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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)


POLITIQUE NATIONALE EN MATIÈRE DE DROGUES : LA SUÈDE

Produit pour le comité sénatorial spécial sur les drogues illicites

Gérald Lafrenière
Division des affaires politiques et sociales

le 18 avril 2002

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE LA SUÈDE EN MATIÈRE DE DROGUE

STRATÉGIE NATIONALE EN MATIÈRE DE DROGUE

CADRE LÉGISLATIF
    A. Catégories de stupéfiants
    B. Infractions
    C. Sanctions
    D. Pouvoir discrétionnaire de poursuivre

LE DÉBAT EN SUÈDE

RÉCENTS RAPPORTS OU ÉTUDES

COÛTS
    A. Coûts publics
    B. Coûts sociaux

ADMINISTRATION

STATISTIQUES
    A. Consommation
    B. Infractions


INTRODUCTION


Le présent document constitue une brève introduction à la politique nationale de la Suède en matière de drogue.  Il contient :

·           des renseignements sur le contexte de la politique en matière de drogue;
·           un examen de la Stratégie nationale antidrogue;
·           un résumé des lois s’appliquant aux drogues illicites;
·           des notes sur le débat et les études récentes;
·           les coûts liés à l’usage de drogues illicites;
·           des données sur la consommation de drogues et les infractions s’y rapportant. 

Le présent document fait partie d’une série de rapports sur les pays qui sont préparés par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement à l’intention du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites.


CONTEXTE DE LA POLITIQUE DE LA SUÈDE EN MATIÈRE DE DROGUE
([1]) 

La Suède, pays nordique d’environ 450 000 km2, a une population d’à peu près neuf millions d’habitants, dont environ les deux tiers vivent en région rurale, tandis que les autres y ont généralement aussi leurs racines.  La population est relativement homogène, puisque près de 90 p. 100 de ses membres sont luthériens.  Il semble que les Suédois soient plutôt conformistes et qu’un comportement étrange ou déviant ne soit pas facilement accepté.  La Suède a une tradition de social-démocratie et est bien connue pour son système d’aide sociale qui, dans le passé, comprenait l’emploi, le logement, les soins de santé universels, une protection sociale et un avenir garanti pour sa population.  Ce n’est qu’au cours du siècle dernier qu’elle est devenue un pays « riche ».  Les problèmes économiques de la dernière décennie, cependant, ont eu des effets négatifs sur son système d’aide sociale. 

Les mouvements populaires ne sont pas nouveaux en Suède; ils ont même contribué à façonner le pays.  Ces mouvements sont admissibles à des subventions de l’État.  Ils sont bien établis à l’échelle nationale et ont de nombreuses sections locales.  Certains des grands mouvements populaires dans le domaine de la drogue (par exemple, l’association Parents contre la drogue, Hassela Solidarity et une association pour une société sans drogue, qui ont tous pour objectif une société sans drogue et une politique antidrogue sévère) ont joué un rôle important dans l’élaboration de la politique actuelle de la Suède en matière de drogue, et continuent d’ailleurs de le faire([2]).  Parmi les autres facteurs influents, mentionnons les particuliers et les groupes du secteur du traitement, la police et l’organisation Villes européennes contre la drogue. 

En Suède, la politique en matière de drogue est considérée comme faisant partie de la politique d’aide sociale.  Le phénomène de la drogue est considéré comme l’un des plus graves problèmes sociaux (sinon le plus grave) et les drogues sont perçues comme une menace extérieure au pays([3]).  On considère souvent la toxicomanie comme la cause d’autres problèmes sociaux.  Nombreux sont ceux qui perçoivent le problème de la drogue comme mettant en péril les valeurs traditionnelles de la Suède.  Ce n’est pas seulement la drogue mais aussi le débat sur la libéralisation qui sont considérés comme venant d’autres pays et qui influent sur les valeurs sociales.  Ces préoccupations se sont intensifiées depuis que la Suède est devenue membre de l’Union européenne (UE), en 1995, puisque la plupart des autres membres de l’UE ont adopté une attitude plus libérale relativement aux questions de drogue. 

Si l’on compare avec d’autres pays de l’Europe occidentale, la politique de la Suède en matière de drogue est restrictive.  Un des objectifs de cette politique est d’indiquer très clairement que les drogues ne sont pas tolérées dans la société.  L’usage de la drogue est considéré comme un comportement anormal auquel il faut mettre fin.  Voici quelques exemples de cette attitude restrictive : 

·           l’objectif global est celui d’une société sans drogue;
·           les programmes de réduction des méfaits sont limités;
·           le traitement vise l’abstinence complète et il est possible d’obliger les toxicomanes à suivre un traitement;
·           la consommation de stupéfiants est une infraction à la loi et la politique prévoit des analyses sanguines et d’urine pour dépister ceux que l’on soupçonne de faire usage de drogues;
·           les lois qui s’appliquent aux drogues sont appliquées sévèrement;
·           les discussions au sujet de la valeur médicale du cannabis sont presque inexistantes;
·           les lois suédoises respectent de façon stricte et même dépassent les exigences établies dans les trois conventions des Nations Unies sur les drogues. 

Au cours de son histoire, la Suède n’a jamais eu de problème concernant l’usage de drogues illicites et cet usage n’était d’ailleurs pas considéré comme un problème social grave.  Comme dans beaucoup d’autres pays occidentaux, cette situation a changé pendant les années 1960.  En 1965, on a constaté en Suède des signes d’une intensification de l’usage des drogues, dont le cannabis, les amphétamines, le LSD et les opiacés.  Les amphétamines étaient et continuent de poser davantage de problèmes que l’héroïne, la drogue qui posait problème dans beaucoup d’autres pays.  Les toxicomanes étaient généralement des gens qui s’injectaient des amphétamines par intraveineuse. 

Les amphétamines ont été introduites en Suède en 1938 et on en faisait alors la promotion pour la perte de poids et comme stimulants.  Elles étaient utilisées par d’importants segments de la population tout en étant également liées à une sous-culture criminelle.  Au fil des ans, à mesure que les restrictions relatives aux amphétamines augmentaient (par exemple, elles n’étaient plus accessibles que sur ordonnance), l’usage occasionnel et expérimental diminuait, tandis que le recours régulier et abusif augmentait.  En outre, la façon de consommer la drogue (par intraveineuse plutôt qu’oralement) a changé.  « L’évolution de la consommation de stimulants du système nerveux central à partir de la fin des années 1930 jusqu’au milieu des années 1960 pourrait être décrite comme la transformation d’un médicament socialement accepté et utilisé par un grand nombre et par différentes catégories de personnes en une drogue illicite fondamentalement consommée par un groupe au comportement aberrant »([4]).  Cette longue histoire d’utilisation est l’une des raisons pour lesquelles l’usage des amphétamines a été et demeure une importante préoccupation en Suède.

Bien que la politique suédoise en matière de drogue soit actuellement très restrictive, il n’en a pas toujours été ainsi.  En fait, au cours des années 1960, elle était relativement libérale, fondée principalement sur une démarche de réduction des méfaits([5]).  Par exemple, de 1965 à 1967, il était possible, pour les toxicomanes extrêmement dépendants, d’obtenir une ordonnance de morphine et d’amphétamines.  Cette expérience non scientifique (à laquelle ont participé environ 120 personnes) a été utilisée par Nils Bejerot, médecin policier et personnage très influent dans le milieu de la politique suédoise en matière de drogue, dans son étude du lien entre l’usage de la drogue et la politique en matière de drogue au cours de la période de 1965 à 1970.  Parmi ses conclusions, notons : les changements d’une politique restrictive à une politique permissive, et vice versa, ont eu une incidence sur le taux d’usage de drogues intraveineuses; cette expérience a été à l’origine de l’épidémie de drogue en Suède; et cette expérience n’a pas eu l’effet souhaité de réduction de la criminalité.  Ses conclusions sont encore largement acceptées en Suède, même si elles ont fait l’objet de critiques([6]).  D’autres exemples de politique libérale comprennent les efforts déployés par les policiers à l’égard du trafic de stupéfiants à grande échelle et les instructions du procureur général prévoyant l’abandon de la poursuite pour les infractions mineures en matière de drogue([7]).  Ainsi, l’accent a été mis davantage sur l’aspect de l’approvisionnement en drogues.

Devant l’accroissement de l’usage des drogues en 1965, un Comité sur le traitement des toxicomanes a été formé : il a publié quatre rapports entre 1967 et 1969.  Le premier portait sur le traitement et le second sur les mesures répressives.  C’est ce second rapport qui a mené à l’adoption de la  Loi sur les stupéfiants en 1968.  Les rapports du Comité indiquaient que le problème des drogues allait en s’intensifiant.  Cette conclusion, associée à celle de Bejerot, est en partie à l’origine de la démarche plus restrictive adoptée par la Suède vers la fin des années 1960.  En outre, depuis 1968, le gouvernement a organisé une campagne antidrogue massive dans les écoles et les médias, de sorte qu’une génération a grandi parmi les messages fondés sur la théorie de la drogue d’introduction, entre autres([8]).  Cette théorie sert à justifier les restrictions relatives au cannabis et « la politique suédoise sur la drogue porte principalement sur le cannabis, puisqu’on allègue que les “carrières dans le domaine de la drogue” commencent par cette substance »([9]).  En outre, les dangers causés par le cannabis lui-même (psychose, propension à la dépendance, risque élevé de suicide, etc.) sont considérés comme une justification valable à une politique restrictive.

Avec le temps, la politique suédoise est devenue plus restrictive et répressive.  Par exemple, les sanctions pour les infractions liées à la drogue se sont multipliées.  La politique suédoise actuelle, dont le but premier est une société sans drogue, a été adoptée vers la fin des années 1970, à cause de ce qu’on croyait être un problème social croissant.  « La raison qui motive cet objectif, à certains égards, irréaliste, vient en partie de l’expérience positive de la Suède avec le modèle de l’État providence et de sa conviction profonde de pouvoir changer la société »([10]).  Il existe d’autres exemples de démarches plus restrictives.  Par exemple, en 1980, une renonciation à une accusation était possible seulement si la quantité possédée pour usage personnel était suffisamment limitée pour ne pouvoir être subdivisée et la renonciation ne s’appliquait plus à toutes les drogues.  En outre, au début des années 1980, la police a mis l’accent sur la vente ambulante.  « L’objectif n’était plus de cibler les gros trafiquants, mais plutôt les toxicomanes, puisqu’ils sont considérés comme le moteur de la “machine de la drogue” »([11]).  Cette politique restrictive s’est poursuivie au fil des ans et a amené une intensification des sanctions, la criminalisation de l’usage des drogues et l’autorisation des analyses sanguines et d’urine pour ceux que l’on soupçonnait de faire usage de drogues, etc.  Bien qu’à l’origine, le but des analyses sanguines et d’urine ait été de dépister les nouveaux consommateurs de drogue et de leur offrir un traitement approprié, il semble qu’elles ne soient plus destinées à cette seule fin puisque les toxicomanes connus sont maintenant ciblés([12]).

Certains auteurs ont établi un lien entre la politique restrictive de la Suède  en matière de drogue et sa politique restrictive à l’égard de l’alcool.  Le mouvement de tempérance a des origines lointaines en Suède et ce pays a établi une politique assez restrictive relativement à l’alcool, de même qu’un monopole d’État à l’égard de la vente d’alcool.  Voici ce qu’on trouve à ce sujet :

Les attitudes des Suédois à l’égard de l’alcool sont pertinentes puisqu’une politique restrictive à ce sujet rend tout à fait logique l’établissement d’une politique restrictive en matière de drogue.  De plus, le modèle de consommation totale sur lequel repose la politique à l’égard de l’alcool, est considéré également valide pour les drogues illicites.  En limitant la consommation totale de stupéfiants, on s’attend à ce que les préjudices totaux causés par les drogues soient aussi plus faibles.  Cependant, on a démontré que cette corrélation était loin d’être évidente pour différentes drogues illicites([13]).

 

STRATÉGIE NATIONALE EN MATIÈRE DE DROGUE

La Suède participe aux trois conventions internationales antidrogue et elle a adopté une stratégie globale de lutte contre les drogues.  Sa vision est celle d’une société sans drogue et sa politique est basée sur trois grands piliers : la prévention, le traitement et les mesures de lutte.

À la suite de la création d’une Commission sur les stupéfiants, le gouvernement suédois a présenté un nouveau plan d’action, en janvier 2002, qui sera valide jusqu’en 2004.  Un total de 325 millions de couronnes suédoises (SEK) (environ 50 millions de dollars canadiens) a été affecté, pour cette période de trois ans, à la lutte antidrogue.  Le plan d’action a été présenté comme un moyen de renverser la tendance inquiétante de l’usage de drogues([14]).

La vision de la Suède, pour ce qui est de la politique en matière de drogue, n’a pas changé depuis le début des années 1980 : elle est celle d’une société sans drogue.  Cette vision est d’ailleurs conforme à la politique restrictive de la Suède en matière de drogue.  Elle se fonde sur un équilibre entre la réduction de la demande et de l’offre de drogues.  Plus précisément, elle vise à : 

·           réduire le nombre de nouvelles recrues dans le monde de la toxicomanie (principalement par des mesures de prévention ciblant les jeunes);
·           encourager les toxicomanes à renoncer à leur comportement (par des soins et un traitement);
·           réduire l’offre de drogues (par la prise de mesures au criminel)([15]).

Une des principales nouvelles caractéristiques de la stratégie antidrogue est la création d’un poste de coordonnateur national antidrogue.  Ce poste a été institué en vue de fournir un leadership clair à l’égard de la politique en matière de drogue, de rendre possible le suivi des objectifs du plan et de déterminer s’il faut entreprendre de nouvelles initiatives pour combattre de nouveaux problèmes.  Le coordonnateur sera chargé de la mise en œuvre du plan d’action ainsi que de la coordination générale de la politique nationale en matière de drogue.  Ses principales tâches sont les suivantes : 

·           assurer une coopération avec les autorités, les conseils municipaux et les conseils de comté, les ONG, etc.;
·           influer sur l’opinion publique;
·           assumer une fonction de soutien auprès des conseils municipaux et de comté pour l’élaboration de stratégies locales;
·           amorcer des travaux de recherche et de développement en vue de la mise au point de méthodes;
·           servir de porte-parole du gouvernement pour les questions touchant les stupéfiants;
·           évaluer le plan d’action;
·           rendre compte régulièrement de ses activités au gouvernement (au moins une fois par année).

Des 325 millions de SEK, 100 millions (soit environ 15 millions de dollars canadiens) ont été affectés à une initiative spéciale sur les drogues au sein du Service suédois de probation et de détention.  Le but de cette initiative est d’offrir des soins et un traitement à tous les toxicomanes du système.  De plus, l’administration nationale des probations et des établissements de détention doit : 

·        mettre au point des méthodes de prévention de l’introduction de drogues dans les établissements et les centres de détention;
·        examiner les obstacles au traitement en dehors des établissements;
·        établir des programmes spéciaux pour les soins fournis en vertu de contrats, c’est-à-dire des soins fournis conformément à un contrat passé entre le condamné et la collectivité([16]).

Pour ce qui est de la police, le Conseil national de police et le Conseil national de prévention du crime devront entreprendre leur propre examen des efforts déployés par les policiers dans la lutte contre le crime lié à la drogue([17]).

En Suède, si la politique nationale est établie au niveau national, une grande part de la mise en œuvre des objectifs du plan d’action relève des municipalités.  Ainsi, ces dernières doivent s’occuper des toxicomanes conformément à la Loi sur les services sociaux.  Les initiatives de prévention sont aussi appliquées au niveau local.  Les stratégies des municipalités seront donc axées sur des préoccupations locales([18]).  L’application de la Loi continue toutefois de se faire au niveau national, par l’intermédiaire des services des douanes et de police.

Le traitement figure parmi les trois piliers de la politique suédoise en matière de drogue.  Un des objectifs de cette politique est de réadapter les toxicomanes, plutôt que de les punir au moyen du système de justice pénal.  Depuis 1982, on a pu obliger les gens à suivre un traitement pour toxicomanie (s’applique aussi à l’alcool et à d’autres substances) pour une période allant jusqu’à six mois.  La principale justification de ce genre de traitement est de protéger le toxicomane ou d’autres personnes de situations qui présentent un danger de mort et de motiver le toxicomane à poursuivre le traitement volontairement.  Le recours au traitement obligatoire semble peu courant et son efficacité a été remise en question([19]).

L’objectif du traitement en Suède est généralement d’arriver à l’abstinence complète.  Au cours des dernières années, on a constaté une réorientation du traitement obligatoire et du traitement en établissement vers un traitement ambulatoire.  Par le passé, l’accent était mis sur les programmes internes à long terme.  Le traitement était souvent fourni dans des communautés thérapeutiques établies dans des régions rurales de la Suède.  Bon nombre des établissements qui fournissaient les traitements étaient non gouvernementaux, mais étaient rémunérés, pour les services rendus, par le gouvernement.  Cette situation a donné naissance à un groupe de pression très influent qui demande évidemment l’affectation de ressources supplémentaires aux initiatives de traitement, puisque celles-ci sont nécessaires à leur survie. 

Les initiatives de traitement étaient largement financées dans le passé (particulièrement au cours des années 1980, lorsque le VIH et le sida ont commencé à se manifester).  Des mesures proactives ont alors été prises pour trouver les toxicomanes et leur procurer un traitement approprié.  Une personne pouvait alors être traitée pendant une période de deux ans (souvent en communauté thérapeutique).  Il semble cependant que le traitement soit aujourd’hui moins facilement accessible qu’il l’était il y a 10 ou 15 ans.  De plus, la durée de traitement des toxicomanes a diminué.  Ces changements sont attribuables aux coupures effectuées durant les années 1990 dans les dépenses municipales au chapitre des services sociaux.  « Tandis qu’en 1989, on avait dénombré 19 000 personnes dans les centres de désintoxication (pour alcooliques et toxicomanes), en 1994, le nombre n’était plus que de 13 000.  Pendant la même période, le nombre de personnes en traitement forcé était passé de 1 500 à 900.  À cause des restrictions budgétaires, 90 centres de traitement ont fermé leurs portes entre 1991 et 1993 »([20]).

Les programmes de traitement de substitution à la méthadone existent en Suède depuis la fin des années 1960.  Actuellement, environ 600 personnes sont inscrites à des programmes de traitement de substitution à la méthadone à Stockholm, Uppsala, Malmo et Lund.  Les programmes sont strictement réglementés et sont officiellement considérés comme étant expérimentaux.  Parmi les conditions de participation, mentionnons que le patient doit avoir plus de 20 ans et doit utiliser des opiacés par intraveineuse depuis au moins quatre ans; il doit avoir essayé plusieurs formes de traitement pour toxicomanie; il doit s’être inscrit au programme volontairement (par exemple, il ne doit pas être détenu, ni en état d’arrestation, ni condamné à une période d’emprisonnement, ni être détenu dans un établissement correctionnel).  Pour les participants aux programmes de traitement de substitution à la méthadone, aucune autre drogue n’est autorisée et le patient doit visiter la clinique quotidiennement.  Actuellement, le nombre maximal de personnes pouvant participer au programme en même temps est de 800.  Des projets pilotes sont en cours avec Subutex.

Bien que la Suède ait consacré de grandes sommes au traitement, très peu de ses programmes ont fait l’objet d’une évaluation complète.  Par conséquent, il est difficile de donner  des détails sur leur efficacité.  « L’objectif officiel est de réadapter les toxicomanes, et les moyens financiers, ainsi que les efforts affectés à cette fin sont énormes, bien plus importants que dans beaucoup d’autres pays européens.  Cependant, malgré toutes ces bonnes intentions, il reste que l’efficacité de ces programmes expansifs est relativement faible.  À long terme, les programmes de désintoxication de la Suède n’ont pas obtenu de meilleurs résultats que ceux que l’on trouve ailleurs, à l’échelle internationale »([21]).

En ce qui concerne les initiatives de réduction des méfaits, on trouve peu de services de bas seuil en Suède et la plupart d’entre eux sont assurés par des organisations volontaires.  Elles offrent une série de services, mais toutefois pas d’ordonnances.  Des programmes d’échange de seringues sont appliqués dans les cliniques pour maladies infectieuses des hôpitaux de Lund et de Malmo et sont donc assez limités.  Les initiatives de réduction des méfaits, comme les programmes d’échange de seringues, sont difficiles à promouvoir dans une société qui vise l’élimination complète des stupéfiants et où la consommation de drogue n’est pas acceptée.  Une proposition de la fin des années 1980, qui consiste à mettre en place des programmes d’échange de seringues dans toute la Suède, a été refusée par le Parlement qui a jugé qu’une « plus grande disponibilité de seringues n’empêcherait pas la propagation du VIH, mais allait tout au contraire augmenter l’utilisation des drogues injectables »([22]).

Le système de justice criminelle a aussi un rôle à jouer en ce qui concerne le traitement.  En 2000, plus de 5 000 toxicomanes ont été mis en détention.  Tandis qu’ils sont en prison, les contrevenants ont accès à des programmes de désintoxication et certains d’entre eux sont transférés hors des établissements pénitentiaires pour leur traitement.  Il existe aussi des initiatives visant à empêcher l’introduction de drogues dans les prisons, par exemple par des perquisitions et des analyses d’urine.  Pendant leur séjour en prison, les contrevenants n’ont droit à aucune seringue ni à aucun traitement de substitution.

Comme il est mentionné précédemment, les lois de la Suède permettent, dans certaines conditions, à un contrevenant de purger sa sentence hors de la prison.  Le traitement forcé pour toxicomanie est l’une des raisons souvent invoquées.  Une autre solution de rechange à l’emprisonnement serait une période de probation combinée à un traitement pour toxicomanie en établissement.  Voici un exemple de solution de rechange à l’emprisonnement :  

Depuis 1998, les personnes ayant un problème de toxicomanie et ayant commis une infraction liée à la drogue peuvent avoir accès à un traitement en signant une « convention de traitement ».  Il s’agit d’un contrat réel passé entre le toxicomane et le tribunal, en vertu duquel les deux parties ont des droits et des obligations, comme dans tous les contrats.  Cependant, certaines conditions doivent être remplies par le toxicomane : la personne en question doit avoir besoin d’un traitement et doit être prête à s’y soumettre; elle est toxicomane; la toxicomanie a contribué au crime commis, qui ne doit pas être grave (sanction prévue de moins de deux ans).  La personne n’est alors pas  envoyée en détention et un plan de traitement personnalisé est établi pour elle.  Les autorités de la santé sont responsables du traitement et doivent informer l’administration locale des probations et des établissements de détention, ainsi que le ministère public si le probationnaire néglige sérieusement les obligations mentionnées dans son plan personnel([23]).

Quant au cannabis, il est classé au nombre des drogues dangereuses et « son usage est considéré comme le point de départ de la toxicomanie »([24]).  C’est l’une des raisons pour lesquelles les mesures de prévention portent une attention particulière au cannabis puisqu’il devrait mener à une baisse de l’expérimentation des drogues qui empêchera les nouvelles recrues d’accéder au milieu.

En ce qui concerne la prévention, les programmes d’information sur les drogues commencent tôt et figurent à tous les niveaux du programme scolaire.  « Sans exagération, ce programme “d’influence d’opinion” pourrait être décrit comme un processus d’endoctrinement.  Compte tenu de l’ampleur de ces programmes, il est devenu incontestable et irréfutable que leur contenu fasse partie du système de valeurs de chacun »([25]).

 

CADRE LÉGISLATIF 

A.  Catégories de stupéfiants

La principale loi s’appliquant aux drogues en Suède est la Loi sur les stupéfiants de 1968.  Les « stupéfiants » y sont définis à l’article 8, selon lequel ils comprennent les médicaments ou les substances dangereuses pour la santé qui ont des propriétés toxicomanogènes et dont l’usage est restreint en vertu d’une entente internationale dont la Suède est signataire, ou que le gouvernement a déclarés comme étant des « stupéfiants » aux termes de la Loi.  Aucune distinction n’est faite entre les drogues dures et les drogues douces.  Comme on le verra plus loin, la nature de la substance fait cependant partie des critères qui déterminent la gravité d’une infraction.  Les stupéfiants sont divisés en cinq listes.  La liste I contient les drogues illégales sans usage médical; les listes II à IV portent sur les stupéfiants à usage médical et dont les importations et les exportations sont réglementées; la liste V comprend les stupéfiants qui ne sont pas soumis à un contrôle international.  Conformément à la loi, les stupéfiants à usage médical ne peuvent être fournis que sur ordonnance d’un médecin, d’un dentiste ou d’un vétérinaire. 

 

B.  Infractions

En Suède, presque toutes les formes d’utilisation de stupéfiants sont interdites conformément à la Loi sur les stupéfiants.  Cette loi énumère les comportements et les pratiques qui constituent une infraction et qui comprennent la possession pour usage personnel, l’approvisionnement (qui est assez largement défini), la fabrication, etc.  Même la consommation (usage de drogue) est interdite depuis 1988.  Dans ce cas, « ce n’est pas la dépendance qui est une infraction criminelle selon la Loi, mais l’acte d’ajouter une drogue à l’organisme humain »([26]).  La police est autorisée à soumettre quiconque est soupçonné d’avoir consommé des drogues à des analyses de sang ou d’urine. 

La Loi sur la contrebande de 2000 régit les importations et les exportations illégales de drogues.  Les autres lois pertinentes comprennent : la Loi sur le dopage de 1991 qui réglemente l’importation, l’offre, la possession de substances destinées à augmenter le rendement; la Loi sur l’interdiction de certaines substances dangereuses pour la santé de 1999 qui régit la possession et l’offre de substances qui nuisent à la vie ou à la santé et qui sont utilisées ou peuvent l’être à des fins intoxicantes – cette loi ne régit pas les substances visées par d’autres lois.

La Suède a également un certain nombre de lois pertinentes en dehors du droit criminel.  Ce sont : la Loi sur les services sociaux de 1980 qui englobe les formes possibles de soins pour les toxicomanes; la Loi sur le traitement forcé des toxicomanes selon laquelle un toxicomane qui est dangereux pour lui-même ou pour les autres peut se voir ordonner par le tribunal de suivre un traitement (qui suppose une privation de liberté pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois pour les adultes et même plus pour les jeunes de moins de 21 ans).  D’autres lois prévoient l’expulsion possible des écoles des étudiants toxicomanes, la révocation du permis de conduire en cas de toxicomanie, etc.  La tolérance zéro a été adoptée pour la conduite sous influence de drogue.

 

C.  Sanctions

Les sanctions sont déterminées par des règles contenues dans le Code pénal suédois.  On note trois niveaux de sanctions pour les infractions liées à la drogue : mineure, ordinaire et grave.  Pour les infractions mineures, les sanctions peuvent être des amendes ou un emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois; pour les infractions ordinaires, jusqu’à trois ans et pour les infractions graves, de deux à 10 ans d’emprisonnement.  Les sanctions assujetties à la Loi sur la contrebande sont identiques à celles qui sont mentionnées ci-dessus. 

La gravité de l’infraction dépend de la nature et de la quantité de drogues et d’autres circonstances.  Le gouvernement a précisé qu’une « infraction mineure liée à la drogue » correspondait au niveau véritablement le plus faible d’infraction.  Par exemple, il ne devrait généralement s’agir que de l’usage ou la possession à des fins personnelles de très petites quantités.  Dans ce cas, une amende serait justifiée.  L’amende est alors basée sur le revenu du contrevenant.  Les infractions mineures comprennent : les amphétamines, jusqu’à 6 g, le cannabis, jusqu’à 50 g, la cocaïne, jusqu’à 0,5 g et l’héroïne, jusqu’à 0,39 g; les infractions ordinaires englobent : les amphétamines, de 6,1 à 250 g, le cannabis, de 51 g à 2 kg, la cocaïne, de 0,6 g à 50 g, et l’héroïne, de 0,04 à 25 g, tandis que les infractions graves comprennent : les amphétamines, 250 g ou plus, le cannabis, 2 kg ou plus, la cocaïne, 51 g ou plus, et l’héroïne, 25 g ou plus.  Le trafic de stupéfiants mène généralement à l’emprisonnement.

En ce qui concerne la contrebande, afin de déterminer si l’infraction est grave, il faut se demander si elle faisait partie d’une activité accomplie à grande échelle ou à l’échelle commerciale, si elle nécessitait des quantités particulièrement grandes de stupéfiants ou si elle était plutôt d’une nature dangereuse ou impitoyable.

En 1996, des 5 862 personnes qui ont été condamnées pour des infractions liées à la drogue, 3 760 l’ont été pour des infractions mineures, 1 708 pour des infractions ordinaires et 391 pour des infractions graves.  Parmi les 1 274 personnes à qui il a été imposé une peine d’emprisonnement, 54 l’ont obtenue pour des infractions mineures, 893 pour des infractions ordinaires et 326 pour des infractions graves([27]).

Comme dans d’autres pays, il existe plusieurs solutions de rechange à l’emprisonnement.  Par exemple, le tribunal peut choisir d’autres sanctions, dont la probation, la condamnation avec sursis ou le traitement forcé.  Ces sanctions semblent être utilisées fréquemment dans les affaires de stupéfiants([28]).  On trouve ce qui suit au sujet du traitement forcé : 

Généralement, le toxicomane qui est trouvé coupable d’un crime quelconque peut, dans certaines circonstances, se voir ordonner de suivre un traitement de désintoxication.  Le traitement peut être jumelé à une sentence d’emprisonnement ou à une ordonnance de probation ou à une sentence d’emprisonnement avec sursis ou alors avec une libération conditionnelle.  Le consentement de la personne déclarée coupable à suivre le traitement dans certaines conditions peut constituer une raison d’ordonner la probation plutôt que l’emprisonnement (la fameuse convention de traitement).  Dans la pratique, la probation et la sentence d’emprisonnement avec sursis associées au traitement forcé sont généralement utilisées pour les infractions de gravité ordinaire, c’est-à-dire dans les cas où une peine d’emprisonnement serait autrement imposée([29]).  

Les lois suédoises permettent aussi la saisie de toute drogue utilisée pour commettre une infraction, de tous les gains réalisés, des biens ayant servi à commettre l’infraction, etc.

 

D.  Pouvoir discrétionnaire de poursuivre 

Voici une description du pouvoir discrétionnaire de poursuivre en Suède : 

Le procureur a le devoir absolu de poursuivre.  Cela signifie qu’il doit introduire une procédure en vue de la poursuite relative à une infraction.  C’est là une règle principale à laquelle il y a un certain nombre d’exceptions.  Pour les infractions mineures, la sanction imposée est l’emprisonnement jusqu’à un maximum de six mois.  Dans la Circulaire du procureur général sur certaines questions concernant le traitement des affaires de stupéfiants, le procureur général a déclaré que l’abandon des poursuites en cas d’infractions liées aux stupéfiants devait être limité aux affaires traitant uniquement de possession pour usage personnel de quantités indivisibles ou correspondant tout au plus à une dose de résine de cannabis ou de certains stimulants du système nerveux central, à l’exception de la cocaïne, c’est-à-dire à une quantité de stupéfiants suffisamment petite pour ne pouvoir être normalement divisée et vendue.  Étant donné la difficulté, dans les cas particuliers, de déterminer les limites de cette quantité, les poursuites devraient être entamées dans les cas de doute.  Si les circonstances sont telles que l’on peut supposer que la possession, malgré la quantité limitée, ne visait pas un usage personnel, la poursuite ne doit pas être abandonnée.  Compte tenu de ces remarques, les poursuites ne devraient pas non plus être abandonnées lorsque le toxicomane se trouve en possession de stupéfiants correspondant à un usage personnel pour une certaine période.  En outre, il est de grande importance que l’abandon des poursuites soit surtout limité aux cas de première infraction([30])

 

LE DÉBAT EN SUÈDE 

La vision suédoise d’une société sans drogue est tellement largement acceptée qu’elle n’est pas remise en question sur la scène politique ou dans les médias.  La politique en matière de drogue bénéficie du soutien de tous les partis politiques et, selon les sondages d’opinion, la démarche restrictive obtient un large appui du public.  Par exemple, un sondage réalisé en 2001 révèle que 96 p. 100 des répondants étaient opposés à la légalisation de toute drogue classée.  En outre, un autre sondage effectué en 2000 a montré que 91 p. 100 étaient contre la décriminalisation de l’usage du cannabis([31]).  La situation de l’opinion publique en Suède a été décrite de la façon suivante : 

Le rôle de l’opinion publique est essentiel à la compréhension de l’attitude des différents partis politiques.  Les sondages d’opinion montrent qu’une grande partie des gens appuient une politique restrictive en matière de drogue.  Les mêmes sondages révèlent que les stupéfiants sont considérés comme l’un des principaux problèmes sociaux.  La panique morale entourant les drogues est telle qu’aucun parti politique n’ose parler contre des mesures qui pourraient sembler aller dans le sens d’une libéralisation, aussi minime soit-elle, de la politique en matière de drogue.  Appuyer la politique restrictive, ou même réclamer des mesures plus restrictives pour freiner l’intensification du problème des drogues est une attitude essentielle à l’obtention de votes pour un parti politique.  Se montrer en faveur du contraire, appuyer une démarche légèrement libérale n’est pas possible pour un parti politique et contribuerait même à signer son arrêt de mort politique.  On a signalé que les groupes de pression antidrogue sont les forces motrices qui influent sur l’opinion publique et, par le fait même, sur les partis politiques.  On a aussi démontré que, mis à part les mouvements sociaux, les médias ont contribué à accroître la crainte de la drogue qui existe aujourd’hui et à définir les drogues comme un important problème social([32]).

Ainsi, la population suédoise en général a une vision négative de l’usage des drogues et est convaincue que celles-ci constituent une importante menace pour la société.  Ces thèmes ont été publicisés par le gouvernement, les médias et d’autres organismes de Suède, et il est rare que d’autres groupes les critiquent.  Les scientifiques sont généralement les seuls à émettre des doutes quant à la politique actuelle.  Toute critique de la politique en matière de drogue peut avoir des conséquences néfastes pour une personne.  Par exemple, elle pourrait se voir critiquée sur les plans personnel et professionnel, considérée comme un traître et son attitude pourrait même avoir des répercussions négatives sur sa situation d’emploi.  Une grande partie de la prévention en Suède est basée sur l’information au sujet des dangers des drogues.  Le but de ces messages est d’empêcher les jeunes de se tourner vers la drogue, en leur inspirant de la crainte.  Cette situation a donné à la population suédoise la conviction que les drogues sont des dangers et doivent être évitées à tout prix ou presque. 

Ces dernières années, les conséquences de la réduction des efforts de prévention et de traitement ont dominé le débat.

 

RÉCENTS RAPPORTS OU ÉTUDES

En 1998, le gouvernement a créé une Commission sur les stupéfiants.  Celle-ci avait pour mandat d’évaluer la politique suédoise en matière de drogue et de proposer, toujours suivant le concept d’une politique restrictive, des mesures de renforcement et de rationalisation.  La Commission ne devait pas dévier de l’objectif général d’une société sans drogue. Son mandat était le suivant :

·           proposer des améliorations aux méthodes et aux systèmes d’évaluation de la situation des drogues et évaluer l’objectif d’une société sans drogue;
·           évaluer et proposer des mesures visant à renforcer et à rationaliser les mesures de prévention de la toxicomanie;
·           analyser la mise sur pied des programmes de traitement, y compris ceux du système de probation et d’établissements pénitentiaires, et proposer des mesures visant à améliorer le traitement et la réadaptation des toxicomanes;
·           évaluer l’étendue et la portée des fonds nationaux pour la mise au point de traitements et de mesures visant à prévenir les crimes liés à la drogue;
·           analyser la nécessité d’apporter des changements aux méthodes de travail du système judiciaire et aux lois procédurales du droit pénal et du droit criminel;
·           examiner les recherches en cours, proposer des moyens de stimuler la recherche, de la renforcer et de l’organiser ainsi que de définir les champs de recherche importants mais négligés dans le domaine des stupéfiants;
·            tracer les grandes lignes des stratégies visant à établir des mesures d’information ciblée et à influencer l’opinion.

 

La Commission a récemment publié un rapport intitulé The Crossroads (le carrefour – faisant référence à une voie qui nécessite une augmentation importante de ressources sous forme d’engagement, d’orientation, de compétences et de financement et à une autre qui suppose une réduction des objectifs et une acceptation considérable de la toxicomanie). 

La Commission a noté que la question des drogues ne figurait pas parmi les priorités politiques des dernières années, ce qui avait mené à une réduction des fonds pour tous les secteurs en cause, tandis que le problème des drogues devenait de plus en plus grave et étendu.  Les paragraphes qui suivent résument quelques-unes des conclusions et des recommandations principales de la Commission([33]).

Leadership :  La Commission a noté qu’il fallait fixer plus clairement les priorités, répartir plus clairement les tâches et assurer un meilleur suivi de la politique en matière de drogue et des initiatives concrètes à tous les niveaux de gouvernement.  Ainsi, il a recommandé un leadership accru en rapport avec la politique en matière de drogue, le gouvernement jouant un rôle plus actif, aux plans national et international.  En outre, il a recommandé un modèle d’initiatives locales plus solide et une amélioration de la coordination locale.  Malgré les attributions partagées, la Commission n’a vu aucune raison de modifier la répartition fondamentale des tâches en ce qui concerne les questions de stupéfiants.  Elle était d’avis que le leadership national devait être renforcé par la nomination d’un ministre chargé tout particulièrement de l’orientation des activités associées à la politique en matière de drogue.  En outre, pour faciliter et intensifier l’élaboration et la coordination des initiatives locales, elle a proposé que les municipalités et les conseils de comté mettent en place des stratégies pour l’application de la politique en matière de drogue.

Réduction de la demande : La Commission a noté qu’il n’y avait pas de limites précises entre les volets des mesures de prévention, des soins et de la désintoxication et la restriction de l’offre.  Pour que les mesures préventives donnent des résultats positifs, elles doivent « faire partie d’un système de mesures restreignant l’offre et il doit exister des règles claires englobant les normes et les valeurs de la société, ainsi que des soins et des traitements efficaces »([34]).  La Commission considère les écoles comme la scène la plus importante pour la prévention de la toxicomanie et propose que des lignes directrices soient établies pour tout enseignement dans les écoles concernant le tabac, l’alcool et les drogues.  Elle signale aussi que des stratégies de prévention sont nécessaires pour les jeunes adultes et qu’elles sont inexistantes dans la plupart des municipalités.  La Commission a proposé que tous les jeunes et leurs parents aient accès à des services locaux de counseling sur l’alcool, les drogues et la toxicomanie.  La Commission a fait plusieurs autres commentaires au sujet de la prévention, notamment la nécessité d’améliorer la compétence des spécialistes concernant les interventions avec les jeunes et la toxicomanie.  Elle a aussi ajouté que, pour ceux qui avaient commencé à consommer des drogues, il était important de mettre l’accent sur un dépistage précoce et une intervention claire.

La Commission considère les soins et le traitement comme un élément essentiel des mesures de la politique en matière de drogue, puisqu’ils aident à réduire la toxicomanie de même que les conséquences négatives pour les toxicomanes.  Elle a pu déterminer que c’était là un aspect qui avait fait l’objet de coupures importantes et de réduction de fonds dans les municipalités depuis quelques années, et que la disponibilité des traitements n’était pas uniforme dans tout le pays.  Les lacunes du système étaient surtout évidentes dans le cas des toxicomanes sévères et des mesures de traitement à long terme.  Les toxicomanes endurcis, en particulier, doivent faire l’objet d’initiatives coordonnées, à long terme, auxquelles doivent contribuer tous les organismes qui peuvent fournir des initiatives adaptées aux besoins particuliers du client.  En outre, la Commission a déterminé la nécessité d’améliorer la compétence de ceux qui travaillent dans le domaine des soins et du traitement.  Elle a établi les principes directeurs suivants concernant les soins et le traitement :

·           Tous les toxicomanes doivent bénéficier d’une offre d’aide et, au besoin, de soins pour leur problème de toxicomanie.
·           Des conseils, de l’aide et un appui doivent être offerts dès les premiers stades de consommation.
·           Les soins doivent viser à l’objectif d’une vie sans toxicomanie et sans drogues illégales.
·           Les soins et d’autres mesures visant les toxicomanes doivent être de bonne qualité.
·           Les mesures visant à combattre la toxicomanie doivent être durables et appliquées à long terme.

La Commission a aussi noté une réduction des mesures visant à acheminer les toxicomanes vers des soins et la réadaptation dans le système de probation et d’établissements pénitentiaires.  Cette situation est importante, étant donné le contact intensif de ce système avec les toxicomanes.  Ainsi, la Commission a constaté un urgent besoin de ressources supplémentaires pour le maintien et l’amélioration, ainsi que l’intensification des mesures visant à lutter contre la toxicomanie.  Elle a aussi fait des recommandations à l’égard de la réduction de l’approvisionnement en stupéfiants dans les prisons, y compris des pouvoirs de perquisition accrus et des sanctions accrues pour ceux qui refusent une analyse sanguine.

Réduction de l’approvisionnement : La Commission n’a pas trouvé de lacunes réelles dans la loi ou dans les méthodes de travail utilisées par les autorités, bien qu’elle ait jugé impératif que ces autorités obtiennent davantage de ressources.  Les services de police et de douanes n’ont pas réussi à éliminer le marché clandestin.  En fait, tout semble indiquer que l’offre est encore plus généreuse, que les prix sont plus bas que par le passé et que la variété des drogues a augmenté.  Certaines recommandations mineures ont été faites en vue de minimiser les possibilités d’entrée des drogues licites sur le marché clandestin.  En ce qui concerne la lutte au marché des drogues illicites, la Commission a recommandé d’examiner la structure organisationnelle de la police (par exemple, la façon dont la dissolution des brigades de stupéfiants spécialisées a nui à la qualité des enquêtes policières) et d’assurer le suivi de toutes les faiblesses observées.  La Commission a aussi recommandé d’examiner les méthodes d’enquête spéciales (comme les livraisons contrôlées) et de rédiger des lignes directrices sur le sujet à partir des conclusions de l’examen.

Perfectionnement des compétences et recherche : La Commission était d’avis qu’il était important d’améliorer les connaissances sur différents aspects des stupéfiants, les mesures utilisées pour lutter contre la toxicomanie et l’effet de la politique en matière de drogue.  Par exemple, les connaissances de la situation dans le domaine de la drogue sont nécessaires pour planifier les mesures à prendre et évaluer la politique en matière de drogue.  La Commission s’est rendu compte que les connaissances et les méthodes utilisées pour la prévention et le traitement étaient insuffisantes et que les mesures devraient être basées sur des connaissances et une expérience documentée.  Par conséquent, elle a fait des recommandations visant à accroître les connaissances et la compétence de ceux qui s’occupent des questions de stupéfiants, en particulier dans les domaines de la prévention et du traitement.  La Commission a déclaré que la documentation, le suivi et l’évaluation devaient être améliorés et a fait une mise en garde « contre l’adhérence à des solutions simplistes du genre “recettes magiques” »([35]).


COÛTS

Comme dans d’autres pays, il n’existe pas de données statistiques systématiques sur les coûts liés aux stupéfiants qui soient facilement accessibles([36]).

A.  Coûts publics 

Le coût du traitement de la toxicomanie (alcool et stupéfiants) a été estimé pour les municipalités à 3,7 milliards de SEK (plus de 500 millions de dollars canadiens) par année (55 p. 100 pour les soins en établissement).  La police a utilisé 6 p. 100 de son budget pour la lutte antidrogue en 2000 (pour un total de 702 millions de SEK – plus de 100 millions de dollars canadiens).  Au sein des services de police, 869 personnes travaillaient à des questions relatives aux stupéfiants, tandis que dans les services douaniers, 1 080 personnes étaient affectées à la protection des frontières.  Aucune donnée sur les coûts n’est disponible pour les douanes.

 

B.  Coûts sociaux

La Commission sur les stupéfiants estime les coûts sociaux à 7,7 milliards de SEK par année (ce total ne tient pas compte de la prévention, de la formation et de l’évaluation).


ADMINISTRATION
([37])

Comme il est mentionné antérieurement, un coordonnateur sera maintenant chargé de coordonner la politique nationale en matière de drogue.  Par le passé, ce rôle était rempli par le ministère de la Santé et des Affaires sociales.  En ce qui concerne la distribution licite des stupéfiants et des substances psychotropes, l’Agence des produits médicaux s’occupe de délivrer les autorisations d’importation et d’exportation de drogues.  Cette Agence fournit aussi des statistiques sur les drogues au PNUCID.

La police nationale suédoise est chargée de la lutte antidrogue.  La Division des infractions en matière de drogue du Conseil national de police procède aux enquêtes criminelles en rapport avec le crime organisé ou à toute autre infraction liée à la drogue à l’échelle nationale ou internationale.  Le Service des douanes suédois s’occupe des points d’entrée.

L’Institut national de santé publique coordonne les activités de réduction de la demande.  Il est également le point de liaison national du réseau REITOX.  Les activités opérationnelles sont coordonnées aux niveaux régional et municipal.  C’est aussi le point de coordination avec les services sociaux, les services de police, les services de probation et de détention, les services médicaux, les écoles et toutes les autres parties en cause.  Ainsi, pour ce qui est de la prévention, des soins et du traitement, les groupes locaux et municipaux ont un rôle clé à jouer. 

À cause de sa nature globale, le problème de la drogue met en jeu d’autres ministères, par exemple le ministère de la Justice et le ministère des Affaires étrangères.

 

STATISTIQUES

A.  Consommation([38])

Conformément aux sondages effectués auprès des jeunes de 9e année (15 ans) et des jeunes conscrits de 18 ans, on constate une tendance évidente, au cours des années 1990, à l’augmentation de la consommation de drogues au cours de la vie parmi les adolescents, particulièrement les plus âgés.  On a aussi constaté une augmentation de l’usage récent (année dernière, 30 derniers jours) parmi les adolescents et les jeunes adultes.  Par exemple, le pourcentage de jeunes de 15 ans qui ont déjà essayé des drogues est passé de 4 p. 100 à 9 p. 100 de 1992 à 2000.  Il est intéressant de noter que ce nombre était de 14 p. 100 au début des années 1970 et qu’il a diminué à environ 8 p. 100 en 1982.  En ce qui concerne les jeunes conscrits, la tendance est à peu près la même.  Selon ces sondages, la consommation de drogues illicites est faible comparativement à celle d’autres pays européens, bien qu’elle semble indiquer un accroissement de l’usage.  Il faut noter que ces données ont été critiquées.  Premièrement, elles s’appliquent seulement aux jeunes étudiants de 15 et 16 ans et aux jeunes conscrits de 18 ans.  Ainsi, elles ne tiennent pas compte des groupes plus âgés où il y aura première expérimentation.  En outre, on a affirmé qu’il peut y avoir une sous-déclaration de la consommation, lorsque les drogues sont perçues de façon aussi négative et que les questionnaires sont remplis à l’école (où certains peuvent craindre d’être observés par leurs enseignants)([39]).

En 2000, la moyenne mobile de trois ans de la consommation au cours de la vie pour les groupes de 15 à 64 ans était de 12 p. 100 (la plus élevé étant de 17 p. 100 pour les groupes de 24 à 44 ans).  Depuis 1988, la consommation récente, pour les douze derniers mois, n’a jamais dépassé 1 p. 100.  Dans l’ensemble, les hommes sont deux fois plus susceptibles d’avoir consommé des drogues que les femmes, bien que la différence ne soit pas aussi élevée chez les groupes plus jeunes. 

La plupart de ceux qui ont consommé des drogues ont essayé le cannabis et une grande partie de ceux-là ont seulement essayé le cannabis (en Suède, le cannabis est habituellement pris sous forme de haschisch).  La deuxième catégorie de drogues la plus populaire en Suède est le groupe des amphétamines.  La cocaïne serait la troisième plus répandue chez les plus âgés, tandis que chez les jeunes, ce serait le MDMA (ecstasy) et le LSD.  Pendant les années 1990, la disponibilité des drogues a augmenté, en particulier les amphétamines et l’héroïne.  En Suède, comme il est mentionné précédemment, le toxicomane courant consomme des amphétamines injectables.  Il semble cependant que l’usage d’héroïne soit en hausse dans ce pays([40]).

En général, les sondages révèlent que les drogues en général sont assez peu utilisées en Suède.  Pour ce qui est des toxicomanes (définis comme faisant usage d’intraveineuses ou une consommation quotidienne de drogues), il semble que la Suède ait un problème assez grave, avec un éventail de 14 000 à 20 000 personnes, ce qui est proche de la moyenne de l’Union européenne([41]).  Comme il a été mentionné, un des points distinctifs est que la principale drogue à poser problème est l’amphétamine plutôt que, comme dans beaucoup d’autres pays, l’héroïne, bien que la plupart des toxicomanes consomment plusieurs drogues et que la consommation d’héroïne semble en hausse.

 

B.  Infractions

Le nombre de personnes soupçonnées qui ont été déclarées a augmenté, passant de 6 567 en 1985 à 12 470 en 1999.  La police a enregistré 32 423 infractions à la Loi sur les stupéfiants en 2000, ce qui est comparable aux données de la dernière décennie.  Le nombre d’infractions à la Loi sur la contrebande a diminué de 85 p. 100 depuis 1980, baissant à 350.

En 1998, 92 p. 100 ont été soupçonnés d’usage ou de possession (par rapport à 76 p. 100 en 1975).  En outre, le nombre de ceux qui sont soupçonnés de vendre ou de fabriquer des drogues est maintenant de 19 p. 100 (par rapport à 40 p. 100 en 1975). 

Le nombre de sentences rendues pour infractions à la Loi sur les stupéfiants ou à la Loi sur la contrebande est maintenant de 12 470 pour 1999 (par rapport à 2 601 en 1975).  Le cannabis était en cause dans 51 p. 100 des sentences en 1998.  La même année, le genre de sentences était réparti de la façon suivante : 38 p. 100, amendes; 27 p. 100, emprisonnement; 14 p. 100, abandon de poursuites; 14 p. 100, probation; et 8 p. 100, autres sanctions.  L’emprisonnement était généralement d’une durée de deux à six mois([42])


([1])        Pour plus de renseignements sur le contexte de la politique de la Suède en matière de drogue, consultez Tim Boekhout van Soliinge, The Swedish Drug Control System : An in-depth review and analysis, Centre for Drug Research, University of Amsterdam, Amsterdam, 1997.

([2])        Ibid., p. 72.

([3])        European NGO Council on Drugs and Development, A Snapshot of European Drug Policies : Report on the state of drug policies in 12 European countries, octobre 2001, p. 27.

([4])        Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 59.

([5])        United Nations Office for Drug Control and Crime Prevention, Country Drug Profile : Sweden, 1998, p. 1.

([6])        Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 45.

([7])        United Nations Office for Drug Control and Crime Prevention, Supra note 5, p.1.

([8])        European NGO Council on Drugs and Development, Supra note 3, p. 27.

([9])        Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 88.

([10])      Ibid., p.53.

([11])      Ibid., p. 130.

([12])      Ibid., p. 116-117.

([13])      Ibid., p. 103.

([14])      Ministère de la Santé et des Affaires sociales, National Action Plan on Narcotic Drugs, Fiche d’information, février 2002.

([15])      Ibid.

([16])      Ibid.

([17])      Ibid.

([18])      Ibid.

([19])      Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 165.

([20])      Ibid., p 125.

([21])      Ibid., p. 162.

([22])      Ibid., p. 129.

([23])      Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Country Profiles – Sweden, European Legal Database on Drugs, 2001.

([24])      Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 15.

([25])      Ibid., p. 177.

([26])      Publié sous la direction de Nicholas Dorn et Alison Jamieson, European Drug Laws : the Room for Manoeuvre, DrugScope, Londres, 2001, p. 188.

([27])      Ibid., p. 206.

([28])      Ibid., p. 190.

([29])      Ibid., p. 191.

([30])      Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, Supra note 23.

([31])      National Institute of Public Health, National Report : Sweden 2001, Stockholm, décembre 2001, p. 14.

([32])      Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 172-173.

([33])      L’information fournie dans la section qui suit est fondée sur le document suivant : The Swedish Commission on Narcotic Drugs, Summary of the report The Crossroads from the Swedish Commission of Narcotic Drugs, Suède, 2000.

([34])      Ibid.

([35])      Ibid.

([36])      L’information qui suit découle de : National Report – Sweden 2001, Supra note 31, p. 15.

([37])      L’information fournie dans la section qui suit est fondée sur le document suivant : United Nations Office for Drug Control and Crime Prevention, Country Drug Profile – Sweden, Supra 5, p. 12

([38])      L’information fournie dans la section qui suit est principalement fondée sur le document suivant :  National Report – Sweden 2001, Supra note 31.

([39])      Boekhout van Solinge, Supra note 1, p. 138.

([40])      Ibid., p. 109.

([41])      United Nations Office for Drug Control and Crime Prevention, Supra note 5, p. 9.

([42])      National Report 2001, p. 27.


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