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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 78

Le mardi 29 novembre 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mardi 29 novembre 2016

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Jour commémoratif de la famine et du génocide ukrainiens (« l'Holodomor »)

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de commémorer la famine et le génocide arméniens, ou Holodomor, de 1932-1933.

Le quatrième samedi de novembre, nous nous rappelons ceux qui ont perdu la vie pendant cette famine causée par l'homme en Ukraine et dans certaines parties du Kazakhstan, du Caucase du Nord et de la Russie.

Bien déterminé à mater le sentiment nationaliste croissant tout en finançant un ambitieux programme d'industrialisation, le gouvernement soviétique de Joseph Staline a adopté une politique de collectivisation forcée en 1932. Les stocks de nourriture ont été confisqués afin de respecter des quotas stricts et vendus sur des marchés occidentaux. Des millions de personnes sont mortes de faim, et celles qui ont résisté ont été abattues.

Comme je l'ai déjà dit au Sénat, l'historien américain Robert Conquest a bien décrit la dévastation causée par la famine dans son ouvrage intitulé The Harvest of Sorrow :

Au paroxysme de cette famine et de ce génocide de 1932-1933, les paysans ukrainiens mouraient de faim au rythme de 17 personnes par minute, 1 000 personnes par heure, 25 000 par jour, pendant que le régime soviétique livrait 1,7 million de tonnes de céréales sur les marchés occidentaux.

Fedir Krikun, un survivant de la famine, a raconté son expérience en ces mots :

Ils sont venus et nous ont tout pris. Ils sont venus avec des bâtons spéciaux et ont fouillé [le sol] pour s'assurer que nous n'avions rien enterré. Je suis allé avec ma sœur glaner des épis dans le champ tout près, et le garde qui patrouillait le champ nous a tiré dessus.

M. Krikun avait huit ans à l'époque.

Les sénateurs se souviendront qu'en 2003 le Sénat a, à l'unanimité, fait le premier pas en vue de reconnaître la famine ukrainienne comme un génocide.

Les sénateurs se souviendront aussi qu'en 2008 le Canada a adopté la Loi sur le Jour commémoratif de la famine et du génocide ukrainiens (« l'Holodomor »).

J'encourage tous mes collègues à assister à une cérémonie commémorative de l'Holodomor, qui aura lieu ce soir à 20 heures, dans la salle 256-S de l'édifice du Centre.

Aujourd'hui, à l'extérieur de l'édifice de l'Est, il est aussi possible de visiter la classe mobile de l'Holodomor. Cette classe se déplace partout au Canada pour sensibiliser la population à l'Holodomor au moyen d'une leçon interactive axée sur les récits de survivants.

Honorables sénateurs, alors que nous soulignons le 125e anniversaire de l'immigration ukrainienne au Canada, profitons-en pour rendre hommage aux victimes de l'Holodomor. Soulignons la force de caractère et la résilience du peuple ukrainien et soyons plus résolus que jamais à prévenir les tragédies de ce genre.

La Journée nationale de l'enfant

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, le Sénat est le porte-parole non seulement des régions, mais aussi des minorités. Nous attirons l'attention de nos concitoyens sur le sort de personnes dont les droits et les intérêts passent souvent inaperçus, notamment les jeunes.

C'est exactement ce qui a été fait dans cette enceinte vendredi dernier, lorsque les sénateurs Martin, Munson et moi avons souligné la Journée nationale de l'enfant. Nous nous sommes joints à plus de 300 élèves réunis ici pour célébrer leur diversité, leur impact sur la société et leur potentiel.

La Journée nationale de l'enfant sert à commémorer l'adoption à l'unanimité de la Convention relative aux droits de l'enfant par l'Assemblée générale des Nations Unies, le 20 novembre 1989.

Nous avons parlé de l'inclusion de tous les enfants, peu importe leur race, la couleur de leur peau, leurs croyances ou leur orientation ou identité sexuelle. Nous avons parlé de la façon dont les enfants et les adolescents sont des sources d'inspiration pour les adultes dans notre grande société.

Nous avons accueilli des cadets des Forces armées canadiennes, de jeunes gymnastes d'Unigym, à Aylmer, ainsi que des membres de l'Ottawa Children's Choir et de la troupe de théâtre pour enfants de Gatineau, l'Artishow.

Eva von Jagow a parlé de ses efforts en vue d'améliorer l'accès des jeunes Canadiens dans le Grand Nord à des aliments sains et abordables, par l'entremise de l'organisme de bienfaisance qu'elle a fondé, DueNORTH.

Thomas Ribeiro, un élève d'une école secondaire de Laval qui a remporté la première place à la Super Expo-sciences Hydro-Québec, a expliqué son projet appelé « Super Plant », qui porte sur une stratégie économique de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'était très intéressant.

Joshua Salt, un jeune musicien qui étudie actuellement au collège Algonquin, a chanté en cri et joué une pièce qui parlait d'amour et de pardon.

Honorables sénateurs, c'était impressionnant et amusant, mais, surtout, cela nous a rappelé ce que la prochaine génération nous réserve pour l'avenir.

J'aimerais remercier l'organisateur de l'activité, Michel Naubert, qui a travaillé très fort pour que nous réussissions à mettre en valeur tout ce que les jeunes peuvent accomplir. D'ailleurs, Michel a déjà été le maître de cérémonie d'une activité tenue ici au Sénat à l'occasion de la Journée nationale de l'enfant, alors qu'il n'avait que 12 ans. Il en est maintenant à la deuxième année de ses études universitaires et il a eu l'occasion de collaborer avec des sénateurs pour créer cette merveilleuse célébration.

Honorables sénateurs, demain matin, nous tiendrons un petit-déjeuner parlementaire à 8 heures dans le foyer du Sénat pour les intervenants communautaires et les éducateurs afin de nous assurer que nous travaillons tous ensemble à mettre les enfants et les jeunes en valeur. Je vous invite à y assister.

Comme je l'ai dit vendredi, non seulement les jeunes sont en mesure de repérer les problèmes importants tels que l'injustice sociale, le rejet, la violence ou la discrimination, ils ont peut-être aussi les meilleures solutions pour y remédier. Il nous suffit de les écouter.

La Force constabulaire royale de Terre-Neuve

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je vais d'abord terminer ma déclaration d'hier.

Les hommes et les femmes de la Force constabulaire royale de Terre-Neuve nous servent bien depuis plus de 287 ans. Nous sommes fiers des traditions et du patrimoine de notre force policière, et nous remercions ses membres, qui continuent de mettre leur vie en danger pour nous chaque jour, de leur service continu et de leur engagement envers les gens de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous prions Dieu de les protéger.

Le décès de Fidel Castro

L'honorable Fabian Manning : Votre Honneur, je suis heureux de présenter aujourd'hui le chapitre huit de « Notre histoire », qui porte sur le lien entre le défunt dirigeant cubain, Fidel Castro, et la province de Terre-Neuve-et-Labrador.

Au cours des années 1960, 1970 et 1980, la ville de Gander était un point important de ravitaillement en carburant pour les vols internationaux. Castro s'y arrêtait donc souvent. C'est d'ailleurs là où il a donné sa première entrevue hors de Cuba, en 1973.

L'ancien premier ministre Joey Smallwood avait organisé lui-même cette entrevue. Le journaliste de la CBC, Ken Meeker, qui était présent ce jour-là, a dit ce qui suit au sujet de Castro :

Quand il vous regarde, c'est comme s'il pouvait lire dans vos pensées.

Lors d'une autre de ses escales à Gander, Fidel Castro a découvert la ville grâce au premier ministre Smallwood, qui la lui a fait visiter.

À l'hiver 1976, il y a descendu une côte en traîne sauvage. Une photo de ce moment est affichée à l'aéroport de Gander.

(1410)

Lors d'un autre voyage, une dame du nom de Geraldine Maloney a descendu une pente en traîne sauvage avec Castro. Elle a dit qu'il était vêtu chaudement, puisqu'il n'était pas habitué, bien entendu, à ce climat. Il était emmitouflé, mais ne tenait pas en place. Il était comme un enfant au moment de prendre place dans la traîne pour entamer la descente.

Fidel Castro comptait parmi les nombreuses célébrités qui sont allées à Gander à cette époque. Il y a eu Winston Churchill, la reine Elizabeth II, les Beatles, Elizabeth Taylor, Mohammed Ali, Frank Sinatra et Jackie Kennedy-Onassis, pour n'en nommer que quelques-unes.

Dans une récente interview, le maire actuel de Gander, Claude Elliott, a dit qu'on lui avait demandé d'aller à un dîner où se trouvait Fidel Castro en 1998, peu après sa première élection au poste de maire. En bon Terre-Neuvien, le maire Elliott a dit qu'il y était allé par politesse. Il a dit que Castro dégageait beaucoup d'autorité et qu'ils ont surtout parlé de l'industrie de la pêche, mais leur conversation a pris une tournure vraiment intéressante lorsque Castro a interrogé le maire Elliott sur sa récente victoire démocratique.

Le maire Elliott a ajouté que, si intéressante que fut cette rencontre, il n'approuve pas les actions politiques de Castro. « Je n'irais pas à ses funérailles si j'y étais invité, a dit le maire Elliott. Nous n'approuvons pas qu'il ait persécuté et tué des hommes et des femmes innocents comme il l'a fait dans sa carrière. »

Les Terre-Neuviens sont sans pareils quand il s'agit de mettre les choses en perspective.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt des rapports de l'automne 2016

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports de l'automne 2016 du vérificateur général du Canada.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 24 novembre 2016, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Douglas Black propose que le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi sur les dispositifs émettant des radiations, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), la Loi sur les produits antiparasitaires et la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation et apportant des modifications connexes à une autre loi, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-13, une mesure qui permettrait au Canada de ratifier l'Accord sur la facilitation des échanges de l'Organisation mondiale du commerce.

Je tiens d'abord à remercier le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international pour son examen rapide et approfondi du projet de loi C-13. Je veux saluer en particulier l'intelligence des questions posées par la présidente, la sénatrice Andreychuk, de même que son leadership éclairé.

À titre de sénateur et d'avocat, je sais que la facilitation des échanges est essentielle pour la compétitivité des exportations et l'économie canadienne. Faciliter la circulation transfrontalière des marchandises revêt une importance particulière dans l'environnement actuel de chaînes de valeur mondiales, où les marchandises doivent franchir plusieurs frontières.

Pour assurer la compétitivité des exportations, il faut d'abord un accès au matériel, puis un accès aux marchés d'exportation. Environ 95 p. 100 des entreprises, à l'échelle mondiale, sont des petites et moyennes entreprises. Elles représentent environ la moitié du PIB, et sont responsables de la création de 70 p. 100 des emplois dans le monde.

Pour assurer la croissance économique canadienne, il faut absolument accroître les débouchés commerciaux offerts aux petites et moyennes entreprises. Toutefois, il est particulièrement difficile pour ces entreprises d'accéder à de nouveaux marchés parce que les coûts commerciaux ont des répercussions disproportionnées sur elles.

Un retard d'un seul jour à la frontière peut faire perdre 1 p. 100 de sa valeur à la livraison. Accélérer la mainlevée et le dédouanement des marchandises aux frontières internationales est important pour le commerce international, et c'est là que l'Accord sur la facilitation des échanges intervient.

Pour les commerçants, cet accord assurera des échanges transfrontaliers plus rapides, plus simples et plus prévisibles, ce qui entraînera une réduction des coûts commerciaux. Pour les gouvernements, les améliorations de l'Accord sur la facilitation des échanges réduiront les risques de corruption et faciliteront la perception des recettes, en particulier dans les pays en développement.

L'amélioration des conditions du commerce international n'est pas simplement une noble cause; elle présente des avantages économiques concrets. En fait, selon l'Organisation mondiale du commerce, la mise en œuvre intégrale de l'accord à l'échelle internationale augmentera la valeur des exportations mondiales d'un montant de l'ordre de 1 billion de dollars, dont une somme pouvant aller jusqu'à 730 milliards de dollars reviendra aux pays en développement. Il en est ainsi parce que l'Accord sur la facilitation des échanges simplifiera considérablement les échanges entre pays en développement.

On estime que les pays les moins développés qui font partie de l'Organisation mondiale du commerce diminueront leurs coûts commerciaux de 17 p. 100, en moyenne. La réduction des formalités administratives liées à l'exportation vers les marchés émergents devrait faciliter, pour les entreprises canadiennes, les exportations vers l'Asie, l'Afrique et l'Amérique latine.

L'Accord sur la facilitation des échanges est un accord sans perdant. La diminution des coûts commerciaux profite à tout le monde. Les pays en développement auront besoin d'assistance technique et d'aide pour le renforcement des capacités afin de mettre en œuvre les réformes prévues dans l'accord de facilitation des échanges et récolter les fruits de la réduction de la pauvreté qui s'ensuivra.

La possibilité, pour les pays en développement, de mettre l'accord en œuvre en fonction de leurs capacités et de déterminer leurs besoins en matière d'assistance constitue un élément clé de l'Accord sur la facilitation des échanges. Par ailleurs, l'accord oblige les pays développés membres de l'Organisation mondiale du commerce, comme le Canada, à fournir le soutien pratique nécessaire pour répondre à ces besoins.

Le Canada est bien placé pour apporter cette aide, car il a fourni, entre 2010 et 2015, près de 47 millions de dollars pour contribuer à la facilitation des échanges au moyen de divers programmes régionaux, bilatéraux et multilatéraux.

Cette initiative réduit considérablement l'attente aux frontières et les coûts des échanges commerciaux entre les pays membres de la Coopération en Afrique orientale, car elle prévoit un seul territoire douanier et appuiera des améliorations aux pratiques de gestion douanière aux frontières.

Le passage aux douanes était laborieux. La mesure législative vise à corriger cette situation. L'initiative de facilitation des échanges intégrera les procédures douanières grâce à l'automatisation et à l'établissement de postes frontaliers uniques. Par conséquent, le temps moyen de dédouanement de la marchandise passera, selon les estimations, de trois jours à huit heures.

De tels résultats — qui ne constituent qu'un exemple — ont le potentiel de faire sortir des millions de personnes de la pauvreté et de faciliter grandement les exportations des PME canadiennes vers des marchés émergents.

La mise en œuvre de l'Accord sur la facilitation des échanges pourrait donner des résultats similaires ailleurs. Cependant, il ne sera possible de voir le véritable potentiel de l'accord qu'une fois qu'il sera en vigueur. Or, l'entrée en vigueur est conditionnelle à la ratification de l'accord par 110 États membres de l'OMC.

À ce jour, 98 États membres de l'OMC ont ratifié l'accord, y compris tous les principaux partenaires commerciaux du Canada, et il suffit que 10 autres États membres le ratifient pour qu'il entre en vigueur. À l'heure actuelle, le Canada est le seul pays du G7 et l'un des trois seuls pays du G20 à ne pas l'avoir ratifié. Cela doit se faire. C'est une opinion qui semble être partagée par le premier ministre qui, à l'instar des dirigeants du G20, s'est engagé au sommet du G20, en septembre, à ratifier l'accord d'ici la fin de 2016.

Le Canada devrait participer au consensus international visant à accélérer l'entrée en vigueur de l'Accord sur la facilitation des échanges. J'exhorte tous mes collègues à appuyer les modifications législatives contenues dans ce projet de loi qui permettront au Canada de ratifier cet accord.

(1420)

Le projet de loi C-13 permettra au Canada d'harmoniser ses lois avec deux des dispositions de l'Accord sur la facilitation des échanges portant sur le traitement des marchandises en transit ou refusées à leur entrée au Canada. Il précisera et rendra plus efficaces les moyens dont disposent les autorités pour traiter les marchandises non conformes qui se retrouvent aux frontières du pays. Les procédures frontalières régissant le traitement des marchandises refusées seront donc plus cohérentes et plus transparentes.

Le projet de loi C-13 prévoit aussi des mesures permettant de mieux protéger l'environnement de même que la santé et la sécurité des Canadiens en ce qui a trait aux marchandises transitant au Canada. La capacité qu'ont les autorités de protéger la santé et la sécurité des Canadiens et l'environnement ne sera diminuée d'aucune manière par le projet de loi C-13.

L'adoption du projet de loi C-13 et la ratification par le Canada de l'Accord sur la facilitation des échanges permettront à ce dernier d'entrer plus rapidement en vigueur, en plus — selon moi — d'intensifier les propriétés transformatrices du commerce. Je vous remercie, honorables sénateurs.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Huitième rapport du Comité des finances nationales—Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je suis prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement concernant le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Vous vous souviendrez qu’une fois l'adoption du rapport proposée jeudi dernier, le sénateur Harder a invoqué le Règlement. Il a contesté la recevabilité de l'amendement que renferme le rapport en invoquant qu'il aurait comme conséquence d'augmenter les impôts de certaines personnes par rapport aux dispositions incluses dans le projet de loi C-2. Il a fait valoir que l'amendement va à l'encontre du principe constitutionnel fondamental selon lequel les mesures fiscales, à l'instar des crédits, doivent émaner de la Chambre des communes. Le sénateur Harder a affirmé que cet alourdissement du fardeau fiscal ne respecterait pas le principe établi selon lequel le Sénat peut seulement modifier les projets de loi fiscaux en vue de réduire les taxes, non de les augmenter. La sénatrice Bellemare a par la suite appuyé le point de vue du sénateur Harder en soulignant que l'analyse des répercussions de l'amendement doit être faite en fonction du projet de loi C-2, non de la Loi de l'impôt sur le revenu actuelle.

Le sénateur Smith, président du comité, a alors fait valoir que l'étude du rapport devrait pouvoir se poursuivre. Il a indiqué que personne ne paierait plus d'impôt avec l'amendement comparativement aux taux actuels. Il a toutefois précisé que, si l'amendement est adopté, certaines personnes paieraient plus d'impôt que si le projet de loi C-2 était adopté sans être amendé. Le sénateur Smith a donné des exemples : les personnes qui gagnent 93 000 $ par année verraient leur taux d'imposition passer de 18 % à 18,2 %, alors que ceux qui gagnent 95 000 $ par année verraient leur taux passer d'environ 18,1 % à 18,8 %.

[Français]

Le sénateur Smith ne s'est toutefois pas limité au bien-fondé de l'amendement. Il s'est également interrogé à savoir si le Président devait se prononcer sur ce rappel au Règlement étant donné que, à son avis, il s'agit d'une question de nature constitutionnelle ou juridique, non d'une question de procédure. La sénatrice Cools a soulevé une préoccupation semblable en soutenant que le Président ne devrait pas remettre en question un rapport de comité. La sénatrice Fraser a fait remarquer que le rôle du Président est de trancher les rappels au Règlement avec une analyse sur le plan de la procédure sans égard au contenu ou au bien-fondé d'une question donnée.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je commencerai par clarifier le rôle du Président. L'article 2-1(1)b) du Règlement prévoit que le Président est chargé « de statuer sur les rappels au Règlement, le bien-fondé à première vue des questions de privilège et les demandes de débats d'urgence ». Selon l'annexe I du Règlement, un rappel au Règlement est une « [p]lainte ou question formulée par un sénateur qui estime que les règles, les pratiques ou les procédures du Sénat n'ont pas été appliquées correctement ou ont été passées sous silence au cours des travaux ». Un sénateur a invoqué le Règlement. Je dois donc, en tant que Président, rendre une décision. Ce faisant, je dois tenir compte du Règlement, des pratiques et des procédures du Sénat. Le fait que la question en cause est souhaitable ou non n'est pas pris en compte. Je détermine seulement si le Règlement, les procédures et les pratiques appropriées sont respectées et appliquées. Je tiens également à préciser que personne n'a d'aucune façon remis en question le bien-fondé du projet de loi reçu de l'autre endroit. Il n'est question que de l'amendement contenu dans le rapport du comité.

Comme les sénateurs le savent, la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit que tout projet de loi de crédits ou d'imposition doit émaner de la Chambre des communes. Il s'agit d'un principe de base de la démocratie parlementaire canadienne. De plus, les mesures visant l'augmentation d'une taxe relèvent de l'unique initiative de la Couronne à l'autre endroit, puisqu'elles doivent être précédées de l'adoption d'une motion de voies et moyens.

[Français]

L'autorité du Sénat en ce qui concerne l'application de ce principe a entraîné des désaccords occasionnels entre les deux Chambres. Un exemple : il a été question pendant les discussions sur le rappel au Règlement de deux projets de loi antérieurs qui ont pris naissance au Sénat mais qui ont été jugés irrecevables à la Chambre des communes parce que l'on considérait qu'il s'agissait de mesures fiscales. Le Sénat avait déterminé que ces projets de loi concernaient des droits, non des taxes. C'est pour cette raison que le Sénat a conclu qu'il pouvait les adopter. Cependant, l'autre endroit est arrivé à une conclusion différente, et c'est son droit. Mais, soyons clairs, le Sénat n'a pas été l'instigateur de ce qu'il considérait être des projets de loi fiscaux.

[Traduction]

Pour revenir au désaccord sur les projets de loi de crédits et les mesures fiscales, la Chambre des communes soutient qu'il appartient à elle seule d'attribuer des subsides et des crédits sans que le Sénat puisse y apporter des modifications. Le Sénat n'a jamais accepté cette interprétation.

En 1918, un comité spécial du Sénat a été formé pour étudier « les droits que possède le Sénat au sujet des lois de finances, et d'étudier la question de savoir si l'Acte de l'Amérique Britannique du Nord, 1867, accorde — et dans quelle étendue — ou nie au Sénat le droit de modifier un projet de loi concernant les finances de l'État (bill de subsides) ». Le rapport du comité, communément appelé le « rapport Ross », a été présenté le 15 mai 1918. Le Sénat a adopté le rapport, avec l'annexe jointe, le 22 mai.

Les conclusions et les principes établis dans le rapport traitant des projets de loi de finances reçus de la Chambre des communes énoncent et régissent nos pratiques, dans la mesure où ces questions ne sont pas expressément abordées dans le Règlement. En ce qui concerne le projet de loi C-2, je peux donc assurer les sénateurs que nous traitons d'une question de procédure, non d'une question juridique ou constitutionnelle. Il y a lieu ici de souligner que ce rapport ne traite pas explicitement de l'autorité du Sénat par rapport aux projets de loi qui prennent naissance ici et qui visent à réduire le fardeau fiscal. Il s'agit d'une question non résolue.

La première conclusion du rapport Ross, qui s'applique toujours, est que le Sénat a le pouvoir de modifier les projets de loi de crédits et les projets de loi fiscaux, mais seulement s'il réduit les sommes proposées dans le projet de loi. La conclusion est la suivante :

Le Sénat possède, et a toujours possédé depuis qu'il existe, le pouvoir de modifier, en réduisant les sommes qui y sont déterminées, les bills qui proviennent des Communes et qui qui affectent des revenus publics à certains emplois ou établissent des impôts, mais le Sénat n'a pas le droit d'augmenter ces sommes sans le consentement de la Couronne.

Le rapport énonce aussi l'idée suivante : « Le Sénat ne peut [...] pas directement ni indirectement décider la dépense d'un sou des deniers publics ou imposer un sou de taxe au peuple ».

(1430)

[Français]

Cette conclusion fondamentale guide le Sénat depuis ce temps et, à quelques reprises, nous avons modifié des projets de loi fiscaux.

[Traduction]

Cette conclusion précise en outre que nos pouvoirs sont limités quand nous amendons de tels projets de loi. Nous pouvons seulement proposer des changements qui réduiront les sommes contenues dans le projet de loi. Le fait qu'un amendement est, dans son ensemble, neutre sur le plan du revenu n'a pas d'importance — la question consiste à déterminer s'il aurait pour effet d'augmenter les impôts ou non, et le Sénat ne peut pas augmenter ces sommes.

Dans le cas des amendements du Sénat à un projet de loi, il faut se reporter aux sommes précisées dans le projet de loi dont nous sommes saisis, non aux dispositions de la loi actuelle. Cela est clair d'après l'utilisation dans le rapport Ross de l'expression « qui y sont déterminées », qui renvoie au projet de loi adopté par la Chambre des communes. Si le Sénat supprime un article ou rejette un projet de loi, nous revenons à la loi en vigueur. Ce fait ne veut cependant pas dire que nous pouvons utiliser le statu quo pour déterminer les amendements que nous pouvons proposer. Le projet de loi adopté par la Chambre des communes, qui dans le cas d'une augmentation d'impôts est basé sur une motion de voies et moyens proposée par la Couronne et adoptée par la Chambre des communes, constitue notre point de référence pour amender le texte.

En examinant le rappel au Règlement, il est devenu clair que l'amendement proposé dans le rapport augmenterait le taux d'imposition de certaines personnes. Il n'est pas conforme aux usages qu'une telle augmentation découle d'un changement apporté au Sénat. Cela va à l'encontre d'un principe de base qui régit les travaux parlementaires en général et de la compréhension qu'a le Sénat quant à la façon de traiter d'une mesure fiscale.

L'amendement dans le rapport n'est pas recevable, en raison du fait qu'il modifierait le projet de loi en augmentant les impôts.

Pour être clair, cette décision n'a pas d'incidence sur la conclusion du rapport Ross qui établit que le Sénat peut modifier un projet de loi de finances reçu des Communes en réduisant les montants qui y sont inclus.

Je m'empresse d'ajouter que cette situation, où nous nous trouvons avec des amendements à un rapport qui ne sont pas recevables, n'est pas sans précédent. Le 8 décembre 2009, il y a eu un rappel au Règlement selon lequel les amendements d'un rapport dépassaient la portée du projet de loi en question. Le lendemain, le Président a statué que c'était effectivement le cas. Le rapport a perdu son contenu et s'est retrouvé sans amendement, puis le Président a demandé « Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois? ».

Il s'agit d'un précédent valable qui peut être appliqué dans le cas présent. Comme il contient uniquement un amendement maintenant jugé irrecevable, le huitième rapport du Comité des finances nationales perd tout contenu. Par conséquent, il ne propose aucun amendement au projet de loi C-2 et, conformément à l'article 12-23(2) du Règlement, il est considéré comme adopté. Comme en 2009, la prochaine question sur laquelle le Sénat doit se prononcer est donc une question de procédure, à savoir « Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois? ». Pour dire les choses clairement, il s'agira de la troisième lecture du projet de loi sans amendement.

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Je suppose que Son Honneur demande à quel moment nous lirons ce projet de loi pour la troisième fois?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

Le sénateur Day : Merci, Votre Honneur. Je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Day, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

Projet de loi de 2016 pour la mise en œuvre d'une convention et d'un arrangement relatifs à la fiscalité

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Son Honneur le Président : Avant cela, sénateur Greene, je dois demander aux sénateurs s'ils sont prêts à se prononcer.

Des voix : Le vote!

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Le sénateur Tannas est le porte-parole officiel pour ce projet de loi et devait intervenir aujourd'hui. Si vous le permettez, j'ajournerai le débat en son nom. Nous pouvons revenir sur le sujet à son retour.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Tannas, le débat est ajourné.)

Projet de loi concernant la sûreté des infrastructures souterraines

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Omidvar, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-229, Loi concernant la sûreté des infrastructures souterraines.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je m'étais préparée à intervenir à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi, mais j'ai parlé depuis à divers collègues qui me pressent d'intervenir le plus rapidement possible et j'en ai également parlé au parrain du projet de loi. Comme je ne veux pas pour l'instant retarder le débat, et puisque je sais que d'autres veulent intervenir à l'étape de la deuxième lecture, je n'interviendrai pas à cette étape et garderai en réserve les questions que j'ai au sujet de ce projet de loi pour ce qui suivra l'intervention du sénateur Mitchell. Je demanderai peut-être au comité d'examiner ces questions.

Je ne prendrai pas la parole à l'étape de la deuxième lecture, mais je sais qu'un ou deux sénateurs souhaitent encore intervenir dans ce débat. Je ne retarderai donc pas le processus davantage.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

La sénatrice Martin : Le sénateur Neufeld m'a dit aujourd'hui qu'il souhaitait se prendre la parole à ce sujet. Puis-je proposer l'ajournement de ce débat au nom du sénateur Neufeld? Je pensais que la sénatrice Hubley allait ajourner le débat, donc je propose l'ajournement au nom du sénateur Neufeld.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Neufeld, le débat est ajourné.)

(1440)

Le Sénat

Son rôle de protection dans la représentation des régions et des minorités—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Seidman, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de protection dans la représentation des régions et des minorités.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je viens d'échapper mes notes. De toute façon, elles ne sont guère lisibles, car j'espérais pouvoir les réécrire au propre pendant que le Sénat examinerait d'autres questions.

Cependant, je pense que l'interpellation que la sénatrice Seidman a inscrite au Feuilleton est louable et importante, et je tiens à l'en remercier. Je crois que la protection de la représentation des régions et des minorités est l'un des rôles les plus importants joués par le Sénat. Nous savons tous que le Sénat a, dès le début, été qualifié de Chambre de second examen objectif, et nous connaissons aussi les célèbres citations de sir John A. Macdonald et de George Brown.

Toutefois, il est aussi vrai que, à l'origine, le Sénat a été conçu comme une institution ayant pour but de protéger les régions et les minorités du Canada. Il existe peu de pays dans le monde où la protection des régions et des minorités est une mission aussi difficile qu'elle l'est au Canada. Cette situation est attribuable au fait que, étant donné l'immensité de notre pays, des malentendus peuvent très facilement survenir entre les régions ou les minorités qui le composent.

Le professeur Gil Rémillard — du moins, je crois qu'il est professeur —, un éminent constitutionnaliste et ancien ministre au Québec, a rédigé un ouvrage à l'égard duquel notre collègue, le sénateur Joyal, a fait un travail remarquable en tant que directeur de publication :

En effet, pour les Pères de la Confédération, la Chambre haute [...] refléterait [...] le respect du principe de participation qui est à la base du fédéralisme en faisant contrepoids à la domination appréhendée des régions plus peuplées à la Chambre des communes, et ce, en donnant aux régions une voix égale au Sénat. La Chambre haute devait aussi représenter au Parlement les minorités nationales, soit la population anglophone du Québec et les populations francophones des autres provinces.

Je crois qu'il y a quelques points à faire valoir dans ce contexte. D'abord, le fait de dire que le Sénat a été constitué afin de représenter les régions moins peuplées et, subsidiairement, les provinces les moins peuplées ne signifie pas que le Sénat a été constitué afin de représenter les gouvernements de ces provinces et de ces régions.

Prenons par exemple ma propre province, le Québec, qui est également une région. Le gouvernement du Québec n'est pas le Québec. C'est un élément très important du Québec et il représente du mieux possible les intérêts du Québec. Cependant, aucun gouvernement n'est la région ou le territoire qu'il a été élu pour gouverner. Il nous incombe de représenter, parallèlement aux représentants élus directement par leur population, les intérêts à plus long terme des habitants de nos régions et de nos provinces. Nous ne sommes pas chargés de représenter les gouvernements provinciaux, mais bien les provinces et les régions ellesmêmes. Il s'agit d'une distinction que nous devrions, à mon avis, toujours garder à l'esprit.

Le deuxième élément soulevé par M. Rémillard et de nombreux autres, c'est le fait que la Chambre haute représentait ce qui était considéré à l'époque comme les deux minorités nationales au Parlement, soit la population anglophone du Québec et les populations francophones des autres provinces. C'était extrêmement important et, dans le cas du Québec, c'est la raison pour laquelle chaque sénateur du Québec représente une division particulière, un territoire particulier. Ces divisions avaient été créées à l'origine afin de protéger la minorité anglophone, parce qu'elles correspondaient à ce qui était à l'époque les collèges électoraux du Québec, et ces collèges électoraux avaient tendance à correspondre à des segments distincts de la population. Bien sûr, les populations ont changé depuis cette époque, mais la notion fondamentale selon laquelle la représentation de ma minorité devait être protégée était importante.

[Français]

On oublie souvent que, tout en créant cette protection pour la minorité anglophone du Québec, on a en même temps créé une protection pour la population francophone du Québec qui est et sera toujours minoritaire au sein du Canada. Par conséquent, si nous réservons certaines divisions aux anglophones, la nature même de la chose signifie que les autres divisions seront consacrées aux intérêts de la majorité du Québec, c'est-à-dire la majorité francophone.

[Traduction]

Depuis l'époque où le discours politique au Canada ne tenait vraiment compte que de ces deux minorités nationales — les francophones et les anglophones —, notre compréhension des intérêts minoritaires et nos responsabilités à l'égard des minorités se sont considérablement élargies. Il ne s'agit pas d'un phénomène récent. De façon générale, cela a été une tendance constante dans l'histoire du Canada.

Au cours des années 1940, par exemple, l'éminent politologue R. MacGregor Dawson a écrit ce qui suit dans son célèbre ouvrage sur le gouvernement du Canada :

Les nominations au Sénat servent souvent non seulement à assurer une représentation provinciale, mais aussi une représentation des groupes économiques, raciaux et religieux de la province. Les syndicats et les autres intérêts économiques ont été représentés de façon particulière, mais très inégale. La minorité catholique romaine en Ontario et la minorité protestante au Québec ont toutes deux été surreprésentées au Sénat, car l'on croyait qu'elles n'obtenaient pas un nombre de sièges équitable à la Chambre. De façon semblable, le professeur MacKay écrit que des sénateurs ont été nommés pour représenter les collectivités francophones et allemandes de l'Ontario, les francophones de l'Ouest du Canada et les Acadiens des provinces maritimes. D'ailleurs, la nomination de représentants pour les minorités religieuses et raciales est devenue une telle tradition qu'il serait très difficile pour un premier ministre de l'ignorer.

Je le répète, cela a été rédigé il y a 70 années environ. M. Dawson ajoute ensuite ceci :

Et bien sûr, la recherche de reconnaissance pour des motifs particuliers s'est fortement accrue lorsque la question du sexe est apparue. En 1930, Mme Cairine Wilson a été nommée sénatrice dans le but avoué qu'elle représente les femmes du Canada. Ce qui devait arriver arriva, et plus tôt que tard : d'aucuns ont exigé que les femmes de chaque province soient elles aussi représentées. Le Sénat compte aujourd'hui sept femmes provenant de six provinces. Bref, le problème que représente l'équilibre entre les races, les sexes, les croyances et les provinces semble sur le point d'échapper à tout contrôle.

(1450)

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Fraser : Et encore, il n'y avait que sept femmes à l'époque.

Si mon calcul est bon, lorsque tous les sénateurs auront été officiellement présentés, les femmes formeront à peu près 45 p. 100 de l'assemblée, et vous m'excuserez si je me permets de dire que c'est absolument fantastique.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : Il ne faut pas oublier que la seule présence d'un groupe donné au sein d'un organe législatif a un effet sur les délibérations et les décisions dudit organe législatif. La politique n'est plus l'apanage des hommes blancs de la classe moyenne depuis longtemps déjà. Cela s'explique en partie par la composition de notre assemblée. Regardez autour de vous, et vous verrez l'extraordinaire, la fabuleuse diversité qui vous entoure. Le Sénat compte des gens de tous les continents, de toutes les races et de je ne sais combien de groupes linguistiques. Tous ces sénateurs exercent une influence sur chacun et chacune de leurs collègues; ils nous aident à mieux comprendre l'étonnante complexité du Canada et à respecter cette complexité et cette diversité.

Je relisais une série de discours prononcés par divers premiers ministres, l'autre jour, et j'ai été frappée de constater que plusieurs d'entre eux, des deux côté du parquet, considéraient le respect de la diversité comme une valeur profondément canadienne. Personnellement, je crois que c'est vrai et je suis convaincue que le Sénat contribue... j'allais dire splendidement, mais n'exagérons rien, qu'il contribue concrètement à faire de ce grand principe une réalité.

Comme j'ai essayé de le dire tout à l'heure, nous accueillons de plus en plus favorablement et respectueusement la diversité. La Charte canadienne des droits et libertés a renforcé une tendance qui existait déjà et qui ne prendra pas fin lorsque nous croirons avoir compris toutes les implications de la Charte, si jamais cela se produit un jour. Nous continuerons d'élargir notre représentation et notre compréhension des minorités au pays.

Par exemple, songez au travail fantastique qui est accompli par les Comités sénatoriaux des peuples autochtones, des langues officielles et des droits de la personne. Deux de ces comités, ceux des droits de la personne et des langues officielles, sont relativement nouveaux, mais leur travail a eu un effet énorme sur le sort des populations étudiées et représentées dans cette enceinte. Tous ces comités, et peut-être surtout celui des peuples autochtones, ont permis à l'ensemble des sénateurs d'améliorer leur compréhension du pays et de leur devoir envers le pays.

Nous savons tous que, dans le monde des médias, ce n'est pas la vision qui est véhiculée de notre institution. On nous considère comme autant de privilégiés complaisants et presque assurément paresseux qui ne siègent au Parlement que pour la forme. Les sénateurs qui viennent d'être nommés ne mettent pas beaucoup de temps à s'apercevoir que cette image est totalement fausse.

Parmi les livres que j'aime beaucoup relire, il y a les mémoires du regretté et révéré Eugene Forsey, qui n'a pas été uniquement un grand auteur et analyste politique. Il a aussi été sénateur. Il parlait donc du Sénat en connaissance de cause. Dans un passage de ses mémoires, il commence par citer un brillant journaliste qui considérait le Sénat comme une assemblée constituée de fossiles et de ratés, et il ajoute :

[...] selon la sagesse journalistique répandue...

— et je tiens à vous rappeler que je suis une ancienne journaliste —

... les projets de loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et sur l'assurance-chômage, le Sénat aurait dû les adopter sans amendements et en un rien de temps. Pourquoi se préoccuper des pauvres et des personnes persécutées? Le Sénat a plutôt soumis ces projets de loi également à un examen rigoureux, a tenu de longues audiences avec des experts dans le domaine concerné et a proposé une liste d'amendements pour que ces mesures soient plus efficaces et plus humaines, et pour qu'ils résistent mieux aux contestations judiciaires qui promettaient d'être nombreuses. Il semblerait que le groupe de fossiles et de ratés n'a pas saisi les déclarations infaillibles de la presse. Il est mort et maudit, mais, même mort, il parle. Outil des gros bonnets, il défend néanmoins les petits et les citoyens ordinaires, les pauvres et ceux qui n'ont nul soutien.

Je crois qu'il s'agit d'un très bon résumé.

Je demande deux minutes de plus, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Selon moi, il s'agit d'un résumé assez juste de ce nous faisons de mieux. Nous défendons celui qui n'a nul soutien, et celui qui n'a nul soutien est habituellement une minorité. C'est ce pour quoi nous sommes ici, chers collègues, et je soutiens que nos responsabilités ne peuvent que s'accroître au fil des ans.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais : Je serai bref, car la sénatrice Fraser a couvert l'ensemble du sujet. Je crois d'ailleurs que son discours devrait se retrouver dans les annales du Sénat.

Je voudrais cependant parler de la situation particulière du Québec. La sénatrice Fraser a raison lorsqu'elle parle de la protection des langues anglaise et française. Je reviens sur ce sujet, parce que j'en ai parlé lors d'une motion. Il existe un anachronisme au Québec qu'il serait temps de corriger. Je lance ici l'invitation, monsieur le Président, à tous les sénateurs du Québec — puisque tous les sièges sont maintenant comblés — afin qu'ils se rencontrent pour examiner la situation actuelle et entreprendre la bonne démarche, la vraie démarche, la seule démarche qui permettra de corriger cet anachronisme. Il s'agirait que les 24 sénateurs arrivent à une entente visant à demander à l'Assemblée nationale du Québec de bien vouloir adopter une résolution qu'elle transmettra à la Chambre des communes pour qu'elle l'adopte; après quoi, le Sénat l'adoptera à son tour.

Je pense qu'il faut corriger cet anachronisme qui dure depuis la fondation du Canada, il y a 150 ans. C'est sans aucune malice que je regarde le projet de loi du sénateur Patterson. Le sénateur Patterson a le droit de corriger sa situation personnelle, qui est vraiment une situation particulière dans notre pays, et je suis tout à fait d'accord avec lui. Cependant, dans le cas du Québec, il faut d'abord que les sénateurs du Québec s'entendent.

Vous savez, j'ai toujours entendu dire que le Sénat était la voix des « sans-voix », et cet état de fait est particulier dans une assemblée législative, dans un Parlement, car nous écoutons ceux qui ne peuvent être écoutés. Le système électoral fait qu'il y a deux ou trois partis politiques, et peut-être quatre, qui apparaissent sur les bulletins de vote, mais il y a beaucoup d'autres personnes qui ne gagnent pas leurs élections et qui ont le droit d'être écoutées. Ce sont des Canadiens et des Canadiennes à part entière, selon leur diversité culturelle autant qu'humaine. Au Canada, ces gens ont le droit d'être représentés dans une Chambre. Il ne faut pas oublier cela.

(1500)

Sénatrice Fraser, je vous félicite pour votre intervention, qui est bien structurée. Vous avez cité les nombreuses personnes qui ont travaillé sur le dossier du Sénat. Vous aviez raison d'en parler mais, dans le cas précipité de l'anachronisme qui existe au Québec, il faut que les 24 sénateurs du Québec se parlent si nous voulons arriver à une solution.

Profitons donc du 150e anniversaire du Canada pour apporter cette correction qui nous sera utile pour les 50 prochaines années. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi de 2016 pour la mise en œuvre d'une convention et d'un arrangement relatifs à la fiscalité

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 1 :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable.

L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, en tant que porte-parole, je tenais à intervenir dans le débat au sujet du projet de loi S-4, mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable.

Honorables sénateurs, l'importance pour le Canada de renforcer ses relations commerciales et d'investissement avec tout pays résolu à approfondir ces liens, « ça tombe sous le sens », comme diraient mes enfants. Le parlementaire et spécialiste du commerce Ed Fast a dit à maintes occasions que l'accroissement du commerce s'accompagne d'une prospérité accrue, d'une sécurité financière renforcée et d'une meilleure qualité de vie. Pour protéger et renforcer la sécurité financière des travailleurs canadiens, nous devons adopter des politiques fondées sur un réalisme pratique plutôt que sur une idéologie anticommerce dépassée qui a depuis longtemps perdu toute crédibilité. Le projet de loi S-4 offre une telle occasion.

Le projet de loi n'est pas compliqué, puisqu'il s'inscrit, pour la plus grande partie, dans le prolongement de la décennie de gouvernance Harper, au cours de laquelle plus de 40 accords commerciaux ont été négociés et plus de 92 conventions fiscales ont été signées. Je crois que le sénateur Greene a appelé cela la « continuité d'un projet de loi du gouvernement précédent ».

Les impôts peuvent ralentir la croissance. Plus il y a d'impôts, moins il y a de croissance. Ainsi, lorsque le Canada a signé la convention avec Israël et a commencé à mettre en œuvre un arrangement fiscal avec Taïwan, l'intention n'a jamais été d'imposer les gens deux fois. Certains diraient même que les imposer une seule fois, c'est bien assez.

À mon avis, le projet de loi S-4 est tout à fait indiqué. Comme l'a mentionné la sénatrice Bellemare, cette mesure législative se compose de trois parties. Il fait suite à une convention précédemment annoncée conclue avec l'État d'Israël et à un arrangement avec Taïwan. Il modifie aussi la Loi sur l'accord fiscal Canada-Hong Kong pour y ajouter une précision.

J'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur les répercussions directes que le projet de loi aura sur la province qui m'a élu sénateur, surtout la relation spéciale que l'Alberta a forgée avec la population taïwanaise. Autant que je sache, seules les provinces de Québec et de l'Alberta sont inscrites et représentées, comme provinces, à Taipei pour favoriser et stimuler le commerce.

Voici d'autres faits dont j'aimerais vous faire part. L'Alberta maintient une présence à Taipei depuis 1988 et a pignon sur rue au même endroit que le Bureau commercial du Canada à Taipei. Taïwan est le 15e marché d'exportation en importance de l'Alberta. De 2011 à 2015, les exportations de l'Alberta vers Taïwan se sont élevées en moyenne à 172 millions de dollars par année. Les produits exportés étaient principalement du cuir et des peaux, de la pâte de bois, des matières plastiques, du nickel, du cobalt, du bœuf et du porc, du fer et de l'acier. De 2011 à 2015, les importations de Taïwan faites directement par l'Alberta ont atteint en moyenne 216 millions de dollars par année et comprenaient des machines électriques, des produits en fer et en acier, de la machinerie, des véhicules, du caoutchouc et des matières plastiques.

Tout récemment, en 2015, la division de la foresterie du ministère de l'Agriculture de l'Alberta a participé à un atelier sur les produits dérivés du bois organisé par Alberta Innovates Technology Futures, le Bureau de l'Alberta à Taïwan et la United Forestry Products Cooperative. L'atelier marquait le lancement d'une initiative conjointe pour promouvoir ces produits de l'Alberta à Taïwan, en vue de susciter des retombées directes sur le secteur de la foresterie de l'Alberta et ses exportations à Taïwan.

En 2014, le Bureau de l'Alberta à Taïwan a tenu un séminaire sur l'exploitation du gaz de schiste en Alberta et les possibilités qu'il offre pour faire connaître les plus récents progrès dans le secteur de l'énergie de l'Alberta aux professionnels taïwanais, avec des conférenciers de l'Alberta, dont une d'Alberta Energy et un du Canadian Energy Research Institute.

Dans le secteur de l'éducation, des établissements d'enseignement postsecondaire de l'Alberta et de Taïwan ont noué des partenariats. En 2014-2015, 151 jeunes de Taïwan ont poursuivi en Alberta des études postsecondaires menant à des diplômes et à des certificats.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 a des conséquences très réelles et directes sur de nombreux Albertains et Canadiens. Il témoigne de la vision de l'ancien premier ministre et de son gouvernement, et de l'engagement qu'avait pris Stephen Harper de mener une politique commerciale très audacieuse — que poursuivra, nous l'espérons, le gouvernement actuel.

Ne serait-ce que pour ces raisons, j'exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer ce projet de loi et à le renvoyer au comité. Pour mes enfants et moi, ça tombe sous le sens.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Greene, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

Banques et commerce

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :

Que, pour les fins de son étude du projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'alphabétisation à l'Île-du-Prince-Édouard

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Elizabeth Hubley (leader adjointe des libéraux au Sénat), ayant donné préavis le 28 septembre 2016 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la situation actuelle de l'alphabétisation et des programmes d'alphabétisation à l'Île-du-Prince-Édouard, notamment sur la nécessité pour le gouvernement fédéral d'appuyer la PEI Literacy Alliance.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui pour vous parler d'une question qui a été négligée au cours de la dernière décennie : l'alphabétisation. Je sais que beaucoup d'entre nous ont de la difficulté à le croire, surtout en cette ère de la technologie de pointe, mais 48 p. 100 des Canadiens ne possèdent pas les capacités de lecture et d'écriture nécessaires pour participer pleinement à la société.

Notre bon ami, le sénateur Demers, nous a parlé des réalités vécues par les personnes possédant un faible niveau d'alphabétisation. Il nous a raconté ses expériences et les difficultés qu'il a éprouvées. Il est devenu un véritable modèle, inspirant d'autres à améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture, et il a contribué à attirer l'attention du Sénat sur cet enjeu important. J'aimerais qu'il soit ici avec nous aujourd'hui pour apporter au débat sa touche de sagesse.

Je tiens aussi à saluer le travail qui a été fait dans ce dossier par mes anciennes collègues, les sénatrices Catherine Callbeck et Joyce Fairbairn. Comme nous le savons tous, elles ont toutes deux grandement contribué à faire avancer la cause de la littératie ici, au Sénat.

(1510)

Malheureusement, peu de choses ont changé ces dernières années. Comme je l'ai mentionné, 48 p. 100 des Canadiens en âge de travailler ont un faible niveau de compétence en lecture et en écriture. Oui, près de la moitié des Canadiens de 16 à 65 ans ne possèdent pas les compétences voulues pour réussir. Quant aux compétences en calcul, elles sont encore pires : pour 55 p. 100 des personnes de ce groupe d'âge, elles sont inférieures au minimum requis pour participer pleinement à la société.

Certains des taux de littératie les plus faibles au pays se trouvent dans la région de l'Atlantique : 50 p. 100 en Nouvelle-Écosse, 54 p. 100 au Nouveau-Brunswick et 56 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador. Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, ce taux est de 46 p. 100.

Le problème est grave. Comment le pays peut-il s'attendre à prospérer quand sa population ne possède pas les compétences voulues pour réussir?

La littératie comporte des avantages considérables, tant pour les particuliers que pour les collectivités. Le premier devrait être évident, et il se situe sur le plan économique. Nous savons déjà qu'il existe une corrélation entre la littératie et le niveau salarial. Nous savons que les Canadiens dont le niveau de littératie est faible risquent à peu près deux fois plus que les autres de se retrouver en chômage. Ils risquent davantage de dépendre de l'aide sociale. En fait, 65 p. 100 des prestataires de l'aide sociale ont un niveau de littératie peu élevé. Quand ils ont du travail, ils occupent en général les emplois les moins bien rémunérés. Près de la moitié des Canadiens à faible revenu ont aussi un faible niveau de littératie.

Toutefois, l'amélioration de ces compétences accroît la possibilité d'obtenir un meilleur emploi et un meilleur salaire. Selon une étude réalisée par Statistique Canada, chaque année d'études supplémentaire fait grimper le salaire de plus de 8 p. 100.

En ce qui concerne l'ensemble du pays, selon un rapport publié par Groupe Financier Banque TD, une augmentation de 1 p. 100 de l'alphabétisme rehausserait de 2,5 p. 100 la productivité de la main-d'œuvre et ferait augmenter le PIB de 1,5 p. 100.

Le taux d'alphabétisation a également des effets sur la santé.

Soulignons d'abord qu'une personne qui présente un faible niveau d'alphabétisation est plus susceptible d'être victime d'un accident au travail simplement parce qu'elle est incapable, par exemple, de lire des règles de santé et de sécurité ou le mode d'emploi d'une machine. Ces gens sont généralement plus susceptibles d'être employés dans l'industrie des ressources primaires ou de la construction, des secteurs qui affichent un taux d'accidents largement supérieur à la moyenne. Cette situation fait augmenter le taux d'absentéisme, fait diminuer la productivité et peut même accroître le risque de blessure pour les collègues des travailleurs en question.

À la maison, ces gens sont plus susceptibles d'utiliser des médicaments de façon inappropriée parce qu'ils ne comprennent pas les instructions du pharmacien. Ils ont de la difficulté à trouver et à comprendre des renseignements sur la santé. Il peut arriver qu'ils aient du mal à comprendre les instructions de leur médecin et qu'ils ne posent donc pas les questions qui leur permettraient d'en savoir davantage sur leur état de santé.

En ce qui concerne les collectivités, la hausse du niveau d'alphabétisation a des effets bénéfiques sur l'engagement communautaire. Les gens qui présentent un faible niveau d'alphabétisation sont moins susceptibles de s'engager au sein de leur collectivité. Ils sont moins susceptibles de faire du bénévolat. En Ontario, environ la moitié des personnes qui présentent un faible niveau d'alphabétisation font du bénévolat, alors que le taux d'engagement bénévole atteint près de 80 p. 100 parmi les personnes qui présentent un haut niveau d'alphabétisation.

De plus, les personnes qui présentent un faible niveau d'alphabétisation sont moins susceptibles de voter. Voici ce que dit un rapport de l'UNESCO sur les avantages politiques de l'alphabétisation des adultes :

Dans les sociétés modernes, la lecture et l'écriture sont des compétences fondamentales nécessaires à la prise de décisions éclairées, à l'autonomisation personnelle et à la participation active ou passive à la vie sociale, que ce soit à l'échelle locale ou mondiale [...] Il a été démontré qu'une personne qui accumule plus de connaissances et qui s'informe davantage est aussi plus susceptible de s'engager dans diverses activités politiques.

Si la population devient mieux informée et participe davantage, nous y gagnerons tous.

Au chapitre des aspects négatifs, rappelons qu'une forte proportion de personnes en établissement correctionnel ont un faible niveau de littératie. Environ 82 p. 100 des délinquants ont des compétences en littératie inférieures au niveau de la 10e année, et 65 p. 100 se situent à un niveau inférieur à la 8e année. Les délinquants qui ont un faible niveau de littératie ont davantage tendance à récidiver après leur libération. Il y a un point positif, toutefois : les programmes de littératie offerts dans les prisons peuvent avoir un effet très positif sur le taux de récidive et le faire chuter de 30 p. 100.

D'après l'Association canadienne des chefs de police, ces programmes donnent aussi aux jeunes à risque la chance d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour trouver et conserver un emploi et, par le fait même, pour éviter la pauvreté.

Le faible niveau de littératie d'une partie de la population a des conséquences financières. Il entraîne des coûts réels dans différents domaines, dont l'aide sociale, les soins de santé, l'assurance-emploi et l'entretien des prisons. La World Literacy Foundation estime que les faiblesses en littératie entraînent, au Canada, des coûts sociaux dépassant les 32 milliards de dollars américains.

Aussi étonnantes que ces données puissent paraître, elles n'iront pas en s'améliorant. Bien qu'un nombre croissant de jeunes fassent des études postsecondaires, cette hausse ne compensera pas le nombre d'adultes qui ont de faibles compétences en littératie.

Rappelons que lorsqu'une personne n'utilise pas ses compétences en littératie, celles-ci se dégradent au fil du temps. La lecture n'est pas une habileté qu'on acquiert jeune et qui demeure inchangée jusqu'à la fin de nos jours. L'érosion des compétences en littératie est graduelle; elle commence vers 25 ans, atteint un sommet vers 40 ans, puis ralentit vers 55 ans.

Heureusement, des gens de ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, travaillent avec passion et dévouement pour faire progresser cet enjeu difficile. Je pense entre autres à la Literacy Alliance de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle offre différents programmes, dont voici un aperçu :

.Le programme estival de tutorat pour les jeunes : au cours de l'été, les compétences en lecture des enfants peuvent se détériorer. Ce programme vise à jumeler des enfants à risque avec un tuteur, de sorte que l'enfant puisse maintenir ses compétences. Plus de 10 000 élèves ont participé au programme au cours des 15 dernières années, et la grande majorité des élèves réussissent à maintenir ou à accroître leurs compétences.

.Les bourses du programme d'apprentissage pour adultes : de nombreuses personnes à faible revenu n'ont tout simplement pas les moyens financiers de retourner aux études. Ce programme les aide à le faire, de sorte qu'elles puissent obtenir leur diplôme d'études secondaires ou leur diplôme de 12e année.

.Le programme de bénévoles de l'Île-du-Prince-Édouard pour l'alphabétisation : il s'agit de séances individuelles de tutorat destinées aux adultes, y compris les aînés, afin qu'ils puissent améliorer leurs compétences en lecture et en écriture.

. Le programme de livres gratuits pour les enfants : c'est un fait que les enfants dont les parents ont des livres à la maison vont atteindre un niveau de scolarité plus élevé. Ce programme aide les familles à bâtir leur propre bibliothèque à la maison. Plus de 21 000 livres ont été distribués depuis 2010.

La Literacy Alliance de l'Île-du-Prince-Édouard fait de l'excellent travail, mais, comme ce fut le cas d'autres coalitions à l'échelle provinciale, territoriale et nationale en matière d'alphabétisation, le financement de base qu'elle recevait du gouvernement fédéral a été annulé par l'ancien gouvernement en 2014. Comme ces coalitions manquent d'argent, seules 9 coalitions sur 15 poursuivent leurs activités, et la Literacy Alliance de l'Île-du-Prince-Édouard court un réel danger de cesser ses activités dans un proche avenir.

Le financement ponctuel est utile pour des projets précis, mais un financement de base est absolument nécessaire pour que l'organisation soit en mesure de poursuivre ses activités. L'organisation a besoin d'employés pour créer, organiser et exécuter les nombreux programmes offerts. Rétablir le financement de base pour cette organisation et les autres qui restent aiderait énormément à accroître le taux d'alphabétisation sur l'île et ailleurs au Canada.

Une autre organisation de l'Île-du-Prince-Édouard, Workplace Learning, fait aussi de l'excellent travail. De nombreuses personnes ne disposent tout simplement pas des qualités nécessaires pour acquérir par elles-mêmes des compétences essentielles et des compétences en lecture et en écriture. Les programmes offerts dans les collèges ou les établissements privés ne sont pas conçus pour elles. Elles ne possèdent peut-être pas les habiletés pour fréquenter ces établissements, ou encore elles travaillent et ne peuvent pas prendre congé. Ces personnes souffrent peut-être d'anxiété parce qu'elles ont eu de mauvaises expériences à l'école ou elles manquent de confiance dans leur capacité à apprendre. Workplace Learning les aide en évaluant leurs besoins, en élaborant un programme d'apprentissage correspondant à leur emploi du temps et en offrant du soutien et des conseils de façon individuelle.

Workplace Learning a également formé des partenariats avec des employeurs afin de créer des programmes d'apprentissage de compétences essentielles. Voici ce qu'ont dit à ce sujet les responsables du programme :

Il est établi que les employés qui ont acquis des compétences essentielles telles que les mathématiques, la lecture et l'utilisation des documents fournis en milieu de travail réagissent mieux au changement, font moins d'erreurs, respectent mieux les règles de sécurité et contribuent davantage au travail.

(1520)

Workplace Learning peut établir un lieu d'apprentissage en milieu de travail pour que les employés n'aient pas à se déplacer. Les responsables du programme peuvent évaluer les employés pour déterminer les domaines dans lesquels ils peuvent s'améliorer, puis aider les employeurs et les employés à réaliser les objectifs définis. Les avantages pour l'employeur sont indéniables. Les responsables mentionnent une récente étude sur l'industrie hôtelière canadienne, qui a révélé que l'investissement dans les programmes de formation rapporte en moyenne un rendement de 25 p. 100, rendement qui a atteint un chiffre aussi élevé que 300 p. 100 dans certaines entreprises participantes.

Même en tenant compte de l'excellent travail d'organismes de ce genre, il n'en reste pas moins que nous avons perdu du terrain au cours de la dernière décennie. Les changements apportés aux programmes d'apprentissage fédéraux pour adultes n'ont pas toujours donné de bons résultats. Nous avons perdu un certain nombre d'organismes et de bénévoles, mais nous devons avancer maintenant. Le gouvernement fédéral a un rôle essentiel à jouer, que beaucoup d'intervenants reconnaissent.

Nous savons tous que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a recommandé au gouvernement fédéral de continuer d'accorder un important soutien financier aux programmes d'alphabétisation des adultes et des familles, dans son rapport sur la pauvreté, le logement et l'itinérance.

Un an plus tard, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a également demandé au gouvernement de prendre des mesures pour augmenter sensiblement les niveaux d'alphabétisation des adultes et pour accroître les programmes d'apprentissage et de formation des adultes offerts par les entreprises.

Nous devons en faire davantage pour veiller à ce que tous les Canadiens atteignent leur plein potentiel sur le plan professionnel.

Nous devons appuyer les organismes qui contribuent à la mise en œuvre de nos programmes d'alphabétisation sur le terrain. Nous devons encourager plus d'employeurs à investir dans les programmes d'alphabétisation et de développement des compétences essentielles destinés à leurs employés. Le gouvernement peut contribuer grâce aux ententes relatives au marché du travail ou aux programmes existants de financement de l'alphabétisation et de l'apprentissage de compétences essentielles. Il faut créer plus de possibilités d'éducation pour les chômeurs peu alphabétisés. Il n'y a pas de doute que nous pouvons bénéficier de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une stratégie nationale d'alphabétisation.

Honorables sénateurs, si nous pouvions augmenter les niveaux d'alphabétisation dans le pays, il y aurait des avantages réels pour les personnes, les collectivités et l'ensemble du Canada.

Je vous encourage à participer à cette interpellation au nom de vos provinces respectives pour nous faire part de vos réflexions et des solutions possibles auxquelles vous avez songé. Comme je l'ai dit, je suis certaine que nous pouvons engager une discussion fructueuse sur l'alphabétisation au Canada.

(Sur la motion de la sénatrice Griffin, le débat est ajourné.)

[Français]

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Marc Serré, député fédéral de la circonscription de Nickel Belt, en Ontario.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il n'est pas tout à fait 15 h 30, nous allons suspendre la séance pendant environ 10 minutes. Le timbre retentira pendant trois minutes lorsque la ministre sera prête.

(La séance du Sénat est suspendue.)


(Le Sénat reprend sa séance.)


(1530)

PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Mélanie Joly, ministre du Patrimoine canadien, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère du Patrimoine canadien

Le financement de CBC/Radio-Canada

L'honorable Donald Neil Plett : Madame la ministre, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Comme vous le savez bien, la Société Radio-Canada reçoit un peu plus d'un milliard de dollars par année de la part des contribuables canadiens. Hier, nous avons appris que CBC/Radio-Canada avait demandé plus de 400 millions de dollars additionnels au gouvernement dont vous faites partie, soit une augmentation de plus de 40 p. 100, afin de pouvoir se passer entièrement de publicité, à l'instar de la British Broadcasting Corporation.

Madame la ministre, que répondez-vous à cette demande de CBC/ Radio-Canada? Est-ce que vous l'étudiez activement?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Merci, monsieur le sénateur. Je suis heureuse d'être présente au Sénat pour répondre à vos questions. C'est un privilège et c'est la première fois que l'on me donne cette occasion.

Comme le sénateur le sait bien, nous consacrerons 675 millions de dollars à CBC/Radio-Canada au cours des cinq prochaines années. C'est un engagement que mon parti a pris dans sa plateforme électorale, et nous l'avons souligné dans le budget de 2016.

Entre-temps, j'ai lancé, en tant que ministre du Patrimoine canadien, une consultation publique importante sur l'aide à la production de contenu canadien dans l'univers du numérique. Le nombre de Canadiens qui ont participé à cette consultation publique s'élève à 30 000.

Nous étudions les effets des perturbations numériques sur le secteur des médias et sur l’industrie du divertissement, c’est-à-dire le cinéma, la littérature et les autres types de divertissement.

Au cours de ces consultations publiques, les Canadiens ont montré clairement qu’ils aiment CBC/Radio-Canada. Le diffuseur public a d’ailleurs présenté hier son mémoire dans le cadre du processus de consultations publiques. Plus de 300 personnes ont présenté des mémoires ou donné leur opinion en ligne. Nous étudierons attentivement ce document, comme tous les autres, et nous élaborerons en 2017 un nouvel ensemble d’outils culturels dans la foulée de ces consultations publiques.

Le sénateur Plett : Je ne suis pas sûr que vous m'ayez dit si vous envisagez sérieusement cette possibilité ou non. Je vais cependant vous demander ceci comme question complémentaire. Au cours de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a promis de rétablir les 115 millions de dollars que les conservateurs avaient coupés dans le budget de Radio-Canada. Comme je l'ai dit au comité, j'ai toujours trouvé étrange que vous ayez réussi à déterminer que Radio-Canada avait besoin d'exactement 115 millions de dollars pour s'acquitter de son mandat, et non d'une partie ou de la totalité des 440 millions que le gouvernement libéral précédent avait coupés.

Quoi qu'il en soit, votre gouvernement a déjà rétabli et augmenté le financement prévu. Comme vous le savez, madame la ministre, notre comité sénatorial avait établi l'année dernière que, pour s'acquitter de son mandat, Radio-Canada avait besoin non de fonds supplémentaires, mais d'une meilleure gestion de ses ressources. Nous avons donc tenu des consultations. Nous avons consulté des gens partout au pays.

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer d'une façon précise quels arguments convaincants Radio-Canada a présentés pour expliquer qu'elle avait besoin d'autant d'argent du gouvernement — argent que le gouvernement n'a pas — pour s'acquitter de son mandat?

Mme Joly : Nous croyons qu'il est important d'avoir un radiodiffuseur public fort. Dans le contexte de notre réinvestissement de 675 millions de dollars dans CBC/Radio-Canada et sans perdre de vue que notre radiodiffuseur public est indépendant du gouvernement, j'ai exprimé trois souhaits pour m'assurer qu'ils pouvaient être réalisés grâce à notre réinvestissement.

Premièrement, nous voulons être sûrs d'avoir davantage de contenu local et d'actualités locales réalisés par CBC/Radio-Canada.

Deuxièmement, nous voulons être sûrs que notre radiodiffuseur public s'est engagé dans l'ère numérique et qu'il dispose de l'infrastructure numérique nécessaire pour répondre aux besoins.

Troisièmement, nous voulons être sûrs d'avoir de nouveaux talents et veiller à ce que les jeunes puissent décrocher des emplois à CBC/Radio-Canada pour que nous ayons un radiodiffuseur public fort pendant les 50 prochaines années.

Je crois que ces trois souhaits ont été entendus. Dans ce contexte, CBC/Radio-Canada élabore un plan de reddition de comptes fondé sur ces priorités.

[Français]

Les médias communautaires

L'honorable Claudette Tardif : Hier, j'ai eu la chance de rencontrer l'Association de la presse francophone, l'Alliance des radios communautaires du Canada et la Quebec Community Newspaper Association, dont les membres servent collectivement 2 millions de Canadiens et de Canadiennes dans toutes les provinces et dans les territoires du Canada. Malheureusement, bon nombre de ces médias communautaires se retrouvent dans une situation très précaire et ont été privés d'environ 10 millions de dollars en matière de publicité fédérale depuis 2006. Certaines radios communautaires n'ont d'ailleurs plus d'employés. Il y a, madame la ministre, une situation urgente qui existe actuellement en sein des médias communautaires en milieu minoritaire. Comment le gouvernement compte-t-il réinvestir dans le secteur des médias communautaires, qui est un secteur essentiel à la pérennité et à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question très pertinente. Au même moment où nous engagions nos consultations publiques sur le virage numérique, nous avons également mené des consultations publiques en vertu de la Loi sur les langues officielles. Mon secrétaire parlementaire et moi avons visité 22 villes, et 5 000 personnes ont participé à ces consultations. De toute évidence, ce que nous avons entendu, c'est que nos communautés linguistiques en situation minoritaire sont préoccupées par l'avenir des médias communautaires. Au moment même où nous sommes en voie d'élaborer un nouveau plan d'action sur les langues officielles, qui tiendra compte des différents besoins des groupes et des communautés linguistiques en situation minoritaire, nous visons également à adopter une nouvelle approche pour mieux aborder les enjeux liés aux médias et au milieu du divertissement.

Au cours de l'année 2017, j'aborderai ces questions une fois que j'aurai présenté notre nouveau plan d'action sur les langues officielles et que j'aurai révisé toute la politique culturelle d'appui aux médias et au divertissement au pays. J'ai entendu très clairement les cris d'alarme de la part des divers intervenants.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. J'espère que, dans votre plan, vous tiendrez compte de l'amélioration de la numérisation et de l'accès à Internet dans les régions rurales et éloignées, qui ne disposent pas encore de ces services, et que vous investirez en faveur de l'infrastructure humaine pour assurer la transition numérique.

(1540)

Mme Joly : Comme madame la sénatrice le sait, je travaille avec le ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, M. Navdeep Bains, sur la question du numérique. Dans le budget de 2016, nous avons accordé une somme de 500 millions de dollars au volet de l'infrastructure numérique afin de nous assurer d'obtenir davantage de connectivité dans les collectivités rurales et éloignées.

C'est une question qui me préoccupe énormément, car, dès lors que nous savons que les changements technologiques ont un impact transformateur sur la façon dont les gens consomment de l'information et du divertissement, nous savons que plusieurs collectivités sont moins bien desservies sur le plan de la connectivité et des infrastructures numériques.

C'est dans cette optique que mon collègue, le ministre de l'Innovation, et moi travaillons sur cette question en vue de favoriser une approche holistique et concertée.

L'accès à la justice—La dualité linguistique

L'honorable Raymonde Gagné : Madame Joly, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Ma question porte sur l'accès à la justice dans la langue officielle de son choix. Je commencerai en vous disant que j'ai bien accueilli l'annonce qu'a faite le gouvernement fédéral cet été selon laquelle il ne nommerait que des juges bilingues à la Cour suprême. Je félicite votre gouvernement qui, tout récemment, est passé à l'action.

Cependant, le bilinguisme des juges est d'abord et avant tout une question d'accès à la justice. C'est donc une question pertinente pour les 1 131 juges qui sont nommés au pays par le gouvernement fédéral.

À l'heure actuelle, le Commissariat à la magistrature fédérale considère le bilinguisme comme étant l'un des éléments de compétence professionnelle, parmi les 14 éléments de la liste, qui peuvent être considérés aux fins de l'évaluation de l'aptitude des candidats à exercer le rôle de juge.

Est-ce que votre ministère collabore avec la ministre de la Justice afin de s'assurer que le bilinguisme soit non seulement considéré parmi d'autres facteurs, mais que chaque province obtienne un nombre suffisant de juges bilingues, afin que les justiciables aient réellement accès à la justice dans la langue officielle de leur choix?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Merci, madame la sénatrice. Vous m'avez posé une question semblable lors de ma comparution devant le Comité sénatorial permanent des langues officielles. Sachez que, pour notre gouvernement, il est fondamental d'appuyer la question de l'accès à la justice dans la langue de son choix. Cela fait partie de notre leadership en matière de langues officielles.

En ce qui a trait plus spécifiquement à votre question, je travaille en ce moment avec mes homologues provinciaux et territoriaux. En juin dernier, à St. John's, lors de notre dernière rencontre fédérale-provinciale sur la francophonie et sur les langues officielles, nous avons collectivement décidé d'aborder la question de l'accès à la justice comme étant notre priorité d'ici la prochaine conférence de juin 2017.

Entre-temps, j'ai travaillé sur cette question, et nous sommes en train de faire un inventaire du bilinguisme chez les juges à travers le pays. À partir de ces données, nous pourrons aborder la question au cours du mois de juin prochain, mais nous pourrons également trouver des solutions pour remédier au fait que, partout au pays, nos citoyens n'ont pas toujours accès à la justice dans la langue de leur choix.

La sénatrice Gagné : J'aimerais vous poser une question complémentaire. Est-ce que cela signifie que l'on pourrait considérer un seuil minimal par province? Est-ce que l'on devra définir ces seuils et est-ce qu'ils seront rendus publics?

Mme Joly : C'est une bonne question, madame la sénatrice Gagné. Je suis prête à examiner les différents scénarios, mais une chose est sûre, c'est qu'il existe déjà certaines ententes entre les provinces pour offrir une meilleure possibilité d'avoir recours à des juges bilingues pour certaines causes. Il m'est toutefois difficile, avant d'obtenir un inventaire, d'émettre des hypothèses. Je préfère prendre des décisions qui sont basées sur des faits. Par ailleurs, sachez que, pour notre gouvernement, il s'agit d'une priorité et que nous étudierons la question au cours de l'année 2017.

Le commissaire aux langues officielles

L'honorable Rose-May Poirier : Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue. Depuis l'élection de votre gouvernement, vous êtes au courant de la date de la fin du mandat de M. Graham Fraser à titre de commissaire aux langues officielles. Cependant, un an ne semblait pas suffisant pour vous et il a ainsi accepté que son mandat soit prolongé de trois mois. Et voilà que, maintenant, ce n'est pas assez. Même en sachant que son mandat prend fin le 15 décembre 2016, vous acceptez des candidatures jusqu'au 2 décembre et vous parlez déjà de nommer un commissaire aux langues officielles par intérim pour une durée de plusieurs mois.

Pendant ce temps, le nombre de plaintes augmente. Les dossiers continuent de progresser et, en fin de compte, ce sont les communautés linguistiques en situation minoritaire qui sont perdantes. Madame la ministre, pourquoi avez-vous attendu à la dernière minute pour le remplacer?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je vous remercie de votre question. Dans son approche de révision des nominations politiques, notre gouvernement désire se doter d'un processus ouvert, transparent et basé sur le mérite. Je rappelle à madame la sénatrice que ce n'est pas moi qui nomme le commissaire aux langues officielles, mais plutôt le Parlement. Dans ces circonstances, j'aurai l'occasion de parler avec mes homologues et les chefs de partis pour réviser le processus et pour en arriver à une nouvelle nomination. Il s'agit d'un dossier très important, auquel j'accorde énormément de temps et d'énergie.

[Traduction]

Les médailles du cent cinquantième anniversaire

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, je voudrais demander à la ministre de reconsidérer sa décision de ne pas émettre une médaille pour célébrer le 150e anniversaire du Canada.

Ces médailles ont été introduites en 1967 par le gouvernement de M. Pearson afin de célébrer le centenaire du Canada. Différents gouvernements ont maintenu la tradition en 1977, 1992, 2002 et 2012.

Les médailles se sont révélées précieuses comme moyen de saluer et de remercier les innombrables personnes des collectivités du pays dont les services n'auraient pas été reconnus autrement : militaires, enseignants, pompiers, agents de police, travailleurs sociaux, employés d'hôpitaux... La liste n'a pas de fin. Nous aurons manqué une occasion si nous ne prenons pas la peine de remercier officiellement ces gens pour les services qu'ils ont rendus au pays.

Je sais, madame la ministre, que vous avez l'intention d'annoncer toute une série de projets au cours des prochains mois pour célébrer le 150e anniversaire du Canada. Ne pouvez-vous pas y inclure un programme de médailles semblable à celui que M. Pearson avait institué il y a 50 ans?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je vous remercie, sénateur, de votre question.

Bien sûr, dans le contexte de Canada 150, qui est une année extrêmement importante, nous aurons le programme des ambassadeurs, qui permettra de saluer les réalisations des Canadiens qui travaillent fort et des leaders communautaires. Vous entendrez parler de nos grands ambassadeurs à mesure que leurs noms seront mentionnés au cours des prochaines semaines. Trois ont déjà été annoncés : Art McDonald, prix Nobel de physique, une extraordinaire astronaute, Julie Payette, et un musicien bien connu, Kardinal Offishall.

Nous avons déjà conclu un partenariat avec les Fondations communautaires du Canada pour nous assurer de récompenser des Canadiens méritants et pour élaborer un programme intitulé Amis du Canada 150, qui se basera sur le fait que les gens s'auto-identifient pour faire de l'action positive et du bénévolat dans le cadre de Canada 150.

Je collaborerai également avec des parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes au cours des prochaines semaines pour être sûre de reconnaître les leaders communautaires importants. D'autres nouvelles seront annoncées bientôt.

[Français]

Les arts, la culture et les industries culturelles

L'honorable René Cormier : Honorables sénateurs, à titre de nouveau sénateur, j'ai le plaisir de poser ma première question à la ministre du Patrimoine canadien. Comme vous l'avez indiqué, vous avez amorcé un processus de consultation sur le contenu canadien dans un monde numérique.

Les arts, la culture et les industries culturelles émanant des communautés francophones et acadiennes en situation minoritaire contribuent grandement à notre identité nationale. Ces communautés ont besoin de dispositions particulières pour accéder pleinement à l'espace numérique et contribuer à l'essor de la culture canadienne et à la promotion du Canada, ici et à l'étranger.

Dans un mémoire qui vous a été envoyé récemment, la Fédération culturelle canadienne-française, qui regroupe plus de 200 organismes et artistes installés dans 250 communautés urbaines et rurales partout au Canada, a cerné trois principaux enjeux associés au numérique.

(1550)

Comme l'a indiqué l'honorable sénatrice Tardif, l'accès à large bande passante dans tout le pays est un préalable pour que l'ensemble de la population canadienne puisse participer à la culture numérique. Il s'agit notamment du développement des compétences et des besoins d'accompagnement des artistes et des travailleurs culturels dans la transformation numérique et du financement de la production, de la protection du droit d'auteur et de la réglementation des acteurs de l'industrie.

Madame la ministre, comment votre ministère entend-il répondre à ces trois préoccupations dans l'élaboration des politiques qui émaneront de ses consultations sur le numérique?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Merci, monsieur le sénateur. Veuillez accepter mes félicitations pour votre récente nomination. Votre intervention démontre une fois de plus à quel point les sujets présentés dans le contexte de nos consultations sont diversifiés.

J'ai parlé à plusieurs reprises de l'importance fondamentale d'étudier la question de l'impact du numérique. C'est la question que tous les ministres de la Culture se posent à travers le monde à l'heure actuelle, soit comment gérer la transition du secteur analogue vers le secteur numérique, tout en s'assurant en même temps de préserver le contenu local des divers médias locaux et d'investir de façon importante dans des infrastructures numériques.

Voilà la raison pour laquelle j'ai décidé de tout mettre sur la table : la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur le CRTC, la Loi sur le droit d'auteur, les différents leviers dont nous disposons au ministère du Patrimoine, le Fonds canadien des médias, le rôle de nos institutions publiques telles que Radio-Canada, CBC, l'ONF, Téléfilm Canada et le CRTC, ou encore, nos différents leviers en matière de coproductions étrangères et le développement d'une stratégie d'exportation culturelle. Tout est sur la table.

La plupart de nos leviers datent de l'ère Mulroney, c'est-à-dire avant l'arrivée d'Internet. J'examine donc cette question de façon holistique en ce moment. Voilà pourquoi aussi 30 000 personnes ont participé à nos consultations publiques et que, au cours de l'année 2017, je présenterai une nouvelle politique culturelle qui sera adaptée à notre réalité d'aujourd'hui.

[Traduction]

La minorité anglophone du Québec

L'honorable Judith Seidman : Madame la ministre, je vous remercie de votre présence au Sénat cet après-midi. Les communautés de langue anglaise du Québec forment une minorité linguistique nationale diversifiée, dynamique et respectée qui participe et contribue activement au Québec et à la société canadienne. Les anglophones du Québec, dont le nombre s'élève à 1 058 000, doivent affronter des difficultés linguistiques, sociales et économiques. Les minorités francophones du reste du Canada, qui comptent 1 065 000 personnes, doivent faire face à des difficultés semblables et doivent lutter pour maintenir la vitalité de leurs communautés. Le ministère du Patrimoine canadien a récemment terminé des consultations publiques organisées dans tout le pays en vue de l'élaboration d'un nouveau plan pluriannuel des langues officielles au Canada. Ces consultations fourniront l'information nécessaire pour définir les priorités relatives aux nouveaux défis et aux nouveaux investissements destinés aux communautés minoritaires, tant anglophones que francophones. Au cours de tables rondes organisées au Québec, des membres des communautés minoritaires de langue anglaise ont formulé à votre intention des recommandations concernant le rôle du gouvernement fédéral dans le soutien de leur vitalité.

Madame la ministre, quelles priorités ont été définies pour les communautés minoritaires de langue anglaise du Québec? Comment ces communautés pourront-elles tirer équitablement parti du nouveau plan d'action pluriannuel?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Elle est importante. Bien sûr, comme vous l'avez mentionné, nous avons eu l'occasion de nous entretenir avec la minorité linguistique du Québec. J'ai pu me rendre à Montréal tandis que mon collègue, Jean-Yves Duclos, ainsi que mon secrétaire parlementaire se sont rendus à Québec. Ma collègue, Marie Claude Bibeau, qui est également ministre, s'est entretenue avec des membres de la communauté de Sherbrooke.

Les difficultés que connaissent toutes ces minorités linguistiques sont plus ou moins les mêmes, en ce sens qu'il y a de l'anxiété quant à la vitalité des minorités de langue officielle. Nous avons entendu parler des difficultés liées aux médias communautaires, comme je l'ai dit en réponse à la sénatrice Tardif. De plus, il est important, en ce qui concerne l'infrastructure communautaire, d'avoir accès à des bâtiments communautaires et à des écoles. On nous a parlé très clairement de l'importance de l'immigration pour assurer le maintien de cette vitalité. Vous pouvez être sûre que je consacre de grands efforts à ce dossier. Le gouvernement adopte une approche pangouvernementale dans le contexte de la stratégie des langues officielles.

J'ai travaillé avec John McCallum à l'Immigration pour m'assurer que nous relancions un important programme d'immigration pour les minorités linguistiques.

J'ai également travaillé avec Harjit Sajjan pour être sûre que nous rouvrirons le Collège de Saint-Jean-sur-Richelieu au niveau universitaire, aussi bien en français qu'en anglais.

J'ai eu l'occasion de travailler avec Jody Wilson-Raybould au sujet de la nomination de juges bilingues à la Cour suprême. Je collabore aussi en ce moment au rétablissement du Programme de contestation judiciaire au ministère du Patrimoine canadien. Voilà les nouvelles mesures que notre gouvernement a prises dans l'année, parce qu'elles n'avaient pas été prises durant les 10 années précédentes.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie, madame la ministre. J'espère que vous tiendrez compte, dans votre plan, des besoins particuliers des nombreuses communautés minoritaires de langue anglaise du Québec. Par exemple, la communauté de la ville de Québec est très différente de celles de la Gaspésie, de Sherbrooke, des îles de la Madeleine et même de Montréal.

Mme Joly : J'en tiendrai compte, comme nous le faisons toujours. Vous devez comprendre que le plan élaboré par l'ancien gouvernement prend fin le 31 mars 2018. Nous avons procédé à nos consultations publiques. Conformément à la Loi sur les langues officielles, nous devions organiser ces consultations. Nous avons décidé de les mener d'une manière aussi ouverte et transparente que possible. Nous sommes allés dans 22 villes. Maintenant que les consultations sont terminées, nous élaborerons le plan de concert avec tous mes homologues de l'ensemble du pays, les différents dirigeants provinciaux et les ministres de l'Éducation afin qu'il soit prêt le 1er avril 2018.

La Commission de la capitale nationale— L'emplacement de l'Hôpital d'Ottawa

L'honorable Vernon White : Madame la ministre, je vous remercie d'être venue répondre à nos questions aujourd'hui. Je réside à Ottawa et je suis sénateur de l'Ontario. Ma question porte sur la récente décision concernant l'emplacement du nouveau campus de l'Hôpital d'Ottawa, qui remplacera l'établissement actuel. À titre d'ancien travailleur des services d'urgence de la ville, je sais qu'on ne saurait trop insister sur l'importance d'un emplacement stratégique. Je précise que nous avons quatre hôpitaux en ville, le Queensway Carleton dans le secteur ouest, l'Hôpital d'Ottawa, campus général dans le secteur est, le Montfort au nord-est et notre actuel campus Civic de l'avenue Carling, qui est stratégiquement placé au centre démographique et géographique de la ville. À l'heure actuelle, il dessert une grande partie de la ville, puisqu'il est facilement accessible grâce aux quatre voies de l'avenue Carling et aux six voies de l'autoroute 417. Fait encore plus important, le campus Civic se trouve au centre de la ville, offrant une vaste couverture du sud et, comme je l'ai déjà dit, un accès facile. En fait, l'établissement a une plateforme d'hélicoptère, un stationnement, un emplacement stratégique et un accès facile, soit plusieurs des 10 principales caractéristiques que doit avoir un hôpital d'après une étude récente. Sous le gouvernement précédent, la Commission de la capitale nationale avait demandé un examen auquel ont participé beaucoup d'experts — trop nombreux pour que je puisse citer leurs noms — pour déterminer l'emplacement d'un nouvel hôpital pouvant remplacer le Civic. La recommandation formulée visait un emplacement qui occuperait des terres agricoles appartenant au gouvernement fédéral. C'était là le premier site recommandé, qui se trouvait à peu de distance de l'établissement actuel.

L'emplacement proposé a rallié de très nombreux appuis. Pourtant, le nouveau gouvernement a commandé l'année dernière un nouvel examen qui a proposé un nouvel emplacement recommandé par une majorité de membres de la CCN au pré Tunney. Cela signifie que le nouvel examen a abouti au choix d'un site qui avait été classé sixième à l'examen précédent. Ce site n'est pas central. Il est en fait plus proche du Québec que de l'autoroute 417. Il se trouve au bord de la rivière des Outaouais, tout près du Québec, et est desservi par une route à deux voies devant être ramenées à une seule une fois que le train léger sur rail sera mis en service. Il n'a ni un stationnement facile d'accès ni une plateforme d'hélicoptère. En fait, je dirai, pour être précis, qu'il a fait l'objet d'un vote négatif ou d'une abstention de la part de tous les représentants locaux à la Commission de la capitale nationale. Les membres de la CCN qui connaissent la ville n'ont pas appuyé cette recommandation, ce qui est, en soi, assez révélateur.

(1600)

Compte tenu du fait que deux anciens maires d'Ottawa se sont prononcés la semaine dernière en faveur du site de l'avenue Carling, ma question est la suivante : vous engagez-vous, au nom du gouvernement fédéral, à rétablir la décision initiale relative aux terres agricoles de la CCN pour que l'emplacement corresponde aux besoins de la population d'Ottawa en soins de santé et ne soit pas simplement choisi afin de satisfaire une poignée d'activistes?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je remercie mon collègue de sa question.

Le printemps dernier, j'ai demandé à la CCN d'entreprendre d'importantes consultations publiques pour s'assurer que le choix du site soit moins politisé et se fonde sur un processus ouvert, transparent et fondé sur le mérite. Environ 8 000 personnes de la région d'Ottawa ont décidé d'y participer.

Douze emplacements ont été étudiés. Le processus a mis en évidence deux facteurs que la population d'Ottawa semble juger très importants. Le premier est la possibilité d'accéder à l'hôpital en empruntant un moyen de transport en commun. Le nouveau site recommandé est proche de la nouvelle ligne de train léger sur rail sur laquelle la ville travaille actuellement.

Le second facteur est la protection des espaces verts. Après avoir étudié les différents sites, la CCN a formulé une recommandation. Je n'ai pas encore reçu son rapport. Je l'étudierai une fois que je l'aurai en main.

J'espère vraiment que les responsables de l'Hôpital d'Ottawa étudieront la recommandation avec la CCN. Je sais que l'hôpital a participé à un processus, mais il n'a pas encore eu d'entretien avec la CCN pour examiner la recommandation.

Quoi qu'il en soit, notre gouvernement est déterminé à donner à Ottawa l'hôpital dont la population a besoin dans le noyau central de la ville.

Le sénateur White : Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Vous engagez-vous aussi à tenir compte du fait que le nouvel emplacement a deux chemins d'accès à une seule voie au lieu des sept voies qui desservent l'emplacement actuel? Deux chemins d'accès à une seule voie. L'ambulance sera le seul moyen d'arriver au nouveau site. Je peux vous garantir que les habitants d'Ottawa appelleront des ambulances au lieu de conduire leur propre voiture jusqu'à l'hôpital.

Mme Joly : J'étudierai la recommandation. Entre-temps, beaucoup de gens ont la possibilité de faire connaître leur avis sur la question. L'Association des paramédics du Canada a clairement déclaré qu'il n'y avait aucun problème d'accès au pré Tunney.

Cela dit, j'attends le rapport de la CCN.

Le cent cinquantième anniversaire du Canada—Un match de hockey en plein air

L'honorable Jim Munson : Madame la ministre, c'est peut-être la question la plus facile à laquelle vous aurez à répondre aujourd'hui. Je suis un sénateur d'Ottawa, et je suis aussi un joueur de hockey. Je sais, madame la ministre, que vous êtes probablement une partisane des Canadiens de Montréal. Moi aussi, mais je suis également partisan des Sénateurs d'Ottawa. Je sais aussi que vous avez pris la décision — c'est peut-être quelqu'un d'autre, mais vous êtes la patronne — de ne pas organiser une grande partie de hockey à l'occasion du 150e anniversaire de notre pays. Il y a évidemment les ponctions financières de la LNH. J'entends déjà les protestations des contribuables qui auraient eu à payer, ce qui n'est pas très bon. Toutefois, nous célébrons notre pays. Il y a quelque chose de romantique, quelque chose de très canadien dans une partie de hockey organisée sur la pelouse de la Colline du Parlement à l'occasion du 150e anniversaire de notre pays.

Je voudrais simplement vous demander de penser à ceci : avec l'enthousiasme et l'énergie qu'il y aura en décembre 2017, pourquoi ne pas demander à quelqu'un — il y a beaucoup de gens désireux de travailler ici pendant l'hiver — de construire une petite patinoire temporaire et d'utiliser une petite Zamboni comme celle du parc Lansdowne pour permettre à d'anciens membres des Sénateurs d'Ottawa de jouer une petite partie de hockey contre nos parlementaires? Cela attirerait quand même beaucoup de monde. Nous trouverions probablement quelques sénateurs qui voudraient jouer. Soit dit en passant, j'ai contribué hier soir à une victoire de 4 à 3, mais je ne jouais pas contre des joueurs de la LNH.

Je crois que cela fonctionnerait vraiment bien ici. Les gens viendraient voir la partie comme on le faisait dans le temps dans les vieux arénas des villages du Québec et des autres coins du pays. Il pourrait y avoir d'anciens membres des Sénateurs d'Ottawa qui joueraient contre des parlementaires de la Chambre des communes et du Sénat.

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Je ressens la passion de l'honorable sénateur, et je la partage. Je l'avoue, je suis une enthousiaste des Canadiens de Montréal.

Des voix : Bravo!

Mme Joly : Je vous remercie.

Il est cependant important de parler de hockey en 2017 parce que ce sera le 100e anniversaire de la LNH. Bien sûr, le ministère du Patrimoine canadien appuiera cet anniversaire.

Je prends note de l'importance que vous accordez à l'aménagement d'une patinoire sur la pelouse du Parlement. Nous cherchons évidemment des moyens de célébrer 2017 en novembre et décembre de l'année prochaine. Nous examinons différents scénarios.

Pour ce qui est de la patinoire, qui devait avoir une capacité de 30 000 personnes, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le Président et les deux Chambres. Nous avons pris en considération les raisons de sécurité et le risque d'interrompre les travaux parlementaires pour en arriver à la décision que le gouvernement a prise.

Cependant, je comprends votre passion pour le hockey. Je garderai donc à l'esprit l'idée d'une petite patinoire.

Les musées nationaux

L'honorable Nancy Ruth : Madame la ministre, je compte parmi les Canadiens qui n'aiment pas le hockey comme sport national. À titre de ministre responsable des musées, pouvez-vous confirmer que l'un des deux exemplaires originaux de la Charte canadienne des droits et libertés sera restitué et placé en permanence au Musée canadien pour les droits de la personne une fois que le Musée canadien de l'histoire en aura fini? Contrairement au Musée canadien de l'histoire, le Musée canadien pour les droits de la personne a aménagé une galerie spéciale pour la Charte, que votre ministère a approuvée et qui portera le nom de galerie de protection des droits au Canada. Le musée attend le retour de la Charte.

Je m'inquiète aussi au sujet du Musée canadien de la guerre, dont on dit qu'il est axé sur l'histoire militaire et qu'il met en évidence l'expérience humaine de la guerre. Eh bien, ma propre expérience me dit que les Canadiens n'ont jamais voulu la guerre, ni par le passé, ni dans le présent, ni, je l'espère, à l'avenir. Ce n'est pas l'expérience de la guerre que nous recherchons, madame la ministre. C'est l'expérience de la paix.

Est-ce que la ministre veut bien exercer des pressions auprès du Musée de l'histoire, du Musée canadien de la guerre et du premier ministre pour modifier le nom et le thème du Musée de la guerre afin qu'il insiste davantage sur la paix?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du patrimoine canadien : Merci, sénatrice Nancy Ruth.

Je voudrais souligner que les six musées nationaux sont des organismes indépendants du ministère du Patrimoine canadien. Leurs opérations relèvent donc de leur propre responsabilité. Il serait déplacé de ma part, comme ministre du Patrimoine canadien, d'intervenir dans leurs opérations et de les politiser.

Je comprends l'inquiétude de la sénatrice. Nous venons de réinvestir 168 millions de dollars dans nos musées nationaux parce que nous croyons profondément à leur importance. Nous comprenons aussi qu'ils ont différents mandats, mais qu'ils peuvent coopérer entre eux.

Au Patrimoine canadien, nous avons 17 agences indépendantes, dont les 6 musées nationaux. J'ai clairement dit que je les encourageais à collaborer. Ils ont, bien entendu, reçu mon message. Il y aura plus de coopération dans le contexte de Canada 150. Je suis très heureuse de voir qu'ils font du bon travail que la population apprécie beaucoup.

La sénatrice Nancy Ruth : Madame la ministre, je suis un peu déroutée. Si l'ancien premier ministre avait le pouvoir de faire adopter une loi pour changer le nom d'un musée et le thème d'un autre, votre premier ministre a sûrement la même prérogative. C'est mon premier commentaire.

Deuxièmement, si votre ministère a pris part au marché de 100 millions de dollars conclu par l'ancien gouvernement pour établir le Musée canadien des droits de la personne à Winnipeg, il a sûrement approuvé cette galerie — qui doit abriter le second exemplaire de la Charte. Je crois savoir qu'il y a un exemplaire portant une tache d'encre et que le Musée de l'histoire détiendra l'exemplaire taché par la pluie pendant l'année prochaine, mais celui-là devrait certainement retourner à sa place à Winnipeg, au Manitoba.

(1610)

Mme Joly : Je comprends la passion de la sénatrice pour le Manitoba et je la respecte. J'aime beaucoup le Musée canadien des droits de la personne.

Cela dit, je ne suis pas du tout d'accord avec la façon dont le gouvernement précédent a géré les musées nationaux. Je ne crois pas qu'il faille les politiser ni qu'il faille modifier la loi. Je pense que nous avons d'autres priorités. J'ai parlé de l'importance d'élaborer un nouvel ensemble de politiques afin de soutenir et d'aider les créateurs de contenu et la création de contenu au pays. Voilà ma priorité.

Ma deuxième priorité est de veiller à ce que nous mettions en place un nouveau plan sur les langues officielles qui aura un effet transformateur au cours des cinq prochaines années. Pour la première fois de l'histoire, je travaille également à l'élaboration d'un plan d'exportation de la culture, qui n'a jamais existé auparavant au Canada. Je travaille également sur l'élaboration d'une politique sur la langue et la culture autochtone et d'un nouveau cadre stratégique, ce qui est clairement une recommandation de la Commission de vérité et réconciliation. J'ai du pain sur la planche.

Le Musée national du portrait

L'honorable Douglas Black : Madame la ministre, je vous remercie d'être ici.

Ma question porte sur le projet d'établir un musée national du portrait. Comme vous le savez, madame la ministre, le Canada couve un trésor extraordinaire, soit la deuxième collection de portraits en importance dans le monde après celle du Royaume-Uni. Contrairement à la situation au Royaume-Uni, comme vous le savez aussi, ces portraits ne font qu'accumuler de la poussière dans des chambres fortes à Gatineau. Ces portraits racontent l'histoire du Canada et de sa riche diversité. Il y a des portraits de plus de 50 nations autochtones, de colons, d'explorateurs, de héros issus du monde du hockey comme le sénateur Munson et d'autres personnalités publiques. On a fait le portrait de toutes ces personnes afin de raconter leur histoire.

Comme vous le savez bien, tous les grands pays du monde possèdent un musée du portrait pour transmettre cette histoire. Madame la ministre, quand peut-on s'attendre à ce que le gouvernement annonce l'aménagement d'un musée national du portrait pour le Canada?

L'honorable Mélanie Joly, C.P., députée, ministre du Patrimoine canadien : Merci. Je comprends l'engouement de l'honorable sénateur pour un musée du portrait. Ce n'est pas la première fois qu'il m'en parle.

J'ai eu la chance de visiter la chambre forte à Bibliothèque et Archives Canada à Gatineau avec le PDG, Guy Berthiaume. On y trouve de toute évidence des trésors extraordinaires. Je crois comprendre aussi que ma collègue, Judy Foote, mène des consultations déterminantes sur l'ancienne ambassade des États-Unis située en face du Parlement. Si l'honorable sénateur désire participer au débat, je l'encourage à soumettre une proposition et aussi à parler à Judy Foote.

Bien entendu, il s'agit d'une idée qui refait souvent surface depuis des années et je suis toujours disposée à entendre de bonnes idées.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis certain que tous les sénateurs veulent bien se joindre à moi pour remercier la ministre Joly d'avoir été parmi nous aujourd'hui.

Des voix : Bravo!

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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