petites et moyennes entreprises.

M. Clarke : Oui, nous manquons de fonds. Nous travaillons très fort pour nous assurer que nous obtenons les fonds nécessaires. Mais, lorsque nous finissons par examiner l'aide dont les petites et moyennes entreprises ont besoin pour jeter des bases solides et devenir profitables, nous constatons toujours qu'en raison de nos limites financières, nous leur donnons de la formation au lieu de leur donner des conseils complets.

En ce qui concerne l'île de Montréal en particulier, nous avons constaté que 2 000 personnes avaient visité notre bureau pour obtenir des conseils en matière d'entrepreneuriat. En fait, je suis incapable d'aider toutes ces personnes jusqu'à être en mesure de développer leur sens des affaires. Je peux leur expliquer la façon dont la structure fonctionne, ce qui est légal, ce qu'on peut faire à titre de comptable et ce qui est opérationnel, mais, en ce qui concerne l'aide qu'on peut leur apporter, les entreprises en démarrage s'occupent elles-mêmes de tout. Pour accroître nos chances, nous aurions besoin d'un financement accru qui nous permettrait de travailler avec eux un peu plus intensément.

La sénatrice Moncion : Dans le cadre d'un mentorat?

M. Clarke : Dans le cadre d'un encadrement professionnel et d'un mentorat. L'encadrement professionnel est beaucoup plus axé sur le perfectionnement des compétences professionnelles, alors que le mentorat est surtout une source de rétroaction. C'est à ce moment-là qu'ils deviennent légèrement opérationnels pour nous. Il y a un système en deux étapes.

[Français]

Le sénateur Mockler : Vous êtes dans l'air du temps. Vous êtes présents dans tous les débats sur ce qu'on appelle les médias sociaux. Compte tenu de votre expérience et de votre bonne réputation, j'aimerais savoir de quelle manière vous croyez que l'on devrait utiliser les réseaux sociaux pour faire connaître les bienfaits du bilinguisme partout au pays.

[Traduction]

Mme Lukassen : Les médias sociaux peuvent être des plateformes interactives. En soulignant des exemples de réussites et en célébrant le bilinguisme, vous captez l'attention des jeunes.

Cette génération comprend l'importance et la valeur du bilinguisme. Les jeunes voient maintenant sa valeur partout autour d'eux. C'est une période très différente de celle pendant laquelle je grandissais. Je vivais dans une bulle où le bilinguisme n'était pas très visible. L'île de Montréal est un tel creuset pour le mettre en valeur. Les entrepreneurs sont des gens ordinaires qui sont devenus bilingues et qui réussissent extrêmement bien dans divers domaines et diverses professions. Des vidéos et divers outils peuvent être utilisés pour faire ressortir cela auprès des jeunes.

Comme Rachel l'a indiqué avec tant d'éloquence, nous devrions faire la promotion du bilinguisme et le fêter partout au Canada. L'accent ne devrait pas être mis seulement sur le Québec, mais plutôt sur l'ensemble du Canada. Il n'y a aucune raison que nous ne soyons pas tous bilingues et que nous n'ayons pas tous accès à des programmes d'immersion ou à des stages. La meilleure façon d'apprendre une langue seconde consiste à socialiser, à fréquenter des anglophones ou des francophones, quel que soit le cas, et à apprendre d'eux. C'est la meilleure façon de s'intégrer dans son milieu, de se sentir inclus là où l'on vit et d'établir son identité. Les médias sociaux sont d'excellents moyens d'y parvenir.

M. Clarke : Je vais probablement m'étendre un peu sur le sujet parce que les médias sociaux ont rapport à la participation. Il s'agit d'un genre d'interaction. Les gens pensent que les médias sociaux concernent la diffusion. Il s'agit d'un genre d'univers complètement différent. Les jeunes aiment le fait qu'ils ont la possibilité d'aimer ou non quelque chose, de le partager et de formuler des commentaires à son sujet à partir d'un lieu où ils se sentent en sécurité. En ce qui a trait aux langues officielles, il faut en quelque sorte avoir une discussion franche et permettre aux gens de comprendre vraiment le bilinguisme et de saisir sa valeur.

Cela transparaît dans les histoires ayant une bonne fin, mais aussi dans la présentation de quelques-uns des défis. Les jeunes sont intuitifs; ils sont devenus très perspicaces à cet égard. Il y a un effet de fatigue liée aux communications. Nous sommes bombardés quotidiennement de messages et, par conséquent, nous distinguons ce qui est authentique de ce qui est artificiel. Le problème, c'est que vous devez vous assurer que la raison d'être des messages est fort sincère et mobilisatrice et, avec le temps, l'intérêt grandira. C'est comme le reste. Vous pouvez transmettre 20 messages au monde entier et n'obtenir aucune réaction, mais quelque chose sera retenu, prendra de l'ampleur et aura un effet d'entraînement. C'est ainsi que fonctionnent les médias sociaux. Il faut vraiment avoir des suiveurs, et je les considère comme des suiveurs de la langue officielle.

[Français]

La présidente : Je m'excuse, sénatrice Moncion, je croyais que vous aviez terminé. Allez-y.

[Traduction]

La sénatrice Moncion : Quel est votre taux de réussite, en ce qui concerne le programme YES que vous mettez en œuvre pendant l'été?

M. Clarke : C'est-à-dire?

La sénatrice Moncion : Il y a le programme que vous mettez en œuvre tout au long de l'année, mais, pendant l'été, vous recevez habituellement, dans le cadre du programme des Youth Employment Services, des fonds qui permettent aux employeurs d'embaucher des étudiants dont le salaire est subventionné à raison de 3 ou 4 $ de l'heure, le reste de la rémunération étant assumé par l'employeur. Le programme est-il un succès auprès de votre clientèle particulière?

M. Clarke : C'est le programme de stages dont je parlais plus tôt. Il a un taux de réussite de 95 p. 100. En fait, il ne se limite pas à l'été; nous le mettons en œuvre à longueur d'année.

Par ailleurs, nous offrons un programme d'un genre différent. Chaque année, nous plaçons 20 jeunes dans diverses entreprises. Ce programme a connu un franc succès. S'il y a un programme dans lequel nous devrions investir davantage, je crois que c'est le programme de stages. C'est un bon programme qui permet aux jeunes d'obtenir cette première expérience au sein d'une entreprise et de vraiment réussir. Nous savons tous que n'importe qui peut faire paraître attrayant tous les éléments de son curriculum vitae, mais c'est de l'expérience sur le terrain dont les jeunes ont besoin.

La sénatrice Moncion : Le programme donne-t-il de meilleurs résultats auprès des entreprises anglophones, ou les résultats sont-ils bien répartis entre les employeurs anglophones et francophones?

M. Clarke : Nous obtenons de bons résultats auprès des deux. Nous devons reconnaître que la communauté anglophone devient plus bilingue. Notre clientèle qui maîtrise les deux langues peut passer d'un poste à l'autre. Ces jeunes ont un avantage, ce qui est bien, mais nous cherchons toujours à nous assurer que les personnes unilingues ne sont pas laissées pour compte. C'est un peu le cas de tous.

La sénatrice Moncion : Ma dernière question porte sur quelque chose que vous avez dit plus tôt. Vous avez mentionné trois enjeux : les soins de santé, l'accessibilité et l'éducation. J'ai trouvé votre observation très intéressante.

Vous habitez dans une province francophone où vous pouvez être servie en français, peu importe l'hôpital ou l'établissement d'enseignement que vous visitez. Toutefois, lorsque vous essayez d'expliquer à des médecins francophones que le problème est ici ou là et qu'ils doivent comprendre vos besoins, c'est problématique. La même chose se produit lorsque vous sortez du Québec. Ce problème est observé dans tous les hôpitaux.

Comment les langues officielles pourraient-elles vous aider à régler ce problème?

Mme Lukassen : C'est une excellente question. Je ferai de mon mieux pour y répondre. Si l'on met de côté les tensions et la politique, je dirais que c'est une question de promotion de l'anglais et du français en tant que langues de valeur égale, ce qu'elles sont. L'une n'est pas supérieure à l'autre. Si tout le monde pouvait parler les deux langues aisément, nous ne serions pas forcés de parler le français ou l'anglais lorsque nous visitons une institution. Ce ne serait jamais un problème.

C'est là l'origine du problème. Si tout le monde était doté de cette capacité, aucun de nous n'aurait de problèmes. Nous nous porterions tous bien. La réalité est tout autre. Par conséquent, que faisons-nous maintenant? Je n'en suis pas sûre.

M. Clarke : Il est intéressant de constater que nous n'avons pas beaucoup parlé de la communauté francophone qui parle l'anglais, apprend cette langue et maîtrise les deux langues officielles. Le mot qui convient est « bilingue ».

En ce qui concerne les programmes scolaires, bon nombre de francophones ne sont pas autorisés à fréquenter des écoles anglophones. Certains règlements l'interdisent. Cela nuit vraiment à cette communauté lorsqu'il est question de soins de santé et d'autres enjeux de ce genre, parce que ses membres n'apprennent l'anglais que plus tard dans la vie.

C'est l'une des difficultés auxquelles nous faisons face. Les nouveaux arrivants sont inscrits à des programmes d'intégration en français et d'apprentissage de la langue, mais ils n'ont pas accès à des programmes d'apprentissage de l'anglais ou d'intégration en anglais.

Nous devons comprendre qu'ils doivent avoir simultanément accès aux deux, afin que nous puissions résoudre un grand nombre de ces problèmes. La majorité des gens avec lesquels je parle quotidiennement souhaitent être bilingues. Personne ne vient me demander de quoi je parle ou pourquoi j'en parle. Désormais, personne ne s'interroge sur les raisons du bilinguisme. Il faut maintenant nous assurer que nous pouvons parvenir à ce stade.

La sénatrice Moncion : En particulier, en ce qui concerne les jeunes. Oui, je partage votre avis.

M. Clarke : Parfois, j'ai l'impression que nous parlons toujours des raisons du bilinguisme, alors que ce n'est plus pertinent.

La présidente : Au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je vous remercie de vos exposés mûrement réfléchis. Vos observations sont fort pertinentes et nous seront très précieuses lorsque nous entreprendrons de parachever notre étude.

Je m'excuse que certains sénateurs aient été forcés de partir. Le Sénat siège en ce moment, et certains enjeux font l'objet de discussions que les sénateurs devaient entendre ou auxquelles ils devaient participer. Toutefois, les exposés que vous avez faits ici ont été très utiles.

Nous obtiendrons un compte rendu écrit de ces exposés et, si vous souhaitez y ajouter d'autres commentaires, veuillez vous adresser au greffier.

(La séance est levée.)

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