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LE CHANGEMENT CLIMATIQUE : NOUS SOMMES MENACÉS

Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

RAPPORT  INTÉRIMAIRE

L'honorable Donald Oliver, c.r.Président
L'honorable John Wiebe, Vice-président

Juin 2003


MEMBRES

 LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DES FORÊTS

Les honorables sénateurs 

Libéraux

*Sharon Carstairs, c.p. (ou Robichaud, c.p.)
Thelma Chalifoux
Joseph Day
Joyce Fairbairn, c.p.
Elizabeth Hubley
Laurier L. LaPierre
Pierrette Ringuette
John (Jack) Wiebe (vice-président)

Conservateurs

Leonard Gustafson
Marjory LeBreton
*John Lynch-Staunton,  c.p. (ou Kinsella)
Donald Oliver, c.r. (Président)
David Tkachuk

 

(*Membres d'office)

Greffière suppléante
Keli Hogan 

Analystes de la Direction de la recherche parlementaire : Bibliothèque du Parlement

Frédéric Forge
Lorie Srivastava
Jean-Luc Bourdages

Nota:    Les honorables sénateurs Raynell Andreychuk; Pat Carney; Jane Cordy; Marisa Ferretti Barth; Joan Fraser; Jean Lapointe; Shirley Maheu; Frank Mahovlich; Lorna Milne; Wilfred P. Moore et David P. Smith ont également fait partie du Comité.


ORDRE DE RENVOI

Extrait des Journaux du Sénat du jeudi 31 octobre 2002:

L'honorable sénateur Wiebe propose, appuyé par l'honorable sénateur Chalifoux,

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à examiner l’impact du changement climatique sur l’agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d’adaptation à l’étude axées sur l’industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d’autres éléments s’y rapportant;

Que les documents et les témoignages reçus et entendus sur le sujet et les travaux menés par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts durant la première session de la trente-septième législature soient renvoyés à ce même comité;

Que le Comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2003.

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle


TABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS

RÉSUMÉ

CHAPTRE 1: INTRODUCTION
    Les inondations au Saguenay en 1996
    La crue de la rivière Rouge en 1997
    Le grand verglas de 1998
    Sécheresses depuis 1999
    Qu'est-ce que le climat?
    Pourquoi le changement climatique est-il important?
    Viser l'adaptation

CHAPTRE 2: CONTEXTE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
    A. Notre climat change…
    B. …Et les changements nous toucheront
    C. La solution est réduire les émissions…
        1. Le Protocole de Kyoto
        2. La Bourse des émissions 
        3. La décarbonisation des systèmes énergétiques mondiaux
    D. …Et s'adapter aux effets
    Résumé

CHAPTRE 3: QUE SAVONS-NOUS DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L'AGRICULTURE
    A. Les effets biophysiques du changement climatique sur l'agriculture canadienne
    B. Les effets économiques du changement climatique sur l'agriculture canadienne
    C. Mesures d'adaptation pour l'agriculture 
    Résumé 

CHAPTRE 4: QUE SAVONS-NOUS DES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES FORÊTS?
    A. Effets biophysiques du changement climatique sur les forêts canadiennes 
    B. Options d'adaptation en foresterie
    Résumé

CHAPTRE 5: LES EFFECTS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L'EAU
    A. Impacts des changements climatiques sur les ressources hydriques
    B. Stress hydrique pour l'agriculture, les forêts et les communautés rurales
    C. Stratégies d'adaptation pour les ressources hydrigues
    Résumé

CHAPTRE 6: LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES COLLECTIVITÉS RURALES
    Résumé

CHAPTRE 7: LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR LES PEUPLES AUTOCHTONES
    Résumé

CHAPTRE 8: QUE DEVONS-NOUS FAIRE POUR NOUS ADAPTER?
    A. Recherche
        1. Nécessité d'une recherché intégrée
        2. Domaines de recherche
        3. Encouragement à la recherche
    Résumé 
    B. Communication
        1. Un message clair au bon moment
        2. Une stratégie de communication nationale
    Résumé
    C. Politiques et programmes gouvernementaux
        1. Programmes conçus expressément pour encourager l'adaptation
        2. Prise en compte du changement climatique dans les politiques et les programmes existants
    Résumé

CHAPTRE 9: CONCLUSION - QUELQUES LEÇONS

ANNEXE A

ANNEXE B


LISTE DES ABREVIATIONS

AAC                Agriculture et Agroalimentaire Canada

ARAP              Administration du rétablissement agricole des Prairies

C-CIARN            Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l’adaptation

CFA                Fédération canadienne de l’agriculture

CO2                   Dioxyde de carbone

COPRA            Coopération des Prairies pour la recherche en adaptation

CSA                Cadre stratégique pour l’agriculture

FACC              Fonds d’action pour le changement climatique

GES                 Gaz à effet de serre

GIEC               Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique

N20                  Oxyde nitreux

PCCC             Plan du Canada sur les changements climatiques

SCF                 Service canadien des forêts

WISE               Water Institute for Semi-arid Ecosystems


AVANT-PROPOS

De novembre 2002 à mai 2003, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a étudié les effets du changement climatique sur l’agriculture et les forêts canadiennes ainsi que sur les collectivités rurales. Cette étude est une suite logique du précédent rapport du Comité, Les agriculteurs canadiens en danger.[1] Lors de son précédent mandat le Comité avait voyagé dans les provinces maritimes pour écouter les préoccupations des agriculteurs. Ces derniers ont exprimé leurs craintes face aux changements dans les conditions climatiques et se demandaient comment ils allaient pouvoir s’y adapter.  

Après avoir identifié les chercheurs de pointe dans le domaine du changement climatique et de l’adaptation au Canada et à l’étranger, le Comité a entendu des témoins qui se situent à  l’avant-garde de ce sujet. Ces témoins provenaient du milieu universitaire canadien et des centres de recherche gouvernementaux. Le Comité a aussi cherché à profiter d’une expertise internationale en invitant des chercheurs des États-Unis et du Royaume-Uni à venir témoigner. Le Comité a examiné le sujet à l’échelle du pays et a tenu à se renseigner sur les opinions des représentants d’organisations agricoles, du milieu rural, de l’industrie forestière et de l’écotourisme, ainsi que des groupes de protection de l’environnement provenant de toutes les régions du Canada. Le Comité a tenu des audiences à Ottawa et s’est rendu en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique (voir la liste des témoins en annexe).  Tout au long des audiences, le Comité tenait particulièrement à se renseigner sur les stratégies d’adaptation que les Canadiens pourraient mettre en œuvre.   

Les agriculteurs, les industries forestières et les collectivités rurales sont confrontés et s’adaptent déjà à différents risques et possibilités créés par l’évolution des marchés, la réglementation, la politique commerciale, la technologie, etc.  Cette étude s’inscrit donc dans la continuité du dernier rapport du Comité, intitulé Les agriculteurs canadiens en danger, qui examinait les enjeux à court et à long terme pour la santé du secteur agricole et agroalimentaire canadien.   

Ce rapport intérimaire rend compte des réflexions et opinions des différents témoins.  Le Comité rendra public son rapport final en octobre 2003.  Ce rapport proposera des recommandations en vue d’aider le Canada à s’adapter au changement climatique et, par conséquent, à préserver la prospérité de l’agriculture, de l’exploitation forestière et des collectivités rurales du Canada. 


RÉSUMÉ

Chapitre 1 : Introduction  

Les inondations au Saguenay en 1996, la crue de la rivière Rouge de 1997 et le grand verglas de 1998 ont marqué la vie de millions de Canadiens et entraîné un nombre sans précédent de réclamations d’assurance pour des catastrophes naturelles. Le climat affecte notre vie quotidienne, parfois de façon dramatique, comme en témoignent ces événements météorologiques violents. Le climat est différent de la météo : il concerne les conditions météorologiques moyennes : température, précipitations, vents, entre autres variables. Le climat change, mais les changements n’apparaissent que sur de très longues périodes. 

Par le passé, les changements climatiques étaient assez lents pour que l’humanité s’y adapte sans trop de heurts. Cependant, il semble bien que le rythme du changement climatique s’accélérera durant le présent siècle pour dépasser notre faculté d’adaptation. Les impacts prévus comprennent non seulement plus d’événements météorologiques violents, mais également des transformations écologiques à long terme qui auront une influence profonde sur l’économie et sur les modes de vie partout dans le monde. Par exemple, le principal effet du changement climatique concernera sans doute les ressources en eau du Canada.

Pendant sa dernière étude, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a entendu beaucoup d’agriculteurs de tout le Canada parler de la sécheresse de 2001 et de ses effets dévastateurs sur eux. Que ferons-nous si ces sécheresses deviennent plus fréquentes dans des régions où elles étaient exceptionnelles jusque-là? De novembre 2002 à mai 2003, le Comité a étudié les effets du changement climatique sur l’agriculture, les forêts et les populations rurales du Canada, en insistant sur les meilleures façons de s’adapter au changement climatique. Ce résumé présente les résultats du Comité. L’aperçu du chapitre 2 donne le contexte du changement climatique; l’aperçu des chapitres 3 à 7 résume la recherche et les témoignages recueillis sur les effets éventuels du changement sur l’agriculture, les forêts, l’eau, les populations rurales et les Autochtones. Le chapitre 8 relève les domaines dans lesquels l’État pourrait agir pour aider le Canada rural à s’adapter.

 

Chapitre 2 : Contexte du changement climatique

Les témoins ont présenté au Comité des preuves que notre climat change vraiment. Un des principaux indices en est le réchauffement de la planète. Une bonne part des témoignages scientifiques est très technique, mais elle figure dans ce chapitre pour servir de contexte aux chapitres suivants et aux recommandations :

·        Il est généralement reconnu que la surface de la terre et des mers s’est réchauffée en moyenne de 0,6C depuis 100 ans. 

·        Aucun facteur naturel agissant sur le climat n’offre d’explication satisfaisante du réchauffement observé.

·        À l’heure actuelle, suffisamment de données prouvent que le réchauffement de la terre observé depuis 100 ans est causé par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES) comme le dioxyde de carbone (CO2). 

·        Le réchauffement devrait continuer à un taux sans précédent dans l’histoire humaine.  Des conséquences se feront sentir au niveau sous-continental sur la température, le régime des précipitations et, surtout, la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes.

·        Comme le réchauffement s’accentuera près des pôles, des pays comme le Canada seront davantage touchés. En fait, certains effets se constatent déjà dans le Nord du pays.

Le Canada et d’autres pays ont déjà pris des mesures pour ralentir ce changement. Essentiellement, il s’agit de réduire nos émissions de GES comme le CO2 :

·        Le Protocole de Kyoto impose aux pays industrialisés de réduire leurs émissions de GES. Les experts conviennent cependant que la mise en œuvre du protocole ne va pas arrêter - et encore moins inverser - la tendance au réchauffement.

·        L’utilisation des forêts et des sols agricoles pour piéger les GES de l’atmosphère ne sera qu’une mesure temporaire pour aider le Canada à atteindre ses objectifs de Kyoto : cela aura très peu d’effet sur la quantité totale de GES dans l’atmosphère.

·        La stabilisation des GES à des concentrations permettant d’éviter les conséquences désastreuses pour l’humanité imposera des mesures radicales qui vont bien au‑delà de celles requises par Kyoto. L’hydrogène doit devenir le combustible de l’avenir, en remplacement du pétrole et des hydrocarbures qui donnent lieu aux émissions de GES dans l’atmosphère. La transition pourrait se faire par un investissement dans le nucléaire et dans les sources d’énergie renouvelables.

Les experts conviennent également que le climat mettra du temps à réagir aux changements de concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. D’ici à ce que l’on réduise suffisamment les émissions, le climat se sera déjà réchauffé et nous n’aurons guère le choix de nous adapter aux nouvelles conditions :

·        À part des mesures comme le Programme canadien sur les impacts et l’adaptation au changement climatique, qui finance la recherche, et le Réseau canadien de recherche sur les impacts du changement climatique et l’adaptation (C‑CIARN), il n’y a pas beaucoup de ressources affectées à l’adaptation au changement.

·        Il faut un engagement à long terme pour appuyer, financer et suivre le progrès de l’adaptation, et le gouvernement du Canada doit jouer un rôle moteur dans ce dossier.

 

Observations générales sur les chapitres 3, 4 et 5

Le Comité a entendu les témoignages de nombreux chercheurs : climatologues, pédologues, économistes, biologistes, entomologistes et autres, qui l’ont informé en détail de leur travail et des effets potentiels du changement sur l’agriculture, les forêts et les eaux, ainsi que de leurs études sur les options d’adaptation. Les chapitres 3, 4 et 5 traitent de ce qu’on sait actuellement des effets éventuels du changement sur ces trois catégories de ressources. Pour mettre les résultats en perspective, retenons les points suivants :

·        La plus grande partie de la recherche sur les effets du changement climatique sur l’agriculture, les forêts et les eaux fait appel à des modèles qui étudient la planète entière. Ceux qui ont développé les modèles nous ont dit que ceux‑ci sont trop généraux pour permettre une évaluation exacte des conséquences futures au niveau sous-continental. 

·        Les chercheurs qui travaillent aux impacts et à l’adaptation estiment cependant que ces modèles peuvent quand même donner des résultats précieux à une échelle plus fine, mais qu’il est difficile de tirer des résultats au niveau local.

·        Les résultats des études fournissent des scénarios d’événements plausibles. Ce ne sont jamais des prévisions de ce que le changement apportera.

·        La couverture de ces études est assez ponctuelle; celles-ci ne traitent pas de toute la diversité de notre pays.

Après les remarques qui précèdent, il convient de chercher à mettre au point des outils plus exacts et plus fiables pour prévoir ce qui va se passer, et où. Il est également important d’établir d’abord où l’agriculture et les forêts du Canada sont vulnérables, afin d’améliorer leur résistance au changement.

 

Chapitre 3 : Agriculture

Le changement des conditions climatiques touchera l’agriculture de trois façons :

·        Les changements aux conditions climatiques moyennes modifieront la carte agricole du pays. Il est généralement reconnu que des températures plus chaudes et une concentration plus élevée de CO2 permettront de meilleurs rendements, de nouvelles cultures et une expansion vers le Nord des terres agricoles. Localement, cependant, ces avantages pourraient être réduits par plusieurs facteurs, dont la diminution de disponibilité de l’eau, la disponibilité limitée du sol dans le Nord, une augmentation de l’érosion si les sécheresses et les inondations deviennent plus fréquentes, une augmentation des infestations d’insectes et des mauvaises herbes plus vigoureuses.

·        Tous les témoins conviennent que les changements dans la variation annuelle des températures et précipitations auront une importance plus considérable pour le secteur agricole que les changements des conditions moyennes. Nous pouvons prévoir que le changement climatique modifiera la fréquence des années anormales; en d’autres mots, certaines conditions extrêmes seront moins fréquentes, et d’autres le seront davantage. On a mentionné maintes fois que le Canada peut s’attendre à des sécheresses plus fréquentes et plus généralisées, en particulier dans les Prairies.

·        L’impact du changement climatique dans le reste du monde aura également des implications pour notre secteur agroalimentaire. Beaucoup de prix sont fixés par les marchés mondiaux, ce qui veut dire que l’effet économique dépendra également de la mesure dans laquelle la productivité de notre agriculture évoluera relativement à celle des autres pays.

Depuis longtemps, les agriculteurs innovent et s’adaptent à diverses contraintes : variation de la météo, politique commerciale, prix des denrées. Par le passé, plusieurs options d’adaptation ont permis aux agriculteurs de composer avec divers risques et conjonctures, et ces options continueront de les aider dans l’avenir :

·        progrès techniques, dont la mise au point de nouvelles variétés culturales;

·        gestion financière des fermes, y compris l’assurance-récolte;

·        pratiques de production, y compris la diversification et l’irrigation;

·        programmes de l’État, y compris les fonds de soutien et la fiscalité.

L’évolution et l’amélioration des pratiques agricoles joueront un rôle important dans l’adaptation au changement climatique. Il est cependant essentiel que les agriculteurs améliorent leur capacité de composer avec les risques qui existent déjà, afin de développer des moyens pour faire face aux risques futurs, dont ceux découlant du changement climatique. Les fermiers doivent développer leurs forces et identifier les faiblesses de leurs exploitations. 

Chapitre 4 : Forêts

Le changement climatique devrait toucher les forêts canadiennes de plusieurs façons :

·        Les chercheurs ignorent si nos forêts connaîtront une augmentation ou une diminution de productivité à la suite du changement climatique. D’une part, une saison de croissance allongée et l’augmentation de la concentration de CO2 atmosphérique favoriseront la croissance des arbres. D’autre part, les dégâts causés aux forêts et aux arbres par les dégels hivernaux et les phénomènes atmosphériques extrêmes (comme les vents violents) augmenteront, tout comme le risque de feux de forêt et d’infestations d’insectes comme le dendroctone du pin en Colombie-Britannique.

·        Les chercheurs prévoient que les forêts tempérées et la forêt boréale migreront vers le nord à la suite du réchauffement. Plusieurs facteurs limiteront cependant cette migration, et le Canada risque de perdre des espèces et de se retrouver avec des forêts moins vigoureuses et composées d’arbres moins « nobles ».

·        Ces impacts du changement sur nos forêts risquent d’affecter la société canadienne et son économie. Les effets socioéconomiques pourraient inclure des changements dans l’offre de bois et la valeur de la rente, des changements à la valeur des terres, la perte de forêts à des fins récréatives et la déstructuration des parcs et aires naturelles.

Les effets du changement climatique sur les forêts exigeront une adaptation préalable appropriée de la part des entreprises forestières. Quelles que soient l’incertitude de l’impact du changement sur les écosystèmes forestiers d’ici quelques dizaines d’années, plusieurs témoins exhortent les entreprises forestières à appliquer rapidement les connaissances actuelles sur les feux, les insectes et les maladies à leur planification à long terme. Ainsi, les connaissances actuelles sur les feux de forêt peuvent contribuer à planifier la rotation des coupes.

On a également souligné que l’impact incertain du changement climatique sur le secteur forestier canadien et sur les populations rurales qui dépendent de forêts saines, pourrait être l’occasion, pour tous les intervenants de la forêt, d’une réflexion profonde sur le régime forestier de l’avenir.

 

Chapitre 5 : L’eau

Le principal effet du changement climatique concernera sans doute les ressources en eau du Canada. Les prévisions touchant les régimes de précipitation sont très incertaines, mais les témoignages concordent sur les points suivants :

·        Nous pouvons prévoir davantage de variations dans les précipitations. Il y aura des années plus humides que la normale, mais d’autres seront beaucoup plus sèches que la normale. Les orages et les sécheresses pourraient être plus fréquents.

·        Les mesures d’adaptation concerneront surtout le génie et l’infrastructure : irrigation, usines de traitement d’eau, etc., mais aussi la technologie visant à rentabiliser l’utilisation de l’eau. Les mesures pourraient varier localement et dépendront des usages : agriculture, forêt, tourisme, etc.

·        Étant donné la demande d’eau de l’agriculture, du secteur forestier et des ménages à la campagne et en ville, les témoignages indiquent que les conflits sur les utilisations de l’eau iront en s’accroissant.

·        Si ces conflits augmentent, les décideurs devront faire un choix entre les usages et affecter l’eau de la meilleure façon.

 

Chapitre 6 : Collectivités rurales  

Le Canada rural contribue grandement à la richesse de notre pays, puisque sa production représente 15 p. 100 du produit intérieur brut et 40 p. 100 des exportations canadiennes. Étant donné qu’il dépend fortement des secteurs fondés sur les ressources naturelles, le Canada rural sera plus vulnérable au changement climatique. Voici ce qui est ressorti des audiences :

·      Depuis quelques dizaines d’années, la population et la composition des collectivités rurales du Canada - surtout celles qui reposent sur l’agriculture - ont subi de profonds bouleversements suivant la migration et la transformation structurale du secteur agricole. En l’an 2000, par exemple, le revenu tiré d’un emploi extérieur à la ferme représentait 56 p. 100 du revenu total agricole.

·      Plusieurs facteurs influent déjà sur les moyens de subsistance des habitants ruraux, comme la faiblesse des prix des produits et les différends commerciaux, le bois d’œuvre, par exemple. 

·      Le changement climatique constitue un stress supplémentaire pouvant aggraver les facteurs qui influent déjà sur le Canada rural.

·      Si quelque chose menace la viabilité financière de l’agriculture, de la foresterie et des autres secteurs fondés sur les ressources naturelles, la viabilité des collectivités rurales qui en dépendent se trouve tout aussi menacée.

·      Dans certaines collectivités, l’augmentation du niveau de la mer et des dommages dus aux conditions climatiques viendra aussi menacer les infrastructures physiques.

·      La cohésion sociale risque d’être compromise à cause, entre autre, de l’intensification des conflits en matière d’utilisation de l’eau.

·      Pour faire face à ces changements, les collectivités rurales devront commencer à en tenir compte dans leur planification. Elles pourraient d’abord sensibiliser la population, notamment en participant à des ateliers du C-CIARN. Ceci montre l’importance d’une stratégie de communication sur le changement climatique (chapitre 8).

 

Chapitre 7 : Peuples autochtones  

Le Comité s’est entretenu avec des représentants élus de la Nation métisse de l’Alberta et de la Nation Kainah. Des représentants du C-CIARN Nord ont aussi exposé la situation des Inuits. Voici ce qui est ressorti des audiences :

·      Le savoir et l’expérience pratique des aînés métis correspondent étroitement aux trouvailles scientifiques récentes dans le domaine du changement climatique.

·      Les peuples autochtones du Nord sont plus sensibles aux changements climatiques que les non-autochtones parce que les territoires qui leur appartiennent, leurs zones de chasse, leur culture et connaissances traditionnelles seront directement touchés.

·      Depuis une vingtaine d’années, les partenariats s’intensifient entre scientifiques, nations autochtones et collectivités du Nord, surtout dans les régions où les scientifiques ont concentré leurs recherches.

·      Il y aurait lieu d’améliorer l’accès des peuples autochtones aux programmes qui les aideront à s’adapter au changement climatique.

·      Maintenant que les Autochtones acquièrent des droits en matière de gestion des ressources et de propriété foncière, leurs organisations cherchent à jouer un rôle plus concret dans la recherche, les activités de sensibilisation et les négociations internationales sur les changements climatiques.

 

Chapitre 8 : Que devons-nous faire pour nous adapter?  

Bien qu’il soit encore trop tôt pour identifier clairement les bonnes mesures d’adaptation à prendre, le gouvernement peut dès maintenant passer à l’action. Ce chapitre porte sur trois domaines d’action en particulier : la recherche, la communication et les programmes publics.

 

Recherche

La recherche sur l’adaptation en matière de changement climatique en est encore à ses premiers balbutiements. Toutefois, le Canada est à l’avant-garde et les chercheurs canadiens dirigent de nombreuses activités internationales dans ce domaine. Certaines lacunes entravent tout de même leurs travaux :

·      Manque de financement par rapport aux sommes consacrées à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

·      Pénurie d’étudiants diplômés ayant les qualifications appropriées.

·      Difficulté à trouver de l’argent pour la recherche pluridisciplinaire.

 

Les témoins ont proposé diverses approches pour favoriser la recherche :

·      Améliorer la capacité de recherche du gouvernement.

·      Faciliter les partenariats entre les organismes de recherche.

·        Créer des chaires de recherche sur l’adaptation et des bourses pour étudiants diplômés.

·      Créer un centre où les chercheurs de différentes disciplines pourraient se rassembler.

Communication

Comme l’information scientifique est intrinsèquement complexe, il a souvent été question de sa diffusion dans toutes les audiences publiques. Trois éléments en particulier sont à souligner :

·      Il est important de ne pas sensationnaliser la question, ni d’effrayer inutilement le public; néanmoins, le Comité aurait tort d’ignorer ce que nous ont dit clairement les témoins, à savoir que le Canada va probablement connaître à brève échéance des changements beaucoup plus grands que ceux qu’il a connus au cours des cent dernières années.

·      On admet déjà que les chercheurs doivent faire connaître les résultats de leurs travaux aux industries et aux collectivités. À l’inverse, il est tout aussi crucial que la communauté scientifique prenne le pouls des producteurs, de la population rurale et des peuples autochtones. En tant qu’entité relativement jeune, le C-CIARN commence à mettre en branle des discussions bilatérales entre chercheurs et intervenants.

·      À lui seul, un plan de communication monolithique ne suffirait pas à atteindre les collectivités rurales. Une bonne stratégie de communication devrait tirer profit des réseaux déjà en place au sein des collectivités rurales. La capacité des services de vulgarisation agricole et forestier à informer les producteurs se détériore gravement depuis vingt ou trente ans, et il serait temps de les revitaliser.

·      L’accès aux technologies à bande large dans les collectivités rurales est également essentiel.  Ces technologies permettront aux Canadiens vivant dans les régions rurales de chercher activement l’information.

 

Programmes publics

Les politiques en vigueur, qu’elles portent sur l’impôt, les programmes agricoles ou la réglementation provinciale sur les forêts, peuvent entraver ou encourager les efforts d’adaptation. Pour créer un environnement propice à l’adaptation, c’est-à-dire dans lequel les exploitants agricoles et forestiers seront portés à s’adapter, les gouvernements devraient tenir compte des éléments suivants :

·      Pour s’adapter au changement climatique de façon proactive, les secteurs agricole et forestier auront sans doute besoin d’incitatifs à long terme pour faire contre-poids aux incitatifs à court terme qu’offrent les marchés.

·      Les politiques gouvernementales devraient avoir pour objectif général d’encourager l’adoption de stratégies d’adaptation au changement climatique ou à tout le moins éviter d’empêcher l’adoption de ces stratégies. Par conséquent, il y aurait lieu d’intégrer les problèmes de changement climatique à la politique agricole du Canada, à la réglementation sur la gestion des forêts, aux normes d’homologation des produits écologiques et à d’autres politiques visant le bien-être des collectivités rurales. Ce faisant, nous rendrons les industries, les écosystèmes et les gens moins vulnérables au changement climatique, tout en les aidant à s’adapter à d’autres stress.


CHAPITRE 1: INTRODUCTION

Les inondations au Saguenay en 1996

Les inondations au Saguenay ont été le premier désastre à causer plus d’un milliard de dollars de dégâts au Canada. Des pluies torrentielles au Saguenay, du 19 au 21 juillet, ont entraîné des inondations et des glissements de terrain qui ont détruit des sections de Chicoutimi, Jonquière, La Baie, Ferland, et Boilleau. En quelques heures, la région de La Baie, Bagotville et Jonquière a été transformée en mer de boue. Il y a eu des morts et quelque 10 000 personnes ont dû fuir leur maison. Au total, il y a eu 16 000 victimes. Presque toute l’électricité et quelque 8 000 lignes téléphoniques ont été coupées, donnant lieu à une urgence généralisée.

 

La crue de la rivière Rouge en 1997  

La crue printanière de la portion canadienne de la rivière Rouge, qui a culminé à Winnipeg tôt le 4 mai, a causé les pires inondations dans la région depuis 1852. Plus de 256 000 ha étaient sous l’eau dans le sud du Manitoba et dans les Dakotas, et environ 75 000 personnes ont été contraintes d’abandonner leur demeure. La rivière s’est transformée en un immense lac couvrant 1840 km2, surnommé la mer Rouge. Le désastre a duré 8 semaines et causé pour 450 millions de dollars de dégâts. On estime que ceux-ci auraient dépassé 6 milliards sans le Canal de dérivation de la rivière Rouge, ouvrage de détournement des crues construit autour de Winnipeg dans les années 1960.

 

Le grand verglas de 1998  

Le verglas a dominé les vies des gens et le paysage dans de vastes régions de l’Est du Canada en janvier 1998. Il a touché 5 millions de personnes – environ 17 p. 100 de la population canadienne – et s’étendait sur plus de 1 000 km, de la baie Georgienne à la baie de Fundy. L’Est ontarien et le Québec ont été la cible d’une pluie verglaçante qui est tombée pendant six jours et a recouvert arbres, lignes électriques et pylônes d’une épaisse couche de glace. Bilan : 35 morts, des millions d’arbres détruits, plus d’un million de Québécois et 100 000 Ontariens sans électricité pendant des jours. Les règlements d’assurance ont approché 1,44 milliard de dollars, trois fois le total de la catastrophe naturelle la plus coûteuse au Canada à ce jour; le coût total est évalué à 2,5 milliards de dollars.  

Les inondations au Saguenay en 1996, la crue de la rivière Rouge en 1997 et le grand verglas de 1998 ont donné lieu aux réclamations d’assurance les plus élevées de l’histoire au Canada pour des phénomènes atmosphériques. Avant 1998, les assureurs canadiens n’avaient jamais déboursé plus de $500 millions à cet égard en un an. Les coûts découlant des catastrophes naturelles ont été supérieurs de 65 p. 100 entre 1993 et 1998 à ce qu’ils avaient été durant le quart de siècle précédent.  

Sécheresses depuis 1999  

1999 :

Les plus faibles pluies en 50 ans dans les Maritimes ont causé une sécheresse qui a flétri les récoltes et assoiffé le bétail. 

2000 :

Dans le sud de l’Alberta, beaucoup de producteurs de céréales sur terres arides ont connu des récoltes très déficitaires, qu’ils aient eu ou non accès à l’irrigation. Lethbridge n’a pas reçu de pluie pendant 60 jours.

2001 :

La sécheresse a touché tout le pays. La saison de croissance a été la plus sèche au Canada depuis 34 ans. Le sud de l’Alberta a vécu son année la plus sèche en plus de 130 ans. L’hiver 2001‑2002 n’a pas seulement été le plus chaud depuis plus de 50 ans, il a également été un des plus secs.

2002 :

Bien que le sud de l’Alberta ait subit des crues soudaines, la sécheresse a frappé le reste de la province.

 

Qu’est-ce que le climat?  

Le climat affecte nos vies, de façon parfois dramatique, comme l’illustrent les événements météorologiques extrêmes des dernières années au Canada. Le temps peut également changer radicalement d’une année à l’autre. Cette incertitude ajoute aux risques vécus par les secteurs économiques dépendants de la météo, comme l’agriculture et les forêts. Les gestionnaires de ces secteurs doivent prendre des décisions d’investissement sans savoir quel sera le temps la semaine prochaine, ni même le lendemain. Les agriculteurs, en particulier, doivent prendre des décisions dont leur revenu annuel peut dépendre, sans savoir quelles conditions météorologiques prévaudront durant la prochaine saison de croissance.  

Le climat est différent de la météo. Il concerne les conditions météorologiques moyennes – température, précipitations et vents, entre autres variables. Le climat n’est pas stable, mais les changements n’apparaissent que sur de longues périodes, comme entre les intervalles glaciaires et interglaciaires. Par le passé, les changements climatiques étaient assez lents pour que l’humanité s’y adapte sans trop de heurts. Ainsi, depuis 1950 environ, on constate une progression vers le nord des variétés de plantes cultivées, à cause du réchauffement et du développement de la recherche; la culture du blé d’hiver, marginale dans les Prairies canadiennes avant 1960, est beaucoup plus répandue maintenant. Il semble toutefois que le changement climatique s’accélérera durant le présent siècle à un rythme auquel notre faculté d’adaptation n’a jamais eu a faire face. Des modèles indiquent que la terre se réchauffera de 1,4 à 5,8oC d’ici cent ans, soit un réchauffement sans précédent dans l’histoire de l’humanité.  

Pourquoi le changement climatique est-il important? 

Pendant sa dernière étude, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a entendu beaucoup d’agriculteurs de tout le Canada parler de la sécheresse de 2001 et de ses effets dévastateurs sur eux. Que ferons-nous si ces sécheresses deviennent plus fréquentes dans des régions où elles étaient exceptionnelles jusque-là? Le changement climatique modifiera beaucoup le régime des précipitations et des vents – en bref, il y aura plus de variations d’une année à l’autre. On prévoit que cette variabilité sera sans commune mesure avec ce que les agriculteurs, les forestiers et la population rurale ont connu.  

Les secteurs agricole et forestier, et les populations rurales doivent se préparer à ces changements de nature climatique. Il nous faudra être en mesure de nous adapter aux changements prévus. De novembre 2002 à mai 2003, le Comité a entendu des témoins très divers – universitaires, représentants d’organismes publics et d’instituts du Canada, des États-Unis et de la Grande-Bretagne; agriculteurs, groupes de producteurs et forestiers; groupes de conservation, de nature, écotouristiques; représentants de populations rurales; Autochtones. Le Comité a été heureux d’apprendre que les scientifiques canadiens sont à l’avant-plan de la recherche sur le changement climatique et que les modèles qu’ils ont développés sont considérés parmi les meilleurs du monde.

 

Viser l’adaptation  

Le Comité a recueilli des témoignages sur les effets du changement climatique, ses causes et les mesures d’atténuation, mais il est clair que notre agriculture et notre secteur forestier doivent s’adapter aux nouvelles conditions climatiques. Ensemble, les mesures d’atténuation et d’adaptation doivent permettre aux Canadiens de bien composer avec le changement du climat. Malheureusement, très peu de stratégies concrètes d’adaptation ont été développées pour l’agriculture et les forêts. Le Comité a été frappé par le peu de ressources allouées à la recherche sur l’adaptation, par rapport aux fonds dépensés sur les mesures d’atténuation. Notre étude constitue en fait le premier forum public au Canada sur l’adaptation au changement climatique qui est souvent considéré comme le plus grand défi environnemental de la planète.  

Ce constat est particulièrement déconcertant, compte tenu que le Plan d’action sur les changements climatiques du gouvernement fédéral lui-même reconnaît qu’il faudra « procéder à une certaine adaptation aux changements climatiques, peu importe le succès qu’obtiendront les interventions de réduction des émissions » (p. 51). En examinant l’impact du changement climatique sur l’agriculture, les forêts et le monde rural au Canada, le Comité a conclu à la nécessité d’accorder une importance prépondérante aux stratégies d’adaptation afin que ces secteurs économiques et ces populations continuent de prospérer dans l’avenir.  


[1] Les agriculteurs canadiens en danger, Rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts. Juin 2002. 1ère session, 37ème Parlement. Ce rapport peut être consulté à l’adresse suivante : /fr/Content/SEN/Committee/371/agri/rep/rep10jun02-f.htm


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