Aller au contenu
OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule no 13 - Témoignages du 12 juin 2017


OTTAWA, le lundi 12 juin 2017

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, afin de poursuivre son étude sur la perspective des Canadiens au sujet d'une modernisation de la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonsoir. Je m'appelle Claudette Tardif, présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Au nom du comité, c'est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue.

Ce soir, nous poursuivons notre étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Comme nous avons entamé notre étude avec la perspective jeunesse, nous accueillons ce soir trois jeunes étudiants qui ont été recommandés par l'organisme Canadian Parents for French. Nous recevons aussi la directrice générale de Canadian Parents for French, Mme Nicole Thibault. Vous n'êtes pas sans savoir que Canadian Parents for French est un organisme qui fait la promotion du français langue seconde auprès des jeunes Canadiens et Canadiennes et qui encourage l'apprentissage du français.

Avant d'entendre nos témoins, je demanderais aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.

Le sénateur Maltais : Sénateur Ghislain Maltais, du Québec. Bienvenue.

Le sénateur Cormier : Bonjour, René Cormier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Joan Fraser du Québec.

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak de l'Ontario. Bienvenue.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.

La sénatrice Bovey : Je suis Patricia Bovey, du Manitoba.

La présidente : Madame Thibault, vous allez commencer, nous entendrons ensuite les étudiants, puis les sénateurs poseront leurs questions.

[Traduction]

Nicole Thibault, directrice générale nationale, Canadian Parents for French : Merci beaucoup de nous accueillir. Non, je ne fais pas partie des jeunes, je prends donc la parole en premier, mais bien rapidement et seulement pour les présenter.

Comme la sénatrice Tardif l'a mentionné, Canadian Parents for French compte 26 000 membres partout au Canada. Il s'agit surtout de parents — pas seulement des parents, mais surtout des parents. Nous cherchons des organismes bénévoles informés par la recherche pour déterminer comment faire la promotion et créer des occasions d'apprendre le français, mais aussi de parler français.

Traditionnellement, nous avons peut-être fait du travail au sein des écoles. Nous continuons de le faire. Mais de plus en plus, nous tentons de veiller à ce qu'il y ait des possibilités à l'extérieur des écoles.

[Français]

Les interactions avec les francophones sont très importantes pour nous.

[Traduction]

Cette occasion pour un francophile d'utiliser sa langue et de discuter avec un locuteur natif pour favoriser la confiance fait une grande différence.

Nous existons depuis 1977; nous célébrons notre 40e anniversaire. Notre organisme a été fondé par Keith Spicer, premier commissaire aux langues officielles du Canada, qui a réuni 30 parents. Aujourd'hui, 40 ans plus tard, nous comptons 26 000 parents parmi nos membres. Cela en dit long sur la façon dont la demande et la popularité de programmes comme l'immersion française ont changé l'éducation des anglophones au Canada et créé ces possibilités.

Nous avons reçu le prix d'excellence du commissaire pour la promotion de la dualité linguistique en 2016. Le rapport vient d'être publié. Je suis ravie qu'il n'y ait pas de nouveaux récipiendaires, nous pouvons donc continuer de dire que nous sommes les derniers récipiendaires.

Dans le cadre de notre vision, nous voyons la dualité linguistique et culturelle comme partie intégrante de la vie quotidienne au Canada, et nous voulons discuter de nos priorités stratégiques. Les jeunes sont notre priorité. Il s'agit de notre premier pilier. Lorsque vous nous avez invités et nous avez demandé si nos jeunes pouvaient prendre la parole, c'était pour nous une occasion extraordinaire, parce que c'est à cet égard que nous croyons faire la plus grande différence.

Notre principale activité pour les jeunes est le Concours d'art oratoire en français. Il s'agit de l'activité la plus importante de ce genre dans cette langue puisque nous estimons que 63 000 étudiants y participent chaque année. C'est donc dire qu'un étudiant qui participe dans sa classe ou son école peut ensuite participer au concours de son conseil scolaire. On passe ensuite au niveau provincial ou territorial, puis à la finale dans la capitale nationale chaque année. Nous organisons ce concours depuis 15 ans.

Aujourd'hui je suis accompagnée de trois étudiants qui ont participé au Concours d'art oratoire de Canadian Parents for French à titre d'activité parascolaire pour pouvoir se servir du français comme langue seconde.

Je tiens à dire que nous avons aussi comme objectif de soutenir les parents. Comme vous pouvez l'imaginer, il y a de nombreux obstacles à surmonter lorsqu'on est anglophone et qu'on ne parle pas français au Canada. Comment veiller à ce que mon enfant ait accès à des programmes en français? Comme parent, je veux aussi m'assurer que les programmes sont efficaces. Comment savoir quel niveau de français sera atteint à la fin des études? Où me renseigner pour connaître les possibilités d'études postsecondaires en français? Pour de nombreux parents anglophones, voilà les obstacles qu'on travaille ensemble à surmonter pour offrir les meilleures occasions possible à leurs enfants.

Nous suivons vos travaux de très près. Nous sommes probablement les plus grands admirateurs du rapport intitulé Viser plus haut. Il fait partie de nos signets et nous y faisons référence. Nous le mettons en vedette, nous le citons, et il nous accompagne partout parce que les outils comme ceux-là peuvent vraiment nous aider dans le cadre de notre travail avec nos intervenants.

Nous mettons l'accent sur certaines de ces recommandations. Il est probable que l'une des choses les plus importantes que nous fassions pour nos jeunes soit d'augmenter les occasions d'interaction pour améliorer et maintenir le bilinguisme dans la société canadienne. C'est l'un de nos plus grands défis. Les étudiants vous parleront un peu de leurs réussites et de leurs défis.

Finalement, nous soutenons les partenariats stratégiques et y accordons beaucoup de valeur. Nous sommes un organisme fondateur du réseau des partenaires en français langue seconde. Nous travaillons avec les enseignants en immersion et les enseignants de langue seconde. Nous travaillons avec les deux groupes que vous avez rencontrés la semaine dernière, Le français pour l'avenir et Expérience Canada. Comme groupe, nous avons une voix plus forte pour le français comme langue seconde.

Nous avons aussi signé un protocole de collaboration avec...

[Français]

— l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, ce qui est important pour nous, parce que ce sont souvent les francophiles qui fréquentent les établissements postsecondaires francophones. Il est donc important d'avoir une structure de base, un mentorat et des programmes en place pour favoriser leur réussite. On sait que bon nombre de groupes pensent qu'ils ouvriront leurs portes, mais il faut quand même une structure de base pour les aider à réussir.

[Traduction]

Finalement, nous continuons notre travail, et à mesure que vous progressez, nous sommes là pour vous aider. Si nous pouvons vous aider en matière de recherche ou autre — nous avons souvent parlé à votre personnel —, nous serions plus que ravis de vous aider. Nous avons des services d'aide au public dans le cadre desquels nous offrons des statistiques ainsi que des renseignements sur les taux d'inscription et leur évolution dans chaque province. Merci.

[Français]

La présidente : Merci, madame Thibault. Ce prix que vous avez reçu du commissaire aux langues officielles est grandement mérité. Votre organisme fait un travail remarquable et très important pour notre société.

Avant de demander aux étudiants de faire leur présentation, j'aimerais vous présenter deux autres sénatrices.

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Moncion : Lucie Moncion, de l'Ontario.

La présidente : Merci. Qui va commencer? Nous avons Austin Henderson, Cristina Andronic et Lucy Asante.

[Traduction]

Austin Henderson, représentant, Canadian Parents for French : Bon après-midi, madame la présidente et honorables sénateurs membres du comité.

[Français]

J'aimerais vous remercier de nous avoir invités à participer à cette conversation importante.

[Traduction]

Je m'appelle Austin Henderson. Je suis né et j'ai été élevé au Nouveau-Brunswick. J'ai terminé mes études dans un programme d'immersion française précoce aux Nouveau-Brunswick dans une école d'un village rural d'environ 2 000 habitants.

Le Nouveau-Brunswick est la seule province bilingue du Canada. Nous continuons toutefois à connaître des difficultés relativement à l'intégration des deux langues officielles.

[Français]

En tant que jeune Néo-Brunswickois venant d'une famille et d'une région pour la plupart unilingue, je suis fier de ma deuxième langue, mais je reconnais qu'il y a du travail à faire.

[Traduction]

J'ai été extrêmement chanceux d'avoir développé une passion pour le bilinguisme dès un jeune âge. Cette passion ne se serait toutefois pas attisée sans le soutien et la motivation d'organismes et d'enseignants. C'est pourquoi ces deux groupes d'intervenants jouent un rôle essentiel dans l'application de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

De la 6e à la 12e année, j'ai participé au concours d'art oratoire de Canadian Parents for French au niveau régional ainsi que provincial. L'an dernier, j'ai eu l'occasion de participer au concours au niveau national.

[Traduction]

En 2014, j'ai pu me rendre en France pour une expérience d'immersion en vue d'améliorer, d'adopter et de perfectionner ma deuxième langue. J'ai récemment été nommé vice-président du conseil d'administration du Nouveau- Brunswick de Canadian Parents for French.

[Français]

Mes expériences auprès de l'organisation Canadian Parents for French et à l'étranger m'ont permis d'améliorer ma langue seconde à l'extérieur d'une salle de classe.

Malgré mon inscription au programme d'immersion, j'étais seulement inscrit à cinq cours de français pendant mes deux dernières années à l'école. Deux de ceux-ci ont dû être suivis en ligne à cause des options limitées offertes à mon école rurale.

[Traduction]

Après un an d'études universitaires, je n'ai toujours pas pu suivre un cours dans ma langue seconde. Mes capacités et celles de nombreux étudiants en immersion française au pays sont compromises parce que nous n'avons pas suffisamment d'occasions, surtout après l'obtention de notre diplôme, d'améliorer nos compétences en langue seconde en français et en anglais. Même dans la seule province bilingue, nous devons faire face à des difficultés pour ce qui est d'obtenir l'accès aux outils nécessaires.

C'est pour cette raison que la rétroaction des jeunes Canadiens est si importante. Au Nouveau-Brunswick, j'aurais tort de dire qu'il n'existe plus de division entre les anglophones et les francophones, mais je crois fermement que ce n'est pas forcément le cas parmi les jeunes Canadiens. Nous voulons apprendre le français et nous voulons des possibilités et nous voulons que notre pays devienne bilingue. Nous reconnaissons les avantages à long terme du bilinguisme et nous profitons rapidement des possibilités qui s'offrent à nous grâce au bilinguisme.

[Français]

Je vous recommande de vous assurer que les jeunes soient inclus dans ce processus et, d'ailleurs, que ce soit non seulement les jeunes bilingues comme nous qui avons l'occasion de témoigner, mais aussi ceux qui n'ont pas eu le privilège d'apprendre leur langue seconde.

[Traduction]

Pour ce qui est des recommandations découlant de mon expérience au Nouveau-Brunswick, je dirais que le gouvernement fédéral devrait travailler de plus près avec les gouvernements provinciaux pour s'assurer que, en fait, ils offrent des services bilingues efficaces et égaux. En agissant ainsi et en normalisant la prestation de tous les services dans les deux langues officielles, j'estime que les jeunes embrasseront notre dualité linguistique.

Par exemple, au paragraphe b) de la loi, on cherche à appuyer le développement des communautés linguistiques minoritaires anglophones et francophones. Dans ma province, ces communautés sont typiquement rurales et n'apprécient pas forcément la présence de leurs homologues linguistiques.

À l'article 7, on parle de l'avancement de l'anglais et du français tandis que l'alinéa 41b) porte sur la pleine reconnaissance et utilisation des deux langues officielles dans la société canadienne. Pour que cet objectif soit réaliste, le gouvernement fédéral doit reconnaître que, dans les faits, l'apprentissage d'une langue seconde constitue bien souvent un privilège.

Ces services doivent donc être offerts à tous les Canadiens, peu importe leur race, l'endroit où ils vivent, leur ethnicité, leur âge ou le fait qu'ils travaillent ou non. Cela comprend de la formation en langue seconde pour l'obtention d'un emploi, des possibilités d'emploi, et cetera.

En fait, je suis du même avis que l'association Canadian Parents for French qui préconise que l'apprentissage de l'anglais et du français langue seconde devrait être considéré comme un droit pour les Canadiens dans un pays censé être bilingue.

[Français]

Afin de s'assurer que la section mentionnée soit bien exécutée, le gouvernement fédéral doit reconnaître l'importance de l'apprentissage par l'expérience dans le processus d'apprentissage d'une langue seconde. L'avancement d'un pays et de son bilinguisme repose sur les générations d'aujourd'hui. À ces fins, il est essentiel d'avoir la possibilité de vivre des expériences hors de la salle de classe.

[Traduction]

À l'article 18 de la partie III qui porte sur l'administration de la justice, la loi indique que les mesures judiciaires ne seront menées dans la langue officielle de choix que si l'État est partie au litige. Par conséquent, si une famille britanno- colombienne demandait des procédures de divorce en français, le gouvernement britanno-colombien n'aurait aucune obligation à cet égard, tandis qu'au Nouveau-Brunswick, nous avons déjà une Loi sur les langues officielles, si bien que cela serait considéré comme un droit, ce qui prouve que les services offerts au Canada ne sont pas uniformes d'une province à l'autre.

En modernisant la Loi sur les langues officielles en l'honneur du 150e anniversaire du Canada, nous pourrions ainsi améliorer le sort des langues officielles et les services bilingues. Les Canadiens ne peuvent pas être passionnés des deux langues officielles s'ils n'ont pas l'occasion de les apprendre. Et ils ne peuvent pas avoir l'occasion d'en faire l'apprentissage sans l'appui du gouvernement fédéral et de sa collaboration avec chacune des provinces.

[Français]

Nous ne pouvons pas considérer le Canada comme étant un pays bilingue si chaque citoyen n'a pas la même occasion d'apprendre nos deux langues et si notre pays et nos provinces continuent à vivre des expériences séparées basées sur nos deux langues.

[Traduction]

La solution consiste donc à permettre à tout le monde d'apprendre l'anglais ou le français comme langue seconde, ce qui permettrait au Canada de devenir, dans les faits, un pays bilingue.

[Français]

Je vous remercie une fois de plus de nous avoir invités, et j'ai hâte de répondre à vos questions.

La présidente : Merci, Austin.

Cristina Andronic, représentante, Canadian Parents for French : Bonjour à tous, madame la présidente et membres du comité. J'aimerais vous remercier de cette occasion de m'exprimer aujourd'hui sur les langues officielles.

Je m'appelle Cristina Andronic et je viens d'Ottawa. Je suis ici afin de représenter Canadian Parents for French, qui est une organisation dont la mission est de promouvoir le français parmi les jeunes Canadiens et Canadiennes.

J'ai été inscrite au programme d'immersion française de la 4e année jusqu'à la 12e année.

[Traduction]

Toutefois, en raison du manque de ressources dans les écoles élémentaires et secondaires, mon école n'avait pas de programme d'immersion en français bien établi, de sorte qu'en 12e année, je ne suivais qu'un seul cours en français — c'est-à-dire le cours de français.

[Français]

De la 9e année jusqu'à la 11e année, j'ai participé au concours d'art oratoire organisé par Canadian Parents for French. Je me suis qualifiée pour les compétitions provinciales, où j'ai remporté le premier prix pendant trois années consécutives. Tous les gagnants provinciaux de la 11e et de la 12eannée ont l'occasion de participer au niveau national.

[Traduction]

La compétition au niveau national est tout à fait inoubliable et constitue une merveilleuse expérience. Il est inspirant de voir rassemblés, d'un peu partout au Canada, des jeunes qui se passionnent pour le français et le bilinguisme. On a parlé de l'adversité et de l'apprentissage du français. On a parlé des activités parascolaires en français. C'était une merveilleuse occasion de réunir tout le monde et de voir l'ampleur de la langue française au Canada et le nombre de personnes qu'elle touche.

[Français]

J'ai gagné le concours d'art oratoire national et j'ai reçu la bourse de CPF, ce qui m'a davantage inspirée à continuer mon aventure avec cette belle langue et à poursuivre mes études à l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

Depuis trois ans, j'étudie à l'Université d'Ottawa où je suis le programme intensif de français. Cela me permet de suivre des cours tant en anglais qu'en français. Les possibilités qui s'offrent à moi à l'Université d'Ottawa sont incroyables. Je n'ai pas eu de difficulté à m'inscrire à des cours en français. L'université compte de nombreux clubs destinés aux anglophones qui veulent pratiquer leur français oral, et j'ai été vraiment enchanté de voir dans quelle mesure ces possibilités sont offertes aux étudiants.

Toutefois, lorsque je suis passé du programme de science biomédicale à un programme appelé « médecine moléculaire et translationelle », j'ai constaté que cela posait problème. Par exemple, le programme en français n'est pas bien développé et, bien sûr, c'est parce qu'il est offert pour la première fois cette année, mais nous avons dû faire face à certains problèmes comme des professeurs francophones qui disaient aux étudiants francophones de ne pas étudier les sciences en français parce que la lingua franca de ce domaine est l'anglais.

C'était très difficile à entendre parce qu'on ne veut pas se faire dire que la langue dans laquelle on veut apprendre n'est pas la bonne. Nous travaillons pour aider le programme de médecine moléculaire et translationelle à s'améliorer à cet égard. Nous avons parlé au conseil d'administration de ce programme, et il va travailler à mettre en place un programme en français plus rigoureux pour les nouveaux étudiants.

Cette année, j'ai reçu une offre d'admission au programme de médecine de l'École de médecine de l'Université d'Ottawa. Il est incroyable que l'Université d'Ottawa soit la seule université en Amérique du Nord à offrir le programme de médecine dans les deux langues officielles, et j'ai très hâte d'entreprendre ma formation en médecine et de communiquer avec de futurs patients en français et en anglais.

Je crois que le fait de parler aux gens dans la langue de leur choix permet de tisser des liens plus solides, de renforcer la confiance, et je me réjouis à cette idée.

Je suis très heureuse que le français m'ait aidée dans mon apprentissage d'autres langues. Il m'a aidée dans ma langue maternelle, le roumain, et il m'a aidée à apprendre ma quatrième langue, l'espagnol.

Mise à part l'école, je fais du bénévolat auprès de CPF et dans le cadre d'un événement très important qui est celui de Sir Wilfrid Laurier, où des jeunes de partout au Canada se sont rassemblés pour rendre hommage à M. Laurier et aux efforts qu'il a déployés pour accorder au français une place égale à celle de l'anglais au Canada. C'était une incroyable leçon d'histoire canadienne.

Nous avons assisté à l'allocution d'un député du nom de Peter Schiefke, et j'ai trouvé incroyable qu'il ait pu franchir toutes les étapes les plus importantes de sa vie grâce au fait qu'il ait pu parler les deux langues officielles du Canada. Cela m'a inspirée à continuer à étudier le français pendant toute ma vie.

Enfin, et là aussi cela n'a rien à voir avec l'école, j'ai eu l'énorme chance de pouvoir voyager en Europe quasiment chaque année avec ma famille. Je remarque que le fait d'avoir appris le français m'a beaucoup aidée pendant mes voyages. Cela m'a permis d'interagir avec les gens du coin et d'apprécier encore plus leur culture. Cela permet d'apprécier les us et coutumes et cela apporte une expérience incroyable, par exemple, dans des pays comme la France, la Suisse et la Belgique.

[Français]

En 2011, j'ai voyagé avec mon équipe de gymnastique pour participer au World Gymnaestrada.

[Traduction]

Il s'agit d'un événement où les gymnastes du monde entier se réunissent dans une ville pour manifester leur amour de la gymnastique et mettre en valeur leurs talents dans cette discipline, et tout le monde là-bas parlait...

[Français]

— soit l'anglais, soit le français.

[Traduction]

Comme je connaissais les deux langues, j'ai pu parler à tout le monde, ce qui n'a fait qu'accroître la qualité de mon expérience.

[Français]

Je vous remercie et je suis prête à répondre à vos questions.

La présidente : Merci, Cristina.

Lucy Asante, représentante, Canadian Parents for French : Bonjour, je m'appelle Lucy Asante, je suis étudiante en 4e année à l'Université d'Ottawa et je me considère comme un individu anglophone avec une compétence professionnelle limitée en langue française.

Même si je suis née au Canada, je viens d'un milieu africain et je m'associe grandement avec mon identité africaine. Ma famille s'est établie à Winnipeg et ma mère, une réfugiée congolaise, me raconte les défis de l'intégration dans la société canadienne. Pour elle, la difficulté d'appartenir à une communauté minoritaire représentait en bonne partie les limitations linguistiques par rapport à l'éducation, à l'emploi et à la qualité de vie en général. Elle voulait que ses enfants soient multilingues, et c'est pour cette raison qu'elle a décidé de m'inscrire aux cours d'immersion à l'école secondaire. Peu avant sa décision, j'ai suivi le curriculum de français de base du Manitoba. Ce curriculum dépend essentiellement de la structure de la langue. Donc, mon français à l'écrit était bien développé, mais j'avais encore du mal à m'exprimer oralement.

[Traduction]

C'est en neuvième année que j'ai commencé à participer à des concours d'art oratoire dans mon école et à l'échelle de la province et, même si c'était très éprouvant pour les nerfs, c'était la première fois qu'on me donnait l'occasion de mettre en pratique mes compétences en français.

Je me suis retrouvée confrontée aux mêmes limites que mes camarades du secondaire. Même si on nous avait donné tous les outils pour progresser dans notre deuxième ou troisième langue, nous n'avions que très peu l'occasion d'entretenir nos compétences et de les améliorer.

Aujourd'hui, le programme de français de base au Manitoba semble suivre une démarche déséquilibrée axée sur l'alphabétisation en matière d'apprentissage du français. Tout au long de mon expérience en salle de classe, nous nous sommes principalement concentrés sur l'apprentissage de structures de phrases complexes et de temps de verbe obsolètes, et donc même si nous sommes nombreux à être capables d'écrire, nos compétences orales dans le cadre de conversations ordinaires en ont beaucoup souffert et nous empêchent de parler avec une aisance relative et fluidité.

[Français]

Avec Canadian Parents for French, j'ai eu l'occasion de participer au concours national, et je me trouve aujourd'hui dans la capitale nationale, où je poursuis mes études à l'Université d'Ottawa. Au niveau supérieur, plusieurs subissent des difficultés, mais grâce au Centre d'aide à la rédaction des travaux universitaires et à certaines règles académiques, j'ai eu accès à une multitude de ressources qui favorisent le succès académique.

De plus, tout étudiant a le droit de rédiger ses travaux et de répondre aux questions d'examen soit en anglais, soit en français. Ce droit est très utile pour ceux qui ont de la difficulté avec la langue.

[Traduction]

La modernisation de la Loi sur les langues officielles est une initiative importante, car la loi devrait refléter la diversité au sein des populations partout au Canada. Aujourd'hui, nous nous concentrons beaucoup sur la dualité. Toutefois, il ne faut pas oublier les nombreuses langues qui gagnent en importance dans notre pays.

Plus tôt, j'ai parlé des limites linguistiques de ma mère. Toutefois, étant donné que l'on parle généralement le français en République démocratique du Congo, elle avait tout de même accès à de nombreux services en français et elle était capable de communiquer à l'aide du français, même si la communauté francophone de Winnipeg est relativement petite.

J'ai fait un voyage à Toronto l'été dernier, qui m'a donné une nouvelle perspective sur la diversité culturelle et linguistique au Canada et qui m'a montré combien cela était en train de changer. Alors que je faisais la queue à la banque, au centre-ville de Toronto, j'ai remarqué qu'on y offrait des services en anglais et en mandarin pour répondre aux besoins spécifiques de la population asiatique grandissante dans la région.

[Français]

Selon moi, il faut reconnaître non seulement le patrimoine du bilinguisme, mais aussi il faut que cette modernisation soit une représentation de cette nouvelle identité canadienne. Plusieurs immigrants constituent des portions importantes de nos communautés et, dans le cas de la ville de Toronto, il est nécessaire d'accommoder les besoins des régions spécifiques.

[Traduction]

J'espère non seulement voir les choses s'améliorer pour la communication orale dans la façon d'enseigner le français, mais aussi une démarche plus inclusive envers le français parlé dans des groupes minoritaires partout au Canada pour tenir compte de l'identité linguistique changeante du pays.

[Français]

Je suis honorée de participer à cette conversation aujourd'hui, et j'ai hâte de voir tous les projets qui se réaliseront dans un avenir rapproché. Merci.

La présidente : Je vous remercie, encore une fois, pour vos témoignages. Vous êtes de jeunes professionnels remarquables. Je l'ai dit la semaine dernière aussi lorsque nous avons reçu un groupe de jeunes étudiants et étudiantes. Vos parents et vos enseignants doivent être très fiers de vous.

[Traduction]

Canadian Parents for French, vous avez fait un excellent travail. Il s'agit là de remarquables jeunes professionnels, et je tiens à féliciter chacun et chacune d'entre vous pour les initiatives personnelles que vous avez prises afin de progresser et de faire du français une réalité plus tangible pour vous et vos camarades. C'est très important.

Austin, je dois dire que j'ai été très impressionnée par votre connaissance de la Loi sur les langues officielles, lorsque vous en avez cité l'alinéa 41b) et la partie VII. C'était très impressionnant. Je vous en remercie.

[Français]

Pour la période des questions, nous allons commencer avec le sénateur Cormier, suivi de la sénatrice Bovey.

Le sénateur Cormier : Merci beaucoup pour vos allocutions qui sont fort inspirantes. Je dirais même qu'il est émouvant, pour un francophone vivant en milieu minoritaire, d'entendre trois jeunes anglophones nous parler de cette façon de la langue française. Vous avez fait l'une des plus belles odes à la langue française que j'ai entendues depuis longtemps par vos témoignages, vos expériences et vos prix. Je suis impressionné.

Monsieur Henderson, vous êtes du Nouveau-Brunswick, une province que je connais bien. Vous êtes d'une région rurale anglophone et vous maîtrisez la langue française d'une belle manière. Je n'ai jamais entendu une personne au Nouveau-Brunswick issue d'une communauté de langue anglaise parler le français comme vous le faites.

En 2013, une étude a été faite par Jean-François Lepage et Jean-Pierre Corbeil pour le compte de Statistique Canada. Selon l'étude en question, seulement 8 p. 100 des anglophones au Canada et 6 p. 100 des anglophones hors Québec parlent aussi le français et sont donc bilingues. Selon cette même étude, ce pourcentage serait en baisse depuis 2001.

Au-delà du travail formidable que fait Canadian Parents for French, quelles sont vos motivations profondes? Quels ont été les événements ou les facteurs qui font que vous parlez le français et que vous continuez de le parler, particulièrement pour ceux et celles d'entre vous qui habitent des régions anglophones?

M. Henderson : Je peux répondre en premier à cette question. Venant d'une région rurale du Nouveau-Brunswick particulièrement anglophone, j'ai commencé le français en 1re année. C'était le choix de mes parents, ce n'était pas le mien, mais, aujourd'hui, je suis tellement reconnaissant qu'ils aient pris cette décision pour moi.

J'ai grandi dans une ville où peu de gens parlaient le français. C'était pour moi une motivation de devenir bilingue et de devenir la personne qui véhicule le message que le bilinguisme, c'est important. Aujourd'hui, beaucoup de personnes comprennent qu'être bilingue ouvre des portes.

Il y a aussi le fait que j'ai grandi parmi des personnes qui disaient que le Nouveau-Brunswick était bilingue, que le Canada était bilingue, même si j'habitais dans une région où très peu de personnes étaient bilingues. Je voulais apporter ma contribution pour honorer cette réputation et pour encourager les autres personnes à parler français, car, si on a la réputation d'être une province bilingue, il est important de l'être réellement.

À titre de jeunes, nous avons une voix qui peut être entendue par les personnes en position de pouvoir. Cela nous donne l'occasion de nous exprimer dans les deux langues pour expliquer l'importance du bilinguisme. Éventuellement, si on continue ainsi, je crois qu'il deviendra normal de voir des personnes bilingues.

C'est une motivation, mais chaque initiative que j'ai l'occasion de prendre contribue à me motiver. En 6e année, j'ai commencé le concours oratoire et, ensuite, j'ai continué à participer au concours jusqu'à la 12e année. Cela se poursuit à l'aide d'initiatives différentes, mais c'est ma première motivation.

[Traduction]

Mme Andronic : En ce qui concerne toutes les langues, j'aime les langues, alors plus j'en apprends, plus je m'amuse. Mais pour ce qui est du français plus précisément, si vous apprenez l'histoire canadienne, il est quasiment impossible de ne pas vouloir ou de ne pas ressentir le devoir d'apprendre le français. Bien des gens ont sacrifié leurs vies pour aider le français à obtenir le même statut que l'anglais. Apprendre l'histoire canadienne vous inspirera vraiment à apprendre le français.

De plus, le fait d'avoir été inscrite en immersion à un très jeune âge m'a beaucoup aidée. Dans les écoles, j'ai remarqué que les étudiants qui ne sont pas en immersion précoce sont moins emballés à l'idée d'apprendre le français au secondaire. Je crois que plus vous commencez tôt, plus cela fait partie de votre identité, et plus vous êtes fier de pouvoir parler français.

Également, en vieillissant, vous pouvez prendre part à des activités comme le concours, où les gens vous disent : « Vous devriez parler en français, vous pouvez parler en français et nous allons vous aider. » C'est incroyable et motivant, et je crois qu'un plus grand nombre d'organisations comme celle-ci sont vraiment utiles pour les jeunes au Canada.

Mme Asante : Je suis d'accord avec Cristina pour dire qu'il est extrêmement important d'apprendre le français dès un jeune âge. Je n'ai pas nécessairement eu la chance de commencer très jeune, mais étant donné mon identité congolaise, il est important pour moi d'apprendre le français et de pouvoir communiquer avec mes grands-parents, mes parents et mon cercle familial élargi. Il fallait donc que je commence le plus vite possible.

[Français]

Le sénateur Cormier : J'aimerais vous poser une question complémentaire qui peut s'adresser à vous trois, mais qui s'adresse peut-être plus particulièrement à M. Henderson.

Dans le cadre de votre apprentissage et de votre motivation, quelle est votre relation avec les Acadiens et les francophones du Nouveau-Brunswick? S'agit-il d'une relation constante ou occasionnelle? Est-ce une source de motivation ou non? Comment vivez-vous cette relation avec la communauté francophone?

M. Henderson : Vous parlez de la communauté acadienne en particulier?

Le sénateur Cormier : Oui.

M. Henderson : La région d'où je viens est une région particulièrement à l'écart des régions acadiennes. Je me souviens que, lorsque j'étais en 5e année, le programme d'enseignement en français et en histoire incluait l'apprentissage de l'histoire des Acadiens. Au Nouveau-Brunswick, l'apprentissage de cette partie importante de l'histoire encourage les jeunes à parler français. À cet âge, pour moi, c'était quelque chose d'intéressant. Les Acadiens font partie d'une histoire très importante dans notre province, qui nous permet d'établir des liens et qui nous motive à poursuivre l'apprentissage du français. Cependant, en dehors de tous ces cours à l'école, il n'y a pas vraiment de lien, parce que les communautés francophones et anglophones, surtout dans les régions rurales au Nouveau-Brunswick, sont plutôt séparées.

Le sénateur Cormier : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Bovey : Je suis véritablement inspirée par votre engagement et votre dévouement. J'admire ce que chacun de vous a accompli. Je sais que ce n'est pas facile.

J'ai quelques questions qui s'adressent à vous tous, mais Austin, vous avez dit que lorsque vous étiez à l'école, les occasions bilingues n'existaient pas. J'aimerais connaître votre opinion là-dessus. J'ai un avis bien précis sur cette question, car il y a bien longtemps de cela, j'avais une fille qui a terminé ses études en immersion française et qui par la suite a perdu son français, car elle n'a eu aucune occasion de s'en servir.

J'aimerais savoir ce que vous pensez pouvoir faire pour changer cette dynamique qui date d'une vingtaine d'années.

M. Henderson : Je crois tout à fait qu'il s'agit d'un problème, particulièrement au Nouveau-Brunswick, province qui est considérée bilingue. J'ai fréquenté l'école en immersion française, comme bon nombre d'autres personnes qui ont terminé leurs études en même temps que moi. Depuis ce temps-là, beaucoup d'entre eux n'ont jamais eu l'occasion de parler français et commencent déjà à l'oublier.

La principale raison pour laquelle j'étais nerveux à l'idée de venir ici était qu'il y avait bien longtemps que je n'avais pas parlé français, car autour de moi tout se déroule en anglais, même lorsque je suis au Nouveau-Brunswick. Mon français s'en vient même rouillé, si je peux m'exprimer ainsi, et je suis une personne qui a participé à des initiatives bilingues.

Afin de corriger ce problème, nous devons pouvoir normaliser l'intégration du français et de l'anglais. Même dans une province comme le au Nouveau-Brunswick, réputée être bilingue, les services ne sont pas nécessairement toujours offerts en français et en anglais, surtout dans les régions où je suis. Il est en quelque sorte sous-entendu qu'il s'agit d'une région anglaise. Toutefois, nous devons oublier cette façon de penser et normaliser l'immersion française pour les jeunes de même que normaliser les services et les occasions de parler français une fois qu'ils obtiennent leur diplôme. Nous devons continuer d'offrir des services supplémentaires à ceux qui peuvent parler les deux langues, car c'est un élément de motivation.

Il faut commencer tôt et normaliser le programme d'immersion française pour commencer avec les jeunes. La situation finira par s'améliorer.

L'histoire de la fille de madame est répandue, malheureusement. Il faut normaliser partout les services en français et oublier l'idée qu'il s'agit d'une « communauté anglophone » ou d'une « communauté francophone ». L'intégration des deux langues aidera à corriger la situation.

Mme Andronic : Je suis d'accord avec vous qu'une fois que le français fait partie de votre identité, vous ne voulez pas le perdre. Comme votre fille, je comprends que lorsque vous n'avez pas l'occasion de parler français aussi souvent que vous le faisiez à l'école secondaire, vous avez presque le sentiment de perdre une partie de votre identité. Il est triste de voir que vous devez faire des efforts pour trouver des occasions de parler français avec d'autres plutôt que de pouvoir le parler librement.

Il est fantastique de savoir qu'il existe des services pour les gens qui veulent parler français avec d'autres, s'ils recherchent ces occasions, mais il serait préférable que les gens apprennent les deux langues dès leur plus jeune âge afin de pouvoir les utiliser librement. De cette façon, on encouragerait les gens à continuer d'utiliser l'anglais et le français à l'âge adulte. C'est là qu'il faut s'attaquer au problème, en travaillant auprès des jeunes.

Mme Asante : Je suis d'accord avec mes deux collègues. Il faut travailler auprès des jeunes.

J'ai aussi découvert que bon nombre d'entre nous semblons gênés de nous exprimer en français, surtout lorsque des francophones sont présents, car nous craignons de faire une erreur ou que les gens découvrent que nous sommes en réalité anglophones et que nous ne parlons pas français en tout temps. Il est important de développer sa confiance à parler en français dès le plus jeune âge, car si on commence tôt, ce sera plus facile à l'âge adulte.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie.

Austin, vous avez dit au cours des consultations que vous étiez heureux que nous vous rencontrions, mais, fait intéressant, vous avez fait remarquer que nous devrions peut-être parler à des jeunes qui n'ont pas eu la chance d'apprendre l'autre langue officielle. Voulez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? C'est un point de vue intéressant, car les élèves d'un océan à l'autre n'ont pas tous l'occasion de s'inscrire dans une école anglaise ou française, c'est-à- dire dans une école qui n'est pas dans la langue qu'ils parlent à la maison.

M. Henderson : J'aimerais beaucoup vous en parler. Je vais reprendre l'exemple du Nouveau-Brunswick, si vous me le permettez.

Je suis diplômé d'un programme d'immersion en français. Je fréquente une école dans un secteur plutôt rural. Cette région est assez centrale pour que nous ayons un programme d'immersion en français, mais il y a des écoles dans notre province qui n'ont pas cette chance.

Dans une province bilingue, nous avons des écoles situées loin des villes qui n'ont pas cette chance du tout. Au Nouveau- Brunswick, cet automne, nous commencerons le programme d'immersion en français dès la première année. Il y a des initiatives visant à donner aux écoles en milieu rural la possibilité d'offrir aussi des classes d'immersion en français dès la première année, ce qui est incroyablement important.

Il y a cet écart qui explique que des élèves qui fréquentent actuellement l'école n'ont jamais eu la possibilité d'apprendre le français. Lorsqu'ils obtiennent leur diplôme, ils se disent : « Oh, il est trop tard. » Cela perpétue la séparation et la division constantes entre les services en français et en anglais, et nuit à l'intégration des deux communautés.

Au Nouveau-Brunswick et ailleurs, il y a des personnes qui n'ont jamais l'occasion d'apprendre leur deuxième langue officielle, parfois parce qu'ils ont déjà des difficultés avec leur première langue, l'anglais. Peu importe la raison, il y a des personnes qui ne peuvent tout simplement pas apprendre le français.

Il est important de les consulter également, car nous avons cette occasion en or de participer à des programmes d'immersion en français et à des initiatives auprès d'organisations comme CPF, mais il y en a qui ne peuvent pas le faire. Il y a des élèves qui sont bilingues, qui participent au Concours d'art oratoire de CPF, mais qui ne passent pas au niveau national. Ils ne font pas ces liens, ne participent pas à des initiatives de CPF comme le projet Laurier. Il est important de les consulter et de leur poser la question : Où était la division? Qu'est-ce qui vous a empêché d'avoir ces possibilités? Comment la Loi sur les langues officielles et le gouvernement fédéral peuvent-ils aider à surmonter cet obstacle?

Mme Asante : C'est souvent aussi une question de ressources. J'ai grandi dans le secteur du conseil scolaire St. James- Assiniboia, à Winnipeg. J'ai fréquenté l'école secondaire Sturgeon Heights Collegiate, la seule école secondaire du conseil scolaire qui proposait un programme d'immersion. Plus tard, ma famille a déménagé dans un autre secteur de la ville. Pour continuer à suivre les cours de français, j'ai dû prendre l'autobus pour aller à l'école, un trajet quotidien de plus de 45 minutes.

Je pense qu'il est important d'accroître les ressources et de faire en sorte que celles-ci soient suffisamment souples pour que les élèves aient accès à des cours de français dans tout le conseil scolaire.

[Français]

La sénatrice Gagné : Félicitations! Je pense que vous sous-estimez vos compétences en langue française. J'aimerais vous dire que vous ne devriez pas ressentir de l'insécurité lorsque vous vous exprimez en français, parce que vous le parlez très bien. La semaine dernière, j'ai demandé aux jeunes qui se sont présentés ici de remercier leurs parents d'avoir pris cette décision de les avoir inscrits au programme d'immersion. J'aimerais que vous transmettiez ce même message à vos parents. Je crois qu'ils ont pris une bonne décision, malgré le risque encouru, de vous inscrire à l'école dans une autre langue que leur langue maternelle.

Il y a une belle sagesse chez vous que je trouve très inspirante. Si vous aviez un message à transmettre au gouvernement du Canada au sujet de la promotion des deux langues officielles dans la société canadienne, quel serait- il?

M. Henderson : Je leur suggérerais de commencer à mettre l'accent sur les jeunes afin de leur offrir des services autant en anglais qu'en français. Cela doit commencer avec les jeunes, car nous parlons de jeunes qui, devenus adultes, perdent leur capacité de parler les deux langues. Il y a plusieurs difficultés lorsque nous atteignons l'âge adulte. En commençant à mettre l'accent sur les jeunes, et en leur offrant autant de services en anglais qu'en français, il deviendra usuel pour eux de s'exprimer dans les deux langues.

[Traduction]

Je vais reprendre mon exemple du Nouveau-Brunswick. En ciblant les jeunes, on normalise cette conversation et on règle plus de problèmes que celui où, lorsqu'ils seront adultes, ils perdront leur deuxième langue. Nous aborderons aussi les divisions culturelles et sociales qui reposent sur la langue. Cela améliorera toute la situation. Personnellement, je préconise qu'on cible les jeunes, car je crois que cela aura un effet domino positif.

[Français]

La sénatrice Gagné : Afin de poursuivre la discussion en ce qui concerne la normalisation de la vie en français, je comprends que, pour vous, c'est important. En tant que jeunes, croyez-vous que, en ce qui a trait aux communications, l'on met suffisamment d'accent afin d'investir davantage dans la francisation, par exemple, en utilisant les médias sociaux pour rejoindre les gens de partout au Canada, et ce, en français?

M. Henderson : Je pense que c'est important de normaliser non seulement le français, mais aussi l'anglais afin de normaliser le bilinguisme, car il y a des régions francophones au Nouveau-Brunswick qui ne normalisent pas l'anglais, et des régions anglophones qui ne normalisent pas le français. C'est ainsi dans tout le pays. Dans les médias sociaux, c'est presque une habitude de ne pas s'exprimer en français, même si nos amis à travers le pays sont bilingues.

Lorsque je parle à n'importe quel participant au concours, même en sachant qu'il est impliqué avec CPF et qu'il est bilingue, il est normal de parler en anglais. J'ignore pourquoi, mais c'est normal. Une chose qui m'a beaucoup aidé lorsque je me pratiquais pour le concours, c'était d'écouter la radio et la télévision en français. C'est quelque chose qui peut aider à normaliser le français lorsqu'il s'agit de conversation. En écoutant plus de radio et de télévision en français, cela pourrait également normaliser les conversations dans les médias sociaux en français.

La sénatrice Gagné : Est-ce que vous aimeriez faire un commentaire?

[Traduction]

Mme Andronic : Cela nous ramène, je crois, à la question de l'identité. Les gens veulent apprendre le français; ils le veulent réellement. Si on commence auprès des jeunes enfants, on aidera à faire du français une partie de l'identité de tous. Si cela fait partie de votre identité et que vous êtes fiers de parler en français, vous ne vous direz pas : « Personne d'autre ne le fait, alors je ne le ferai pas non plus ». Cela semblera normal et fera de l'anglais et du français des langues égales.

Il est très important de commencer à apprendre les deux langues dès le plus jeune âge. Cela donne un sentiment d'identité et de patriotisme et normalise la situation. Si on vous enseigne les deux langues lorsque vous êtes encore enfant, cela vous paraîtra parfaitement normal.

[Français]

La sénatrice Gagné : Madame Andronic, êtes-vous optimiste face à l'avenir du bilinguisme au Canada?

Mme Andronic : Si on peut aider les jeunes à commencer à apprendre le français dès leur entrée en 1re année, je pense que oui, je suis optimiste, surtout si les programmes en français sont obligatoires.

La sénatrice Gagné : D'accord. Vous aussi?

Mme Asante : Je suis d'accord.

La sénatrice Gagné : J'ai d'autres questions, mais je vais attendre la deuxième ronde.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Vous formez un trio très impressionnant. C'est merveilleux d'entendre de jeunes anglophones qui parlent aussi bien français et le font avec autant d'enthousiasme que vous.

J'aimerais parler de cette idée que, après tout ce travail, des années de dévouement, il est possible qu'une personne perde sa deuxième langue. Bien entendu, nous espérons que cela n'arrivera à personne, mais vous ne perdez jamais quelque chose complètement. Si la vie vous mène ailleurs, là où l'espagnol est la langue que vous utilisez la majorité du temps, vous oublierez peut-être aussi un peu de votre anglais, mais vous ne perdrez jamais les avantages que vous ont procuré l'apprentissage, l'expérience et l'immersion dans une deuxième langue et sa culture.

Lorsque j'avais votre âge, je maîtrisais assez bien l'espagnol et je me débrouillais en allemand. J'ai oublié l'allemand, je peux dire guten Morgen, bonjour, et c'est à peu près tout. L'espagnol que j'ai appris remonte à la surface après que j'ai passé quelque temps dans un pays hispanophone. Toutefois, je n'ai jamais perdu la compréhension et la richesse que m'a apportées l'étude de la littérature, de l'histoire et de la culture de ces deux langues.

Alors, même si vous sentez que vous commencez à oublier votre français, ne désespérez pas. Travaillez bien sûr pour le garder, mais sachez que vous ne le perdrez jamais tout à fait. Parfois, cette ouverture d'esprit est plus importante que le fait de pouvoir prononcer une phrase dans une autre langue. Au Canada, celles qui nous tiennent à cœur sont nos deux langues officielles.

Vous avez fait le choix de devenir bilingue au Canada en apprenant nos deux langues officielles, mais nous savons que ce n'est pas tout le monde qui prend cette décision. Lorsque j'avais votre âge, chez une bonne proportion de la population unilingue, on n'était pas convaincu qu'il y ait un avantage à apprendre le français. En fait, il était très déplacé de même suggérer qu'on doive apprendre le français; certains allaient même jusqu'à dire qu'ils refusaient de se faire tordre le bras pour l'apprendre.

Qu'en pensent les jeunes aujourd'hui? Quelle est l'attitude des jeunes que vous rencontrez et qui n'ont pas eu votre expérience, qui sont des anglophones unilingues qui ont peut-être suivi de peine et de misère quelques cours de français élémentaire, mais qui n'ont absolument pas l'intention de parler français? Vous semblent-ils défensifs, hostiles, indifférents ou, voire, un peu jaloux? C'est ce que j'aimerais savoir.

Mme Asante : Comme je l'ai expliqué, j'ai fréquenté une école secondaire bilingue où bien des élèves ne pouvaient s'exprimer qu'en anglais. Tout le monde pouvait parler en anglais, mais seulement une minorité pouvait parler les deux langues. Dans le cas des unilingues, je ne dirais pas qu'ils étaient hostiles, mais j'imagine qu'il y avait une touche de jalousie, car ils savaient qu'une fois que nous aurions obtenu notre diplôme, nous n'allions pas tous pouvoir fréquenter les mêmes écoles.

La sénatrice Fraser : Ils savaient qu'ils rataient une occasion?

Mme Asante : Oui. Ce n'était pas nécessairement leur faute, bien entendu. Ce ne sont pas tous les élèves qui commençaient tôt. C'était plus une question d'envie, si je peux le dire ainsi.

Mme Andronic : Je suis très surprise par l'opinion que les gens peuvent avoir à ce sujet. Par exemple, certaines personnes se mettent sur la défensive et se demandent pourquoi elles doivent apprendre le français, qu'est-ce que cela leur apportera. Lorsqu'on parle avec elles un peu plus, elles admettent que les possibilités se multiplient lorsqu'on connaît les deux langues. Vous pouvez leur raconter vos expériences. Je suis d'accord avec cette touche d'envie. Elles aimeraient l'avoir fait. En effet, les possibilités sont plus nombreuses lorsqu'on connaît les deux langues.

Il y a des gens de l'autre côté qui voudraient maintenant que leurs parents les aient inscrits en immersion française assez tôt. À l'Université d'Ottawa, j'ai rencontré un certain nombre de personnes qui m'ont vu dans le programme de français enrichi et m'ont demandé comment j'avais appris le français. Je leur ai parlé du programme bilingue de mon école, et ils ont dit regretter que leur école n'ait pas eu de programme semblable.

La sénatrice Fraser : Quand vous parlez à des personnes unilingues, ces arguments sont-ils convaincants, soit les possibilités supplémentaires et l'enrichissement, pas seulement financier, mais intellectuel? Est-ce utile?

Je ne vous ai pas laissé répondre à la première question, monsieur Henderson.

M. Henderson : Je peux répondre aux deux questions.

Pour en revenir à ce que vous disiez concernant l'ouverture d'esprit que procurent les connaissances augmentées et l'apprentissage des deux langues, je suis d'accord : il y a parfois une sorte de jalousie. C'est parce que tout en ouvrant l'esprit, le bilinguisme ouvre aussi des portes.

Mes parents ont choisi de m'inscrire en immersion française. Je leur en suis reconnaissant maintenant, mais quand j'étais en première année, que j'avais six ans, et qu'ils m'inscrivaient en immersion française, je ne me rendais pas compte de l'importance que cela pouvait avoir.

C'est une sorte de perpétuation de la culture du processus décisionnel parental. S'ils décident de ne pas inscrire leur enfant en immersion française, il est probable que c'est parce qu'eux-mêmes sont unilingues de naissance. Pour eux, cela n'a aucune importance. Là d'où je viens, on croit souvent que c'est une région anglophone et qu'on n'a pas besoin d'apprendre le français. Cela se perpétue parce que ce sont les parents qui choisissent où ils inscrivent les jeunes.

Je pense que cette attitude se voit maintenant chez les jeunes, qui pensent à l'ouverture d'esprit autant qu'à l'ouverture de portes. C'est une constatation importante que font maintenant les jeunes.

Mme Asante : J'aimerais moi aussi parler du point qu'Austin a soulevé. Je pense qu'en vieillissant, on voit moins l'importance du français. Dans mes dernières années du secondaire, même si beaucoup d'entre nous poursuivions nos études dans des programmes d'immersion française, et que nos enseignants nous parlaient en français, entre nous, c'était l'anglais qui régnait. Nous partagions nos notes en anglais et nous communiquions en anglais. À partir de là, beaucoup d'entre nous en ont fait de moins en moins et ne se sont pas vraiment exercés en français.

Mme Andronic : Pour ce qui est de l'ouverture d'esprit qu'apportent les langues, c'est un concept difficile à saisir pour ceux qui ne l'ont pas vécu. Et plus on vieillit, plus c'est difficile à comprendre. Si le concept est compris quand on est jeune, on s'en rend compte toute sa vie.

[Français]

Le sénateur Maltais : Si vous me le permettez, j'aurai une courte question pour chacun de nos témoins. Je suis ébahi, car la sénatrice Fraser a posé ma question. C'est à inscrire dans les annales du Sénat.

Je suis très impressionné par vous ce soir. Des gens comme vous sont des gens qui bâtissent un pays. Vous avez l'avenir devant vous. Vous le tenez dans vos mains. Vous avez le sérieux pour devenir des gens qui vont gouverner et, certainement, contribuer à bâtir et à garantir la prospérité de notre pays.

Monsieur Henderson, vous avez étudié à Nice. J'espère qu'on vous a montré à prendre le pastis et à manger une bonne niçoise. Vous avez appris la langue provençale et non celle de Paris. Quel était votre niveau de français lorsque vous êtes arrivé en France? Comment vous ont-ils accueilli?

M. Henderson : J'ai étudié à Nice en 2014 durant l'été. Lorsque je suis arrivé en France, j'ai appris à écrire en français, mais, pas nécessairement à parler en français. J'ai habité dans une famille d'accueil. À mon arrivée, je pensais être bilingue. J'ai tenté de parler en français à ma famille d'accueil, mais ils n'avaient aucune idée de ce que je disais. Je suis resté là-bas cinq semaines, et c'est incroyable de constater à quel point mon français oral s'est amélioré. Cela démontre que toutes les occasions hors des salles de classe sont utiles et que l'apprentissage expérientiel est extrêmement efficace. Je crois pouvoir accorder beaucoup de mérite à mon séjour à Nice pour l'amélioration de mon français oral. J'ai aussi voyagé dans d'autres parties de la France les années suivantes, et ce sont ces expériences qui m'ont aidé à parler français et non pas seulement à l'écrire.

Le sénateur Maltais : Je vous remercie.

Madame Andronic, vous êtes de descendance roumaine. Donc, le français ne vous est pas inconnu, puisque la deuxième langue en Roumanie est le français. Pour vous, sans que ce soit une facilité, c'est un guide, une petite passion qui vous oriente vers cet objectif. Vous avez dit quelque chose tout à l'heure qui m'a frappé. Le programme des sciences de l'Université d'Ottawa est offert en anglais. Consolez-vous, il en est de même au Québec. Qu'il s'agisse de l'Université McGill, de l'Université Laval ou de l'Université de Sherbrooke, en ce qui a trait aux sciences, les francophones n'ont pas encore trouvé de mots pour les transposer. De là le problème pour les professionnels européens francophones qui arrivent au Canada et qui ne sont pas capables d'appliquer ce qu'ils ont appris, parce qu'ils ne parlent pas anglais. C'est un problème d'adaptation pour les nouveaux arrivants.

Je tiens à vous féliciter, parce que vous êtes une personne exceptionnelle. Dans votre milieu, quand avez-vous l'occasion de parler français?

Mme Andronic : Dès la 1re année d'université, j'ai eu des ouvertures pour travailler dans des laboratoires de recherche. Dans chaque laboratoire, il y a au moins une personne qui parle français. Ce n'est pas la majorité.

[Traduction]

Je vois l'adversité contre laquelle ils doivent se battre dans leur langue, quand ils sont forcés de parler et d'écrire en anglais, de lire des articles scientifiques en anglais. Mais je dirais qu'au sein de la communauté scientifique, les gens essaient de publier en français. Plus le temps passe, plus on fait pression pour que la science se fasse en anglais. C'est difficile à voir, ces gens doivent fournir des efforts supplémentaires pour se faire entendre au sein de la communauté scientifique. Je dirais qu'ils parlent encore français, et qu'ils font des efforts, mais que c'est difficile à accepter, qu'il en va ainsi, que la science se fait de plus en plus en anglais.

[Français]

Le sénateur Maltais : Je vous remercie.

Madame Asante, vous êtes de descendance francophone. Vous nous avez mentionné avoir des ancêtres du Congo où on parle le congolais et aussi le français. Je voudrais vous féliciter, parce qu'on dit toujours que les immigrants ne veulent pas s'installer dans les communautés francophones. Vous arrivez dans un milieu totalement anglophone, et vous décidez d'apprendre le français. Vous faites l'inverse de la roue. Quelle était votre motivation?

Mme Asante : Pour moi, ma motivation était vraiment ma famille, car le français fait partie de mon identité. Si je ne parle pas français, mon grand-père ne sera pas content de moi. C'est comme si j'apportais la honte si je ne parlais pas français.

Le sénateur Maltais : Comment cela se passe-t-il où vous habitez? Avez-vous l'occasion de parler français avec vos voisins et amis?

Mme Asante : Pas très souvent, parce que j'ai grandi à St. James, et c'est vraiment un quartier anglophone. Donc, toutes mes occasions de parler français étaient à l'école secondaire.

Le sénateur Maltais : Vous savez, la vraie richesse d'une langue est celle qu'on peut partager.Vous la partagez avec nous ce soir d'une très belle façon. Je vous félicite et je vous encourage à continuer.

La sénatrice Moncion : Je tiens à vous féliciter. Je trouve impressionnant de vous entendre. Nous avons rencontré plusieurs jeunes qui ont vécu des expériences variées et enrichissantes.

Vous faites un travail impressionnant de promotion avec Canadian Parents for French. J'ai pris part au déjeuner que vous avez organisé sur la Colline. Il y avait de nombreux participants, et on y faisait la promotion des divers programmes.

La semaine dernière, la sénatrice Gagné, le sénateur Cormier et moi étions invités comme conférenciers pour la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. L'une des questions portait sur la Loi sur les langues officielles. On nous a dit que la Loi sur les langues officielles n'avait pas de mordant. Puisque vous semblez connaître la Loi sur les langues officielles, comment pourrait-on lui donner du mordant?

M. Henderson : Quand je vous ai demandé de faire un témoignage, je devais faire de la recherche sur la Loi sur les langues officielles. Pour être honnête, je n'avais aucune idée de la portée de la Loi sur les langues officielles et de la façon dont elle a pu m'aider à devenir bilingue. Certains articles ont eu une influence, mais pas nécessairement une influence directe. Je ne dirais pas que je suis bilingue grâce à la Loi sur les langues officielles, mais je ne peux pas affirmer le contraire non plus.

[Traduction]

Pour ce qui est d'augmenter l'impact, c'est essentiellement ce que fait cette étude : de la modernisation, de la communication avec d'autres groupes démographiques, l'écoute de leur point de vue, de leur avis, et de la façon dont cela les touche. Comme vous l'avez entendu dans nos témoignages, il y a des choses que nous vivons, nous les jeunes : le besoin de normaliser le français et l'anglais, de les intégrer à diverses initiatives et services, partout, pour les rendre égaux dans l'ensemble du pays, peu importe où on est, notre âge ou notre groupe démographique. Pour que cela ait un impact, c'est la bonne voie.

Je le répète, en toute franchise, c'est quelque chose dont je n'avais pas conscience auparavant et ce n'est pas la raison pour laquelle je pense que je suis devenue bilingue. Mais il y a des façons d'en maximiser l'effet et l'efficacité.

La sénatrice Moncion : Avez-vous des observations?

[Français]

Mme Thibault : Ai-je la permission de répondre à la question?

On travaille souvent avec la FCFA, et il est certain que l'on doit faire preuve de respect envers la communauté minoritaire francophone. C'est difficile, parce qu'on doit leur expliquer qu'ils ont besoin d'alliés, soit les anglophones francophiles. Il y a toujours l'aspect de rapprochement et d'appréciation. Cependant, on ne veut pas embarquer comme anglophone francophile et dire qu'on s'en vient en groupe, car on sent qu'il y aura une assimilation.

D'autre part, si les portes sont trop fermées — et c'est le cas dans certaines régions avec la FCFA —, les alliés se sentent toujours rejetés.

[Traduction]

Nous sommes rejetés. Oui, si vous avez un festival de films français et que je veux y amener mes étudiants en immersion, ou si je veux voir un film français en famille.

[Français]

Ce n'est pas toujours facile. Les portes ne sont pas toujours ouvertes, parce qu'ils disent qu'on parlera en anglais.

[Traduction]

Oui, c'est possible, mais ils apprécieront tout de même le film français. Ils nous soutiennent et sont ouverts. Il ne s'agit pas que de communiquer en français, mais de s'ouvrir à la culture et à la langue françaises.

[Français]

De notre côté, on doit parfois leur dire d'ouvrir les portes pour laisser la chance aux deux d'interagir.

L'un des problèmes soulevés par Canadian Parents for French est l'interaction entre les deux interlocuteurs. On ne peut pas continuer de les convaincre à apprendre si personne ne les écoute de l'autre côté.

[Traduction]

Notre défi, c'est de trouver justement cela. Si la modernisation de la loi lui donne du mordant, il y a des façons — les francophiles doivent aussi avoir des droits. Ils doivent avoir droit à des services...

[Français]

— en français, mais pas au détriment des francophones. Les francophones d'abord.

[Traduction]

Je le comprends. Mais il faut s'assurer que les francophiles qui veulent des services en français puissent eux aussi les demander. Il ne suffit pas de dire : « S'il y en a, on s'en servira. » Si on a un grand nombre d'alliés anglophones qui ont recours à ces services, les services pour les francophones seront protégés. Ils seront disponibles dans les régions anglophones plus rurales, parce que les diplômés de l'immersion française diront : « Je veux avoir accès à ces services. »

Actuellement, ils ne peuvent exiger ces services ni avoir plus de places dans les écoles d'immersion française. Quand on apprend qu'il n'y a qu'une école secondaire qui a un programme d'immersion française, et qu'on sait que nous avons 390 000 élèves inscrits en immersion française... la demande est si forte, la popularité est si grande chez les parents que nous pourrions facilement vous trouver 500 000 inscriptions. S'il y avait 500 000 enfants en immersion française, la demande pour ces services augmenterait d'autant.

Il y a eu des compressions et des plafonnements de l'inscription en français. Ce n'est pas faute de demande de la part des parents et des enfants, mais de capacité dans les écoles. L'immersion française n'est pas perçue comme la norme, mais toujours comme un programme facultatif.

Actuellement, à la Commission scolaire de Vancouver, on se prépare à réduire le nombre de places en maternelle. On fait des compressions dans le programme d'immersion en maternelle. Pourquoi? Parce que le programme d'immersion est facultatif. Personne n'a droit à ce programme.

C'est ce qu'on nous dit le plus à CPF : les francophiles veulent avoir le droit à leur deuxième langue officielle. Si le Canada est véritablement un pays bilingue, chacune de nos communautés devrait avoir le droit à sa deuxième langue officielle. Cela n'enlève rien à l'importance des droits des minorités, c'est un droit complémentaire. Tous les services seraient plus utilisés et la minorité se sentirait aussi mieux soutenue.

M. Henderson : J'aimerais ajouter une chose à laquelle vous m'avez fait penser. Je ne suis pas sûr à 100 p. 100, alors corrigez-moi si j'ai tort.

Nous parlions plus tôt du clivage entre les anglophones et les francophones, et du fait qu'on puisse se considérer bilingue, anglophone ou francophone. Êtes-vous en fait bilingue? Il y a aussi ce clivage-là, et cela peut poser problème quand on cherche des alliés.

J'aime bien, moi-même, me considérer bilingue, mais je me demande souvent si je le suis vraiment; est-ce que je serais bien accueilli à ces activités francophones? Quelqu'un qui est en immersion française et tente d'apprendre le français se considérerait probablement comme un anglophone qui s'efforce de parvenir au bilinguisme, mais ne s'y sentirait pas le bienvenu. Il y a donc un écart entre ce qu'est un anglophone, un francophone et ce qui est considéré comme véritablement bilingue.

Cela revient à ce que disait Cristina, sur le fait que ce doit être partie intégrante d'une identité. Mais il peut arriver qu'on s'identifie à ces choses sans vraiment savoir ce qu'elles signifient — par exemple, c'est une chose que d'être bilingue au Nouveau-Brunswick, et une autre que de l'être en Colombie-Britannique, où c'est moins courant. Il y a aussi cet écart à l'échelle nationale en regard de ce qui définit un anglophone, un francophone] ou une personne bilingue.

La présidente : Madame Thibault, je voulais dire qu'il y avait eu deux rapports, celui intitulé Viser plus haut, et aussi notre plus récent rapport sur l'accès aux programmes d'immersion française en Colombie-Britannique, où nous avons souligné l'importance d'avoir accès...

[Français]

— partout et pour tous au programme d'immersion française. Alors, le Comité sénatorial permanent des langues officielles reconnaît l'importance d'un accès partout et dans toutes les régions pour les Canadiens qui veulent apprendre le français comme langue officielle.

La sénatrice Mégie : Je joins ma voix à celle de tous les autres sénateurs pour saluer votre enthousiasme et votre détermination à l'égard de la cause du bilinguisme dont vous êtes fiers de porter le flambeau.

Toutefois, des collègues m'ont fait part de certaines choses lorsqu'il s'agit de donner des soins en français dans certaines régions. Ils ont constaté que des immigrants s'adressent à leur bureau, qu'ils ne connaissent pas le français et ont peur de le parler. Ils parlent en anglais et ils sortent de là sans les informations nécessaires, parce qu'ils n'ont rien compris de ce qu'on leur a donné comme information.

Cristina, tu poursuis des études en médecine. Comment penses-tu pouvoir détecter cela? Tout le monde travaille, les heures passent, on voit un patient, on s'en va. Ou si vous avez un bureau, les gens vous posent des questions, mais ils se forcent à parler en anglais. Ils ne le parlent pas, mais ils ont peur parce qu'ils se disent : « Ici, on ne parle que l'anglais, donc je parle anglais ».

Y a-t-il moyen pour vous de le sentir dans votre milieu de travail? Vous avez peut-être développé une certaine sensibilité à cela. Je ne le sais pas, je n'ai pas la réponse. Y a-t-il une façon de le sentir, pour ensuite essayer de parler en français au patient lorsqu'on a l'impression qu'il n'a pas compris?

[Traduction]

Mme Andronic : Tout d'abord, il faut leur faire comprendre qu'ils peuvent s'exprimer avec moi en français ou en anglais, et je répondrai dans la langue qu'ils privilégient, parce qu'en tant que futur médecin, ce qui est le plus important pour moi, c'est le bien-être et la confiance du patient.

J'ai remarqué qu'il y avait des francophones, cette année, dans mon programme de médecine translationnelle et moléculaire, et quand je leur parlais en anglais, je les voyais hésiter, puis s'efforcer de parler anglais avec moi. C'est quelque chose qui se voit tout de suite, ils ne sont pas à l'aise avec cette langue, et on peut en changer. Si on peut changer de langue rapidement, cela contribue vraiment au fondement d'une relation.

Je pense que ce qui comptera le plus, dans ma pratique future, sera de faire comprendre aux gens que je peux leur parler dans les deux langues, et qu'ils ne devraient pas hésiter à communiquer avec moi dans celle qu'ils privilégient.

[Français]

La sénatrice Mégie : Est-ce que cela vous est déjà arrivé dans un autre milieu que celui de la médecine où les gens voulaient vous adresser la parole et vous sentiez qu'ils n'étaient pas...

[Traduction]

Mme Andronic : Cela arrive parfois, quand on m'arrête pour me demander des renseignements.

[Français]

La sénatrice Mégie : Lucy, as-tu connaissance de ce phénomène dans ton milieu de travail?

[Traduction]

Mme Asante : Je pense qu'il est très important de cesser de considérer l'anglais comme la langue par défaut. Nous sommes nombreux à avoir tendance à lancer nos discussions, le plus souvent, en anglais. Même quand on est dans un endroit bilingue, la discussion peut commencer en anglais, et le français est le deuxième choix. Il est important de s'ouvrir aux deux langues de façon à ce qu'elles soient présentées simultanément pour permettre aux interlocuteurs de s'exprimer dans la langue qu'ils souhaitent.

M. Henderson : Je suis d'accord. Cela revient au fait que, en tant qu'anglophones, nous apprenons le français. Nous sommes aussi parfois dans cette situation où nous devons demander des renseignements. Nous tentons de le faire en français, puis nous recevons la réponse en anglais parce que nos interlocuteurs se rendent compte que nous sommes anglophones et avons de la difficulté à communiquer dans les deux langues. Peut-être qu'ils devront nous répondre en anglais, juste au cas où on ne puisse comprendre. Cela revient à tout ce concept de normalisation des deux langues officielles.

Comme vous le disiez, il y a cette question d'immigration et d'accueil, ici. Quelle langue ces immigrants devront-ils apprendre en premier? L'anglais ou le français, et pourquoi pas les deux?

Si nous vivons véritablement dans un pays bilingue, et si le Nouveau-Brunswick est véritablement une province bilingue, ce devrait être les deux. Ainsi élimerait-on cette rupture de la communication au moment de demander des renseignements, d'obtenir des services médicaux, et cetera.

[Français]

La sénatrice Mégie : Le Canada peut compter sur vous pour influencer les autres jeunes.

[Traduction]

Le sénateur Cormier : J'aimerais discuter avec vous d'identité et d'insécurité. Puisque je comprends cette insécurité que vous évoquez, quand vous parlez français, je m'exprimerai en anglais, même si je suis originaire d'une communauté française, de la péninsule acadienne au Nouveau-Brunswick. Bien que j'aie appris l'anglais à l'école, je n'ai pas eu l'occasion de le parler en grandissant, même si ma province est la seule qui soit officiellement bilingue au Canada.

Ma question s'adresse à tous les quatre. Dans votre vision, Canadian Parents for French, vous parlez d'un Canada où la dualité linguistique et culturelle fait partie intégrante du quotidien. J'aimerais pouvoir saisir la distinction que vous faites entre dualité et bilinguisme.

Je vais vous donner une explication, et vous me direz ce que vous en pensez. Quand nous parlons de dualité, évidemment, cela signifie que nous reconnaissons que les communautés des deux langues officielles ont besoin d'espace public où s'exprimer dans leur propre langue pour que leur culture et leur identité puissent s'épanouir. En même temps, nous parlons de bilinguisme. Nous parlons du fait qu'il faut avoir plus d'interactions ensemble.

Cristina, vous avez dit que si le français devient partie intégrante de votre identité, vous ne voulez pas le perdre.

Ma question est la suivante : que signifie votre identité pour vous, en tant que francophone, que personne d'expression française? Le bilinguisme est une compétence linguistique. Ce n'est pas toujours lié à la culture. Quelle définition donnez- vous à l'identité?

Deuxièmement, quels sont selon vous les défis que posent pour nous le bilinguisme et la dualité? Qu'est- ce que cela signifie? J'entends constamment parler de ces deux notions, et je ne sais pas si les gens font une distinction entre l'une et l'autre.

[Français]

Mme Thibault : Je vais répondre en premier. Il est certain qu'on parle de dualité linguistique, de bilinguisme.

[Traduction]

On emploie beaucoup ces termes, mais que signifient-ils vraiment?

J'ai deux filles de leur âge, peut-être un peu plus jeunes. Mes filles fréquentent l'école francophone.

[Français]

Je suis née à Ottawa.

[Traduction]

Mes enfants vont à l'école francophone, mais leur père est un Anglo-Américain. Évidemment, elles se considèrent bilingues. Quand quelqu'un leur dit :« Oh, tu es anglophone », elles répondent : « Oh non, je suis bilingue. »

[Français]

Et si quelqu'un leur demande : « Oh! tu es francophone? », elles vont répondre : « Non, je suis bilingue. »

[Traduction]

C'est ainsi qu'elles se perçoivent. Quand elles rencontrent les membres anglophones de leur famille, elles leur disent combien elles sont différentes de leurs autres cousins en raison de cette composante qui fait partie de leur quotidien, que ce soit leur alimentation, les émissions de télévision qu'elles regardent ou des expériences qu'elles ont eues. Elles ont toujours vécu ainsi.

Quand elles sont avec des francophones, elles me font la même réflexion.

[Français]

« Ah! tu es vraiment anglophone, tu es tellement anglophone. » Je pense que j'ai quand même un accent correct en français, mais elles me disent que je suis très anglophone.

[Traduction]

C'est parce que je ne peux rien changer au fait que ma mère, qui était originaire de Dublin, ne m'a jamais parlé français. J'ai des expressions irlandaises, mais j'ai des expressions qui sont tellement anglophones qu'elles me distinguent.

[Français]

C'est de voir qu'il y a une autre dimension à notre identité, des choses complémentaires qu'on ne peut pas enlever. Même si je ne parlais pas la langue, vous ne pourriez pas extraire le français de moi. J'ai une ouverture d'esprit un peu plus libérale que mes amis anglophones, qui sont un peu plus conservateurs.

[Traduction]

Il existe des distinctions entre « anglais » et « anglophones ». J'ai grandi au Québec, alors j'ai aussi quelques expressions bien québécoises.

[Français]

Mes filles ont appris le français en Ontario. Elles ont donc un accent franco-ontarien.

[Traduction]

Les gens ne pensent pas que je suis leur mère quand je parle français parce que j'ai un accent différent de celui de mes enfants.

[Français]

Je ne peux pas vous répondre ce qu'est la dualité linguistique, si ce n'est tous ces aspects : la culture, la vie, ces expériences qui sont encore plus que juste linguistiques.

[Traduction]

Le bilinguisme, pour moi, c'est plus l'aspect linguistique. C'est pouvoir exprimer mes idées dans les deux langues. Ce qui m'a toujours posé problème, c'est quand les gens se vexent parce que je change de code. Changer de code c'est quand...

[Français]

— je commence une phrase en français puis je la termine en anglais.

[Traduction]

Et je ne me rends même pas compte que j'ai changé de langue, alors les interprètes me détestent. Mais c'est parce que j'ai grandi avec les deux langues, alors je m'exprime avec les mots qui me viennent à l'esprit et qui traduisent le mieux mes pensées.

[Français]

Connaissez-vous le mot français « débrouillardise »?

[Traduction]

Il n'existe pas de mot comme celui-là en anglais, alors quand je fais des remontrances à mes enfants, je dis « sors ta débrouillardise ». Faisons ainsi, même si à ce moment-là, je leur parle en anglais.

[Français]

Je pense que c'est un peu ce qu'ils voudraient vivre. C'est cet aspect —

[Traduction]

... qui fait que les deux langues font partie intégrante de votre quotidien, et c'est une question de langue, mais aussi d'expérience de vie.

Je ne sais pas si cela vous est utile.

M. Henderson : Je peux ajouter quelque chose. C'est en gros ce que vous avez dit. Je prenais des notes pendant que vous parliez, et c'est en fait plus ou moins ce que vous disiez.

Pour ce qui est de la dualité, du bilinguisme et de la distinction, c'est aussi ce que je pense. La dualité, c'est pouvoir travailler ensemble tout en ayant, chacun, ses propres pratiques culturelles et sociales. Ainsi, pour le Nouveau- Brunswick, il y a la péninsule acadienne, avec la culture francophone, et la région d'où je viens, Salisbury, de culture anglophone. C'est là la dualité, parce que les deux cultures existent au Nouveau-Brunswick, mais le bilinguisme, c'est pouvoir converser et les intégrer tout en ayant aussi cette indépendance sociale et culturelle.

Pour ce qui est de toute la question du bilinguisme du Nouveau-Brunswick, je dirais que ce n'est pas nécessairement le cas, parce que nous n'avons pas tous cette capacité de communiquer dans les deux langues, mais cette dualité linguistique existe bel et bien; il y a les deux.

Dans la démarche réelle vers le bilinguisme, nous devrions pouvoir les intégrer tout en maintenant l'indépendance des cultures, mais en pouvant discuter au quotidien et passer du français à l'anglais sans difficulté, de façon à ce qu'il y ait normalisation des langues tout en préservant ce qui distingue les cultures et sociétés.

Mme Andronic : Je dirais que viser l'intégration tout en préservant véritablement les cultures distinctes définit tout à fait la dualité. On ne voudrait pas que les minorités aient l'impression qu'on empiète sur leur territoire, pour ainsi dire. C'est quelque chose qui leur est particulier, et nous voulons en faire partie. La dualité, c'est le respect et l'acceptation, mais nous comprenons où se trouve la limite, tandis que le bilinguisme, c'est la capacité de s'exprimer dans les deux langues et l'aisance dans les deux échanges, qu'ils soient en anglais ou en français.

Lorsque je dis que le français fait partie de mon identité, je veux dire que, sans le français, je ne serais pas où je suis et je n'aurais pas vécu la moitié des expériences que j'ai vécues. C'est ce que je veux dire lorsque je dis que cela fait partie de mon identité.

[Français]

Mme Asante : J'aimerais ajouter que je trouve que les francophones sont plus flexibles.

[Traduction]

D'une certaine façon, je pense que c'est plus facile pour eux de converser avec nous en anglais. Parfois, lorsque je vais à Gatineau, et lorsque j'ai besoin de services en anglais, la personne qui me sert, la plupart du temps, va me servir en anglais, parce que je pense qu'en faisant partie d'un groupe minoritaire, il faut faire plus d'efforts pour s'exprimer dans l'autre langue. En tant qu'anglophones, parce que nous ne sommes pas toujours entourés par des gens qui parlent l'autre langue, nous sommes moins susceptibles de parler en français.

Le sénateur Cormier : À votre avis, qu'est-ce qui devrait être fait pour augmenter le bilinguisme tout en maintenant cette dualité et ces fortes collectivités culturelles dans différentes langues? Quelles seraient les priorités à votre avis?

[Français]

M. Henderson : Je crois que cela doit commencer avec l'éducation. Bien que ce soit une responsabilité provinciale, le gouvernement fédéral devrait travailler en partenariat avec les provinces.

Comme l'a dit Lucy, je crois que les francophones sont plus en mesure de converser avec les anglophones, et c'est la même chose au Nouveau-Brunswick. Dans le système d'éducation francophone, il y a des cours d'anglais obligatoires, tandis que dans le système anglophone, les cours de français ne le sont pas.

Je pense que si on commence avec l'intégration de programmes d'immersion dans les provinces, il y aura plus de jeunes qui parleront les deux langues. Éventuellement, ils seront eux aussi en mesure de communiquer dans leur langue seconde avec les francophones. Comme on le disait plus tôt, cela revient à la normalisation des deux langues, mais cela doit commencer avec l'éducation et avec les jeunes.

Le sénateur Cormier : Merci.

Mme Asante : Je dirais que les étudiants adorent les prix. Donc, il faut offrir des bourses ou des occasions de gagner. Par exemple, nous avons participé au concours où des universités canadiennes offraient des bourses d'études. C'est quelque chose —

[Traduction]

... à quoi vous pouvez également penser.

[Français]

La sénatrice Gagné : J'ai sous les yeux la Loi sur les langues officielles. Austin, ma question concerne la partie VII, et ce n'est pas une question piège. Selon la loi, le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Un peu plus bas, quand on parle de la mise en œuvre, on dit que le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut de l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure pour encourager et appuyer l'apprentissage du français et de l'anglais.

Quelle autre mesure devrait-on ajouter? Est-ce qu'on pourrait donner à la loi un peu plus de mordant, comme le disait la sénatrice Moncion, pour assurer qu'en tant que francophiles vous puissiez avoir accès à l'éducation dans la langue officielle de votre choix?

M. Henderson : Je dirais encore une fois qu'il doit y avoir plus de partenariats avec les provinces, parce que certaines provinces ont un avantage comparativement à d'autres.

Ici, en Ontario, on a l'Université d'Ottawa qui, avec l'exception de certains programmes, offre des programmes dans les deux langues, tandis qu'au Nouveau-Brunswick, il n'y a pas forcément d'université bilingue. Il y a une université anglophone et la deuxième université est francophone. En ce qui concerne cette partie de la loi, cela donne l'occasion d'apprendre les deux langues, mais pas ensemble. Donc, le gouvernement fédéral doit travailler avec les provinces à l'intégration des deux langues. Il doit offrir des occasions de suivre des cours dans les deux langues dans ces universités.

Cela revient toujours à l'éducation. Je pense que c'est Lucy qui a parlé de bourses d'études. C'est important, mais il doit y avoir d'autres opportunités en dehors des salles de classe, telles que des organisations comme Canadian Parents for French, ou celles que vous avez entendues la semaine dernière, Expériences Canada. Tout cela doit être inclus dans la Loi sur les langues officielles.

La sénatrice Gagné : Madame Thibault, vous avez parlé de votre collaboration avec l'Association des collèges et universités de la francophonie canadienne. Croyez-vous que les collèges et les universités ont réussi à s'adapter à la réalité de la clientèle francophile ou à celle des finissants provenant des programmes d'immersion française?

Mme Thibault : Ils s'adaptent présentement. C'est eux qui disaient qu'ils avaient des difficultés. On travaille avec eux pour créer des programmes de soutien et du mentorat. La réponse à votre question, c'est que oui, certaines institutions sont plus avancées que d'autres. L'Université d'Ottawa a tout de même une grande structure, mais l'Université Sainte- Anne fait beaucoup d'activités pour favoriser le rapprochement, l'interaction entre les francophones et les francophiles et pour les aider en salle de classe. Au Campus Saint-Jean, il y a longtemps que les étudiants francophiles contribuent à la capacité de l'établissement d'offrir certaines classes.

Oui, on est là. Est-ce qu'on a toutes les réponses? Pas encore, mais je pense que ce sont les interactions avec les francophones qui sont difficiles. Même eux vous diront que sur le campus, il y a des clubs et des activités. Mais est-ce que tout le monde y participe? Cela dépend. On est stressé, on a beaucoup de cours. Donc, ce n'est pas tout le monde qui va participer aux activités. Il faudrait en arriver au point où ces activités ne seraient pas vécues à part, mais seraient intégrées dans leur quotidien. De cette façon, on n'aurait pas à y penser.

Comme l'a dit Austin, il y a les échanges et les visites culturelles. Comme professeur, on constate que les jeunes suivent des cours et apprennent le français jusqu'à un certain point, mais quand ils ont vécu une expérience d'immersion, un camp d'été de cinq semaines, les cours offerts sur le CMEC, Explore, Destination Clic, et cetera, ces expériences leur permettent de dépasser leurs limites et, tout à coup, ils peuvent converser et être beaucoup plus spontanés.

[Traduction]

C'est pour dépasser le seuil que ces programmes aident vraiment.

La sénatrice Bovey : J'ai une question brève qui ajoute vraiment à la discussion que nous avons eue à propos des relations entre le gouvernement du Canada et les provinces.

Lucy, je veux revenir à Winnipeg pendant une minute. Venant de la seule école qui a un programme d'immersion française à St. James — nous savons qu'il y en a d'autres dans la division scolaire de Winnipeg et d'autres dans Louis Riel —, est-ce qu'il y avait des liens entre les trois divisions scolaires lorsque vous étiez étudiante? S'il y avait des activités culturelles qui provenaient d'ailleurs au pays, est-ce que ces divisions scolaires pouvaient se rassembler et faire quelque chose, ou est-ce que les divisions scolaires sont si distinctes que c'est comme s'il y avait trois programmes différents dans une ville?

Mme Asante : J'ai vraiment trouvé qu'il y avait un énorme fossé entre les écoles d'immersion française et les écoles francophones en tant que telles. Dans Louis Riel, il y avait beaucoup d'écoles francophones, et elles avaient leur propre identité culturelle et façon de faire les choses. Lorsque vous allez plus à l'ouest d'où je viens, on pouvait seulement apprendre le français en classe. Dès que la cloche sonnait, c'était fini.

La sénatrice Bovey : Donc, vous n'avez pas créé de lien avec l'école secondaire Kelvin?

Mme Asante : Non.

La sénatrice Bovey : C'est un problème : vous avez des villes de taille moyenne ou de grande taille qui sont divisées en divisions scolaires, et il y a des « divisions » plutôt que des liens.

[Français]

La présidente : Avant de terminer, j'aimerais vous poser une question. Vous avez parlé de l'importance de normaliser le français et les services en français. Quel genre de services aimeriez-vous avoir en français dans votre vie de jeune adulte?

[Traduction]

Mme Asante : J'aimerais qu'il y ait plus d'accent mis sur la communication orale, car, comme je l'ai dit, j'ai trouvé que le fait de suivre des cours de français de base...

La présidente : Mais dans votre vie de jeune adulte maintenant, quel genre de service aimeriez-vous avoir en français?

Mme Asante : Toutes sortes de services. Des services bancaires, toutes sortes de choses du genre. Il nous serait utile d'avoir plus de services en français.

La présidente : Quelqu'un d'autre?

[Français]

M. Henderson : C'est important d'avoir tous les services en français et en anglais, parce que cela nous donne le choix. Si on va à la poste pour envoyer une lettre, on peut parler en français ou en anglais. Au Nouveau-Brunswick, on a beaucoup de chance, car dans la majorité des services publics, les banques, les services postaux, et dans la majorité des magasins, on peut avoir les services en français ou en anglais. C'est l'aspect du bilinguisme néo-brunswickois qui fonctionne. Mais, même en dehors de la province, je pense qu'il est important d'avoir tous les services en français. Cela normalise les deux langues, cela donne le choix, et cela donne aussi aux anglophones qui apprennent le français et aux francophones qui apprennent l'anglais la chance de pratiquer. Je pense que c'est important d'avoir tous les services.

[Traduction]

Mme Andronic : Cela peut sembler bête, mais à la fin de la journée, lorsque vous voulez relaxer, ce serait merveilleux d'avoir une offre égale de français et d'anglais à la télévision et à la radio. Ainsi, ce ne serait pas normalisé que dans le milieu professionnel, mais aussi à la maison lorsque vous relaxez. Cela aussi, ce serait merveilleux.

[Français]

Le sénateur Maltais : Un dernier commentaire : c'était le rêve de Mme Chaput. J'attends toujours que la sénatrice Gagné nous revienne sur le projet de loi S-9, car c'était le rêve de Mme Chaput que dans tous les endroits au Canada on puisse obtenir des services bilingues.

La sénatrice Gagné : Surtout pour ce qui est des institutions fédérales.

Le sénateur Maltais : Vous avez entièrement raison, madame. Quand aurons-nous cette chance?

La présidente : C'est une question que je n'ai pas posée mais, évidemment, pour recevoir certains services du gouvernement fédéral aujourd'hui, il faut satisfaire à certains critères, par exemple, il faut que5 p. 100 de la population ait le français comme langue première. Cela exclut les finissants des programmes d'immersion, les jeunes de familles exogames et les immigrants, par exemple, pour qui le français est la deuxième ou la troisième langue. Pour vous, recevoir des services là où ces critères ne sont pas remplis serait important. C'est une leçon pédagogique que je fais, vous n'avez pas besoin de répondre! Mais je pense que c'est ce que vous me dites, finalement.

Au nom du Comité sénatorial permanent des langues officielles, nous vous remercions. Vous avez pu voir, par les commentaires des sénateurs, que vos témoignages nous ont inspirés. Nous avons apprécié votre enthousiasme.

[Traduction]

Vous vous exprimez très bien et vous êtes sages. Nous sommes heureux que vous ayez pris le temps de soulever ces suggestions et commentaires très constructifs; ils nous aideront dans notre étude. Si vous avez d'autres commentaires, n'hésitez pas à les envoyer à notre greffier. Nous vous en saurons gré.

[Français]

Bonne chance, je vois que vous êtes déjà bien lancés dans vos carrières et dans vos études. Continuez, s'il vous plaît, à chercher ces liens et ces relations, pour pouvoir maintenir votre français. Nous pouvons témoigner du fait que vous avez déjà déployé beaucoup d'efforts. Je retiens les mots de sagesse de la sénatrice Fraser qui dit qu'on ne perd jamais tout, il reste toujours cette appréciation de l'autre culture.

Merci à Mme Thibault et à Canadian Parents for French pour tous les efforts que vous faites pour faire valoir la dualité linguistique de notre pays, qui est fondée sur le pacte de la Confédération, en fin de compte. Merci à vous de faire valoir cette partie importante de notre identité canadienne. Voilà, je déclare la séance levée.

(La séance est levée.)

Haut de page