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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)


LES DROGUES ILLICITES AU CANADA - 
TENDANCES 1980-2001 : EXAMEN ET ANALYSE
DES DONNÉES SUR L'APPLICATION DES LOIS

PRODUIT POUR LE COMITÉ SPÉCIAL SÉNATORIAL SUR
LES DROGUES ILLICITES

Gérald Lafrenière
Leah Spicer
Division du droit et du gouvernement

Bibliothèque du Parlement
Library of Parliament 
Le 26 juin 2002


INTRODUCTION

Le présent rapport, basé sur les données présentées dans la publication de la GRC intitulée Rapport annuel national sur les drogues pour les années 1980 à 1994 ainsi que dans la forme abrégée de ce rapport annuel intitulé Situation au Canada - drogues illicites, pour les années 1995 à 2000, offre une vue d'ensemble de ce qui s'est passé dans le domaine des drogues au Canada au cours des 20 dernières années, du point des autorités chargées de la lutte antidrogue. Ce rapport analyse les tendances en matière de saisies, de trafic, d'importation et de production de drogues illicites telles que l'héroïne, la cocaïne, le cannabis et certaines drogues chimiques, afin d'offrir un portrait de la situation au Canada dans ce domaine.

Avant que ne s'amorce l'examen des tendances observées dans l'évolution de la situation concernant les drogues au Canada, la première partie de cette étude avertit le lecteur que les données analysées doivent être traitées avec une certaine prudence. Bien que les renseignements tirés des rapports de la GRC sur les drogues donnent un certain portrait de la situation, l'utilisation de ces données pose des problèmes d'ordre méthodologique. Selon le rapport des Nations Unies intitulé Tendances mondiales des drogues illicites, 2001 , ceci n'est pas inhabituel puisque " la plupart des pays ne disposent pas des systèmes de surveillance adéquats dont ils auraient besoin pour produire des données fiables, exhaustives et comparable sur le plan international " . Comme il sera dit ultérieurement, il existe deux grandes méthodes pour dresser un portrait de la situation en matière de drogues : celle qui est basée sur la consommation et celle qui est basée sur l'offre . Puisque les rapports de la GRC portent principalement sur la lutte qu'elle mène contre le narcotrafic aux échelons supérieurs dans le but de réduire l'offre de drogues sur le marché canadien, cette étude fait principalement ressortir les problèmes découlant d'une méthode basée sur l'offre pour l'analyse de la situation. Pour une vision plus complète cependant, il est également fait mention des problèmes méthodologiques propres à une évaluation de la situation fondée sur la consommation.

Il devient évident, après analyse des tendances observables au Canada en ce qui regarde l'héroïne, la cocaïne, le cannabis et certaines drogues chimiques, que si le portrait ainsi dégagé fournit un aperçu de la situation au pays on ne peut se fier uniquement aux données sur l'offre pour décrire de manière précise cette situation. La dernière section du présent rapport remet en question l'utilité des données tirées de la lutte antidrogue. Il y est d'abord demandé si la lutte antidrogue a un effet quelconque sur la situation puisqu'il est difficile de surmonter les problèmes inhérents à la présence des drogues. Deuxièmement, elle montre que les évaluations de la situation se complexifient davantage du fait qu'il existe au Canada diverses sources de cueillette de renseignements sur la lutte antidrogue. Il devient ainsi difficile de savoir de manière sûre laquelle des estimations est la plus juste.

Globalement, cette étude tente d'attirer l'attention des décideurs sur certains problèmes méthodologiques que pose l'évaluation de la situation au Canada en ce qui a trait aux drogues. En conclusion, elle recommande qu'avant de prendre des mesures devant permettre de faire des progrès importants dans le contrôle de l'offre et de la demande de drogues illicites au Canada, on s'attaque à ces problèmes méthodologiques de façon à ce que les responsables de l'action gouvernementale puissent prendre en cette matière des décisions éclairées et fondées sur des données empiriques.

PARTIE I - QUESTIONS MÉTHODOLOGIQUES

Avant d'analyser ce qui s'est passé au Canada au cours des vingt dernières années dans le domaine des drogues, il faut faire remarquer que si le Rapport annuel national sur les drogues de la GRC et ses rapports intitulés Situation au Canada - drogues illicites ont été produits dans le but d'offrir à la population canadienne un aperçu de l'ampleur du phénomène des drogues au Canada, " les effets de nombreuses stratégies policières demeurent incertains " . Ceci fait en sorte qu'il est difficile de connaître de manière sûre la disponibilité réelle des drogues illicites dans un pays, tout aussi bien que les tendances qui se manifestent dans le domaine des drogues au cours d'une période donnée.

En 1994, le solliciteur général Herb Gray a écrit que " Le Rapport annuel national sur les drogues révèle la complexité et l'ampleur du commerce international des drogues et de ses effets sur le Canada. Il montre également que ce commerce se raffine de plus en plus. Les narcotrafiquants recherchent continuellement de nouveaux marchés, de nouvelles méthodes de distribution, de nouveaux clients et de nouveaux produits " . Cependant, ce sont précisément ces éléments qui font en sorte qu'il est difficile de dresser un portrait vraiment exact de l'ampleur du phénomène des drogues dans un pays, quel qu'il soit. En raison de la nature même du marché étudié, " les relations entre l'offre de drogues illicites, la demande pour ces drogues et les activités policières dans ce domaine sont peu conceptualisées, font l'objet de peu de recherches et ne sont guère comprises " .

Selon un rapport rédigé pour la direction de la recherche, du développement et des statistiques du British Home Office , il existe deux grandes méthodes pour établir un portrait de la situation en matière de drogues : celle qui est basée sur la consommation (la demande) et celle qui est basée sur l'offre. La première consiste à " établir des estimations de la taille du marché en mesurant le nombre d'usagers, la fréquence de leur consommation et la quantité qu'ils consomment afin de faire des estimations de la consommation totale et d'en déduire la taille du marché " . La deuxième consiste à " établir des estimations de la production dans les pays producteurs (en y incluant la production interne du pays), à déterminer la portion qui est destiné au marché auquel on s'intéresse et à en déduire les pertes dues aux saisies effectuées par les forces policières, à la consommation à la source et pendant le transport, et aux pratiques non efficientes de la distribution " .

Dans son Rapport annuel national sur les drogues et dans sa publication Situation au Canada - drogues illicites, la GRC a recours aux deux méthodes pour estimer l'ampleur du phénomène des drogues au Canada. Les estimations qui en résultent comportent une part considérable d'incertitude, et ce pour plusieurs raisons.

A. La méthode basée sur l'offre

Il faut faire remarquer dès le départ que " l'offre de drogues illicites est par définition illégale et est donc, par conséquent, soustraite à une observation de la part des organismes officiels " . À titre d'exemple, il est souvent difficile de connaître la source des drogues importées au Canada. Ainsi, dans le cas de l'héroïne, la GRC établit l'origine de la drogue en fonction de l'importateur. Elle reconnaît que ce procédé ne donne pas nécessairement un résultat exact parce que les importateurs se procurent leurs drogues de n'importe quel endroit dans le monde où ils peuvent les trouver. En outre, au cours des années récentes des groupes de criminels organisés d'origines diverses se sont ligués pour importer des envois de drogues au Canada, ce qui ajoute à la confusion au sujet de l'endroit d'où provient la drogue à l'origine. Comme pour rendre cette situation encore plus complexe, des groupes de criminels organisés de différents pays travaillent souvent de concert pour faire du Canada un lieu de transbordement pour des drogues illicites en route vers les États-Unis. Il devient ainsi compliqué pour les autorités canadiennes d'estimer la quantité de drogues qui reste au Canada pour la consommation interne de la population canadienne.

En second lieu, " les systèmes de distribution de drogue sont adaptés pour tenir compte des méthodes de travail des forces policières " . À titre d'exemple, afin d'éviter d'être détectés, les propriétaires des entreprises de culture de marijuana ne sont plus directement associés à ces entreprises. Les membres de la GRC peuvent effectuer des arrestations liées à la drogue pour découvrir que la ou les personnes qu'ils ont arrêtées ne sont pas les propriétaires mais simplement des gens chargés de mettre en place et de gérer les installations de culture de marijuana. Des sources de la GRC font remarquer qu'un nombre croissant de ces entreprises comportent de telles hiérarchies et des fonctions aussi bien définies. On perçoit facilement de quelle façon ce procédé peut réduire les effets de la lutte antidrogue : le fait de retirer quelques personnes des niveaux inférieurs de la hiérarchie ne crée pas une plus grande rareté de la marijuana parce que la racine du problème n'est pas éliminée et que la production se poursuit au même rythme avec un nouveau personnel embauché par le propriétaire demeuré invisible.

Au mieux, l'interruption des activités d'une entreprise de culture de marijuana ou l'interception d'une drogue quelconque destinée au marché canadien peut empêcher une chute des prix de la drogue. Cependant, " le fait même de soutenir les prix peut en réalité stimuler le marché en attirant de nouveaux joueurs dans le réseau " . C'est un effet pervers d'une stratégie de lutte antidrogue axée sur la réduction de l'offre. " Les efforts de répression peuvent réussir à maintenir ou à accroître les risques de sanction pénale; cependant, ces risques font des activités liées à la drogue une entreprise très lucrative, bien que risquée. Si cet argument est valide, les stratégies de lutte antidrogue qui ont du succès contiennent le germe de leur propre échec. "

Les prix des drogues ne sont donc pas nécessairement un bon indicateur de la situation qui existe en matière de drogues au Canada. Dans le passé, les faibles niveaux des prix et les taux élevés de pureté étaient pour les autorités chargées de la lutte contre le narcotrafic des indicateurs de la quantité de drogue disponible au Canada. Dans les années 1980 et au début des années 1990, c'était la meilleure façon de savoir quelles étaient les régions du pays qui avaient les plus importants problèmes de drogue puisque celles où le prix d'une drogue était élevé et où son degré de pureté était faible étaient aussi celles où il était le plus difficile de s'en procurer. Le fait que dans les régions de Montréal, de Toronto et de Vancouver les prix des drogues étaient toujours faibles et les degrés de pureté élevés a amené les autorités à reconnaître que ces villes étaient les principaux ports d'entrée des drogues illicites. Cependant, cette méthode d'évaluation de la quantité de drogues illicites disponible au Canada et de détermination des régions où on en trouve le plus est de moins en moins valide, puisque les cartels de la drogue commencent à prendre conscience des avantages d'un contrôle des quantités de drogues qui entrent au Canada. Récemment, des cartels ont retenu à dessein des envois de drogues afin de contrôler les prix et d'accroître leurs profits. Il devient donc très difficile de tirer des conclusions certaines à partir des prix.

Selon Steve Pudney, professeur au centre de recherche sur l'économie du secteur public du département d'économie de la Leicester University, " les données sur les saisies fournissent les renseignements les plus directs sur la disponibilité des drogues, et ce même si les drogues saisies ne font pas partie de l'offre " . Toutefois, si on examine les tendances dans les saisies de drogues de la GRC, il devient évident qu'il faut utiliser ces données avec prudence parce que le nombre de saisies ou la quantité saisie en une année ne sont pas nécessairement de véritables indicateurs de l'ampleur du phénomène de la drogue. Ce sont plutôt des résultats du travail actif ou passif des forces policières.

Les saisies sont la plupart du temps passives dans le sens où on atteint un taux de saisies plus ou moins constant au moyen d'une surveillance et d'enquêtes habituelles. Sur une base purement statistique, plus la quantité de drogues entrant sur le marché est grande, plus le niveau des saisies ordinaires est élevé. Les saisies dites passives sont donc un indicateur assez sûr de la taille du marché. La répression du trafic des drogues comprend également des volets actifs cependant. Les enquêtes fondées sur le renseignement de nature criminelle mènent fréquemment à la fermeture de voies d'approvisionnement et au retrait du marché interne d'importantes quantités du produit. Les saisies de ce genre sont en relation inverse avec la taille du marché puisqu'une importante saisie, au lieu d'être un indicateur de l'augmentation de l'offre, contribue à la contraction de celle-ci. Lorsque ces deux volets sont présents, il est difficile de tirer quelque conclusion précise au sujet de l'offre à partir des données sur les saisies .

Si les saisies passives peuvent en effet constituer un bon indicateur de la taille du marché des drogues, on doit aussi se rappeler que ces saisies ne nous renseignent pas nécessairement de manière très exacte puisqu'il est difficile pour les autorités policières canadiennes de faire des interceptions et des saisies de façon régulière chaque année en raison de la longueur immense des littoraux qui bornent le Canada. Les importateurs trouvent continuellement de nouvelles façons d'éviter les saisies policières en recourant à des ports d'entrée différents ainsi qu'à des envois plus gros et peu fréquents, ou l'inverse. 

Les estimations sur la production sont également des données établies à partir de l'offre qu'il est difficile d'utiliser et elles ne peuvent être liées qu'indirectement à la disponibilité des drogues au Canada étant donné " qu'il est extrêmement difficile de connaître les destinations et les quantités des exportations (et les transactions financières qui les accompagnent) " . Il est souvent difficile pour les autorités de déterminer si une partie ou la totalité des nombreux gros envois de drogues qui entrent au pays est vraiment destinée au Canada ou si le pays producteur ne fait que se servir du Canada comme lieu de transbordement. Il est en outre difficile d'évaluer la quantité de ces drogues (marijuana, huile de haschich et certaines drogues chimiques) produite au Canada, d'autant plus qu'il y a de vastes régions isolées dans ce pays. Selon les autorités chargées de la lutte antidrogue, " étant donné l'immensité du pays et le fait que le cannabis soit cultivé au milieu d'autres plantes, il n'existe actuellement aucun mécanisme d'estimation de la superficie des cultures illicites [de marijuana] " .

Il est également nécessaire d'être prudent avec les données brutes tirées de la lutte antidrogue puisque les priorités de cette lutte peuvent changer, ce qui modifie les données. À titre d'exemple, la baisse observée des données établies dans plusieurs volets de la lutte antidrogue au milieu des années 1980 pouvait superficiellement laisser croire que la situation s'améliorait au Canada. En réalité toutefois, les autorités chargées de cette lutte réorientaient leur action, délaissant les opérations visant la population en général pour aller vers des opérations beaucoup plus élaborées et beaucoup plus longues visant les niveaux les plus élevés, ce qui avait pour effet de réduire les chiffres tirés de la lutte antidrogue mais permettait de s'attaquer au cœur du problème.

En collectant des données statistiques sur la lutte antidrogue pour cette étude, nous avons découvert que la méthode d'analyse à partir de l'offre posait un autre problème. Nous avons en effet découvert que les données sur l'importation, la production et le trafic reproduites dans les documents Rapport annuel national sur les drogues et Situation au Canada - drogues illicites ne sont que celles disponibles au moment de la publication de ces rapports. Certaines statistiques pour une année ne peuvent être reproduites que des années plus tard, ce qui signifie que celles portant sur la lutte antidrogue peuvent être, après plusieurs années, fort différentes de ce qu'elles étaient au moment de leur publication initiale. Selon des sources de la GRC, ceci est dû pour une grande part aux délais qu'impose le système judiciaire, à la cueillette de renseignements faite après coup, au fait que des accusations sont au départ portées par des forces policières locales et deviennent des dossiers de la GRC par la suite au cours du processus, à des erreurs typographiques, etc. Malheureusement, ceci n'aide pas à dresser un portrait précis de la situation dans le domaine des drogues au Canada et s'ajoute aux problèmes inhérents à l'évaluation de cette situation.

B. La méthode basée sur la consommation

La méthode qu'utilise la GRC pour faire l'évaluation de la situation dans le domaine des drogues au Canada repose en partie sur des données sur la consommation. La plus grande partie de ces données provient d'enquêtes et d'études effectuées par les fondations provinciales de recherche sur la toxicomanie et Santé Canada. Bien que ces données offrent un aperçu de l'ampleur du phénomène des drogues au Canada, malheureusement leur utilisation pose aussi des problèmes en raison de la nature du marché de la drogue.

Tout d'abord, la GRC se sert d'une estimation faite par ces organismes du nombre d'usagers de drogues au Canada pour évaluer la quantité de drogues importée chaque année. Le nombre estimé d'usagers de drogues est multiplié par la consommation quotidienne moyenne dont a besoin chaque usager pour déterminer le niveau de consommation total des usagers. Ce chiffre sert à établir la quantité de drogue qui doit être importée chaque année pour répondre aux besoins de ces consommateurs.

Ce type de calcul pose en soi des problèmes de plusieurs ordres . Tout d'abord, les enquêtes statistiques qui sont faites pour déterminer le nombre d'usagers de drogues ne donnent pas nécessairement un portrait totalement exact. Elles peuvent donner des résultats dans lesquels certains groupes sont sous-représentés. À titre d'exemple, beaucoup d'enquêtes n'atteignent pas les personnes vivant dans la rue et celles-ci peuvent constituer une partie importante des usagers de drogues. En outre, les répondants à certaines enquêtes peuvent sous-estimer ou exagérer leur consommation de drogue, ce qui fausse les résultats. Les enquêtes par téléphone qui tentent de joindre les répondants à domicile ont souvent été critiquées comme exemple d'enquêtes qui sous-estiment l'usage des drogues ou qui ne mesurent que l'usage récréatif ou occasionnel de drogues et ne touchent pas les personnes qui font un usage abusif des drogues . Enfin, " l'erreur d'échantillonnage ne peut être établie avec précision et son ampleur dépend de la conception du procédé d'échantillonnage et de la taille de l'échantillon " .

Le fait que la consommation de drogues ne soit pas nécessairement la même pour tous les usagers pose un problème supplémentaire quand il s'agit d'estimer la quantité annuelle de drogues illicites importées au Canada à partir de la population d'usagers et des niveaux de consommation. Plusieurs consommateurs de drogues illicites n'en font qu'un usage récréatif ou occasionnel et n'en utilisent pas la même quantité que les usagers ayant une dépendance à l'égard de la drogue.

Ainsi, il est difficile d'évaluer la taille de la population des usagers de drogues tout aussi bien que la quantité consommée par cette population et il faut souvent faire des estimations. Dans un deuxième temps, cela signifie que le calcul servant à déterminer la quantité de certaines drogues qui doit être importée au Canada n'est guère fiable.

C. Le projet Schooner de la GRC

Comme il est évident que l'évaluation de la situation dans le domaine des drogues à partir des données tirées de la lutte antidrogue pose des problèmes, en 1983 la GRC a lancé un projet auquel elle a donné le nom de projet Schooner dans le but de tracer un portrait exact de cette situation au Canada. De façon plus précise, la GRC s'active dans ce cadre à évaluer la quantité de chaque type de drogue illicite qui entre au Canada annuellement. Selon des sources de la GRC, initialement le projet était axé sur les importations de drogues par bateaux ou " navires-mères ". On découvrit cependant bientôt qu'il ne s'agissait que de l'une des nombreuses méthodes d'expédition employées par les narcotrafiquants et que ceux-ci utilisaient également des conteneurs, des aéroports, des moyens de transport terrestres, des ports et des jets privés, des complots, etc. Dans les années qui ont suivi on a élargi le cadre du projet de façon à y inclure toutes les importations de grande ampleur au Canada (drogues saisies sur le territoire canadien, saisies en territoire étranger mais destinées au Canada, etc.), quels que soient les modes d'expédition. Des sources de la GRC signalent que malgré son élargissement le projet Schooner demeure une méthode fort prudente d'évaluation de la situation qui règne dans le domaine des drogues. Il faut cependant ajouter qu'avant 1983 il n'existait aucun moyen d'évaluation de cette situation.

La dernière mise à jour du projet Schooner a été faite en 1998. Se servant des données du renseignement recueillies au cours des vingt dernières années, la GRC a fait des estimations de l'importation et de la production actuelles de drogues illicites au Canada. Il n'y a pas de méthode unique pour établir la quantité de chacun des types de drogue qui est importée ou produite au Canada. La GRC utilise plutôt diverses méthodes d'estimation de ces quantités depuis la dernière mise à jour du projet : les estimations antérieures sur l'importation de drogues à partir des données du renseignement, toutes les données que peuvent obtenir les agents du renseignement sur les opérations clandestines des groupes de criminels organisés ainsi que les chiffres estimés de la demande et de la consommation de drogues illicites.

Bien que ceci ne soit qu'une description très sommaire du projet Schooner, l'élément principal à retenir est qu'une grande partie des données à partir desquelles la GRC fait des évaluations concernant la situation en matière de drogues au Canada reposent sur des estimations.

Puisque des estimations doivent être faites, tant les statistiques brutes établies à l'aide des méthodes basées sur l'offre que celles établies à l'aide des méthodes basées sur la consommation ne donnent pas nécessairement une image précise de la situation ou des tendances qui ont cours et il faut être prudent lorsqu'on en prend connaissance. Séparément, " les données sur lesquelles on peut s'appuyer, que ce soit du côté de la demande [consommation] ou du côté de l'offre du marché, sont très fragmentaires " . Pour obtenir une vision beaucoup plus complète de la situation en matière de drogues, il faut recourir en même temps aux deux méthodes de cueillette de données statistiques .

Antérieurement, pour évaluer la situation et établir son Rapport annuel national sur les drogues, la GRC utilisait ce genre de combinaison de méthodes. Toutefois, en 1994, lorsqu'elle a commencé à publier ses rapports intitulés Situation au Canada - drogues illicites en remplacement du Rapport annuel national sur les drogues, une grande partie des données établies à l'aide de la méthode basée sur la consommation ont été éliminées. La GRC se sert toujours d'estimations du nombre d'usagers et de la consommation, mais elle n'intègre plus les résultats des enquêtes des fondations provinciales de la recherche sur la toxicomanie ni ceux des études de Santé Canada dans ses rapports annuels. Selon des sources de la GRC, la raison principale pour laquelle ce changement a été apporté est qu'une grande partie des données basées sur la consommation publiées dans ces rapports était une répétition des informations que les lecteurs pouvaient obtenir à partir de la source de première main. Toutefois, s'il est vrai qu'il y avait des répétitions, le couplage des données établies à partir de la consommation et des statistiques de la GRC basées sur l'offre dans le Rapport annuel national sur les drogues offrait une vue beaucoup plus complète de la situation en matière de drogues que celle qui est maintenant présentée dans la nouvelle forme du rapport. En l'absence de données sur la consommation, il est maintenant beaucoup plus difficile de se faire une idée précise de la situation.

PARTIE II - TENDANCES OBSERVÉES EN MATIÈRE DE DROGUES

A. L'héroïne

1. Tendances de 1980 à 1985

Il y a eu une chute importante de l'offre d'héroïne au Canada à la fin des années 1970, ce qui a entraîné une réduction du nombre des accusations de trafic et d'importation de cette drogue ainsi que des quantités annuelles d'héroïne saisies par la GRC et Douanes Canada. Pendant la première moitié des années 1980, on a assisté aux effets de l'onde de choc produit par un assèchement de l'offre d'héroïne ainsi qu'à une nouvelle augmentation de sa disponibilité.

Pendant les vingt dernières années, la principale source d'approvisionnement en héroïne du Canada a été la région de l'Asie du Sud-Est. À partir de 1977, cette région a subi une période de grande sécheresse qui a duré environ sept ans. Cette sécheresse a eu des répercussions importantes sur le commerce de l'héroïne au Canada et a entraîné une diminution constante de nombre de personnes accusées de trafic [d'héroïne] entre 1977 et 1981. Les chiffres de 1980 sur le nombre de personnes accusées d'importation [d'héroïne] (9 personnes accusées seulement) et sur la quantité d'héroïne saisie au Canada (6,587 kg seulement), qui sont dans ces deux catégories d'infractions les plus faibles que le Canada ait connu au cours des 20 dernières années (voir les diagrammes), font également ressortir ces répercussions.

Les données sur la lutte antidrogue de la GRC montrent qu'entre 1981 et 1985 la disponibilité de l'héroïne s'est de nouveau accrue. Les chiffres sur la quantité saisie reflètent cette tendance puisqu'ils s'élèvent de façon constante pendant cette période pour atteindre un sommet de 64,915 kilogrammes en 1985. Cette hausse de la disponibilité de l'héroïne au Canada était le résultat de l'arrivée sur le marché de l'Asie du Sud-Ouest comme région fournisseuse d'héroïne illicite tout au long des années 1981 et 1982, alors que l'Asie du Sud-Est était encore aux prises avec la sécheresse. En 1983 cependant, l'Asie du Sud-Est a repris le contrôle de l'approvisionnement du marché illicite de l'héroïne au Canada et l'a conservé pendant plusieurs années par la suite, l'Asie du Sud-Ouest constituant une source secondaire.

Entre 1980 et 1985, les estimations annuelles de la GRC tirées du renseignement indiquent que le nombre d'usagers canadiens de l'héroïne est demeuré autour de 20 000. La majorité de ces personnes habitaient Vancouver (60 p. 100), les autres demeurant à Toronto et à Montréal. Pour établir une estimation de la quantité d'héroïne importée au Canada chaque année pour répondre à la demande, la GRC se fondait sur la quantité d'héroïne que consommait cette population. Ainsi, selon la GRC " cette estimation est basée sur la norme reconnue selon laquelle la dose quotidienne minimale requise pour produire une dépendance est de 24 milligrammes d'héroïne pure. Toutefois, on croit que le niveau des doses quotidiennes au Canada se situe entre 30 et 35 milligrammes ". Il a donc été estimé qu'entre 1980 et 1985 de 175,2 à 255, 5 kilogrammes d'héroïne étaient nécessaires chaque année pour répondre aux besoins d'une population d'héroïnomanes d'environ 20,000 personnes.

Niveau de la dose quotidienne Besoins annuels en héroïne pure

24 mg x 365 jours x 20 000 usagers 175,2 kg

30 mg x 365 jours x 20 000 usagers 219,0 kg

35 mg x 365 jours x 20 000 usagers 255,5 kg

Tableau tiré du Rapport annuel national sur les drogues de la GRC, 1981.

La population d'usagers canadiens de l'héroïne et sa demande d'héroïne sont demeurées stables entre 1980 et 1985 , les pays sources luttant alors pour répondre à cette demande. La hausse générale du nombre d'accusations d'importation d'héroïne entre 1980 et 1985, selon les chiffres de la GRC, indique à la fois une augmentation de l'offre d'héroïne et un accroissement des activités policières. En dépit des problèmes auxquels ils faisaient face, les pays sources tentaient de fournir la plus grande quantité possible d'héroïne afin de répondre à la demande constante des consommateurs canadiens. Pour deux des années de cette période cependant (1982 et 1984), la courbe des accusations d'importation ne suit pas cette tendance. Le nombre d'accusations d'importation pour 1982 connaît une baisse marquée par rapport à cette tendance à la hausse, ce qui reflétait les luttes qui se livraient à l'étranger dans les pays sources. Bien que la sécheresse qui se poursuivait en Asie du Sud-Est fût la cause de ces luttes, une récolte exceptionnelle d'opium (la forme basique de l'héroïne) dans cette région en 1981 a entraîné une augmentation importante de la quantité d'héroïne importée au Canada au cours de cette année. En outre, en 1981 l'Asie du Sud-Ouest s'est graduellement taillé une place comme région fournisseuse d'héroïne pour le marché canadien. En 1982 cependant, la sécheresse a de nouveau fait diminuer la récolte en l'Asie du Sud-Est, ce qui laissait à l'Asie du Sud-Ouest le rôle de seul fournisseur d'héroïne pour le Canada. La quantité d'héroïne disponible pour importation au Canada était donc beaucoup moindre en 1982, ce qui a entraîné une baisse très marquée du nombre d'accusations portées pour importation de cette drogue. (La baisse également très marquée du nombre d'accusations portées pour importation d'héroïne en 1984 est due à diverses raisons que nous analyserons plus loin). 

Entre 1981 et 1983, il y a eu une augmentation du nombre de personnes accusées de trafic, ce qui indiquait peut-être qu'une plus grande quantité d'héroïne était disponible au Canada. Cependant, contrairement aux chiffres sur la quantité saisie et à ceux portant sur les accusations d'importation, qui suivent de façon générale une courbe continue à la hausse jusqu'en 1985, le nombre de personnes accusées de trafic commence à chuter en 1984 et 1985. Il est intéressant de noter que les données sur les infractions liées à l'importation d'héroïne tirées des activités de la lutte antidrogue montrent une chute similaire pour 1984, et ce en dépit de la hausse générale observée jusqu'en 1985 et décrite plus haut. Cette tendance n'était pas l'indice d'une diminution de la disponibilité. C'est plutôt qu'en 1984 une grande partie du personnel de la GRC chargé de la lutte antidrogue a été affectée à d'autres fonctions pendant une période d'environ six mois, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre d'accusations portées pour importation et trafic de stupéfiants. Le fait que la GRC ait décidé de cibler prioritairement dans ses enquêtes les niveaux élevés du milieu des trafiquants au lieu des petits fournisseurs travaillant dans la rue pourrait aussi contribuer à expliquer pourquoi il y a eu une tendance à la baisse du nombre d'accusations de trafic d'héroïne en 1984 et 1985.

À cette période précise des années 1980, la GRC croyait que le problème de l'héroïne était très répandu au Canada et qu'il s'aggravait. Si le nombre d'usagers de l'héroïne, alors estimé à 20 000, dont les besoins se situaient quelques part entre 175,2 et 255,5 kilogrammes par année, demeurait stable, les pays fournisseurs pendant ce temps rétablissaient leurs positions, année après année, tentant d'augmenter la quantité d'héroïne illicite offerte au Canada. La hausse générale du nombre d'accusations d'importation d'héroïne, parallèlement à l'augmentation de la quantité d'héroïne saisie chaque année par la GRC, laisse penser que la disponibilité de l'héroïne au cours de cette période découle en fait d'une augmentation de l'offre de la part des pays sources. En 1984 et 1985 la GRC a commencé à effectuer certaines saisies importantes, ce qui résultait du fait qu'à partir de ce moment elle ciblait prioritairement les grands trafiquants plutôt que les petits fournisseurs travaillant dans la rue, mais aussi du fait que les trafiquants commençaient à se servir du Canada comme lieu de transbordement pour l'héroïne destinée aux États-Unis.

2. Tendances de 1986 à 1989

Après constatation d'une certaine augmentation de la disponibilité de l'héroïne entre 1980 et 1985, a priori les chiffres pour la deuxième moitié des années 1980 semblent indiquer une diminution de la présence de cette drogue au Canada. Cependant, un examen plus approfondi montre que sa disponibilité a continué d'augmenter pour répondre à la demande des usagers canadiens de l'héroïne qui montait en flèche, tandis que la faible baisse des chiffres tirés des activités de la lutte antidrogue provenait du changement d'orientation apportée par la GRC à ses enquêtes et à son travail de répression.

Après le sommet atteint en 1985, les valeurs des trois ensembles de données (importation, trafic et quantité saisie) diminuent en 1986. Si le nombre d'accusations de trafic continue de baisser en 1987, les chiffres sur les accusations d'importation et sur la quantité d'héroïne saisie demeurent à peu près stables jusqu'en 1989, à l'exception d'une période en 1988 où les trois ensembles de données connaissent une certaine pointe.

La faible diminution des quantités saisies et des accusations d'importation reste très loin de celle observée à la fin des années 1970 qui était due à la sécheresse qui sévissait alors en Asie du Sud-Est. Ces chiffres se sont plutôt stabilisés à des niveaux moyens, ce qui montre bien qu'il n'y avait aucun problème de disponibilité d'héroïne. En fait, il y avait un approvisionnement en héroïne continu et de plus en plus poussé, celle parvenant à l'ouest du pays venant surtout de l'Asie du Sud-Est et celle parvenant à l'est du pays venant surtout de l'Asie du Sud-Ouest. " Le nombre de cas où de l'héroïne provenant de l'Asie du Sud-Ouest est en cause a augmenté au cours des années récentes, bien que les groupes dont les sources se trouvent en Asie du Sud-Est aient maintenu un plus grand contrôle du marché canadien grâce à des réseaux étendus et à une importation en plus grosses quantités " .

En outre, en 1986 certains indices montraient que le Mexique tentait depuis quelques années de se tailler un petit créneau pour lui-même en fournissant de l'héroïne illicite aux usagers canadiens de cette drogue. Ainsi, comme il n'y avait pas de diminution évidente de la quantité d'héroïne approvisionnant le Canada, la GRC souligne que la tendance à la baisse des chiffres ne devrait pas être attribuée à une tendance similaire dans la consommation d'héroïne au Canada mais être plutôt imputée au fait que la Gendarmerie continuait, dans son travail d'enquête, de diriger ses efforts principalement vers " les narcotrafiquants et les importateurs de l'échelon supérieur " au lieu de les diriger avant tout vers les usagers.

Plusieurs autres indices laissaient voir que le phénomène d'importation et de consommation d'héroïne ne perdait pas d'importance. Entre 1986 et 1989, la population d'usagers de l'héroïne augmentait, ce qui exigeait un approvisionnement encore accru. La GRC a estimé que le nombre d'usagers avait atteint 25 000 en 1987, puis qu'il avait augmenté à 28 000 en 1988 et à 30 000 en 1989. Cette tendance à la hausse était dans une forte mesure le résultat d'une augmentation soudaine du nombre d'usagers de l'héroïne à Montréal. En 1988, ceux-ci représentaient 50 p. 100 du nombre total d'usagers estimé pour l'ensemble du pays, un phénomène attribué à une inondation du marché montréalais en héroïne à prix réduit en 1988 par un réseau criminel de l'Asie du Sud-Ouest fort bien organisé. Vancouver et Toronto demeuraient les autres villes où habitaient le reste des consommateurs canadiens d'héroïne. Puisque la consommation estimée des usagers d'héroïne du Canada se situait entre 245 à 358 kilogrammes (chiffre établi à l'aide de la formule de la GRC décrite précédemment) en 1988 et atteignait des quantités encore supérieures en 1989, il fallait que l'offre commence à augmenter également. Il n'était pas difficile pour les pays fournisseurs de répondre à ce besoin puisque depuis 1985 la récolte d'opium en Asie du Sud-Est et en Asie du Sud-Ouest avait augmenté de manière constante. En 1989, " la récolte a été de 1800 à 2400 tonnes en Asie du Sud-Est et d'environ 930 à 1250 tonnes en Asie du Sud-Ouest. On ne manquait donc pas de matière première pour approvisionner abondamment les marchés mondiaux illicites en héroïne " .

Principalement en raison de l'augmentation du nombre d'usagers et par conséquent de la quantité d'héroïne requise, des indices apparurent laissant croire que cette population commençait à sentir le besoin de fabriquer l'héroïne servant à son approvisionnement. En 1988, à Ottawa, la GRC saisit du matériel de laboratoire et des produits chimiques précurseurs avec lesquels il était possible de fabriquer de l'héroïne synthétique. Le laboratoire portable clandestin était contenu dans trois valises qui avaient été expédiées de Los Angeles, en Californie, en passant par Vancouver. C'était l'un des premiers cas de saisie de matériel de fabrication d'héroïne au Canada. Ce ne devait toutefois pas se révéler une tendance croissante dans les années qui ont suivi puisque les pays étrangers fournisseurs d'héroïne continuèrent d'en fournir en quantité suffisante pour répondre aux besoins du marché canadien.

Ainsi qu'il a été dit précédemment, les chiffres sont plus élevés pour les trois catégories de données en 1988, ce qui va en sens inverse de ce qui a été observé pour les autres chiffres qui, eux, ont baissé entre 1986 et 1989. Bien que ces chiffres indiquent que la quantité d'héroïne offerte au Canada était sur le point d'augmenter en réponse à l'augmentation du nombre d'usagers de cette drogue, d'autres raisons viennent également expliquer cette pointe observée en 1988. L'un des facteurs qui font augmenter les chiffres sur la quantité saisie en 1988 est la saisie par la GRC d'un envoi provenant de l'Asie du Sud-Est dont le poids était de 20,5 kilogrammes, cette saisie faisant à elle seule augmenter de manière importante les chiffres pour l'ensemble de l'année 1988. De plus, la Stratégie canadienne antidrogue (1987), qui fut lancée " pour intégrer les stratégies et les programmes de réduction de l'offre et de la demande en matière de lutte antidrogue […] " peut avoir joué dans l'augmentation du nombre d'accusations de trafic et d'importation en 1988. Le rapport de la GRC parle de " pressions policières accrues contre la production et le trafic d'héroïne " et de " mesures de répression persistantes " au cours de 1988.

Au total, si les chiffres pour la période 1986-1989 vont dans le sens inverse des tendances observées entre 1980 et 1985, il ne faut pas interpréter ceci comme l'indice d'une réduction de la consommation et du trafic d'héroïne au Canada. En réalité, les faits derrière ces chiffres laissent croire qu'en réalité la situation s'aggravait. Cette baisse des chiffres entre 1986 et 1989 découle d'un changement des priorités de la GRG dans sa lutte antidrogue. Les données pour 1988 montrent de manière évidente que les chiffres sont de fait liés intrinsèquement aux mesures de répression et ne donnent pas une image directe de la situation au Canada.

3. Tendances de 1990 à 1994

Alors que les chiffres pour la période 1986-1989 masquent un élargissement de la place prise par l'héroïne au Canada en raison de la modification des priorités de la GRC dans sa lutte antidrogue, les chiffres pour le début des années 1990 font ressortir une forte tendance à la hausse dans les trois catégories de données (saisies, importation et trafic). Comme la GRC continuait de concentrer ses efforts vers l'échelon supérieur des réseaux de trafiquants et d'importateurs, cette nouvelle tendance qu'expriment les données est un reflet de l'emprise croissante que les pays fournisseurs et les grands groupes organisés de trafiquants étaient en train d'acquérir sur le marché de l'héroïne au Canada dans les années 1990 plutôt que l'indice d'une augmentation de la consommation et de la disponibilité de la drogue. 

Bien qu'il soit difficile de connaître avec quelque certitude le nombre d'usagers d'héroïne au Canada, selon la GRC ce nombre est demeuré relativement stable entre 1990 et 1993, soit entre 25 000 et 35 000. La disponibilité de l'héroïne a également été stable au cours de cette période, comme l'indiquent les prix qui sont demeurés entre 35 $ et 60 $ pour 0,1 gramme, ceux-ci étant fonction de l'accessibilité, variable selon les régions du Canada. Les principaux centres de consommation d'héroïne étaient les mêmes que dans les années précédentes : Montréal, Toronto et Vancouver. En 1991 cependant, il y avait aussi quelques consommateurs d'héroïne dans de petits centres urbains répartis à travers la Colombie-Britannique, les provinces des Prairies et le sud de l'Ontario. De même, en 1992, pour la première fois depuis les années 1970, la GRC signale que la disponibilité de l'héroïne dans les rues de Winnipeg demeure constante.

En dépit de cette phase de stabilité dans la consommation et l'accessibilité de l'héroïne, la quantité saisie a augmenté de 120 p. 100 entre 1989 et 1991 et a continué d'augmenter jusqu'en 1993. En 1990, un envoi de 13 kilogrammes d'héroïne à destination des États-Unis a été saisi. En 1993, 39 kilogrammes d'héroïne ont été saisis dans le port de Vancouver, ce qui constituait la plus importante saisie de cette drogue effectuée jusque là dans l'histoire canadienne. Selon la GRC, l'augmentation des quantités saisies n'était pas seulement un indice de l'importance prise par l'héroïne au Canada même, mais aussi de l'importance croissante du Canada comme voie d'acheminement de l'héroïne vers les États-Unis, comme le montrait cette saisie de 13 kilogrammes destinés au pays voisin. En raison du renforcement des mesures de lutte antidrogue prises aux États-Unis à partir du début des années 1980, en 1990 le Canada était devenu une région de transit pour l'héroïne provenant de l'Afrique occidentale (nigériane) qui avait approvisionné le marché américain depuis le milieu des années 1980. Avant 1990, l'entrée clandestine d'héroïne au Canada par des passeurs de l'Afrique occidentale était un phénomène pratiquement inconnu. En 1990 cependant, ces passeurs ont été impliqués dans dix-sept de la cinquantaine de saisies importantes d'héroïne au Canada.

En 1990, des groupes de narcotrafiquants de diverses régions de l'Asie renforçaient également leur emprise sur le marché canadien de l'héroïne. Ainsi, des organismes de lutte antidrogue du Canada, des États-Unis et de Hong Kong ont ensemble mis à jour une association chinoise de trafiquants qui avait importé en Amérique du Nord, sur une période de deux ans, entre 360 et 545 kilogrammes d'héroïne dont une grande partie était acheminée aux États-Unis en passant par le Canada. En outre, d'autres groupes de trafiquants, dont des organisations criminelles pakistanaises, afghanes, indiennes et sri-lankaises, devenaient de plus en plus actifs au Canada à ce moment-là. Cette emprise accrue de groupes de criminels organisés sur le commerce de l'héroïne au Canada se reflète dans les résultats des efforts de la GRC pour cibler les groupes de trafiquants des échelons supérieurs puisque au début des années 1990 le nombre d'accusations de trafic a plus que doublé, tandis que le nombre d'accusations d'importation continuait d'augmenter.

Un groupe de criminels organisés libanais a également commencé à cette époque à prendre place sur le marché canadien de l'héroïne, ses activités s'ajoutant aux données sur la lutte antidrogue de la GRC. Avant 1991, les groupes libanais n'occupaient pas une part importante de ce marché. À la fin de 1991 cependant, l'héroïne d'origine libanaise représentait presque un quart de toutes les saisies d'héroïne liées au Canada. En outre, en 1992, il y a eu pour la toute première fois une saisie d'héroïne colombienne, d'un poids d'un kilogramme, en route vers le Canada. Avant cela, bien qu'il y ait eu des voies d'approvisionnement en cocaïne bien établies entre le Canada et la Colombie, aucun indice de la présence d'héroïne colombienne au Canada n'avait été signalé. Selon la GRC, si la Colombie avait pu réduire les prix de l'héroïne, elle aurait pu rivaliser avec les concurrents asiatiques pour une partie du marché canadien de cette drogue.

En 1993 et 1994, le nombre d'accusations d'importation d'héroïne a beaucoup diminué. D'après le rapport de la GRC pour 1994, cette baisse est peut-être liée à une diminution des activités des passeurs de l'Afrique occidentale qui se servaient du Canada comme lieu de transbordement pour l'héroïne destinée aux États-Unis. La GRC croit que les groupes criminels basés en Afrique commençaient à se servir d'autres pays comme lieux de transit vers les États?Unis et commençaient à mettre en place un marché européen de la cocaïne.

Cependant, même si le nombre d'accusations d'importation a diminué sensiblement au milieu des années 1990, le nombre d'accusations de trafic et la quantité d'héroïne saisie sont demeurés élevés, ce qui démontre que pendant cette période une héroïne à bon marché et à degré de pureté élevé continuait d'entrer au Canada en abondance, créant les conditions voulues pour un accroissement éventuel de la population d'usagers de cette drogue à la fin des années 1990.

4. Tendances de 1995 à 2000

Entre 1995 et 2000, les statistiques de la GRC sur la lutte antidrogue montrent que le nombre d'accusations d'importation est demeuré à de faibles niveaux. Toutefois, ceci n'était pas dû à une réduction de l'offre de la part des pays sources ni à un changement dans l'ordre des priorités du travail policier ou à une diminution de la place acquise par l'héroïne au Canada; la quantité d'héroïne saisie chaque année dans le pays est demeurée à des niveaux très élevés. Les agents de la GRC découvraient plutôt que l'importation d'héroïne prenait la forme de gros envois, ce qui réduisait le nombre et la fréquence des petits envois. À titre d'exemple, il y a eu en 1995 à Toronto une saisie de 58 kilogrammes d'héroïne. En 1997, des autorités de l'Aéroport international Lester B. Pearson de Toronto ont saisi 42 kilogrammes d'héroïne dissimulés à l'intérieur des panneaux muraux de 6 salles de toilette d'un avion. En 1998, une enquête de la GRC a abouti à la saisie de 70 kilogrammes d'héroïne dans la région de Vancouver. En 1999, une autre enquête de la GRC a mené à la saisie, dans un conteneur maritime de sucre brun, de 43 kilogrammes d'héroïne provenant de la Chine et destinés à Burnaby, en Colombie?Britannique. Et de nouveau en août 2000, des autorités de la GRC ont saisi 57 kilogrammes d'héroïne dans un conteneur maritime dans le port de Vancouver. Immédiatement après cette saisie, en septembre 2000, 93 kilogrammes d'héroïne ont été saisis à l'intérieur de la structure d'un conteneur maritime, dans le port de Vancouver également.

La GRC a noté qu'en Colombie-Britannique, où plusieurs de ces importantes saisies ont été effectuées, le prix de 700 grammes d'héroïne a connu une forte augmentation au cours de cette période, passant de seulement 40 000 $ en 1997 à 48 000 $ en 1998 puis à 55 000 $ en 1999. Cette hausse des prix indiquait que les saisies de la GRC avaient un effet notable sur la quantité d'héroïne disponible dans cette région (des prix élevés découlant normalement d'une disponibilité moindre).

Selon le rapport de 1995 de la GRC, ce sont des organisations criminelles basées en Asie du Sud-Est et en Asie du Sud-Ouest qui organisaient la plupart de ces importations à grande échelle. D'après les renseignements que détenait la GRC, alors que des groupes organisés de criminels colombiens avaient acquis une place prédominante dans le trafic de l'héroïne aux États-Unis, il n'y avait pas semble-t-il de trafic établi d'héroïne colombienne au Canada, même si le potentiel était là. La GRC admet aussi cependant " qu'en raison du coût prohibitif, le Canada n'a pas de programme d'analyse visant à déterminer l'origine de l'héroïne saisie. Lorsqu'on ne connaît pas la route suivie pour l'importation, la source de la drogue est déterminée à partir de l'origine ethnique du groupe de trafiquants en cause. Cette méthode peut être trompeuse parce que la plupart des groupes de trafiquants se procurent de l'héroïne là où ils en trouvent, peu importe le pays " . Il n'est donc pas possible de savoir de façon sûre si de l'héroïne colombienne entre au Canada. En dépit de cela, l'accroissement de la quantité d'héroïne importée au cours de cette période montre bien que les organisations impliquées disposaient d'importantes ressources financières et logistiques.

Il est également difficile de déterminer la quantité d'héroïne qui est vraiment destinée au Canada dans les envois qui sont de plus en plus gros. Selon la GRC, mis à part les cas où des organisations asiatiques basées aux États-Unis échangent avec des organisations canadiennes similaires de la cocaïne pour de l'héroïne, dans un rapport de trois kilogrammes de cocaïne pour un kilogramme d'héroïne, il existe peu de renseignements grâce auxquels on puisse démontrer nettement que de grandes quantités d'héroïne découvertes au Canada sont destinées aux États-Unis.

Outre les grandes quantités d'héroïne arrivant au Canada, en 1997 la GRC a signalé une plus grande fréquence des arrivées de petites quantités cachées dans des marchandises dont le commerce est légal, expédiées par la poste dans des enveloppes ou dans des colis par l'entremise de services commerciaux de messagerie.

Les moyens raffinés utilisés pour faire entrer de l'héroïne au Canada, en relation avec des degrés de pureté supérieurs à 90 p. 100, ainsi que les prix de l'héroïne les plus bas qui aient été exigés au Canada depuis les vingt dernières années, montrent que l'approvisionnement du Canada en héroïne a été abondant tout au long des dernières années du XXe siècle. La GRC a mentionné dans ses rapports qu'en l'an 2000 les importateurs retenaient délibérément des envois d'héroïne dans l'attente d'une période où sa disponibilité serait moindre afin d'obtenir une marge bénéficiaire plus grande.

Comme les dirigeants de la GRC se fondent sur le prix de l'héroïne pour évaluer son accessibilité pour les usagers canadiens de cette drogue, le fait que des groupes d'importateurs contrôlent les prix rend cette évaluation difficile. On continue alors de s'en remettre à la demande annuelle virtuelle. Selon la GRC, à la fin des années 1990 la demande annuelle virtuelle estimée d'héroïne, pour une population d'usagers comptant entre 25 000 et 50 000 personnes (selon les estimations provenant des enquêtes sur la population d'usagers des drogues et de Santé Canada) se situait entre une et deux tonnes. Similaire à la méthode d'estimation utilisée au début des années 1980, celle employée pour en arriver à ces chiffres se fonde sur une consommation quotidienne moyenne de 0,2 grammes d'héroïne pure à 50 p. 100, ou 36,5 grammes d'héroïne pure par héroïnomane et par an .

Globalement, la consommation d'héroïne et les activités liées à cette drogue se sont accrues au cours des vingt dernières années au Canada et sont demeurées stables dans la dernière partie des années 1990 jusqu'en 2000. Toutefois, bien que cette situation soit un important sujet de préoccupation pour les services policiers et les autorités de la santé, l'étendue de l'usage de cette drogue n'est en rien comparable à celle de l'usage d'autres drogues illicites comme la cocaïne et le cannabis.

B. La cocaïne

Au cours des vingt dernières années, la consommation de cocaïne et les activités qui y sont liées ont augmenté considérablement et à un rythme soutenu. Sa disponibilité est devenue plus évidente dans les petites villes partout au Canada et non uniquement dans les grandes villes dotées de grands ports d'entrée. Les mesures de répression visant à empêcher la fourniture de cocaïne ont entraîné la création de réseaux complexes de cartels colombiens cherchant à éviter les poursuites.

1. Tendances de 1980 à 1989

Pour toute la période des années 1980, les données sur la cocaïne montrent une forte tendance vers le haut qui s'était amorcée au milieu des années 1970. La cocaïne était en train de frayer sa voie pour devenir la drogue de choix après le cannabis. Antérieurement, c'était des membres des classes sociales à revenu élevé qui faisaient de la cocaïne leur drogue préférée, mais la présentation de cette drogue sous un jour séduisant dans les médias au début des années 1980 a créé une demande accrue de cocaïne dans tous les groupes socio-économiques . Bien que la GRC fasse valoir dans son rapport pour 1982 qu'il est difficile de mesurer la quantité de cocaïne que les usagers de cette drogue consomment chaque année, il a été estimé à ce moment-là qu'il y avait environ 250 000 usagers de la cocaïne au Canada (chiffre fondé sur les enquêtes de recherche sur la toxicomanie et sur les sources de renseignement de la GRC) consommant au moins 1 gramme par personne et par année, ce qui créait le besoin d'importer au minimum 250 kilogrammes de cocaïne par année au Canada. Il existe cependant des données démontrant que la popularité de la cocaïne a continué de s'accroître au Canada, notamment les statistiques de la GRC sur les accusations de trafic de cocaïne ainsi que sur les quantités de cocaïne saisies au pays entre 1980 et 1989. Ces deux ensembles de données suivent une courbe ascendante tout au long des années 1980, illustrant le fait que l'usage de la cocaïne devenait chaque année beaucoup plus courant au Canada (voir les diagrammes).

Les statistiques de la GRC sur les accusations d'importation de cocaïne reflètent beaucoup moins bien l'élargissement de la place acquise par la cocaïne dans l'univers des drogues au Canada. Tout au long des années 1980, les fournisseurs de toute la cocaïne destinée au Canada étaient dans la plupart des cas de pays sud-américains tels que le Pérou, la Bolivie, la Colombie et l'Équateur. Les ports d'entrée les plus couramment utilisés étaient Montréal, Vancouver et Toronto. Les données de la GRC montrent qu'en dépit des efforts consacrés par les forces de l'ordre à la lutte contre la surproduction de feuilles de coca (raffinées pour produire de la cocaïne) en Amérique du Sud au début des années 1980, l'importation de cocaïne au Canada a continué d'augmenter entre 1980 et 1984. Dans son rapport de 1984, la GRC propose comme explication de ce phénomène qu'au moment ou les forces de l'ordre sud-américaines menaient cette lutte, " les réserves de cocaïne dans les pays sources ont pu être expédiées pour éviter qu'il y ait des perturbations majeures sur le marché " .

En 1985 la GRC croyait que l'importante couverture faite par les médias des effets négatifs de l'usage de la cocaïne pourrait faire diminuer la demande pour cette drogue au Canada. Le seul indicateur qui à prime abord pourrait laisser croire à un possible ralentissement de l'expansion du marché de la cocaïne est la diminution puis la stabilisation du nombre d'accusations d'importation au cours de la période 1985-1989. Cependant, si les efforts consacrés à la lutte antidrogue en Amérique du Sud peuvent réellement avoir contribué à réduire la capacité d'exporter de la cocaïne, comme il a été dit précédemment les chiffres enregistrés par la GRC sur la quantité de cocaïne saisie et sur le nombre d'accusations de trafic ont maintenu leur courbe ascendante entre 1985 et 1989, ce qui laisse supposer que la demande de cocaïne ne diminuait pas. Qui plus est, même si le nombre d'accusations d'importation est demeuré faible pendant toute la période de la fin des années 1980, l'entrée de cocaïne au Canada se poursuivait pour répondre à cette demande.

Les pays fournisseurs ont pu contourner les obstacles créés par les mesures préventives mises en place pour freiner l'exportation de cocaïne et ont continué de répondre à la demande croissante des usagers canadiens de cocaïne. Premièrement, à la fin des années 1980, au lieu d'expédier fréquemment de petits envois de cocaïne, les exportateurs ont plutôt cherché à expédier de plus grosses quantités. Ainsi, en 1986 le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal a effectué une saisie d'environ 50 kilogrammes de cocaïne. Deuxièmement, en 1984 la GRC a commencé à démanteler des laboratoires clandestins de fabrication de cocaïne, ce qui montre que les trafiquants tentaient d'échapper aux effets qu'exerçait la lutte antidrogue en Amérique du Sud en déplaçant leurs activités vers des pays qui, traditionnellement, ne sont pas des producteurs de drogues. De 1984 à 1989, au moins quatre laboratoires de conversion de pâte de coca et un laboratoire de fabrication de cocaïne synthétique ont été saisis.

Les trafiquants sud-américains échappaient aussi à la détection des importations grâce à la mise au point d'un système très élaboré d'intermédiaires. La GRC a estimé que 80 p. 100 de la cocaïne entrant au Canada passait d'abord entre les mains de groupes colombiens basés dans certaines régions des États-Unis, dont Miami, en Floride. En outre, ces trafiquants sud-américains plaçaient un certain nombre d'agents d'organisations criminelles colombiennes affiliées dans des grands centres de distribution de cocaïne aux États-Unis et dans des centres urbains du Canada, dont Montréal. Il était difficile de suivre ces organisations affiliées à la trace puisqu'elles constituaient un intermédiaire entre la source et la destination. En outre, aucun membre d'un groupe affilié servant d'intermédiaire n'était affecté à une région pour une période de plus de six mois. Il y eut très peu d'importation directe au cours de cette période.

On peut trouver dans ce qui précède quelques explications de la diminution et de la stabilisation du nombre d'accusations d'importation de cocaïne entre 1985 et 1989 et qui montrent bien que le phénomène de la cocaïne au Canada ne perdait pas nécessairement de son ampleur, mais se modifiait plutôt et se maintenait grâce à l'emploi d'autres moyens. Puisque les chiffres tirés de la lutte antidrogue ne donnent pas nécessairement un portait entièrement juste de la situation relative à la cocaïne, il faut s'appuyer sur d'autres facteurs tels que les niveaux de pureté et les prix exigés dans la rue. Tout au long des années 1980, ainsi que dans les années 1990, le degré de pureté de la cocaïne est demeuré élevé et le prix a baissé. La combinaison de ces deux facteurs indique qu'il a dû y avoir un approvisionnement abondant en cocaïne et que la drogue est devenue plus accessible à tous les niveaux socio-économiques.

Santé Canada a participé à l'analyse d'échantillons de drogues pendant toutes ces années et, comme le mentionnent les rapports annuels nationaux sur les drogues de la GRC, il a été constaté que le degré de pureté moyen de la cocaïne pouvait se situer n'importe où entre 40 et 70 p. 100. Ce degré de pureté varie aussi beaucoup en fonction des régions. De façon générale il est plus élevé dans les grands centres urbains tels que Montréal, Toronto et Vancouver que dans les villes plus petites et les régions rurales. Pour la GRC, ce fait tend à démontrer que ces villes très populeuses sont les principaux points d'entrée de la cocaïne au Canada.

La hausse des taux de pureté au cours des années ainsi que la diminution constante du prix de la cocaïne découlent d'une disponibilité croissante de cette drogue. En 1981, le prix d'un gramme de cocaïne se situait quelque part entre 125 $ et 225 $, les prix étant plus bas dans les régions urbaines là où la cocaïne était plus abondante. En 1984, dans les principales zones de distribution de cocaïne, soit Montréal, Toronto et Vancouver, on a signalé que les prix étaient encore plus bas qu'en 1981 (entre 100 $ et 150 $), ce qui signifie qu'il y avait une offre abondante de cocaïne et que le niveau de la demande était en hausse. Entre 1984 et 1986, la GRC a fait savoir que des groupes de motards hors-la-loi tels que les Hell's Angels étaient de plus en plus fortement impliqués dans la distribution de cocaïne, en sus d'une implication dans le trafic de méthamphétamine. Dès 1983 il était généralement possible de se procurer de la cocaïne dans toutes les régions du Canada, mais les aires de distribution de celle-ci furent, à partir des principaux centres de Colombie-Britannique, du Manitoba, de l'Ontario et du Québec, étendues par des groupes tels que les Hell's Angels jusqu'au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest par exemple où en 1989 il était devenu possible d'en acheter en quantités de plusieurs onces. Les prix ont également chuté considérablement en 1989, variant alors entre 60 $ et 100 $ par gramme, en fonction des régions et de la disponibilité. Cette fourchette de prix est demeurée la même tout au long des années 1990, ce qui laisse croire que les pays sources pouvaient aisément répondre à la demande en dépit de la lutte qui était menée pour empêcher les approvisionnements d'arriver au Canada.

Le fait qu'en 1986 la GRC ait observé les premiers signes de la présence de cocaïne épurée, ou " crack ", est un autre indice de la place croissante prise par la cocaïne au Canada tout au long des années 1980. Le crack est un dérivé de la cocaïne pouvant être fumé qui se présente sous la forme de cailloux, pesant environ 0,1 gramme chacun et qui en vrac font penser à du gravier d'aquarium. Puisque son coût est beaucoup moindre que celui de la cocaïne (en 1986, à Toronto, il se vendait entre 10 $ 15 $ pour 0,1 gramme) et que son taux de pureté moyen était en 1988 de 90 p. 100, de nombreux jeunes usagers de drogues pouvaient se procurer cette forme de cocaïne. La consommation du crack est devenue un important problème aux États-Unis vers le milieu des années 1980 et puisqu'en 1986 la plupart des importantes saisies de crack ont été faites dans des régions proches de la frontière américaine, notamment à Windsor, en Ontario, et à North Portal, en Saskatchewan, tandis qu'une autre était effectuée à l'Aéroport international de Dorval, au Québec, sur un passager revenant de Miami, il semble bien que le crack entrait au Canada à partir des États-Unis principalement.

Entre 1986 et 1989, Toronto était l'endroit où l'on pouvait le plus facilement se procurer du crack. En 1988, la Police de la Communauté urbaine de Toronto a effectué 726 saisies de crack, ce qui était une augmentation de 310 p. 100 par rapport aux 177 saisies de 1987, un indice que la consommation et la disponibilité de cette drogue étaient à la hausse. Entre 1986 et 1988, le crack est également devenu une drogue très répandue dans des régions comme Windsor, en Ontario, Halifax, en Nouvelle-Écosse, et Winnipeg, au Manitoba. En 1989, il a été découvert qu'on en faisait usage à Québec et à Montréal, des endroits où sa présence n'avait pas été détectée jusque là.

En raison d'une offre croissante et de la baisse de son prix, en 1989 la cocaïne était devenue la drogue préférée dans beaucoup de régions du Canada, rivalisant avec le cannabis ou le devançant possiblement . On pouvait alors se procurer de la cocaïne ayant des taux de pureté très élevés (de 70 à 89 p. 100 en moyenne) pratiquement n'importe où au Canada, ce qui montre bien que sa production dans les pays sources ne baissait nullement. Le nombre d'accusations de trafic continuait d'augmenter de manière très marquée, une tendance qui s'était amorcée en 1987. De même, le nombre d'accusations d'importation a augmenté de façon spectaculaire, soit de 70 p. 100 par rapport un niveau stable des trois années précédentes, pour atteindre le chiffre le plus élevé de toute la décennie des années 1980. Selon la GRC, ceci indique que " le passage en contrebande de cocaïne aux frontières du Canada continuait de prendre de l'ampleur " en dépit des efforts accrus d'éradication en Colombie, au Pérou et en Bolivie. On pourrait aussi interpréter cette hausse du nombre d'accusations comme le résultat des efforts d'éradication accrus des forces policières au Canada grâce à la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue en 1987.

Le fait le plus exceptionnel a été une augmentation de 268 p. 100 de la quantité de cocaïne saisie en 1989 par rapport à l'année précédente. Toutefois, une seule saisie de 500 kilogrammes de cocaïne, la plus grosse jamais réussie jusque là dans l'histoire canadienne, explique cette énorme augmentation. Elle a été effectuée dans le cadre d'une opération visant une organisation colombienne engagée dans le transport par avion de grandes quantités de cocaïne, directement au Canada, à partir de l'Amérique du Sud. Les renseignements recueillis par la GRC montrent que le Canada était simplement un lieu de transbordement de cette cocaïne destinée aux États-Unis, bien qu'une partie de celle-ci ait été réservée au marché canadien.

2. Tendances de 1990 à 2001

Pour l'ensemble des années 1990, les données de la GRC sur l'application des lois sont davantage révélatrices de l'orientation qu'elle a donnée à ses activités de répression que du problème canadien de la cocaïne. Cependant, selon les sources de renseignement de la GRC, le marché de la cocaïne a maintenu sa croissance jusqu'au début de 1991, et a continué de prospérer durant toute la décennie. La relative constance du nombre d'accusations de trafic de cocaïne portées tout au long des années 1990 témoigne de l'effervescence du marché au Canada. La hausse constante observée jusque-là cédait la place à une période de stabilisation indiquant que les groupes de trafiquants opéraient à pleine capacité durant toute la décennie.

Autre signe du plafond sans précédent atteint par l'offre de cocaïne au Canada en 1990 et 1991, la GRC signalait que le prix minimum du gramme de cocaïne était passé de 80 $ à 70 $ durant le troisième trimestre de 1990, et que le produit atteignait une pureté extrêmement élevée (minimum de 75 p. 100). Selon la GRC, cette situation résultait d'un excédent dans l'offre globale de cocaïne au Canada. Sauf dans certaines régions ayant connu une carence d'approvisionnement (comme le Manitoba en 1992 et Vancouver en 1993), durant le reste des années 1990 les prix de la cocaïne sont demeurés à ces niveaux relativement faibles et stables, et le produit a conservé une pureté relativement élevée et constante. D'après la GRC, les pénuries observées dans les régions ci-dessus ne résultaient pas d'une baisse de la quantité de cocaïne disponible au Canada, mais plus vraisemblablement d'une disette artificielle causée par des trafiquants s'efforçant de provoquer une hausse des prix.

Tout au long des années 1980, il existait un abondant approvisionnement de feuilles de coca (forme rudimentaire de cocaïne) en provenance (par ordre décroissant) du Pérou, de la Bolivie et de la Colombie; en 1990, la Colombie conservait son monopole comme principal centre de transformation de la cocaïne. Les réseaux de distribution et d'approvisionnement sur le marché canadien demeuraient principalement sous le contrôle des cartels colombiens. Cependant, comme suite à l'intensif programme de répression lancé en 1989 contre les bastions colombiens du trafic, certains trafiquants colombiens ont déménagé leurs installations de transformation des feuilles de coca dans des pays voisins, cédant leur monopole à des groupes autochtones péruviens, boliviens et brésiliens. En 1991, les opérations de transformation étaient surtout concentrées au Pérou et en Bolivie, et de nombreux chargements d'importance arrivaient au Canada non seulement de la Colombie, mais également du Brésil et du Venezuela, deux pays qui ne constituaient avant 1991 que des points de transbordement. En 1993, la Colombie, le Venezuela et le Brésil sont devenus les principales sources d'approvisionnement en cocaïne du marché canadien. Comme le Mexique était un point de transbordement pour la cocaïne destinée au Canada, la GRC a alors prévu que ce pays pourrait également devenir une importante source d'approvisionnement, d'autant plus que l'on entrevoyait que la mise en application de l'Accord de libre-échange mènerait à une libre circulation des marchandises entre le Mexique, les États?Unis et le Canada.

Durant les années 1990, les saisies de cocaïne totalisant plusieurs centaines de kilogrammes étaient monnaie courante au Canada. En 1991, le nombre de saisies atteignait un plafond par rapport aux onze années précédentes. Dans son rapport de 1991, la GRC signale que cela pourrait résulter d'une restructuration complète de la dynamique du trafic de cocaïne au Canada. Auparavant, on recourait souvent à des passeurs pour importer quelques kilos de cocaïne à la fois. À compter de 1991 toutefois, l'importation à grande échelle redevenait aussi courante qu'au début de la décennie précédente, à cette différence toutefois que les expéditions de cocaïne étaient maintenant acheminées directement au Canada, sans passer par des points de transbordement. En 1992 par exemple, l'interception de près de quatre tonnes de cocaïne chargées à bord d'un aéronef bimoteur turbopropulsé qui s'était rendu directement de la Colombie au Québec, sans escale, constituait une des principales saisies de cocaïne effectuées jusqu'alors dans l'histoire canadienne. Toujours en 1992, la GRC signalait que les groupes de trafiquants colombiens commençaient à restructurer leurs flottes aériennes, délaissant les petits avions d'affaires pour des appareils de plus grande taille jugés excédentaires par les forces militaires de l'ex-Union soviétique.

La plus importante saisie de cocaïne de l'histoire canadienne a eu lieu en mars 1994. La GRC annonçait alors l'interception, au large de la Nouvelle-Écosse, d'un navire transportant 5,4 tonnes de cocaïne destinée aux marchés américains et canadiens. Même si les saisies effectuées durant le reste de la décennie 1990 pâlissent en regard des chiffres de 1992 et 1994, il est clair que les années 1990 se sont caractérisées par une forte hausse des chargements. La GRC signalait en 1995 que plusieurs chargements en vrac de centaines et même de milliers de kilos de cocaïne arrivaient au Canada à bord d'avions privés, ou dissimulés dans des cargaisons commerciales contenues dans des navires ou dans des conteneurs de fret aérien et maritime. Ainsi, la GRC découvrait en 1997 à Vancouver 420 kilos de cocaïne dissimulés à l'arrière d'un conteneur de café colombien. En 1998, au port de Vancouver, on interceptait 264 kilos de cocaïne dans un conteneur de fèves de café provenant de la Colombie. Cette nouvelle façon de procéder, consistant à dissimuler la cocaïne dans des cargaisons commerciales et à la transporter directement au Canada depuis les pays sources, est demeurée la principale méthode jusqu'au milieu des années 1990. Malgré la saisie d'un certain nombre de ces chargements, la GRC indiquait en 1995 que " les saisies d'envergure ne semblent pas avoir d'effet appréciable sur l'offre de drogue au niveau de la rue " . Autrement dit, le volume de cocaïne disponible pour la population consommatrice était beaucoup plus élevé que les quantités saisies par la GRC.

Même si l'on continue aujourd'hui de saisir de grandes quantités de cocaïne provenant directement des pays sources, cette tendance s'est à nouveau infléchie vers la fin des années 1990, période où une bonne partie des importations ont recommencé à transiter dans plusieurs points de transbordement. En 1997 par exemple, une quantité croissante de cocaïne était introduite en fraude au Canada à bord de camions de transport québécois provenant du Mexique, du Texas ou de la Floride. Dans un autre scénario courant, on recourait à une jeune femme sans défiance pour transporter la cocaïne. Selon cette méthode, un trafiquant habitant une grande ville canadienne se lie d'amitié avec une jeune femme, pour ensuite lui offrir un voyage gratuit dans une région des Caraïbes. Une fois à destination, la jeune femme est approchée par un complice du trafiquant, qui l'exhorte fortement à rapporter au Canada un ou deux kilogrammes de cocaïne. Si la jeune femme consent, la cocaïne est alors dissimulée dans des chaussures, des articles de toilette ou une valise à double fond, ou encore dissoute dans une boisson alcoolisée. Si la jeune femme est capturée, rien ne permet de relier la cocaïne aux trafiquants, et elle doit assumer les conséquences de son geste.

En 2000, la GRC signalait que Haïti était également devenue un important point de transbordement pour la cocaïne sud-américaine destinée aux États-Unis et au Canada. En février 2001, la Garde côtière américaine interceptait dans le Pacifique un bateau de pêche canadien chargé de 2 000 kilos de cocaïne, qui se dirigeait vers la Colombie-Britannique. Les autorités policières soupçonnent des bandes de motards criminalisés d'avoir orchestré cet envoi, signe que les bandes de motards canadiennes demeurent très actives dans l'importation de cocaïne. La diversité des méthodes employées par les cartels de la cocaïne pour expédier la cocaïne au Canada se reflète dans la hausse du nombre des accusations d'importation portées tout au long des années 1990. Outre les plafonds enregistrés en 1993 et en 1996 dans le nombre d'accusations d'importation de cocaïne, plafonds qui peuvent avoir été attribuables aux différentes priorités appliquées durant ces années en matière d'exécution des lois, l'augmentation générale du nombre d'accusations d'importation correspond à la diversification constatée par la GRC dans les méthodes d'expédition de la cocaïne au Canada par les cartels. 

Les gangs de souche colombienne et les bandes de motards criminalisés ne sont pas les seuls groupes criminels actifs à pratiquer l'importation et le trafic de cocaïne au Canada. Dans les années 1990, plusieurs groupes criminels organisés de souche italienne s'y sont adonnés. Bien que les gangs colombiens et italiens soient généralement les plus actifs, la GRC signale également, aux échelons intermédiaires, l'existence de trafiquants d'origine asiatique, portugaise, antillaise (principalement des Dominicains et des Jamaïcains), et même de certains groupes de souche canadienne qui importent la cocaïne en quantités dépassant les cent kilos.

Les cartels jamaïcains sont demeurés très présents dans le trafic de crack-cocaïne au Canada. En 1992, la GRC annonçait que des cartels jamaïcains s'étaient installés dans la région ontarienne de Kitchener-Waterloo, signe que la consommation de crack-cocaïne s'étendait au Canada. Ce produit n'était plus uniquement disponible dans les traditionnels bastions canadiens (Toronto et Windsor, en Ontario). Outre les saisies effectuées dans le secteur de Kitchener-Waterloo, on a également procédé à des saisies dans quelques grandes villes des provinces de l'Atlantique, du Québec et de l'Ontario.

En 1995, le trafic de crack-cocaïne s'était bien établi au Canada. Comme ce dérivé de la cocaïne peut facilement être fabriqué au pays, il était rarement importé mais plutôt produit au Canada par des cartels jamaïcains, à partir de cocaïne importée. Soulignons toutefois qu'en 1996, on a intercepté à l'aéroport international Pearson un individu en provenance de la Barbade, transportant cinq kilogrammes de crack-cocaïne. C'était là une situation inusitée, puisque les pourvoyeurs avaient jusque-là l'habitude de préparer la crack-cocaïne selon les besoins, au lieu de l'importer déjà préparée. Aujourd'hui, même si le problème du crack continue de se répandre au Canada, il n'a pas atteint les proportions observées aux États-Unis. Selon la GRC, les données en la matière ont une faible signification statistique en regard de celles concernant la lutte à la cocaïne.

Il est difficile de déterminer le volume de cocaïne importé au Canada, en raison du nombre d'organisations impliquées et de la complexité des mesures mises en œuvre par ces dernières pour déjouer les agences de police comme la GRC. Hormis une estimation faite au début des années 1980 (importation de 250 kg par année pour combler la demande de la population consommatrice estimée), ce n'est qu'en 1998 que la GRC a produit une estimation du volume annuel de cocaïne importé au Canada, en menant à terme une étude basée sur l'examen des principales importations de plusieurs types de drogues durant les quinze années précédentes. Ainsi, dans chacun des rapports Situation au Canada - drogues illicites publiés entre 1998 à 2000, la GRC estime que de 15 à 24 tonnes de cocaïne sont entrées annuellement au Canada. Cependant, cette quantité n'est pas exclusivement destinée au marché canadien puisque, comme on l'a constaté durant les années 1990, le Canada est un important point de transbordement pour la cocaïne destinée aux États-Unis.

Dans l'ensemble, depuis vingt ans, la cocaïne constitue le stupéfiant de prédilection après le cannabis. Comme on le verra dans la prochaine section, le cannabis est beaucoup moins cher que la cocaïne (le coût de la dose de cocaïne est demeuré de l'ordre de 70 $ à 150 $ vers la fin des années 1990) en raison de son omniprésence au Canada, puisque le cannabis, contrairement à la cocaïne, peut facilement être cultivé au Canada. En 1999, la GRC indiquait que la marijuana canadienne servait quelquefois de monnaie d'échange pour acheter de la cocaïne entreposée aux États-Unis. " Les échanges se font approximativement dans un rapport de 3 contre 1 " . Cependant, selon des sources de renseignement de la GRC à Richmond (Colombie-Britannique), la marijuana cultivée en Colombie-Britannique présente des concentrations de THC si élevées qu'elle peut presque être échangée livre pour livre contre de la cocaïne américaine . Selon le rapport de la GRC Situation au Canada - drogues illicites pour 1999, " Des rumeurs d'échange 1 contre 1 courent, mais aucun cas n'a pu être confirmé " .

C. Le cannabis

1. Tendances de 1980 à 1985

Entre 1980 et 1985, les dérivés du cannabis (marijuana, haschich et haschich liquide) constituaient les drogues illicites les plus facilement disponibles et les plus abondamment consommées au Canada. La GRC signalait que même durant cette période, presque chaque région du pays faisait était d'une quelconque forme de consommation de cannabis.

C'est au début des années 1980 que les consommateurs de cannabis ont commencé à privilégier des dérivés plus puissants. Alors que la marijuana constituait jusque-là le plus populaire des produits du cannabis, selon le Rapport annuel national sur les drogues pour 1981, les consommateurs se sont alors tournés vers le haschich et le haschich liquide, plus puissants que la marijuana, comme en témoigne la chute spectaculaire de 79 p. 100 enregistrée dans la quantité de marijuana saisie par la GRC en 1981.

L'année 1981 donnait également lieu à une baisse du nombre d'accusations d'importation, imputable selon la GRC à la " nouvelle politique adoptée vers la fin de 1980, consistant à ne porter d'accusation d'importation que si les individus en cause semblent impliqués dans un vaste trafic commercial ". En tout, on n'a saisi en 1981 que 21 682 kilos de marijuana, de haschich et de haschich liquide, comparativement à 46 015 kilos l'année précédente (se reporter aux graphiques). Cependant, cette chute marquée était également due au fait que la GRC n'avait intercepté aucun gros chargement transporté par navire ravitailleur, pouvant contenir au moins dix tonnes métriques de marijuana. Une fois introduits dans les eaux canadiennes et livrés, ces chargements ne demeuraient pas toujours sur le territoire canadien mais prenaient parfois le chemin des États-Unis. Néanmoins, quand ces envois atteignaient le sol canadien, une partie des produits du cannabis aboutissaient chez les consommateurs canadiens.

En 1981, la GRC prédisait que la population consommatrice de cannabis au Canada commencerait à exiger un produit plus puissant. Cependant, au lieu de continuer de privilégier les dérivatifs du cannabis plus puissants (c'est-à-dire le haschich et le haschich liquide), les consommateurs canadiens ont à nouveau, en 1982, fait de la marijuana le plus populaire des dérivés du cannabis, en raison de son prix de loin inférieur. Bien que ce retour en force de la marijuana ait pu être causé par la situation économique au Canada, cela n'a pas empêché les consommateurs d'exiger un produit plus puissant. En 1982, la GRC signalait que des variétés plus concentrées de marijuana étaient mises au point dans les pays producteurs, tels que la Colombie, la Jamaïque, la Thaïlande, le Mexique et même le Canada, de façon à satisfaire la demande en ce sens. La marijuana était vendue sur la rue selon les taux de pureté produits dans le pays d'origine. C'est également à cette époque qu'a commencé à se populariser la " sinsemilla ", un type de marijuana extrêmement concentrée en THC (14 p. 100) en raison de l'absence de graines.

En 1983, le volume total des saisies de produits du cannabis a augmenté de 25 p. 100 par rapport à l'année précédente. Selon la GRC, même si le haschich était plus répandu que la marijuana dans certaines régions du Canada, cette augmentation était surtout attribuable aux saisies de marijuana. Bien que cette situation puisse simplement refléter la plus grande aptitude de la GRC à découvrir la marijuana que le haschich, elle était davantage révélatrice en 1983 d'une préférence croissante pour la marijuana plutôt que le haschich et le haschich liquide. Elle signalait également une capacité croissante de produire une marijuana à plus forte teneur en THC. En Colombie-Britannique, la GRC mettait souvent au jour des installations de culture intérieures et hydroponiques produisant une marijuana dont la pureté dépassait même celle des variétés exotiques qui continuaient d'être importées au Canada en 1983, dont la sinsemilla, la Mexican Red Hair et la marijuana thaïlandaise.

Le volume de produits du cannabis saisi au Canada a fortement diminué en 1984, mais retournait en 1985 aux niveaux enregistrés de 1981 à 1983. En 1984, les autorités canadiennes n'ont saisi que 6 430 kilogrammes de produits du cannabis, contre 23 300 kg en moyenne en 1981-1983 et en 1985. Cette diminution s'explique principalement par l'énorme déclin dans le volume de marijuana saisi (23 361 kg en 1983 contre seulement 3 844 kg en 1984). La GRC attribue cette baisse aux causes suivantes : diminution du personnel affecté à la lutte antidrogue en 1984; réorientation des efforts vers d'autres narcotiques comme l'héroïne et la cocaïne; concentration des efforts sur les échelons supérieurs. En outre, on n'a effectué durant l'année aucune saisie de chargement expédié par navire ravitailleur. Malgré cela, la GRC signalait que le cannabis demeurait très abondant sur le marché canadien. Même si les autorités canadiennes n'ont eu connaissance en 1984 d'aucun chargement de cannabis expédié au Canada par navire ravitailleur, les quantités importées lors des années précédentes ainsi que la production intérieure ont semblé maintenir l'abondance de l'approvisionnement sur le marché canadien. La GRC a constaté que la marijuana était cultivée non seulement en Colombie-Britannique (où l'on recensait encore la majorité des cultures), mais également partout ailleurs au pays.

En 1985, le volume total de produits du cannabis saisi au Canada remontait une fois de plus aux niveaux enregistrés en 1981-1983. Fait nouveau cependant, cette hausse était imputable à l'expédition au Canada de plusieurs tonnes de haschich embarquées dans des bateaux ravitailleurs, plutôt qu'à l'importation de grandes quantités de marijuana. Selon le rapport de la GRC pour 1985-1986, " deux tentatives de livraison par navire ravitailleur ont été neutralisées sur la côte atlantique du Canada en 1985, tandis qu'on soupçonne deux autres opérations analogues d'avoir réussi avant l'intervention du personnel de lutte antidrogue ".

Contrairement au haschich, qui était alors surtout importé, une quantité croissante de marijuana commençait à être produite au Canada, ce qui diminuait le besoin d'importation. En 1985, la GRC signalait qu'environ 10 p. 100 de la marijuana distribuée sur le marché canadien était d'origine canadienne, puisque les installations de culture intérieures et hydroponiques permettent d'obtenir jusqu'à trois récoltes, alors que les fluctuations météorologiques limitent à une seule récolte les producteurs étrangers. Partout au Canada, les autorités signalaient une hausse du nombre d'usagers cultivant la marijuana pour consommation personnelle, tant en région rurale qu'en région urbaine.

La modeste activité d'importation de marijuana observée par les autorités en 1985 se déroulait principalement par voie terrestre, plutôt que maritime ou aérienne. Cela peut être imputable à une tentative d'accaparement de la part colombienne du marché canadien du cannabis par les organisations de trafiquants plus proches du Canada, comme celles de la Jamaïque, du Mexique et des États-Unis, au moment où la Colombie était le théâtre de vigoureux programmes répressifs contre la culture du cannabis et du coca.

Comme suite à cette sophistication croissante des méthodes d'obtention des produits du cannabis, et compte tenu des volumes de cannabis saisis au Canada au début des années 1980, les services de lutte antidrogue ont décidé de réorienter leurs efforts. Pour contrer le problème croissant de la consommation de cannabis au Canada, les autorités ont commencé à s'attaquer aux racines du problème en ciblant d'abord les grandes organisations de trafiquants plutôt que les simples consommateurs. Conséquemment à ce virage, les données recueillies au début des années 1980 indiquent que le nombre d'accusations d'importation a crû de 161 p. 100 entre 1981 et 1983, alors que les accusations de trafic chutaient de 63 p. 100 entre 1981 et 1984.

2. Tendances de 1986 à 1990

Les produits du cannabis sont demeurés les narcotiques les plus prisés au Canada vers la fin des années 1980. Malgré une forte fluctuation interannuelle des volumes saisis, l'offre de cannabis est demeurée constante au Canada, sauf pour des pénuries très sporadiques signalées dans certaines régions. Le haschich et la marijuana sont demeurés en concurrence comme produit du cannabis de prédilection, mais le haschich noir (la forme la plus puissante du haschich) a poursuivi la tendance amorcée en 1984 comme produit du cannabis le plus prisé. Le haschich était importé du Liban, du Pakistan et de l'Afghanistan et, dans une moindre mesure, de l'Inde, du Népal et du Maroc. De grandes quantités de marijuana provenaient de pays américains (surtout la Colombie), des Caraïbes et de l'Asie du Sud-Ouest. Le haschich liquide provenait de la Jamaïque. Plusieurs tonnes de produits du cannabis étaient chargées parmi des expéditions licites de conteneurs, tandis que des quantités plus petites de cannabis étaient introduites en fraude au Canada par voie terrestre et aérienne, occasionnellement par des passeurs de moins de 18 ans.

Vers la fin des années 1980, le nombre de personnes accusées de culture de cannabis au Canada a continué d'augmenter. Dans la seconde moitié de la décennie, la GRC signalait une énorme hausse du nombre de saisies de cannabis d'origine canadienne. En 1987, on estimait que 20 p. 100 de la marijuana offerte sur le marché canadien était cultivée au pays, soit une hausse substantielle comparativement aux 10 p. 100 qu'on observait précédemment. La culture hydroponique et la culture intérieure sont devenues les méthodes les plus populaires de production des variétés canadiennes de marijuana, puisqu'elles permettaient d'obtenir trois ou quatre récoltes par année et que les plants étaient ainsi moins détectables que ceux cultivés en plein air. En 1986 et 1987, de nombreux systèmes intérieurs et hydroponiques ont été démantelés en Colombie-Britannique. En 1986, 17 installations hydroponiques avaient été confisqués depuis 1982. En 1987, 31 installations hydroponiques étaient démantelées uniquement en Colombie?Britannique. À compter de 1990 toutefois, on commençait à mettre au jour un nombre croissant de systèmes intérieurs au Québec, en Ontario et dans les Prairies. Même si les renseignements recueillis révèlent une augmentation de la production nationale de marijuana tout au long des années 1980, les données concernant le nombre de personnes accusées de culture et le volume des saisies de cannabis canadien ne permettent pas d'évaluer avec précision le volume de marijuana produit au Canada à cette époque.

Outre la hausse constante de la production canadienne de marijuana, un autre facteur contribuant à l'augmentation du nombre de personnes accusées de culture résidait dans la popularité croissante du haschich liquide d'origine canadienne. Traditionnellement, le haschich liquide consommé au Canada était surtout d'origine jamaïcaine. Cependant, en 1988 la GRC signalait le démantèlement de sept petits laboratoires de production de haschich liquide en divers endroits de l'Ouest canadien (par comparaison, deux à cinq installations avaient été découvertes annuellement lors des années précédentes). 

Bien que la production au pays de dérivés du cannabis n'ait pas empêché les pays sources de continuer d'approvisionner le Canada en produits du cannabis, l'augmentation de cette production vers la fin des années 1980 explique partiellement la baisse du nombre d'accusations d'importation de cannabis. Sauf pour 1987, année où le nombre d'accusations d'importation de cannabis avait connu une forte hausse pour totaliser 268, ce nombre a généralement diminué durant cette période. Cependant, comme mentionné précédemment, la production intérieure de dérivés du cannabis n'explique que partiellement cette baisse. Le nombre d'accusations d'importation est aussi largement tributaire de la capacité du personnel de lutte antidrogue à stopper les importations. En 1987, à la suite d'enquêtes, la GRC a intercepté deux chargements expédiés par navire ravitailleur, ce qui a fait grimper le nombre d'accusations d'importation par rapport aux autres années de la seconde moitié de la décennie 1980. Hormis ces interceptions opérées sur les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, la GRC signalait également une hausse appréciable des interceptions de haschich provenant de sources secondaires, à savoir l'Afghanistan et la Syrie. 

Pour la période 1980-2000, les quantités de cannabis saisies en 1989 et 1990 représentent respectivement un plancher et un plafond. Cependant, ces deux années n'ont donné lieu ni à une diminution ni à une augmentation de l'offre de cannabis au Canada. Selon la GRC, la baisse de 81 p. 100 observée dans les saisies de cannabis en 1989 est attribuable au fait que l'on n'a intercepté aucun chargement de plusieurs tonnes de cannabis, plutôt qu'à un déclin de l'offre de cannabis au pays. À l'autre opposé du spectre, le décuplement des quantités saisies en 1990, en comparaison avec l'année précédente, ne doit pas non plus être interprété comme une hausse de la demande sur le marché canadien. Cela est plutôt attribuable aux nombreuses saisies effectuées au large de la côte atlantique et au Québec, y compris la plus grande saisie de cannabis réalisée jusqu'alors au Canada, soit quelque 45 tonnes de haschich qu'on a trouvé dans des barils flottant dans le golfe du Saint-Laurent, près de Mingan au Québec.

Dans l'ensemble, même si le produit issu d'autres pays sources est demeuré abondant sur le marché canadien du cannabis, les produits du cannabis cultivés au Canada étaient en hausse dans la seconde moitié des années 1980. Les cultivateurs canadiens en serres hydroponiques ou intérieures ont mis au point des techniques de plus en plus sophistiquées permettant de produire une marijuana plus puissante, pouvant concurrencer les plants d'origine étrangère. Par ailleurs, on a démantelé davantage d'installations de production de haschich liquide. Les fournisseurs canadiens de cannabis accaparaient une part beaucoup plus grande du marché canadien, et pour cette raison la perturbation de l'approvisionnement en provenance des pays sources habituels n'a eu que peu d'effets sur le marché canadien.

3. Tendances de 1991 à 2000

Tout au long des années 1990, les produits du cannabis sont demeurés les stupéfiants illicites les plus abondants et les plus prisés au Canada. En 1991, environ 1,3 million de Canadiens ont déclaré consommer du cannabis, contre 284 000 pour ce qui est de la cocaïne .

Comme indiqué dans la section précédente, la marijuana et le haschich se sont livré une lutte dans la seconde moitié des années 1980 comme produit du cannabis le plus prisé. Durant une majorité de ces années, le haschich a remporté la lutte. Cependant, peut-être en raison des fortes saisies de haschich opérées en 1990 (123 tonnes), la première moitié de 1991 a donné lieu à une pénurie de haschich au Québec et dans les provinces de l'Atlantique. Il s'en est suivi au début de 1991 une majoration des prix du haschich au Canada, qui a perduré même après une reprise de l'offre de haschich dans la seconde moitié de 1991.

Après cette courte disette de haschich, la marijuana et le haschich ont continué de se livrer concurrence comme produit du cannabis de prédilection pendant le reste des années 1990. Cependant, bien que le haschich soit demeuré en forte demande, selon le rapport de la GRC Situation au Canada - drogues illicites pour l'an 2000, la marijuana était devenue vers la fin des années 1990 la drogue le plus populaire au Canada. Les données récoltées par la GRC durant la décennie 1990 révèlent une intensification constante de la culture de la marijuana, ainsi qu'une participation des groupes criminels organisés dans le maintien de l'approvisionnement du marché canadien en marijuana.

Comme en témoigne le grand nombre d'accusations portées pour culture de marijuana, la production de marijuana a connu durant les années 1990 une sophistication et intensification croissantes. En 1991 seulement, plus d'une centaine d'installations intérieures étaient démantelées, surtout en Colombie-Britannique. Dans certains cas, il ne s'agissait pas uniquement d'installations de production pour consommation personnelle; certaines comprenaient jusqu'à 500 plants, rapportant 35 000 $ tous les deux mois. En 1991, on constatait que certaines de ces grandes installations approvisionnaient non seulement le marché canadien, mais aussi le marché américain. En 1991, les autorités américaines saisissaient à St. Clair au Michigan 317 kg de marijuana cultivée au Canada. C'était là le premier cas documenté d'exportation illégale d'une grande quantité de marijuana cultivée au Canada.

En 1992, la GRC découvrait que certaines installations de culture, financées par leurs propriétaires, étaient en fait gérées et exploitées par des tiers. D'autres types de spécialisations ont été mis au jour en 1992, année où l'on a démantelé plusieurs installations faisant exclusivement le clonage de plants, en vue de vendre les semis à d'autres producteurs.

En 1993, plus de 30 p. 100 de la marijuana offerte sur le marché canadien était d'origine canadienne (comparativement à 20 p. 100 vers la fin des années 1980), et en 1993 seulement, on démantelait plus de 1 200 installations de culture. Même si en 1991 la GRC ne disposait que d'indications concernant l'implication des groupes criminels organisés dans la culture et l'importation de marijuana, en 1993 elle signalait avoir des preuves que des groupes criminels organisés s'adonnaient effectivement à la culture et à l'importation de produits de cannabis, même au niveau du kilogramme. " Des membres de bandes de motards hors-la-loi ou leurs associés étaient reliés à bon nombre des installations de culture de la marijuana découvertes durant l'année " . La GRC laissait également entendre qu'une coopération entre les groupes criminels organisés était essentielle, pour qu'il soit possible d'importer de grandes quantités de cannabis par navire ravitailleur ou par conteneurs de transport. 

Vers le milieu des années 1990, les Rapports annuels sur les drogues de la GRC révèlent que les consommateurs canadiens de marijuana exerçaient un contrôle de plus en plus fort sur le marché canadien de la marijuana, et qu'ils tentaient d'accroître encore plus cette emprise. En 1994, la GRC signalait également que la marijuana cultivée au Canada était de plus en plus exportée aux États-Unis, où une livre pouvait rapporter 6 000 $ canadiens, comparativement aux 3 000 $ canadiens normalement obtenus en Colombie-Britannique. Plus de dix millions de dollars reliés à l'exportation de marijuana vers les États-Unis ont passé par les coffres d'un comptoir de change mis sur pied par la GRC en Colombie-Britannique durant trois ans. Les variétés de marijuana " BC Bud " et " Quebec Gold " (à fortes teneurs en THC) ont permis aux cultivateurs canadiens vendant leurs produits aux États-Unis de faire des affaires florissantes, bien que la marijuana canadienne ne constitue pas la principale d'approvisionnement du marché américain.

Par ailleurs, la GRC indiquait en 1996 que les installations de culture intérieures devenaient de plus en plus sophistiquées et atteignaient une envergure sans précédent. À Montréal, une seule saisie faite dans un entrepôt a permis de mettre la main sur 11 000 plants en pleine floraison, La GRC relie cette installation aux Rockers, une bande de motards criminalisés associée aux Hell's Angels.

Vers le milieu des années 1990, la GRC se rendait de plus en plus compte de la forte implication des groupes criminels organisés dans la production de marijuana. En 1997 cependant, elle déclarait qu'ils n'étaient pas les seuls à contrôler la culture de marijuana au Canada. Les autorités policières québécoises ont mis au jour des " ateliers clandestins " de marijuana, où la main-d'œuvre était secrètement acheminée pour y emballer des bourgeons de marijuana et de l'huile de haschich destinés au marché, ainsi que pour préparer les résidus de marijuana devant être transformés en huile de haschich.

Comme en témoigne le nombre d'accusations pour culture de marijuana, qui a fortement augmenté en 1997 pour atteindre un plafond en 1999, la part canadienne du marché de la marijuana se chiffrait à 50 p. 100 en 1998. Vers la fin des années 1990, la GRC indiquait que ses sources de renseignement découvraient régulièrement des installations intérieures pouvant produire plus de 3 000 plants. Il s'avérait toutefois difficile de s'en prendre à la tête de l'entreprise, puisqu'en 1999 le recours aux " garde-récoltes ", initialement observé au début des années 1990, était devenu pratique courante.

Ainsi, dans chacun de ses rapports publiés entre 1998 et 2000, la GRC estimait la production annuelle de marijuana à environ 800 tonnes, soit 4,7 millions de plants par année, puisqu'un plant adulte génère en moyenne 170 grammes de substance commercialisable (sommités fleuries). Même si, de l'aveu même de la GRC, ce nombre semble élevé, il repose sur des sources de renseignement et sur des saisies de marijuana en plants et en vrac; en fait, les enquêteurs de la GRC pensent qu'il s'agit là d'une estimation prudente.

En 1997, la GRC signalait qu'en raison de la sophistication croissante des méthodes de production de la marijuana, autorisant une concentration beaucoup plus élevée, la production d'huile de haschich au Canada avait augmenté durant l'ensemble des années 1990.

L'exportation aux États-Unis de marijuana canadienne a connu une hausse substantielle vers la fin des années 1990. Ainsi, en juin et juillet 1997, près de deux millions de dollars d'argent liquide provenant de transactions de marijuana ont été saisis dans des véhicules revenant au Canada en provenance des États-Unis. Les organisations criminelles organisées fournissaient en marijuana canadienne leurs vis-à-vis américaines, souvent en échangeant de grandes quantités de marijuana pour de plus petits volumes de cocaïne.

Alors que les méthodes de production de la marijuana connaissaient une sophistication croissante au Canada, l'importation se poursuivait par voie maritime, aérienne et terrestre. Des régions comme la Jamaïque, l'Asie du Sud-Est, le Mexique, la Colombie et les États-Unis continuaient d'approvisionner le marché canadien au début des années 1990. En 1992, la GRC faisait état d'une hausse marquée de l'implication du personnel aéroportuaire canadien, particulièrement les bagagistes et le personnel de nettoyage, dans l'importation de marijuana. En 1998 toutefois, année où le Canada produisait 50 p. 100 de la marijuana consommée sur son territoire, la GRC indiquait que la seule marijuana importée au Canada provenait du Mexique, de l'Afrique du Sud et de la Jamaïque. 

Selon la GRC, on a continué de saisir annuellement de fortes quantités de cannabis tout au long des années 1990, signe que le cannabis s'intégrait fortement au cœur de l'environnement des drogues illicites . En 1991 par exemple, pour la toute première fois, la GRC constatait que le Canada servait de point de transbordement pour le haschich destiné à l'Europe. Un chargement de 4,5 tonnes de haschich provenant de l'Inde, dissimulé dans un conteneur de pain pita et de chili en poudre, avait été saisi à Toronto. Il semble que la cargaison devrait prendre le chemin du Royaume-Uni.

Du haschich et du haschich liquide ont également été importés au Canada durant toutes les années 1990, en général à bord de bateaux et de cargos. En 1993, par exemple, on saisissait 150 kilogrammes de haschich liquide dissimulés dans le plafond d'une cabine de bateau. Des conteneurs maritimes ont également servi à transporter des chargements de plusieurs tonnes de haschich provenant de l'Afghanistan, du Pakistan, du Liban et du Maroc, ainsi que de certains pays d'Afrique. En 1996 par exemple, deux expéditions, une de 7,6 tonnes et l'autre de 8,6 tonnes, ont été interceptées au port de Halifax en provenance du Pakistan. En 1998, on a intercepté 19 tonnes de haschich sur la côte ouest du Canada.

Selon la GRC, le haschich était généralement importé directement au Canada depuis le pays source, quoique certains envois aient transité par les États-Unis. En 1997, la GRC chiffrait à quelque 100 tonnes les importations annuelles de haschich au Canada, en se fondant sur la demande centralisée de ce produit au Québec, en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique, et sur des données relatives aux cargaisons de plusieurs tonnes de haschich saisies au Canada ainsi qu'à des cargaisons que l'on sait avoir pénétré impunément le marché canadien. Au fil des ans, on n'a signalé aucune introduction en fraude aux États-Unis de haschich ayant transité par le Canada, puisque ce produit est peu recherché aux États-Unis.

En 1992, la GRC signalait avoir démantelé le laboratoire clandestin de haschich synthétique le plus sophistiqué jamais découvert au Canada. Même si les rapports des années subséquentes ne font état d'aucune autre saisie de laboratoire de haschich, la GRC soulignait le recours croissant à des passeurs individuels, à compter de 1992. Des organisations telles que le West End Gang (un groupe criminel organisé de souche italienne) et les Hell's Angels ont coopéré dans ces opérations d'importation à grande échelle.

En 1999, la GRC signalait que des groupes criminels organisés basés à Montréal s'étaient spécialisés dans l'importation de haschich à grande échelle, et exerçaient un monopole sur sa distribution en gros. Cependant, la quantité de haschich saisie en 1999 accusait une baisse. La dernière saisie de chargement transporté par navire ravitailleur remontait à 1998. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement une baisse de l'importation de haschich, mais plutôt la possible émergence d'une nouvelle tendance dans les activités d'importation, visant à éviter une interception policière. Par exemple, en 2000, la GRC signalait qu'au lieu d'arriver directement au Canada en provenance des pays sources, certains navires ravitailleurs avaient auparavant transité par les Émirats arabes unis, l'Afrique et l'Europe.

Durant toutes les années 1990, le marché canadien du haschich liquide se concentrait depuis l'Ontario en allant vers l'est. En 1992 par exemple, douze personnes ont été accusées à St. John's (Terre-Neuve) de conspiration en vue de faire le trafic. En 1996, la GRC indiquait que l'ingestion ou le transport sur la personne étaient les méthodes d'importation les plus courantes, et qu'on avait également trouvé de grandes quantités dans des bagages abandonnés. En outre, la GRC signalait en 1996 et 1997 une hausse des cas de dissimulation de haschich liquide à bord d'avions, particulièrement dans le compartiment des toilettes et derrière les cloisons. En 1997, on saisissait à Vancouver 75,5 kg de haschich liquide dissimulé dans un conteneur maritime chargé de café colombien. Selon la GRC, il s'agissait là d'un cas isolé pour ce qui est de la méthode de transport.

Au début des années 1990, les saisies de haschich liquide ne concernaient généralement que quelques kilogrammes. En 1992 toutefois, les autorités américaines ont saisi presque une demi-tonne de haschich liquide, introduit en Floride depuis la Jamaïque par un puissant bateau à moteur, et devant prendre la direction du sud de l'Ontario. En 1998, la GRC estimait que six à huit tonnes de résine de cannabis liquide étaient importées chaque année en provenance de la Jamaïque. Durant les années 1990, la majorité des saisies de haschich liquide ont été opérées à l'aéroport international Pearson, à Toronto. En 2000, la GRC déclarait que les trafiquants canadiens transigeaient avec des intermédiaires non seulement de la Jamaïque, mais également de Floride. La Floride devenait un point de transbordement pour le cannabis liquide acheminé par bateau de la Jamaïque, pour être ensuite transporté au Canada par voie terrestre.

En outre, à au moins deux reprises, l'implication de groupes criminels organisés a été révélée par des enquêtes portant sur de nombreuses saisies de haschich liquide jamaïcain apparemment non reliées entre elles, effectuées à des ports d'entrée. Ces organisations recrutaient des passeurs qui se rendaient régulièrement en Jamaïque pour y prendre livraison de petites quantités de haschich liquide.

Alors que le haschich liquide importé au Canada provenait surtout de la Jamaïque, l'intensification de la production de marijuana a entraîné au Canada une hausse de la production de résine de cannabis (haschich liquide). En 1999, les raids menés par la GRC dans des installations de culture de la marijuana se soldaient souvent par la mise au jour d'équipements de transformation.

Dans l'ensemble, les produits du cannabis sont en plein essor au Canada. Uniquement au cours des quatre dernières années, les saisies de plants de marijuana ont doublé. Plus d'un million de plants de marijuana ont été saisis en 2001. En outre, malgré une fluctuation des activités relatives au haschich et au haschich liquide depuis vingt ans, ces deux narcotiques continuent de faire l'objet d'une abondance constante depuis quatre ans. Au pays, la GRC continue de s'efforcer de combattre le problème du cannabis en ciblant les installations de culture et les gros trafiquants, plutôt que les petits narcotrafiquants.

D. Les drogues chimiques - Stimulants - Méthamphétamine et ecstasy

Selon la GRC, la situation au Canada des drogues chimiques (méthamphétamine, ecstasy, LSD, PCP, kétamine et plusieurs produits pharmaceutiques comme le Diazepam, des médicaments antidouleur et des stéroïdes), est loin d'être aussi dangereuse que la consommation d'héroïne, de cocaïne et de cannabis. Néanmoins, le problème des drogues chimiques au Canada est demeuré constant depuis vingt ans. Puisque " la catégorie des drogues chimiques est difficile à définir en raison de la grande diversité des types de narcotiques qu'elle englobe, et qu'une drogue chimique populaire dans une région donnée durant un mois en raison de sa grande abondance peut céder la place le mois suivant à une autre drogue chimique facilement disponible " , cette section portera principalement sur la consommation de méthamphétamine et d'ecstasy (MDMA - méthylènedioxy-n-méthylamphétamine). En outre, cette section présente un contenu beaucoup plus général que les trois sections précédentes, puisque la GRC n'a que récemment commencé à recueillir systématiquement des données sur les drogues synthétiques, et que ces données s'avèrent donc moins détaillées.

La méthamphétamine et l'ecstasy (MDMA) sont des substances autrefois visées par l'annexe G (substances contrôlées) de l'ancienne Loi sur les stupéfiants, et des substances inscrites à l'annexe III de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les deux produits ont un effet stimulant. Cependant, d'après les statistiques de la GRC sur les drogues au Canada, l'ecstasy n'est apparue sur le marché canadien qu'en 1991. Auparavant, la méthamphétamine était la plus prisée parmi toutes les drogues chimiques inscrites à l'annexe G.

La méthamphétamine est un narcotique stimulant à effet de dépendance, qui active fortement certains systèmes dans le cerveau. Sur le plan chimique, elle est étroitement reliée à l'amphétamine, mais elle exerce des effets plus accentués sur le système nerveux central. Les deux substances ont certains usages médicaux, principalement contre l'obésité, mais leur utilité thérapeutique est limitée. Dans la rue, la méthamphétamine a plusieurs appellations, par exemple " speed ", " meth " et " chalk ". L'hydrochlorure de méthamphétamine, qui consiste en des cristaux grossiers et transparents qui ressemblent à de la glace, et qu'on peut inhaler en fumant, est appelé " ice ", " crystal " et " glass " .

Au début des années 1980, les statistiques annuelles de la GRC sur l'application de la loi en ce qui concerne la méthamphétamine étaient erratiques. Bien que la simple possession de stupéfiants visés par l'annexe G ne constituait pas à l'époque une infraction, le trafic et la possession à des fins de trafic étaient interdits. Les statistiques sur les saisies relatives à ces infractions ont fortement fluctué tout au long des années 1980. En 1980, on avait saisi 34,969 kg de méthamphétamine, contre seulement 6,384 kg en 1982. Cependant, les quantités saisies en 1983 (79,621 kg) avaient plus que doublé par rapport à 1980. La GRC attribue la faible quantité de méthamphétamine saisie en 1982 à l'accroissement de l'approvisionnement en drogues " d'imitation ", qui commençaient à se répandre sur le marché en 1981 et en 1982. Les drogues " d'imitation " ressemblaient à la méthamphétamine et aux autres substances visées par l'annexe G, mais constituaient des drogues non contrôlées légalement fabriquées.

La méthamphétamine pose au Canada un problème constant depuis une vingtaine d'années, puisqu'à la différence des autres drogues chimiques, souvent importées, la méthamphétamine est généralement produite au pays même, dans des laboratoires clandestins. En 1981 et en 1982, la diminution des saisies de méthamphétamine s'est accompagnée d'une baisse du nombre de démantèlements de laboratoires clandestins. Par ailleurs, en 1983, lorsque les saisies de méthamphétamine ont largement dépassé les quantités saisies même en 1980, on a démantelé cinq laboratoires en Ontario, et un sixième en Colombie-Britannique.

Depuis vingt ans, ce sont principalement des bandes de motards criminalisés qui contrôlent la fabrication et la distribution de méthamphétamine au Canada. En 1983, la GRC indiquait que " la méthamphétamine fabriquée en Ontario par un chapitre d'une bande de motards criminalisée est transportée pour distribution en Colombie-Britannique par un chapitre associé de la même bande de motards, dans cette province " . En outre, la méthamphétamine a été selon la GRC une des premières substances produites et distribuées par ces bandes, mais la mise sur pied de réseaux de distribution pour cette substance partout au Canada a mené au trafic d'autres drogues, comme l'héroïne et la cocaïne.

En 1984 et en 1985, la GRC commençait à signaler que le LSD, une substance visée par l'annexe H (drogue d'usage restreint), était le plus populaire des narcotiques chimiques. Cependant, la méthamphétamine demeurait fortement prisée dans des régions du Canada telles que le Québec et l'Ontario, particulièrement le sud de l'Ontario. En outre, en 1985 la méthamphétamine atteignait des niveaux de pureté de l'ordre de 20 à 40 p. 100, comparativement à 11 p. 100 seulement en 1982. La GRC a découvrait également de nouvelles formes de méthamphétamine en 1985, sous forme " de roche et de pâte vertes ", ou comme du speed pourpre et brun.

Bien qu'elle n'ait commencé qu'à la fin des années 1980 à faire rapport sur les prix des narcotiques chimiques, la GRC indiquait en 1984 que le prix de la méthamphétamine était principalement contrôlé par les bandes de motards criminalisés. " Cette drogue est vendue moins cher à d'autres membres de la bande de motards qu'à "l'extérieur". " En outre, la GRC indiquait en 1984 détenir des preuves que certaines bandes de motards canadiennes échangeaient de la méthamphétamine fabriquée au Canada contre du LSD et de la cocaïne produits aux États?Unis.

En 1986, la GRC indiquait que les consommateurs de méthamphétamine étaient surtout âgés de 20 à 40 ans, alors que la plupart des autres drogues chimiques étaient consommées par des adolescents. Cela reflétait les prix généralement élevés de la dose de méthamphétamine. En 1988, le gramme de méthamphétamine se vendait entre 80 $ et 150 $ selon l'approvisionnement, dans certaines régions du Canada. Le LSD est demeuré la drogue chimique le plus populaire durant la seconde moitié des années 1980, puisque la dose, d'un prix moyen de 4 $ à 15 $, demeurait à la portée de tous les groupes d'âge.

À la même période toutefois, la méthamphétamine continuait de figurer parmi les drogues chimiques les plus populaires au Canada. En 1987, on saisissait 424 grammes de méthamphétamine, et en 1988 la GRC en saisissait la quantité renversante de 6,887 kg. Cette montée en flèche peut être partiellement attribuable à la forte hausse de l'offre et la demande de méthamphétamine dans les provinces de l'Est, en 1988. Cependant, les importantes saisies de 1988 s'expliquent surtout par le démantèlement de deux laboratoires clandestins de méthamphétamine à Kanesatake (Québec) et à Windsor (Ontario). La GRC signalait également une hausse correspondante dans le nombre de doses uniques de méthamphétamine saisies (78 doses saisies en 1987, contre 307 doses en 1988).

Pour la première fois dans l'histoire canadienne, la GRC faisait également une petite saisie de " ice " (la forme cristallisée de méthamphétamine, qu'on peut fumer). Cette saisie, effectuée à Edmonton, a subséquemment mené à la tenue d'une enquête et à l'arrestation d'un individu en Corée. C'était la première saisie connue, au Canada ou à l'étranger, de " ice " destinée au marché canadien, signe de la popularité croissante de cette forme de méthamphétamine.

En 1989 et 1990, le LSD demeurait la drogue chimique la plus populaire, suivi de près cependant par la méthamphétamine. Selon le Rapport annuel sur les drogues de la GRC pour 1990, les consommateurs endurcis de méthamphétamine étaient habituellement des hommes de 30 à 50 ans, capables de payer entre 80 $ et 120 $ pour un gramme de méthamphétamine. L'offre de méthamphétamine ordinaire est demeurée inchangée au Québec et en Ontario et a décliné en Alberta, alors que la " ice " gagnait en popularité dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, principalement à Vancouver. Selon la GRC, des groupes américains de souche asiatique contrôlaient à la fois la production et la distribution de " ice " en Amérique du Nord. En 1989, elle estimait que la " ice " ne circulait qu'en quantité limitée au Canada, puisque aucune saisie n'avait encore été faite à Toronto, un des principaux centres de consommation de drogue au Canada. Cependant, d'après une étude sur la consommation de drogues chez les jeunes de la rue du Toronto métropolitain, menée en 1990 par l'Ontario's Addictions Research Foundation (ARF), 24 p. 100 des jeunes interviewés faisaient usage de méthamphétamine, et 5 p. 100 avaient consommé de la " ice ", signe que cette drogue se répandait beaucoup plus sur le marché canadien.

C'était également la première année où la GRC avait constaté l'apparition d'ecstasy (MDMA) sur le marché canadien des drogues illicites. L'étude mentionnée ci-dessus avait également révélé que 13 p. 100 des jeunes de la rue vivant à Toronto avaient consommé de l'ecstasy (MDMA). Plus tard cette même année, la GRC démantelait un important laboratoire de méthamphétamine, ainsi qu'un laboratoire d'analogues des amphétamines à Toronto, où l'on saisissait également de petites quantités de méthamphétamine et d'ecstasy. La GRC soulignait par ailleurs l'émergence d'ecstasy au Yukon. C'était la première année où la GRC signalait l'apparition de l'ecstasy sur le marché canadien.

En 1991, la GRC faisait état d'une croissance de la consommation d'ecstasy. Bien que principalement concentrée en Colombie-Britannique (la seule province où des accusations ont été portées en 1991), l'ecstasy était également présente dans d'autres régions du Canada. La consommation d'ecstasy est étroitement reliée à la popularisation des " raves " au Canada. " Ces partys, d'origine britannique, se caractérisent par une frénétique musique de danse qui joue toute la nuit et par la consommation de drogues psychédéliques, notamment le MDMA (l'ecstasy), visant à intensifier les effets hypnotiques de la musique synthétisée " . Le MDMA est un stupéfiant synthétique psychoactif, aux propriétés stimulantes (comme l'amphétamine) et hallucinogènes (comme le LSD). Les noms populaires du MDMA sont l'ecstasy, Adam, XTC, hug, beans, et drogue de l'amour. Sa structure chimique (3?4 méthylènedioxyméthamphétamine, " MDMA ") est similaire à celle de la méthamphétamine, de la méthylènedioxyamphétamine (MDA) et de la mescaline .

Alors que la consommation d'ecstasy s'intensifiait au début des années 1990 avec la croissance du mouvement " rave ", le prix du comprimé d'ecstasy dans la rue variait entre 35 $ et 45 $, soit un montant relativement prohibitif pour l'adolescent ou l'étudiant universitaire moyen, comparativement au LSD, beaucoup plus courant, qui ne coûtait que 2,50 $ à 10 $. En outre, la production d'ecstasy était encore loin d'être aussi abondante que la production de méthamphétamine, qui demeurait en 1994 la plus disponible des drogues stimulantes visées par l'annexe G. En 1992, des enquêteurs de la GRC ont saisi dans un secteur rural de l'Alberta ce qu'ils estimaient alors constituer le plus important laboratoire de méthamphétamine de l'Ouest du Canada. On y a saisi un total de 8,92 kg de méthamphétamine, et suffisamment de produits chimiques pour produire dix autres kilogrammes. Malgré sa faible popularité au Québec au début des années 1990, la méthamphétamine y était quand même fabriquée. En 1992 et en 1993, on a démantelé des laboratoires clandestins de méthamphétamine au Québec, et un autre en Colombie-Britannique. La GRC indiquait que les bandes de motards criminalisés conservaient le monopole du trafic de méthamphétamine dans toutes les régions du pays au début des années 1990, mais les autorités policières ont également remarqué que les trafiquants recouraient également aux services de messagerie et au service postal pour acheminer de petites quantités de cette drogue. En outre, de faibles quantités de méthamphétamine commençaient à être importées des États-Unis, en complément aux volumes produits au pays. À cette période, la production et l'importation de " ice " demeuraient minimes au Canada.

En 1993 et 1994, de petites quantités d'ecstasy ont été saisies en Colombie-Britannique, au Québec et en Ontario, signe d'un marché en croissance. En outre, la GRC a signalé que des substances contrôlées et non contrôlées étaient vendues comme s'il s'agissait d'ecstasy. Des préparations stimulantes offertes en vente libre, comme la caféine, l'éphédrine et la pseudoéphédrine, étaient maquillées pour ressembler à des substances contrôlées telles que l'ecstasy.

La situation de l'ecstasy au Canada a continué de s'aggraver dans la seconde moitié des années 1990, et cette drogue a commencé à dépasser en popularité la méthamphétamine. Malgré plusieurs saisies de laboratoires clandestins de méthamphétamine, comme par exemple à Windsor (Ontario) en 1996, où l'on a découvert des équipements pouvant produire 200 kg de méthamphétamine, et d'un autre laboratoire en Alberta, relié à une saisie de 7,2 kg de méthamphétamine opérée en Californie, on a également commencé à effectuer d'importantes saisies d'ecstasy. Outre la petite saisie d'ecstasy de 1990 mentionnée ci-dessus, on a démantelé en septembre 1996 à Port Coquitlam (Colombie-Britannique) un des plus gros laboratoires clandestins jusque-là découverts au Canada, et où l'on a mis la main sur plusieurs types de narcotiques, dont 3,29 kg d'ecstasy. En outre, la GRC signalait en 1996 que la police de Montréal faisait régulièrement des saisies d'ecstasy. 

Avec la popularisation croissante des " raves " au Canada vers la fin des années 1990, l'ecstasy était devenue en 1998 la drogue chimique la plus prisée chez les adolescents et les jeunes adultes du Québec, de la Colombie-Britannique et (dans une moindre mesure) de l'Ontario, prenant la place des traditionnels favoris qu'étaient le LSD et la méthamphétamine. Selon la GRC, même si le comprimé d'ecstasy continuait de se vendre sur le marché noir entre 35 $ et 45 $, les consommateurs semblaient préférer l'ecstasy à la cocaïne, en raison de la durée supérieure (environ huit heures) de ses effets stimulants. En outre, l'ecstasy s'avérait moins onéreuse que le méthamphétamine. Même si l'on a continué de démanteler plusieurs laboratoires de méthamphétamine vers la fin des années 1990, principalement dans l'Ouest du Canada (on a fait enquête en 1999 sur 19 laboratoires clandestins, dont douze étaient reliés à la fabrication de méthamphétamine), dans l'ensemble du Canada la demande de méthamphétamine a chuté en faveur de l'ecstasy. La GRC a indiqué que le grand nombre de laboratoires de méthamphétamine sous enquête était attribuable au fait que plusieurs fabricants de méthamphétamine basés aux États-Unis profitaient de l'absence de législation canadienne interdisant la production des produits chimiques précurseurs. Comme l'indiquait la GRC en 1999, certains d'entre eux sont même demeurés pour produire de la méthamphétamine avant de retourner aux États-Unis.

Selon la GRC, le nombre de comprimés d'ecstasy saisis a explosé, passant d'un millier en 1996 à environ 10 000 en 1997, 70 000 en 1998, 400 000 en 1999 et plus de deux millions en 2000. En comparaison, les saisies de LSD ont considérablement diminué, passant de quelque 25 000 en 1997 à un peu plus de 2 000 au cours de la dernière année. Dans la seconde moitié des années 1990, on a démantelé un nombre croissant de laboratoires clandestins d'ecstasy. En juin 1999, on a démantelé à Sainte-Julie (Québec) un laboratoire contenant suffisamment de produits chimiques pour produire 750 000 comprimés d'ecstasy. De plus, en octobre 1999, à Chilliwack en Colombie-Britannique, les autorités policières ont mis au jour un autre gros laboratoire, pouvant fabriquer jusqu'à deux millions de comprimés d'ecstasy. En 2000, on a saisi au Canada huit laboratoires de MDMA, dont cinq pouvaient fabriquer plus d'un type de stupéfiant. Un autre de ces laboratoires était aménagé dans une résidence de Toronto, où l'on a également trouvé 2 000 comprimés d'ecstasy. 

Cependant, malgré la capacité de fabriquer de l'ecstasy au Canada, la GRC indique que la plus grande partie de l'ecstasy écoulée sur le marché nord-américain provient d'Europe occidentale. Des groupes criminels de souche hollandaise et israélienne conservent un monopole sur le marché international de l'ecstasy, mais la GRC prévoit que des trafiquants internationaux d'autres types de narcotiques s'impliqueront de plus en plus dans le commerce de l'ecstasy .

Depuis que l'ecstasy est devenue un problème important au Canada, la GRC concentre ses efforts sur les organisations trafiquantes. Le trafic d'ecstasy peut être pratiqué aussi bien par un entrepreneur individuel que par des criminels organisés, notamment des bandes de motards criminalisés et des groupes de souche asiatique (notamment en Colombie-Britannique et en Ontario) et italienne. D'après la GRC, un nombre croissant de trafiquants américains d'envergure moyenne franchissent la frontière pour acheter de l'ecstasy au Canada. Aux échelons supérieurs, des groupes criminalisés organisés d'origine américaine se servent des grandes villes canadiennes comme points de transit pour les envois d'ecstasy destinés aux États?Unis.

À l'heure actuelle, l'ecstasy a détrôné le LSD comme drogue chimique de prédilection. Bien qu'encore beaucoup plus cher que le LSD, l'ecstasy demeure moins onéreux que le stimulant traditionnellement privilégié, la méthamphétamine (narcotique visé par l'annexe G). La popularité croissante de l'ecstasy sur le marché canadien a également fait baisser la demande de méthamphétamine. Cependant, en 2000, la GRC envisageait pour l'avenir une possible hausse de la demande de méthamphétamine.

PARTIE III - UTILITÉ DES DONNÉES

SUR L'APPLICATION DES LOIS ANTIDROGUES

A. Conséquences de l'application des lois et de la politique antidrogue

Durant la plus grande partie des 20 dernières années, la GRC a souligné avoir axé ses efforts sur les gros narcotrafiquants, pour s'attaquer à la racine du problème des stupéfiants. Autrement dit, une bonne partie des données de la GRC sur l'application de la loi citées dans la présente étude décrivent la situation de la drogue au Canada selon une perspective d'offre. Bien que cette approche puisse permettre de tirer des conjectures quant aux tendances caractérisant la situation de la drogue, les décideurs doivent garder à l'esprit les difficultés qu'implique l'utilisation d'une démarche basée sur l'offre pour générer des conclusions et illustrer des tendances relatives à la situation des drogues au Canada. Les données sur l'application des lois antidrogue sont influencées par plusieurs facteurs, comme la nature même du commerce illicite des stupéfiants, la réorientation des mesures de lutte antidrogue et l'aboutissement, durant certaines années plutôt que d'autres, d'enquêtes de grande envergure.

Cela complique également la détermination de l'impact exercé par les mesures d'application de la loi sur la situation des drogues. Une comparaison des données sur l'application des lois entre le cannabis, la cocaïne et l'héroïne ne révèle aucune tendance claire, toutes catégories de stupéfiants confondues, sauf le niveau relativement faible ou constant des saisies de cocaïne et d'héroïne. 

En apparence, l'absence complète de toute tendance dans les données récoltées au fil des ans semble indiquer que la répression a peu d'effet sur le problème des stupéfiants. L'activité policière dans la lutte aux drogues ne semble pas avoir d'effet marqué; comme décrit dans la section précédente, l'offre de drogue n'a pas nécessairement diminué, les prix continuent de baisser, la pureté et la concentration continuent d'augmenter, et il y a aujourd'hui autant de consommateurs de cocaïne et d'héroïne qu'à toute autre époque, et davantage d'usagers de cannabis. Cependant,

bien que ces données erratiques laissent croire que l'offre suit confortablement la demande, et peuvent amener certains observateurs à conclure que les activités répressives ont eu peu d'impact, on peut par ailleurs spéculer qu'une répression moins sévère se serait soldée par des importations beaucoup plus élevées, qui auraient fait grimper les ventes et accélérer la demande, au moins pour les drogues à effet de dépendance, et causé une inflation subséquente des prix. On peut également ébaucher d'autres scénarios. Par exemple, une répression moins vigoureuse pourrait entraîner une hausse de l'approvisionnement qui ne s'accompagnerait pas d'une augmentation importante de la demande, ce qui causerait un effondrement des prix, une baisse de la criminalité imputable aux narcotiques, et ainsi de suite .

À l'heure actuelle, les données ne permettent aucunement d'établir si l'application des lois se répercute d'une quelconque façon sur le problème de la drogue. Cependant, il est spécialement déconcertant de constater l'absence de toute tendance discernable, même durant la période 1987-1997, où la Stratégie canadienne antidrogue sous-tendait les activités de lutte aux stupéfiants. Les données disponibles n'indiquent absolument pas si la Stratégie canadienne antidrogue a aidé ou non les autorités policières à combattre le problème des drogues.

Ainsi, même si une évaluation fondée sur l'offre permet de jauger l'ampleur générale du problème des stupéfiants au Canada, les contraintes méthodologiques qui empêchent d'évaluer précisément la situation des narcotiques bloquent également la détermination des effets de l'application des lois et des politiques.

B. Écarts statistiques entre les rapports canadiens

Étant donné la grande difficulté de quantifier la production, l'importation, le trafic et le prix des drogues illégales à cause des problèmes inhérents au commerce illégal des drogues, on observe malheureusement des écarts statistiques entre les données des diverses agences canadiennes chargées de dresser un bilan de la situation des drogues au Canada. Par exemple, selon des sources de la GRC, celle-ci doit souvent, à la fin d'une année, comparer le nombre de saisies avec les données de Douanes Canada et Revenu, pour déterminer l'évaluation la plus exacte.

Les difficultés rencontrées par les services policiers dans l'évaluation de la situation des drogues au Canada sont également le lot d'autres ministères et organismes. Ainsi, le Bureau des substances contrôlées, à Santé Canada, s'efforce de suivre chaque année le nombre de saisies opérées par les polices locales. En vertu de l'alinéa 21(1)b) du Règlement sur l'exécution policière de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, les forces policières locales du Canada doivent, " au plus tard le 60e jour après que des substances désignées ou des précurseurs confisqués ne sont plus nécessaires aux fins de la procédure dans le cadre de laquelle ils ont été saisis, procéder à leur disposition selon les directives du ministre " (de la Santé). Cependant, puisque les forces policières ne déclarent pas leurs saisies à Santé Canada jusqu'à l'aboutissement des procédures judiciaires, les données annuelles sur les saisies recueillies par Santé Canada demeurent souvent incomplètes plusieurs années après l'exécution des saisies.

Malgré le caractère problématique de cette méthode de collecte des données, le Bureau des substances contrôlées de Santé Canada est tenu de fournir ces données dans un " questionnaire de rapport annuel " pour le rapport intitulé " Global Illicit Drug Trends - 2001 " que produit chaque année l'Office for Drug Control and Crime Prevention des Nations Unies. Ce rapport analyse l'évolution du problème mondial des drogues illicites, et la partie III du questionnaire demande aux pays de quantifier les saisies annuelles de chaque type de drogue illégale. Dans sa réponse à la partie III, Santé Canada admet que :

Les lacunes de [notre] méthode de récolte des données sont connues, et nous ajoutons au questionnaire des commentaires qui en tiennent compte, notamment pour souligner que " les tendances découlant des données reflètent de graves problèmes dans la déclaration des données .

Fait intéressant, l'Unité de renseignements sur les drogues de la GRC doit également remplir cette partie du questionnaire, et présenter ses statistiques sur les saisies au Bureau des substances contrôlées de Santé Canada (ces statistiques proviennent des sources suivantes : GRC, Douanes Canada, police municipale de Vancouver, Police provinciale de l'Ontario, police du Toronto métropolitain, police de la Communauté urbaine de Montréal, Sûreté du Québec).

Un rapport documentaire du Bureau des drogues et substances contrôlées de Santé Canada, concernant le nombre de saisies déclarées aux Nations Unies, indique que les données de la GRC ne sont pas systématiquement communiquées à l'ONU chaque année. Le tableau suivant illustre les renseignements déclarés par Santé Canada aux Nations Unies dans la partie III du questionnaire de rapport annuel pour ce qui touche l'héroïne, et il inclut les données sur les saisies que comprend actuellement la base de données de Santé Canada :

Déclaré à l'ONU Actuellement dans la base de donnéesde Santé Canada

Déclaré à l’ONU

Actuellement dans la base de données

de Santé Canada

Année

Quantité

Nombre de saisies

Année

Quantité

Nombre de saisies

1996

83 kg*

766

1996

74,45 kg

1 194

1997

 

 

1997

20,76 kg

1 096

1998

22,3 kg

994

1998

28,29 kg

1 403

1999

88 kg*

775

1999

  9,53 kg

1 261

2000

7 kg

560

2000

10,63 kg

   901

(Tableau tiré directement du rapport documentaire du Bureau des substances contrôlées de Santé Canada)

Santé Canada semble décider quelles données seront déclarées lors d'une année en particulier, et n'explique pas, dans le questionnaire, pourquoi on utilise indifféremment d'une année à l'autre les données de la GRC ou celles de Santé Canada. Cela illustre quand même bien les difficultés rencontrées dans l'évaluation de la situation des drogues au Canada. Le Canada, comme tous les autres pays, fait face à des problèmes non seulement dans ses mécanismes de déclaration, mais également pour déterminer quelles données représentent la meilleure évaluation de la situation de la drogue sur son territoire. En raison de la diversité des estimations sur cette situation, il est difficile de cerner des tendances claires.

CONCLUSION

Le Canada, comme État membre du Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, a accepté avec les autres États membres de prendre des mesures concrètes pour réprimer l'offre et la demande de drogues illicites d'ici l'année 2008 en communiquant des évaluations régulières du problème des drogues. Cependant, pour mieux combattre la demande et l'offre de drogues illicites au Canada, il faut que le Canada (et de nombreux autres pays) se dote de meilleures méthodes pour estimer l'importation, le trafic et la production de stupéfiants. 

Tout en brossant un tableau du problème des drogues au Canada au cours des vingt dernières années, la présente étude a mis en relief les diverses lacunes méthodologiques que présentent les données canadiennes sur l'application des lois au Canada. Bon nombre de ces lacunes sont inhérentes à la nature illégale des drogues, mais plusieurs autres sont imputables à des carences dans les méthodes canadiennes de récolte des données. Ces lacunes méthodologiques constituent des problèmes majeurs, que les décideurs doivent résoudre avant de s'attaquer à la problématique comme telle des drogues illicites au Canada. À défaut de quoi, comme nous l'avons expliqué, trois graves problèmes subsisteront.

Premièrement, on continuera d'avoir de la difficulté à se faire une idée exacte de la situation des drogues au Canada, ou des tendances en la matière. Bien que cette étude présente un portrait général du problème des drogues au Canada en se fondant principalement sur les données de la GRC sur l'application des lois dans une perspective d'offre, nous avons abordé, dans la première section, certaines des difficultés inhérentes à cette problématique des drogues qui viennent entraver la lutte antidrogue. Cet obstacle peut s'avérer le plus difficile à surmonter, puisque la nature intrinsèquement illégale du problème de la drogue persistera toujours. Cependant, il importe que les décideurs soient au moins conscients de la nécessité d'user d'une grande prudence dans la lecture des données, puisque leur nature erratique peut mener à plusieurs conclusions divergentes.

Deuxièmement, pour des raisons méthodologiques, la nature erratique des données complique également la détermination des effets que les activités d'application des lois et des politiques ont exercés sur la situation des drogues. Dans la troisième section de cette étude, la comparaison croisée des données sur l'application des lois illustre clairement que les données ne révèlent aucune tendance en matière de lutte antidrogue. Même lorsque les efforts d'exécution des lois ont reposé sur une politique de lutte aux drogues, on n'a observé par la suite aucun changement.

Enfin, si l'on doute encore du caractère problématique des données sur l'application des lois, on s'en convaincra en apprenant que les ministères et organismes canadiens doivent se fier l'un l'autre sur leurs estimations respectives de l'offre de drogue pour déterminer quelle est au juste la situation des drogues au Canada. Dans la réalisation des recherches soutenant cette étude, l'ineptie méthodologique d'une récolte des données basées sur l'offre est apparue au grand jour lorsqu'on a découvert que, dans certains cas, les données fournies aux instances internationales sur la situation des drogues au Canada provenaient dans certains cas, d'une année à l'autre, de deux sources différentes. 

Dans l'ensemble, cette étude a constaté que pour mieux combattre l'offre et la demande de drogues illicites au pays, il faut tout d'abord améliorer les données sur l'ampleur et les tendances de la problématique. L'obtention de données plus complètes et rigoureuses fournirait un indicateur important de l'étendue du problème et pourrait servir d'indicateur du succès des futures politiques de lutte antidrogue .

ANNEXE

 

Statistiques sur l’importation de drogue (nombre d’inculpations)

 

 

 

ANNéE

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

 

 

Cannabis

155

85

128

269

271

278

154

268

166

137

174

 

 

Cocaïne

35

51

54

107

113

73

77

76

73

124

113

 

 

Héroïne

9

34

20

35

21

48

31

35

38

26

52

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNéE

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Cannabis

250

354

451

290

384

355

236

310

61

61

75

Cocaïne

81

96

214

110

141

226

187

181

178

191

256

Héroïne

57

76

37

14

40

23

33

20

23

23

13

                         

 

 

Statistiques sur le trafic de drogue (nombre d’inculpations)

 

Année

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Cannabis

4,159

4,132

3,505

2,682

2,014

2,433

2,191

2,565

2,559

2,511

2,645

Cocaïne

304

410

428

509

554

603

725

987

1,186

1,544

1,343

Héroïne

197

160

195

238

153

187

110

44

80

55

111

 

Année

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Cannabis

2,228

2,160

1,984

1,750

1,845

1,747

1,320

1,562

1,591

2,140

2,671

Cocaïne

1,400

1,259

1,146

1,209

1,180

1,270

1,542

1,070

1,210

1,924

958

Héroïne

146

129

254

212

217

236

177

197

243

152

112

                       

 

 

Statistiques sur les saisies de drogue (en kg)

 

Année

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

Cannabis

46,015

21,682

21,569.9

27,012.7

6,430.5

22,939.7

26,250.7

50,882.8

33,173.3

6,194

84,163

Cocaïne

43.14

38.528

64.769

116.288

154.433

170.082

247.142

282.796

349.747

959.234

594.658

Héroïne

6.587

7.154

12.08

33.011

40.259

64.915

48.108

44.891

68.699

43.847

65.32

 

 

Année

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

 

Cannabis

38,115

30,000

64,704

43,745

27,667

43,194

57,626

46,374

30,740

44,916

 

Cocaïne

1,755.43

5,202

2,731

7,915

1,544

3,110

2,090

2,604

1,116

1,851

 

Héroïne

107.36

116.9

153

85

128

83

95

105

88

168

 

                             

 

Source : GRC, Rapport annuel national sur les drogues (1980-1994) et Situation au Canada - drogues illicites (1995-2001).


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