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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 210

Le mardi 11 juin 2024
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente


LE SÉNAT

Le mardi 11 juin 2024

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois de la fierté

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, c’est reconnaissante de me trouver en territoire algonquin anishinaabe que j’interviens aujourd’hui pour célébrer le Mois de la fierté. Aujourd’hui, je reconnais les luttes et les triomphes de la communauté 2ELGBTQIA+ au cours de tant d’années. Mais le Mois de la fierté est aussi l’occasion de rendre hommage au courage, à la résilience et à la contribution des personnes qui luttent pour l’acceptation, l’égalité et l’équité.

J’ai été inspirée par les récentes déclarations des sénatrices Bellemare et McBean. Elles ont souligné le pouvoir transformateur de l’acceptation par la famille et les communautés. Leur témoignage m’a rappelé l’histoire de deux anciens collègues, dont le dénouement très différent illustre l’importance de créer des milieux ouverts et solidaires.

La première de ces histoires s’est terminée par le suicide tragique d’un collègue avec lequel j’avais travaillé en étroite collaboration. À notre insu, il luttait contre la dépression parce que sa famille l’avait rejeté lorsqu’il avait révélé son homosexualité. Le fait qu’il ne se soit pas senti suffisamment en sécurité pour dévoiler son orientation sexuelle à ses collègues, bien que nous soyons tous des travailleurs sociaux, a lancé un véritable signal d’alarme et nous a clairement rappelé que, bien franchement, nous devons tous faire mieux. Aujourd’hui, j’honore sa mémoire et la leçon importante que sa mort prématurée nous a donnée.

L’autre histoire me réjouit. C’est l’histoire d’une professeure en travail social très courageuse qui a ouvert la voie au changement. Brenda Richard a été la première professeure ouvertement homosexuelle de l’Université Dalhousie et probablement l’une des premières travailleuses sociales ouvertement homosexuelles de la Nouvelle-Écosse. Lorsque je me suis jointe, en 1990, à l’école de travail social de l’Université Dalhousie, où j’étais la seule personne d’ascendance africaine, la professeure Richard et moi nous sommes liées d’amitié en tant que personnes plus marginales, et nous sommes devenues des alliées dans la lutte pour les droits.

La professeure Richard a été un modèle et une militante exceptionnelle pour la communauté queer qui a eu le courage d’être elle-même à une époque où cela comportait des risques. Elle a fait preuve de beaucoup d’humilité et de ténacité lorsque nous avons travaillé ensemble pendant plus de 10 ans afin que la communauté 2ELGBTQIA+ soit incluse dans la politique de l’école en matière d’action positive. Ses efforts ont ouvert la voie à des changements qui subsistent encore aujourd’hui. Elle m’a appris à être une alliée indéfectible. Elle a été d’un grand soutien et une source de force et d’espoir pour bien des gens.

Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour remercier sincèrement la professeure Brenda Richard, qui est, pour reprendre les mots de Tina Turner :

[...] la meilleure de toutes

La meilleure, sans aucun doute [...]

Merci.

Des voix : Bravo!

La Semaine nationale du don de sang

L’honorable John M. McNair : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous parler d’un sujet qui me tient vraiment à cœur. Cette semaine est la Semaine nationale du don de sang au Canada. Je voudrais profiter de l’occasion pour souligner l’importance du don de sang. Le don de sang se compose de trois éléments : les globules rouges, le plasma et les plaquettes. La plupart d’entre vous connaissent probablement les globules rouges, mais peut-être moins le plasma et les plaquettes.

Le plasma est administré aux patients qui ont besoin d’une transfusion et entre aussi dans la fabrication de médicaments nécessaires aux personnes souffrant de troubles de la coagulation, de brûlures et d’immunodéficience.

Les plaquettes sont le composant du sang qui contribue à la coagulation. Chez une personne en bonne santé, de nouvelles plaquettes sont produites en permanence et les anciennes plaquettes sont éliminées dans l’organisme. Les personnes qui ont un faible taux de plaquettes ou des plaquettes qui ne fonctionnent pas correctement — par exemple, les personnes qui suivent une chimiothérapie — ont besoin de transfusions dans le cadre de leur traitement.

Au Canada, l’autorité nationale du sang est la Société canadienne du sang. Créé en 1998, cet organisme de bienfaisance indépendant et sans but lucratif a pour mission de garantir aux patients de tout le pays un accès sûr et fiable au sang, au plasma, aux cellules souches, aux organes et aux tissus de haute qualité dont ils ont besoin.

La Société canadienne du sang fournit du sang et des produits sanguins pour la transfusion et gère un formulaire de protéines plasmatiques et de produits connexes utilisés dans un large éventail de conditions médicales ainsi que des services de registre de cellules souches et de banque de sang de cordon ombilical.

Étant donné que juin est également le Mois de la fierté, je souhaite attirer l’attention sur les excuses récemment présentées par la Société canadienne du sang aux communautés 2ELGBTQI+ pour une ancienne politique qui empêchait tous les hommes sexuellement actifs ayant des rapports sexuels avec des hommes, ainsi que certains transgenres, de donner du sang et du plasma.

En 2022, des données probantes ont été présentées à Santé Canada pour démontrer clairement qu’un changement de politique était à la fois prudent et nécessaire, et un changement de critères a été mis en œuvre. On pose désormais à tous les donneurs les mêmes questions sur leur comportement sexuel, peu importe leur orientation sexuelle ou leur genre.

Je tiens à féliciter la Société canadienne du sang d’avoir déployé des efforts pour créer une politique de don plus inclusive et d’avoir reconnu le rôle qu’elle a joué dans la discrimination envers les communautés queers. Il s’agit d’une étape importante dans le redressement des torts causés par une politique préjudiciable dont je m’en réjouis, comme beaucoup d’autres Canadiens, j’en suis sûr.

Chers collègues, on a toujours besoin de plus de donneurs. Je vous encourage à faire un don si vous le pouvez, et n’oubliez pas, comme la Société canadienne du sang vous le dira fréquemment : « Donnez, c’est dans votre nature. » Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

(1410)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Randy, Lydia, Ray et Agnes Wolgemuth. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, la semaine dernière, nous avons rendu hommage aux courageux Canadiens et Canadiennes en uniforme d’autrefois pour leur résilience, leur engagement et leurs contributions. Je crois fermement qu’il est de notre devoir de garder leur héritage dans nos cœurs pour leur témoigner notre reconnaissance.

Je crois aussi, chers collègues, que nous devons regarder le présent et rendre hommage aux héros actuels de la sécurité qui sont parmi nous, ici même, au Sénat. Nous devons souligner le courage et le dévouement des Canadiens et des Canadiennes en uniforme du Service de protection parlementaire et de la Direction de la sécurité institutionnelle du Sénat, qui déploient des efforts constants pour assurer notre sécurité.

Chers collègues, je crois que tout le monde conviendra que nous sommes entourés d’équipes de sécurité professionnelles qui sont amicales et efficaces, et qui font également preuve d’un très grand professionnalisme. Jour après jour, les gardes se surpassent pour que nous nous sentions en sécurité quand nous sommes dans la Cité parlementaire.

Je tiens à profiter de l’occasion qui m’est donnée aujourd’hui pour vous remercier personnellement de toujours nous faire sentir en sécurité. Je tiens également à remercier notre merveilleuse Direction de la sécurité institutionnelle, qui travaille sans relâche sur les opérations de sécurité.

Une grande partie du travail visant à maintenir un environnement sûr pour nous tous se fait en coulisses. Aujourd’hui, j’ai cru bon de profiter de l’occasion pour les remercier de leur dévouement, de leur vigilance et de leur professionnalisme. Sachez que votre travail assidu ne passe pas inaperçu et que nous vous en sommes reconnaissants. J’ai souvent dit que le Sénat a la meilleure équipe de sécurité, ce à quoi je crois sincèrement. L’engagement inébranlable de ses membres à assurer notre sécurité est admirable.

Chers collègues, la Direction de la sécurité institutionnelle du Sénat tiendra son sixième tournoi de golf annuel le jeudi 27 juin. Cet événement, qui me tient beaucoup à cœur, appuie la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada. Toutefois, il nous donne aussi une excellente occasion de montrer activement notre gratitude envers l’équipe de sécurité du Sénat. J’invite tout le monde à y participer en se joignant à nous pour une partie de golf, en faisant un don à la cause ou, peut-être, en parrainant un trou.

Chers collègues, veuillez communiquer avec Julie Lacroix, directrice de la Sécurité institutionnelle, pour savoir comment vous pouvez soutenir cet événement caritatif. Tout le monde est invité à se joindre à nous : le personnel, l’administration, les sénateurs, la famille et les amis. Les inscriptions sont ouvertes jusqu’à vendredi. Je crois que nous avons tous besoin d’un changement dans nos activités quotidiennes, après des mois de débats sur différentes motions à la Chambre rouge. Rassemblons-nous sur les verts du club de golf Manderley pour une journée de plaisir en plein air, de détente et de compétition amicale. En participant, vous passerez non seulement un bon moment, mais vous contribuerez également à une bonne cause. Réunissons-nous tous le 27 juin pour appuyer la campagne de charité en milieu de travail de la Direction de la sécurité institutionnelle du Sénat. Merci, chers collègues.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Maxwell LeBlanc, le petit-fils de l’honorable sénatrice Hartling. Il est accompagné de ses autres grands-parents, Donna et Ed Fitzgibbon.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Fondation de la recherche sur le diabète juvénile

L’honorable Nancy J. Hartling : Honorables sénateurs, nous sommes nombreux à avoir des petits-enfants que nous aimons beaucoup.

[Français]

Nos familles sont très importantes, particulièrement nos petits‑enfants.

[Traduction]

J’interviens aujourd’hui pour vous parler un peu d’un de mes héros, mon petit-fils Max, et de la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile, ou FRDJ.

Depuis plusieurs années, je fais partie du caucus multipartite sur le diabète juvénile. Nous collaborons étroitement avec la FRDJ et travaillons à son événement bisannuel Enfants pour une guérison, qui a lieu ici, sur la Colline. Des enfants vivant avec le diabète de type 1 viennent à Ottawa d’un peu partout au Canada pour visiter le Parlement, rencontrer des députés et des sénateurs, discuter du financement nécessaire pour la recherche et trouver des appuis. La FRDJ a été fondée en 1974 par des parents d’enfants atteints du diabète de type 1. Aujourd’hui, ils célèbrent 50 ans d’efforts fructueux pour cette cause.

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune qui exige chaque jour de multiples injections d’insuline. Il nécessite de nombreuses capacités, des outils et une volonté de changement. Trois cent mille Canadiens sont atteints du diabète de type 1 et le nombre de nouveaux cas augmente de 4,4 % par an. Bien que le diagnostic soit habituellement posé chez les jeunes, de nombreux adultes développent un diabète de type 1.

Bien qu’il n’existe pas de remède, l’insuline a été découverte il y a à peine plus de 100 ans par les docteurs Frederick Banting et Charles Best et elle s’est rapidement avérée un traitement salvateur. Au Canada, nous nous trouvons à un moment critique, car les chercheurs ont bon espoir de trouver bientôt un remède. Je me réjouis que nous disposions d’un Cadre national pour le diabète au Canada, mais il est essentiel que nous poursuivions dans cette voie en consacrant un financement continu à la recherche.

Max, mon petit-fils de 11 ans, est ici aujourd’hui. Il est atteint de diabète de type 1. Il a reçu son diagnostic quand il n’avait que 2 ans et ce fut très difficile pour lui et ses parents. C’est maintenant Max qui nous montre comment gérer son diabète.

Max, accompagné d’Ed et Donna, ses autres grands-parents, est parti de la Colombie-Britannique pour venir me retrouver à Ottawa. Nous nous sommes ensuite rendus au Nouveau-Brunswick pour participer à l’activité intitulée « Ensemble on marche pour guérir le DT1 », qui a eu lieu dimanche dernier. La Fondation de la recherche sur le diabète juvénile organise plus de 50 marches à l’échelle du Canada afin de recueillir des fonds pour la recherche. La devise de l’organisme est : « Mettre un point final au diabète de type 1 ». Nous avons passé un moment extraordinaire à Moncton. Nous avons même marché en compagnie de lamas, ce qui a été très amusant. D’ailleurs, je tiens à remercier les organisateurs de l’événement.

Max m’a montré comment il change son capteur d’endroit et positionne celui-ci, comment il utilise sa pompe à insuline et comment il choisit judicieusement ce qu’il mange, plus particulièrement les glucides, afin que son insuline soit stable. Parfois, il doit manger au milieu de la nuit pour maintenir son taux de glycémie. Cette maladie doit être gérée 24 heures sur 24, 365 jours par année. Max ainsi que tous les autres enfants atteints de diabète de type 1 que j’ai rencontrés doivent relever de nombreux défis chaque jour. Ils ont aussi besoin du soutien de leurs parents.

Max est un garçon de 11 ans très sociable, qui fait du bénévolat dans un foyer pour personnes âgées où il rend visite à Ruby. Il joue au football, fait du curling, aime les jeux vidéo et son chien Molly. Max est gentil et attentionné. Il a beaucoup d’énergie, mais ses nuits sont souvent interrompues par des relevés d’insuline trop élevés ou trop bas qui nécessitent un ajustement. Lorsqu’il voyage, il doit apporter de nombreux appareils, des stylos à insuline et des collations. Le contrôle de sécurité à l’aéroport est également compliqué lorsqu’on a une pompe à insuline.

Chaque année, le 1er juillet, Max organise une collecte de fonds avec ses parents au restaurant de son père à Invermere, en Colombie-Britannique, afin de recueillir des fonds pour la Fondation de la recherche sur le diabète juvénile. Il est engagé et positif.

Je suis extrêmement fière de toi, Max. Tu es mon héros, et je t’aime.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Ripudaman Singh Minhas, qui est accompagné de membres de l’équipe du réseau Our Kids’ Health. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Burey.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le réseau Our Kids’ Health

L’honorable Sharon Burey : Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour parler d’une question qui me tient particulièrement à cœur sur le plan tant personnel que professionnel, soit l’importance de la parité des soins de santé physique et psychologique, et pour attirer votre attention sur les efforts du réseau Our Kids’ Health, une initiative qui nous fait progresser vers la parité et l’équité.

[Traduction]

Lorsque je parle de parité en matière de santé mentale, d’abus de substances psychotropes et de toxicomanie, je parle aussi d’estime et d’équité. La santé mentale est une question qui préoccupe les Canadiens. En effet, l’Association canadienne pour la santé mentale rapporte qu’à l’âge de 40 ans, 50 % des Canadiens auront souffert d’une maladie mentale et que 70 % des troubles mentaux débutent dans l’enfance.

Un récent sondage révèle que l’accès en temps utile à des services de santé mentale financés par l’État est important pour 90 % des Canadiens et que plus de 8 Canadiens sur 10 soutiennent fortement le principe de la parité en matière de santé mentale. Cependant, le Canada ne consacre à la santé mentale que 7 à 9 % de ses dépenses en santé, alors qu’ailleurs, notamment au Royaume-Uni, ce pourcentage est de 13 %.

Comme vous le savez, la pandémie de COVID-19 a révélé au grand jour les inégalités et les défis de notre société. Le docteur Ripudaman Minhas, professeur agrégé de pédiatrie à l’université de Toronto, nouveau président de l’Alliance des pédiatres de l’Ontario et chef de projet du réseau Our Kids’ Network, affirme que les Autochtones, les Noirs et les Canadiens racialisés vivent de l’isolement et de la détresse et ont moins accès à des réseaux et à des mesures de soutien fondées sur des données probantes. Consciente des lacunes que présentaient les ressources existantes, son équipe a lancé Punjabi Kids’ Health en 2021.

(1420)

Cette initiative s’est élargie grâce au soutien de l’Agence de la santé publique du Canada en 2022 : Our Kids’ Health a ajouté neuf canaux supplémentaires, soit les canaux arabe, noir, cantonais, philippin, hispanique, inuit, mandarin, pendjabi, tamoul et ukrainien. Un réseau Our Kids’ Health a aussi été formé au sein de Unity Health Toronto à l’hôpital St. Michael, avec la participation de la direction de l’innovation en santé numérique de l’Organisation mondiale de la santé. Our Kids’ Health est désormais une initiative en matière de santé d’envergure mondiale, basée sur les médias sociaux, qui offre des informations accessibles, fiables et pertinentes sur la santé des enfants, y compris sur la santé mentale, à des familles d’origines diverses.

Soutenir des initiatives comme celles-ci permet de lutter contre la désinformation et la mésinformation, d’améliorer l’équité et la parité en matière de santé, de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte, et de rappeler que, comme on le sait, la santé mentale est essentielle à une bonne santé.

Enfin, chers collègues, je suis convaincue qu’il n’y a pas de problème que nous ne puissions résoudre quand nous mettons vraiment nos esprits, nos talents et nos ressources en commun. Les solutions novatrices telles que le réseau Our Kids’ Health indiquent la voie à suivre pour atteindre la parité d’estime et l’équité dans les systèmes de soins de santé.

Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de jeunes Autochtones participant au rogramme national de bourses d’études sur le leadership autochtone et la politique de plaidoyer de l’Indigenous Connectivity Institute. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la majore-générale Jamie Speiser‑Blanchet, commandante adjointe de l’Aviation royale canadienne, de la colonelle honoraire Renee van Kessel et de la colonelle Margaret Jacula. Elles sont accompagnées d’autres membres de l’ARC et sont les invitées de l’honorable sénatrice Patterson.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’Aviation royale canadienne

L’honorable Rebecca Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Journée de l’Aviation royale canadienne sur la Colline du Parlement et pour vous inviter à vous joindre à moi afin de rendre hommage aux anciens membres et aux membres actuels de l’Aviation royale canadienne, dont certains sont ici avec nous aujourd’hui, pour les services qu’ils ont rendus au Canada.

Il s’agit d’une grande année pour les forces aériennes. Le 1er avril 2024 a marqué les 100 ans de service de l’Aviation royale canadienne. Depuis sa création en 1924, l’Aviation royale canadienne a servi fidèlement les Canadiens en temps de paix et de guerre. Ce centenaire nous donne l’occasion de célébrer et d’honorer le rôle distinct de l’aviation royale à travers l’histoire, car l’histoire d’une nation repose sur son passé et le labeur de ceux qui ont accepté de servir.

S’il est facile de se pencher sur les réussites du passé, il y a beaucoup à reconnaître et à célébrer en ce moment. Qu’il s’agisse de missions de combat aérien au Kosovo, en Libye ou au Koweït, l’Aviation royale canadienne continue de contribuer à la sécurité et à la paix dans le monde. L’Armée de l’air a également été présente lors de catastrophes internationales, comme le tremblement de terre en Haïti, où elle a évacué des civils, et pendant la pandémie de COVID-19, lorsqu’elle a rapatrié des Canadiens qui étaient aux quatre coins du monde. Au pays, l’aviation a apporté son soutien et procédé à des évacuations au cours de la terrible saison de feux de forêt de l’an dernier.

Inutile de vous dire que, quand on est perdu ou en danger, la vue d’un aéronef de recherche et de sauvetage jaune et rouge de l’Aviation royale canadienne est un grand soulagement. C’est le signe qu’on va s’en sortir.

Voilà pourquoi des journées comme celle-ci, où les parlementaires peuvent interagir avec le personnel de l’Aviation royale canadienne et échanger des histoires, sont si importantes. Il est facile pour nous, politiciens, de parler des contribuables et de l’argent des contribuables lorsque nous investissons dans la défense et la sécurité, mais n’oubliez pas que c’est d’un Canadien que nous parlons — un Canadien qui a accepté de risquer sa vie dans un cockpit, aux commandes d’un char d’assaut ou sur une frégate. Pensez-y lorsque vous participez à un débat sur les questions relatives aux Forces armées canadiennes.

Dans un monde où le cadre sécuritaire évolue rapidement et où les conflits, anciens et nouveaux, se multiplient, nous devons plus que jamais soutenir ceux qui portent l’uniforme. Chers collègues, les membres de l’Aviation royale canadienne sont chargés de protéger le Canada et tout ce que nous aimons. Elle mérite les ressources nécessaires pour s’acquitter de cette tâche.

Membres de l’Aviation royale canadienne, nous sommes conscients des difficultés que vous rencontrez, mais je sais qu’en raison de vos qualités, nous pouvons compter sur vous lorsqu’on fait appel à vous. Ce que vous apportez au combat, c’est votre passion et votre excellence, qui ne sont égalées par personne d’autre dans le monde.

Merci, et bon anniversaire à l’Aviation royale du Canada!

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Krenare Recaj et de Sarah Elizabeth Weber. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Dépôt du dix-neuvième rapport du Comité des peuples autochtones auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Brian Francis : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix‑neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui porte sur la teneur des éléments des sections 25 et 26 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

(Conformément à l’ordre adopté le 9 mai 2024, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs

Présentation du troisième rapport du comité

L’honorable Judith G. Seidman, présidente du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, présente le rapport suivant :

Le mardi 11 juin 2024

Le Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs a l’honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le 8 mai 2024 à proposer des modifications au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs pour tenir compte des amendements à l’article 12-26(1) du Règlement du Sénat adoptés par le Sénat ce même jour, recommande maintenant ce qui suit :

(1)que le paragraphe 35(5) du Code soit remplacé par ce qui suit :

« Présentation et adoption de la motion

35. (5) Le leader ou représentant du gouvernement au Sénat, avec l’accord du leader de l’opposition au Sénat et du leader ou facilitateur du parti reconnu ou du groupe parlementaire reconnu qui compte le plus de membres — à l’exception, s’il y a lieu, du parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu auxquels sont affiliés respectivement le leader ou représentant du gouvernement au Sénat et le leader de l’opposition au Sénat — présente au Sénat une motion concernant la composition du Comité, laquelle motion est réputée adoptée sans débat ni vote. »;

(2)que le légiste et conseiller parlementaire assure la mise à jour de la version consolidée du Code pour y intégrer cette modification et qu’il soit autorisé à cette fin à renuméroter les articles s’il y a lieu, à corriger toute erreur grammaticale ou typographique et à effectuer des corrections de forme mineures. La nouvelle version du Code sera publiée sur le site Web du conseiller sénatorial en éthique.

Respectueusement soumis,

La présidente,

JUDITH G. SEIDMAN

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Seidman, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2024

Dépôt du huitième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur la teneur des éléments de la section 28 de la partie 4 du projet de loi C-69, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024.

(Conformément à l’ordre adopté le 9 mai 2024, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

[Traduction]

L’Association parlementaire du Commonwealth

L’atelier du Réseau des femmes parlementaires du Commonwealth pour les champions de l’égalité des genres : Atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes dans les parlements du Commonwealth, tenu du 6 au 8 décembre 2023—Dépôt du rapport

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire du Commonwealth concernant l’atelier du Réseau des femmes parlementaires du Commonwealth pour les champions de l’égalité des genres : Atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes dans les parlements du Commonwealth, tenu à Dar es Salaam, en Tanzanie, du 6 au 8 décembre 2023.

La visite bilatérale à la Barbade et à Sainte-Lucie, du 3 au 9 mars 2024—Dépôt du rapport

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire du Commonwealth concernant la visite bilatérale à la Barbade et à Sainte-Lucie, tenue à Bridgetown, à la Barbade, et à Castries, à Sainte-Lucie, du 3 au 9 mars 2024.

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5k) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir le mardi 11 juin 2024, à 18 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L’innovation, les sciences et le développement économique

Technologies du développement durable Canada

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, la semaine dernière, en réponse à l’une de mes questions sur la caisse noire environnementale du gouvernement Trudeau, vous avez déclaré : « Dès que le gouvernement a été mis au courant de ces allégations, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a agi rapidement. »

En fait, monsieur le leader, c’est l’incompétence totale du gouvernement Trudeau qui est à l’origine de ce scandale. Le rapport de la vérificatrice générale indique clairement que le ministère « n’avait pas suffisamment évalué ni surveillé » la manière dont les initiés du Parti libéral responsables de cette caisse noire ont octroyé des fonds provenant des contribuables.

Monsieur le leader, le gouvernement Trudeau va-t-il respecter la motion adoptée hier par la Chambre des communes et remettre tous les documents à la GRC pour qu’elle puisse faire enquête? Oui ou non, monsieur le leader?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour votre question. Bien entendu, le gouvernement est au courant de la motion qui a été adoptée. Pour l’instant, je ne suis pas en mesure de donner une réponse concernant la réaction qu’il aura.

Le sénateur Plett : Malheureusement, vous n’êtes jamais en mesure de répondre au nom du gouvernement que vous représentez.

La vérificatrice générale a aussi déclaré que « le Ministère n’avait pas surveillé les conflits d’intérêts à la Fondation ». En fait, le gouvernement Trudeau a été mis en garde contre la nomination d’une proche du Parti libéral à la présidence parce que la caisse noire faisait déjà affaire avec cette personne. Monsieur le leader, il l’a quand même nommée présidente, et elle a approuvé le versement de 217 000 $ à sa propre entreprise. C’est de la corruption, monsieur le leader, n’est-ce pas?

Le sénateur Gold : Non, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous donnez cette description, mais la personne n’exerce plus ces fonctions.

Les finances

La Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Je me demande bien pourquoi elle n’est plus là.

Monsieur le leader, près d’un an s’est écoulé depuis que la ministre Freeland a annoncé un arrêt immédiat des activités du Canada au sein de la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures. À ce moment-là, le gouvernement Trudeau avait déjà remis à cette banque contrôlée par Pékin un quart de milliard de dollars des contribuables canadiens, sans rien obtenir en retour. Le 14 juin 2023, la ministre Freeland a dit qu’un examen serait mené promptement. Plutôt que de prendre une décision, Justin Trudeau et son gouvernement incapable ont voulu gagner du temps en décembre en annonçant que l’examen serait étendu.

Monsieur le leader, cette farce dure depuis trop longtemps. Qu’est-ce qui empêche le gouvernement Trudeau de se retirer de la banque dès maintenant? A-t-il peur d’admettre qu’il n’aurait jamais dû y participer?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. L’examen est en cours, et, lorsqu’il sera terminé, le gouvernement annoncera les étapes qui seront suivies.

Le sénateur Plett : Chose certaine, vous ne perdez pas de temps à donner vos réponses qui n’en sont pas aujourd’hui.

Monsieur le leader, c’est bien le comble du « n’en vaut pas le coût ». Les banques alimentaires enregistrent un taux de fréquentation record. Pensez à ce que notre pays aurait pu faire avec un quart de milliard de dollars. Je suppose que le gouvernement Trudeau n’a absolument rien fait pour récupérer cet argent des contribuables. Est-ce la raison pour laquelle les libéraux ne veulent pas retirer le Canada de cette banque, parce qu’ils devraient admettre qu’ils ne récupèreront pas notre argent?

Le sénateur Gold : Au risque de me répéter, monsieur le sénateur, un examen est en cours, et le gouvernement fera les annonces appropriées après sa conclusion.

[Français]

La sécurité publique

Le contrôle coercitif

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le nombre de féminicides est à la hausse au Québec. Il y en a eu sept pendant les quatre premiers mois de l’année. Une femme est tuée tous les six jours au Canada dans des situations de violence. Des groupes de femmes recommandent depuis longtemps de criminaliser le contrôle coercitif, une série de gestes visant à intimider, manipuler, humilier ou isoler la victime, gestes qui précèdent souvent la violence physique. Le projet de loi C-332, qui est débattu aujourd’hui même à la Chambre des communes, veut faire du contrôle coercitif une nouvelle infraction criminelle.

Quelle est la position du gouvernement sur la notion de contrôle coercitif et sur son ajout au Code criminel?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Je tiens à préciser que les comportements coercitifs et contrôlants sont manipulateurs et dangereux et qu’ils mettent des vies en danger. En toute franchise, il y a une épidémie de violence fondée sur le genre au Canada. Il faut en faire plus pour assurer la sécurité des femmes.

La réponse courte à votre question spécifique est que oui, le gouvernement appuie le projet de loi C-332 avec des amendements.

La sénatrice Miville-Dechêne : Je suis heureuse de l’entendre.

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas lui-même entrepris ce chantier, puisque la question est discutée depuis des années? Au Royaume-Uni, par exemple, où le contrôle coercitif est maintenant criminalisé, on a constaté une hausse de 30 % des demandes d’aide et un taux de condamnation à la hausse. Il y a toutefois un bémol. L’Association du Barreau canadien est d’avis que le concept de contrôle coercitif est trop vague. Qu’en pensez-vous?

Le sénateur Gold : Pour répondre à la question de manière générale, le gouvernement a pris plusieurs mesures, notamment en lançant une stratégie fédérale visant à rassembler tous les partenaires fédéraux dans le cadre d’une approche pangouvernementale pour mettre fin à la violence fondée sur le genre. Cette stratégie s’ajoute à un montant de plus de 600 millions de dollars sur cinq ans consacrés à l’élaboration d’un plan d’action national.

(1440)

[Traduction]

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Brent Cotter : En ce qui concerne la prestation canadienne pour les personnes handicapées, sénateur Gold, lorsque la ministre Qualtrough a présenté ce projet de loi, elle a dit que nous avions l’occasion de « [...] sortir des centaines de milliers de Canadiens handicapés en âge de travailler de la pauvreté. »

S’exprimant sur ce même sujet, le parrain du projet de loi au Sénat a déclaré que nous avons une occasion « [...] de changer le monde pour des centaines de milliers de nos concitoyens qui ont vraiment besoin de nous. »

En avril, le gouvernement a indiqué que, sur les 1,6 million de Canadiens handicapés vivant sous le seuil de pauvreté, moins de 40 % seraient admissibles à la prestation. De même, la semaine dernière, les renseignements fournis par le gouvernement ont indiqué que le nombre total d’adultes qui sortiraient de la pauvreté grâce à ce projet de loi était de 25 000.

Pouvez-vous aider à faire coïncider le message enthousiaste de deux parlementaires très distingués avec l’annonce du budget?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question.

Une fois de plus, je prends la parole pour dire que le gouvernement comprend la déception causée par l’annonce des montants de la première phase de ce programme historique. Il ne fait aucun doute que le gouvernement comprend que les Canadiens vivant dans la pauvreté ont besoin d’une contribution combinée des gouvernements fédéral et provinciaux, ainsi que des services de soutien fournis par les provinces, les territoires et les municipalités.

Il s’agit de la première phase du programme. Les montants alloués dans ce budget répondent en partie à l’importance de respecter certains paramètres budgétaires, mais il ne s’agit que d’une première étape. Le gouvernement continuera à travailler avec ses partenaires pour améliorer et étendre ce programme dans l’intérêt des Canadiens handicapés.

Le sénateur Cotter : J’ai une brève question complémentaire. Lorsque l’annonce a été faite dans le budget, sénateur Gold, il s’agissait d’un engagement de six ans. Selon votre observation concernant les étapes, devons-nous nous attendre à ce que des ressources supplémentaires soient fournies bien avant que cette période de six ans ne prenne fin?

Le sénateur Gold : Je ne suis pas en mesure d’émettre des hypothèses sur les décisions de financement qui seront prises à l’avenir, mais je répète que le gouvernement reste déterminé à faire ce qu’il a dit qu’il ferait, c’est-à-dire prendre des mesures de concert avec les provinces et les territoires pour aider les personnes handicapées et alléger leur situation financière.

Le Cabinet du premier ministre

Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement

L’honorable Percy E. Downe : Sénateur Gold, le ministre de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, a offert de montrer le rapport complet du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement aux chefs de tous les partis politiques à la Chambre des communes.

La même possibilité sera-t-elle offerte à la leader du Groupe des sénateurs indépendants, la sénatrice Saint-Germain; au leader du Groupe des sénateurs canadiens, le sénateur Tannas; au leader du caucus conservateur, le sénateur Plett; et au leader du Groupe progressiste du Sénat, le sénateur Dalphond, afin qu’ils puissent voir les noms de tous les parlementaires qui ont travaillé pour le compte de gouvernements étrangers?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Je dirai simplement que mon bureau s’est renseigné à ce sujet et en ce sens, et que j’attends la réponse. Je vous informerai, le Sénat et vous, dès que j’aurai reçu la réponse. Mon bureau s’est occupé de cette question de manière proactive. Je n’ai pas encore de réponse à vous donner.

Le sénateur Downe : Sénateur Gold, compte tenu de l’urgence de la situation, et étant donné que ces leaders voudront sûrement expulser tout membre de leur groupe respectif qui figure dans le rapport des services de renseignements, pouvez-vous appeler le ministre LeBlanc, puis informer le Sénat de sa réponse? Vous engagerez-vous à ce que, d’ici 48 heures, les quatre leaders puissent consulter le rapport complet et non caviardé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement?

Le sénateur Gold : Merci. Je peux assurer au Sénat que je traite cette question avec toute la célérité, l’urgence et l’importance qu’elle mérite. Or, je ne peux pas prendre un tel engagement.

Comme les sénateurs le savent, avant qu’une personne, y compris moi-même, puisse avoir accès à ce document, elle doit obtenir une habilitation de sécurité, et d’autres documents et assurances doivent être fournis.

[Français]

Les finances

Les paiements de transfert

L’honorable Diane Bellemare : Sénateur Gold, j’ai une question à laquelle vous devrez probablement répondre par écrit.

Dans le contexte des importantes transitions professionnelles que les provinces doivent financer en raison des changements technologiques, climatiques et autres, que contient l’offre que le gouvernement fédéral a faite aux provinces récemment au Forum des ministres du marché du travail par rapport aux différentes ententes, selon qu’elles proviennent de l’assurance-emploi ou des fonds généraux des provinces?

Le financement de ces ententes a-t-il évolué dans le temps? Le gouvernement fédéral a-t-il réduit les enveloppes transférées aux provinces dans le contexte de ces ententes après la pandémie? Si oui, dans quelle proportion?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. C’est complexe, surtout en ce qui concerne les discussions entre le gouvernement du Canada et les représentants du gouvernement, comme les ministres, les fonctionnaires et leurs homologues dans les provinces. Ce sont des discussions qui ne sont pas nécessairement rendues publiques avant qu’une entente soit finalisée. Il est sûr et certain que toutes les provinces et les territoires et leurs organisations responsables de gérer les professions composent avec les changements que vous avez indiqués, et je vais poser la question directement au ministre dès que possible.

[Traduction]

Le Bureau du Conseil privé

Les articles de journaux

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, la semaine dernière, j’ai reçu une réponse à une question écrite que j’avais initialement inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis du Sénat le 16 mars 2021 — il y a plus de trois ans. Dans cette question, je demandais des renseignements sur des articles parus dans les médias qui étaient, en fait, des articles fantômes rédigés par des employés fédéraux. La réponse montre que le gouvernement Trudeau a versé des milliers de dollars en argent public pour ces fausses nouvelles.

Par exemple, Patrimoine canadien a déclaré avoir dépensé plus de 48 000 $ pour publier dans l’Ottawa Citizen des articles de presse rédigés par des employés du gouvernement entre le 1er janvier 2020 et le 23 novembre 2021.

Monsieur le leader, vous nous faites souvent la leçon sur la désinformation. Comment justifiez-vous le fait de dépenser l’argent des contribuables pour diffuser des nouvelles manifestement fausses?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je ne crois pas que je vous fais la leçon autant que vous me la faites, mais quoi qu’il en soit, le compte rendu en témoignera.

Je ne suis pas en mesure de dire si les histoires auxquelles vous faites référence sont de « fausses nouvelles » ou non ni de commenter ce qui a été commandé dans le cadre des contrats auxquels vous faites allusion. Cependant, je suis très heureux — même si cela a pris un certain temps — que vous ayez reçu la réponse que vous aviez demandée à laquelle vous aviez droit.

Le sénateur Plett : Il n’y a pas que Patrimoine Canada qui est en cause. Par exemple, Affaires mondiales Canada a dépensé près de 15 000 $ pendant la même période. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, a dépensé 8 000 $ en 2021.

Monsieur le leader, cela fait partie des choses sur lesquelles vous avez du contrôle et du pouvoir, car vous pouvez prendre le téléphone et appeler le ministre LeBlanc.

Vous engagez-vous à trouver combien ces ministères ont dépensé en fausses nouvelles depuis novembre 2021 et à quel moment cela a commencé, et allez-vous déposer cette information au Sénat?

Le sénateur Gold : Je vais certainement faire le suivi nécessaire au sujet des réponses que vous avez reçues. C’est le maximum que je peux promettre aujourd’hui.

L’infrastructure et les collectivités

Le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader, en novembre 2021, des collectivités de la Colombie-Britannique ont été dévastées par des inondations et des glissements de terrain sans précédent. À l’époque, à une période des questions, je vous avais posé une question au sujet de l’aide que le gouvernement Trudeau comptait fournir à ces collectivités, et votre réponse positive en cette période difficile avait été la bienvenue.

La semaine dernière, les maires d’Abbotsford, de Merritt et de Princeton ont tenu une conférence de presse conjointe. Ils ont informé le public que leurs demandes de financement respectives au titre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes avaient toutes été refusées.

(1450)

Monsieur le leader, on peut affirmer sans crainte de se tromper que ces localités sont choquées de ce rejet. Pourquoi le gouvernement Trudeau a-t-il décidé de ne pas tenir la promesse qu’il a faite il y a trois ans? Le gouvernement va-t-il reconsidérer sa position?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je suis désolé d’apprendre que ces demandes particulières n’ont pas été approuvées. Cependant, je souligne que, dans le cadre du programme dont vous parlez, en l’occurrence le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, le gouvernement a déjà accordé 2,8 milliards de dollars à 115 projets dans l’ensemble du pays, et il continuera à travailler avec ses partenaires pour finaliser ces projets.

Madame la sénatrice, je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur les raisons pour lesquelles ces demandes particulières n’ont pas été acceptées, mais le gouvernement tient sa promesse d’aider les collectivités, comme en témoignent les sommes qui ont déjà été allouées pour soutenir plus de 100 projets partout au Canada.

La sénatrice Martin : J’espère que ces trois demandes feront l’objet d’un nouvel examen. Il est très important pour ces localités d’avoir de l’aide.

Après avoir pris connaissance du rapport de la vérificatrice générale sur la caisse noire environnementale, il est difficile de ne pas avoir une pensée pour ces localités de la Colombie-Britannique. La vérificatrice a signalé qu’à de nombreuses occasions des initiés libéraux ont approuvé le versement de dizaines de millions de dollars de l’argent des contribuables à des entreprises dans lesquelles ces initiés avaient des intérêts. Comment expliquer ce gaspillage flagrant et ce copinage à ces localités qui se voient refuser l’aide promise par le gouvernement Trudeau?

Le sénateur Gold : L’attribution ou l’octroi inapproprié de contrats est inacceptable, un point c’est tout, quel que soit le lien que l’on peut ou non établir avec d’autres programmes gouvernementaux. Le gouvernement a pris des mesures dans ce dossier. Il a transféré le fonds en question à une société d’État et il a la conviction que tout se fera dans les règles à l’avenir.

Les pêches et les océans

Le Programme d’adoption des technologies propres pour les pêches et l’aquaculture

L’honorable Iris G. Petten : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, en mai 2023, plus de 200 chefs de file dans le domaine de l’aquaculture et des pêches se sont réunis à Ottawa avec le but commun de faire croître l’économie océanique du Canada jusqu’à 220 milliards de dollars d’ici 2035. Cette initiative en matière d’économie bleue — appelée Ambition 2035 — prend appui sur une vision commune du Conseil canadien des pêches et de l’Alliance de l’industrie canadienne de l’aquaculture.

Sénateur Gold, comment le gouvernement fédéral appuie-t-il cette initiative?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Les océans sont importants à bien des égards pour notre pays et notre économie. Comme nous le savons, ils ont un rôle à jouer dans les solutions de lutte contre les changements climatiques. En effet, ils absorbent plus de carbone que toutes les forêts combinées, ce qui ouvre la voie à diverses possibilités pour les collectivités côtières et continentales, en plus de contribuer à rendre l’économie bleue plus durable et plus prospère. Le gouvernement va continuer de soutenir le développement de nouvelles technologies et de promouvoir l’innovation dans tous les secteurs de l’économie bleue pour aider à propulser sa croissance.

Récemment, la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a annoncé un financement de plus de 3,5 millions de dollars pour 18 initiatives dans le cadre du Programme d’adoption des technologies propres pour les pêches et l’aquaculture. Ce financement servira à appuyer les petites et moyennes entreprises dans leurs efforts visant à intégrer des technologies novatrices et propres dans leurs activités commerciales.

Les ressources naturelles

La consultation des Autochtones

L’honorable Paul J. Prosper : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, on peut lire ce qui suit sur une page Web du bureau du gouvernement de la Nouvelle-Écosse consacré aux affaires L’nu, qui est l’équivalent provincial de Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada et de Services aux Autochtones Canada :

Le 31 août 2010, après un projet pilote de trois ans, les treize communautés mi’kmaqs ont signé, par l’entremise de l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse, une entente historique avec les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse. Le Cadre de référence relatif au processus de consultation entre les Mi’kmaq, la Nouvelle-Écosse et le Canada prévoit un processus de consultation que les parties peuvent employer lorsque les gouvernements prennent des décisions qui pourraient avoir une incidence négative sur des droits ancestraux des Mi’kmaqs et des droits issus de traités.

Sénateur Gold, dans une lettre datée du 4 juin 2024, des dirigeants mi’kmaqs indiquent clairement que ce cadre de référence n’a pas été suivi pour le projet de loi C-49. Pourriez-vous nous dire pourquoi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de porter cette question à notre attention, sénateur Prosper. Comme vous le savez, le ministre Wilkinson comparaîtra devant un comité plus tard cette semaine. Il a déjà fait parvenir à tous les leaders du Sénat et aux membres du comité devant lequel il comparaîtra des commentaires et des réponses à des enjeux soulevés dans la lettre que vous mentionnez et dans la lettre que vous avez transmise à certains d’entre nous.

Le ministre sera beaucoup mieux placé que moi pour expliquer son point de vue au sujet du dialogue et des consultations qui ont eu lieu au fil des ans à propos de ce projet de loi, dont il est aussi question dans la lettre qu’il a adressée aux leaders et aux membres du comité.

Le sénateur Prosper : Merci, sénateur Gold. Étant donné l’importance de l’inclusion significative des voix autochtones dans nos études parlementaires, ainsi que l’exigence légale de la Couronne d’utiliser le protocole établi pour la consultation et les déclarations répétées du gouvernement au sujet de la réconciliation, le gouvernement acceptera-t-il ma demande du 5 juin de modifier l’accord sur le calendrier de certains projets de loi afin de permettre aux dirigeants mi’kmaqs de témoigner en septembre, une fois qu’ils auront eu l’occasion d’étudier ce projet de loi complexe?

Le sénateur Gold : Sénateur Prosper, comme vous et moi en avons discuté cette fin de semaine, j’ai porté cette question à l’attention des dirigeants. Nous sommes en train de discuter de cette question. Je n’ai vraiment rien à ajouter à ce stade.

L’emploi et le développement social

La prestation canadienne pour les personnes handicapées

L’honorable Andrew Cardozo : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l’économie et la prestation pour les personnes handicapées.

Je tiens à mentionner trois indicateurs économiques qui montrent que le gouvernement Trudeau a obtenu, dans une certaine mesure, de bons résultats. L’inflation est passée à 2,8 % par rapport à 8,1 % il y a à peine deux ans. La Banque du Canada a réduit son taux d’intérêt pour le fixer à 4,75 %, et le taux de chômage est stable à environ 6,2 %. Cela dit, des difficultés demeurent à bien des égards. Je pense en particulier à la situation des personnes handicapées.

La semaine dernière, on a rapporté, en réponse à une question du député Mike Morrice, que seulement 25 000 personnes recevront cette prestation. Le sujet a aussi été soulevé plus tôt aujourd’hui. Je me demande si vous pouvez nous dire pourquoi le gouvernement refuse de réévaluer le petit montant de 200 $ et pourquoi...

Son Honneur la Présidente : Sénateur Gold, votre réponse?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Premièrement, merci de votre question et merci d’avoir souligné certains signes encourageants que nous percevons dans l’économie canadienne. Vous l’avez dit, de nombreux Canadiens éprouvent des difficultés dans bien trop de secteurs pour que nous puissions nous permettre d’être complaisants ou de faire preuve de trop d’optimisme.

Comme je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises en réponse à des questions concernant cet enjeu, le gouvernement est conscient que le montant qui a été budgété pour la prestation pour personnes handicapées — en tant que composante fédérale du soutien auquel les personnes handicapées ont droit et qu’elles recevront — ne représente que la première étape. Le gouvernement entend revoir de façon continue ce programme afin de s’assurer qu’il répond aux besoins.

Le sénateur Cardozo : J’ai une question complémentaire. Vu le renforcement apparent de l’économie, ne croyez-vous pas qu’il serait pertinent de changer de stratégie? Cette mesure vise à redonner espoir aux gens et à renforcer leur confiance envers les institutions gouvernementales.

Le gouvernement serait-il prêt à apporter ces changements dans les jours à venir tandis que les votes sur le budget n’ont pas encore été achevés à la Chambre des communes?

Le sénateur Gold : Il est irréaliste de penser que le gouvernement, à ce stade-ci, pourrait apporter de tels changements. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, il s’agit d’un programme sur plusieurs années. Il s’agit d’une première étape historique. Le gouvernement fera le nécessaire, en demeurant prudent et responsable, au sujet des problèmes et des préoccupations qui ont été soulevés au Sénat, et ailleurs, concernant la prestation pour personnes handicapées.

Le sénateur Plett : J’ai l’impression que c’est vous qui rédigez les questions du sénateur Cardozo à sa place.

La défense nationale

Les Forces armées canadiennes

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, dans la foulée du 80e anniversaire du jour J, il est frappant de constater à quel point la position du Canada en tant que partenaire digne de confiance et fiable en matière de défense s’est estompée sous le gouvernement des néo-démocrates et de Justin Trudeau.

(1500)

L’ex-député libéral Andrew Leslie est un lieutenant-général à la retraite des Forces armées canadiennes. Monsieur le leader, il dénonce sans ambiguïté le gouvernement Trudeau et il a récemment déclaré ce qui suit au National Post :

L’actuel premier ministre du Canada n’est pas sérieux au sujet de la défense. Point final. Beaucoup de membres de son Cabinet ne sont pas sérieux au sujet de la défense. Point final.

Nos alliés de l’OTAN désespèrent. Nos amis américains sont contrariés.

Monsieur le leader, a-t-il raison?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : La personne que vous citez a servi son pays de manière remarquable, et je ne contesterai pas le droit qu’il a d’avoir son opinion, mais les faits le contredisent, chers collègues. Les dépenses en matière de défense ont augmenté sous le gouvernement actuel. Nous sommes plus proches que jamais dans l’histoire de notre pays du seuil de 2 % demandé par l’OTAN.

Je l’ai déjà dit et je n’aime pas faire cela, chers collègues, mais vous pouvez consulter le hansard, où vous trouverez des comparaisons entre les dépenses de défense, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut, le PIB, sous le gouvernement conservateur précédent et sous le gouvernement actuel. Ces chiffres suffisent à montrer que le gouvernement actuel, depuis son arrivée au pouvoir, a continué d’investir plus que le gouvernement précédent et une plus grande part du PIB. Est-ce suffisant pour satisfaire tous les officiers à la retraite ou nos alliés de l’OTAN? Peut-être pas, mais le gouvernement, et ses investissements, vont dans la bonne direction.

Le sénateur Plett : Heureusement, nous aurons bientôt la chance de voir ce que fera le nouveau gouvernement conservateur, notamment en ce qui concerne les dépenses en matière de défense. Je suis impatient de le voir à l’œuvre, comme vous tous, j’en suis sûr.

L’incompétence du gouvernement Trudeau dans la gestion de notre défense nationale est un cas de pure négligence. Il manque environ 16 000 soldats à nos forces. Notre armée est vidée de sa substance. Des escadrons aériens entiers sont mis hors service parce qu’ils n’ont pas assez de personnel. Monsieur le leader, si cela n’est pas de la négligence, qu’est-ce que c’est? Où va tout cet argent que le gouvernement dépense alors que nous n’en avons pas les moyens?

Le sénateur Gold : Le gouvernement investit dans la nouvelle génération de pilotes de chasse ainsi que dans les navires qui défendent notre souveraineté dans le Nord. Chers collègues, je le répète, le gouvernement consacre à la défense un pourcentage du PIB du Canada nettement supérieur au gouvernement précédent, et cela vaut même pour les années de pandémie.

Les pêches et les océans

L’autorisation réglementaire

L’honorable Marilou McPhedran : Sénateur Gold, comme je suis une sénatrice non affiliée, on ne m’a pas autorisée à poser de question à la ministre des Pêches et des Océans lors de sa comparution au Sénat. Je vous remercie donc d’accepter ma question au sujet du Fundy Ocean Research Centre for Energy, ou FORCE.

L’an dernier, on a appris que la société Sustainable Marine Energy, basée au Royaume-Uni et bénéficiaire d’un financement fédéral de quelque 28 millions de dollars de Ressources naturelles Canada pour développer la technologie marémotrice, avait été contrainte d’interrompre ses activités et de se déclarer en faillite. Elle avait indiqué que le ministère fédéral des Pêches et des Océans n’avait pas voulu coordonner son travail avec Ressources naturelles Canada ou la Nouvelle-Écosse pour fournir les autorisations réglementaires dont la société avait besoin, ce qui avait contribué à la faillite de cette dernière.

Un groupe de travail du ministère des Pêches et des Océans chargé d’étudier les obstacles réglementaires a formulé des recommandations en mars, notamment l’harmonisation des approbations du ministère des Pêches et des Océans avec les normes provinciales et d’autres normes ministérielles. Le ministère des Pêches et des Océans met-il actuellement en œuvre toutes les recommandations du groupe de travail?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne suis pas en mesure d’y répondre, mais je ne manquerai pas de me renseigner auprès de la ministre et du ministère concernés dès que possible.

La sénatrice McPhedran : Je vous remercie. Très brièvement, sénateur Gold, en plus de la question que j’ai posée au sujet d’une recommandation, j’aimerais en poser une autre, s’il vous plaît. Le ministère des Pêches et des Océans donne-t-il suite à la recommandation de porter la durée des autorisations à 15 ans afin de promouvoir la stabilité et la confiance des investisseurs, et s’efforce-t-il d’accroître la transparence des décisions?

Le sénateur Gold : Je ne manquerai pas d’ajouter cela aux questions. Je vous remercie encore une fois.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 21 septembre 2022 par l’honorable sénatrice Saint-Germain, concernant les funérailles de la reine Elizabeth II.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 4 octobre 2022 par l’honorable sénateur Housakos, concernant le Corps des Gardiens de la révolution islamique — Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 4 octobre 2022 par l’honorable sénateur Housakos, concernant le Corps des Gardiens de la révolution islamique — Sécurité publique Canada.

Le patrimoine canadien

Les funérailles de la reine Elizabeth II

(Réponse à la question posée le 21 septembre 2022 par l’honorable Raymonde Saint-Germain)

Le Tableau de la préséance pour le Canada est un instrument lié au cérémonial et au protocole. Il ne détermine pas qui peut agir au nom de la gouverneure générale ou du premier ministre.

Conformément aux dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982, la gouverneure générale peut nommer des personnes pour agir comme députés pour exercer les pouvoirs, attributions et fonctions du gouverneur général. Traditionnellement, le juge en chef et les autres juges de la Cour suprême du Canada sont nommés députés du gouverneur général. En outre, un nombre restreint de hauts fonctionnaires du Bureau du secrétaire du gouverneur général sont également nommés comme députés, mais avec des pouvoirs limités.

Dans le cas du premier ministre, la liste des ministres suppléants énumère les ministres qui agiront au nom du premier ministre au cas où il serait incapable d’exercer les fonctions de son poste.

Les affaires étrangères

Le Corps des Gardiens de la révolution islamique

(Réponse à la question posée le 4 octobre 2022 par l’honorable Leo Housakos)

En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) :

IRCC travaille en collaboration avec des partenaires du gouvernement et examine les demandes de personnes responsables de violations de droits de la personne ou de droits internationaux, ou qui représentant une menace pour la sécurité des Canadiens.

Le gouvernement du Canada a également mis en œuvre nouvelles mesures en réponse aux violations continues des droits de la personne en Iran. Le 14 novembre 2022, le ministre de la Sécurité publique a annoncé la désignation de l’Iran comme régime qui se livre à des violations flagrantes ou systématiques des droits de la personne et au terrorisme aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). La désignation du régime rend interdits de territoire au Canada les hauts dirigeants de la République islamique d’Iran.

Le projet de loi S-8, qui a reçu la sanction royale le 22 juin 2023, fait en sorte que les personnes visées par des sanctions en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales pour une rupture sérieuse de la paix et de la sécurité internationales sont interdites de territoire au Canada et renforce la capacité d’IRCC d’empêcher l’entrée de personnes iraniennes faisant l’objet de sanctions.

Enfin, un total de 175 personnes et de 192 entités se sont vu imposer des sanctions en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant l’Iran en date du 30 août 2023, y compris de hauts responsables iraniens et des entités importantes qui mettent directement en œuvre des mesures de répression, violent les droits de la personne et diffusent la propagande et la désinformation du régime iranien.

(Réponse à la question posée le 4 octobre 2022 par l’honorable Leo Housakos)

Sécurité publique Canada (SP)

Le gouvernement utilise de nombreux outils pour tenir l’Iran responsable de ses actes atroces qui soutiennent le terrorisme violent et qui viole les droits humains fondamentaux.

Le 14 novembre 2022, le Gouvernement de Canada a inscrit le régime iranien ainsi que ses principaux dirigeants comprenant plus de 10 000 officiers et hauts fonctionnaires en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Conséquemment, le régime et ses membres seront perpétuellement interdit de séjour au Canada en raison de leur implication dans le terrorisme et des violations flagrantes et systématiques des droits de la personne.

En date de janvier 2024, Canada a sanctionné 442 individus et entités iraniennes en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales (RMES). Depuis octobre 2022, le Canada a décrété 16 séries de sanctions en vertu de la RMES à l’endroit de 153 individus et de 87 entités à tous les paliers du système de la sécurité, du renseignement et de l’économie de l’Iran. Ces mesures ont pour effet de geler tous les biens que les personnes et entités inscrites sur la liste pourraient détenir au Canada.

L’Iran continue d’être désigné comme un État soutenant le terrorisme en vertu de la Loi sur l’Immunité des États.

La Force Qods du le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) et d’autres mandataires soutenus par l’Iran continuent de figurer sur la liste des entités terroristes du Code criminel.

Le gouvernement utilise tous les outils à sa disposition pour maintenir la pression sur l’Iran afin qu’il mette fin à son comportement flagrant.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l’assurance médicaments

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice McBean, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler : Honorables sénateurs, je voudrais commencer par reconnaître que la terre sur laquelle nous nous réunissons est le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinabe, qui vit sur cette terre depuis des temps immémoriaux.

Je prends la parole aujourd’hui pour soutenir le principe du projet de loi C-64.

[Traduction]

Mon discours d’aujourd’hui comportera trois parties. Premièrement, je ferai un bref historique de la Loi canadienne sur la santé et de la manière dont ce cadre est lié aux lacunes actuelles du régime national d’assurance-médicaments du Canada. Deuxièmement, je décrirai sommairement comment l’accès à la contraception améliore la santé. Troisièmement, j’aborderai quelques aspects du projet de loi C-64 qui, à mon avis, doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi.

Pour commencer, il est important de comprendre la Loi canadienne dans le contexte de cette mesure législative. Le projet de loi C-64 stipule que le ministre doit tenir compte de la Loi canadienne sur la santé ainsi que des principes d’accessibilité, d’abordabilité, d’utilisation appropriée et de couverture universelle lorsqu’il collabore avec les provinces, les territoires, les peuples autochtones et d’autres partenaires et parties prenantes vers la mise en œuvre d’un régime d’assurance-médicaments national et universel.

L’idée d’un régime national d’assurance pour les médicaments sur ordonnance n’est pas nouvelle. En 1961, la Commission royale d’enquête sur les services de santé, également connue sous le nom de Commission Hall, a recommandé la mise en place d’une politique nationale de santé et d’un programme complet de soins de santé, jetant ainsi les bases de la Loi canadienne sur la santé. La Commission Hall a notamment recommandé d’inclure les médicaments sur ordonnance dans les avantages offerts par le système de santé proposé.

Plus tard, en 1984, la Loi canadienne sur la santé est entrée en vigueur et a établi un cadre pour le financement fédéral offert aux provinces et aux territoires ainsi que le principe du régime public de soins de santé à payeur unique. Elle énonce également les principes et conditions que les provinces et les territoires doivent respecter pour recevoir la pleine contribution pécuniaire du gouvernement fédéral dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé. Je vous invite à garder en tête la notion des « principes et conditions », car je vais en parler davantage plus tard.

Selon la Loi canadienne sur la santé, les services de santé assurés comprennent les services hospitaliers ou médicaux ou certains services de chirurgie dentaire qui sont médicalement nécessaires, mais pas les médicaments sur ordonnance, et c’est cette lacune que propose de combler le projet de loi C-64. Certains d’entre vous connaissent probablement le rapport de 2019 publié par le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance‑médicaments, mieux connu sous le nom de rapport Hoskins. Le rapport dit ceci :

Nous sommes le seul pays au monde doté d’un système de santé universel, sans offrir à la fois une protection universelle pour les médicaments d’ordonnance.

La deuxième moitié de cette affirmation est vraie, dans la mesure où le Canada n’offre pas de couverture universelle pour les médicaments sur ordonnance, mais il est à noter que le Canada n’est pas doté d’un système de soins de santé universel.

Voici ce qu’on dit sur le site Web du gouvernement du Canada :

Le Canada ne dispose pas d’un régime national d’assurance‑maladie unique. Les 13 provinces et territoires disposent de leurs propres régimes d’assurance-maladie qui partagent certaines caractéristiques communes et des normes de couverture de base définies par la Loi canadienne sur la santé [...]

En outre, parallèlement aux 13 régimes d’assurance-maladie provinciaux et territoriaux, le gouvernement fédéral fournit du financement et certains services de soins de santé directs à certains groupes de la population, notamment les membres des Premières Nations vivant dans les réserves, les Inuits, les membres actifs des Forces canadiennes, les anciens combattants admissibles, les détenus dans les pénitenciers fédéraux et certains groupes de demandeurs d’asile. Là encore, gardez ces groupes à l’esprit.

(1510)

Je passe maintenant à la deuxième partie de mon discours concernant les bienfaits pour la santé de l’accès à la contraception. La contraception sauve des vies, celle des femmes et des bébés, parce qu’elle réduit le taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile.

D’abord, l’utilisation de contraceptifs réduit le nombre d’avortements, plus particulièrement les avortements dangereux qui entraînent le décès de la mère. Près du quart des Canadiens sont en âge de procréer et près de la moitié des grossesses au Canada n’étaient pas prévues. Dans 77 % des cas, les personnes qui demandent un avortement indiquent ne pas avoir de couverture d’assurance pour les contraceptifs.

Même si bien des Canadiens ont une couverture d’assurance partielle, le fait que cette couverture ne soit pas complète a un impact sur l’accès. Exiger des compagnies d’assurance qu’elles offrent un approvisionnement en contraceptifs sur ordonnance pour 12 mois est associée à une réduction de 30 % des grossesses non désirées.

En outre, des données recueillies aux États-Unis montrent que, dès qu’un coût minime doit être payé, il y a une réduction de l’utilisation des services et des médicaments de contraception, surtout chez les femmes à faible revenu et chez celles qui n’ont aucune assurance.

La planification familiale a permis de réduire considérablement le taux de mortalité maternelle et de mortalité infantile à l’échelle mondiale. La possibilité de planifier les grossesses au moment voulu présente des avantages pour la santé des mères et des bébés.

Plusieurs études indiquent que, plus l’intervalle entre les naissances est court, plus les risques de mortalité maternelle et de mortalité infantile augmentent. Par exemple, une grossesse qui débute dans les six mois suivant une naissance vivante est liée à un risque accru de naissance prématurée et de poids à la naissance inférieur à la moyenne.

La planification des naissances réduit la mortalité maternelle en réduisant la parité — c’est-à-dire le nombre de naissances. Elle diminue le nombre de fois qu’une femme est confrontée aux risques de morbidité et de mortalité liés à l’accouchement.

Enfin, je dirai quelques mots sur les avantages économiques de la contraception. Un rapport de l’Institute for Women’s Policy Research énumère les retombées économiques de l’accès à la contraception. Le rapport est basé sur des recherches qui recensent les effets de causalité sur le niveau d’éducation des femmes, leur participation à la vie active, leur parcours professionnel, leurs revenus, la pauvreté et les effets sur la génération suivante.

Dans les années 1960, l’élargissement de l’accès des femmes à la contraception a entraîné une augmentation estimée entre 12 et 20 % du nombre de femmes inscrites à l’université. L’accès à la pilule contraceptive a permis aux femmes de retarder leur maternité, ce qui a stimulé leur investissement dans leurs études et leur carrière.

L’accès à la contraception a permis d’augmenter la participation des femmes au marché du travail de 15 % et le taux d’inscription des femmes dans des domaines professionnels tels que la médecine et le droit de près d’un tiers entre 1970 et 1990.

Passons maintenant à la troisième partie de mon intervention. Permettez-moi de souligner deux raisons pour lesquelles je me réjouis d’étudier ce projet de loi au comité.

Tout d’abord, le coût prévu et l’absence de mécanisme de conformité et d’application dans le projet de loi C-64 devraient faire l’objet d’un examen plus approfondi. Le directeur parlementaire du budget a estimé que la première phase du régime national universel d’assurance-médicaments augmentera les dépenses fédérales de 1,9 milliard de dollars sur cinq ans. Pourtant, malgré cette augmentation de près de 2 milliards de dollars, je trouve que le projet de loi C-64 ne prévoit aucune obligation de rendre des comptes, car il ne contient aucune disposition sur la conformité et l’application.

Rappelons que la Loi canadienne sur la santé définit les critères et les conditions que les provinces et les territoires doivent remplir pour bénéficier de l’intégralité du Transfert canadien en matière de santé. La Loi canadienne sur la santé énumère cinq règles de gestion publique : l’intégralité, l’universalité, la transférabilité et l’accessibilité, ainsi que deux conditions relatives à l’information et à la reconnaissance.

Si le ministre fédéral de la Santé estime que le régime d’assurance-maladie d’une province ou d’un territoire ne remplit pas l’une des cinq conditions d’octroi ou les deux conditions, il peut renvoyer la question au gouverneur en conseil. Si le gouverneur en conseil est d’accord, il peut ordonner que toute contribution pécuniaire versée à cette province ou à ce territoire pour un exercice soit réduite ou carrément retenue.

En bref, si une province ou un territoire ne respecte pas les principes et les conditions de la Loi canadienne sur la santé, le gouvernement fédéral peut réduire ou retenir le Transfert canadien en matière de santé.

En outre, la Loi canadienne sur la santé interdit à tout régime d’assurance-maladie provincial ou territorial de permettre la surfacturation ou l’imposition de frais modérateurs par les établissements de santé et les professionnels de la santé. Les montants facturés aux patients sous forme de surfacturation ou de frais modérateurs doivent être déduits de la contribution pécuniaire versée au titre du Transfert canadien en matière de santé.

Le projet de loi C-64 vise à offrir une couverture universelle au premier dollar à payeur unique. Toutefois, contrairement à la Loi canadienne sur la santé, le projet de loi C-64 ne contient pas de dispositions relatives à la conformité et à l’application de la loi.

Je me demande comment les provinces et les territoires seront tenus de rendre des comptes. Quel recours a le gouvernement fédéral si une province ou un territoire ne respecte pas les principes énoncés à l’article 4 du projet de loi? Que se passera-t-il si les patients continuent de se faire imposer des frais initiaux qu’ils doivent payer de leur poche, comme la quote-part d’une assurance ou les frais d’ordonnance des pharmaciens?

On peut supposer qu’il sera question des quotes-parts et des frais d’ordonnance dans les discussions entre le ministre fédéral de la Santé et les provinces, les territoires, les peuples autochtones et les autres partenaires et parties prenantes.

Cependant, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas faire de suppositions lorsqu’il s’agit d’adopter un projet de loi. Cela m’amène à la deuxième raison pour laquelle j’ai hâte à l’étude du comité sur ce projet de loi, soit obtenir plus d’informations de la part du ministre et des représentants du gouvernement sur les futures discussions bilatérales.

Comme on l’a mentionné tout à l’heure, le gouvernement fédéral fournit des fonds et divers services de santé directs à certaines populations, notamment les membres des Premières Nations vivant dans les réserves, les Inuits, les membres actifs des Forces armées canadiennes, les anciens combattants admissibles, les détenus incarcérés dans les pénitenciers fédéraux et certains groupes de demandeurs d’asile.

L’article 5 du projet de loi C-64 décrit l’engagement financier pris par le gouvernement du Canada : il s’engage à maintenir le financement à long terme pour les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et le financement destiné aux provinces et aux territoires doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec leur gouvernement respectif. Toutefois, à part les peuples autochtones, le projet de loi C-64 ne détaille pas d’engagement financier à long terme pour les autres groupes de population qui relèvent du fédéral. Ces groupes sont peut-être les « autres partenaires et intervenants » mentionnés à l’article 4, mais la couverture des groupes de population financés par le fédéral devrait être examinée plus en détail au comité.

En conclusion, je souscris à l’idée d’améliorer les soins de santé en offrant un meilleur accès à des médicaments abordables. Or, des questions demeurent sans réponse entourant le projet de loi C-64 dans sa forme actuelle. Comment les provinces et les territoires seront-ils tenus responsables des fonds fédéraux qui leur sont transférés? Quels seront les mécanismes de conformité et d’application, surtout s’ils ne sont pas inscrits dans la loi? Le gouvernement du Canada s’engagera-t-il à améliorer l’accès et l’abordabilité des médicaments sur ordonnance et des produits connexes pour tous les groupes de population qui relèvent du fédéral?

Honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer le projet de loi C-64.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

Je tiens à remercier la sénatrice Pate de son travail à titre de marraine du projet de loi et notamment de nous avoir donné un bon aperçu de la question et du projet de loi.

Mon objectif aujourd’hui consiste à apporter des éclaircissements qui, je l’espère, seront utiles à la poursuite de l’examen de ce projet de loi, en particulier lorsqu’il sera renvoyé au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Honorables collègues, vous n’êtes pas sans savoir que le Canada est le seul pays au monde à disposer d’un système de santé universel qui ne couvre pas les médicaments sur ordonnance. La sénatrice Pate a souligné la façon dont les produits pharmaceutiques sont devenus un volet incontournable des soins de santé. Pourtant, nous n’avons pas fait évoluer l’assurance-maladie pour répondre à la nécessité de garantir aux Canadiens les médicaments dont ils ont besoin.

L’accès à des médicaments efficaces n’est pas un luxe. Chers collègues, soyons clairs : nous devrions considérer qu’il s’agit d’un droit fondamental.

(1520)

Au Canada, au cours des dernières décennies, un système disparate s’est développé à travers des centaines de milliers de régimes publics et privés d’assurance. Les compagnies d’assurances, l’industrie et d’autres vous diront que 97 % des Canadiens sont couverts par des régimes d’assurance. Je vous invite, chers collègues, à considérer ces chiffres avec beaucoup de scepticisme.

En réalité, un Canadien sur cinq n’est pas assuré. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. Bien que certains aient une assurance, les quotes-parts que ces gens doivent payer limitent leur accès. Il se peut aussi que la couverture dont ils bénéficient soit insuffisante pour une année entière d’ordonnances; ou encore, comme nous l’avons entendu dans le cas des contraceptifs, la couverture des médicaments est influencée par un parent ou un autre membre de la famille. Cela conduit au refus de suivre les traitements prescrits à cause du coût élevé des médicaments ou, autrement dit, à l’incapacité de prendre les médicaments dont on a besoin parce qu’on n’a pas les moyens de le faire.

Aucun Canadien ne devrait se trouver face à un tel dilemme. Aucun Canadien ne devrait avoir à choisir entre acheter un médicament pour sa maladie cardiaque et nourrir sa famille. Le fait que des millions de Canadiens soient placés devant ce dilemme nous indique que notre vaste système disparate de régimes publics et privés ne répond pas à nos attentes.

Non seulement cet ensemble disparate ne permet pas à de nombreux Canadiens d’avoir accès à des médicaments, mais il offre aussi un accès inadéquat à ceux qui ont une certaine forme d’assurance. Par exemple, une personne qui occupe un poste de direction aura une meilleure couverture qu’une personne qui travaille dans une usine parce que, dans le contexte actuel, la couverture des médicaments sur ordonnance est parfois traitée comme un avantage pour l’employé, plutôt que comme un moyen d’accéder à des médicaments essentiels.

Franchement, chers collègues, le système que nous avons aujourd’hui ne répond pas aux besoins des Canadiens. Tous les Canadiens devraient avoir accès aux médicaments dont ils ont besoin.

Non seulement ce système disparate ne permet pas à certains d’avoir accès à des médicaments tout en offrant un accès inégal à d’autres, mais il fait aussi en sorte que le Canada dépense beaucoup plus qu’il ne le devrait pour se procurer des médicaments.

Chers collègues, vous serez peut-être surpris d’apprendre que nous dépensons plus pour les médicaments que des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. En fait, selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les médicaments se classent au deuxième rang des éléments les plus coûteux de notre système de santé, après les hôpitaux. En 2023, près de 14 % des dépenses en santé au Canada ont été consacrées aux médicaments. Les régimes publics d’assurance-médicaments ont dépensé un total de 17,2 milliards de dollars en 2022.

Pourquoi? Cela s’explique principalement par le fait que les systèmes mixtes publics-privés comme ceux que nous voyons aux États-Unis, en Allemagne et en Suisse coûtent plus cher.

Une autre raison est que les compagnies d’assurance négocient des remboursements confidentiels avec les fabricants pour récupérer des fonds lorsque les médicaments sont chers, ce qui les dissuade de négocier des prix plus bas. Quelle que soit la raison, il est clair que nous dépensons trop pour les médicaments auxquels nous avons accès, alors que de nombreux Canadiens continuent d’avoir un accès limité ou inégal aux médicaments dont ils ont besoin.

Chers collègues, la réalité telle que je l’ai décrite est le statu quo depuis de nombreuses années au Canada. Comment pouvons-nous alors surmonter ces difficultés et bâtir un système où chaque Canadien peut avoir accès aux médicaments dont il a besoin?

Je vous renvoie à la première recommandation du rapport Hoskins, qui dit :

Le Conseil recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d’établir au Canada un système public universel à payeur unique pour la couverture des médicaments d’ordonnance.

Le Conseil propose que soient appliqués au régime national d’assurance-médicaments les cinq principes fondamentaux du régime d’assurance-maladie énoncés dans la Loi canadienne sur la santé :

Universel : tous les résidents du Canada devraient avoir un accès égal à un régime national d’assurance-médicaments;

Intégral : le régime d’assurance-médicaments doit offrir une vaste gamme de traitements sûrs, efficaces et fondés sur des données probantes;

Accessible : l’accès aux médicaments d’ordonnance devrait être fondé sur les besoins médicaux, et non sur la capacité de payer;

Transférable : les prestations d’assurance-médicaments doivent être transférables d’une province et d’un territoire à l’autre lorsque les gens voyagent ou déménagent;

Public : un régime national d’assurance-médicaments doit être financé et administré par l’État.

Honorables sénateurs, avec le projet de loi C-64, le Canada fait un pas vers ce que le rapport Hoskins a proposé. Néanmoins, je tiens à préciser que nous ne devrions pas nous engager sur la voie qui consiste à renforcer le modèle fragmentaire, comme certains l’ont proposé. Cela ne ferait qu’entraîner un accès moins facile et plus inégal pour les Canadiens, à des coûts plus élevés. En fait, si les systèmes publics interviennent pour combler les lacunes et payer les médicaments les plus chers, cela revient à demander au public d’assumer une plus grande charge financière alors que les compagnies d’assurance privées continuent d’engranger des bénéfices. Pourquoi les Canadiens devraient-ils accepter cette approche?

Je voudrais m’inspirer de l’exemple du Royaume-Uni. Là-bas, les prescriptions en dehors des hôpitaux sont assorties d’une quote-part d’environ 3 $ US, tandis que les prescriptions à l’hôpital sont entièrement gratuites. Il existe également des mécanismes qui permettent de limiter les coûts pour les personnes qui ont des prescriptions très lourdes, et beaucoup d’entre elles n’ont rien à payer, comme les enfants, les aînés et les personnes handicapées.

C’est un excellent exemple de système universel, à payeur unique et administré par l’État, qui offre un rapport qualité-prix global nettement supérieur. En effet, en 2021, le système britannique a dépensé 517 $ US par habitant, contre 865 $ US pour le système canadien. Cet exemple montre qu’un régime national d’assurance‑médicaments intégré à notre système de santé peut permettre l’accès aux médicaments tout en réduisant les coûts globaux.

Chers collègues, nous en arrivons au projet de loi C-64. Dans un certain sens, c’est un projet de loi peu convaincant qui nous laisse avec des questions.

Je dirais que le projet de loi C-64 fait en réalité plusieurs choses. Premièrement, il fournit les lignes directrices pour mettre en place un régime national d’assurance-médicaments. Elles comprennent, par exemple, des conditions importantes comme la collaboration avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, et la prise en compte de principes tels que l’accessibilité, le caractère abordable et l’utilisation appropriée. Le projet de loi donne également au ministre le pouvoir de conclure des accords en ce qui concerne « des produits connexes destinés à la contraception ou au traitement du diabète », ainsi que la responsabilité de consulter l’Agence canadienne des médicaments.

Ce projet de loi donne au ministre de nombreuses responsabilités, mais il faut souligner que le ministre n’a pas à attendre le mandat que lui confère le projet de loi C-64 pour entamer des discussions avec les principales parties concernées.

Deuxièmement, le projet de loi C-64 énonce certains principes clés pour l’assurance-médicaments, à savoir qu’il doit s’agir d’un programme offrant une couverture universelle au premier dollar à payeur unique.

Enfin, le projet de loi C-64 fait des contraceptifs et des médicaments destinés au traitement du diabète les premiers éléments d’une liste qui devrait s’allonger et qui constituent le projet pilote de l’assurance-médicaments.

Chers collègues, c’est prometteur, à certains égards, mais j’ai beaucoup de réserves concernant la question de savoir si ce projet de loi ouvre réellement la voie à un régime d’assurance‑médicaments universel.

Ma première réserve est liée à la grande ambiguïté présente dans le projet de loi. On ne sait pas vraiment, de prime abord, si le projet de loi C-64 conduira à un véritable système à payeur unique administré par l’État ou s’il se contentera de combler les lacunes de sorte que « l’accès universel » deviendra un terme générique englobant le régime public et les régimes privés.

En mars, le directeur parlementaire du budget a déclaré ce qui suit dans son examen du projet de loi :

Le nouveau programme couvrira 100 % des dépenses liées aux médicaments pour le diabète et la contraception pour les personnes qui n’ont pas de régime d’assurance médicaments public ou privé ou qui ne font pas exécuter leurs ordonnances pour des questions de coût. On présume que ce dernier groupe représente 14 % du total des ordonnances. Le programme couvrira aussi la partie des frais payée par la personne, dans le cas de ceux qui ont un régime d’assurance médicaments public ou privé.

Est-ce le cas? L’objectif est-il de combler les lacunes ou d’offrir une couverture universelle à tous, qu’ils disposent ou non d’un régime privé?

La séance d’information technique organisée la semaine dernière avec des fonctionnaires a soulevé encore plus de questions pour moi. On ne sait pas exactement si le gouvernement a l’intention de procéder à une refonte en profondeur ou de simplement élargir ce que font déjà les provinces. À la suite de la séance d’information technique, je me demande si le gouvernement est réellement déterminé à suivre une voie précise ou s’il veut laisser la porte ouverte à changer d’orientation et à appliquer des principes différents au fil du temps. Ce manque de clarté est très préoccupant à mon avis. J’ai très hâte de poser des questions au ministre et à ses hauts fonctionnaires lors de leur témoignage devant le comité.

(1530)

En raison de cette ambiguïté, je m’interroge sur l’engagement du gouvernement à confier la gestion du régime d’assurance‑médicaments à l’administration publique. Chers collègues, je ne saurais trop insister sur le fait qu’il est essentiel que le régime d’assurance-médicaments soit administré par nos services publics, car c’est la clé pour garantir l’accès universel aux médicaments pour tous les Canadiens.

Contrairement aux régimes publics, les assureurs privés n’ont pas d’incitatifs qui les motivent à abaisser les coûts, à réduire au minimum les frais administratifs ou à inciter les fabricants à optimiser le rapport coût-efficacité des médicaments.

Soyons clairs, je ne cherche pas à diaboliser les assureurs privés, loin de là. Je considère qu’il est important de souligner que, en tant qu’entreprises, leurs intérêts sont nettement différents de l’intérêt du public.

Cela dit, je recommande fortement à tous mes honorables collègues de veiller à ce que le régime d’assurance-médicaments relève de l’administration publique et à ce que cela ne change pas.

Honorables collègues, je suis en faveur d’un régime d’assurance‑médicaments universel et des intentions du projet de loi C-64. Je crois que ce projet de loi devrait être adopté. Toutefois, nous avons un travail important à faire pour nous assurer que celui-ci soit le plus clair et le plus solide possible pour faire du régime universel d’assurance-médicaments une réalité.

J’ai hâte que ce projet de loi soit renvoyé au Comité des affaires sociales et j’invite les sénateurs que ce projet de loi intéresse et qui ne sont pas membres du comité à se joindre à nous afin que nous puissions le renforcer pour le bien de tous les Canadiens. Merci, meegwetch.

L’honorable Fabian Manning : La sénatrice Moodie accepterait-elle de répondre à une question?

J’aimerais remercier les sénatrices Osler et Moodie pour leurs discours. Je ne prétendrai pas un instant avoir autant d’expérience que vous en matière de soins de santé, mais la prestation des soins et les annonces de régimes et de programmes sont toujours une source de préoccupation. Je vais aussi parler du régime de soins dentaires un instant. Au cours du dernier mois, j’ai reçu à mon bureau une demi-douzaine d’appels d’aînés. Certains ne peuvent pas bénéficier du régime même s’ils n’ont pas d’assurance et d’autres ont une assurance, mais il y a des choses que celle-ci ne couvre pas, et maintenant il est question d’un régime d’assurance‑médicaments.

J’aimerais savoir si vous pensez que le projet de loi C-64 permettra aux Canadiens vulnérables — des aînés dans bien des cas — de bénéficier du régime d’assurance-médicaments, car les choses semblent parfois merveilleuses à première vue, mais ce qui se produit dans les faits me préoccupe. J’aimerais simplement savoir ce que vous en pensez. Merci.

La sénatrice Moodie : Je vous remercie, sénateur Manning. Le projet de loi C-64 présente beaucoup de potentiel, selon moi. Je crois qu’il pourrait produire le résultat précis dont vous parlez. Nous devons toutefois veiller à ce que le libellé du projet de loi dise très clairement qu’il n’y aura pas d’exceptions et que l’approche sera uniforme, du moins en principe, dans toutes les provinces.

Comme les provinces vont négocier la façon de fournir les soins de santé, la prestation de ces soins pourrait prendre un aspect différent, mais je pense que, si nous faisons clairement...

Son Honneur la Présidente : Je vous remercie. Le temps réservé au débat est écoulé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social
La Loi sur l’assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Dalphond, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-244, Loi modifiant la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Loi sur l’assurance-emploi (Conseil de l’assurance-emploi), tel que modifié.

L’honorable Hassan Yussuff : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-244, qui porte sur la création du conseil de l’assurance-emploi.

Chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue la sénatrice Bellemare pour le travail qu’elle a accompli au nom des employeurs et des travailleurs en présentant ce projet de loi. Toutefois, comme elle l’a dit dans son discours en troisième lecture : « Ce n’est pas mon projet de loi. Il a été élaboré avec les employeurs et les organisations syndicales. »

Bref, honorables sénateurs, ce projet de loi est un consensus entre les employeurs et les groupes d’employés, qui sont les deux seules parties qui financent le régime d’assurance-emploi dans ce pays. Le projet de loi S-244 n’est pas une idée publique grandiose pondue par une sénatrice pour faire du bien aux travailleurs et aux entreprises. C’est tout le contraire : il s’agit d’une politique sensée qu’on a élaborée pendant cinq ans, en partant de la base, par les parties prenantes mêmes que ce projet de loi concerne : les travailleurs et les employeurs. L’approche ascendante, et non descendante, adoptée pendant l’élaboration de ce projet de loi est emblématique de ce que celui-ci espère accomplir.

Chers collègues, ce projet de loi crée simplement un groupe consultatif pour donner aux travailleurs et aux employeurs, qui financent le régime d’assurance-emploi, l’occasion de discuter de leurs problèmes communs sur le marché du travail et de proposer des solutions consensuelles dont le gouvernement pourra tenir compte dans l’élaboration de politiques visant à aider les travailleurs et les employeurs.

J’adhère fermement aux principes du dialogue social et du tripartisme. C’est pourquoi j’appuie pleinement le projet de loi de la sénatrice Bellemare. J’aimerais prendre quelques minutes pour préciser mes raisons.

Chers sénateurs, pour commencer, voici quelques questions que je vous invite à prendre en considération pour décider du bien-fondé du projet de loi. Croyez-vous que la promotion du dialogue entre des groupes ayant des opinions différentes aide à résoudre les problèmes? Est-ce que le fait d’offrir la possibilité de développer des relations qui favorisent la confiance et la compréhension mutuelle entre les partenaires du marché du travail est bon ou mauvais pour les politiques publiques? Enfin, les solutions ascendantes ont-elles plus de chances de réussir que les approches descendantes?

Je pense que si vous abordez le projet de loi à la lumière de ces questions, vous verrez le bien-fondé de ce qu’il propose, à savoir la création d’un conseil consultatif tripartite chargé de promouvoir le dialogue social afin de trouver un terrain d’entente sur la manière de traiter les questions de plus en plus complexes auxquelles nous devons faire face sur le marché de l’emploi et dans l’économie.

(1540)

J’ai moi-même participé au dialogue social, représenté des travailleurs et collaboré à des efforts tripartites pendant des décennies, et je peux donc témoigner des avantages de ce genre de collaboration, non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les employeurs et les gouvernements.

Honorables sénateurs, la réalité, c’est que l’économie continue d’évoluer selon une dynamique que nous ne comprenons pas tout à fait dans une large mesure. Nous voyons aussi des mesures de transition sur le marché du travail qui sont plus importantes dans certaines régions du pays que dans d’autres, et des travailleurs qui tentent de déterminer où ils pourront travailler et dans quelle mesure ils possèdent les compétences requises.

Afin de répondre à certains de ces problèmes, le gouvernement fédéral transfère des sommes considérables aux provinces en vertu des dispositions en matière de financement qui se trouvent à la partie II de la Loi sur l’assurance-emploi. Les employeurs et les travailleurs qui financent ces mesures d’aide savent que des transferts sont prévus, mais le gouvernement fédéral n’a pas discuté avec eux des objectifs de ce financement, et encore moins des programmes qui sont élaborés pour les atteindre.

Je pense que le projet de loi de la sénatrice Bellemare nous oblige à nous poser cette question fondamentale : les travailleurs et les employeurs, qui financent les programmes gouvernementaux conçus pour les aider, ne devraient-ils pas avoir leur mot à dire au sujet des objectifs et de la conception de ces programmes? Tous les groupes de travailleurs et d’employeurs avec lesquels j’ai discuté sont d’avis qu’ils devraient avoir leur mot à dire, et le conseil consultatif que le projet de loi propose de créer est la meilleure solution pour leur donner voix au chapitre.

Je tiens à rappeler à mes collègues que ce projet de loi demande quelque chose que nous avions auparavant : une conversation au niveau national. Il ne demande rien de nouveau. D’ailleurs, les gens se parlent sans le gouvernement.

Pas plus tard qu’en mars dernier, la sénatrice Bellemare, le sénateur Cardozo et moi avons organisé une table ronde sur les compétences avec des représentants des principaux groupes d’employés et d’employeurs. On pourrait penser que le gouvernement voudrait être présent dans la salle pour participer à la discussion avec ces parties prenantes. Tous les grands groupes d’employeurs et d’employés du pays étaient présents. Ils ont tous exprimé leur appui au projet de loi et leur souhait qu’il soit adopté.

Je crois que le modèle québécois de dialogue social a été mentionné dans le débat et dans l’étude du projet de loi au comité. Je pense que c’est un modèle dont nous pouvons beaucoup apprendre. Je dis cela parce qu’il a survécu aux changements de gouvernement, car les partenaires sociaux du Québec ont insisté pour qu’il en soit ainsi. Ils voulaient maintenir la communication dans l’intérêt des travailleurs, des entreprises et de la province.

Les gouvernements fédéraux vont et viennent, mais la table où se déroulent les discussions disparaît à chaque changement de gouvernement. Je ne pense pas que ce soit une bonne chose.

D’autres gouvernements européens nous ont montré que le système tripartite basé sur le dialogue social est le fondement d’une économie prospère. Je trouve quelque peu paradoxal que, au moment où je prononce ce discours pour encourager le gouvernement à institutionnaliser le dialogue social au sujet du régime d’assurance-emploi au moyen d’un projet de loi d’intérêt public, je sois en même temps le parrain d’un projet de loi gouvernemental, le projet de loi C-50, Loi canadienne sur les emplois durables. Après tout, l’objectif principal de cette mesure législative du gouvernement est l’institutionnalisation d’un conseil du partenariat pour des emplois, qui compte plus de trois parties et qui est chargé de conseiller le gouvernement selon le principe déclaré d’encourager le dialogue social.

Dans le cas du projet de loi C-50, le gouvernement estime que le dialogue social est indispensable si nous voulons que la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soit une réussite pour les travailleurs, les entreprises et les collectivités. Je dirais qu’il en va de même pour le projet de loi S-244, dans la mesure où le dialogue social est essentiel pour que les travailleurs et les entreprises réussissent dans l’économie future.

En conclusion, chers collègues, je tiens à remercier à nouveau la sénatrice Bellemare pour le travail qu’elle a accompli à l’égard du projet de loi et pour ses efforts visant à promouvoir le dialogue social au sujet du régime d’assurance-emploi afin de le rendre plus équitable, plus efficace et plus responsable devant ses parties prenantes, les travailleurs et les employeurs.

De l’intelligence artificielle aux changements climatiques, le monde du travail subit des transformations au Canada et dans le monde entier. Nous aurons besoin des efforts collectifs et coopératifs de tous les partenaires tripartites pour nous assurer d’avoir les bonnes politiques qui sont efficaces, justes et équitables pour tous. Un dialogue social soutenu sera essentiel pour y parvenir, car il fournira aux travailleurs et aux employeurs un processus formel, par l’intermédiaire d’un conseil consultatif, qui leur permettra d’apporter une contribution significative aux décisions du gouvernement.

Comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, je crois fermement que seules les solutions qui sont largement répandues et soutenues par un dialogue social fructueux seront véritablement efficaces et équitables pour tous. C’est ainsi parce que le dialogue social aide à tisser des liens, ce qui, en plus de favoriser la confiance, accroît aussi le sentiment d’adhésion et de responsabilité chez toutes les parties prenantes qui participent à l’élaboration de politiques qui les concernent directement.

Chers collègues, fort de plus de 25 ans d’expérience dans la représentation des travailleurs, je pense que le système d’assurance‑emploi sera renforcé, et non affaibli, par le projet de loi S-244. Il vise à instaurer la confiance et la reddition de comptes afin de trouver des solutions pratiques et réalistes pour toutes les parties. Honorables sénateurs, les représentants des travailleurs et des employeurs, du Congrès du travail du Canada à la Chambre de commerce du Canada, ont été on ne peut plus clairs : ils veulent que ce projet de loi soit adopté.

Lorsque des parties souvent en désaccord parviennent à un accord complet, les parlementaires et le gouvernement devraient non seulement s’en réjouir, mais aussi faire tout ce qui est en leur pouvoir pour le soutenir. C’est pour cette raison, chers collègues, que je vous demande d’appuyer l’adoption du projet de loi. Merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Troisième lecture—Débat

L’honorable Jim Quinn propose que le projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

Avant toute chose, je tiens à remercier les nombreux témoins ainsi que mes collègues du Comité des transports et des communications. Leur contribution et leurs questions ont mené aux amendements que j’ai proposés et dont le président du comité a fait rapport la semaine dernière. Je crois que ces amendements tiennent compte des commentaires reçus et viennent renforcer le projet de loi.

Cela dit, avant de commencer à discuter des aspects passionnants de la Constitution ou de commenter la déclaration faite par le sénateur Cotter en deuxième lecture, selon laquelle l’expression anglaise « Chignecto Isthmus » est extrêmement difficile à prononcer — j’ajouterais qu’elle est aussi difficile à écrire correctement —, je vais vous parler de ce qu’est vraiment ce projet de loi et de ce qu’il n’est pas.

Ce projet de loi ne concerne pas directement l’argent; après tout, la Constitution limite notre capacité de présenter des mesures financières en tant que sénateurs. En fait, il porte plutôt sur l’équité et la compréhension. Il s’agit de représenter un enjeu régional qui, autrement, ne se rendrait peut-être pas jusqu’au système parlementaire du pays. Il s’agit de faire notre travail, puisque chacun de nous représente une région du Canada. La grande majorité d’entre nous le fait d’ailleurs à titre de sénateur indépendant, une réalité qui pourrait surprendre les Pères de la Confédération alors que notre institution poursuit sa modernisation.

Voilà des concepts simples que je n’arrive pas à croire que j’ai le privilège de souligner pour vous, car ils sont d’une importance fondamentale.

Chers collègues, pour être franc avec vous, c’est avec humilité que je me présente devant vous au Sénat du Canada. Il est vrai que sans un coup du sort dû à un accident survenu alors que je servais à bord d’un navire de la Garde côtière canadienne à l’âge de 21 ans, je ne serais peut-être pas ici — veuillez retenir vos applaudissements. Cet accident a tout changé pour moi. Je me suis retrouvé à la croisée des chemins, sauf que dans ce cas-ci, un panneau indiquait une direction que je savais que je suivrais un jour, m’éloignant ainsi de mon objectif de vie, qui était de devenir pilote de port à Saint John, ma ville natale au Nouveau-Brunswick, tout comme mon père, mon oncle et les générations qui m’ont précédé. Ce que je prévoyais faire de ma vie — probablement comme la plupart de mes honorables collègues avec lesquels j’ai le plaisir de servir au Sénat aujourd’hui — ne m’aurait jamais permis de croire que je me retrouverais ici un jour.

J’ai grandi dans un quartier pauvre de Saint John, aux abords du port. Je sais ce que signifie le fait de venir non seulement d’une région qui offre peu de débouchés, mais aussi d’une famille qui aurait dû me procurer peu de débouchés dans la vie. Mes frères et sœurs et moi avons eu la chance d’avoir des parents qui nous ont orientés vers le travail, la décence, la compassion et, surtout, l’éducation. Notre mère tenait d’une main ferme le timon de nos vies, veillant du mieux qu’elle pouvait à ce que nous évitions les ennuis. Croyez-moi, dans mon cas, quand je regarde en arrière, je constate que ma mère devait tenir le timon de ma vie à deux mains plutôt qu’une.

(1550)

Nous avons tous travaillé fort parce que nous savions que nous voulions donner le meilleur de nous-mêmes. Nous savions qu’il fallait des ressources pour réaliser notre rêve de poursuivre des études supérieures, de fréquenter l’Université du Nouveau-Brunswick, l’Université St. Francis Xavier, l’Université Dalhousie ou l’école de sciences infirmières. J’ai cinq sœurs et un frère — trois sont médecins et trois œuvrent dans le domaine des soins infirmiers —, puis il y a moi.

J’ai commencé mes études postsecondaires dans le volet prémédical de l’Université Dalhousie et, même si j’ai terminé ces études, je savais que j’étais destiné à sillonner la mer. Je ne parle pas de mes anciennes fonctions de PDG de Port Saint John. Ce que je veux dire par là, c’est tout simplement que j’étais destiné à être marin, à piloter des navires de Saint John vers d’autres ports d’escale dans le Canada atlantique, dans l’hémisphère occidental et dans le monde entier.

Bien que cette histoire ne soit pas unique parmi les familles de notre grand pays, je vous la raconte parce qu’elle symbolise — pour moi — le fait que nous, les habitants des Maritimes, devons travailler plus fort que la moyenne pour être vus et entendus.

L’emplacement stratégique de l’isthme de Chignecto est bien connu des marins. En fait, l’un des premiers débats tenus à la Chambre, en 1867, portait sur la création d’un canal entre la baie de Fundy et le détroit de Northumberland dans le but de réduire les délais d’expédition. Comme l’a dit le sénateur Frank Black du Nouveau-Brunswick en 1929, le projet du canal de Chignecto était le plus ancien projet de canal en Amérique du Nord. La première route jamais construite en Amérique du Nord se trouvait dans cette région. Déjà en 1686, un canal traversant l’isthme de Chignecto avait été recommandé par le gouvernement français.

En 1868, le gouvernement du Canada s’est informé au sujet de la construction d’un canal le long de l’isthme et a recommandé que le canal soit d’une importance vitale pour le développement du commerce intercolonial au pays. En 1870, la commission fédérale a déclaré que la construction du canal de la baie Verte est intimement liée à la croissance du commerce intercolonial.

Aujourd’hui, on l’appelle le canal de Chignecto.

La commission fédérale a poursuivi ainsi :

Les chambres de commerce de toutes les grandes villes du Canada ont clairement souligné les avantages qui doivent en découler, non seulement pour le Dominion dans son ensemble, mais aussi pour le commerce des provinces maritimes. Un tel canal réduirait de 500 milles la route de navigation entre Montréal et Saint John. De toute évidence, il s’agit d’une question d’importance nationale.

On pense souvent que le chemin de fer Intercolonial est au cœur de l’adhésion des provinces maritimes à la Confédération. C’est ce même chemin de fer qui traverse l’isthme de Chignecto, aujourd’hui protégé par une série de digues et d’aboiteaux construits par les Acadiens dans les années 1600 pour contrôler les marées les plus hautes du monde, créer des terres agricoles et protéger les gens et les collectivités.

Cependant, lors des débats sur la Confédération à la Conférence de Québec en 1864, les délégués du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont insisté sur l’importance de la construction de ce canal comme condition à leur adhésion à la Confédération. Malheureusement, sénateurs, en raison de la dépression financière et de l’influence décroissante des Maritimes, ce canal n’a pas été construit même si le Parlement avait adopté, grâce au pouvoir déclaratoire, un projet de création d’un chemin de fer maritime à Chignecto pour transporter les navires à travers l’isthme. Malheureusement, ce projet n’a lui non plus jamais vu le jour.

Chers collègues, ayant été marin dans ma jeunesse, je peux confirmer que l’isthme de Chignecto est d’importance nationale et que, si un canal avait été construit, il aurait transformé l’économie des Maritimes. Au lieu de cela, nous avons le chemin de fer Intercolonial — la ligne principale du CN dans sa forme actuelle — ainsi que la Transcanadienne, qui relie le Canada à la Nouvelle-Écosse et au port d’Halifax en passant par le Nouveau-Brunswick.

Honorables sénateurs, un accident m’a dévié de ma voie, comme je l’ai mentionné plus tôt, et, pour paraphraser Stan Rogers, je me suis retrouvé dans une situation où je ne pouvais plus prendre la mer. J’ai dû m’en tenir à du travail de bureau. Je me suis joint au quartier général de la Garde côtière canadienne, à Ottawa. C’est à cette époque que je me suis posé une question qui ne surprendra aucun de mes collègues du Canada atlantique : « Est-ce qu’Ottawa comprend vraiment la réalité de l’Est du Canada? »

Relégué à du travail de bureau, j’étais hanté par cette question fondamentale. J’y ai trouvé la motivation nécessaire pour gravir les échelons de la fonction publique en n’oubliant jamais mes racines et en aidant mes collègues d’Ottawa à comprendre la réalité des Maritimes. De plus, je voulais faire tout mon possible pour veiller à ce que les décisions soient prises de façon juste et équitable pour cette région.

Chers collègues, pourquoi est-ce si difficile d’appliquer des principes simples comme l’équité et la compréhension à l’égard des habitants des Maritimes et de Terre-Neuve, au point où ceux-ci doivent hausser le ton pour se faire entendre? Il semble que, à presque toutes les occasions, le gouvernement fédéral ferme les yeux sur les difficultés de la côte Est ou impose des montagnes à escalader aux populations des Maritimes avant qu’elles puissent peut-être se faire entendre et soutenir.

Je pars de la prémisse que l’influence des Maritimes a diminué depuis la Confédération en raison du facteur de motivation le plus important pour un gouvernement : le nombre de sièges à la Chambre des communes. Un plus grand nombre de sièges fait en sorte que l’on peut faire comprendre les préoccupations d’une région plus facilement, ce qui suscite la compréhension implicite de l’équité pour la région.

Sénateurs, les Maritimes sont la seule région du Canada à avoir perdu beaucoup de sièges depuis la Confédération. En 1867, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick comptaient respectivement 19 et 15 sièges. En 1872, ces chiffres sont passés à 21 et à 16 sièges, avant de diminuer à 11 et 10 sièges aujourd’hui.

L’Île-du-Prince-Édouard, en revanche, a d’abord refusé d’adhérer à la Confédération, notamment parce qu’elle craignait que son influence ne soit affectée par les grandes provinces. Les conditions de l’union de 1873 entre le Dominion du Canada et l’Île-du-Prince-Édouard comprenaient la promesse de deux députés pour les trois comtés de la province, ce qui veut dire, sénateurs, qu’en 1873, l’Île‑du-Prince-Édouard comptait six députés. Toutefois, en 1913, l’île ne comptait plus que trois députés.

Encore une fois, je souligne que les Maritimes sont passées de 43 sièges en 1843 à 25 sièges de nos jours.

Cette inégalité a donné lieu à une modification de la Constitution, connue sous le nom de règle du « seuil sénatorial », selon laquelle aucune province ne peut avoir moins de députés que de sénateurs, ce qui explique pourquoi l’Île-du-Prince-Édouard a 4 députés et le Nouveau-Brunswick n’en a que 10 aujourd’hui.

Chers collègues, rappelez-vous des mots « équité » et « compréhension ». À l’époque où l’on a proposé d’instaurer la règle du seuil sénatorial, le premier ministre, sir Robert Borden, et le chef de l’opposition, sir Wilfrid Laurier, l’ont tous deux qualifiée de « compromis équitable ». Toutefois, l’histoire n’est pas si simple que cela. Mes collègues de l’Île-du-Prince-Édouard étaient d’avis que la province avait droit à six sièges. Le sénateur Benjamin Prowse, de l’Île-du-Prince-Édouard, a exprimé sa frustration quant à la diminution de l’influence de la province dans le cadre du débat relatif à la disposition de seuil sénatorial.

Il a déclaré :

Je parle au nom du gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard et du peuple que je représente lorsque je dis que nous n’acceptons pas et n’accepterons pas ce règlement de notre revendication en ce qui concerne la représentation de l’Île‑du‑Prince-Édouard. Nos prédécesseurs, les Pères de la Confédération, se sont battus pendant six longues années pour que nous ayons six représentants, jusqu’à ce que le Dominion du Canada vienne sur la petite île avec le drapeau blanc et concède ces six membres. Aujourd’hui, le gouvernement a reconnu nos revendications en nous accordant quatre sièges, alors que nous n’en avons droit qu’à trois. Nous ne venons pas ici comme des serfs de la petite province sous prétexte de pauvreté ou d’être une petite province. Nous venons ici d’homme à homme, égaux à toute autre partie du Dominion du Canada, revendiquant nos justes droits. Nous ne demandons pas de faveurs; nous ne voulons pas de faveurs, mais nous exigeons les droits qui nous ont été concédés au moment de la Confédération.

Chers sénateurs, les sièges actuels dans les Maritimes représentent un « compromis équitable ». Cependant, il existe une deuxième clause relative à l’attribution des sièges à la Chambre des communes qui est résolument injuste. À l’origine, la clause de droits acquis stipulait qu’aucune province ne pouvait avoir moins de sièges qu’elle n’en avait en 1986. On a ensuite modifié cette clause afin que chaque province n’ait pas moins de sièges qu’en 2019. Par conséquent, les autres provinces ne peuvent plus perdre de sièges, ce qui signifie qu’elles ne se retrouveront pas dans la même situation que les Maritimes, c’est-à-dire avec moins d’influence, et qu’elles auront tout simplement une voix plus forte.

Le « compromis raisonnable » aurait-il été vraiment raisonnable si les gens des Maritimes avaient su que, dans l’avenir, d’autres régions ne verraient pas le nombre de leurs sièges être réduit?

Sénateurs, je soulève la question de la démographie électorale pour indiquer que les Maritimes doivent continuellement et bruyamment revendiquer des choses qui sont considérées comme allant de soi dans d’autres provinces. Comme je l’ai dit, en tant qu’individus et en tant que région, nous devons toujours redoubler d’efforts pour nous faire entendre.

Je soulignerai le grand soutien dont bénéficie ce projet de loi dans le Canada atlantique, ce qui souligne également l’importance de l’adoption de ce projet de loi d’intérêt public du Sénat, afin qu’il puisse être transmis à la Chambre élue pour qu’elle l’examine.

J’en arrive donc à parler de ce qui est au cœur du projet de loi S-273. Ce sont les sénatrices Clement et Dasko qui ont le mieux expliqué la situation au comité en disant que ce projet de loi et l’avis de la cour connexe découlent de l’échec des négociations entre le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et le gouvernement du Canada. Ce projet de loi fait plusieurs choses. En plus de faire appel au pouvoir déclaratoire, il offre un moyen politique pour indiquer aux députés de la Chambre des communes et au gouvernement qu’il faut mettre fin au statu quo, ce qui pourrait contribuer à relancer les négociations.

Honorables collègues, ce qu’on a retenu de nos délibérations en comité et de ce qui a été révélé publiquement, c’est que le premier ministre de ma province, le Nouveau-Brunswick, insiste pour que le projet soit entièrement payé par le gouvernement fédéral. Le projet de loi à l’étude aujourd’hui, qui propose de faire appel au pouvoir déclaratoire, n’oblige pas le gouvernement fédéral à assumer tous les coûts. Il ne l’oblige pas à faire quoi que ce soit contre son gré. Aujourd’hui, il est question d’une entente de financement à parts égales, ce qui constitue la limite approuvée par le Conseil du Trésor pour le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes.

(1600)

Je parle de déterminer la façon dont nous pourrions relancer les négociations de façon équitable, comme nous l’avons observé dans la récente annonce d’un financement de 1 milliard de dollars pour le pont de Québec, qui relève actuellement de la compétence fédérale en vertu du pouvoir déclaratoire. Cela nous rappelle que le Canada s’engage à couvrir 60 % des coûts — et non 50 % —, le CN fournissant 15 %; et le Québec, les 25 % restants. Je pense qu’il est possible de poursuivre les négociations. Que le gouvernement fédéral demande aux utilisateurs du secteur privé du pont de Québec de contribuer nous montre qu’il peut y avoir des moyens créatifs de limiter les dépenses des deux ordres de gouvernement, tout en s’assurant que les entités privées qui ont un intérêt direct dans l’utilisation d’un corridor de transport essentiel paient également. Ce n’est pas à moi de négocier : c’est au gouvernement fédéral de prendre cela en considération si le pouvoir déclaratoire est invoqué par le Parlement.

Le pouvoir déclaratoire place le réseau de digues de l’isthme de Chignecto sous la responsabilité du gouvernement fédéral, ce qui signifie qu’il est différent, du point de vue des programmes, d’autres infrastructures essentielles. Il ne serait pas différent du pont Gordie-Howe ou du pont Champlain. Je veux dire que le pouvoir déclaratoire nous montre que l’envergure du projet de 650 millions de dollars que constitue le réseau de digues de l’isthme de Chignecto ne correspond pas à la portée du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, où les projets de grande envergure commencent à 20 millions de dollars et où les projets comme celui de l’isthme ne peuvent être négociés, comme je l’ai dit, qu’à parts égales, parce que c’est l’autorité dont dispose le Conseil du Trésor dans le cadre de ce programme pour les projets tels que celui de l’isthme.

Une fois encore, comme en témoigne l’exemple de 1886 d’utilisation du pouvoir déclaratoire pour bâtir des digues à Montréal, l’utilisation du pouvoir déclaratoire n’oblige pas le gouvernement du Canada à financer un projet, mais c’est un point de départ utile pour entamer des négociations.

Chers collègues, je crois comprendre que certains se demandent peut-être si le pouvoir déclaratoire est l’outil approprié dans ce cas‑ci. C’est tout à fait le cas.

Je rejette l’idée que le réseau de digues puisse être considéré exclusivement comme un seul ouvrage continu qui s’étend au-delà d’une seule province. Les gens des Maritimes aiment s’entraider, et la collaboration entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse afin de construire une série intégrée de digues visant à protéger l’ensemble de la zone est un bel exemple de collaboration interprovinciale. Cependant, le Nouveau-Brunswick, par exemple, n’a aucune obligation légale de le faire. Il pourrait facilement réparer les digues du côté néo-brunswickois de la frontière interprovinciale sur la rivière Musquash — qui sépare la Nouvelle‑Écosse et le Nouveau-Brunswick, en travers de l’isthme —, ce qui entraînerait une inondation de la Nouvelle-Écosse. Les provinces collaborent parce qu’elles comprennent qu’il est important de ne pas avoir une vision qui se limite à la province et que ce projet est dans l’intérêt national étant donné la nature critique des infrastructures de transport et de communication et les principes essentiels de la protection des terres agricoles et des écosystèmes uniques. L’importance du patrimoine et de la zone culturelle pour nos citoyens mi’kmaqs et acadiens n’est pas moins grande.

En outre, le pouvoir déclaratoire s’applique au pont Gordie Howe, qui, puisqu’il est relié au Michigan, n’est pas entièrement situé dans la province de l’Ontario. Cela n’invalide pas son utilisation.

Oui, honorables sénateurs, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a été saisie d’un renvoi visant à répondre à cette question : l’infrastructure qui protège les liens interprovinciaux de transport, de commerce et de communication à travers l’isthme de Chignecto relève-t-elle de la compétence législative exclusive du Parlement du Canada? Il s’agit pour la cour d’établir la portée de l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867. Cependant, cela ne nous empêche pas, en tant que parlementaires, de prendre des mesures en invoquant le pouvoir déclaratoire prévu à l’alinéa 92(10)c).

Les tribunaux et les témoins reçus par le comité ont été clairs : il revient exclusivement au Parlement de déterminer si des travaux sont pour l’avantage général du Canada. J’ajouterais que, si le projet de loi à l’étude est adopté rapidement, les tribunaux n’auront plus à statuer au sujet de l’alinéa 92(10)a). C’est donc dire que le projet de loi S-273 répond parfaitement aux questions relatives à l’isthme de Chignecto sans présenter le risque de répercussions juridiques imprévues susceptibles de découler d’un renvoi. Il offre une solution négociée par le politique au lieu d’une décision imposée par le juridique.

Chers collègues, si vous n’êtes pas à l’aise avec l’utilisation du pouvoir déclaratoire en général, ou même dans ces circonstances particulières, je pense que ceci pourra vous rassurer : le projet de loi bénéficie d’un plus grand soutien sur la côte Est aujourd’hui que la Confédération à l’époque. Je ne dis pas cela à la légère.

Les gouvernements des quatre provinces, l’Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador, appuient le projet de loi parce qu’il est essentiel de protéger l’axe commercial pour l’approvisionnement vital et de garantir l’accès à des établissements de santé comme l’Hôpital pour enfants IWK et d’autres services médicaux spécialisés à Halifax. Les assemblées législatives de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont adopté des résolutions où tous les partis se sont dits favorables au projet de loi.

Les villes de l’isthme directement touchées par l’élévation du niveau de la mer entraînée par les changements climatiques, Tantramar et Amherst, appuient également le projet de loi. L’Union des municipalités du Nouveau-Brunswick appuie le projet de loi parce qu’elle s’inquiète — comme la sénatrice Robinson l’a indiqué au comité — que si le réseau des digues est payé par le Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, il ne reste plus d’argent pour les projets d’infrastructure dans le Canada atlantique, car la somme qui nous est allouée aura été dépensée.

La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse et la Société nationale de l’Acadie appuient également le projet de loi pour la raison suivante :

[...] il envoie un signal politique indiquant que la protection des sites culturels et patrimoniaux acadiens est dans l’intérêt national, alors que les sénateurs assument leur rôle constitutionnel de représentation des régions et de protection des droits linguistiques des minorités [...]

Le sénateur Cormier parlera de cet aspect plus en détail plus tard aujourd’hui.

Surtout, chers collègues, les Premières Nations appuient le projet de loi S-273. On me pose souvent la question suivante : quels sont les effets concrets du projet de loi S-273? Il utilise le pouvoir déclaratoire et permet également au gouvernement du Canada de conclure des contrats pour aider à construire, entretenir ou exploiter le réseau de digues.

Rebecca Knockwood, cheffe de la Première Nation de Fort Folly, a expliqué en comité les raisons pour lesquelles sa communauté appuie le projet de loi S-273 :

Compte tenu de l’importance de cette région pour les Mi’kmaqs, du fait que le processus de consultation et d’évaluation d’impact du gouvernement fédéral est plus approfondi et du fait que nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que la bataille juridictionnelle soit réglée, les chefs mi’kmaqs du Nouveau-Brunswick vous demandent d’appuyer le projet de loi présenté par le sénateur Quinn. Les terres devraient être de responsabilité fédérale jusqu’à ce que ce projet soit achevé.

Si le pouvoir déclaratoire est utilisé, le gouvernement fédéral prendrait l’initiative en ce qui concerne l’obligation de consulter les communautés et les dirigeants mi’kmaqs concernés. Le pouvoir déclaratoire est essentiel à l’engagement à l’égard de la réconciliation. La cheffe Knockwood a raison de dire que le gouvernement fédéral offrirait un processus de consultation plus complet. De plus, étant donné que les répercussions se feront sentir des deux côtés de la frontière interprovinciale, le gouvernement fédéral est le mieux placé pour assurer une coordination adéquate.

Des amendements ont été apportés en comité à la demande des organismes de la Nouvelle-Écosse qui représentent les Mi’kmaqs pour répondre à leurs préoccupations en veillant à ce qu’il y ait une disposition de non-dérogation qui respecte l’article 35 de la Constitution concernant les droits ancestraux ou issus de traités, et en utilisant un libellé limitatif pour réduire la portée des pouvoirs d’urgence pendant la construction et pour que les Mi’kmaqs puissent participer au processus de passation des marchés. Le sénateur Prosper proposera un amendement au préambule pour qu’il reflète mieux cet engagement à l’égard de la réconciliation.

Honorables sénateurs, le Canada atlantique parle d’une seule voix et vous demande à la fois d’être traité équitablement et de comprendre que l’isthme de Chignecto est à l’avantage général du Canada. Nous considérons souvent le Sénat comme un lieu de second examen objectif dans le cadre de notre rôle de Chambre de révision. Cependant, le rôle du Sénat qui consiste à représenter les intérêts régionaux, conformément à la Constitution, est encore plus important. Même s’il revient à la Chambre des communes de décider ultimement si elle est d’accord avec nous, notre structure unique nous permet de présenter des projets de loi d’intérêt public du Sénat et de soulever des questions que la Chambre des communes ne peut tout simplement entendre ou comprendre de prime abord. Les Maritimes ne comptent que 25 députés et, comme je l’ai dit, cela fait qu’il est plus difficile pour nous d’être compris.

Honorables sénateurs, ce qui est crucial, c’est que la compétence confère aussi la responsabilité morale d’agir. L’élévation du niveau de la mer en raison des changements climatiques est la menace la plus existentielle pour le Canada atlantique. Les mêmes océans qui contribuent à notre prospérité menacent maintenant de nous engloutir.

(1610)

Les Nations unies ont dit que l’isthme de Chignecto occupe le deuxième rang des zones menacées en Amérique du Nord en raison des changements climatiques, après la ville de La Nouvelle‑Orléans.

Le gouvernement du Canada a le devoir de préserver l’unité nationale. Les provinces maritimes ne sont pas des partenaires de second rang au sein de la Confédération et elles méritent d’être comprises et d’être traitées équitablement. La seule façon pour le Sénat d’envoyer un message clair à la Chambre des communes, c’est de voter en faveur du projet de loi S-273. Ainsi, l’autre endroit pourra procéder à ses débats et prendre la décision finale.

Merci infiniment, honorables sénateurs. Je compte sur votre appui.

Des voix : Bravo!

L’honorable Colin Deacon : Le sénateur Quinn accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Quinn : Oui.

Le sénateur C. Deacon : Je crois comprendre qu’au cours des 100 années qui ont précédé 1990, le niveau de la mer a augmenté d’environ 10 centimètres. Toutefois, depuis 1990, le rythme a été presque trois fois plus rapide, et le niveau a augmenté de 10 centimètres de plus. Autrement dit, les digues acadiennes vieilles de 400 ans sont touchées par des changements plus nombreux et plus rapide qu’avant. Avez-vous des données sur le sujet pour expliquer de manière plus convaincante que moi l’urgence de la situation?

Le sénateur Quinn : Le comité a entendu des témoignages où on décrivait exactement ce type de situation, et les chiffres sont, bien entendu, dans le compte rendu des délibérations. Toutefois, l’élévation du niveau de la mer augmente de plus en plus rapidement chaque année. Je peux le dire avec assez de certitude, car lorsque j’ai commencé à travailler au Port Saint John en 2010, les quais du côté ouest du port étaient secs. Lorsque j’ai quitté mon poste en 2021, ces quais étaient régulièrement recouverts d’eau. Cela est directement attribuable à l’élévation du niveau de la mer que j’ai personnellement observée en tant que PDG du Port Saint John.

Le sénateur C. Deacon : Cela me fait penser à une femme originaire de Saint John, Catherine McKinnon, qui a rendu une ballade néo-écossaise très célèbre dans les années 1960. Je ne peux m’empêcher de penser que si nous n’agissons pas, le reste du Canada dira peut-être Adieu à la Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Quinn : Je ne me risquerai certainement pas à chanter cette chanson ici, mais je peux dire qu’on m’a déjà posé cette question. Je suis ici en tant que sénateur du Sud du Nouveau‑Brunswick, de Saint John, plus précisément de la pointe sud de Saint John. Quand nous étions jeunes, le sénateur Cormier et moi jouions au hockey dans la rue à Saint John. C’est un beau souvenir que nous avons en commun.

La vérité c’est que, en tant qu’ancien PDG du Port de Saint John, si la Nouvelle-Écosse devenait une île, je sais que le Port de Saint John pourrait en tirer parti, parce que son volume d’affaires augmenterait. C’est certain. Or, à ceux qui m’ont demandé pourquoi j’ai décidé de m’occuper de ce dossier, j’ai répondu que c’est parce que je suis un membre du Sénat du Canada. En tant que sénateur, je dois avoir une meilleure vision et une meilleure compréhension de ma région, mais aussi de l’ensemble du Canada et de ce qui est important pour le Canada.

C’est pour cette raison que je défends cette initiative. La région concernée est vitale pour le réseau de transport, mais aussi pour la protection de la Transcanadienne, de la voie ferrée qui passe par là, des terres agricoles et, tout aussi important, des gens qui y habitent et qui savent que les villes d’Amherst et de Sackville seront submergées, l’une à 35 % et l’autre, à 50 ou 60 %. C’est ce que le comité a entendu. Il pourrait y avoir des décès. Des propriétés seront détruites.

Je m’engage pleinement à faire de mon mieux dans le cadre de mon travail pour défendre cette question d’intérêt régional, car, autrement, elle risque de passer inaperçue. C’est pourquoi je parle avec tant de ferveur de l’adoption de ce projet de loi par le Sénat. Nous formons le Sénat, et non la Chambre élue. Si mes collègues ici décident d’adopter le projet de loi, celui-ci sera renvoyé à la Chambre élue. Laissons les députés tenir leurs délibérations. Laissons-les décider si cette mesure législative passera à la prochaine étape.

Si elle passe à l’étape suivante, elle sera soumise au Cabinet. Le Cabinet pourra ensuite décider s’il fait quelque chose. Il pourra décider de ne rien faire. Il pourra décider de laisser les choses telles qu’elles sont et qu’il est impossible de négocier plus qu’un financement à parts égales.

Encore une fois, je demande que nous adoptions ce projet de loi, ce qui permettrait de mener des négociations supplémentaires. Je ne m’attends pas à ce que le gouvernement fédéral finance l’initiative à lui tout seul. Ce n’est pas ce dont il est question. C’est une question de justice et d’équité. On parle ici d’un traitement équitable.

Il y a deux ou trois semaines, nous avons appris qu’un excellent projet était financé à 60 % par le gouvernement fédéral. Vous m’avez entendu parler d’autres projets qui ont été financés à 100 %. J’essaie au moins d’obtenir un financement de 60 %, ce que je trouve équitable. Cependant, ce n’est pas ma décision ni celle des parlementaires. Ce sera la décision du Cabinet s’il décide d’aller dans cette direction.

Je propose qu’on donne à la Chambre basse la possibilité de débattre de la question. Si le gouvernement en est saisi, c’est lui qui décidera.

Des voix : Bravo!

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler très brièvement du projet de loi S-273, Loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto. Comme nous le savons, ce projet de loi propose de déclarer que le système de digues de l’isthme de Chignecto et les ouvrages connexes sont des ouvrages à l’avantage général du Canada. Il invoquerait le pouvoir déclaratoire fédéral prévu à l’alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle pour permettre au gouvernement fédéral d’affirmer sa compétence législative exclusive à l’égard de cet ouvrage.

Permettez-moi tout d’abord de remercier le sénateur Quinn d’avoir présenté cette mesure et, surtout, d’avoir fait connaître une région du pays qui est importante pour le Canada atlantique. Les vastes réseaux de transport et les espaces verts qu’on y trouve sont essentiels à la croissance économique et au dynamisme de la région, ainsi qu’à la préservation et à l’aménagement de la faune et de la flore. Ces éléments méritent d’être mieux compris. Ils méritent qu’on en parle.

Toutefois, en tout respect, le gouvernement ne croit pas que le mécanisme proposé dans le projet de loi S-273 soit la mesure appropriée, et il ne peut pas appuyer ce projet de loi pour plusieurs raisons, dont certaines que j’aimerais simplement consigner dans le compte rendu aujourd’hui.

Le sénateur Quinn a précisé, à juste titre, que le recours au pouvoir déclaratoire conférerait une autorité législative sur le territoire visé, mais qu’il ne supposerait pas forcément une obligation de financement. C’est exact, mais la question du financement est pertinente par rapport au projet de loi, au projet concerné et aux travaux correctifs nécessaires. Le gouvernement fédéral sait que le projet sera coûteux et que les provinces espèrent qu’il aura l’obligation — morale ou autre — d’assumer entièrement le coût des travaux.

Honorables collègues, comme vous le savez, puisque le sénateur Quinn l’a expliqué, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse ont demandé du financement dans le cadre du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, qui relève d’Infrastructure Canada. Il s’agit d’un programme collaboratif de partage des coûts. Il permettrait au gouvernement fédéral de se concerter avec les provinces afin de trouver un compromis, un terrain d’entente, en vue de régler les aspects financiers de ce projet.

Je sais que les discussions ont commencé et que le gouvernement fédéral serait heureux de les poursuivre.

Plus important encore — et le sénateur Quinn y a fait allusion —, la question de savoir qui a compétence dans le dossier du réseau de digues de l’isthme est actuellement étudiée par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, à la suite d’une demande de renvoi présentée par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse en juillet 2023.

Le gouvernement du Canada et d’autres provinces ont obtenu à leur demande le statut d’intervenant dans ce dossier. En tout respect, le gouvernement fédéral rejette la position de la Nouvelle‑Écosse selon laquelle le réseau de digues de l’isthme relèverait déjà du gouvernement fédéral.

Par conséquent, le gouvernement du Canada est d’avis que la question ne devrait pas être traitée tant que le tribunal n’aura pas clarifié la question de la compétence. Agir autrement reviendrait à court-circuiter la décision que la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse doit rendre.

Enfin, chers collègues, le projet de loi S-273 imposerait probablement aussi de nouvelles obligations au gouvernement, ce qui risque d’avoir comme conséquence involontaire de créer un nouveau précédent susceptible d’affecter des systèmes fonciers similaires à l’avenir, y compris ceux qui, étant donné les effets des changements climatiques, pourraient nécessiter une remise en état.

Pour ces raisons, le gouvernement ne peut pas appuyer le projet de loi S-273 dans sa forme actuelle. Il estime que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse devrait entendre les arguments de toutes les parties et de tous les intervenants, puis rendre une décision arbitrale éclairée sur cette base.

Je vous remercie de votre bienveillante attention.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Oui.

Le sénateur Quinn : Sénateur Gold, je vous remercie pour votre discours succinct. Je dois poser une question qui compte plusieurs volets.

(1620)

J’ai parlé d’équité, et pour moi, l’équité signifie qu’il faut traiter le Canada atlantique de la même manière que le reste du Canada.

Le deuxième point que je veux soulever, c’est qu’il existe des précédents de recours au pouvoir déclaratoire devant les tribunaux. Dans le cas présent, nous employons deux éléments légitimes et distincts de la Constitution du Canada. Je ne suis pas en mesure de débattre avec vous de questions constitutionnelles à armes égales, sénateur Gold, c’est votre domaine d’expertise.

Je crois que, en invoquant l’alinéa 92(10)a), on cherche à savoir si la zone en cause peut être traitée comme un réseau et si la compétence du fédéral peut avoir préséance.

Comme je l’ai dit dans mon discours, la région pourrait en ce moment être prise en charge par les provinces, individuellement. Or, les provinces savent qu’il faut la traiter comme un réseau. Il n’est d’aucune utilité de protéger la portion située en Nouvelle‑Écosse ou au Nouveau-Brunswick si l’autre est inondée. Il faut adopter une approche globale. C’est pourquoi la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ont présenté une demande au Programme national d’atténuation des catastrophes. Pourquoi se sont-ils tournés vers ce programme? C’est parce qu’ils devaient composer avec une échéance. Ils devaient présenter une demande avant une date précise. Au bout du compte, peu avant la date limite, ils ont présenté une demande conjointe, qui a été acceptée, à hauteur de 50 cents par dollar.

En même temps, ils savent ce que je cherche à faire en m’appuyant sur l’alinéa 92(10)c) : invoquer le pouvoir déclaratoire afin que la compétence fédérale s’applique pour un certain nombre de raisons. Comme je l’ai indiqué dans mon discours, cette approche permet d’agir le plus tôt possible.

À ce que je comprends, la procédure judiciaire n’a pas été entamée, à l’exception de la présentation de la demande. Le tribunal n’entendra peut-être pas l’affaire de sitôt. Lorsqu’il s’agit d’intervenir, chaque jour qui passe compte. N’êtes-vous pas d’accord avec moi?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Vous maîtrisez bien le sujet.

Il n’y a pas de raison de craindre un face-à-face. Votre interprétation de la Constitution est exacte; je ne vous opposerai aucun argument.

En faisant cette intervention, mon but était simplement d’exposer la position du gouvernement, parce qu’il s’agit d’une question compliquée pour le gouvernement du Canada. Elle est compliquée parce que de nombreuses infrastructures dans ce pays sont menacées à cause des changements climatiques.

Vous avez parlé de l’obligation morale, et c’est vraiment le sens de la position du gouvernement. Les observations au sujet d’un précédent sont exactement de cette nature.

La position du gouvernement demeure, cependant, que la compétence constitutionnelle sur l’isthme — au sujet de laquelle le gouvernement a demandé une opinion à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse — est nécessaire, mais qu’elle n’empêche pas les négociations politiques dont vous avez parlé.

Bien sûr, l’équité est importante. Je n’ai rien à ajouter à votre observation générale. Tous les cas et toutes les situations doivent être examinés pour ce qu’ils sont, et il faut comparer les pommes avec des pommes et les oranges avec des oranges.

Vous avez mentionné le pont de Québec, entre autres. Ce sont des situations très différentes. Je comprends l’incidence que cela peut avoir sur votre interprétation des situations.

La position du gouvernement est telle que je l’ai énoncée. Je sais que les leaders des quatre groupes se sont entendus pour que ce projet de loi soit mis aux voix à l’étape de la troisième lecture, et je tenais simplement à faire connaître la position du gouvernement. Le projet de loi sera renvoyé à l’autre endroit. Les députés auront l’occasion de l’examiner, et je suis convaincu que vous ainsi que d’autres personnes suivrez avec intérêt sa progression à l’autre endroit.

L’honorable Leo Housakos : Sénateur Gold, j’ai écouté votre intervention. Je ne veux pas lancer un débat sur cette question, mais je tiens à dire, tout d’abord, que le pouvoir déclaratoire a déjà été utilisé à maintes reprises dans des cas très semblables et qu’il est conforme à la Constitution. Tous les constitutionnalistes qui ont témoigné pendant les travaux du comité ont dit que c’était constitutionnel.

J’ai déjà vu des gouvernements utiliser ce genre de stratégie. J’ai notamment vu le gouvernement précédent l’employer quand il a tenté de se soustraire à ses responsabilités fondamentales à l’égard du pont Champlain, parce qu’il trouvait opportun sur le plan politique, pour diverses raisons, de ne pas investir dans ces travaux et d’essayer de les pousser dans la cour du gouvernement du Québec.

Voici ma première question : convenez-vous que le pouvoir déclaratoire a déjà été utilisé à maintes reprises?

Deuxièmement, le Québec n’avait pas les ressources nécessaires pour reconstruire le pont Champlain et une tâche semblable serait pratiquement irréalisable pour n’importe quelle province. Il fallait des milliards de dollars. Le même genre de situation se produit maintenant dans le Canada atlantique. L’isthme de Chignecto est une infrastructure essentielle qui, comme l’ont souligné de nombreux témoins, touche plusieurs provinces et de toute la région du Canada atlantique. La région n’a pas les moyens de mener à bien un projet de cette envergure. Le gouvernement doit reconnaître que s’il n’intervient pas dans la construction des infrastructures, il y a lieu de se demander à quoi il sert, en fait.

Le sénateur Gold : Je vous remercie pour votre question. Permettez-moi d’être clair, comme je pensais l’être.

Évidemment, invoquer le pouvoir déclaratoire constitue un exercice légitime prévu par la Constitution. Il a été invoqué environ 474 fois. Au début, il a été invoqué pour les élévateurs à grains — les gens de l’Ouest s’en souviendront — jusque dans les années 1980. Je n’ai jamais remis en question la possibilité d’exercer ce pouvoir. Le gouvernement est d’avis qu’en l’occurrence, ce n’est pas une mesure appropriée.

Je reconnais également — et je pense en avoir convenu, quoique brièvement — l’importance de l’isthme pour l’économie et les collectivités du Canada atlantique. Il s’agit d’un projet coûteux qui, d’après ce que j’ai compris — et vous l’avez entendu au comité —, est menacé par l’élévation du niveau de la mer et le changement climatique.

J’ai dit aussi que le gouvernement a mis en place un programme auquel les deux provinces ont adhéré et qu’il est prêt à négocier et à discuter avec les provinces d’une formule appropriée pour réaliser les travaux, tout comme le gouvernement du Canada l’a fait avec la province de Québec et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada lorsqu’il a racheté l’un des ponts de la ville de Québec pour 1 $.

C’est là un exemple de fédéralisme coopératif à son meilleur, et le gouvernement du Canada pense que c’est la bonne approche également pour le projet à l’étude.

Le sénateur Housakos : Acceptez-vous de répondre à une autre question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Oui, bien sûr.

Le sénateur Housakos : De toute évidence, cette question n’est pas d’ordre politique. Elle est au cœur de l’essence même du Canada, car les infrastructures unissent notre pays. On peut voir qu’il ne s’agit pas d’une question politique lorsque, dans deux assemblées législatives — celles de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick —, tous les partis politiques ont voté à l’unanimité et réclament à l’unisson l’application du pouvoir déclaratoire parce que le gouvernement ne négocie pas en toute bonne foi.

Comme vous le savez, sénateur Gold, nous n’allons devant les tribunaux que lorsque les parties ne peuvent pas s’entendre de bonne foi pour parvenir à un accord. Voilà pourquoi on saisit les tribunaux de certaines affaires. Voilà pourquoi les premiers ministres des deux provinces font appel aux représentants de la Chambre haute en dernier recours pour faire pression sur le gouvernement et dire : « Ces infrastructures sont essentielles pour lutter contre les changements climatiques, et il faut s’en occuper. »

Le sénateur Gold : Premièrement, sénateur Housakos, je n’ai pas dit qu’il s’agissait d’une question partisane ou politique. Je faisais écho au sénateur Quinn, qui a parlé de négociations politiques.

Deuxièmement, je ne peux pas accepter votre interprétation selon laquelle le gouvernement fédéral n’a pas négocié de bonne foi ou que c’est la raison pour laquelle le gouvernement progressiste‑conservateur de la Nouvelle-Écosse a demandé à ses tribunaux de déterminer si l’entreprise dans son ensemble relève automatiquement du pouvoir législatif du Canada en vertu de l’alinéa 92(10)a) de la Constitution.

Dans les deux cas, je conviens que s’attaquer au problème dans l’isthme et ailleurs au Canada, où des infrastructures importantes — qu’elles desservent une province, plusieurs provinces ou le pays dans son ensemble — sont menacées par la dégradation causée par les changements climatiques, constitue un élément important de ce que c’est que d’être un pays.

Le gouvernement fédéral fera sa part en collaboration avec les provinces et les territoires, le cas échéant.

L’honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Gold : Oui.

(1630)

La sénatrice Ringuette : Sénateur Gold, si ma mémoire est bonne, le renvoi du gouvernement de la Nouvelle-Écosse à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a été fait bien avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat. N’est-ce pas le cas?

Le sénateur Gold : Je crois que le renvoi à la cour de la Nouvelle-Écosse — si ma mémoire est bonne — remonte à juillet 2023.

La sénatrice Ringuette : J’essaie de me rappeler quand on a demandé au Sénat d’interrompre ses travaux et de voter sur une question dont les tribunaux étaient saisis. Ce n’est pas notre rôle de dicter aux tribunaux ce qu’ils doivent dire ni d’essayer de les influencer. J’ai beaucoup de difficulté avec cela parce que nous sommes saisis d’une question qui est devant les tribunaux et nous demandons à la Chambre haute du Parlement de prendre position sur cette question.

Vous pouvez peut-être m’éclairer, sénateur Gold, mais je siège ici depuis 21 ans et je n’ai jamais vu une situation semblable.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de la question, mais ma réponse risque de vous décevoir. Le paragraphe 92(10) comporte trois alinéas. Comme l’a correctement souligné le sénateur Quinn, et comme je l’ai aussi mentionné, l’affaire dont est saisie la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse concerne l’alinéa a), qui porte sur les infrastructures de transports ou de communication reliant les provinces. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse demande à la cour de confirmer que cette définition englobe l’isthme.

Je vous épargnerai les détails ennuyeux relatifs à la jurisprudence et à l’incertitude. Je vais laisser cela aux bons soins du sénateur Plett.

L’alinéa 92(10)c) est un élément distinct. Qu’il relie les provinces ou non ou qu’il corresponde à une « entreprise », qui s’entend de l’assemblage d’activités autour d’un objet physique, les travaux sur l’isthme pourraient, en vertu de cet alinéa, être considérés comme des ouvrages à l’avantage général du Canada.

Bref, je ne dis pas qu’il est inapproprié pour nous, sur le plan constitutionnel, d’adopter ce projet de loi. Je dis simplement que le gouvernement est d’avis qu’il serait préférable d’attendre que la cour rende sa décision sur cette question fondamentale. Cela n’empêche aucunement la poursuite des discussions avec les provinces concernant le financement nécessaire à ce projet. Toutefois, l’adoption du projet de loi risque d’avoir des répercussions imprévues — ou peut-être souhaitées, dans certains cas —, et le gouvernement estime qu’il est inutile de prendre un tel risque.

Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un cas où les tribunaux sont saisis d’une question précise et où nous anticipons la décision. Toutefois, dans un sens plus large, le gouvernement pense qu’il serait approprié d’attendre que cette question fondamentale reçoive une réponse et que la poussière retombe. J’espère avoir répondu à votre question.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie.

Son Honneur la Présidente : Avez-vous une question, sénateur Richards?

L’honorable David Richards : Sénateur Gold, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Gold : Cela me ferait plaisir. Ce sera peut-être la dernière. Je sais qu’il y a d’autres intervenants. Je voulais être bref. Par respect, je vais répondre à votre question.

Le sénateur Richards : C’est une question hypothétique. Je sais que votre réponse le sera tout autant, mais je vais vous la poser quand même.

Si la situation était désespérée — et c’est le cas entre le Nouveau‑Brunswick et la Nouvelle-Écosse — et qu’il s’agissait du lien entre l’autoroute 40 au Québec et l’autoroute 401, serions-nous en train d’en discuter en ce moment?

Le sénateur Gold : La réponse est oui. Tous les sénateurs, quelle que soit leur région ou leur province d’origine, ont la responsabilité d’assurer l’équité entre toutes les régions. Bien entendu, nous accordons une attention particulière aux régions que nous connaissons le mieux. Nous représentons nos provinces ou nos régions.

Néanmoins, je crois fermement — et j’espère que c’est vrai pour nous tous — que lorsque nous arrivons au Sénat, nous nous rendons compte que nous sommes dans une institution fédérale et que notre travail consiste à veiller à ce que toutes les régions soient traitées équitablement, peu importe notre origine. Je crois sincèrement que si les mêmes circonstances se présentaient ici, j’imagine que nous aurions cette discussion.

Projet de loi sur la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur la Présidente annonce qu’elle a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-20, Loi établissant la Commission d’examen et de traitement des plaintes du public et modifiant certaines lois et textes réglementaires, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

[Français]

Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, tel que modifié.

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-273, proposé par l’honorable sénateur Quinn. J’ai finalement choisi d’appuyer cette initiative en comité après avoir sérieusement douté de sa pertinence.

Ce projet de loi propose de déclarer le réseau des digues de l’isthme de Chignecto comme étant à l’avantage général du Canada, et donc d’invoquer le pouvoir déclaratoire du gouvernement fédéral prévu dans la Loi constitutionnelle de 1867.

Nous avons entendu non pas un, ni deux, mais trois experts réputés en droit constitutionnel au Comité des transports afin de bénéficier de l’expertise la plus vaste possible. Les professeurs O’Byrne, Leach et Macfarlane ont comparu devant le comité et ont tous dit qu’il était tout à fait possible et conforme aux règles d’invoquer ce pouvoir déclaratoire pour assujettir les ouvrages de l’isthme de Chignecto aux lois fédérales. Un seul, Andrew Leach, estimait cette désignation inutile, car il jugeait que l’isthme était déjà bel et bien de compétence fédérale, étant donné qu’il enjambait deux provinces, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

Tous étaient d’accord sur trois autres points. Premièrement, déclarer un ouvrage à l’avantage général du Canada n’a qu’un seul effet : l’assujettir aux lois fédérales. Deuxièmement, en aucun cas l’invocation de ce pouvoir déclaratoire n’oblige le gouvernement fédéral à dépenser quelque somme que ce soit sur l’ouvrage en question. Troisièmement, le fait que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse ait été saisie d’un recours visant à faire déclarer l’isthme de Chignecto de compétence fédérale n’empêche en rien les parlementaires de légiférer. Bref, il n’y a aucun véritable obstacle constitutionnel ou juridique à ce projet de loi. Le débat devient donc essentiellement politique, et cela laisse à chaque sénateur la liberté de prendre position.

Il est clair pour moi que ce projet de loi est purement politique. En invoquant le pouvoir déclaratoire dans le projet de loi S-273, le sénateur Quinn cherche à mettre davantage de pression sur le gouvernement fédéral pour qu’il soit plus généreux dans le financement de la réfection des digues de l’isthme et qu’il accepte de payer plus de 50 % de la note. Le fait que ce projet de loi ait obtenu la bénédiction des premiers ministres du Nouveau‑Brunswick et de la Nouvelle-Écosse le rend encore plus politique. J’avoue éprouver un petit malaise avec le fait d’intervenir aussi directement dans un différend entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Encore là, le professeur Macfarlane est d’avis que cela n’outrepasse en rien notre rôle de législateur. À cet effet, il a dit ce qui suit :

Il n’y a pas de limites distinctes quant aux divers objectifs visés dans une mesure législative. Le Parlement est libre d’utiliser la loi pour obliger le gouvernement à rendre des comptes, pour lui imposer des obligations directes, et je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas utiliser la loi pour imposer un élément d’obligations symboliques ou politiques par le biais d’instruments juridiques.

Ce pouvoir déclaratoire a été invoqué près de 500 fois depuis la Confédération, comme l’a mentionné le sénateur Gold. La professeure Nicole O’Byrne, de l’Université du Nouveau‑Brunswick, a déclaré elle aussi que quand le Parlement invoque ce pouvoir, il s’agit d’une décision entièrement politique, dont les tribunaux ne peuvent être saisis. Toutefois, la professeure O’Byrne nous ramenait aussi aux origines du pacte constitutionnel et à sa toile de fond. La construction d’un chemin de fer reliant Halifax à Québec était une condition à l’entrée des provinces de la Nouvelle‑Écosse et du Nouveau-Brunswick dans la Confédération. C’est encore cette voie ferrée, essentielle à l’approvisionnement des Maritimes, qui traverse l’isthme de Chignecto et qui est menacée par les changements climatiques. La professeure O’Byrne a ajouté que, historiquement, le gouvernement fédéral a payé l’essentiel de la facture dans des travaux d’infrastructure quand les provinces n’avaient pas la capacité de le faire.

(1640)

Par ailleurs, l’étude du projet de loi ne se faisait pas dans le vide. En pleine étude du comité, le premier ministre Trudeau a annoncé en grande pompe que le gouvernement fédéral allait racheter le pont de Québec et payer la totalité des frais de réfection, à raison de 40 millions de dollars par an durant 25 ans. Il s’agit d’une infrastructure importante pour le corridor du fleuve Saint-Laurent, a-t-il dit. Sans nul doute.

Le lendemain, le premier ministre s’est rendu à Bathurst et a rencontré des journalistes locaux, qui lui ont demandé pourquoi le gouvernement fédéral finançait 100 % de la réfection du pont de Québec, mais pas plus de 50 % des travaux de rénovation de l’isthme de Chignecto. La réponse du premier ministre m’a surprise. Je le cite :

Bien, c’est un lien essentiel, mais c’est une autoroute provinciale [...] On va être là en tant que partenaire. Mais ce serait peut-être un petit peu plus crédible si les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick prenaient plus au sérieux la lutte contre les changements climatiques. [...] Ils sont en train de faire ce que malheureusement trop de politiciens conservateurs font, c’est-à-dire de chercher de l’argumentation facile pour ne pas faire les investissements nécessaires dont leurs citoyens ont besoin, qui sont leur responsabilité à faire.

Je suis restée bouche bée en entendant cela. Faut-il comprendre que la décision du gouvernement fédéral de payer pour la rénovation d’infrastructures critiques dépend de la couleur politique des gouvernements provinciaux?

Sommes-nous revenus au temps de Duplessis, quand il fallait « voter du bon bord » pour que nos routes soient financées?

Pour ma part, il est clair que l’isthme de Chignecto enjambe deux provinces, qu’il comprend une ligne de chemin de fer, que son histoire est intimement liée au pacte de la Confédération et qu’il s’agit tout autant d’un ouvrage à l’avantage général du Canada que le vieux pont de Québec, sinon plus.

Pour une sénatrice québécoise qui croit à l’équité entre les provinces, cette différence de traitement m’a déplu. Je vais donc voter en faveur du projet de loi S-273, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer.

Merci.

L’honorable Réjean Aucoin : Honorables sénateurs, j’aimerais tout d’abord dire que je suis d’accord avec les commentaires du sénateur Quinn. De plus, j’ai lu aujourd’hui un article qui parlait du glacier Thwaites, en Antarctique, et qui indiquait que si celui-ci devait fondre d’ici les 100 ou 150 prochaines années, les experts ont conclu qu’il allait fondre encore plus vite que prévu. En effet, la mer s’infiltre à 3,7 kilomètres sous le glacier, ce qui a pour effet de contribuer à la hausse annuelle de 3,7 mètres du niveau des mers. Le monde perd déjà 50 milliards de tonnes de glaces annuellement, ce qui équivaut à une hausse de 4 % du niveau des mers. Cette étude a été publiée cette semaine.

Honorables sénatrices et sénateurs, je voudrais faire part de mes réflexions sur le très important projet de loi S-273, qui est parrainé par notre collègue le sénateur Quinn.

Je considère comme primordial de prendre la parole aujourd’hui pour discuter de l’importance vitale de préserver les digues de l’isthme de Chignecto et de reconnaître le rôle central que cet isthme joue dans l’économie du Canada.

L’isthme de Chignecto est le nom de l’étendue de terre reliant le Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse; il est légèrement au-dessus du niveau de la mer. Il comprend un réseau de digues et d’aboiteaux qui a été installé à la fin des années 1600 par les Acadiens, possiblement certains de mes ancêtres. Ce réseau protège actuellement les collectivités, les infrastructures, les terres privées et les ressources naturelles qui se trouvent sur l’isthme.

Les digues de Chignecto, avec leur histoire riche et leur fonction cruciale, sont bien plus que de simples structures de béton et de terre. Elles représentent une infrastructure protégeant un lien essentiel entre la Nouvelle-Écosse et le reste du continent nord‑américain, un lien qui ne doit jamais être sous-estimé ni négligé.

Tout d’abord, il est impératif de comprendre l’importance économique de l’isthme de Chignecto pour l’ensemble du Canada. Ce corridor terrestre et maritime est un axe majeur du commerce et du transport de marchandises. La Transcanadienne et la ligne de chemin de fer du CN traversent l’isthme de Chignecto et sont le lien terrestre et ferroviaire par où transitent environ 35 milliards de dollars de marchandises et de biens et services chaque année.

Ces denrées et marchandises voyagent dans les deux directions; elles proviennent de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse pour aller vers l’Ouest, mais les denrées et marchandises que l’on retrouve au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario arrivent d’aussi loin que la Colombie-Britannique. De plus, cette bande de terre abrite des éoliennes et d’importantes lignes de transport d’électricité et de télécommunications.

Chaque jour, des milliers de camions transportent des biens essentiels pour les Canadiens et traversent l’isthme de Chignecto. Des denrées alimentaires aux fournitures médicales en passant par les produits manufacturés, une multitude de biens traversent ce passage stratégique pour atteindre les marchés canadiens et même américains, contribuant ainsi à l’approvisionnement continu des villes et des régions de tout le pays. Ces marchandises représentent une partie essentielle de l’économie canadienne, soutenant des industries variées d’un bout à l’autre du pays et créant des emplois dans de nombreux secteurs.

En raison de sa position stratégique et de son importance pour le Canada, nous sommes d’avis que des travaux sont essentiels pour protéger ce lien de terre face aux changements climatiques dont nous sommes témoins. C’est là que les digues de Chignecto entrent en jeu. Ces structures ingénieuses protègent les terres des inondations et des tempêtes, garantissant ainsi la sécurité des voies de transport terrestre et maritime. Sans elles, les routes pourraient être submergées, les voies ferrées pourraient être endommagées et les ports pourraient devenir inaccessibles, ce qui paralyserait le flux vital de marchandises à travers le pays.

En outre, la préservation des digues de Chignecto revêt une importance environnementale cruciale. En plus de protéger les terres agricoles et les infrastructures, ces digues préservent également des écosystèmes fragiles le long de la côte. En assurant la stabilité des terres et la prévention des inondations, elles protègent les habitats naturels et les espèces qui en dépendent, contribuant ainsi à la préservation de la biodiversité de la région.

Chers collègues, il est de notre devoir de préserver et de protéger les digues de l’isthme de Chignecto pour les générations futures. Leur importance ne peut être surestimée. Elles sont le fondement même de notre économie et de notre sécurité en assurant un flux continu de biens essentiels partout au pays. En investissant dans leur entretien et leur développement, nous investissons dans l’avenir du Canada tout entier.

À mon avis, il s’agit d’une responsabilité constitutionnelle que le gouvernement canadien entretienne ce lien; je crois que les critères du gouvernement fédéral pour le financement des liaisons de transport importantes devraient être les mêmes dans toutes les provinces.

Ainsi, il va de soi que l’isthme de Chignecto et les ouvrages qui sont nécessaires à sa préservation devraient être déclarés à l’avantage général du Canada. Ceci permettrait aux provinces de négocier avec un seul interlocuteur, soit le gouvernement fédéral. Dans l’état actuel des choses, si une province complète sa partie des réparations, mais que l’autre ne fait rien, une tempête pourrait endommager grandement les deux côtés de la frontière entre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

(1650)

En conclusion, je vous exhorte tous à reconnaître l’importance capitale des digues de l’isthme de Chignecto et à soutenir les efforts en vue d’assurer leur préservation. L’isthme de Chignecto est un lien terrestre stratégique qui est menacé par la montée du niveau des eaux et par les changements climatiques. En appuyant ce projet de loi, nous pouvons assurer la pérennité de cet important corridor économique et garantir la prospérité de notre nation pour les années à venir.

Merci beaucoup.

L’honorable René Cormier : Chers collègues, je prends brièvement la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, qui a été déposé dans cette enceinte par mon collègue néo-brunswickois le sénateur Quinn, que je remercie. Plusieurs choses ont été dites. Je ne parlerai donc pas de développement économique, de circulation des biens et des services ou de lien terrestre et ferroviaire, bien que je reconnaisse l’importance de ces questions sur cette partie du territoire. En ce sens, j’adhère complètement aux propos de mon collègue acadien, le sénateur Aucoin, que je remercie de son intervention.

Je tiens à souligner que les terres à partir desquelles je vous parle font partie du territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

À la lumière de l’étude dûment menée par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, y compris sur l’émergence de nouveaux faits liés à ce projet de loi, permettez-moi de préciser les motifs pour lesquels je compte l’appuyer. Rappelons que cette mesure législative rendrait le gouvernement fédéral responsable des travaux de restauration des digues de l’isthme de Chignecto par l’entremise d’une déclaration du Parlement affirmant que ces travaux sont à l’avantage général du Canada, et ce, conformément à l’alinéa 92(10)c) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Je dirais d’emblée que j’ai bien pris connaissance des propos tenus en comité par ma collègue la sénatrice Clement, selon laquelle ce projet de loi pourrait refléter une rupture profonde des négociations entre les différents ordres de gouvernement. Évidemment, de mon point de vue, une approche collaborative est importante pour toute question qui touche le Canada dans son entier.

[Traduction]

J’ai également lu avec intérêt les commentaires de M. Andrew Leach, professeur à la faculté des arts et à la faculté de droit de l’Université de l’Alberta, qui a comparu devant le Comité des transports et selon qui le projet de loi ne semble pas imposer d’obligation positive au gouvernement fédéral d’entretenir, de financer ou intervenir de toute autre manière pour soutenir le réseau.

On peut également s’interroger sur l’utilité intrinsèque d’un tel projet de loi, d’autant plus que le réseau de digues pourrait déjà relever de la compétence fédérale en vertu de l’alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[Français]

Néanmoins, chers collègues, je reconnais que cette proposition législative est réclamée par un nombre important d’acteurs clés de ma région. Comme on l’a souvent dit, nous avons tous été nommés à la Chambre haute pour représenter notre province ou territoire. La représentation effective des intérêts régionaux est au cœur de notre mandat sénatorial et constitue l’un des piliers de cette institution démocratique.

Il va sans dire que si l’assemblée législative de ma province, incarnant essentiellement la volonté générale de la population néo-brunswickoise, se prononce sur un sujet qui concerne directement nos travaux parlementaires, il me paraît nécessaire de lui accorder une certaine attention et déférence.

À cet égard, le 17 mai dernier, une motion a été adoptée à l’unanimité à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick pour exhorter le Parlement à adopter le présent projet de loi. Ladite motion fait notamment référence au fait que l’isthme de Chignecto est un corridor commercial ferroviaire d’importance nationale et qu’il est particulièrement vulnérable aux effets de la montée du niveau de la mer et de phénomènes météorologiques de plus en plus violents. Toutes les formations politiques de ma province, sans exception, ont soutenu ce projet de loi. L’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse a également adopté une résolution semblable. À mon sens, il s’agit d’actions législatives non négligeables.

Notre mandat sénatorial consiste également à représenter les intérêts des minorités et des groupes généralement sous-représentés à l’autre endroit, notamment les Autochtones et les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Il est primordial de prendre en compte leurs intérêts et leurs besoins dans nos processus d’élaboration de politiques publiques. Je crois que vous serez d’accord avec mes propos.

En mai dernier, la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), de concert avec la Fédération acadienne de la Nouvelle‑Écosse (FANE) et la Société nationale de l’Acadie (SNA), l’organisme porte-parole du peuple acadien sur les scènes nationale et internationale, a soumis un mémoire au Comité sénatorial des transports et des communications. Ce document accordait un soutien indéfectible au projet de loi S-273.

Voici l’un des passages pertinents de ce mémoire, et je cite :

La Loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto est une avancée de taille pour la préservation, mais plus encore pour la protection de cette région riche en histoire. La région est également d’une prééminence vis-à-vis de l’intérêt général, surtout dans le contexte d’infrastructures d’importance nationale et stratégique. Le libellé de l’article 4 du projet de loi S-273 est catégorique : ‘Le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes sont déclarés être des ouvrages à l’avantage général du Canada’.

[Traduction]

Comme l’a explicitement dit la cheffe Rebecca Knockwood de la Première Nation de Fort Folly devant le Comité des transports, les chefs mi’kmaqs de ma province soutiennent également le projet de loi. Je souligne aussi que les amendements adoptés en comité ont pris en compte les avis notamment exprimés par l’avocate Jessica Ginsburg au nom de Kwilmu’kw Maw-klusuaqn, une organisation qui soutient l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse.

Grâce aux témoignages et aux mémoires, le Comité des transports a également entendu d’autres parties prenantes favorables au projet de loi, notamment l’Union des municipalités du Nouveau-Brunswick, qui représente 56 municipalités et près de 80 % de la population, y compris des collectivités situées le long de l’isthme de Chignecto.

[Français]

Chers collègues, tout en reconnaissant l’importance de cette région pour la circulation des biens et services et pour le renforcement du développement économique de notre région, et compte tenu de la place historique et culturelle unique qu’occupe l’isthme de Chignecto dans l’imaginaire collectif des peuples mi’kmaq et acadien de cette région, le projet de loi S-273 réaffirme l’idée selon laquelle le système de digues et d’aboiteaux de l’isthme de Chignecto, dont l’importance économique et patrimoniale demeure incommensurable pour les habitants de cette région, notamment les Acadiens et les Mi’kmaqs, est dans l’intérêt général du Canada.

J’adhère complètement à ce principe, d’autant plus que ce territoire est au cœur de l’identité même des peuples acadien et mi’kmaq et des provinces atlantiques. Je vous invite ainsi à voter en faveur de ce projet de loi. Pour montrer à quel point ce territoire est important pour le peuple acadien notamment, je nous invite également à ouvrir nos horizons à de nouvelles possibilités de valorisation de ce territoire unique. Pour des raisons écologiques, économiques, historiques et patrimoniales, les trois organismes porte-parole du peuple acadien que j’ai cités plus tôt proposent l’idée particulièrement intéressante de créer un nouveau parc national de l’isthme de Chignecto.

Dans leur mémoire transmis au Comité des transports, ils allèguent trois principaux avantages à ce projet novateur, et je cite :

[...] il permet au gouvernement du Canada de protéger l’isthme contre les ravages du changement climatique de façon efficace grâce à la participation concertée de plusieurs ministères et agences, notamment Travaux publics et infrastructures Canada et Parcs Canada. Ensuite, il permet de jumeler deux établissements patrimoniaux — le fort Beauséjour et le Fort Lawrence — dans le même endroit. Enfin, il lui permet de valoriser la présence et les activités du peuple Mi’kmaw et des Acadiens de Beaubassin, y compris le réseau de digues et d’aboiteaux [...] qu’ils ont érigé il y a plus de trois siècles et qui protège encore l’isthme.

Aussi, dans le cadre de son étude sur l’incidence des changements climatiques sur les infrastructures essentielles dans le secteur des transports et des communications, je souhaite ardemment que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications tienne dûment compte de cette proposition dans l’élaboration de son futur rapport.

Je conclurai, chers collègues, en vous racontant une anecdote de mon enfance, quand mon père nous amenait fréquemment en Nouvelle-Écosse en passant par ce fameux passage, l’isthme de Chignecto. Sans entrer dans une diatribe poétique, je dirai ceci : mon père nous rappelait sans cesse à quel point ce territoire spécifique avait été déterminant dans l’édification de notre pays et dans la réunion des différentes provinces de l’Atlantique. Il mettait constamment en valeur l’importance qu’a eue le peuple acadien — sans vouloir être chauvin — dans la construction de ces digues, qui ont permis au Canada d’être ce qu’il est aujourd’hui, particulièrement dans cette région.

(1700)

C’est pour ces raisons que j’avoue être un peu émotif, mais en même temps pour toutes les considérations que j’ai énoncées ici aujourd’hui, que je vous invite tous et toutes à voter en faveur de ce projet de loi. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Paula Simons : Honorables sénateurs, nul ne devrait douter que l’isthme de Chignecto est l’un des points de jonction les plus importants et les plus menacés au Canada. C’est l’un des corridors de transport crucial de notre pays. Il relie la Nouvelle-Écosse au reste du Canada et il permet de transporter des milliards de dollars de marchandises entre le port d’Halifax et tout l’Est du Canada.

À quel point est-il important et névralgique? Permettez-moi de vous faire part du témoignage de l’un des témoins devant le Comité des transports et des communications à ce sujet. Il s’agit de David Kogon, le maire d’Amherst, en Nouvelle-Écosse. Je le cite :

Si l’isthme de Chignecto était inondé, la voie ferrée, la route Transcanadienne, les lignes de transmission d’électricité, un pipeline de gaz naturel et les éoliennes de la région seraient touchés.

Il a ajouté :

De plus, entre le quart et le tiers de la ville d’Amherst serait submergée. La protection propre du réseau de digues garantit aussi la sécurité du corridor de transport, d’Amherst, des autres localités voisines et des vastes zones agricoles fertiles. Les zones protégées par les digues se trouvent sous le niveau de la mer. Si elles étaient submergées, l’eau ne s’écoulerait pas : elle y resterait de façon permanente, ce qui entraînerait des conséquences majeures.

En outre, il nous a assuré que ce n’était pas une projection farfelue. Je le cite :

Les tempêtes majeures sont beaucoup plus fréquentes ces dernières années, et il nous faut souligner l’urgence de la question. En effet, si l’un des prochains phénomènes météorologiques violents coïncide avec la marée haute, la combinaison sera fatale au réseau de digues, et l’isthme sera inondé pour toujours.

Lorsque j’ai demandé au maire si l’isthme allait être submergé par la montée du niveau de la mer, il m’a expliqué que la menace la plus réelle et la plus actuelle était plutôt l’augmentation des tempêtes violentes provoquées par les changements climatiques, qui pourraient submerger les digues même avec le niveau actuel de la mer :

Le problème, c’est la vulnérabilité causée par les changements climatiques. Ce n’est pas que les digues cèdent, mais que le niveau de l’eau passe au-dessus lors de l’une de ces tempêtes. Donc, même si la ligne de chemin de fer est en bon état, même si la route est en bon état et même si les lignes de transport d’électricité sont en bon état, cela ne servira à rien en cas d’inondation.

Nous sommes vulnérables. Il pourrait y avoir une marée haute, une pleine lune et un ouragan à tout moment. C’est pourquoi nous estimons qu’il est très urgent d’entreprendre des efforts d’atténuation.

Son collègue et voisin Andrew Black, maire de Tantramar, au Nouveau-Brunswick, s’est exprimé avec la même passion au sujet de cette menace. Il a affirmé ce qui suit :

Les habitants de Tantramar se considèrent chanceux de vivre en de tels lieux. D’ailleurs, les vasières aux apparences de crème au chocolat, les magnifiques marais et la biodiversité de cette région ont été intégrés à notre histoire, à notre art, à notre musique, à notre culture, à nos possibilités éducatives, ainsi qu’au tourisme et à l’économie.

Cependant, il a aussi dit ceci :

[...] [N]ous sommes en permanence taraudés par la crainte que tout soit emporté par la tempête parfaite. L’isthme de Chignecto [...] est une langue de terre étroite faisant le pont entre le Nouveau-Brunswick à la Nouvelle-Écosse et s’étendant de la baie de Fundy, d’un côté, jusqu’au détroit de Northumberland de l’autre. La majeure partie de ces terres se trouve bien en dessous du niveau de la mer et il faudrait peu pour qu’elles soient inondées.

[...] [N]ous savons tous maintenant, d’après les inondations du passé et l’évolution rapide du climat, que la question n’est pas de savoir « si » l’isthme sera submergé, mais « quand ».

Par conséquent, je ne doute pas un seul instant de l’urgence de cette question ni de la nécessité absolue d’agir en temps opportun. Je tiens à remercier le sénateur Quinn d’avoir mis cette question au programme national et de tout le travail qu’il a accompli pour défendre les intérêts des gens qui habitent dans la région et qui considèrent que la question de la protection de cet isthme sera déterminante pour leur avenir. Je ne peux pas lui reprocher d’avoir l’impression qu’on ne tient pas compte des préoccupations des gens de la région. Croyez-moi, en tant qu’Albertaine qui représente une province de 5 millions d’habitants qui a seulement six sièges au Sénat, je peux compatir avec lui.

Je prends néanmoins la parole aujourd’hui pour m’opposer à ce projet de loi. Ce n’est pas parce que je veux laisser le gouvernement fédéral s’en tirer à bon compte, mais plutôt parce que le projet de loi n’est pas la façon d’obliger quiconque à Ottawa à faire quoi que ce soit et parce que je ne pense pas que nous devrions utiliser le pouvoir déclaratoire extraordinaire de la Constitution d’une façon désinvolte ou inutile.

Comme l’ancien juge en chef sir Lyman Poore Duff l’a écrit en 1929, le pouvoir déclaratoire est « des plus exceptionnels »; il donne au gouvernement fédéral l’énorme pouvoir d’assumer la compétence sur des questions qui relèveraient autrement du contrôle exclusif d’une province.

L’article 92 de la Constitution décrit le partage des pouvoirs : ce qui relève des provinces et ce qui relève du fédéral. L’alinéa 92(10)c) vise les travaux et entreprises qui :

[...] bien qu’entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux ou d’un plus grand nombre des provinces.

L’avenir du réseau de digues de l’isthme de Chignecto représente-t-il une urgence nationale? Tout à fait. Serait-il dans l’avantage général du Canada ou de celui d’au moins deux provinces de le réparer et de le protéger contre les tempêtes? Qui pourrait le nier? Permettez-moi toutefois de relire un passage de la disposition : « bien qu’entièrement situés dans la province ». Le réseau de digues de Chignecto ne se trouve pas dans une seule province. Il relie le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse.

Il y a une tentative dans le projet de loi de laisser entendre qu’il en serait autrement. Il définit explicitement le réseau de digues de l’isthme de Chignecto comme deux éléments distincts :

a) le réseau de digues destiné à la gestion des eaux et entièrement situé dans la partie néo-écossaise du corridor commercial de l’isthme de Chignecto;

b) le réseau de digues destiné à la gestion des eaux et 25 entièrement situé dans la partie néo-brunswickoise du corridor commercial de l’isthme de Chignecto.

Même si je respecte et je salue grandement l’engagement du sénateur Quinn envers les habitants de l’isthme, ce n’est pas un argument très convaincant.

Permettez-moi également de citer le témoignage de M. Andrew Leach, de la Faculté de droit de l’Université de l’Alberta, qui est à la fois une sommité de l’histoire du pouvoir déclaratoire et un expert en économie de l’environnement :

Les ouvrages (les « choses matérielles ») et les entreprises (« un arrangement dans le cadre duquel [...] des choses matérielles sont utilisées ») ne peuvent relever de la compétence provinciale que si elles se trouvent entièrement sur le territoire de la province. Le réseau de digues, d’aboiteaux et de ponceaux se trouve de part et d’autre de la frontière, mais aussi, dans le cas de la structure de contrôle des eaux de la rivière Missaguash, de l’autre côté de la frontière. [...] Le réseau de digues est « intégré sur le plan fonctionnel ». Les réseaux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ne semblent pas pouvoir fonctionner efficacement ni être modernisés indépendamment l’un de l’autre. [...]

Dans le mémoire qu’il a soumis au comité, M. Leach a cité une décision rendue en 1905 par le juriste britannique lord Edward Macnaghten, qui s’est prononcé sur une affaire concernant l’utilisation du pouvoir déclaratoire à l’égard des ouvrages de Bell Canada. Le lord Macnaghten a écrit ce qui suit :

[...] s’ils avaient été « entièrement situés dans la province », l’effet aurait été de donner une compétence exclusive sur eux au Parlement du Canada; mais dans la mesure où les travaux et l’entreprise [...] n’étaient pas confinés dans les limites de la province, cette partie de la déclaration semble n’avoir aucun sens.

C’est, je le crains, le problème auquel nous sommes confrontés en l’occurrence. Sur le plan juridique, exiger que le gouvernement du Canada déclare que le réseau de digues est à l’avantage général du Canada n’a aucun effet. Les ouvrages ne sont manifestement pas situés dans une seule province. On pourrait dire, comme l’ont fait M. Leach et des premiers ministres provinciaux, que le réseau de digues pourrait déjà être de compétence fédérale.

En effet, le Parlement a déjà décidé que cela relevait de sa compétence lorsque, en 1948, il a adopté la Loi sur l’utilisation des terrains marécageux des provinces maritimes, qui concernait précisément l’isthme. Le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse avaient accepté de coopérer avec le gouvernement fédéral à l’administration de cette loi. On pourrait aussi dire qu’il ne s’est rien produit depuis qui porterait à croire que le Parlement avait eu tort à l’époque et que cela relève de son champ de compétence maintenant, malgré une décision rendue en 1970 redonnant la compétence aux provinces à leur propre demande. Comme le sénateur Gold l’a dit, nous devrons peut-être laisser la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse le déterminer.

Entretemps, j’aimerais toutefois être très claire : l’adoption de ce projet de loi ne ferait absolument rien pour exiger que le gouvernement fédéral règle le problème de l’isthme ou qu’il engage davantage de fonds dans le projet. Ce pourrait être une sorte de déclaration politique symbolique, mais à mon avis, il est inapproprié d’invoquer le pouvoir extraordinaire accordé par l’alinéa 92(10)c) comme stratagème politique et comme simple tactique visant à inciter par la honte le gouvernement fédéral à agir.

Par souci de bienséance parlementaire, nous ne devrions pas adopter de projets de loi qui, sur le plan fonctionnel, n’ont ni force ni effet pour accomplir ce que nous voulons qu’ils accomplissent.

À mon avis, le gouvernement fédéral devrait absolument intervenir pour assumer la part du lion du financement du projet. L’isthme est trop vulnérable et trop important pour tout le Canada pour que seules deux petites provinces en soient financièrement responsables. En outre, il est bien trop important pour être enlisé dans d’interminables litiges juridiques. Toutefois, le projet de loi n’est pas le bon outil pour résoudre le problème.

Une tradition juridique de longue date veut que le législateur ne parle pas pour ne rien dire, ce qui signifie que nous ne devons pas adopter de mesures législatives superflues ou dépourvues de sens ou d’importance juridique. Hélas, le projet de loi parle pour ne rien dire, du moins lorsqu’il s’agit d’accélérer ou de financer le projet de l’isthme.

Parallèlement, le projet de loi pourrait avoir des conséquences imprévues et négatives, car, s’il entrait en vigueur, il pourrait créer un vide législatif involontaire. Comme l’a mentionné M. Leach dans son témoignage :

Dès que cette loi sera promulguée, toutes les lois provinciales relatives à ce réseau de digues seront invalidées. Vous risquez de vous retrouver face à un vide législatif. Je ne sais pas si des lois fédérales sont prévues dans ce domaine. Je pense que c’est une chose à prendre en considération, soit que les lois provinciales relatives au réseau de digues seraient invalidées par l’adoption de ce projet de loi.

(1710)

Son point de vue a été appuyé par une autre témoin au comité, l’avocate Jessica Ginsburg, conseillère juridique de la nation Mi’kmaq. Je lui ai posé la question suivante :

Croyez-vous que, si ce projet de loi était adopté, les règlements provinciaux, les règlements en matière d’environnement et les règlements relatifs aux fouilles archéologiques seraient effectivement éliminés?

Voici ce qu’elle m’a répondu :

Bien entendu, c’est la préoccupation, ou s’ils étaient éliminés, il n’y aurait pas de points de décision fédéraux de rechange. Cela ne veut pas dire que les décisions doivent être prises au niveau provincial, mais le gouvernement fédéral ne réglementerait généralement pas les domaines couverts actuellement par les provinces. C’est ce qui nous préoccupe : qu’il y ait un vide.

Aux fins de la discussion, supposons que si le projet de loi S-273 est adopté, le gouvernement fédéral agira avec une rapidité extraordinaire pour combler le vide législatif actuel. Toujours aux fins de la discussion, acceptons qu’il soit logique, sur le plan politique, d’adopter ce projet de loi simplement pour mettre le gouvernement dans l’embarras en l’obligeant à poser des gestes grandement nécessaires. Examinons un peu quelles seraient les conséquences du précédent que nous établirions alors.

Bien sûr, c’est aussi en tant qu’Albertaine que je prends la parole. Imaginez ce qui se passerait si on créait un modèle qui permettrait au gouvernement fédéral d’exercer une compétence exclusive sur tous les ouvrages et les projets, peu importe ce que dit le texte de la Constitution. On ouvrirait alors une véritable boîte de Pandore, puisqu’un futur gouvernement pourrait se servir de cet exemple pour étendre ses compétences d’une façon qui ne serait pas nécessairement la bienvenue.

Pendant l’étude article par article menée en comité, j’ai fait valoir que le projet de loi S-273 n’était pas le bon outil et qu’on ne devrait pas utiliser un râteau pour enfoncer un clou. Le sénateur Cardozo a rétorqué, plein d’esprit, qu’en cas d’urgence, on pouvait très bien utiliser un râteau pour enfoncer un clou.

C’est possible, en effet, mais on risquerait de se faire mal en procédant ainsi.

Essayons de nous en tenir à des marteaux quand il faut enfoncer des clous. On évitera ainsi de recevoir une dent de râteau dans l’œil. Je vous remercie. Hiy Hiy.

L’honorable Jim Quinn : La sénatrice Simons accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Simons : Absolument.

Le sénateur Quinn : Merci, sénatrice, et merci pour tout le travail que vous avez accompli sur le projet de loi et pour toutes les excellentes questions que vous avez posées au cours de nos délibérations.

Je m’en voudrais de ne pas souligner, pour les collègues qui n’ont pas assisté à la réunion du comité, que trois experts constitutionnels étaient présents ce soir-là. Je ne conteste pas un mot de ce que vous avez dit au sujet de M. Leach, mais j’ajouterais que les deux autres témoins étaient d’un avis assez différent. Selon eux, il s’agissait d’un outil valable.

L’autre point que je souhaite soulever et sur lequel je vous demande votre avis est que vous avez dit que M. Leach avait parlé d’un système continu et unique. Pourtant, les provinces du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont présenté une demande conjointe en raison de leur responsabilité particulière par rapport à leur section respective sur leur territoire.

Enfin, j’aimerais entendre vos observations sur le fait que l’on a invoqué le pouvoir déclaratoire pour le pont international Gordie Howe. Ce pont n’est pas situé dans la province de l’Ontario. Il va jusqu’au Michigan et est financé entièrement par le gouvernement fédéral.

La sénatrice Simons : Je vais aborder ces points dans l’ordre inverse et j’espère que je m’en souviendrai.

En ce qui concerne le pont international Gordie-Howe, si j’ai bien compris, le pont se trouve entièrement dans une province canadienne. Le fait que le gouvernement fédéral l’a payé, comme vous le savez bien, sénateur Quinn, ne crée pas un précédent jurisprudentiel qui l’obligerait à payer pour l’isthme de Chignecto. Je suis d’accord avec vous pour dire que le gouvernement fédéral doit offrir plus que ce qu’il a déjà offert, mais le pouvoir déclaratoire ne l’oblige en rien à le faire. En effet, s’il l’obligeait à le faire, nous aurions besoin d’une recommandation royale pour adopter ce projet de loi au Sénat, car nous n’avons pas le pouvoir d’obliger le gouvernement fédéral à dépenser des millions et des millions de dollars. La Chambre des communes peut rédiger son propre projet de loi à cet égard, mais nous n’avons pas ce pouvoir.

Pour en revenir à votre question précédente, qui était de savoir si tout cela relevait d’une seule province, ce n’est manifestement pas le cas. Effectivement, les deux provinces sont chacune responsables de réparer leur moitié, mais le projet est pleinement intégré. Si une province réparait une moitié ou décidait de rehausser ses digues et que l’autre province ne le faisait pas, le système échouerait. Il suffit de regarder une carte pour voir à quel point tous ces systèmes sont inextricablement liés. À mon avis, prétendre qu’il s’agit de deux systèmes, chacun dans sa propre province, c’est, disons, créatif.

L’honorable Paul J. Prosper : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada.

Je tiens à remercier le sénateur Quinn d’avoir présenté ce projet de loi, qui vise à préserver une importante voie de commerce et de communication en utilisant des outils à la disposition du gouvernement fédéral.

Nous avons tous entendu le sénateur Quinn présenter les raisons pour lesquelles il est convaincu de la nécessité d’utiliser les pouvoirs déclaratoires pour placer ce projet sous la responsabilité du gouvernement fédéral. Je suis d’accord avec lui. Il ne s’agit pas de dégager complètement les provinces de leurs responsabilités fiduciaires en ce qui concerne l’isthme, mais d’assumer l’essentiel d’un projet de chaussée surélevée qui est véritablement dans l’intérêt du pays.

Au cours de l’étude au Comité des transports, j’ai été stupéfait par les exemples régionaux des menaces que les changements climatiques représentent pour les infrastructures essentielles et étonné d’entendre que, chaque jour, selon les estimations, une centaine de millions de dollars traversent l’isthme.

Les implications de ce qui pourrait arriver au Canada et à son économie si l’isthme devenait infranchissable sont renversantes. Il faut souligner que le pouvoir déclaratoire et la disposition de dérogation sont des pouvoirs exceptionnels à utiliser avec modération. Cependant, je dirais que, dans ce cas-ci, c’est justifié. À mon avis, cela ne créerait pas un précédent qui ouvrirait la porte à d’autres régions qui tenteraient de profiter de ce même pouvoir pour leurs zones inondables.

En tant qu’avocat, je dirais que l’utilisation de ce pouvoir est logique dans ce cas-ci en raison de la confluence de facteurs spécifiques tels que l’importance économique de la région et de son importance pour certains peuples tels que le peuple acadien et les Mi’kmaqs qui vivent sur ces terres depuis des temps immémoriaux.

Pour reprendre les paroles du sénateur Cormier, compte tenu de la place historique et culturelle unique qu’occupe l’isthme de Chignecto dans l’imaginaire collectif des peuples mi’kmaq et acadien de la région, le projet de loi S-273 réaffirme l’idée selon laquelle le système de digues et d’aboiteaux de l’isthme de Chignecto, dont l’importance économique et patrimoniale demeure incommensurable pour les habitants de cette région, est dans l’intérêt général du Canada.

Même si les réunions du comité se déroulent en même temps que celles d’autres comités dont je suis membre, j’ai pris le temps de me rendre aux audiences du comité qui concernent ma région, la Nouvelle-Écosse. J’ai pu participer à l’une des réunions sur le projet de loi à l’étude lors de laquelle Jessica Ginsburg, une jeune avocate, est venue témoigner au nom de Kwilmu’kw Maw‑Klusuaqn, une organisation qui travaille à la mise en œuvre des droits et qui négocie au nom de l’Assemblée des chefs mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse.

(1720)

Mme Ginsburg a comparu aux côtés de la cheffe Rebecca Knockwood, qui représente la Premières Nations de Fort Folly — également connue sous le nom d’Amlamgog — du côté néo‑brunswickois de l’isthme, et de Derek Simon, de Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated, qui est l’équivalent néo-brunswickois de Kwilmu’kw Maw-klusuaqn.

La cheffe Knockwood a mentionné que l’isthme est une « zone culturelle importante pour les Mi’kmaqs » et que le nom « Chignecto » est dérivé du terme mi’kmaq « Siknikt », qui signifie « le lieu de drainage ».

La cheffe Knockwood a poursuivi en disant :

Des études montrent que cette région était l’une des plus densément peuplées de Mi’kma’ki et qu’elle était un centre de voyage et de commerce. Les Mi’kmaqs, y compris les membres de ma communauté, continuent de récolter dans la région.

Elle a ajouté :

On sait que l’isthme abrite 44 espèces fédérales et provinciales en péril, ainsi que plus de 250 espèces dont la conservation est préoccupante en Nouvelle-Écosse et plus de 170 au Nouveau‑Brunswick. Nombre de ces espèces revêtent une importance particulière pour les Mi’kmaqs.

Les trois représentants des Mi’kmaqs qui ont témoigné dans le cadre de cette étude ont clairement dit qu’il était important de procéder à des consultations approfondies et sérieuses à l’avenir.

C’est le devoir et l’honneur de la Couronne fédérale de rendre la situation en main et de veiller à ce qu’il y ait une consultation exhaustive.

Je tiens à remercier le sénateur Quinn et M. Lyle Skinner, son directeur des affaires parlementaires, d’avoir travaillé si fort pour inclure des amendements significatifs qui répondent aux préoccupations soulevées par les Mi’kmaqs.

Un amendement que l’organisme Kwilmu’kw Maw-klusuaqn a demandé, qui a peut-être été oublié, n’aura peut-être pas beaucoup d’incidence sur la partie importante du projet de loi, mais il demeure néanmoins important. Il est toujours important de souligner l’histoire d’un lieu afin de reconnaître son importance pour les générations actuelles et futures.

Dans le même ordre d’idées, je suis d’accord avec la suggestion de Kwilmu’kw Maw-klusuaqn d’amender le préambule afin de souligner l’importance historique et culturelle de la région pour les Mi’kmaqs et, comme le sénateur Cormier l’a indiqué aujourd’hui, pour le peuple acadien.

L’inclusion d’une telle déclaration permettrait à quiconque lit le projet de loi de comprendre que l’importance de l’isthme de Chignecto ne se limite pas au commerce. Nous devons protéger et préserver la chasse qu’on y pratique, son histoire et les êtres vivants qui y habitent.

Adoption de la motion d’amendement

L’honorable Paul J. Prosper : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi S-273, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau au préambule, à la page 1, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« que l’isthme de Chignecto est d’une importance culturelle et historique cruciale pour les peuples Mi’kmaq et acadien; ».

Wela’lioq. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion d’amendement?

Des voix : D’accord.

(La motion d’amendement de l’honorable sénateur Prosper est adoptée.)

Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, tel que modifié.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je suis heureux de participer aujourd’hui à la discussion à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi sur le réseau de digues de l’isthme de Chignecto, parrainé par le sénateur Quinn, mon collègue des Maritimes. Je le fais en tant que porte-parole pour ce projet de loi.

Il est encourageant, surtout pour ceux d’entre nous qui vivent dans le Canada atlantique, de voir cet important projet de loi progresser de façon constante grâce aux mécanismes d’examen du Sénat. À cette étape-ci du processus, je crois que nous connaissons tous bien le terme topographique souvent mentionné — « isthme » —, qui désigne une bande de terre étroite qui sépare deux grands cours d’eau et qui relie deux grandes masses terrestres. Dans ce cas-ci, l’isthme de Chignecto sépare le détroit de Northumberland, dans le golfe du Saint-Laurent, de la baie de Fundy au Sud-Ouest et relie les provinces de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick.

Chers collègues, c’est la position géographique et le rôle vital de cet isthme qui rendent cette discussion pertinente.

Comme je l’ai souligné à l’étape de la deuxième lecture, cette bande de 13 milles de large qui relie la Nouvelle-Écosse au continent nord-américain existe dans des circonstances uniques. C’est le seul lien terrestre entre la Nouvelle-Écosse et la partie continentale du Canada et, à ce titre, il joue un rôle vital pour l’industrie et notre économie. Plus de 35 milliards de dollars de marchandises transitent par le corridor chaque année, ainsi que 15 000 véhicules par jour et des millions de personnes par année.

L’activité quotidienne le long de ce corridor dessert directement la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve, et on ne peut surestimer son importance. Cette petite bande de terre est essentiellement un pont terrestre, et l’ensemble des routes, des services ferroviaires, des télécommunications par fibre optique et des pipelines qui passent par cette région dépendent de ce corridor.

En outre, cette zone située à peine au-dessus du niveau de la mer est coincée entre deux grandes masses d’eau, dont l’une a les marées les plus hautes, les plus basses et les plus fortes du monde. Cela présente des vulnérabilités et des risques particuliers qu’il faut atténuer afin d’éviter des conséquences catastrophiques pour la sécurité et l’économie de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du reste du Canada.

Il convient de noter que, même si la nécessité d’un réseau de digues sur l’isthme ne date pas d’aujourd’hui — certaines des digues en terre de la région ont été construites par les Acadiens à la fin du XVIIe siècle —, les risques et les pressions sur le réseau sont aujourd’hui exacerbés par la menace de l’élévation du niveau de la mer et par la fréquence croissante des phénomènes météorologiques violents sur la côte atlantique.

Comme je l’ai indiqué à l’étape de la deuxième lecture, les scientifiques ont constaté qu’avec la hausse des températures de surface des océans le long de la côte Est, la côte atlantique devient plus vulnérable aux tempêtes tropicales et aux ouragans. Ceux-ci augmentent en intensité et en fréquence, apportant avec eux des vents violents, des pluies abondantes, des houles océaniques dangereuses et de la destruction pour les Canadiens de l’Atlantique.

Pour nous, les habitants des Maritimes, le mauvais temps est quelque chose qui nous est familier. Toutefois, je peux confirmer que les événements météorologiques extrêmes — les précipitations record, les tempêtes tropicales, les ouragans, les tempêtes de neige et même les incendies de forêt — sont plus fréquents aujourd’hui qu’à toute autre période de ma vie. On peut comprendre que les gouvernements et les habitants du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve aient de vives inquiétudes à l’égard de l’efficacité du réseau de digues vieillissant à Chignecto. Par conséquent, cela explique les attentes envers le gouvernement fédéral pour assumer la responsabilité du projet.

Je vais m’abstenir de répéter une grande partie du contexte historique que j’ai fourni dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, mais il y a certains aspects historiques qui se rapportent à la discussion d’aujourd’hui.

En 1948, après des pressions persistantes de la part des habitants des Maritimes qui reconnaissaient la nécessité d’améliorer considérablement le réseau de digues, le Parlement a adopté la Loi sur l’utilisation des terrains marécageux des provinces maritimes. Aux termes de cette loi, le gouvernement fédéral devait payer la totalité du coût de construction et d’amélioration des digues et des barrages dans la région. Maintenant, 75 ans plus tard, ce sont les mêmes digues qui doivent être remplacées, modernisées ou renforcées, à un coût estimatif de 650 millions de dollars.

Chers collègues, que se produirait-il si cette vieille infrastructure cédait? Que se passerait-il si un événement météorologique rendait soudainement impraticable ce corridor étroit? La Nouvelle-Écosse deviendrait une île, et le lien qui assure notre survie serait détruit. Les répercussions seraient aussi terribles pour Terre-Neuve. Non seulement ce serait dévastateur pour les habitants et les entreprises de la Nouvelle-Écosse et du Canada atlantique, mais cela aurait de lourdes conséquences sur l’économie et les industries nationales.

(1730)

L’isthme de Chignectou est un corridor commercial et utilitaire essentiel pour l’ensemble du pays.

Puisque le gouvernement fédéral est responsable du commerce interprovincial, les gouvernements du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse estiment qu’Ottawa devrait assumer la totalité des coûts. Toutefois, le gouvernement fédéral n’offre d’en couvrir que la moitié par l’intermédiaire du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes, ce qui, bien entendu, viderait le Fonds pour tout autre projet qui pourrait en avoir besoin.

Pour des raisons que je vais exposer, ce n’est pas seulement inéquitable, c’est également injuste et inégalitaire.

Le projet de loi du sénateur Quinn propose de déclarer que le système de digues de Chignecto est à l’avantage général du Canada, un principe qui trouve son fondement dans la Constitution et qui permet au gouvernement fédéral d’exercer ses compétences sur les travaux qu’il juge être dans l’intérêt national.

Les Pères de la Confédération ont donné au Parlement un pouvoir déclaratoire afin de déterminer quels travaux sont dans l’intérêt national, transférant ainsi la compétence pour ces travaux au fédéral. Comme nous en avons discuté, la proposition du sénateur Quinn n’est pas sans précédent.

Il n’y a pas longtemps, en 2014, le gouvernement Harper a promulgué la Loi visant le nouveau pont pour le Saint-Laurent, dans laquelle il déclare que le pont Champlain à Montréal et les travaux connexes sont à l’avantage général du Canada.

Comme on avait jugé que la structure du pont Champlain était en mauvais état, il fallait se pencher sur son avenir, mais le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal disaient ne pas pouvoir assumer le coût des réparations. Or, il fallait agir de toute urgence, dans l’intérêt du pays, d’où la décision du gouvernement Harper d’aider à la construction du nouveau pont Champlain et de recourir au pouvoir déclaratoire pour ce faire.

Précisons que cet engagement du gouvernement Harper s’accompagnait d’une entente raisonnable et financièrement responsable selon laquelle le nouveau pont de Montréal comprendrait un péage afin de recouvrer les coûts initiaux considérables qui allaient être assumés par les contribuables à l’échelle fédérale. Je crois que l’approche de l’utilisateur-payeur est le meilleur moyen de financer les infrastructures qui sont utilisées par la collectivité locale, y compris les ponts. La Ville de Montréal aurait pu adopter un système de péage pour tous les ponts de la ville afin de limiter la circulation aux heures de pointe tout en générant des revenus.

Cependant, comme nous le savons, après l’élection du gouvernement Trudeau, la décision de mettre en place un péage sur le nouveau pont Champlain a été abandonnée. Le nouveau gouvernement Trudeau a plutôt décidé de faire don à Montréal d’un élément d’infrastructure important et coûteux qui relève incontestablement de la municipalité et de la province. Le coût considérable de ce nouveau pont, qui s’élève à 4,2 milliards de dollars, doit être assumé exclusivement par les contribuables fédéraux.

Chers collègues, ne vous méprenez pas. Je conviens que le remplacement du pont Champlain était dans l’intérêt du pays et d’une importance capitale pour l’économie et pour tout le pays — mais il s’agit d’un pont municipal, qui est par conséquent de compétence provinciale. Cependant, le gouvernement fédéral a jugé approprié d’utiliser le pouvoir déclaratoire pour un projet d’infrastructure majeur et a décidé d’en assumer entièrement le coût. Il s’agit d’un précédent.

Toutes les régions, toutes les provinces et tous les Canadiens doivent être traités de façon équitable — en particulier lorsqu’il existe un précédent bien établi où le gouvernement fédéral a versé des sommes importantes de fonds publics à une région du pays pour des projets d’infrastructure. Il faut se garder de refuser d’emblée d’assumer la responsabilité de projets semblables dans l’Atlantique. La principale différence, c’est que le réseau de l’isthme est un enjeu interprovincial, ce qui le fait relever d’office de la compétence fédérale. Il n’y a pas de quoi couper les cheveux en quatre.

Malheureusement, les gens de ma région ont l’habitude d’avoir l’impression d’être traités comme des citoyens de seconde zone par le gouvernement fédéral. Or, quand il existe des précédents, on s’attend à ce qu’un traitement équitable soit accordé à tous et que le gouvernement de la fédération canadienne réponde aux besoins de tous les Canadiens de façon équitable.

Pourquoi est-il juste, aujourd’hui, que les habitants de l’Île‑du‑Prince-Édouard et ceux qui visitent l’île continuent à payer des péages, alors que d’autres ponts financés par le gouvernement fédéral en sont exemptés, en particulier lorsqu’une infrastructure comme le pont de la Confédération est en réalité sous la responsabilité du gouvernement fédéral? Ces questions sont raisonnables.

Le gouvernement fédéral a pris en charge la totalité du coût du nouveau pont Champlain de 4,2 milliards de dollars à Montréal, sans péage, afin de maintenir le corridor économique qu’il offre. Étant donné que 20 milliards de dollars de marchandises passent chaque année de l’île de Montréal à la rive sud du Saint-Laurent, je reconnais qu’il s’agit là d’un investissement fédéral justifié.

Dans l’intérêt de l’équité entre les régions, la même logique devrait être appliquée à l’infrastructure vitale d’intérêt national dans les Maritimes. L’isthme de Chignecto est un point d’étranglement critique qui permet des échanges commerciaux d’une valeur de 35 milliards de dollars par année, alors que le coût de la solution proposée ne représente qu’un septième du coût du pont Champlain.

Le mois dernier, le gouvernement Trudeau a annoncé l’octroi de 1 milliard de dollars pour l’achat et l’entretien du pont de Québec, décrivant l’infrastructure comme « un lien de transport régional essentiel, un corridor de transport de marchandises stratégique et un élément important de la chaîne d’approvisionnement canadienne ». La description de ce corridor me semble terriblement familière.

L’argent frais destiné à maintenir un autre corridor commercial au Québec n’est pas passé inaperçu en Nouvelle-Écosse.

En réponse à cette annonce, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a publié une déclaration dans laquelle il exprime son irritation constante à l’égard du gouvernement fédéral et de sa façon de négliger notre région. Cette déclaration dit ceci :

Nous méritons d’être traités équitablement, comme d’autres provinces l’ont été par le passé. Aujourd’hui, une fois de plus, le gouvernement fédéral choisit de nous négliger alors qu’il en favorise d’autres.

Elle souligne aussi les points suivants :

L’isthme voit passer chaque jour des marchandises d’une valeur d’environ 100 millions de dollars, notamment des denrées alimentaires qui nourrissent les Canadiens, des véhicules, des produits forestiers, des fournitures essentielles à l’industrie manufacturière dans d’autres régions du pays, et bien d’autres choses encore. Il permet également aux gens de se rendre dans la province pour des rendez-vous médicaux importants, pour suivre des cours et pour accéder aux autres provinces de l’Atlantique.

Elle rappelle ensuite ceci :

Nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement fédéral de reconnaître sa responsabilité envers cette infrastructure d’importance nationale, dont la perte aurait des répercussions sur l’ensemble du pays.

La déclaration se conclut comme suit :

Le gouvernement fédéral a la responsabilité de traiter tous les Canadiens sur un pied d’égalité et ne devrait pas favoriser une province au détriment d’une autre. J’exhorte une fois de plus le gouvernement fédéral à faire preuve de leadership et à financer intégralement ce projet avant qu’il ne soit trop tard.

Dans un article de CBC/Radio-Canada, le premier ministre Houston s’en prend directement aux députés libéraux qui représentent la Nouvelle-Écosse :

Il devient de plus en plus embarrassant pour les députés libéraux de cette province [...] de faire partie d’un caucus qui se montre si peu réceptif à une question aussi importante pour la province qu’ils représentent.

À une audience du Comité des transports sur le projet de loi, le premier ministre Higgs, du Nouveau-Brunswick, a lui aussi exprimé sa frustration quant au manque d’équité régionale, exhortant les sénateurs à reconnaître la nécessité d’un traitement égal.

Le premier ministre Higgs a déclaré :

[...] la responsabilité ultime de sécuriser l’isthme incombe au gouvernement du Canada, comme pour les routes et les chemins de fer qu’il a construits ces 150 dernières années pour relier tout le pays d’un océan à l’autre.

Il a poursuivi en disant :

Il y a une dizaine d’années, le Parlement a utilisé le pouvoir déclaratoire pour que le gouvernement fédéral assume l’entière responsabilité administrative et prenne la décision stratégique de construire et d’entretenir le pont Champlain sur le fleuve Saint-Laurent, à Montréal. Ce projet était entièrement situé dans la province de Québec. Dans l’intérêt de l’équité et du respect pour la région, je demande aux sénateurs et aux sénatrices de traiter de la même manière la demande des provinces atlantiques.

La ministre des Travaux publics de la Nouvelle-Écosse, Kim Masland, a aussi témoigné devant le comité. Elle a précisé davantage les raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral devrait prendre en charge le projet, qui est d’intérêt national. Elle a évoqué les effets néfastes qu’une rupture des digues de Chignecto aurait sur la chaîne d’approvisionnement et la sécurité alimentaire :

Un grand nombre de nos producteurs agricoles envoient leurs produits vers le reste du pays par ce corridor, aidant ainsi à nourrir les Canadiens et les Canadiennes. Les aliments pour le bétail, essentiels pour les éleveurs, surtout ceux des secteurs de la volaille, des produits laitiers et du bœuf, arrivent souvent de l’extérieur de notre province. Nos agriculteurs et nos collectivités comptent aussi sur l’isthme pour le transport de la nourriture transformée à l’extérieur de notre province. Les restaurants et les épiceries ne pourraient plus offrir du homard frais, des pétoncles et d’autres fruits de mer de la Nouvelle‑Écosse qui sont devenus des produits favoris. On ne dira jamais assez que, sans l’isthme, la chaîne d’approvisionnement alimentaire aurait de gros problèmes. Les marchandises qui traversent la région nous permettent littéralement de mettre de la nourriture sur les tablettes et de nourrir les gens.

Je note également que les assemblées législatives du Nouveau‑Brunswick et de la Nouvelle-Écosse ont adopté à l’unanimité des résolutions soutenant ce projet de loi.

Notre comité des transports a également entendu divers témoins, notamment des fonctionnaires des ministères, des experts juridiques et universitaires et des représentants des communautés autochtones.

En ce qui concerne les questions juridiques relatives à l’autorité constitutionnelle et à l’utilisation du pouvoir déclaratoire, je pense que le sénateur Quinn a fourni un raisonnement valable et suffisant et un résumé précis des témoignages favorables entendus par le comité.

Chers collègues, je l’ai déjà dit à l’étape de la deuxième lecture, mais cela mérite d’être répété : les gens des Maritimes ont l’habitude de se sentir oubliés ou traités comme des citoyens de seconde zone par les gouvernements successifs à Ottawa. En fait, les Pères de la Confédération l’avaient prévu. Lorsque John A. Macdonald et les Pères de la Confédération se sont réunis pendant deux semaines à Charlottetown, six jours entiers ont été consacrés uniquement à la création du Sénat et à sa composition. Ils ont constitué un Sénat formé sur la base de la représentation régionale. Bien que nous soyons nommés en fonction de notre province, notre représentation est régionale, et nous devons nous rappeler que l’un de nos devoirs est d’assurer l’équité régionale.

(1740)

Le projet de loi n’est pas une attaque contre le Québec. Il ne s’agit pas de faire valoir que le Québec ne devrait pas recevoir les fonds nécessaires pour les projets d’infrastructure qui sont dans l’intérêt national. Le fait est que nous avons un projet d’infrastructure dans les Maritimes qui est sans aucun doute dans l’intérêt national et que le gouvernement fédéral refuse d’accepter l’entière responsabilité de ce projet alors qu’il fournit activement un financement complet pour des projets beaucoup plus coûteux dans d’autres régions du pays — des projets qui ne traversent pas les frontières provinciales, alors que ce doit être le cas pour qu’ils soient de compétence fédérale exclusive en vertu de la répartition des pouvoirs dans la Constitution.

La protection de ce corridor interprovincial vital est dans l’intérêt national, c’est évident. Lorsqu’il s’agit de l’intérêt national, les normes qui s’appliquent dans une région doivent s’appliquer partout ailleurs au pays.

Je félicite le sénateur Quinn pour le leadership dont il a fait preuve en parrainant ce projet de loi. Il est toutefois regrettable que la région de l’Atlantique doive recourir à un projet de loi d’intérêt public du Sénat pour faciliter la prise de mesures et l’égalité de traitement de la part du gouvernement fédéral. Le gouvernement élu, qui contrôle actuellement la majorité des sièges dans la région de l’Atlantique, devrait prendre l’initiative dans ce domaine.

J’appuie ce projet de loi tel qu’il est amendé, chers collègues, et je vous encourage à faire de même. Merci.

L’honorable Andrew Cardozo : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? C’est une petite question rapide. Je vous prie de m’excuser si vous la trouvez trop simple. Lors des travaux du Comité des transports et des communications, nous avons eu une excellente occasion de nous familiariser avec cette région. C’est une très belle région du Canada et, en effet, le besoin est urgent.

Avez-vous une idée de la date à laquelle ce projet doit être réalisé et du temps qu’il prendra?

Le sénateur MacDonald : Je suis d’avis qu’il s’agit probablement d’un projet qui aurait dû être terminé hier. Plus nous attendons pour nous en occuper, plus nous risquons qu’un événement plus désastreux se produise. Je pense que nous aurions été prêts à le réaliser pour qu’il soit terminé hier.

[Français]

Rejet de la motion d’ajournement du débat

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Gerba, vous avez une question?

L’honorable Amina Gerba : Je propose l’ajournement du débat à la prochaine séance.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Gerba propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Dalphond, que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat. Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Non.

(La motion est rejetée avec dissidence.)

[Traduction]

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Quinn, appuyée par l’honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-273, Loi déclarant le réseau de digues de l’isthme de Chignecto et ses ouvrages connexes comme étant des ouvrages à l’avantage général du Canada, tel que modifié.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente : L’honorable sénateur Quinn propose que le projet de loi modifié soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Quinze minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : On s’est entendu pour que la sonnerie retentisse pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 17 h 58. Convoquez les sénateurs.

(1750)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Arnot MacAdam
Ataullahjan MacDonald
Aucoin Manning
Batters Marshall
Bernard Martin
Boehm McBean
Brazeau Miville-Dechêne
Burey Moodie
Cardozo Osler
Carignan Oudar
Clement Pate
Cordy Petitclerc
Cormier Petten
Cotter Plett
Coyle Prosper
Dagenais Quinn
Dalphond Ravalia
Dasko Richards
Deacon (Nouvelle-Écosse) Robinson
Deacon (Ontario) Ross
Downe Seidman
Duncan Smith
Forest Sorensen
Gerba Tannas
Gignac Varone
Housakos Verner
Kutcher Wells—55
Loffreda

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Massicotte
Gold McNair
Harder Ringuette
Kingston Simons
LaBoucane-Benson Woo—10

ABSTENTIONS
Les honorables sénatrices

Lankin Omidvar
Mégie Saint-Germain—4

(1800)

Projet de loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale

Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McCallum, appuyée par l’honorable sénateur Al Zaibak, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale.

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous faire part des observations de la sénatrice Galvez au sujet du projet de loi C-226, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale visant à évaluer et prévenir le racisme environnemental ainsi qu’à s’y attaquer et à faire progresser la justice environnementale. Voici ce qu’elle a écrit :

J’entends vous convaincre de voter à l’unanimité en faveur du projet de loi, comme nous l’avons fait en comité.

Le projet de loi C-226 a pour objectif « [...] d’élaborer une stratégie nationale visant à promouvoir les initiatives, dans l’ensemble du Canada, pour s’attaquer aux préjudices causés par le racisme environnemental ». Le racisme environnemental est un problème majeur qui touche des groupes méritant l’équité et qui a des répercussions sur les populations autochtones, noires et racialisées ainsi que les personnes à faible revenu. Il cause une myriade de préjudices propres à chaque communauté qui en souffre. Ce projet de loi est un élément indispensable de ce qui doit constituer l’échafaudage législatif fondamental du Canada, de manière à remédier aux injustices environnementales et à garantir l’accès à un environnement sain et sûr pour tous les Canadiens.

Au cours de l’étude du projet de loi en comité, nous avons entendu des témoignages d’Autochtones, chacun ayant sa propre expérience vécue du racisme environnemental. Leurs paroles font la lumière sur leurs vérités et mettent en évidence le triste héritage du Canada et la perpétuation du racisme environnemental. Nous ne pouvons plus rester les bras croisés alors que ces groupes, à travers le pays, continuent de subir les méfaits des injustices environnementales.

Le chef Chris Plain, de la Première Nation Aamjiwnaang, a parlé des répercussions sur sa communauté :

Au cours des 100 dernières années, les terres et les eaux d’Aamjiwnaang ont été appauvries par la surexploitation. Toutes les facettes de l’environnement d’Aamjiwnaang sont polluées, notamment l’air, le sol et l’eau. Les experts qualifient les terres traditionnelles d’Aamjiwnaang de surchargées ou saturées, ce qui signifie que cette zone a atteint un état qui ne peut plus supporter la moindre pollution. D’ailleurs, il est probable que les terres traditionnelles d’Aamjiwnaang soient parvenues à cet état il y a déjà de nombreuses années.

Mme Ingrid Waldron, directrice du projet ENRICH, qui traite de la nocivité environnementale, des inégalités raciales et de la santé communautaire, a expliqué au comité pourquoi ces situations se perpétuent :

Le racisme environnemental ne se manifeste pas en vase clos par rapport aux autres iniquités structurelles qui touchent les communautés autochtones et racisées. Au contraire, ces inégalités structurelles sont un terreau fertile permettant au racisme environnemental de s’enraciner et de se perpétuer au fil des générations. Parmi ces injustices structurelles, notons les politiques et les actions qui, au sein de nos structures sociales et de nos institutions, conduisent au sous-emploi et au chômage, à l’insécurité financière et à la pauvreté, à l’excès de zèle policier et au profilage racial, aux mauvais résultats scolaires, à l’insécurité alimentaire, à l’insécurité du logement, à des infrastructures publiques déficientes, y compris un manque d’espaces verts, de sentiers et de trottoirs, et à un mauvais état de santé. Si nous voulons parvenir à une justice environnementale pour les communautés racisées, il est donc important de s’attaquer à ces inégalités qui agissent en tandem au sein de nos structures sociales pour alimenter le racisme environnemental.

Le racisme environnemental est un héritage du colonialisme qui persiste en tant que pilier de nos valeurs sociétales et de notre économie de gaspillage capitaliste. L’idée que certaines communautés méritent moins de bénéficier d’un environnement sain indique — de façon concrète — qu’on accorde moins de valeur ou moins d’importance aux membres de ces communautés. Une telle idée est contraire à l’éthique, voire criminelle. Nous devons expurger ces notions de nos valeurs sociétales et emprunter humblement le chemin de la réconciliation, en permettant aux communautés touchées par les injustices environnementales de montrer la voie.

Des lois canadiennes importantes destinées à protéger l’environnement et à garantir un environnement sain à tous les Canadiens, c’est-à-dire la Loi sur l’évaluation d’impact et la version modernisée de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, n’exigent pas d’examen holistique des projets et des aménagements, et permettent au contraire le cloisonnement des questions environnementales. Notre paradigme occidental actuel et nos systèmes juridiques coloniaux nous permettent de traiter les différentes industries de manière différente, et nous permettent également de traiter diverses questions environnementales de manière différente. Ce cloisonnement ne tient pas compte des effets environnementaux, sanitaires et sociaux cumulés des divers projets et aménagements.

Le projet de loi C-226 nous obligera à jeter un regard intersectionnel et holistique sur les effets des lois et des politiques environnementales au Canada et il nous aidera à voir le lien entre ce projet de loi et des lois comme la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.

(1810)

Les effets dommageables du racisme environnemental sur la santé physique et mentale comprennent, entre autres, des troubles endocriniens, neurodégénératifs et mentaux, des maladies auto-immunes, des cancers, des troubles neurodéveloppementaux et musculaires dus à l’exposition à des toxines rejetées dans l’environnement, ainsi que des cas de leucémie infantile, des maladies cardiovasculaires, des effets neurologiques, des malformations congénitales et des maladies respiratoires graves liées à la fracturation hydraulique. En outre, les effets sur la santé mentale et physique associés à une rupture du lien avec l’environnement, y compris l’insécurité alimentaire, et les effets sur l’identité culturelle résultant de la dégradation et de la dévastation de l’environnement se font durement ressentir, en particulier chez les communautés autochtones.

Dans son témoignage, Ingrid Waldron a dit ceci à propos du projet de loi :

Le projet de loi C-226 se démarque par sa portée assez large pour englober les expériences partagées des communautés autochtones, des communautés noires et des autres groupes marginalisés qui ont été victimes de racisme environnemental. En même temps, le projet de loi C-226 est suffisamment ciblé pour répondre à la nécessité d’examiner les intersections entre la race, le statut socioéconomique, le risque environnemental et la santé.

Je suis d’accord avec les universitaires, y compris Mme Waldron, les avocats, les professionnels de la santé et les nombreux dirigeants de communautés autochtones qui ont tous réclamé l’adoption rapide du projet de loi C-226 sans amendement.

Au Canada, les politiques de justice environnementale n’ont que trop tardé. Aux États-Unis, le mouvement pour la justice environnementale a pris naissance au début des années 1980, il y a environ 40 ans, lorsque des quartiers à prédominance noire ont commencé à exprimer leurs préoccupations concernant les projets d’infrastructures toxiques entourant leurs communautés. Au milieu des années 1990, le gouvernement fédéral des États-Unis a commencé à s’attaquer aux questions de justice environnementale à l’aide d’un décret qui établit des bureaux de justice environnementale au sein des agences fédérales, comme l’Agence de la protection de l’environnement des États-Unis et le département de la Justice des États-Unis. Le Canada n’a pas encore reconnu comme il se doit le racisme environnemental et ses conséquences, et le pays accuse un retard de 30 ans par rapport à son voisin du Sud pour régler des questions de justice environnementale.

Chers collègues, nous avons aujourd’hui l’occasion d’entreprendre notre propre cheminement en matière de justice environnementale aux côtés des personnes les plus touchées par le racisme environnemental. Nous ne devons ni hésiter ni tarder. Les gens que nous représentons comptent sur nous pour faire ce qui est juste.

L’adoption du projet de loi C-226 représente une lueur d’espoir pour toutes les communautés auxquelles on a laissé un héritage d’injustices environnementales et pour tous ceux qui cherchent aujourd’hui à se libérer du racisme environnemental. Cependant, il est inacceptable d’attendre que le ministre dépose un rapport dans deux ans. Le gouvernement du Canada et l’industrie doivent prendre des mesures immédiates et faire progresser de bonne foi la justice environnementale au moyen de consultations communautaires sérieuses, afin d’instaurer une certaine équité au sein des communautés qui sont touchées par les industries polluantes ou qui cherchent activement à se protéger contre de nouvelles injustices environnementales.

Les répercussions environnementales, économiques et sociales du racisme environnemental sur les communautés autochtones, notamment la perte de la culture et de la langue et la détérioration de la santé, sont profondes. Lutter contre le racisme environnemental est un aspect essentiel de la réconciliation avec les peuples autochtones. Parallèlement, le projet de loi C-226 offrirait une protection contre le racisme environnemental pour les Noirs, les personnes racisées et les communautés à faible revenu, qui subissent aussi de graves torts à cause des injustices environnementales. En temps voulu, le projet de loi C-226 apporterait des avantages à toutes les collectivités canadiennes parce qu’elles seraient mieux protégées elles aussi.

Je vous invite tous à appuyer le projet de loi C-226 et à l’adopter sans tarder.

Merci. Meegwetch.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L’avenir de CBC/Radio-Canada

Interpellation—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de passer aux autres affaires, interpellations, article no 22 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénateur Cardozo, attirant l’attention du Sénat sur l’avenir de CBC/Radio-Canada.

L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je prends la parole dans le cadre de l’interpellation no 22 sur l’avenir de CBC/Radio-Canada. Le point de vue que j’apporterai aujourd’hui est centré sur la représentation des Canadiens de race noire dans les médias.

Chers collègues, la représentation positive n’y pas toujours été aussi répandue qu’aujourd’hui. Comme l’a dit le sénateur Cardozo dans son discours, cette organisation a eu la réputation d’être trop blanche. Après de nombreuses années de revendications, nous constatons énormément de changements dans cette organisation. Beaucoup d’entre nous ont lutté pour le changement et pour l’inclusion d’une représentation des communautés autochtone et noire tout au long de l’année.

Bien que j’observe une représentation des Autochtones beaucoup plus importante que par le passé, je me limiterai aujourd’hui à parler de la communauté noire.

Aujourd’hui, lorsque je me tourne vers CBC/Radio-Canada, je constate tous les efforts déployés pour célébrer et mettre à l’honneur les voix et les talents des Noirs. Il y a à la radio et à la télévision nationales des reportages qui traitent des problèmes que vivent les Noirs canadiens. Quand j’allume la radio en Nouvelle-Écosse, j’entends des segments sur les communautés noires en février à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs et en août pour le Jour de l’émancipation, mais aussi, ce qui est plus important encore, j’y entends du contenu semblable pendant tous les autres mois.

La série de films « Being Black » de CBC, qui contient de courts métrages sur la condition des Noirs au Canada, notamment à Halifax, à Montréal et à Toronto, a donné aux cinéastes et aux réalisateurs noirs une tribune où dépeindre les expériences complexes que vivent les Canadiens de race noire. Ce n’est que trop facile que de se concentrer uniquement sur les problèmes et la discrimination, mais des initiatives comme celle-là permettent de montrer les nuances complexes qui existent entre la discrimination et la célébration, entre la souffrance et la joie.

De plus, CBC/Radio-Canada a lancé une série de profils intitulée « Black Changemakers », qui braque les projecteurs sur des personnes noires qui sont des chefs de file de leur domaine. CBC/Radio-Canada déploie aussi des efforts concertés pour célébrer la joie, les réussites et l’excellence des Noirs. Je crois qu’à titre de diffuseur public, CBC/Radio-Canada contribue à faire du Canada un pays plus équitable.

Quand il s’agit d’équité, d’inclusion et de sensibilisation à la lutte contre le racisme, la représentation des Noirs dans les arts joue un rôle clé, puisqu’elle donne aux autres Canadiens un aperçu de la vie des Afro-Canadiens, racontée avec leurs propres mots. En plus des nouvelles et des dossiers d’affaires publiques présentés à la radio, il y a des émissions de télévision comme Diggstown. Cette série, qui portait sur une avocate afro-néo-écossaise, a été diffusée pendant trois ans. Les Afro-Néo-Écossais la regardaient avec une immense fierté.

Les programmes comme celui-là ont une valeur incroyable pour les groupes marginalisés tels que les Afro-Néo-Écossais, plus que toute autre représentation. Ils donnent aussi aux autres Canadiens l’occasion de voir la vie de différentes communautés qui ont des racines profondes dans ce pays.

On sait que, pour les jeunes enfants, se voir représenté de manière positive dans les médias contribue à une bonne estime de soi. Il faut continuer de travailler dans ce sens pour la prochaine génération.

CBC Nouvelle-Écosse a formé un conseil consultatif communautaire dont les 25 membres sont des Afro-Néo-Écossais et des personnes d’origine africaine. Ces incroyables membres de la communauté ont été choisis pour conseiller la CBC sur son contenu, y compris sur des rapports précis et des perspectives éditoriales à long terme.

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Chers collègues, c’est de ce type d’engagement envers la représentation des Noirs sur toutes les plateformes et dans tous les médias dont notre pays a besoin chez le radiodiffuseur public. D’une certaine manière, je considère que ce n’est que le début de quelque chose de très puissant : financer un lieu où les Noirs peuvent se voir dans les médias et où la prochaine génération de journalistes noirs peut s’imaginer travailler.

Chers collègues, je considère que l’avenir de CBC/Radio-Canada est essentiel au tissu de la culture canadienne. Cette société joue un rôle déterminant dans la création de médias représentatifs et dans la couverture de l’actualité pour les Afro-Canadiens. J’apprécie la programmation que CBC/Radio-Canada a mise au point afin qu’elle soit inclusive et représentative des groupes racisés, et comme j’ai vu les changements très positifs dans la représentation des Noirs au fil des ans, je peux envisager notre avenir avec un espoir critique.

Merci, sénateur Cardozo, d’avoir lancé cette interpellation et de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur le sujet. Merci.

(Le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-13(2) du Règlement, je propose :

Que la séance soit maintenant levée.

Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(À 18 h 22, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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