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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada


PARTIE III 

Organisation et prestation des services


CHAPITRE 5:
VERS UN RÉSEAU DE SERVICES TRANSFORMÉ

5.1        CONSENSUS SUR L’ORIENTATION DE LA RÉFORME DES SOINS DE SANTÉ MENTALE

Le chapitre 3 du présent rapport décrit la vision sous-jacente du Comité quant à l’organisation d’un système de santé mentale transformé. Cette vision s’articule autour d’un ensemble de soins intégrés, principalement communautaires et axés sur le rétablissement. 

Au cours de ses audiences, le Comité a appris avec plaisir que cette vision reflète un fort consensus national sur les grandes lignes d’un système de santé mentale transformé. Le fait qu’un si grand nombre d’intervenants clés, tant des fournisseurs de services que des clients, s’entendent sur la question offre un solide tremplin à partir duquel il est possible de poursuivre la transformation de l’organisation et de la prestation des services de santé mentale[147].

Il y a déjà un certain temps que des provinces se sont fixé comme objectif l’établissement d’une gamme de soins intégrés, communautaires, axés sur le rétablissement et accordant la priorité aux personnes vivant avec une maladie mentale. Par exemple, en octobre 1988, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a créé une commission de la santé mentale ayant pour mandat de réformer la prestation des soins de cette nature. La commission a mené à bien cette tâche en 1996 en créant un réseau provincial de services de santé mentale inspiré d’une vision qui concorde bien avec celle du Comité. 

Le tableau 5.1 présente de brefs extraits de documents produits au cours des dernières années qui mettent en évidence la recherche d’une approche semblable à l’égard de la réforme des services de santé mentale partout au pays. Ces extraits traitent de trois éléments clés d’un système de santé mentale transformé : le système doit être axé sur la personne et le rétablissement; il doit offrir surtout des services communautaires; il doit être intégré dans la gamme complète de soins et adapté à tous les groupes d’âge. La dernière rangée du tableau contient des extraits d’un document publié récemment en Colombie-Britannique qui porte sur la transformation des services pour traiter les problèmes liés à la consommation et à la toxicomanie et qui dégage les trois mêmes éléments clés.

Le consensus en matière de politique présenté dans la partie 5.1 repose sur des données probantes et uniformes recueillies au Canada et à l’étranger selon lesquelles les personnes aux prises avec la maladie mentale bénéficient grandement d’une prestation accrue de services dans la collectivité. Il indique également que les systèmes reposant sur ce genre de services ne sont pas plus coûteux que les systèmes faisant surtout appel aux établissements pour la prestation de services de santé mentale. Un document publié récemment par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) précise que « le coût des services communautaires de santé mentale est généralement le même que celui des services en établissement qu’ils remplacent »[148].

Aujourd’hui, il est généralement admis que les personnes souffrant de maladie mentale peuvent mener des vies productives et satisfaisantes dans la collectivité. Certes, les personnes aux prises avec une grave maladie mentale peuvent recevoir par intermittence des soins en établissement, mais il faut instaurer des politiques afin de mettre en place les conditions voulues pour aider le plus de personnes possible à vivre dans leur collectivité. 

Comme Elliot Goldner l’a fait remarquer en résumant les résultats de diverses études sur la santé mentale financées grâce au Fonds pour l’adaptation des services de santé : 

Jusqu’à tout récemment, l’hospitalisation à cause d’une psychose était considérée comme l’option la plus sûre, à la fois pour le patient et pour la société. Soigner les patients psychotiques à domicile était jugé trop risqué. Toutefois, l’étude portant sur le programme de traitement à domicile des cas de psychose aiguë, réalisée à Victoria, abonde dans le même sens que des recherches précédentes (c.‑à‑d. Wasylenki, Gehrs, Goering et Toner, 1997), selon lesquelles ces patients pouvaient être suivis en toute sécurité et stabilisés, avant de devenir à nouveau fonctionnels à un niveau raisonnable sans avoir à subir le stress perturbant de l’admission dans une unité psychiatrique[149].

 


Tableau 5.1  Extraits de documents provinciaux

 

Services axés sur le rétablissement/
sur la personne

Services communautaires

Gamme de soins intégrés

T.-N.

2001[150]

Services axés sur la personne et sur la participation :

§     Le système répond aux besoins particuliers des clients de tous les groupes d’âge. 

§     Les personnes et les collectivités définissent leurs propres besoins et participent à la planification et à la prestation des services.

Un [système] reposant sur des services communautaires : 

§     favorise la vie du client dans la collectivité; 

§     offre à proximité du domicile des soins limitant le moins possible la liberté du client.

 

Une gamme complète :

§     propose des services tels que des mesures de soutien informelles axées sur le bien‑être et le rétablissement;

§     englobe la promotion, la prévention, l’intervention en situation de crise, les soins actifs, les soins continus, la gestion de cas et le soutien.

2005[151]

La personne et la famille qui reçoivent des services doivent être l’élément central de toute intervention. La connaissance des clients, le savoir-faire et le leadership sont des éléments clés du système de santé mentale et d’aide aux toxicomanes.

 

Les approches à adopter comprennent :

§     l’établissement dans chaque région d’un ensemble de services communautaires spécialisés en santé mentale et en aide aux toxicomanes répondant le mieux aux besoins de la population et fondé sur des pratiques exemplaire.

 

La nature de la maladie mentale et de la toxicomanie exige souvent une approche globale multidisciplinaire qui comporte l’accès à divers programmes de traitement et de soutien. Aucun service ne peut généralement répondre à lui seul aux besoins variés de cette population. La coopération et la collaboration au sein d’un ensemble de fournisseurs de services sont essentielles.

Qc

2005[152]

Le rétablissement : Le plan d’action réaffirme la capacité des personnes de prendre le contrôle de leur vie et de participer activement à la vie en société.

Le rétablissement nous invite à soutenir les personnes atteintes d’un trouble mental en les aidant à réintégrer leur rôle en société, malgré l’existence chez elles de symptômes ou de handicaps, car c’est généralement par l’interaction sociale qu’une personne apprend que ses efforts lui donnent du pouvoir sur son environnement.

Le réseau de la santé mentale doit offrir des services de qualité à l’ensemble de la population (enfants, jeunes, adultes, communautés culturelles, autochtones, etc.). Pour favoriser cette vision, les mesures du plan visent en priorité la mise en place de services de première ligne dans les communautés locales en mettant à profit l’expertise des intervenants qui y travaillent. Une organisation favorisant un passage fluide vers les services spécialisés est à la base de ce plan.

La continuité : Le plan d’action met l’accent sur la nécessité de répondre aux besoins des personnes en assouplissant les frontières qui balisent nos interventions et en assurant les liaisons nécessaires afin de réduire les ruptures dans la continuité des services.

 

Ont.

1999[153]

Le client est l’élément central du système de santé mentale.

 

Les personnes aux prises avec de graves troubles mentaux pourront acquérir une plus grande autonomie, c’est-à-dire qu’elles pourront vivre dans la collectivité sans être soumises à une trop grande intervention de la part des services officiels et qu’elles pourront, dans la mesure du possible, prendre leurs propres décisions.

Les services de santé mentale :

§     sont fournis dans le cadre d’un ensemble complet mis au point pour répondre aux besoins des clients et fondé sur des pratiques exemplaires.

2002[154]

Un facteur de réussite essentiel de la réforme des services de santé mentale est le respect du principe selon lequel le rétablissement — défini par la personne et non par les fournisseurs de services — est possible pour toutes les personnes souffrant de maladie mentale. Si le traitement et le soutien appropriés sont offerts, ces personnes peuvent prendre leur vie en main, avoir de nouveaux objectifs et des aspirations et jouer un rôle actif au sein de la société.

Le Forum provincial croit que le principe du rétablissement doit être accepté et adopté comme faisant partie intégrante d’une réforme du système de santé mentale.

Un régime qui crée des systèmes locaux de soins auprès desquels les personnes atteintes de maladie mentale ainsi que leur famille et leur réseau de soutien peuvent obtenir une gamme de services communautaires adaptés à leurs besoins. 

L’idée selon laquelle les services de santé mentale doivent être mis au point au sein d’une collectivité et non reproduits par le système de santé mentale est au cœur du principe de rétablissement. La collectivité devrait permettre aux personnes souffrant de maladie mentale de se trouver un emploi rémunérateur, de participer à des programmes d’aide aux études, de faire du bénévolat et de participer à la société de façon constructive.

Un système qui dispense sans faute une gamme complète de soins grâce à des programmes, à des services et à des mesures de soutien offerts à toutes les étapes de la vie et aussi près de chez la personne que possible. 

 


 

 

Services axés sur le rétablissement/
sur la personne

Services communautaires

Gamme de soins intégrés

Alb.

2004[155]

Les clients et leur famille passeront avant tout. L’objectif premier des services, plans, recherches et mesures de soutien en santé mentale est d’améliorer le sort des personnes aux prises avec la maladie mentale et celui de leur famille. Cela implique que les services soient adaptés à la situation des clients et que ceux-ci soient traités dans la dignité et le respect. Cela signifie surtout que les personnes souffrant de maladie mentale et de toxicomanie peuvent avoir une vie productive et satisfaisante.

Tous les Albertains doivent avoir un accès optimal aux meilleurs soins en santé mentale quel que soit l’endroit où ils habitent dans la province. Chaque client recevra le service approprié à l’endroit qui convient le mieux, que ce soit dans la collectivité, à l’hôpital ou dans un établissement spécialisé.

 

Plutôt que de faire partie du système fragmenté qui est offert aujourd’hui, les services de santé mentale seront pleinement intégrés au système de santé; l’importance de la santé mentale sera reconnue et celle-ci aura sa place dans le système de soins de santé. Des régimes de soins seront en place de sorte que les personnes souffrant de maladie mentale auront accès à des soins continus dispensés par divers fournisseurs de services et à du soutien offert par un éventail de fournisseurs de soins de santé, des responsables de la santé, des organismes communautaires et des ministères provinciaux.

C.-B.

2004[156]

 

L’expression « axé sur le client » renvoie aux besoins, aux forces, aux motivations et aux objectifs de chaque personne. Les interventions axées sur le client ont lieu là où il se trouve; elles suppriment les obstacles à l’accès et respectent la disposition du client à changer. Compte tenu de la comorbidité de la toxicomanie et des troubles mentaux, l’expression « axé sur le client » renvoie également à un système intégré de services de santé mentale et de traitement de la toxicomanie fondé sur des données probantes.

 

Un autre élément d’une intervention efficace consiste à permettre à des gens et à des groupes de la collectivité de participer activement aux efforts pour venir à bout d’une consommation abusive plutôt que d’en être la cible passive. Les organismes communautaires offrent un appui essentiel en tendant la main aux personnes faisant partie des groupes les plus vulnérables à une consommation abusive, en favorisant l’inclusion sociale, en appuyant les clients et leur famille et en assurant un lien essentiel au transfert du savoir.

 

L’intégration du système peut minimiser la fragmentation qui fait en sorte que des gens passent à travers les mailles du filet. Une intervention efficace dans les cas de troubles concomitants et de diagnostics multiples exige une gamme de services intégrés de santé mentale et de traitement de la toxicomanie qui est fondée sur des données probantes. Ces services comprennent la promotion de la santé, la prévention, la réduction des méfaits, le dépistage précoce, le traitement, la réadaptation à long terme et la prévention des rechutes, la réintégration dans la collectivité et le soutien communautaire.


En fait, bien des gens obtiennent de meilleurs résultats lorsque des services adéquats sont dispensés dans la collectivité. Un rapport publié récemment par la Community Mental Health Evaluation Initiative (CMHEI) en Ontario arrivait à la conclusion suivante :

Les résultats des projets de la CMHEI démontrent clairement que les services communautaires de santé mentale ont des effets positifs sur la vie des personnes atteintes de maladies mentales graves et sur celle de leur famille et des personnes qui s’occupent d’elles. Les données recueillies indiquent que les services communautaires contribuent à diminuer les symptômes de maladies mentales graves et à accroître la capacité des personnes qui en souffrent à vivre dans la collectivité plutôt qu’à l’hôpital ou en établissement. De nombreux clients montrent des signes d’amélioration dans leur vie de tous les jours et sur le plan du comportement dans la collectivité, des symptômes et de l’abus d’alcool et de drogues. Ils ont aussi moins de crises et passent moins de jours à l’hôpital[157].

Même si le Comité croit qu’un système remanié doit être fondé avant tout sur la collectivité, les services en établissement sont aussi un élément essentiel d’une gamme de soins. C’est le recours excessif à certains services en établissement qui pose problème depuis longtemps. Il faut trouver la combinaison adéquate de soins en établissement et de services communautaires. À cet égard, le Comité approuve l’approche présentée dans le document susmentionné de l’OMS :

Au cours des vingt dernières années, un débat s’est engagé entre les tenants des services de santé mentale dans les hôpitaux et les partisans des services de santé mentale dispensés principalement, voire exclusivement, dans la collectivité. Une troisième solution consiste à offrir à la fois des services communautaires et des soins en établissement. Ce modèle de soins équilibré met l’accent sur la prestation de services dans le milieu communautaire habituel à proximité de la population desservie, et prévoit des séjours à l’hôpital aussi brefs que possible, organisés rapidement et uniquement si nécessaire. Plutôt que de chercher à savoir qui des soins hospitaliers et des soins communautaires sont les meilleurs, cette interprétation équilibrée des services communautaires favorise l’examen de la meilleure combinaison d’approches pour une région donnée et à une certaine période[158].

Beaucoup de services dont les gens ont besoin pour bien vivre dans leur collectivité peuvent provenir d’établissements tels que les hôpitaux. L’enjeu principal consiste à faire en sorte que ces services soient accessibles dans la collectivité et que les personnes qui en ont besoin ne soient pas hospitalisées inutilement. Les services communautaires doivent être accessibles, appropriés et dispensés au bon endroit et au bon moment, et comporter le moins de restrictions possible tout en donnant de bons résultats cliniques. Beaucoup d’hôpitaux mettent en œuvre d’excellents programmes communautaires qui remplissent ces critères.

De plus, il importe que le plus grand nombre possible de fournisseurs de services et d’intervenants unissent leurs forces pour atteindre un but commun. Même s’il faut accorder de l’importance aux ressources hospitalières et continuer de les offrir, le processus de réforme devrait donner lieu à une réorientation de tous les services qui favorise la vie dans la collectivité et évite l’hospitalisation.

5.2       CERTAINS AVANTAGES DES SERVICES COMMUNAUTAIRES

5.2.1     De nombreux services communautaires permettent de réaliser des économies

Comme il a déjà été mentionné, l’information recueillie indique que « le coût des modèles de soins communautaires est essentiellement le même que celui des services qu’ils remplacent; ces modèles ne peuvent donc être considérés avant tout comme des mesures d’économie ou de compression de coûts »[159]. Par ailleurs, un système communautaire n’a pas à être plus onéreux que des soins en établissement. En fait, de nombreux services sont offerts à moindre coût dans la collectivité qu’à l’hôpital[160].

Prenons un exemple[161]. Il y a cinq ans, un programme de logement supervisé a accueilli 30 personnes parmi les plus gravement handicapées de l’Ontario. Ces personnes avaient entre 41 et 69 ans et étaient malades depuis 27 ans en moyenne. Elles souffraient toutes d’une grave maladie mentale et de divers autres troubles médicaux :   

§         9 d’entre elles étaient diabétiques;

§         8 avaient des antécédents de consommation d’alcool ou de drogues;

§         6 accusaient un retard de développement;

§         6 avaient dû être internées sur recommandation de la Commission ontarienne d’examen;

§         5 souffraient d’arthrite;

§         3 avaient une maladie pulmonaire obstructive chronique;

§         3 avaient des troubles épileptiques;

§         1 était atteinte d’un cancer.

Avant de participer au programme, tous les résidents avaient reçu des soins de longue durée dans des hôpitaux psychiatriques de la province; beaucoup avaient essayé à plusieurs reprises de fonctionner dans des logements autres qu’une chambre en établissement, mais en avaient été incapables. 

Dans le logement, le programme offre les services de soutien nécessaires pour que les résidents composent avec leur maladie mentale. Un autre fournisseur de services s’occupe des besoins médicaux des résidents.

Malgré la gravité de leur état, les résidents ont remarquablement bien réussi à s’adapter à leur milieu grâce au programme. Ils ont développé un sentiment d’appartenance; ils se soutiennent les uns les autres et ils atteignent des objectifs qu’ils auraient été incapables d’atteindre auparavant.

Depuis le début du programme, les résidents ont passé très peu de temps à l’hôpital, ce qui a permis au système de santé de réaliser des économies de 4,4 millions de dollars par année (soit 146 000 $ par résident). Cette estimation est établie à partir du nombre de jours que chaque résident aurait passé à l’hôpital s’il n’avait pas emménagé dans un logement supervisé, multiplié par le taux journalier d’hospitalisation, moins le coût actuel du programme de logement.  

L’économie que présente cet exemple n’est pas exceptionnelle. En Ontario, par exemple, 3 130 clients qui ont fait l’objet d’un suivi intensif dans la communauté (SIC) en 2003-2004 ont passé en moyenne 26 jours à l’hôpital comparativement à 77 jours l’année précédente, soit une réduction de 87 p. cent. En 2003-2004, 66 p. cent des clients du SIC en Ontario n’ont pas été admis à l’hôpital. On estime que le SIC a permis de réaliser des économies de 82 millions de dollars en 2002-2003 et de 77,6 millions de dollars en 2003-2004[162].

Par ailleurs :

§         Steve Lurie, directeur exécutif, Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) du Grand Toronto, a mentionné une baisse de l’ensemble des coûts d’hospitalisation, qui ont été ramenés de 1 358 136 $ à 172 692 $, pour 56 personnes qui ont bénéficié de services complets de gestion de cas;

§         Wendy Czarny a signalé une réduction de 89 p. cent du séjour moyen à l’hôpital des participants à un programme de logement supervisé des Waterloo Regional Homes for Mental Health[163].

Les programmes axés sur le traitement de la toxicomanie dans la collectivité permettent de réaliser des économies similaires. Par exemple[164] :

§         89 p. cent des toxicomanes qui ont reçu un traitement dans un service communautaire de gestion du sevrage ont continué de bien y répondre six mois plus tard pour ce qui est d’une réduction considérable de la consommation et d’une augmentation de l’estime de soi et de la confiance en soi;

§         sans les services communautaires de gestion du sevrage, 5 p. cent des clients possibles seraient probablement incarcérés et 11 p. cent hospitalisés;

§         chaque dollar affecté à des services communautaires de traitement de l’alcoolisme permet d’économiser de 4 $ à 12 $ de coûts médicaux, économiques et sociaux à long terme;

§         la rareté des services de gestion du sevrage dans la collectivité oblige beaucoup de personnes à se tourner vers les salles d’urgence des hôpitaux pour obtenir des services. En effet, des recherches laissent entrevoir, selon une estimation très prudente, qu’entre 10 et 30 p. cent de toutes les visites à l’urgence sont dues à des problèmes liés à la consommation d’alcool.

5.2.2    Autres avantages des services offerts dans la collectivité

Il est manifestement plus facile d’intégrer les idées de la collectivité dans un système communautaire que dans un système institutionnel, et de l’adapter aux besoins et aux valeurs de celle-ci. En implantant les services dans la collectivité dans la mesure du possible, il est aussi plus facile de demander aux responsables de l’organisation et de la prestation de ces services de rendre des comptes à la collectivité elle-même. 

 

Le Comité croit que ces caractéristiques des systèmes communautaires permettent plus particulièrement d’adapter pleinement les soins et les services aux traditions des Autochtones du Canada. Le passage à un système communautaire favorise donc la participation des collectivités autochtones à la conception et à la mise en œuvre de programmes de santé mentale qui répondent à leurs besoins[165].

Il existe en outre de nombreuses autres possibilités d’intégrer les services communautaires de manière à accorder la place centrale aux clients. Il devient plus facile d’éviter les cloisonnements en mettant l’accent sur la prestation de services communautaires quelle que soit la source de leur financement. 

Enfin, le fait de dispenser des services dans la collectivité permet aux bénévoles et aux membres de la famille de jouer un rôle plus important dans l’organisation et la prestation de ces services; il est ainsi possible d’élargir la gamme des services offerts aux personnes souffrant de maladie mentale et de favoriser le rétablissement dans la mesure du possible. 

5.3       UNE GAMME DE SOINS INTÉGRÉS

Avant de présenter des recommandations précises sur la mise en place d’une gamme de soins intégrés et principalement communautaires, il est nécessaire d’examiner de façon plus approfondie la forme que prendrait un tel système. Le rapport final du Forum provincial des présidents de groupes d’étude sur la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale de l’Ontario contient la description succincte suivante des effets positifs qu’une gamme de soins intégrés aurait sur la vie des personnes souffrant de maladie mentale :

 

Ce qui sera différent

 

Les personnes ayant une déficience psychique vivent dans un logement intégré qu’elles ont choisi dans leur collectivité et occupent un emploi ou participent à des activités constructives de leur choix; elles entretiennent de bonnes relations avec leur famille; elles ont des amis qu’elles peuvent aider et sur qui elles peuvent compter.

 

Ces personnes ont accès à des services dans l’élaboration, la sélection et l’évaluation desquels elles ont joué un rôle déterminant. Ces services visent à les aider dans leur processus de rétablissement au sein de leur collectivité; ils sont dispensés à proximité du domicile et de la façon la moins dérangeante possible.

 

Ces personnes ont accès à une gamme complète, équilibrée et bien intégrée de soins communautaires, ambulatoires et hospitaliers dispensés par des professionnels et par des pairs. 

 

Les services sont offerts dans le contexte des situations économique, culturelle et sociale des clients et y sont adaptés, ils reposent sur des connaissances pertinentes et à jour et sont axés sur l’adaptation, la prise en main personnelle, l’autodétermination et le rétablissement. 

 

Des efforts visant à modifier les attitudes négatives du public et les comportements qui en découlent, notamment la discrimination, sont déployés dans les collectivités et donnent de bons résultats. Les ressources communautaires locales et la participation de tous les citoyens à la vie de la collectivité font partie intégrante du cadre de soutien communautaire. 

 

Les bénéficiaires des services ont les ressources et le pouvoir de tenir les fournisseurs de services et les bailleurs de fonds responsables de la qualité des services de santé mentale offerts.

 

Les personnes ayant une déficience psychique ne se distinguent pas par leur déficience ou leur maladie, elles sont appréciées pour leurs forces, elles ont un pouvoir de décision et mènent la vie qu’elles choisissent au mieux de leurs capacités. 

 

Source : Gouvernement de l’Ontario, (décembre 2002), The Time Is Now: Themes and Recommendations for Mental Health Reform in Ontario. Rapport final du Forum provincial des présidents de groupes d’étude sur la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale

Les principaux genres de services qui sont nécessaires pour faire de ce système une réalité sont présentés dans le diagramme de la gamme de services, qui est tiré de l’un des rapports de l’Ontario Mental Health Implementation Task Force (celui du Toronto-Peel Implementation Task Force)[166].

Ce cadre ne présente pas une liste et des catégories définitives de services; la liste n’est pas exhaustive, mais elle donne un aperçu des services nécessaires. Le modèle présenté doit donc être considéré comme un moyen pratique de décrire la gamme et les genres de services qu’il faut mettre en place dans un système de santé mentale transformé.

Le cadre a l’avantage d’englober la gamme de services et il présente trois catégories de besoins (de première ligne, intensifs et spécialisés) auxquelles s’ajoute une quatrième qui comprend des besoins communs aux autres catégories. Cette terminologie s’éloigne du vocabulaire communément employé que certains associent à une approche médicale (soins primaires, secondaires et tertiaires). Comme il est indiqué au chapitre 3, le Comité croit fermement qu’il faudrait aborder les questions relatives à la santé mentale selon diverses perspectives, le modèle médical étant une seule de celles-ci.

Chaque catégorie de besoins est rattachée à un ensemble particulier de services. Les clients reçoivent généralement des services dont la plupart relèvent d’une catégorie en particulier, sans toutefois s’y restreindre. 

a)  Services de première ligne

Les services de première ligne concernent la prévention, l’évaluation et le traitement par des fournisseurs de premier recours, notamment des médecins de famille, des cliniques offrant des soins de première ligne et des fournisseurs de services de santé mentale, de services sociaux et de services d’urgence en milieu hospitalier. La plupart des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ont d’abord accès à des services de première ligne, normalement dispensés par leur médecin de famille ou une équipe de premier recours. Si la maladie n’est pas trop grave ou qu’elle est de courte durée, les services de première ligne sont généralement suffisants pour répondre aux besoins de la personne. 

Il faut donc que les clients, quels que soient leurs besoins, puissent obtenir facilement des services de première ligne. Les fournisseurs de ces services doivent pouvoir répondre à des besoins très variés et être extrêmement sensibles à la confusion, à la peur et aux préoccupations des personnes qui présentent des symptômes de maladie mentale, peut-être pour la première fois. Ils doivent également tenir compte des différences culturelles de manière à répondre adéquatement aux besoins de personnes de diverses origines.

Les services de première ligne doivent être liés les uns aux autres, de même qu’aux services intensifs et transversaux auxquels ils peuvent faire appel s’il y a lieu. Les fournisseurs de services de première ligne aiguilleront généralement les personnes chez qui on diagnostique une maladie mentale grave et permanente vers des services intensifs ou spécialisés afin qu’ils reçoivent des soins complémentaires.

b)   Services intensifs

Les services intensifs sont les services d’évaluation, de traitement et de soutien en santé mentale qui sont offerts au sein de la collectivité et dans le milieu hospitalier aux personnes souffrant d’une grave maladie mentale. Ces personnes ont souvent besoin de services continus à long terme, mais pas nécessairement de contacts quotidiens. Les services intensifs visent à offrir contacts et soutien continus aux personnes qui risqueraient autrement d’être placées en établissement de soins de santé ou d’être incarcérées de façon répétée ou prolongée. Des services communautaires intensifs devraient répondre aux besoins de la plupart des personnes atteintes d’une grave maladie mentale. Les personnes qui vivent une perturbation aigüe de leurs activités personnelles et qui sont très vulnérables, par exemple une femme ayant une grave dépression post‑partum, pourraient également avoir besoin de ce type de services.

Les services de cette catégorie visent à traiter les maladies mentales graves et complexes les plus répandues dans la population (notamment les troubles concomitants, les troubles de l’alimentation, le premier épisode de schizophrénie et les troubles de la personnalité). La gestion intensive des cas peut faciliter l’intégration des services. Les services intensifs doivent avoir des liens solides avec les services de première ligne et les services transversaux et recevoir l’appui des services spécialisés de sorte qu’ils puissent ensemble répondre efficacement aux besoins particuliers ou très complexes de leurs clients. 

c)    Services spécialisés

Les services spécialisés sont des programmes de santé mentale hautement spécialisés qui sont mis en œuvre dans la collectivité ou en milieu hospitalier et qui sont destinés aux personnes ayant une maladie mentale grave caractérisée par l’instabilité et des troubles complexes. Seules les rares personnes qui souffrent d’une maladie mentale grave et doivent avoir des rapports quotidiens en permanence avec des fournisseurs de services devront avoir accès à ce genre de services. Comme il s’agit des ressources les plus spécialisées, les moins accessibles et les plus coûteuses du système de santé mentale, ces services doivent être réservés aux personnes qui en ont vraiment besoin et dispensés uniquement lorsque les services intensifs et transversaux n’ont pas fonctionné pour une personne donnée.

 Les personnes suivantes ont des problèmes nécessitant des services spécialisés :

§         les personnes âgées souffrant de démence, de psychose et de maladie,

§         les personnes qui accusent un retard de développement accompagné de troubles psychiatriques et qui ont fréquemment des comportements agressifs,

§         les personnes schizophrènes qui ont des tendances psychotiques, agressives ou suicidaires chroniques,

§         les personnes ayant des troubles de l’humeur complexes et réfractaires.

Soins spécialisés et soins à long terme en établissement ne sont pas synonymes. Les services de traitement, de réadaptation et de soutien peuvent être dispensés par des équipes multidisciplinaires qui travaillent de façon à permettre à de nombreuses personnes atteintes de ces maladies de continuer à vivre dans la collectivité.

Les personnes qui reçoivent des soins spécialisés n’auront pas toujours besoin de cette catégorie de services. Il faut surveiller et réévaluer continuellement la nécessité de leur offrir la gamme complète de services à mesure qu’elles franchissent les étapes de leur rétablissement et que leurs besoins changent.

d)   Services transversaux

Le Toronto-Peel Implementation Task Force utilise l’expression services transversaux  pour parler des services dont une personne peut avoir besoin alors qu’elle reçoit des services de santé mentale de première ligne, intensifs ou spécialisés. Les services transversaux comprennent les services de logement et de soutien au logement, les services de soutien pédagogique et professionnel, les haltes-accueil et autres services de soutien sociaux et récréatifs, de même que les groupes d’entraide pour les clients et les familles. Les services transversaux sont normalement dispensés de façon plus efficace et efficiente dans la collectivité; ce sont les services que les personnes souffrant de maladie mentale et leur famille mentionnent le plus souvent comme étant essentiels au rétablissement. 

5.3.1     Une gamme locale et complexe de services

La section précédente décrit les services devant être offerts aux personnes souffrant d’une maladie mentale pour leur permettre d’avoir des vies intéressantes et productives dans la collectivité. Dans la pratique toutefois, les services offerts dépendent de nombreux facteurs liés à l’histoire et aux conditions de chaque collectivité; chacune a un agencement de services qui lui est propre. Ces services varient non seulement d’une province à l’autre, mais également d’une région et d’une municipalité à l’autre.  

Cette inévitable variation régionale a été mentionnée dans le plan de santé mentale que le gouvernement du Québec a présenté récemment :

Les réalités territoriales, ainsi que l’expérience et l’expertise disponibles, peuvent faire en sorte que le continuum de services en santé mentale se présente de façons différentes d’un territoire local à l’autre. Ces adaptations locales sont nécessaires pour permettre un bon ajustement des services aux besoins de la population. Par ailleurs, l’existence d’un continuum de services de base (ce que nous avons appelé les « services requis ») est incontournable[167].

Au cours de ses audiences pancanadiennes, le Comité a été impressionné par les soins communautaires intégrés offerts à Brandon (Manitoba) qu’ont décrit des témoins. Une étude plus poussée des attachés de recherche du Comité, qui ont visité Brandon au cours de l’été 2005, a confirmé la première impression du Comité : cette localité est un excellent exemple des bons résultats que peuvent donner des efforts soutenus et une planification minutieuse. Comme il est mentionné au chapitre 3, l’expérience de Brandon fait toutefois mieux comprendre à quel point les efforts visant à offrir une gamme de soins intégrés sont complexes et de nature essentiellement locale.  

Le Comité ne croit pas qu’il soit sage d’essayer d’imposer un modèle uniforme qui serait mis en œuvre partout au pays. Il n’est pas non plus possible (ni souhaitable) de le faire à l’échelle provinciale parce que l’efficacité et l’efficience des services offerts dépendent dans une large mesure de certaines particularités locales, notamment l’historique des établissements locaux ainsi que le nombre de personnes vivant dans chaque collectivité et leurs particularités. Le cas de Brandon illustre ce point important. Même si cette localité ne peut servir de modèle uniforme, il est possible de tirer de précieuses leçons de sa réussite en matière d’intégration des services de santé mentale et de s’en inspirer de façon créative dans toutes les régions du pays.

Le sud-ouest du Manitoba est une région majoritairement rurale dont le principal centre urbain est Brandon, une ville de 45 000 personnes. Dans cette province, les soins de santé sont administrés par des offices régionaux de la santé (ORS). L’ORS de Brandon dessert la ville en plus d’offrir des services d’aiguillage et d’autres services à l’ORS d’Assiniboine (112 000 milles carrés, population de 80 000 personnes), de même qu’à quatre autres ORS dans des régions rurales au nord et à l’est de Brandon.

Pendant la plus grande partie du XXe siècle, les services de santé mentale offerts à la population de Brandon et de la partie ouest du Manitoba étaient dispensés par le Centre de santé mentale de Brandon (CSMB), important établissement psychiatrique fondé au début du siècle. Au cours des années 1980, les responsables de la santé mentale de Brandon ont commencé à planifier la décentralisation des services du CSMB vers la collectivité. Le nombre de lits dans les installations vieillissantes du CSMB a commencé à diminuer au cours de la période et le CSMB a fermé ses portes progressivement de 1994 à 1999.

Albert Hajes, coordonnateur régional des Programmes de santé mentale de l’Office régional de la santé de Brandon, a décrit au Comité de quelle façon se faisait la gestion des principaux aspects de cette transition[168]. Il fallait d’abord changer les mentalités : 

Un point très important, c’est que, à cause de la fermeture du Centre de santé mentale de Brandon, nous avons dû amener les patients et le personnel à laisser de côté leurs croyances pour accepter le principe selon lequel les gens peuvent vivre avec une maladie mentale dans la collectivité et avoir une bonne qualité de vie, notamment en y participant davantage à titre de citoyens à part entière. Il a fallu rajuster le tir en abandonnant le modèle institutionnel traditionnel non seulement auprès du personnel et des patients, mais aussi de la collectivité en général.

M. Hajes a aussi traité de la nécessité d’une bonne planification :

Une transition de cette envergure n’aurait jamais été possible sans l’élaboration de solides services communautaires, au sein de la collectivité générale, et permettant de soutenir les clients. Avant d’appliquer la réforme en santé mentale et la transition des services, on a beaucoup travaillé pour renforcer la capacité de la structure de services et de la collectivité de soutenir les clients.

Il a ensuite décrit certaines des mesures prises :  

Les principes clés incluaient le recrutement et la formation de personnel paraprofessionnel de supervision afin d’avoir des rapports personnalisés et fréquents avec les clients et de les aider à vivre de façon indépendante. Nous avons travaillé à renforcer les compétences et les capacités des clients pour qu’ils puissent acquérir les habiletés nécessaires pour fonctionner avec une relative autonomie. Nous avons aidé nos clients à accéder aux ressources et à participer davantage à la collectivité. Nous avons établi l’éventail complet de services dont on a besoin pour aider les clients dans un milieu communautaire normal.

Brent White, gestionnaire de programme, Services résidentiels et de soutien de Brandon, a donné des précisions au sujet du programme de surveillance :

À Brandon, nous avons élaboré quelque chose que nous appelons un « service de surveillance », qui ressemble aux services des soins à domicile, si vous voulez, pour les bénéficiaires en santé mentale. Des gens offrent des services de soutien aux personnes pour qu’elles réalisent leurs objectifs à long terme. Le bénéficiaire est habilité, car il travaille à atteindre ses buts, qui peuvent avoir trait à sa vie, aux études, à une profession ou à sa vie en société. De plus, nous avons accordé beaucoup d’attention à l’exécution de programmes sociaux de soutien[…][169].

Depuis, le programme de surveillance a été adopté dans d’autres régions du Manitoba. À Brandon, les surveillants, employés pour la plupart à temps partiel, s’occupent d’environ 150 clients chacun. Ils comptent dans une proportion à peu près égale des professionnels de la santé et des étudiants en psychologie, des personnes qui essaient d’intégrer le marché du travail et des aînés à la recherche de travail à temps partiel; près du tiers des surveillants sont eux-mêmes d’anciens clients des services de santé mentale. 

 

M. Hajes a également souligné l’importance d’une participation plus importante de la collectivité :

De plus, il fallait établir de solides partenariats avec d’autres organismes de services sociaux et de services de santé, des services hospitaliers, des médecins ainsi que des corps policiers, des districts scolaires, des propriétaires fonciers, des autorités du logement, et d’autres personnes. […] Comme nous demandions à des partenaires communautaires de partager la responsabilité des services de santé mentale, nous devions également leur fournir des services de soutien.

Enfin, M. Hajes a expliqué que la pénurie de médecins à Brandon a été un catalyseur de l’innovation :

Nous avons un vaste effectif générique de travailleurs en santé mentale communautaire qui ont des titres de compétence en soins infirmiers psychiatriques, en psychologie et en travail social. Le Centre de santé mentale de Brandon employait un effectif semblable qui ne comprenait pas beaucoup de psychiatres et de médecins.

En fait, pour vous dire la vérité, nous avons eu des années de vaches maigres. À un moment donné, un psychiatre de Winnipeg venait passer deux ou trois jours par semaine pour signer les documents, et nous avions quelques médecins qui avaient une certaine expérience en santé mentale. Cela a amené les employés qui ne sont pas des professionnels de la santé à apprendre à répondre aux besoins. Les compétences de notre effectif sont bien meilleures, je crois, que ce que vous verriez dans la plupart des autres régions de santé mentale.

Actuellement, la coordination des divers programmes mis en œuvre à Brandon est assurée par une équipe de gestion qui se réunit toutes les deux semaines. Les programmes de santé mentale reçoivent approximativement 10 p. cent des fonds dont dispose l’Office régional de la santé de Brandon, qui a préservé l’affectation budgétaire pour la santé mentale même au cours des années où les déficits planaient. 

Le premier contact avec le système peut se faire dans un endroit bien connu, d’accès facile, situé au centre-ville de Brandon, près des transports en commun et d’autres services dont dépendent les clients des services de santé mentale. Ce centre communautaire entretient d’étroites relations professionnelles avec plusieurs services et organismes apparentés, notamment le Centre d’amitié de Brandon, un organisme autochtone vers lequel il est possible d’aiguiller des clients afin qu’ils reçoivent des traitements adaptés aux différences culturelles et qui est financé grâce à un contrat de services avec le programme de santé mentale. 

Les responsables de la gestion intensive de cas s’occupent de personnes qui vivent dans la collectivité, mais qui ont besoin de soutien continu pour gérer leur vie de tous les jours. Les Services d’hébergement et de réadaptation psychosociale aident leurs clients à trouver un logement locatif et à avoir accès au service de surveillance susmentionné. L’organisme Westman Crisis Services est un centre d’intervention téléphonique dirigé par du personnel infirmier qui fonctionne 24 heures sur 24 et sept jours sur sept; il assure un service mobile d’intervention d’urgence de même qu’une unité de stabilisation en situation de crise qui peut accueillir jusqu’à 8 personnes pendant environ cinq jours. Les personnes qui ont besoin de soins psychiatriques actifs en établissement peuvent être dirigés vers le Centre de psychiatrie pour adultes, un établissement de 25 lits qui offre des soins actifs et qui est rattaché au Centre de santé régional de Brandon.

Des programmes visent également les jeunes et les personnes âgées. Les Services de santé mentale pour les aînés desservent leurs clients à domicile; ceux qui ont besoin de soins actifs en établissement sont dirigés vers le Centre de psychiatrie gériatrique. Celui-ci comprend une unité de soins psychiatriques actifs de 22 lits rattachée au Centre de santé régional de Brandon, et 70 p. cent des personnes qui y sont admises peuvent ultérieurement recevoir leur congé et retourner dans leur logement. Le Centre de traitement des adolescents et des enfants du Programme de santé mentale de Brandon est situé dans un établissement à proximité d’une école secondaire; il privilégie le retour de chaque jeune souffrant d’une maladie mentale dans son école, sa famille et sa collectivité.

5.4       ASSURER LA TRANSITION AUX SERVICES COMMUNAUTAIRES

Même si de nombreuses régions du pays telles que celle de Brandon mettent en place des services communautaires, le Comité est d’avis qu’il reste encore beaucoup à faire pour que les personnes atteintes de maladie mentale aient accès aux services dont elles ont besoin pour mener une vie productive dans la collectivité. Les personnes qui ont répondu au deuxième sondage électronique du Comité ont indiqué dans une proportion de 80 p. cent que les services nécessaires aux personnes ayant une maladie mentale n’étaient pas offerts dans leur collectivité[170].

Si elles n’ont pas accès aux services dans la collectivité, les personnes aux prises avec la maladie mentale doivent se tourner vers les services en établissement qui sont généralement beaucoup plus coûteux et souvent moins utiles. Nancy Beck, directrice de Connections Clubhouse à Halifax a relaté la situation d’un ancien combattant schizophrène de 72 ans : 

[Clyde] a besoin de quelques heures de soins personnels par semaine, et d’une personne qui vient l’aider à préparer ses repas. En tant que bénéficiaire de soins de santé mentale, il ne peut pas bénéficier de soins à domicile, et on a recommandé, à son grand dam, de lui dispenser des soins de longue durée. Nous estimons qu’il ne coûterait que 400 $ par mois pour exaucer le souhait de Clyde et l’aider à rester dans l’appartement qu’il occupe depuis quinze ans[171].

 

D’autres témoins ont souligné l’importance des logements accessibles et adéquats en tant que moyen pour permettre aux personnes souffrant de maladie mentale de continuer à vivre dans la collectivité et en tant que pierre angulaire de la réforme du système de santé mentale. Comme l’a expliqué Stephen Ayr, directeur de la recherche, Capital District Health Authority, à Halifax :

Vous comprendrez très bien si je vous dis seulement que, si on ne règle pas la question du logement, il est fort probable que toute réforme provinciale de la santé mentale ne changera rien au problème[172].

 Des témoins ont signalé au Comité que les fonds qui étaient auparavant affectés aux soins en établissement ne sont pas toujours transférés dans le secteur communautaire. Jocelyn Greene, directrice exécutive, Stella Burry Community Services, à St. John’s, a parlé de l’incidence des compressions dans le secteur de la santé au cours des années 1990 :

En particulier, en 1995, les compressions du gouvernement fédéral ont provoqué d’autres compressions dans notre province en santé et, en particulier, la fermeture de 97 lits sur 127 lits voués aux soins de longue durée à l’hôpital Waterford, l’institut psychiatrique provincial. Il n’est nullement exagéré de dire qu’aucune des économies qu’on a réalisées avec la fermeture de ces lits n’ont été réinvesties en milieu communautaire. J’ignore ce qu’on en a fait, mais, chose certaine, ceux d’entre nous qui œuvrons en milieu communautaire n’en avons nullement profité[173].

D’autres données probantes concernant les difficultés auxquelles se heurtent les services communautaires de santé mentale proviennent d’un sondage effectué dans ce secteur par la Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario en 2002. Le sondage a permis d’établir ce qui suit :

§         Depuis 1992, la plupart des 212 organisations membres de la Fédération ont subi une réduction nette de 20 p. cent du financement provincial des programmes de base, compte tenu de l’augmentation des coûts de fonctionnement au cours de la période.

§         Quatre-vingt pour cent des répondants ont dû suspendre temporairement des programmes afin de faire face aux pressions budgétaires. Vingt-cinq pour cent de ces programmes ont dû être supprimés.

§         Près de la moitié des personnes qui ont besoin des services offerts par les organisations membres de la Fédération doivent attendre au moins huit semaines avant d’y avoir accès.

§         La période d’attente avant d’avoir accès à un nombre considérable de programmes (18 p. cent) est d’un an ou plus[174].

Le Comité a appris que le gouvernement de l’Ontario effectue actuellement d’importants investissements dans les services de santé mentale dans la collectivité, comme le font la plupart des autres provinces. Au cours des deux dernières années, les budgets de base des programmes communautaires de santé mentale ont été majorés pour la première fois en 12 ans en Ontario. Il est clair qu’il reste malgré tout beaucoup à faire. Carrie Hayward, directrice, Division de la santé mentale et des dépendances, ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l’Ontario, a déclaré ce qui suit au Comité :

Il existe en Ontario 6 750 unités de logement avec soutien destinées aux personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie; toutefois, le Forum provincial des groupes de travail chargés d’étudier la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale a demandé qu’il y en ait 10 000 de plus à l’échelle de la province[175].

De façon plus générale, selon un rapport de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), les habitudes de patients en santé mentale en ce qui a trait à l’utilisation des ressources hospitalières donnent à entendre qu’encore beaucoup de services pourraient être transférés dans la collectivité. Dans le rapport, une analyse de l’hospitalisation de patients en santé mentale indique que ceux-ci sont plus susceptibles d’être hospitalisés pour des périodes prolongées que tout autre groupe de patients. Le rapport présente les faits suivants :

Bien que le groupe des patients en santé mentale ait été responsable de la plus faible proportion de toutes les hospitalisations (un peu plus de 3 p. cent), il arrivait troisième parmi tous les groupes pour le nombre de jours d’hospitalisation (7,4 p. cent), et premier pour la durée moyenne de séjour, à 14 jours, soit plus du double de la moyenne nationale[176].  

Il précise également ce qui suit :

À la différence des autres groupes, seulement 50 p. cent du groupe des patients en santé mentale ont été hospitalisés pendant 7 jours ou moins. Près d’un quart des patients en santé mentale ont été hospitalisés pendant 19 jours ou plus, un taux presque 3 fois plus élevé que celui de tous les groupes combinés (7 p. cent)[177]

Selon l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les patients en soins actifs sont ceux dont le séjour moyen à l’hôpital est de 18 jours ou moins; les patients dont le séjour dépasse 18 jours sont des patients en soins de longue durée. Près du quart des patients atteints de troubles mentaux qui font un séjour de 19 jours ou plus dans un hôpital de soins actifs sont en fait des patients en soins de longue durée qui occupent des lits dans un établissement de soins actifs. Même si la nature de la maladie mentale peut expliquer les longs séjours en établissement, on peut raisonnablement présumer que de nombreux patients sont gardés dans des établissements de soins actifs parce qu’il n’y a pas d’autres solutions dans la collectivité.

En fait, c’est ce que des témoins ont déclaré au Comité. À cet égard, Roy Muise a raconté ce qu’il a vécu : 

Je me rappelle que, lorsque j'étais sur le point de sortir de l'hôpital, je n'avais nulle part où aller parce que je n'avais pas de revenu et que je n'avais pas d'argent. J'ai passé 13 jours à l'hôpital, uniquement parce que je n'avais aucun endroit où aller. Compte tenu des périodes creuses dans nos antécédents professionnels, nous avons beaucoup de difficulté à trouver un logement et à faire un dépôt pour les dommages éventuels, par exemple, pendant que nous tentons de changer complètement notre vie. Il est effectivement essentiel de prendre des initiatives dans le domaine du logement. C'est une chose certaine[178].

L’utilisation de lits des établissements de soins actifs pendant une période prolongée dans le but de répondre aux besoins de patients ayant des troubles mentaux pour des raisons semblables à celles qui ont gardé Roy Muise à l’hôpital tout à fait inutilement constitue une très mauvaise affectation de ressources précieuses et peu abondantes; d’ailleurs, selon toute probabilité, le rétablissement du patient s’en trouve retardé. Le Comité croit que, malheureusement, c’est précisément ce qui se produit actuellement partout au pays. 

5.5       LA NÉCESSITÉ D’UN FONDS DE TRANSITION

Comme on l’a dit, tout indique que, s’il faut se garder de voir dans les services communautaires un moyen de réaliser des économies, le financement d’un système reposant principalement sur des services communautaires ne coûtera pas plus cher au gouvernement que le financement du système actuel, fondé essentiellement sur des services institutionnels. Cela étant, pourquoi donc les autorités n’ont-elles pas réussi à faire aboutir la transition à un système de services communautaires compte tenu des nombreux avantages de cette formule pour les personnes atteintes de maladie mentale? Plusieurs raisons expliquent que la transition vers un ensemble intégré de services de santé mentale dispensés dans la collectivité progresse inégalement dans les provinces et les territoires.

 

Les plus importantes tiennent à la difficulté de transformer la formule de financement des services. Dans un récent article sur la restructuration de la politique de l’Ontario en matière de santé mentale, on faisait valoir ce qui suit :

 

Cependant, la fermeture des hôpitaux psychiatriques exigera d’abord une volonté politique et ensuite une mise de fonds initiale pour financer la mise en place des services communautaires qui prendront le relais. Or, un cercle vicieux paralyse le processus : les fonds nécessaires à la mise en place des services médico-sociaux de proximité sont monopolisés par les hôpitaux et les hôpitaux ne peuvent pas fermer en l’absence de ces services. Il faudra donc prévoir un financement de transition[179].

À cet égard, il importe de garder trois choses en mémoire. Premièrement, les économies générées par le rétrécissement du secteur institutionnel ne se matérialiseront pas d’un coup, mais progressivement, au fur et à mesure de l’élimination des services institutionnels. En conséquence, la réforme ne produira pas dans l’immédiat d’économies à partir desquelles financer l’établissement de nouveaux services médico-sociaux communautaires. Deuxièmement, comme l’élimination progressive de l’ancien système et l’implantation du nouveau prendront du temps, les deux systèmes devront longtemps fonctionner en parallèle, d’où des coûts additionnels. Troisièmement, rien ne garantit que l’argent économisé par la fermeture d’un grand établissement finira par se retrouver dans le budget de la santé mentale.

 

Pour ces raisons, le Comité pense qu’il faut instituer un Fonds de transition en santé mentale (FTSM) au moyen duquel le gouvernement du Canada mettra à la disposition des provinces et des territoires des ressources réservées au financement des services et mesures de soutien qui contribueront à faciliter la transition vers un système intégré de services locaux pour ceux qui souffrent d’une maladie mentale. Il s’agira d’un fonds temporaire destiné à couvrir les coûts de transition et à accélérer l’implantation d’un système de services médico-sociaux communautaires.

Une fois que le nouveau système aura trouvé sa « vitesse de croisière » — c’est-à-dire quand tous les nouveaux services seront en place — les provinces et les territoires seront en mesure de le financer au même coût que l’ancien. Ainsi, les crédits fédéraux consentis aux provinces et aux territoires pour les aider à faire le saut constitueront véritablement un fonds de transition : ils ne représenteront pas une obligation à long terme pour le gouvernement fédéral pas plus qu’ils n’entraîneront une augmentation des dépenses pour les provinces et les territoires.

Le Fonds de transition en santé mentale sera différend des autres fonds fédéraux dits « de transition » comme le Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires, par exemple. En effet, les initiatives fédérales de ce genre ont trop souvent entraîné la création de nouveaux programmes qui soit exigent des provinces qu’elles y consacrent de nouveaux crédits, soit sont abandonnés une fois que les programmes fédéraux qui sont à leur origine sont arrivés à terme. Ce ne sont pas vraiment des mesures de transition dans la mesure où elles obligent les gouvernements des provinces et des territoires à faire des dépenses additionnelles à long terme.

Le Comité a pris bien soin de formuler ses recommandations de manière à éviter cela dans le cas du Fonds de transition en santé mentale. Ce qu’il entrevoit, c’est un vrai fonds de transition conçu uniquement pour financer les coûts associés à la réforme de l’organisation des soins de santé mentale durant la phase de transition d’un système à l’autre.

Il nous semble que la formule du fonds de transition est la mieux adaptée à l’investissement, par le gouvernement fédéral, de crédits dans ce qui est un secteur de compétence provinciale (la prestation de services de santé mentale. Comme le gouvernement fédéral n’est pas responsable de la prestation des services de santé mentale dans les provinces et les territoires, il ne lui appartient pas de déterminer l’emploi optimal des fonds fédéraux. Il faut pour cela une connaissance des besoins que seule l’expérience peut procurer. Par conséquent, ce sont les provinces et les territoires qui doivent décider de l’allocation des sommes qui leur seront accordées.

Cette solution n’a évidemment rien de bien nouveau. Elle est conforme à de nombreuses ententes conclues récemment en matière de santé entre le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces et des territoires. En fait, depuis la création du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux en 1995, les provinces ont la haute main sur l’emploi des transferts fédéraux concernant la santé et les affaires sociales.

Bonnie Arnold, de la division de l’Île-du-Prince-Édouard de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), a insisté sur l’importance de la souplesse du financement fédéral pour répondre aux besoins locaux variés des fournisseurs de services de santé mentale, et a parlé des soins à domicile pour illustrer son propos :

Le terme « soins à domicile » a un sens très différent d'une province à une autre. Nous croyons qu'il est essentiel que le financement transféré par le gouvernement fédéral offre suffisamment de souplesse pour que l'Î.-P.-É. puisse l'utiliser de la façon la plus créative et la plus efficace possible pour se doter des services requis en santé mentale, et qu'il ne soit pas lié à un type de service en particulier[180].

Il est cependant normal que le gouvernement demande des comptes, d’une manière ou d’une autre, sur l’usage des fonds qu’il dispense, puisqu’il est comptable, envers la population, du bon usage des fonds publics. En l’occurrence, le gouvernement fédéral et les Canadiens en général doivent avoir l’assurance que l’argent a) est consacré à des activités relatives à la santé mentale et b) augmente le total des dépenses consacrées par les provinces et les territoires à l’amélioration de la santé mentale et au traitement de la maladie mentale.

Par ailleurs, le Comité souhaite que ces fonds viennent s’ajouter non seulement aux dépenses des provinces et des territoires en la matière, mais aussi à l’augmentation du financement de la santé mentale associée à la progression normale des dépenses de santé des provinces et territoires. Autrement dit, ces fonds doivent représenter un véritable surcroît de dépenses.

Il importe cependant de préciser que le Comité ne prescrit pas les services nouveaux ou améliorés dans lesquels les provinces et territoires devront investir. Ce sont les autorités provinciales et territoriales qui décideront, en fonction de leurs besoins particuliers, si elles doivent affecter les nouveaux crédits à l’amélioration ou l’extension de services existants ou à la création de nouveaux services. Ensuite, si des provinces ou des territoires sont en mesure de réaliser des économies grâce à des gains de productivité, elles auront toute latitude pour décider de l’emploi des économies en question.

Beaucoup d’analystes sont d’avis qu’il faut prévoir un mécanisme de réserve pour garantir que les nouveaux crédits fédéraux sont effectivement employés aux fins prévues. Comme l’a dit au Comité la présidente de la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale, Christine Davis :

Les fonds des ministères de la Santé sont attribués aux autorités de la santé qui s'empressent de faire ce qui est le plus pressant, c'est-à-dire réduire les listes d'attente pour la chirurgie de la hanche, du genou, la chirurgie cardiaque et ainsi de suite. Ces fonds ne sont jamais réservés à la santé mentale, et ils ne seront jamais consacrés à la maladie mentale ni aux toxicomanies. La maladie mentale et les toxicomanies sont au bas de l'échelle des soins de santé et les personnes aux prises avec ces problèmes sont perçues comme étant moins méritantes que les autres. Il faut que ces fonds soient réservés à la santé mentale dès le départ[181].

D’autres craignent par contre que ce type d’intervention n’ait pour effet de limiter dans une certaine mesure le montant total des fonds disponibles, mais même eux admettent que, vu l’urgence d’accélérer le changement dans le secteur de la santé mentale, l’idée de fonds réservés n’est pas mauvaise.

Cette idée a été reprise par le Dr John Service, président de l’Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale :

Vous aviez raison de dire, hier, monsieur le président, que vous vous trouvez dans une situation impossible avec ce genre de fonds. D'un côté, on peut faire une sélection minutieuse, quand les temps sont durs. Nous savons que cela s'est fait au pays. Je suis dans ce métier depuis 30 ans, et je sais que cela s'est produit à plusieurs reprises. Les fonds désignés sont très vulnérables. Ils sont isolés, ce qui ne fait qu'accroître la séparation. Ces fonds ciblés et désignés peuvent enclencher une transformation. Ils peuvent servir à se procurer cette transformation. Si on tient compte des changements structurels dont on aura besoin pour le long terme, et si on procède de façon correcte, cela pourrait être utile[182].

Dans son rapport Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, le Comité a noté que l’on avait eu recours à de tels fonds réservés durant la phase initiale de mise en œuvre de la Politique nationale en matière de santé mentale en Australie[183]. Tous les ordres de gouvernement de ce pays se sont engagés à pratiquer une certaine forme de protection budgétaire de manière que les injections de fonds fédéraux additionnels ne donnent pas lieu à des réductions concomitantes du financement consenti par les États et les territoires. L’entente conclue entre les gouvernements pour protéger les ressources consacrées à la santé mentale comportait en particulier les deux éléments suivants :

§         les parties s’engageaient à maintenir les niveaux courants de dépenses en santé mentale;

§         les parties s’engageaient aussi à réinvestir dans les programmes de santé mentale les ressources libérées par l’élimination et la rationalisation des services.

M. Dermot Casey, secrétaire adjoint chargé des priorités sanitaires et de la prévention du suicide au ministère de la Santé et de la Vieillesse de l’Australie, a dit au Comité que les mesures de protection des dépenses en santé mentale avaient été si efficaces qu’elles étaient devenues superflues :

En fait, l'une des craintes du gouvernement fédéral, il y a dix ans, c'était que si nous donnions de l'argent pour la santé mentale, les États et les Territoires se contenteraient de le prendre et de le consacrer à autre chose. Nous avions une entente stipulant qu'ils maintiendraient leur niveau de financement si le gouvernement fédéral augmentait le montant total. Nous avons suivi à la trace l'argent dépensé, et les États et Territoires devaient faire rapport à une instance de contrôle des dépenses. Nous n'avons plus besoin de ce système aujourd'hui, dix ans plus tard, parce que, conscients de l'importance de cet aspect à leur niveau et de la controverse politique que cela occasionnerait dans les collectivités, les gouvernements ne dépenseraient pas ces montants à d'autres fins[184].

L’idée a beau avoir du mérite, le Comité ne croit pas possible pour le moment d’instituer un système de fonds réservés permettant de rendre compte de l’emploi des fonds jusqu’au niveau local. En fait, il a fait faire une étude de la viabilité de cette formule en santé mentale au niveau des administrations régionales de la santé. Les chercheurs ont conclu que non seulement il y avait un manque de coordination de l’information sur la santé mentale au niveau provincial et au niveau national, mais qu’il y avait aussi des lacunes au niveau de l’évaluation des besoins de la population, du profilage des services et des liens entre les volets santé, services sociaux, justice et éducation du système de soins[185]. Bref, le système d’information sur la santé qui permet de contrôler les dépenses en santé, notamment en santé mentale, n’est pas adapté à ces fins.

Le Comité estime néanmoins possible d’établir, sous l’égide de la Commission canadienne de la santé mentale, des procédures propres à garantir que les fonds de transition servent aux fins prévues. Les sommes prélevées sur le Fonds devraient être administrées par la Commission canadienne de la santé mentale, dont la création a été agréée par tous les ministres de la Santé à l’exception de celui du Québec et annoncée officiellement par le ministre fédéral de la Santé le 24 novembre 2005[186]. Vu les connaissances de ses membres sur les politiques en santé mentale et les pratiques exemplaires et son indépendance vis-à-vis du gouvernement, la Commission est mieux placée que Santé Canada pour superviser l’administration du Fonds de transition.

Pour le Comité, il faut donner la priorité aux mesures visant à améliorer les conditions de vie des personnes atteintes d’une maladie mentale grave, adultes et enfants. La formule la plus avantageuse pour ces personnes, c’est celle de la prestation d’un éventail de soins pleinement intégrés. Elle présente par ailleurs l’avantage de mettre ces services à la disposition aussi des personnes moins gravement atteintes.

Par exemple, des services de première ligne locaux sont indispensables en tant que premier point de contact à la fois pour les personnes gravement atteintes qui ont besoin d’être aiguillées vers des services plus intensifs et spécialisés et pour celles qui peuvent être soignées à ce niveau-là. De même, l’offre de services transversaux profitera à toutes les personnes atteintes de maladie mentale, bien que la priorité d’accès à certains services, comme le logement assisté, devra être accordée aux personnes gravement atteintes.

Le Comité tient particulièrement à ce que, dans l’élaboration des services communautaires de santé mentale, l’on mette l’accent en particulier sur les besoins des enfants. Comme on le verra plus en détail dans le prochain chapitre, les enfants et les jeunes sont trop souvent laissés pour compte, même dans les discussions sur la manière d’améliorer le système de santé en général. Le Comité estime indispensable de remédier à cet état de choses.

Le Comité recommande :

 

 

9

Que le gouvernement du Canada crée un Fonds de transition en santé mentale pour accélérer la transition vers un système où la prestation des services en santé mentale se fera essentiellement dans la collectivité.

Que les sommes versées dans ce fonds soient mises à la disposition des provinces et des territoires au prorata de la population et que la gestion du Fonds soit confiée à la Commission canadienne de la santé mentale dont la création a été entérinée par tous les ministres de la Santé à l’exception de celui du Québec.

Que le Fonds serve à financer des activités : 

·         qui autrement n’auraient pas vu le jour, c’est-à-dire qu’elles représentent un surcroît de dépenses par rapport aux dépenses courantes augmentées de la hausse annuelle normale des dépenses globales de santé;

·         qui faciliteront la transition vers l’établissement d’un système reposant essentiellement sur la prestation des services en santé mentale dans la collectivité.

Que, dans le financement d’activités à même le Fonds, l’on accorde la priorité aux personnes souffrant d’une maladie mentale grave et persistante et que l’on s’intéresse en particulier aux besoins des enfants et des jeunes en matière de santé mentale.

5.6       LES VOLETS DU FONDS DE TRANSITION EN SANTÉ MENTALE

Nous traiterons ici des principaux services qui pourront être financés à même le Fonds de transition en santé mentale. Nous parlerons du montant total nécessaire au financement de ces mesures au chapitre 16.

Nous le répétons, le Fonds de transition devrait comporter deux volets : l’Initiative d’aide au logement pour la santé mentale, qui permettra de financer la constitution d’un parc de logements abordables et appropriés de même que des suppléments au loyer pour que les personnes atteintes d’une maladie mentale qui n’en auraient pas autrement les moyens puissent vivre dans un logement à loyer libre; et le Panier de services communautaires qui aidera les provinces à fournir aux personnes atteintes de maladie mentale un éventail de services directement dans la collectivité.

5.6.1     L’Initiative d’aide au logement pour la santé mentale

On ne saurait surestimer l’importance d’un logement convenable pour les personnes qui souffrent de maladie mentale, surtout quand il s’agit d’une maladie grave. Des études montrent que de 30 à 40 p. cent des sans-abri ont des problèmes de santé mentale et que de 20 à 25 p. cent ont aussi des troubles concomitants, à savoir en plus des problèmes de toxicomanie. C’est dire l’étendue du problème.

Le message est partout le même. Christine Davis, la présidente de la Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale, l’a présenté en ces termes :

Le logement est une forme de protection contre la maladie. Le logement est aussi une protection contre les caprices de la maladie mentale, contre les voix et contre les peurs. Le gouvernement fédéral doit aborder la question du manque de logements abordables[187].

Il est extrêmement difficile de trouver des logements convenables. La directrice de la Schizophrenia Society of Saskatchewan Carol Solberg a expliqué au Comité que :

La plupart des gens qui reçoivent de l'aide sociale vivent dans de très petits logements, souvent dans des quartiers pas toujours très sécuritaires. Les logements sont parfois insalubres et ne favorisent pas une bonne santé mentale. Je crois que quiconque jouissant d’une bonne santé mentale, mais qui vivrait dans ce genre de conditions finirait par être malade ou, à tout le moins, déprimé[188].

Jan House a parlé au Comité du mal qu’elle a eu à trouver un logement convenable pour sa fille à Halifax :

L'environnement physique est particulièrement important pour les personnes atteintes de maladie mentale; cependant, comme elles n'ont généralement qu'un maigre revenu ou aucun moyen de subsistance, elles sont souvent forcées de vivre dans les pires quartiers où le taux de criminalité est élevé et où la drogue et la violence règnent. Pour pouvoir vivre dans un environnement sûr et favorable, ma fille a été forcée de déménager trois fois en un an[189].

Les témoins ont parlé des répercussions des compressions budgétaires fédérales sur l’offre de logements abordables. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale, « [d] e 1980 à 2000, le nombre d'unités de logement à prix abordables créé par le gouvernement du Canada a chuté, passant de 24 000 à 940 »[190]. Linda Chamberlain, du Dream Team de Toronto, a insisté sur la pénurie de logements abordables :

C'est ça, le problème. Nous n'avons pas suffisamment de logements. En général, il y a un délai d'attente de 10 ans. Certains d'entre nous ont dû attendre cinq ans avant d'obtenir un logement. C'est pourquoi nous avons besoin de plus de logements. On n'en construit pas assez[191].

Bonnie Arnold, de la division de l’Île-du-Prince-Édouard de l’ACSM, a exposé les difficultés des organismes qui cherchent à aider les personnes atteintes de maladie mentale à obtenir un logement et les services dont elles ont besoin dans le contexte de la réduction des subventions fédérales au logement.

Sur le sujet du logement, un autre point qui a été porté à l'attention du groupe de travail est le fait que les programmes de logements subventionnés qui étaient autrefois soutenus par le gouvernement fédéral n'existent plus. Il est vrai que de nouveaux fonds ont été débloqués pour aider à la construction de logements, mais il est impossible pour les agences de rendre les loyers abordables pour les locataires, qui sont souvent des célibataires à faible revenu, et d'offrir en même temps des programmes appropriés[192].

Des témoins ont aussi fait valoir au Comité que les programmes d’aide aux personnes atteintes de maladie mentale sont efficaces. Le directeur de la Coast Foundation Society/Coast Mental Health Foundation Darrell Burnham a dit au Comité :

Nous servons beaucoup plus de 2 000 personnes. Je veux insister sur deux catégories de services. Tout d'abord, nous fournissons des logements subventionnés. En fait, nous avons été les pionniers du logement subventionné pour les personnes ayant une maladie mentale en 1974 et nous servons maintenant plus de 544 personnes dans différents types de logements partout dans le sud-ouest de la Colombie-Britannique, dans des quartiers agréables. Nous avons constaté que c'est non seulement d'un bon rapport coût-efficacité, en ce sens que cela garde les gens en santé et évite l'hospitalisation, mais aussi que les gens s'insèrent dans la collectivité. Ce ne sont pas des endroits qui se font remarquer et suscitent de l'inquiétude dans les quartiers en question. Donc, le logement subventionné fonctionne[193].

Suzanne Crawford, directrice de programme des LOFT Community Services à Toronto, a vanté les atouts du modèle des logements supervisés :

Pourquoi est-ce que le logement supervisé fonctionne? Nous pensons que ça fonctionne parce que nous visons la guérison et l'indépendance. Nous l'avons entendu encore et encore. Nous mettons l'accent sur la sécurité. Nous mettons l'accent sur l'espace physique. Nous mettons l'accent sur le soutien pratique 24 heures sur 24.

Comme je l'ai dit, nous avons besoin de nos psychiatres. Nous avons besoin de nos cliniciens, mais vous savez quoi? Ils vont dans les foyers. Ils sont là pendant une heure, puis ils partent. Qui est là 24 heures sur 24? C'est le logement supervisé, et c'est le logement supervisé dans le cadre d'un modèle psychosocial. Ça offre une sécurité. Ça offre une paix d'esprit. Ça offre de la souplesse[194].

Phillip Dusfresne du Dream Team parle d’expérience :

J'ai déjà vécu dans la rue; aujourd'hui, je suis membre du Dream Team, un projet qui a vu le jour grâce aux conseils des Mental Health and Housing Services, en 1999.

Les logements avec services de soutien ont changé notre vie; nous en donnons une preuve vivante, et nous racontons notre histoire aux politiciens des divers ordres de gouvernement, aux organismes de services sociaux, aux sociétés de bienfaisance, aux étudiants des écoles secondaires et des universités, aux groupes de consommateurs et à d'autres institutions.

Les personnes qui vivent dans des logements avec services de soutien sont indépendantes. On nous a tous attribué un travailleur de soutien, et nous pouvons aller le voir si nous en avons besoin. Le travailleur de soutien peut nous aider à obtenir des prestations d'aide sociale. Il peut nous aider à préparer un curriculum vitae si nous voulons chercher un emploi. Il peut aussi nous aider à prendre rendez-vous chez le médecin ou le dentiste, ou nous aider dans nos activités quotidiennes, si nous ne nous sentons pas bien. Mais, en général, nous vivons de façon indépendante. Nous préparons nous-mêmes nos repas, nous faisons le ménage, nous faisons les courses et tout le reste. La plupart d'entre nous n'ont pas besoin d'un soutien 24 heures sur 24[195].

Le Comité a aussi entendu parler de diverses activités innovatrices dans le secteur public et dans le secteur non gouvernemental. La coprésidente de L’Abri en Ville de Montréal, Audrey Bean :

Nous travaillons avec les établissements psychiatriques pour choisir les personnes qui profiteraient de ce mode de vie particulier. Nous nous occupons de deux aspects qui sont essentiels à la stabilité d'une personne ayant une maladie mentale. Le premier, c'est un logement permanent, un foyer, un endroit où elles peuvent inviter des gens, un endroit qui renforce leur sentiment d'identité, et à partir duquel elles peuvent ensuite renouer les liens avec leurs familles. Prenons l'exemple de la sœur de Maria, si elle pouvait trouver un mode de vie séparé, il arrive parfois que cela permette de rétablir de façon assez extraordinaire la relation avec la famille.

Nous offrons ensuite un soutien social, c'est-à-dire que nous organisons des soupers, les gens se rendent visite et nous assurons ce pont vers la collectivité pour une personne qui a souffert de l'isolement que connaissent si souvent les personnes ayant une maladie mentale.

Il s'agit d'un modèle simple qui peut être mis sur pied par toute collectivité. Nous sommes une centaine de personnes, nous avons 30 résidents et environ 60 à 70 bénévoles, et un conseil d'administration d'une vingtaine de personnes. Nous recevons maintenant une subvention. Nous avons reçu une subvention de Développement des ressources humaines Canada, et nous en avons maintenant une de la Fondation McConnell, pour reproduire notre modèle dans d'autres collectivités au Canada[196].

Et David Nelson, directeur de la division de la Saskatchewan de l’ACSM, a parlé au Comité d’une

…initiative nouvelle et positive de notre province qui est à mon avis promise à un grand avenir. Il s'agit du Saskatchewan Rental Housing Supplement […] Il s'agit d'aider les personnes qui ont un handicap quelconque à améliorer leur logement, et cela dépasse de loin l'installation de rampes qu'on voit partout et les réaménagements des salles de bains dont ont besoin les handicapés physiques. Il s'agit de fournir des ressources sur une base continue à ceux qui ont des problèmes de santé mentale et qui veulent procéder à des rénovations, par exemple, faire élargir les fenêtres, améliorer leur sécurité, contrôler le bruit et avoir accès à un logement plus près des services.

Seuls ceux qui louent leur logement ont droit à ce supplément, pas les propriétaires. Le locataire continue à y avoir droit quand il change de logement[197].

Les témoignages qu’il a entendus ont convaincu le Comité de la nécessité d’un investissement fédéral majeur dans le logement, à trois niveaux : augmentation de l’offre de logements, subventions d’aide au loyer et accroissement des services de soutien pour faciliter la vie dans la collectivité.

La construction de logements supervisés et la prestation de services de soutien additionnels touchent des secteurs qui relèvent du gouvernement fédéral et des provinces et territoires, mais la prestation des services de soutien est une responsabilité provinciale. Le Comité pense donc qu’il vaut mieux que le financement fédéral en la matière soit acheminé par le truchement du Fonds de transition qui sera administré par la Commission canadienne de la santé mentale. En conséquence, il recommande :

 

 

10

Que les services conçus pour permettre aux personnes atteintes de maladie mentale de vivre dans la société soient financés dans le contexte du volet Panier de services communautaires du Fonds de transition en santé mentale administré par la Commission canadienne de la santé mentale.

 

Le Comité estime que les mesures afférentes aux deux niveaux d’intervention connexes précités (construction de nouveaux logements et offre de suppléments au loyer) devraient elles aussi être financées par l’intermédiaire du Fonds de transition, mais que, dans l’administration du volet logement du Fonds, la Commission canadienne de la santé mentale devrait faire appel aux structures et organismes fédéraux qui s’occupent des programmes de logement abordable, comme la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Le Comité remarque avec intérêt que le ministre fédéral du Travail et du Logement a annoncé en mars 2005 que les programmes de supplément au loyer seraient désormais admissibles au financement accordé par le biais de l’Initiative en matière de logement abordable lancée pour financer la construction de logements abordables. Il estime opportun d’adopter une démarche similaire pour le financement, par le gouvernement fédéral, de mesures d’aide au logement à l’intention des personnes souffrant d’une maladie mentale.

En conséquence, le Comité recommande :

 

 

11

Que, dans le contexte du Fonds de transition en santé mentale, le gouvernement du Canada lance une Initiative d’aide au logement pour la santé mentale afin de financer la construction de logements abordables et des programmes de suppléments au loyer pour donner aux personnes atteintes de maladie mentale les moyens de louer un appartement au taux du marché.

  • Que, dans la gestion du volet logement du Fonds de transition en santé mentale, la Commission canadienne de la santé mentale travaille en étroite collaboration avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

 

On trouvera au chapitre 16 des précisions sur la taille recommandée de l’Initiative d’aide au logement pour la santé mentale, de même que les sommes associées aux autres recommandations.

5.6.2    Le panier de services communautaires

Pour bien vivre dans la collectivité, les personnes atteintes d’une maladie mentale grave ont besoin non seulement d’un logement, mais aussi de nombreux services.

Il est prouvé que les services décrits ci-dessous améliorent les conditions de vie des personnes concernées en leur permettant de mener une vie productive dans la société. Ils font partie des services que les gouvernements placent au cœur d’un système de santé mentale reposant principalement sur des services communautaires :

 

 

 

§         des équipes de suivi intensif dans la collectivité (ESIC) qui offrent des services complets continus de traitement, de réadaptation et de soutien aux personnes atteintes d’une maladie mentale grave qui présentent des besoins multiples et complexes auxquels il est impossible de répondre avec un niveau d’intervention moins intensif;

§         des unités d’intervention d’urgence accessibles et mobiles capables d’intervenir, 24 heures sur 24, sept jours sur sept, auprès des clients de tous âges;

§         une prise en charge intensive des cas qui permet aux malades d’atteindre leurs objectifs en matière de traitement, de soutien et de rétablissement, d’opérer des changements positifs durables et de vivre dans la collectivité dans la plus grande autonomie possible.

Le Comité sait très bien que ces trois services ne sont pas les seuls qui devraient être financés à même le Fonds de transition en santé mentale. De nombreux autres pourraient être financés dans le contexte du panier de services communautaires comme des services précoces en cas de psychose, des services à l’intention des personnes atteintes d’une maladie mentale qui ont maille à partir avec la justice, des centres d’accueil, des services d’entraide, des programmes d’aide à l’emploi, des programmes pour troubles concomitants, des services axés sur les besoins des réfugiés et des immigrants sur le plan de la santé mentale, pour ne nommer que ceux-là. Cependant, comme on l’a dit ailleurs, ce sont les particularités de chaque collectivité qui devraient déterminer le contenu optimal du panier de services. En conséquence, la recommandation ci-dessous ne doit pas être interprétée comme une prescription; elle atteste implicitement la nécessité d’une certaine souplesse, exigeant simplement que les services soient offerts localement.

Le Comité recommande :

 

 

12

Que soit financé à même le Fonds de transition en santé mentale un panier de services communautaires dont l’utilité, pour aider les personnes atteintes d’une maladie mentale, en particulier celles qui souffrent d’une maladie mentale grave et persistante, à mener une vie productive dans la société, a été démontrée.

Que ce panier de services communautaires comprenne notamment des équipes de suivi intensif dans la collectivité, des unités d’intervention d’urgence et des programmes de prise en charge intensive des cas, et que la seule condition d’admissibilité au financement d’un service donné à même le Fonds de transition en santé mentale soit que le service soit offert dans la collectivité concernée.

 

On trouvera au chapitre 16 des précisions sur la taille recommandée du panier de services communautaires.


5.6.3    Promotion des soins en collaboration

La plupart des gens qui s’adressent à un professionnel pour un problème de santé mentale s’adressent d’abord à un médecin, et non à un psychologue, à un travailleur social ou à une autre personne. Cela tient principalement au nombre relativement plus grand de médecins et au mode de fonctionnement des systèmes publics d’assurance-maladie des provinces et des territoires — en général, seules les visites chez le médecin sont couvertes, et les services des autres professionnels de la santé mentale, comme les psychologues, sont à la charge du malade.

Le Comité estime important d’encourager la collaboration dans le contexte de l’élaboration d’un éventail intégré de services communautaires. La formule des soins en collaboration est la plus prometteuse si l’on veut améliorer l’accès aux soins et la qualité des soins et services de première ligne. Une récente étude américaine des traitements et services en santé mentale fondés sur l’expérience clinique a démontré le succès de cette formule :

[traduction] Par exemple, l’évaluation d’un modèle de soins en collaboration faisant appel à des spécialistes de la santé mentale autres que des médecins montre que les malades souffrant de dépression traités au moyen du modèle des soins en collaboration dans un contexte de soins primaires ont bénéficié d’une réduction sensiblement plus grande des symptômes après un an que les malades traités suivant la formule normale de soins primaires[198].

L’idée des soins en collaboration constitue en quelque sorte le prolongement du principe du « partage des soins » élaboré pour promouvoir une meilleure collaboration entre les psychiatres et les omnipraticiens. Par les soins en collaboration, dans le sens où l’entend l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale (ICCSM), on cherche à élargir « le cadre de collaboration afin [d’inclure] une vaste gamme de fournisseurs de services de santé mentale, de consommateurs et de membres de la famille dans ces partenariats »[199].

Le président de l’ICCSM, le Dr Nick Kates, a expliqué au Comité que :

[…] ce genre d'intégration offre un certain nombre d'avantages. Tout d'abord, on augmente ainsi l'accès aux services de santé mentale pour un grand nombre de personnes qui, autrement, n'y auraient pas accès. Nous savons que 72 p. cent des personnes souffrant d'un problème de santé mentale ne reçoivent pas de soins pendant au moins un an, mais que 80 p. cent de ces personnes se rendent quand même chez leur médecin de famille[200].

Le Dr Kates a décrit l’éventail des services qui pourraient être offerts dans le contexte de soins primaires, mentionnant notamment :

[…] la détection précoce, la prévention et la promotion de la santé, les consultations, le traitement, le suivi et même certains services de réadaptation, mais nous insistons sur le fait qu'il faut voir comme complémentaires les systèmes de santé mentale et de soins primaires. L'un ne remplacera pas l'autre[201].

Il a ajouté :

Nous voyons aussi les avantages de pharmaciens, diététistes, navigateurs de soins, programmes de soutien par les pairs, ainsi qu'une plus grande participation du consommateur et des membres de sa famille. Nous croyons en un modèle de soins axés sur le client. Nous pensons que les soins primaires sont idéalement placés pour le faire. Notre concept de soins axés sur le client inclut la création de plans de soins en collaboration, le consommateur étant un partenaire actif du traitement, le développement de mécanismes de soutien par les pairs et la participation du consommateur à tous les aspects de la planification, de la prestation et de l'évaluation des services de santé mentale en soins primaires[202].

Dans un document de l’ICCSM, on lit :

Il existe différentes façons de dispenser des services de santé mentale dans les contextes des soins de santé primaires, par exemple : dispenser les soins de santé mentale directement dans les contextes des soins de santé primaires ou fournir un soutien indirect en santé mentale aux prestataires de soins de santé primaires dans les contextes de soins de santé primaires. Dans le premier cas, les soins de santé mentale sont dispensés par un spécialiste de la santé mentale; dans le second, les soins de santé mentale sont dispensés par un prestataire de soins de santé primaires qui reçoit le soutien ou qui consulte un spécialiste de la santé mentale[203].

Et aussi :

Les soins de santé mentale axés sur la collaboration prennent place à l’intérieur de divers milieux qui incluent les centres de santé communautaires, les bureaux des prestataires de soins de santé primaires, la résidence d’un individu, les écoles, les établissements correctionnels ou des endroits communautaires. tels que les refuges. Ceci varie selon les besoins et préférences de l’individu et de la connaissance, la formation et les compétences des prestataires de soins. La collaboration peut s’appuyer sur une évaluation conjointe ou sur la prestation de soins où plusieurs prestataires de soins accompagnent l’usager, les familles et les aidants naturels, lorsque cela convient, ou encore, cette collaboration peut se faire par le biais de communications par téléphone ou par écrit. Autrement dit, il n’est pas nécessaire que les prestataires de soins de santé soient au même endroit pour qu’une collaboration efficace ait lieu[204].

Le financement de l’ICCSM expire en mars 2006. Le Comité estime que le travail amorcé par l’ICCSM doit se poursuivre sur deux plans et il recommande en conséquence :

 

 

13

Que les initiatives de soins en collaboration soient admissibles à un financement par le biais du Fonds de transition en santé mentale.

Que le Centre d’échange des connaissances qui doit être établi dans le cadre de la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) encourage activement l’application des pratiques exemplaires dans l’élaboration et la mise en œuvre des initiatives de soins en collaboration.

 


5.6.3.1               Ressources humaines

Dans son rapport final sur le système de soins actifs (hôpitaux et médecins)[205], le Comité a mis en relief les pénuries généralisées de ressources humaines du système de soins de santé. Des renseignements anecdotiques semblent indiquer que les mêmes pénuries affecteront le secteur de la santé mentale. Dans tout le système de santé, le vieillissement des effectifs et l’allongement des périodes d’étude et de formation des nouveaux fournisseurs de soins entraîneront vraisemblablement une aggravation des pénuries dans les prochaines années.

Le problème de ressources humaines soulevé durant les audiences du Comité recoupe la nécessité de favoriser l’adoption de modèles de soins en collaboration dans le domaine de la santé mentale. Il existe très peu de données précises sur les ressources humaines dans le domaine de la santé mentale, mais il est manifeste que les pénuries de main-d’œuvre qui affectent le secteur de la santé en général toucheront aussi celui de la santé mentale. On pourra y remédier entre autres en encourageant l’adoption de pratiques de soins en collaboration qui permettent une exploitation plus optimale des ressources humaines en santé mentale.

Malheureusement, les études les plus récentes sur les ressources humaines ne contiennent pas de ventilation des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur de la santé mentale. On note cependant dans un rapport de l’ICIS sur les fournisseurs de soins de santé que, de toutes les professions réglementées, c’est chez les psychologues que l’âge moyen est le plus élevé[206].

Le Symposium national sur les lacunes des services de santé mentale à l’intention des personnes âgées qui vivent dans un établissement de soins de longue durée (avril 2002) a conclu que les pénuries de personnel professionnel et non professionnel constituaient l’un des plus gros problèmes de la prestation de services de santé mentale dans le contexte de soins de longue durée[207].

L’absence de planification nationale des ressources humaines touche le secteur de la santé mentale tout autant que le reste du système de soins de santé. Dans son rapport final d’octobre 2002, le Comité a formulé plusieurs recommandations visant à augmenter le nombre des professionnels de la santé. Si ces recommandations étaient mises en œuvre, le nombre des fournisseurs de soins dans le secteur de la santé mentale augmenterait aussi.

On ne saurait trop insister sur l’importance d’augmenter les effectifs parmi tous les fournisseurs de services en santé mentale parce qu’un grand nombre de services essentiels au bien-être des personnes souffrant d’une maladie mentale ne relèvent pas du système de santé public. Comme ailleurs dans le système de soins de santé, les pénuries de main-d’œuvre figurent parmi les facteurs qui contribuent le plus aux temps d’attente intolérables. Le Comité note que l’Association des psychiatres du Canada a récemment publié une liste des temps d’attente maximaux recommandés pour certaines maladies psychiatriques, initiative qui, selon lui, contribuera avec d’autres à faire en sorte que les personnes souffrant de maladie mentale soient soignées dans des délais acceptables[208].

La nécessité de faire davantage appel à des modèles de soins en collaboration fait ressortir plusieurs autres problèmes de ressources humaines particuliers au secteur de la santé mentale. La mise en œuvre généralisée d’initiatives de soins en collaboration en santé mentale dépendra dans une large mesure de l’allure générale du secteur des soins de santé (en particulier de la création d’équipes pluridisciplinaires de soins primaires). La lenteur de la réforme des soins primaires au Canada est particulièrement inquiétante.

Concrètement, en raison de la difficulté de la réforme des soins primaires, beaucoup d’omnipraticiens travaillant seuls continueront d’assurer le gros des soins de santé mentale de leurs malades. Or, chacun sait que le système de rémunération à l’acte des médecins décourage ceux-ci de passer avec leur malade tout le temps voulu pour les aider à régler leurs problèmes de santé mentale. Le Dr Richard Goldbloom, professeur de pédiatrie à l’Université Dalhousie, a dit au Comité :

Actuellement, j'offre mes services en tant qu'expert-conseil. La plupart des enfants que je rencontre me sont recommandés par des médecins qui dispensent des soins primaires.

Ça ne m'a pas pris beaucoup de temps pour découvrir que la principale raison pour laquelle les médecins qui dispensent des soins primaires me recommandent ces enfants, c'est qu'ils se rendent compte qu'ils ne régleront pas le cas en dix minutes.

Sir William Osler a dit une fois que, lorsque les médecins parlent de questions de principe, ils pensent invariablement à l'argent. Nous sommes aux prises avec un problème pratique en santé mentale. En effet, les gens sont rémunérés selon le nombre de patients qu'ils reçoivent en consultation. Tant et aussi longtemps que ce sera le cas, on n'offrira pas beaucoup de soins en santé mentale dans le cadre des soins primaires[209].

M. Dermot Casey, secrétaire adjoint chargé des priorités sanitaires et de la prévention du suicide au ministère de la Santé et de la Vieillesse de l’Australie a parlé au Comité d’une mesure qui pourrait aider les omnipraticiens rémunérés à l’acte qui souhaitent être mieux en mesure d’aider leurs malades aux prises avec des troubles mentaux. Le gouvernement australien a lancé il y a trois ans un programme conçu pour faciliter la prestation de soins aux personnes souffrant d’une maladie mentale : les médecins de premier recours touchent une compensation financière qui leur permet de passer davantage de temps avec les malades qui éprouvent des problèmes de santé mentale. M. Casey a expliqué au Comité la genèse du programme et ses principales caractéristiques :

On nous a dit que si vous êtes omnipraticien et que quelqu'un se présente à votre cabinet et que vous pensez que cette personne a un problème de santé mentale, vous restez silencieux, parce que si vous ouvrez le dialogue, vous serez encore  là vingt ou trente minutes plus tard et, évidemment, le paiement à l'acte est le mode de traitement en vigueur. Nous les avons encouragés en leur disant que si cela prend vingt minutes, nous allons les payer davantage pour avoir consacré ce temps aux malades. À l'heure actuelle, environ 15 p. cent de notre main-d'oeuvre d'omnipraticien s'est inscrite à ce programme. Nous disposons donc de 3 500 omnipraticiens qui participent à ce programme et qui se reconnaissent comme des gens qui peuvent offrir un peu plus de soins en santé mentale et des soins un peu meilleurs. Il s'agit d'un nouveau programme[210].

Il y aurait lieu d’encourager des initiatives similaires au Canada. Les gouvernements des provinces et des territoires devraient travailler en étroite collaboration avec les associations médicales pour revoir les grilles de tarification de manière à rémunérer les médecins de premier recours qui passent plus de temps avec les malades qui souffrent de problèmes de santé mentale. Quelques provinces ont déjà fait quelques pas dans cette direction  Par exemple, au Nouveau-Brunswick, les omnipraticiens payés à l’acte peuvent également facturer, pour au plus quatre heures par jour, pour de la psychothérapie, du counselling auprès de patients ou auprès des familles.  Ils peuvent également être remboursés pour le temps passé sur des conférences de cas avec d’autres intervenants en santé mentale. 

Une étude des ressources humaines réalisée par l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale a mis au jour un autre problème. L’ICCSM note dans son rapport que des « différences de rémunération s’observent principalement chez les prestataires qui passent d’un milieu de soins institutionnels à un milieu communautaire ou vice-versa »[211]; les personnes qui pratiquent en milieu communautaire sont moins bien payées que les autres. Le Comité estime que cette inégalité est malavisée et qu’elle risque de nuire au développement des services communautaires. Il encourage donc fortement les gouvernements des provinces et des territoires à chercher à supprimer cet obstacle financier et à faciliter les mouvements de fournisseurs de services de santé mentale entre les établissements et les pratiques communautaires.

5.7       AUTRES MESURES

5.7.1     Soutien des aidants naturels

Les parents jouent un rôle essentiel, et parfois crucial, dans le soin des personnes souffrant de maladie mentale. D’après certaines estimations, près de 60 p. cent des familles de personnes atteintes de maladie mentale grave assurent les soins primaires, et bénéficient généralement de peu de conseils, de soutien ou de répit[212]. Ces familles doivent en plus se charger d’innombrables démarches pour le compte de leur parent malade dans un système de santé mentale fragmenté.

Le Comité, conscient de la valeur et de l’importance des soins dispensés par ces aidants naturels, a invité ceux-ci à comparaître durant les audiences publiques qu’il a tenues dans toutes les provinces et tous les territoires. Nous exposons leurs préoccupations au chapitre 2 et avons cherché à y répondre. À cet égard, nous abordons deux sujets clés dans le présent rapport : le soutien du revenu et les services de relève.

5.7.1.1                Soutien du revenu

Le dévouement des aidants naturels a des conséquences financières. Ces personnes doivent par exemple souvent prendre congé pour s’occuper d’un parent malade. À ce sujet, le Dr Kellie LeDrew, directeur des services cliniques du Newfoundland and Labrador Early Psychosis Program, a dit :

Nous sous-estimons parfois ce que la maladie mentale d'un des membres de la famille signifie pour l'ensemble de la famille. Il arrive souvent que la mère se soit absentée de son travail. J'ai souvent dû donner des notes à des mères qui devaient justifier leur absence du travail et qui étaient restées à la maison pour que leur fils n'ait pas à être hospitalisé. Ces mères ne veulent pas quitter leur fils parce qu'elles craignent qu'il lui arrive quelque chose[213].

Le Comité estime que les aidants naturels devraient toucher une forme d’aide financière du gouvernement quand ils doivent s’absenter temporairement du travail pour s’occuper d’un parent souffrant de maladie mentale. Plusieurs raisons impérieuses nous confortent dans notre conviction :

§         Il est avantageux pour les personnes atteintes de maladie mentale d’être soignées par une personne qui leur est familière, hors du cadre institutionnel. Ce type de soutien peut par ailleurs leur éviter des démêlés avec la justice ou l’itinérance.

§         Les aidants peuvent ainsi conserver leur emploi tout en étant en mesure d’accompagner leur parent malade.

§         Les employeurs peuvent conserver leur employé et éviter les coûts associés aux autres congés (comme les congés de maladie) auxquels un salarié peut faire appel quand il ne peut pas se prévaloir d’un congé pour le soin d’un membre de la famille ou que celui-ci est trop court.

§         Les gouvernements y gagnent du fait que les aidants demeurent actifs et que les personnes atteintes de maladie mentale ne se retrouvent pas à l’hôpital, dans un établissement de soins de longue durée, en prison ou dans la rue, ce qui représente une économie pour le Trésor.

Le Régime d’assurance-emploi offre certes des prestations de compassion, mais elles sont réservées aux personnes qui prennent congé pour s’occuper d’un membre de leur famille gravement malade qui risque de mourir dans les six mois[214]. Il semblerait que ces prestations sont sous-utilisées, au moins en partie du fait des conditions d’admissibilité extrêmement restrictives.

Compte tenu de l’excédent considérable du compte d’assurance-emploi[215] et de la récente décision de la Cour suprême du Canada[216] affirmant le pouvoir constitutionnel du Parlement d’adapter le régime d’assurance-emploi aux réalités contemporaines, le Comité estime opportun d’élargir l’admissibilité aux prestations de compassion. En conséquence, il recommande :

 

 

14

Que des prestations de compassion soient offertes pendant au plus six semaines à l’intérieur d’une période de deux ans à toute personne qui prend congé pour s’occuper d’un membre de sa famille atteint d’une maladie mentale qui risque l’hospitalisation, le placement dans un établissement de soins de longue durée, l’emprisonnement ou l’itinérance dans les six mois.

Que l’admissibilité aux prestations de compassion soit déterminée sur recommandation de professionnels de la santé mentale et que leur paiement échappe au délai de carence habituel de deux semaines.

 

5.7.1.2               Services de relève

S’occuper d’une personne apparentée souffrant d’une maladie mentale est extrêmement exigeant, et les aidants risquent l’épuisement. Brenda McPherson, coordonnatrice provinciale du Psychiatric Patient Advocate Services au Nouveau-Brunswick a dit :

[…] beaucoup des parents ou des soignants de ces patients sont littéralement épuisés. Ils prennent soin de ces personnes depuis qu'elles ont l'âge de 12, 13 ou 14 ans. Les soignants sont passés par toutes les étapes du système judiciaire, ils ont connu le système des foyers d'accueil, etc. Quand leurs enfants ont 25 ou 30 ans, ce sont de jeunes adultes qui sont parfois peu fonctionnels et à ce moment-là, ces soignants naturels sont totalement épuisés et ont accès à peu ou pas du tout de ressources. Voilà pourquoi j'estime que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer; il doit s'associer au gouvernement provincial pour améliorer les services et les ressources dont dispose la province[217].

Le Comité estime important d’améliorer considérablement les services de relève offerts aux familles pour éviter l’épuisement des aidants naturels. Plusieurs solutions ont été proposées, notamment les suivantes : 

§         visites à domicile d’une infirmière de santé publique pour offrir information et soutien aux familles de personnes récemment diagnostiquées[218];

§         services de relève à domicile pour que les aidants puissent, par exemple, se rendre à un rendez-vous chez le médecin, assister à une réunion d’un groupe d’entraide ou aller faire des courses[219];

§         centres d’accueil de jour pour adultes[220];

§         amélioration des services de prise en pension temporaire : allongement de la période de répit et augmentation de la fréquence[221].

Compte tenu des besoins variés des aidants naturels et de leur évolution dans le temps, il serait logique d’offrir diverses formules de services de relève. En conséquence, le Comité recommande :

 

 

15

Que les mesures prises pour offrir aux aidants naturels davantage de services de relève adaptés aux besoins changeants des clients soient financées par la voie du Fonds de transition en santé mentale.


CHAPITRE 6:
LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS

6.1        INTRODUCTION

Ce que je déplore le plus dans le travail en cours, c'est que personne n'insiste sur le fait que la plupart des troubles de santé mentale dont souffrent les Canadiens aujourd'hui ont débuté dans l'enfance ou l'adolescence. Faute de reconnaître cette réalité, nous devons traiter un cancer de phase quatre, souvent avec d'importants effets secondaires, plutôt qu'une maladie de phase un ou deux. Comme l'obésité, les questions de santé mentale, si elles ne sont pas traitées dans l'enfance, menacent de mener à la ruine notre système de soins de santé.  — Diane Sacks[222]

De très nombreux enfants et adolescents sont atteints de maladie mentale. Selon des estimations prudentes, au Canada jusqu’à 15 p. cent[223] d’entre eux sont touchés, soit un total d’environ 1,2 million de jeunes aux prises avec l’anxiété, la déficience de l’attention, la dépression, la toxicomanie et d’autres troubles[224]. L’incidence de cette situation est d’autant plus vive que, d’habitude, ces jeunes comptent sur leur famille pour s’occuper d’eux et les soutenir. Or, quand un enfant ou un adolescent est atteint d’une maladie mentale ou d’une toxicomanie, les soignants membres de sa famille souffrent aussi.

Cette forte prévalence et l’existence de défenseurs tout à fait disposés à intervenir (c’est‑à‑dire les parents) auraient dû, pourrait-on penser, entraîner l’établissement d’un système de santé mentale bien organisé et suffisamment financé, capable de répondre aux besoins des enfants et des adolescents; pourtant, il n’en est rien. Le Comité a appris des témoins que le système est fragmenté et sous‑financé, que les interventions se font longuement attendre, qu’il y a un manque criant de professionnels de la santé mentale et que les jeunes et leurs familles ne sont pas invités à participer à l’application de solutions viables à long terme afin de régler ces graves problèmes de santé mentale.

Les enfants et les adolescents sont considérablement défavorisés par rapport aux autres groupes démographiques souffrant de maladie mentale, car les lacunes du système les affectent de façon plus aiguë et plus grave. Le Comité juge essentiel d’agir énergiquement afin de s’attaquer dès maintenant aux problèmes de premier plan, quitte à apporter d’autres changements par la suite.

6.2       INTERVENTION PRÉCOCE

On ne saurait assez insister sur l’importance d’une intervention précoce. Quand les symptômes de détresse ou de maladie font leur première apparition chez un enfant ou un adolescent, quel que soit son âge, la famille, les professionnels de la santé et les enseignants devraient intervenir immédiatement.

De plus, toutes ces interventions doivent se poursuivre, au besoin, lors du passage au milieu scolaire et, par la suite, à l’âge adulte. Le Comité partage les vues du Dr Ian Manion, psychologue, qui a insisté sur l’importance d’intervenir auprès des enfants et des adolescents à toutes les étapes de leur développement :

Si on s'attache uniquement à un aspect, on crée encore un cloisonnement. Vous avancez que c'est là que l'argent devrait être affecté, et cela signifie qu'une génération d'enfants plus âgés et de jeunes en ressortent perdants, ou qu'une génération d'adolescents en ressortent perdants. Bien sûr, si on perd une génération d'adolescents, on perd également la prochaine génération de parents, ceux qui seront responsables, plus tard, d'enfants âgés de moins de trois ans. Par conséquent, il faut envisager de façon globale le continuum de soins, et l'appliquer à toutes les étapes du développement[225].

La maladie mentale et la toxicomanie ne connaissent pas de limites d’âge arbitraires. Voilà pourquoi le Comité ne préconise pas que le financement des services de santé mentale pour les enfants et les adolescents cible des tranches d’âge précises. Nous proposons plutôt l’établissement d’une gamme complète de services pleinement intégrés visant l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte.

De plus, nous suggérerons de ne plus interrompre les services sociaux ou de santé mentale — qui sont tous les deux importants pour la santé mentale — quand le client atteint un âge fixé d’avance (par exemple 16 ou 18 ans), après quoi ce dernier est censé chercher de l’aide auprès du système pour les adultes.

6.2.1     Les années préscolaires

Une bonne partie des témoignages que le Comité a entendus insiste sur l’importance d’une intervention précoce, mais principalement auprès des enfants d’âge scolaire. S’il est vrai qu’il est à la fois logique et commode que les interventions en santé mentale se déroulent dans le cadre du système d’éducation, il reste qu’il ne faut pas fermer les yeux sur le fait que les problèmes peuvent survenir avant l’entrée à l’école; c’est d’ailleurs ce qui se produit souvent. Comme l’a expliqué Sharon Steinhauer, membre de l’Alberta Mental Health Board :

Nous savons que les facteurs de risque proviennent des genres de milieu familial et communautaire dans lesquels vivent ces enfants [...] La question est la suivante : Disposons-nous de mécanismes d'identification des enfants qui sont à risque et disposons-nous de moyens de les intégrer au réseau de soutien de façon à pouvoir, en définitive, atténuer certains des risques qui font que leur famille est vulnérable?

Les enfants sont élevés d'abord par la famille, et deuxièmement à l'école. Ainsi, ces premières années, que visent les stratégies du jeune enfant, correspondent à la période préscolaire. Nous recourons au programme Bon départ et à d'autres mécanismes pour tenter d'identifier les enfants ayant peut-être besoin de plus de soutien que ce qui leur est naturellement fourni[226].

Quand les enfants vieillissent, leurs problèmes naissants de santé mentale les suivent dans le milieu scolaire. Michelle Forge, surintendante des services aux étudiants à la Commission scolaire du district de Bluewater, souligne que :

Quand ils [franchiront la porte de l’école], ils seront mieux préparés, car un enseignant les aura aidés à comprendre ce qu'est l'école, et à faire cette transition. Cela aide également l'équipe responsable des enfants d'âge préscolaire à naviguer dans le système. Nous formons un système, et il est très différent des systèmes qu'on trouve ailleurs. Nous en sommes conscients, et nous devons fournir les outils de navigation et les gens nécessaires pour faire cela[227].

Les années préscolaires présentent deux défis : le premier consiste à reconnaître les enfants qui sont atteints d’une maladie mentale ou qui risquent d’en développer une, et de leur fournir des services. Le second concerne la gestion efficace du passage de la petite enfance (de 0 à 5 ans) au système scolaire. Le Comité recommande :

 

 

16

Que les conseils et les commissions scolaires rendent obligatoire la mise sur pied d’équipes en milieu scolaire composées de travailleurs sociaux, de travailleurs auprès des jeunes et d’enseignants afin d’aider les aidants familiaux à trouver les services de santé mentale dont leurs enfants et leurs adolescents ont besoin et que ces équipes fassent appel à la panoplie de traitements qu’offrent les diverses disciplines.

 

6.2.2    Les enfants d’âge scolaire

De nombreux témoins ont réclamé que les écoles soient mieux outillées pour traiter des questions de santé mentale chez les enfants. Le Dr Richard Goldbloom, professeur en pédiatrie, est même allé jusqu’à dire que : « Je considère que l'école est le centre de soins de santé le plus sous-exploité de n'importe quel centre au pays[228]. » Il a ajouté que :

[N]ous devons effectuer un déménagement majeur. Les services de santé mentale dans la plupart des collectivités doivent déménager dans les écoles. L'école est l'habitat naturel des enfants. Ils y vivent pendant six ou huit heures par jour, les parents y vont souvent, et c'est là qu'on peut régler les problèmes en collaborant avec les enseignants[229].

Le DJohn Service, président de la Canadian Alliance on Mental Illness and Mental Health, a abondé dans le même sens :

Si nous ne prenons qu'un seul groupe, c'est-à-dire les jeunes adultes, et que nous demandons à ces derniers pourquoi ils n'ont pas recours aux services de santé mentale, ils répondront très souvent que c'est parce que ces services se trouvent dans les grands hôpitaux, c'est-à-dire dans des endroits où ils ne se sentent pas à l'aise. […] L'endroit où nous offrons nos services signifie que parfois on ne s'en servira pas de façon très efficace. C'est une question sérieuse. […]

Après 15 ans de pratique comme psychologue auprès d'enfants, d'adolescents et de familles en Nouvelle-Écosse, je peux vous dire que nous avions des problèmes à faire en sorte que les enfants et leurs familles se sentent à l'aise en milieu hospitalier. Nous avons négocié un accord avec la commission scolaire du comté pour offrir nos services de santé mentale dans les écoles. C'était beaucoup plus efficace. Les gens se sentaient beaucoup plus à l'aise et nous avions aussi accès aux professeurs[230].

Un consensus s’est également dégagé sur l’importance pour les enseignants d’avoir la formation nécessaire afin de mieux reconnaître les problèmes de santé mentale chez leurs élèves et de les aider à trouver un traitement efficace, plutôt que d’aiguiller leurs élèves vers des salles d’urgence déjà surchargées ou de les inscrire sur de longues listes d’attente, comme ils le font actuellement.

La Dre Mimi Israël, psychiatre en chef à l’Hôpital Douglas (Montréal), réclame une injection de fonds dans la formation de professionnels — dont des enseignants — qui œuvrent dans des domaines autres que la santé mentale. En fait, selon elle, « nous devrions élaborer un programme d’études en santé mentale qui s’enchâsserait dans le programme pédagogique des enseignants, des techniciens en garderie et d’autres professionnels de la santé[231] ».

Mme Judy Hills, directrice exécutive de la Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie, a décrit un projet que son organisme a entrepris parce que « la recherche montre que l’enseignant est la première personne à qui les jeunes s’adressent en vue d’obtenir de l’aide[232] ». Elle a souligné que :

[L]es enseignants éprouvaient de la difficulté à composer avec l’évolution rapide des choses [dans le système scolaire]. Ils nous ont demandé si nous pourrions élaborer un guide pour les aider jusqu’à ce qu’ils trouvent de l’aide pour les enfants avec lesquels ils travaillent. Les enfants de leurs classes [devaient attendre] jusqu’à un an et demi pour des renvois à des services.

La fondation a constitué un groupe d’experts du domaine de l’éducation. Nous avions des directeurs, des enseignants, des éducateurs spécialisés et des jeunes, et ces personnes ont participé à l’élaboration d’un guide intitulé « Quand ça ne va pas »[233].

Mme Hills a ajouté quelques précisions :

Nous savons que les enseignants ne peuvent établir un diagnostic, et nous ne voulons pas qu'ils le fassent, mais nous voulons les aider à acquérir certaines compétences au chapitre du repérage précoce et à comprendre certains des troubles de l'humeur et du comportement qui pourraient être causés par des troubles mentaux. Cela leur procure une base leur permettant d'aller de l'avant[234].

Plusieurs mesures indispensables doivent être prises afin que l’école devienne un lieu privilégié pour la prestation efficace des services de santé mentale. Premièrement, son potentiel doit être reconnu. Deuxièmement, les services hospitaliers ou communautaires doivent être transférés à l’école ou alors de nouveaux services doivent y être établis. Troisièmement, il faut donner aux enseignants le temps et les ressources nécessaires pour jouer ce nouveau rôle qui exige une plus grande implication. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

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Que des services de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents soient fournis en milieu scolaire par des équipes constituées sur place, comme le recommande la section 6.2.1 ci-dessus.

Que les enseignants reçoivent une formation sur la détection précoce de la maladie mentale.

Que l’on accorde aux enseignants le temps voulu et les ressources et le soutien concrets nécessaires pour jouer ce nouveau rôle.

 

6.2.2.1  Dépistage de la maladie mentale

Certains ont suggéré au Comité de confier un nouveau rôle aux écoles, soit l’administration de tests de dépistage de la maladie mentale. Cette proposition suscite une certaine controverse. Ainsi, Mme Carolyn Mayeur, lorsqu’elle a témoigné devant le Comité pour raconter ce que sa fille a vécu, s’est prononcée en faveur de programmes généraux de dépistage :

Je crois qu'on devrait effectuer régulièrement des évaluations psychologiques dans toutes les classes. Danielle souffrait d'un déséquilibre chimique qui est apparu lorsqu'elle était très jeune, mais il n'y avait aucun mécanisme de dépistage. Nous aurions peut-être pu éviter beaucoup de choses si nous l'avions repéré plus tôt[235].

D’autres, dont la Dre Diane Sacks, présidente sortante de la Société canadienne de pédiatrie, prônent une approche plus ciblée :

Il est positif de reconnaître qu'il faut offrir les services en milieu scolaire. L'étape suivante consiste à reconnaître qu'il existe maintenant des outils peu coûteux, faciles à utiliser et déjà validés pour dépister nombre de ces troubles chez les enfants. Ces outils doivent être utilisés auprès d'une population à haut risque, qu'il est possible de définir dans le système scolaire.

Qui compose cette population? Ce sont les enfants souvent absents, ceux qui échouent ou qui décrochent. Il faut les repérer et vérifier automatiquement leur état de santé mentale. Il n'est pas nécessaire d'attendre qu'ils soient en prison pour les tester et constater, comme cela s'est fait aux États-Unis, que près de 80 p. cent des détenus sont atteints d'une maladie qui aurait pu être diagnostiquée[236].

Le Dr Norman Hoffman, directeur des Services de santé mentale pour étudiants de l’Université McGill, s’est montré plus prudent. Selon lui :

La tendance est au diagnostic rapide. Les programmes de dépistage comme celui de la dépression peuvent sensibiliser aux problèmes de la dépression, mais trop souvent, leur seul effet est de répandre l'idée selon laquelle la dépression serait une entité biologique particulière. C'est ce que prône l'industrie pharmaceutique, sans la moindre confirmation des milieux scientifiques.

L'humeur dépressive est un problème complexe. Il y a vingt ans, les étudiants nous consultaient et disaient : « Je me sens déprimé, abattu. » Aujourd'hui, ils disent : « Je crois que je fais une dépression ». Nous disons : « Que voulez-vous dire? Comment sentez-vous? Que se passe-t-il dans votre vie? » Ils répondent : « Non, je fais une dépression. » Les gens veulent des réponses rapides et des solutions rapides, mais cela ne donne rien[237].

Il a ensuite proposé une solution de rechange aux programmes généraux de dépistage :

En venant en aide aux familles à faible revenu en diminuant le nombre d'élèves par classe pour que les enseignants aient le temps de connaître leurs élèves. Parce que si les enseignants connaissent leurs élèves, alors il est inutile de faire un test de dépistage de dépression. Les professeurs sauront qui a des problèmes[238].

Le Comité est bien conscient de l’appui dont bénéficient les divers programmes de dépistage. Bien que fermement convaincus de l’importance d’un diagnostic précoce, nous sommes soucieux non seulement des critiques formulées, mais aussi des obstacles pouvant nuire à la mise en œuvre de tels programmes dans les écoles. Ces obstacles se divisent en deux grandes catégories.

6.2.2.1.1     Obstacles d’ordre juridique

Comme nous l’avons souligné à la section 4 du chapitre 4, les services de santé mentale relèvent principalement des provinces et des territoires; par conséquent la collaboration de ces dernières sera essentielle à la mise en œuvre d’une éventuelle stratégie nationale de dépistage de la maladie mentale. De plus, il faudra respecter les lois de chaque compétence concernant la prestation de services de santé en milieu scolaire, le consentement aux soins médicaux, la nature confidentielle des renseignements personnels et l’hospitalisation d’un élève pour traiter une maladie donnée.

Le Comité estime que pour effectuer le dépistage des éventuels problèmes de santé mentale chez les élèves, il faudra au préalable obtenir un consentement éclairé, même si ce dépistage ne figure pas parmi les services médicaux nécessitant un consentement en vertu des dispositions législatives provinciales et territoriales applicables. Il faudrait donc obtenir le consentement soit de l’élève, soit des soignants membres de sa famille, selon la situation.

L’âge auquel une personne est considérée apte à consentir à un traitement ou à le refuser varie selon les provinces et les territoires. Cependant, quoi qu’en dise la loi, l’âge n’est pas un facteur déterminant : une personne qui est mineure ou qui n’a pas l’âge prévu par la loi peut très bien être capable de consentir à un traitement médical si elle en comprend la nature et les conséquences.

Pour qu’un consentement soit valide, il doit être donné en toute liberté et en toute connaissance de cause, ce qui veut dire que l’intéressé doit être bien informé de la nature, de la gravité et des risques d’un dépistage de maladie mentale. Il a aussi droit à des réponses claires à ses questions au sujet du procédé ou du processus. Il peut s’avérer particulièrement important d’exiger que le consentement soit accordé sans influence indue et sans recours à la force dans les cas où un élève, qui n’a pas encore atteint l’âge requis pour consentir, est prié d’accepter un dépistage de maladie mentale alors qu’il est en présence de dirigeants d’école, de professionnels de la santé et de pairs.

Si des tests de dépistage de la maladie mentale sont administrés à l’école, des mesures devront être prises pour protéger la confidentialité des renseignements personnels de chaque élève. De plus, si un élève est compétent et apte à accorder lui‑même son consentement, une question de nature juridique se pose, à savoir si le dépistage et ses résultats peuvent être divulgués à la famille de l’élève. La loi n’est pas la même d’un bout à l’autre du Canada. Diverses situations peuvent donc se présenter : il peut y avoir, selon les cas, interdiction, permission ou obligation de communiquer à la famille l’information sur l’état de santé de l’élève et les soins qui lui sont dispensés.

Un traitement qui fait suite aux résultats du dépistage sera aussi assujetti à d’importantes considérations juridiques. Les dispositions touchant le consentement et la confidentialité de l’information continueront de s’appliquer, mais celles s’appliquant au traitement ne seront pas nécessairement les mêmes qu’au moment du dépistage. Le traitement de la maladie mentale est une question aux conséquences plus graves que l’évaluation; il est donc possible qu’une personne capable de consentir à un dépistage et à la divulgation des résultats ne soit pas apte à consentir à un traitement ou à interdire que des tiers (par exemple la famille) soient informés des diverses options de traitement.

6.2.2.1.2     Obstacles d’ordre pratique

Non seulement y a‑t‑il incompatibilité des lois en matière de dépistage de la maladie mentale, mais il y a aussi lieu de se demander ce que les administrations scolaires ou les soignants membres de la famille feront de l’information que pourrait révéler le dépistage. À l’heure actuelle, seul un faible pourcentage de personnes aux prises avec une maladie mentale ou une toxicomanie, enfants ou adultes, consulte un professionnel de la santé[239]. Et pourtant, le système est déjà surchargé.

Si des tests de dépistage de maladie mentale sont administrés à grande échelle dans les écoles, il faudra raisonnablement s’attendre à ce que la maladie mentale soit diagnostiquée chez un plus grand nombre d’enfants et d’adolescents. Carole Tooton, directrice exécutive de l’Association canadienne pour la santé mentale, Division de la Nouvelle‑Écosse, a mis le Comité en garde :

Actuellement, nous hésitons quelque peu à donner des conférences dans les écoles. Nous recevons beaucoup d'appels, surtout de classes de 11e année, dont une partie du programme d'études traite de psychologie. Nous craignons que, après notre exposé, l'école ne mette pas en place de système pour régler les problèmes qui pourraient survenir à l'issue de la conférence. Nous devons savoir que les enseignants et les orienteurs disposent d'une stratégie appropriée pour traiter avec un étudiant qui réalise qu'il pourrait souffrir d'un problème de dépression ou qui a des pensées suicidaires.

Nous sommes hésitants parce que nous savons qu'une stratégie de suivi appropriée est essentielle à la réussite de notre programme. Si l'école n'a pas de stratégie, elle a du mal à trouver les bons professionnels dans le système[240].

De plus, même si la stratégie voulue est en place, il reste que, pour des raisons dont il est question à la section 6.3 du présent chapitre, il est peu probable que nous disposions prochainement d’un nombre suffisant de professionnels de la santé mentale pour aider ces enfants et adolescents. Dans ces circonstances, le dépistage ne sera d’aucune utilité et risque même de causer du tort.

En résumé, même si le Comité estime que le dépistage de la maladie mentale dans les écoles peut offrir certains avantages, deux motifs militent contre l’établissement d’un programme de dépistage à grande échelle à l’heure actuelle. En premier lieu, une stratégie nationale sera tout à fait impraticable étant donné l’incompatibilité des dispositions législatives provinciales et territoriales actuelles; malheureusement, on ne constate pour l’instant aucune volonté d’entreprendre la profonde réforme législative qui serait nécessaire pour éliminer ces incompatibilités.

En deuxième lieu, s’il est vrai que des mesures ciblant des groupes particuliers de la population étudiante soient prometteuses, il reste que l’actuelle pénurie de professionnels de la santé constitue toujours un obstacle de taille.

Peut‑être, lorsque le système de santé mentale aura subi une réforme permettant d’améliorer sa capacité et son efficacité, pourra‑t‑on envisager d’appliquer certains programmes circonscrits de dépistage dans certaines compétences.

6.2.2.2Stigmatisation et discrimination

La question de la stigmatisation et de la discrimination revient tout au long du rapport et fait l’objet d’un examen plus détaillé au chapitre 16[241]. Néanmoins, le Comité tient à souligner de nouveau l’importance de commencer très tôt à appliquer dans les écoles les mesures d’information et de sensibilisation au sujet de la maladie mentale.

La stigmatisation est souvent le résultat de l’ignorance. Or, les Canadiens savent peu de choses sur la maladie mentale. Les raisons qui militent en faveur de programmes de sensibilisation visant les jeunes sont simples. Comme le souligne le Dr Simon Davidson, chef de la psychiatrie au Centre hospitalier pour enfants de l’Est de l’Ontario, « nous avons constaté que c'est assez facile d'amener les jeunes à ne plus stigmatiser tout ce qui touche la santé mentale. Je ne crois pas qu'on puisse dire la même chose des adultes[242] ».

Bref, quand les ressources sont rares, il est préférable que l’information vise ceux qui y sont le plus réceptifs. Par conséquent, le Comité recommande :


 

 

 

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Que les élèves soient informés à l’école au sujet de la maladie mentale et de sa prévention et que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) travaille en étroite collaboration avec les éducateurs pour mener des campagnes de sensibilisation ciblées visant à réduire la stigmatisation et la discrimination.

 

6.2.3    Après l’école — Le passage au système pour adultes

Comme nous l’avons dit précédemment dans ce chapitre, aucune date limite ne s’applique à la maladie mentale. Or, on ne peut pas en dire autant des services sociaux et de santé mentale à l’intention des enfants et des adolescents. Le Comité estime que ce problème fort répandu ne doit pas perdurer.

6.2.3.1               Services de santé mentale

La brusque interruption des services essentiels a été comparée par certains, à juste titre, à l’impression de tomber d’une falaise. Et pourtant, c’est ce que vivent beaucoup trop souvent les adolescents quand ils atteignent un âge établi d’avance par une loi ou une politique qui fait qu’ils deviennent subitement inadmissibles aux services de santé mentale « pour enfants ». Un jour, ils y ont droit, et le lendemain, soit le jour de leur anniversaire, c’est fini. Comme l’a souligné le Dr Ashok Malla, directeur de la recherche à l’Hôpital Douglas :

[L]a ségrégation entre service pour adolescents ou enfants et service pour adultes est artificielle, selon moi, et elle est contre-productive. Il convient à tout prix de protéger les ressources destinées à ce groupe d'âge car il faut traiter de façon suivie les troubles qui apparaissent à l'adolescence en sorte que l'on puisse compter sur les compétences nécessaires quand une personne a besoin d'être soignée plutôt que de lui faire passer X nombres d'années dans tel ou tel service puis de la transférer ailleurs quand elle atteint l'âge magique de 18 ans[243].

Certaines situations décrites au Comité sont absolument absurdes, comme celle-ci, présentée par la Dre Linda Bayers, directrice exécutive de Self Help Connection :

Pour ce qui est des 17 et 18 ans, on a ouvert une clinique de santé mentale tout juste à côté d'une école secondaire, mais les jeunes devaient attendre d'avoir 19 ans pour en utiliser les services. Allez comprendre! Nous devons faire beaucoup mieux pour aider ceux qui sont dans ce groupe d'âge[244].

On peut s’interroger sur les motifs qui sous‑tendent ce genre de décisions, mais les conséquences sont bien réelles. Phyllis Grant-Parker décrit ainsi l’expérience de son fils :

On dirait que le système s'attend à ce qu'un jeune souffrant d'une maladie mentale devienne spontanément un adulte autonome. À Ottawa, où nous résidons, nous n'avons pas pu trouver de traitement approprié à son âge. L'Hôpital pour enfants de l'Est de l'Ontario — HEEO — n'offre pas de programme du genre. La liste d'attente à la clinique de soins des premiers épisodes de psychose, à Ottawa, à l'Hôpital d'Ottawa, est de six mois. Ce faisant, mon fils a été hospitalisé dans un hôpital de soins tertiaires, parmi des adultes souffrant de maladie chronique et n'offrant pas de programme de réhabilitation. Tout cela donne peu d'espoir pour un adolescent et sa famille[245].

Les enfants et les adolescents ont besoin de services de santé mentale spécialisés, mais il n’y a aucune raison pour que de tels services soient isolés du système de santé mentale général. À l’heure actuelle, on observe des chasses gardées qui font que particuliers et organismes fonctionnent chacun de leur côté, sans contact entre eux; cette habitude doit cesser.

Il incombe aux professionnels de la santé mentale de travailler en collaboration afin d’anéantir les obstacles qui existent au sein des systèmes pour adultes et enfants et entre ces systèmes. Tous les services de traitement, qu’ils soient offerts en milieu communautaire, scolaire ou hospitalier, doivent être entièrement intégrés afin que les enfants et les adolescents bénéficient d’interventions qui leur conviennent et ce, tant qu’ils en auront besoin.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

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Que les gouvernements des provinces et des territoires s’efforcent d’éliminer la compartimentation sur les plans de la législation, de l’administration ou des programmes qui les empêche de veiller comme il se doit à assurer le passage de l’adolescence à l’âge adulte et qu’elles adoptent les mesures suivantes :

  • Que l’âge limite pour les services de santé mentale destinés aux enfants et aux adolescents soit établi en fonction de considérations d’ordre clinique plutôt que d’ordre administratif, budgétaire ou autre.
  • Que, dans les cas où un âge limite est fixé, un lien soit établi entre les services offerts aux enfants et aux adolescents et les services pour adultes afin d’assurer une transition harmonieuse.
  • Que, dans les cas où un âge limite est fixé, il n’y ait pas de période d’interruption où une personne est inadmissible au traitement tant dans le système pour enfants et adolescents que dans le système pour adultes.

 

6.2.3.2              Services sociaux

Les limites d’âge ont abouti à certains résultats absurdes dans le contexte des services de santé mentale, mais elles entraînent dans le domaine des services sociaux des situations qui défient l’entendement. L’échange reproduit intégralement ci‑dessous, entre Andy Cox, défenseur des soins de santé mentale au Centre de santé IWK (Hôpital pour enfants) à Halifax, et le président du Comité, a eu lieu lors des audiences publiques du Comité à Halifax. La discussion ne concerne pas une personne atteinte d’une maladie mentale, mais elle illustre bien le manque de services que vivent constamment ces personnes :

M. Cox : D'abord, permettez-moi de vous donner un exemple. Nous avons un jeune de 18 ans dans notre unité des malades hospitalisés. Il s'y trouve depuis octobre [sept mois]. Il n'est atteint d'aucune maladie et ne souffre d'aucun problème mental. Les services communautaires ne pouvaient l'accueillir. Il s'est présenté à l'urgence de l'IWK et a été admis à l'hôpital. Nous essayons, depuis, de lui trouver un endroit où vivre. Nous avons trois ou quatre cas de ce genre sur notre liste.

Le président : Pourquoi a-t-il été admis s'il n'avait rien?

M. Cox : Les Services communautaires ne pouvaient pas l'aider. Il est aveugle.

Le président : Vous lui avez donné un lit dans un hôpital parce que le ministère des Services communautaires, pour reprendre vos mots, ne pouvait l'aider?

M. Cox : Oui, et nous essayons, depuis, de nous battre, de porter l'affaire en appel.

Le président : Il occupe un lit d'hôpital parce qu'il n'a pas d'autre endroit où aller? Il n'est pas malade?

M. Cox : Non, il ne l'est pas.

Le président : Il n'a pas commis de crime?

M. Cox : Non.

Le président : Vous comprenez pourquoi cela ressemble, pour le simple citoyen, à...

M. Cox : Les cas de ce genre ne sont pas rares.

Le président : Ce n'est pas un cas unique?

M. Cox : Non[246].

Le problème semble découler du libellé de certaines lois provinciales. Comme l’explique Christine Brennan, superviseure des Services pour les jeunes et les personnes âgées au Bureau de l’ombudsman de la Nouvelle‑Écosse :

Ce qu'il faut comprendre, c'est que la Loi sur les services à l'enfant et à la famille dispose que le ministre doit offrir des services aux enfants âgés de 15 ans et moins. Dans le cas des jeunes âgés entre 16 et 18 ans, il peut leur en offrir, mais à sa discrétion. Le mot « doit » est considéré comme une obligation. Il existe des lacunes au niveau des services offerts aux jeunes âgés de 16 et 17 ans, parce que la loi dit que le ministre peut, à sa discrétion, leur en offrir.

En règle générale, les nombreux jeunes qui ont besoin de services de ce genre ne respectent pas les plans d'intervention qui sont établis à leur intention et deviennent des jeunes à problème. Il est plus facile de mettre fin à une entente de soins ou de ne pas fournir de services, ce qui complique les choses, car les jeunes qui ont besoin de ces services ne peuvent y avoir accès parce qu'ils ont un problème de comportement[247].

Le Comité est d’avis que les services de santé mentale et les services sociaux sont tous les deux essentiels pour assurer le mieux‑être. Une gamme intégrée de services d’un type ou de l’autre est bénéfique pour les enfants et les adolescents, mais les effets favorables sont décuplés si les deux systèmes sont reliés.

Quiconque est aux prises avec une maladie mentale ne devrait pas être abandonné dans un vide législatif entre le système pour enfants et adolescents et le système pour adultes.


Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

20

Que les gouvernements des provinces et des territoires coordonnent les services de santé mentale et les services sociaux et, à cet égard, veillent à ce que l’âge limite pour les services sociaux destinés aux enfants et aux adolescents coïncide avec celui établi pour les services de santé mentale.

6.3       PÉNURIE DE PROFESSIONNELS EN SANTÉ MENTALE TRAITANT LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS

Pour les Canadiens, les pénuries de professionnels de la santé n’ont rien de neuf. Ni le système de santé mentale, ni le sous‑système qui s’occupe des enfants et des adolescents n’y ont échappé.

À maintes reprises, le Comité s’est fait dire qu’il faut multiplier le nombre de professionnels de la santé mentale au Canada, particulièrement ceux qui se spécialisent dans le traitement des adolescents. La Dre Nasreen Roberts, directrice du Service d’urgence pour adolescents et du Service aux hospitalisés à l’Hôpital Hôtel Dieu à Kingston, a donné un exemple lors de son témoignage :

Il est important de fournir des soins très rapidement et un service de consultation d'urgence. Je viens juste d'établir une liste d'attente des 16 écoles de médecine de partout au pays. Le temps d'attente pour le triage est de deux à quatre semaines. Le temps d'attente pour voir un professionnel varie de huit semaines à 18 mois.

Il y a moins de 500 psychiatres pour enfants et adolescents au pays. Si vous prenez seulement 14 p. cent des enfants atteints de troubles graves dans la population générale, ça fait 800 000 enfants partout au Canada. Je vous parle uniquement des troubles graves; ça ne comprend pas les 22 p. cent que j'aurais dû utiliser. Ce sont des chiffres très importants[248].

Étant donné que les écoles de médecine ne produisent que dix pédopsychiatres par année[249], le problème dont parle la Dre Roberts risque de subsister encore longtemps.

Il n’est pas suffisant toutefois d’augmenter seulement le nombre de psychiatres. Il faut également aborder la question des pénuries chez les autres professionnels de la santé mentale spécialisés dans le traitement des enfants et des adolescents, notamment les psychologues, les infirmières et les travailleurs sociaux. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

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Que les pouvoirs publics prennent immédiatement des mesures pour remédier aux pénuries de professionnels de la santé mentale spécialisés dans le traitement des enfants et des adolescents.

 

6.3.1     Mesures de transition

Le Comité convient que les temps d’attente doivent être réduits, mais il est aussi bien conscient du fait qu’il sera extrêmement long d’accroître la capacité du système, particulièrement lorsqu’il s’agit de former des professionnels de la santé mentale spécialisés dans le traitement des jeunes.

Le Comité estime par conséquent important d’examiner des mesures qui permettront de remédier à la situation à court terme. À cet égard, la téléspychiatrie, les modèles de traitement non traditionnels et les conférences de cas peuvent être utiles selon nous. Ces mesures de transition permettront de patienter pendant la période de restructuration nécessaire afin d’accroître la capacité du système de santé mentale de venir en aide aux enfants et aux adolescents.

6.3.1.1  Mettre en commun les ressources existantes — La télépsychiatrie

Le Comité a entendu des témoignages sur les avantages des nouvelles technologies. L’une d’elle — en l’occurrence la télépsychiatrie — sera examinée en détail au chapitre 12. Cependant, le Comité souhaite aborder la question dans le présent chapitre en raison de son utilité toute particulière dans le traitement des enfants et des adolescents.

Les pénuries de professionnels de la santé mentale se font habituellement sentir avec plus d’acuité dans les régions rurales et éloignées. Les personnes vivant dans des collectivités n’offrant que peu de services de santé mentale, voire aucun, sont parfois obligées de parcourir de grandes distances pour obtenir des traitements. C’est en pensant à elles que certains témoins ont suggéré au Comité le recours accru à la télépsychiatrie. Selon Michelle Forge :

Il n'y a aucun pédopsychiatre sur notre territoire. En toute franchise, l'accès merveilleux dont nous avons joui grâce à la télépsychiatrie — je crois que nous avons bénéficié de plus de 200 consultations psychiatriques — nous a permis de faire des choses à l'échelon communautaire que nous n'aurions pas été en mesure de faire autrement. Nous avons besoin de cet accès. Nous n'en avons pas nécessairement besoin tout le temps, mais nous avons besoin de l'accès, et nous avons besoin d'un milieu pédiatrique disposé à nous soutenir[250].

Le succès de cette option repose sur l’accès à une expertise externe offerte par des professionnels de la santé locaux, que ce soit des psychologues, des infirmières, des travailleurs sociaux ou des médecins de premier recours. La télépsychiatrie permettra de partager les ressources existantes avec les régions mal desservies seulement si celles‑ci offrent déjà un service de santé mentale de base. De plus, les professionnels de la santé locaux et leurs clients doivent vouloir et pouvoir utiliser la technologie et être réceptifs aux conseils donnés par des consultants à distance.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

22

Que le recours à la télépsychiatrie augmente dans les régions rurales et éloignées afin qu’il soit plus facile pour ces collectivités de tirer parti des services offerts par le personnel spécialisé dans la santé mentale des enfants et des adolescents.

Que la télépsychiatrie serve à des fins tant de consultation que d’éducation et de formation des professionnels de la santé qui travaillent dans les collectivités rurales et éloignées.

 

6.3.1.2     Mettre l’accent sur des modèles de traitement non traditionnels — La thérapie de groupe

Nombre d’experts ont suggéré le recours à des modèles de traitement non traditionnels, particulièrement la thérapie de groupe, afin de réduire les listes d’attente. Selon Andy Cox :

[C]'est qu'il faut créer des groupes supplémentaires. Nous avons des jeunes qui pâtissent sur une liste d'attente, quand nous pourrions les regrouper et commencer à parler plus rapidement de maladie mentale, et, par conséquent, déterminer vers quels services ces jeunes devraient être dirigés[251].

Le Dr Richard Goldbloom, exprimant le même point de vue, a présenté un cas décrit par la British Paediatric Association où la thérapie de groupe a été appliquée à des enfants souffrant de déficience de l’attention avec hyperactivité. D’après le Dr Goldbloom :

En un an, la liste des enfants qui attendent de faire l'objet d'une évaluation au titre de l'hyperactivité avec déficit de l'attention a triplé. Pour contrer ce problème, on a tenu des séances d'information à l'intention des parents dont le nom figurait dans la liste d'attente de la clinique depuis neuf mois ou plus.

On a réduit la liste d'attente. Bon nombre des enfants ont commencé à suivre des traitements dans le cadre de séances collectives. On a réduit la liste d'attente de 20 mois à 0 en sept mois seulement. C'est possible[252].

De toute évidence, il y a un manque criant de professionnels de la santé mentale spécialisés dans le traitement des enfants et des adolescents. Cependant, il est possible de réduire l’impact de ce manque si l’on renseigne les spécialistes sur la meilleure façon de gérer les listes d’attente, particulièrement grâce au recours aux traitements non traditionnels. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

23

Que l’on ait recours à des thérapies de groupe normalisées et fondées sur des données probantes, quand cela convient sur le plan clinique, afin de réduire les temps d’attente pour les enfants et les adolescents qui ont besoin de services de santé mentale.

 

6.3.1.3  Travailler en coopération — Les conférences de cas

Le présent chapitre le montre clairement : les enfants et les adolescents sont mal servis par le système de santé mentale. Par conséquent, il faut envisager toutes les options possibles pour améliorer les niveaux de service, parmi elles les conférences de cas.

Barbara Whitenect, qui était lors de son témoignage directrice intérimaire des Services à l’enfance et à la jeunesse du ministère de la Santé et du Mieux‑être du Nouveau‑Brunswick, décrit la situation en ces termes :

Au Nouveau-Brunswick, nous avons notamment adopté une démarche fondée sur des conférences de cas exhaustives. [...] Souvent, en raison de la forte demande en services, des listes d'attente ou des mandats, les gens ne prennent pas le temps qu'il faut.

Nous devons envisager de formuler un mandat à cet égard et de le relier au financement. Les gens doivent travailler ensemble, partager avec le groupe les ressources dont ils disposent pour aider les enfants, et soumettre leurs enjeux à la discussion. ... Nous devons connaître et comprendre leur dynamique. Nous le pourrons si nous sommes tous assis à la même table[253].

Mme Whitenect a ensuite décrit l’incidence favorable de la mise en œuvre de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents :

Lorsqu'un jeune commet une infraction, le juge ordonne aux partenaires communautaires d'organiser une conférence de cas avant qu'il ne détermine la peine. C'est bien dommage que le jeune doive commettre une infraction pour qu'une conférence de cas se tienne en vertu de la loi[…]

Les gens disent : « J'ai des listes d'attente », et patati et patata. Si un juge leur ordonne de le faire, alors ils le font. Nous avons vu des résultats positifs. Nos gens ne sont pas surchargés, car c'est seulement dans des cas très difficiles et des situations extrêmes que nous devons partager nos ressources avec le groupe.

Sans vouloir trop me répéter, si nous commençons à agir de façon stratégique et à dire que notre financement dépend de l'application de ces conférences de cas, nous pourrons restructurer les méthodes de travail des gens et atteindre les résultats voulus[254].

Le Comité estime que les conférences de cas pourraient accroître l’efficacité du système de santé mentale tout en en réduisant les coûts. Cette solution est un autre exemple des mesures de transition qui peuvent aider à compenser le manque de professionnels de la santé mentale spécialisés dans le traitement des enfants et des adolescents. Par conséquent, nous recommandons :

 

 

24

Que les gouvernements des provinces et des territoires encouragent leurs institutions sanitaires, éducatives et judiciaires à collaborer étroitement afin que les enfants et les adolescents puissent avoir toujours facilement accès aux services de santé mentale.

Que les conférences de cas soient davantage utilisées en vue d’établir les priorités et de coordonner la prestation de services de santé mentale pour les enfants et les adolescents.

 

6.4       INCLURE LES ADOLESCENTS ET LES SOIGNANTS MEMBRES DE LA FAMILLE DANS LE TRAITEMENT

Les enfants et les adolescents présentent un défi particulier pour les professionnels de la santé mentale. En effet, leur corps et leur esprit ne cessent de croître et de changer. Adapter les interventions de traitement pour tenir compte de cette réalité est un processus délicat qu’il convient d’aborder avec un grand respect pour le client et ses aidants naturels. Si l’unité familiale est dysfonctionnelle, il convient de la traiter dans son ensemble et de fournir à tous les membres l’aide dont ils ont besoin.

Le Comité juge qu’il est important d’inclure les jeunes et les membres de leur famille à toutes les étapes du processus. D’après Judy Finlay, intervenante en chef du Bureau d’assistance à l’enfance et à la famille de l’Ontario :

Si nous commençons à percevoir les parents et les enfants comme des collaborateurs au chapitre de l'évaluation, de la planification, de la prestation et de l'évaluation des services en santé mentale, cela va forcément mener à une intervention familiale, où l'enfant et la famille sont au centre. Tant que notre système sera axé sur le fournisseur, les familles seront toujours marginalisées. Nous devons adopter un modèle axé sur la famille qui permet à l'enfant et à la famille de bien vivre au sein de leur collectivité[255].

Il ne sera pas aisé de passer à ce modèle de prestation de services. Il faudra modifier la tournure d’esprit qui, jusqu’à maintenant, a donné un système de santé mentale conçu pour répondre aux besoins des institutions et des fournisseurs plutôt que des clients. Premièrement, il faut reconnaître que les jeunes et les familles sont des partenaires à part entière, capables de définir des solutions qui répondent le mieux à leurs besoins. Le Comité appuie sans réserve cette approche et recommande par conséquent :

 

 

25

Que des thérapies familiales fondées sur des données probantes soient appliquées afin que tous les membres de la famille aient accès à l’aide dont ils ont besoin.

 

 

Que les professionnels œuvrant auprès des enfants et des adolescents atteints d’une maladie mentale aient accès à des possibilités de formation leur permettant de répondre adéquatement aux besoins en santé mentale de leurs jeunes clients.

Que le traitement familial de la santé mentale soit intégré au programme d’études des professionnels de la santé mentale et des médecins de premier recours.

Que les professionnels soient indemnisés pour le temps qu’ils passent avec les soignants membres de la famille, en plus du temps consacré aux jeunes atteints de maladie mentale.

Que tous les spécialistes œuvrant auprès des enfants et des adolescents suivent une formation sur les droits de l’enfance.

6.5       L’AUTISME

Dans son premier rapport, le Comité a expliqué que des professionnels de la santé lui avaient souligné les obstacles à la prestation de service et que des aidants naturels lui avaient parlé du fardeau émotionnel et financier qui est le lot de ceux qui s’occupent des personnes atteintes d’autisme. Ces déclarations et un examen de la documentation nous ont amenés à parler de l’autisme comme étant un « trouble mental ». Or, il s’avère que nous aurions dû consulter des personnes atteintes d’autisme avant d’adopter cette position.

Lors des audiences publiques qui ont suivi la publication de nos rapports intérimaires sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie, le Comité a entendu d’autres témoignages sur la question. Cette fois cependant, nous avons recueilli des points de vue fort divergents sur ce qu’est l’autisme et sur la façon dont le système de santé mentale doit traiter cette question.

Mme Norah Whitney, qui a un enfant atteint d’autisme, a déclaré que :

Sans traitement efficace, l'autisme est un trouble permanent qui mène au placement de plus de 90 p. cent des enfants non traités dans des centres d'accueil et des établissements de logement. Seulement un enfant sur 64 réussira à s'améliorer sans bénéficier de traitement[256].

Elle a par la suite ajouté que :

[P]resque 50 p. cent des enfants autistes qui sont traités avant leur admission à l'école, idéalement, à l'âge de deux ans, s'assimilent complètement à leurs pairs, au point de ne plus pouvoir être différenciés. En d'autres mots, avec ce traitement, il y a un taux de rétablissement de 47 p. cent. Maintenant, je sais que de nombreuses personnes ne croient pas au rétablissement lorsqu'il est question d'autisme, mais j'ai vu ces enfants de mes yeux, et, si je ne l'avais pas su, je n'aurais jamais pu cerner une trace d'autisme dans les mouvements de leur petit corps[257].

Selon Mme Whitney, l’autisme est une maladie[258] qui, si elle n’est pas traitée, a de graves conséquences pour les personnes touchées et les membres de leur famille. Elle préconise le recours précoce à l’intervention comportementale intensive (ICI), disant qu’« il s’agit du seul traitement efficace pour l’autisme[259] ». Elle a ajouté aussi que les aidants naturels vivent des difficultés financières en raison du coût élevé de l’ICI et du fait que les régimes de santé provinciaux n’offrent qu’une aide limitée.

Les personnes atteintes d’autisme, comme Michelle Dawson, s’opposent vivement à ces arguments. Mme Dawson a riposté en ses termes :

Les groupes de défense des personnes autistes ont décrit les personnes autistes en utilisant les termes les plus affreux et les plus horribles. Nous nous détruisons nous-mêmes, nous détruisons nos familles et l'économie, et il est fort probable que nous ruinerons sous peu le pays tout entier tant qu'on ne nous fera pas subir des traitements coûteux. Le fait même que nous continuions d'exister, tels que nous sommes, en tant que personnes autistes, est considéré comme une atteinte à la notion même du Canada.

Parallèlement, les défenseurs des personnes autistes soutiennent que cette catastrophe nationale imminente peut être évitée si l'on dispose de fonds illimités pour des interventions intensives qui se fondent sur l'analyse comportementale appliquée, de type Lovaas ou autre, pour les personnes autistes de tout âge. […]

[L]es aptitudes et les traits de caractère des personnes autistes sont non existants ou destructifs, inutiles et mauvais. Il y a tout à gagner et rien à perdre si nos vies sont consacrées à tâcher chaque minute d'être normal, c'est-à-dire de ne pas être autistes. L'objectif de ce type d'intervention, comme l'a écrit à maintes reprises Ivar Levaas, est de construire une personne là où elle n'existe pas[260].

Mme Dawson est d’avis que l’autisme n’est pas une maladie mentale[261]. D’après elle, « il nous faut une source d'information exacte et objective à propos de l'autisme au Canada[262] » et à son avis, le présent rapport n’est pas le moyen idoine pour traiter cette question.

Le Comité reconnaît que les aidants naturels ont de la difficulté à offrir les meilleurs soins possibles aux personnes atteintes d’autisme. Les problèmes émotionnels et financiers qu’ils vivent sont bien réels, et une solution s’impose. Cependant, nous ne croyons pas que le Comité soit à même de formuler des recommandations en ce moment. Il faut approfondir l’étude du sujet si nous voulons rendre justice à une question extraordinairement complexe où la question fondamentale — soit « l’autisme est‑il une maladie mentale? » — suscite la controverse[263].

Dans son rapport précédent intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, le Comité a présenté les études thématiques qu’il a l’intention de réaliser. Ces études nous tiennent à cœur, comme en témoigne la présente sur la santé mentale et la toxicomanie. Nous espérons ainsi avoir l’occasion de nous pencher sur l’autisme. En attendant, nous recommandons un débat plus approfondi entre toutes les parties prenantes. Le Comité estime en particulier que les personnes atteintes d’autisme doivent être vues comme des partenaires à parts égales dans les discussions à ce sujet.

6.6       CONCLUSION

Le Comité s’inquiète beaucoup de la capacité du système de santé mentale de répondre aux besoins des enfants et des adolescents. La fragmentation des services, jumelée au sous‑financement, à la pénurie de professionnels de la santé mentale et au manque de participation des jeunes et de leurs familles dans les traitements à long terme ont retardé l’application des interventions, lesquelles sont inadéquates de toute façon. La situation est, pour tout dire, inacceptable. Il faut investir beaucoup plus dans la santé mentale des enfants si nous voulons corriger son statut de parent pauvre au sein d’un système de santé mal en point. Nous estimons qu’un investissement dans l’intervention précoce, effectuée selon nos recommandations et visant à restructurer le système de toute urgence, entraînera d’importantes économies à long terme pour le système de soins de santé et bien plus.


CHAPITRE 7:
NOS AÎNÉS

7.1        INTRODUCTION

Lorsqu’on parle de maladie mentale chronique grave, on ne parle pas de la maladie d’Alzheimer ni de la démence, comme tout le monde pourrait tout de suite penser. On parle des adultes âgés et des personnes âgées qui ont souffert toute leur vie de schizophrénie, d’un trouble bipolaire ou d’un trouble de la personnalité. Comme les gens vieillissent, c’est certain que nous allons voir plus souvent ce genre de cas. Ces personnes sont probablement les plus difficiles, les plus vulnérables et les plus oubliées que nous servons. —Suzanne Crawford[264]

Aujourd’hui, les Canadiens ont une espérance de vie proche de 80 ans[265]. Par suite de ce fait et de la baisse du taux de natalité, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent une proportion importante et croissante de notre population[266]. Et parmi ces personnes âgées, 20 p. 100 sont atteintes de maladies mentales[267].

 

Même si ce taux d’incidence est comparable à celui d’autres groupes d’âge, il masque des problèmes alarmants, comme le fait que 80 à 90 p. 100 des pensionnaires des établissements de soins de longue durée ont une maladie mentale[268] ou une forme de déficience intellectuelle[269]. De plus, ce chiffre ne dit pas qu’un nombre croissant d’aînés ont des problèmes particulièrement aigus comprenant des taux élevés de maladie d’Alzheimer et des types de démence qui y sont associés et, dans le cas des hommes, un taux de suicide très important[270].

Au cours de ses consultations, le Comité a noté un certain nombre de problèmes importants qui, même s’ils sont caractéristiques des aînés, sont liés aux grandes lacunes du système de santé mentale. Malheureusement, le Comité a constaté que, dans le cas des aînés, comme dans celui des autres groupes de la population, les services disponibles de traitement et de soutien sont en général insuffisants. Plus particulièrement, il manque de programmes de traitement spécialisés et de services de soutien pour les aînés, et il n’y a pas assez de recherche et d’échange de renseignements pour que ces programmes et services puissent être développés et améliorés.

De plus, il arrive souvent que les aînés n’aient pas accès aux services de santé mentale là où ils vivent. C’est une considération importante, compte tenu de leur mobilité limitée. Le fait que les aînés font souvent la transition entre des soins communautaires et des soins donnés en établissement n’est pas toujours pris en considération et prévu dans la planification, ce qui complique la transition pour la personne en cause et la rend inefficace. Enfin, les efforts déployés pour remédier aux lacunes des services existants de traitement et de soutien sont régulièrement entravés par l’application d’une philosophie consistant à « caser » ou à « parquer » ceux qui ont le malheur d’être à la fois âgés et atteints de troubles mentaux. Il est triste de constater qu’on s’occupe fort peu du rétablissement des aînés atteints d’une maladie mentale.

7.2       BESOINS DE TRAITEMENTS SPÉCIALISÉS

Les aînés ne sont pas tout simplement des adultes âgés dont les problèmes mentaux peuvent être traités dans le cadre de programmes génériques censés convenir à tous les âges. Ils forment un segment démographique aux caractéristiques très particulières, dont les besoins de santé mentale se distinguent de ceux d’autres groupes. Un participant à la consultation en ligne du Comité a dit ceci à cet égard :

Les aînés ayant des troubles mentaux chroniques sont très loin de recevoir les mêmes services que les autres membres de la population. Ils ne sont souvent pas « adaptés » aux services et programmes de santé mentale en établissement conçus pour les adultes (parce qu’ils peuvent avoir des déficiences physiques, fonctionnelles et intellectuelles liées au vieillissement, en sus de leurs troubles mentaux chroniques). Ils ne sont pas nécessairement « adaptés » non plus aux programmes à long terme (car ils peuvent être physiquement et fonctionnellement bien portants).
—Anonyme

Mme Jennifer Barr, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, partage ce point de vue. Pour elle :

... les aînés sont un groupe distinct. Ils méritent qu’on élabore des stratégies, des programmes et des politiques adaptés aux enjeux qui les intéressent, tout comme d’autres groupes ont besoin de programmes adaptés, à toutes les étapes de la vie. On ne peut pas servir tout le monde de la même façon[271].

Il est en outre important de reconnaître que les aînés ne forment pas un groupe homogène. Ils peuvent avoir des âges très différents, chaque groupe d’âge ayant des besoins particuliers en matière de santé mentale.

La prévalence de la maladie d’Alzheimer illustre bien ce point. Il est notoire que cette maladie touche les aînés d’une façon disproportionnée. Toutefois, si elle atteint une personne sur 13 au-dessus de 65 ans, son taux de prévalence grimpe à une personne sur trois au-dessus de 85 ans[272].

Il est important de tenir compte de cette diversité dans la prestation des services de santé mentale et dans la recherche sur laquelle ces services sont censés se baser. Comme l’a souligné Faith Malach, directrice administrative de la Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées, dans son témoignage devant le Comité :

... lorsqu’on parle des « personnes âgées », je ne sais pas vraiment si on présume qu’on parle d’un large éventail de personnes... Il existe d’énormes différences entre les personnes âgées de 65 ans et celles qui ont 95 ans, et lorsqu’on recueille des indicateurs et qu’on examine les statistiques, on ne doit pas oublier, que même chez les personnes âgées, la fourchette d’âge peut être énorme[273].

Cette incompréhension par le système de santé mentale de la diversité et des particularités des besoins des aînés pourrait être attribuable, du moins en partie, à l’insuffisance des échanges d’information entre les chercheurs en gérontologie, de même qu’entre les professionnels qui soignent les personnes âgées et l’ensemble de la communauté des soignants en santé mentale et en toxicomanie. Les témoins sont allés jusqu’à soutenir que les chercheurs canadiens travaillant dans le domaine de la santé mentale des aînés « ne savent pas du tout qui d’autre le fait[274] », malgré leur nombre assez réduit. D’après Jennifer Barr, la solution serait la suivante :

Nous devons diffuser l’information sur la gérontologie aux fournisseurs de services liés aux maladies mentales et à la toxicomanie. Nous devons diffuser l’information sur les maladies mentales et la toxicomanie aux fournisseurs de services gérontologiques. Évidemment, je présente cela de façon un peu simpliste. Bien sûr, toute cette documentation doit être adaptée au public visé. Encore une fois, elle doit être destinée aux personnes concernées et au rôle particulier qu’elles jouent. Pour ce qui est de la mise en commun des connaissances, elle doit être accompagnée de campagnes étendues de sensibilisation du public, d’entraide et de soutien aux bénéficiaires[275].

Compte tenu de ce qui précède, le Comité recommande :

 

 

26

Que l’un des objectifs du Centre d’échange des connaissances devant être créé à la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) soit de favoriser l’échange d’information parmi les chercheurs en gérontologie eux-mêmes, de même qu’entre les fournisseurs de services spécialisés aux personnes âgées et les autres fournisseurs de services en santé mentale et en toxicomanie.

Que la Commission canadienne de la santé mentale encourage la recherche sur les vastes éventails d’âges, d’environnements (par exemple, les services communautaires par opposition aux soins en établissement), de comorbidités et de questions culturelles ayant des incidences sur la santé mentale des aînés, et favorise l’adoption de pratiques exemplaires dans les programmes de santé mentale destinés aux aînés, de façon à combattre la marginalisation des adultes âgés inscrits à des programmes de traitement censément adaptés à tous les âges.

7.3       LIEU DE PRESTATION DES SERVICES

7.3.1     La réalité : un modèle de soins axé sur le fournisseur

Le système de santé mentale est axé sur les fournisseurs puisqu’il est généralement structuré de façon à répondre principalement aux besoins des fournisseurs de services individuels et institutionnels, et non de leurs clients. Par exemple, de nombreux services de santé mentale ne sont offerts que dans les hôpitaux ou d’autres établissements où des fournisseurs de soins ont leur siège. Mme Charmaine Spencer, professeur auxiliaire de gérontologie à l’Université Simon Fraser, a décrit d’autres caractéristiques de ce modèle axé sur le fournisseur :

... elles [les personnes âgées] sont limitées à des choses comme une consultation de dix minutes ou... [l’application du] principe « une consultation, un problème de santé ». Elles voient des signes qui leur font croire ça. Cela n’est pas propice à l’établissement d’un bon service en santé mentale, à quelque niveau que ce soit, ni à quelque service de santé pour les adultes âgés. En ce qui concerne les adultes âgés se trouvant dans cette situation, lorsqu’on s’occupe d’un problème à la fois, on en vient à adopter une méthode de gestion de crise...[276]

Pour les aînés, les difficultés occasionnées par le modèle de soins axé sur le fournisseur varient selon leur rôle comme aidants naturels pour un autre membre de la famille, leurs moyens financiers et la mesure dans laquelle leur mobilité est restreinte.

La mobilité peut être limitée par différents facteurs. Certains aînés pourraient avoir de la difficulté à conduire ou être incapables de le faire. Dans beaucoup de collectivités, les transports en commun peuvent être mal conçus ou ne pas exister du tout, surtout en dehors des centres urbains. Les aînés peuvent même trouver difficile de marcher si les trottoirs sont mal entretenus, particulièrement en hiver. D’ailleurs, même en l’absence de difficultés de transport, les aînés peuvent devoir s’occuper d’un conjoint ou d’un partenaire, ce qui peut les empêcher de sortir de chez eux, surtout s’ils n’ont pas les moyens d’obtenir des services de relève ou de prendre un taxi. Bref, le modèle de soins axé sur le fournisseur comporte d’importants obstacles structurels qui empêchent les aînés de recourir aux services offerts.

7.3.2    L’idéal: un système de santé mentale axé sur le client

La solution apparemment évidente consiste à offrir des services de santé mentale là où vivent les adultes âgés, que ce soit chez eux, au domicile de ceux qui les soignent ou dans un établissement de soins actifs ou de soins de longue durée. Voici ce qu’en a dit Jennifer Barr :

... cela m’amène [à] quelque chose qui s’assimile à [la] recommandation [du Comité] relative à des programmes en milieu scolaire pour les jeunes, où vous voulez offrir des programmes qui sont facilement accessibles, par exemple, le fait d’affecter un conseiller en toxicomanie ou d’établir un groupe de soutien en santé mentale dans le milieu scolaire. Parallèlement, puisque les personnes âgées sont, pour un certain nombre de raisons, moins susceptibles de se rendre dans un établissement où le traitement est offert, nous devons dispenser les services relatifs à la toxicomanie et à la santé mentale là où se trouvent les personnes âgées, dans une diversité de contextes[277].

Il ne suffit cependant pas d’offrir des services de santé mentale là où vivent les aînés. Il faut aussi mettre à leur disposition une pleine gamme de services adaptés à leurs besoins. Comme l’a noté Penny MacCourt dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité au nom de la British Columbia Psychogeriatric Association :

Pour beaucoup d’aînés, les facteurs qui influent sur la santé mentale sont souvent liés à... des lacunes dans leur système ou leur environnement de soutien social. Les politiques et les services actuels... s’inscrivent ordinairement dans un modèle biopsychosocial... axé sur la composante biomédicale. Le modèle biomédical... est centré sur la pathologie individuelle, entraînant l’organisation de services et de programmes visant principalement à diagnostiquer et à traiter la maladie mentale. Les efforts sont étroitement centrés sur le traitement et les soins aigus. Le paradigme biomédical a amené les responsables des soins à négliger... les interventions non médicales et les services communautaires plus étendus qui sont nécessaires au soutien de la santé mentale des aînés[278].

De ce fait, les services doivent être rapprochés de leurs clients et être développés de façon à s’adapter aux besoins de chaque population locale particulière. Une fois cela fait, une dernière étape reste encore à franchir. Il faut en effet éliminer l’écart qui existe entre les différents endroits où vivent les aînés. Autrement dit, il est nécessaire de tenir compte du fait qu’avec le temps, les aînés passent souvent d’un endroit à un autre.

7.3.2.1  Adaptation des services aux endroits où vivent les aînés

La vie des aînés consiste souvent en une série de transitions. Si certaines personnes âgées vivent confortablement chez elles jusqu’à leur décès, beaucoup d’autres passent successivement de leur propre domicile à celui d’aidants naturels membres de la famille, puis à des établissements de soins actifs et de soins de longue durée. La succession exacte de ces transitions est difficile à prédire, même si nous savons que beaucoup d’aînés sont déplacés ainsi d’une façon ou d’une autre pendant une période qui s’étend souvent sur trois ou quatre décennies.

7.3.2.1.1           Aînés vivant chez eux

Le Comité croit que les aînés qui ont des troubles mentaux devraient, comme ceux qui sont atteints de maladies physiques, pouvoir recevoir des soins et des services de soutien chez eux. Cela devrait comprendre des services de traitement à domicile dispensés par un fournisseur compétent de soins de santé mentale ainsi que des services gratuits ou peu coûteux de livraison de médicaments.

Toutefois, comme nous l’avons mentionné ci-dessus, la prestation de services médicaux ou psychothérapeutiques ne suffit pas. Les aînés ont d’autres besoins, aussi bien physiques (par exemple, aide pour les activités courantes d’entretien du domicile, les achats, la cuisine, le nettoyage et le bain) que sociaux (par exemple, visiteurs ou accès à des services de bibliothèque).

Même si on a reconnu dans une certaine mesure les avantages qu’il y a pour les aînés à rester chez eux, les possibilités qui existent actuellement sont limitées. Comme l’a dit Terry McCullum, chef de la direction de l’organisation Leap of Faith, Toronto (LOFT) Community Services :

Il n’existe pratiquement aucune ressource de soutien à domicile pour les adultes âgés ayant une maladie mentale ou une toxicomanie... Les seules possibilités, pour eux, sont l’hôpital ou un établissement de soins de longue durée, mais ces options sont coûteuses, les privent de leur liberté et ne sont souvent pas nécessaires[279].

La quasi-absence de ressources de soutien à domicile n’est pas seulement attribuable à des contraintes financières. Comme l’a dit le Dr Martha Donnelly, chef du département de gériatrie communautaire à l’Hôpital général de Vancouver :

... la plupart des aînés aimeraient mieux rester chez eux, et c’est une bonne chose tant qu’on peut y obtenir les services requis. Le problème, c’est que certaines politiques ne permettent pas de fournir à domicile les services de soutien nécessaires aux clients souffrant de troubles mentaux. Par exemple, en Colombie-Britannique, on offre actuellement des services d’aide ménagère aux personnes qui ont besoin d’aide pour prendre leur bain. Toutefois, lorsque les gens sont méfiants et s’isolent, nous ne pouvons pas leur fournir ce genre de service. On attache de l’importance à leur santé physique, mais pas autant à leur santé mentale[280].

Il ne devrait pas en être ainsi. Le Comité appuie fortement le principe que les personnes atteintes aussi bien de maladies mentales que de maladies physiques devraient disposer d’une pleine gamme de services de traitement et de soutien. Nous appuyons également la création de logements abordables (c’est-à-dire subventionnés) et supervisés (c’est-à-dire avec services de soutien sur place pour les activités de la vie quotidienne). Par conséquent, le Comité recommande :


 

 

 

27

Que des montants prélevés sur le Fonds de transition de la santé mentale (voir le Chapitre 16) soient mis à la disposition des provinces et des territoires afin de financer des initiatives conçues pour faciliter la vie dans la collectivité des aînés atteints de maladie mentale, ces initiatives pouvant comprendre notamment :   

  • des visites à domicile de fournisseurs de soins en santé mentale adéquatement rémunérées;
  • une pleine gamme de services pratiques et de services de soutien social à domicile pour les aînés ayant une maladie mentale;
  • un niveau de soutien des aînés ayant une maladie mentale qui soit au moins équivalent au niveau de soutien offert aux aînés ayant une maladie physique, où qu’ils vivent;
  • un plus grand nombre de logements abordables et supervisés pour les aînés ayant une maladie mentale.

 

7.3.2.1.2           Aînés vivant chez des aidants familiaux

Nous avons examiné au chapitre 5 la question du soutien aux aidants familiaux. Le Comité croit néanmoins qu’il est nécessaire de revenir ici sur les pressions particulières qui s’exercent sur ceux qui donnent des soins à des aînés ayant une maladie mentale.

 

Tout d’abord, les aînés ayant une maladie mentale sont souvent soignés par un conjoint ou un partenaire également âgé. Ces aidants peuvent eux-mêmes avoir des problèmes physiques ou mentaux qui se répercutent sur leur relation avec leur proche et qui accentuent le besoin de services de santé mentale et de soutien des deux parties. Comme l’a signalé Penny MacCourt dans son mémoire au Comité, les responsabilités d’aidant qu’assument des aînés les exposent eux-mêmes à des troubles mentaux :

Les femmes qui donnent des soins, surtout à des personnes atteintes de démence... courent elles-mêmes un risque accru de dépression. Les aidants qui ne peuvent pas compter sur un soutien social appréciable, qui se sentent surchargés ou souffrent de solitude sont plus susceptibles de tomber dans la dépression que des aidants ayant un bon soutien social[281].

Ensuite, les aînés ayant une maladie mentale sont souvent atteints en même temps de nombreuses autres déficiences physiques et mentales. Par conséquent, ils peuvent exiger de leurs aidants plus de soins qu’un proche plus jeune. Karen Henderson a bien décrit cette réalité dans son article intitulé « Faire face à la dichotomie : enjeux de santé mentale des soignants naturels » :

Mon expérience en tant que soignante m’a appris qu’en raison des nombreuses déficiences physiques et cognitives dont souffrait mon père, j’ai dû ajouter les rôles de conjointe, parent, aide-soignante, amie, chauffeur, preneuse de décisions, intervenante, directrice de personnel, directrice financière et planificateur funéraire à mon rôle de fille. Comment parvient-on à remplir tous ces rôles et à en sortir indemne[282]?

Même si elle n’était pas elle-même âgée, Mme Henderson a fini par sombrer dans la dépression parce qu’elle a assumé la responsabilité de soigner son père atteint de troubles mentaux.

En plus de reconnaître la valeur des aidants familiaux et de les aider dans ce rôle, il faudrait prendre des mesures pour minimiser le risque qu’ils ne soient eux-mêmes atteints de troubles mentaux. En particulier, on ne devrait pas s’attendre à ce que les aidants familiaux se substituent aux services et soutiens qui devraient être offerts à des proches malades vivant seuls. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

28

Que les aînés atteints de maladie mentale vivant chez des aidants familiaux soient admissibles à tous les services de santé et de soutien qui leur seraient offerts s’ils vivaient seuls.

 

7.3.2.1.3           Aînés vivant dans des établissements de soins actifs ou de soins de longue durée

Dans le modèle de soins axé sur le fournisseur, on pourrait s’attendre à ce que les aînés bénéficient de services adéquats de santé mentale dans les hôpitaux de soins actifs où sont basés la plupart des fournisseurs de services. Toutefois, il arrive trop souvent que ce ne soit pas le cas. Cette situation est notamment attribuable à la perception généralisée, dans les établissements de soins actifs, que les adultes âgés ayant une maladie mentale devraient être soignés dans des centres de soins de longue durée, de façon à « conserver » les ressources limitées des hôpitaux pour des malades plus prioritaires.

Le Dr  Elizabeth Drance, qui est gérontopsychiatre, a parlé de cette perception et de ses effets sur les aînés dans le mémoire qu’elle a présenté au Comité :

... nos frêles aînés sont encore considérés comme des « usurpateurs de lits » et des « problèmes de placement » dans les établissements de soins actifs, qui s’efforcent par tous les moyens de libérer des lits. Les fournisseurs de notre système de soins actifs ne comprennent pas vraiment l’importance de l’admission à des fins non urgentes d’évaluation gériatrique médicale et psychiatrique, qui éviterait d’encombrer les salles d’urgence.

Beaucoup croient que nos frêles aînés n’ont jamais besoin d’être admis à l’hôpital et que les lits qu’ils occupent devraient uniquement servir à réduire l’encombrement des salles d’urgence. Les contraintes imposées au système des soins actifs nous incitent à renoncer de plus en plus à l’idée de créer un environnement de soins actifs conçu pour les personnes âgées, ce qui intensifie pour eux le stress de l’hospitalisation et nuit à leur santé mentale[283].

Le Comité croit que tous les Canadiens, où qu’ils soient, devraient avoir accès en tout temps au système de soins actifs. Les aînés ayant une maladie mentale ont parfois besoin d’être hospitalisés. Ils devraient avoir facilement accès à ce service. Nous reconnaissons cependant que beaucoup d’adultes âgés sont « logés » à tort dans des établissements de soins actifs. La solution consiste à faciliter l’accès à d’autres établissements.

Lorsque les aînés ne peuvent plus rester ni chez eux ni chez des aidants familiaux, les établissements de soins de longue durée constituent souvent l’étape suivante. Comme l’a dit cependant le Dr Drance, les besoins des pensionnaires de ce qu’elle appelle les « foyers de soins » ont considérablement évolué ces derniers temps :

... J’ai vu la population d’aînés des environnements de soins complexes [foyers de soins]... évoluer considérablement dans les 15 dernières années. À mesure qu’un plus grand nombre d’aînés restent chez eux ou vivent dans des milieux « supervisés », les gens dont nous nous occupons dans nos foyers de soins viennent chez nous pour les raisons... suivantes : 

·        Déficience intellectuelle et démence…

·        Maladies physiques graves et complexes qui réduisent la mobilité

·        Soins de fin de vie

·        Diverses combinaisons de ce qui précède[284].

 

Le point de vue du Dr Drance est partagé par Annette Osted, directrice exécutive du Collège des infirmières et infirmiers psychiatriques autorisés du Manitoba, qui a dit au Comité :

On doit s’adapter aux changements de populations dans les foyers de soins personnels en modifiant les services offerts et la façon dont on les dispense. Il y a 30 ans, les résidents des foyers de soins personnels étaient des personnes frêles et des personnes âgées. Aujourd’hui, de 75 à 85 p. 100 de la population des foyers de soins personnels sont des personnes qui souffrent de troubles cognitifs ou de troubles de santé mentale[285].

Les conséquences de cette évolution n’ont pas fait l’objet d’une attention suffisante : les effectifs n’ont pas été augmentés en conséquence[286], le perfectionnement des soignants n’a pas bénéficié d’un soutien suffisant[287] et on n’a pas suffisamment amélioré les services de santé mentale et de soutien sur place pour répondre aux besoins de soins plus intenses et de traitements différents que cette évolution a entraînés. Les effets de cette situation peuvent comprendre l’administration de quantités excessives de médicaments[288],

le recours à l’immobilisation chimique[289] et la prestation de services ne répondant qu’aux besoins les plus élémentaires ou à de simples exigences de garde[290], le but étant de « parquer » les aînés les plus vulnérables de notre société.

Il existe d’autres possibilités. Des services de santé mentale peuvent être transférés des établissements de soins actifs aux établissements de soins de longue durée. Les services de soutien peuvent être adaptés pour refléter la transition entre la fragilité physique et la fragilité mentale. Les membres du Comité dont un membre de la famille vit dans un établissement de soins de longue durée ont parlé de leur propre expérience des jardins intérieurs protégés, grâce auxquels il n’est plus nécessaire d’immobiliser les aînés atteints de démence. Aménagées dans les établissements de soins de longue durée, de telles zones permettent de laisser les pensionnaires errants se promener librement en toute sécurité.

Menna MacIssac, directrice des Programmes et des opérations à la Société Alzheimer de la Nouvelle-Écosse, a confirmé la mise en place de pratiques exemplaires pour la construction des établissements de soins de longue durée, pratiques qui constituent pour elle un moyen de « changer l’environnement physique et pharmacologique dans lequel les personnes atteintes de démence vivent actuellement[291] ».

Le Comité recommande donc :«

 

 

29

Que des efforts soient déployés, lorsqu’il est médicalement possible de le faire, pour transférer les aînés atteints de maladie mentale gardés dans des établissements de soins actifs vers des établissements de soins de longue durée ou des logements appropriés en facilitant l’accès à des solutions autres que l’hospitalisation.

Que les compétences requises des membres du personnel des établissements de soins de longue durée soient révisées et adaptées, grâce à la mise en œuvre des programmes de formation nécessaires, pour s’assurer que le transfert de responsabilité, à l’égard des personnes atteintes de maladie mentale, des établissements de soins actifs aux établissements de soins de longue durée permet de mettre à la disposition des pensionnaires, sur place, des services de santé mentale suffisants sur le plan clinique.

 

7.3.2.2Gestion de la transition

Même s’il est impossible de prédire quand des gens devront partir de chez eux pour aller chez un proche, à l’hôpital ou dans un établissement de soins de longue durée, il est malheureusement possible d’affirmer que la transition ne sera pas facile. Souvent, elle sera inefficace et malcommode; au pire, elle pourrait être dangereuse. Pour le Dr Drance, la situation actuelle est la suivante :

Beaucoup de services sont offerts, mais actuellement, lorsqu’une personne âgée en perte d’autonomie ou un être cher se demande qui appeler, où appeler, ce rôle de navigateur est essentiel. Les médecins de famille doivent eux aussi pouvoir naviguer dans le système. Nous n’avons pas réussi à regrouper tous ces services et à aider les gens à y accéder relativement facilement. C’est un système incroyablement complexe[292].

On peut envisager différentes solutions à ce problème. Premièrement, des ressources peuvent être mises à contribution pour aider les aînés et les aidants familiaux à mieux naviguer dans le système actuel, en recourant par exemple à des « navigateurs » professionnels. Deuxièmement, il serait possible de mieux centraliser les services de transition à des endroits traditionnels, c’est-à-dire là où les fournisseurs de services se trouvent actuellement (en attendant la mise en œuvre des réformes recommandées ci-dessus). Troisièmement, les services peuvent être transférés à des endroits centraux, comme les établissements de soins de longue durée où vivent de nombreux aînés.

Le Comité croit que la dernière option est la plus avantageuse. Toutefois, nous proposons d’aller encore plus loin. En sus de centraliser les services aux endroits où vivent beaucoup d’aînés, nous croyons que différents « foyers » pour personnes âgées devraient être établis très près les uns des autres, peut-être sous un même toit. Menna MacIssac a évoqué une solution de ce genre :

Actuellement, il existe des établissements, dont un ici à Capital [Capital Health, Halifax (Nouvelle-Écosse)] qui s’appelle Northwood, qui offrent toute une gamme de services et différents modes d’hébergement. Comme les besoins changent avec le temps — et je ne parle pas nécessairement des patients atteints de démence, mais aussi des personnes qui nécessitent des soins —, les gens peuvent se prévaloir des différentes options qui s’offrent à eux. C’est donc une possibilité qu’il faudrait aussi examiner[293].

Ce modèle a l’avantage de s’attaquer simultanément aux problèmes liés à la mobilité et à la transition entre des environnements différents. Il permet également de tenir compte des situations dans lesquelles des couples âgés ayant besoin de soins différents peuvent vivre dans les milieux les mieux adaptés à leurs besoins sans que les membres du couple soient obligés de s’éloigner l’un de l’autre.

Le Comité recommande donc :

 

 

30

Que différents services dispensés en établissement destinés aux personnes âgées atteintes de maladie mentale soient intégrés ou établis tout près les uns des autres (par exemple, logements supervisés et établissements de soins de longue durée) pour que la transition de l’un à l’autre puisse se faire d’une façon efficace et sûre.

Que tous les efforts possibles soient faits pour permettre aux couples âgés de continuer à vivre ensemble ou tout près, indépendamment du niveau de service et de soutien dont chaque membre du couple a besoin.

7.4       LE DOUBLE PRÉJUDICE DE LA MALADIE MENTALE ET DU VIEILLISSEMENT

D’après les témoignages présentés au Comité, les services de santé mentale et de soutien offerts aux aînés ne sont pas à la mesure de leurs besoins réels. Pourquoi en est-il ainsi? Ayant examiné toutes les données recueillies, nous avons abouti à la conclusion que Robena Sirett, gestionnaire des services de santé mentale aux adultes âgés de la Vancouver Coastal Health Association, avait raison de dire ce qui suit :

Un deuxième aspect... que j’aimerais qu’on envisage est l’adoption de stratégies pour éliminer la double stigmatisation de la maladie mentale et du vieillissement. Ce sont deux sources de stigmatisation très puissantes, et, ensemble, elles peuvent influer sur les soins que les gens demandent et reçoivent[294].

La stigmatisation peut être subtile, se manifestant par exemple dans la tendance qu’on a à considérer les jeunes adultes comme la norme pour tous les groupes d’âge[295], ce qui justifie d’exclure les aînés des lignes directrices sur la santé mentale[296] et de faire abstraction de leur besoin de programmes de traitement spécialisés. La stigmatisation peut également revêtir des formes plus ouvertes, comme dans la tendance à établir les services de santé mentale et de soutien à des endroits inaccessibles pour ceux qui ont des déficiences physiques ou mentales.

La stigmatisation s’exprime aussi dans le fatalisme qui caractérise trop souvent l’attitude de la société envers les aînés. On fait souvent abstraction de leurs symptômes de détresse en disant qu’« ils se font vieux » ou qu’« ils s’accordent un dernier caprice ». Bien trop souvent, les aînés sont considérés comme un fardeau et les soins qui leur sont donnés, comme un gaspillage de ressources limitées qu’on ferait mieux de réserver à des personnes plus jeunes ayant un plus grand potentiel.

La stigmatisation se reflète également dans les conditions de vie imposées à beaucoup d’adultes âgés ayant une maladie mentale, les traitements thérapeutiques cédant la place aux médicaments en doses excessives, à l’immobilisation et à la prestation de services ne répondant qu’aux besoins les plus élémentaires de garde. Le fait de « parquer » de très nombreux aînés au moindre coût possible est sans doute la manifestation la plus odieuse d’une attitude qui nie la valeur des personnes âgées ayant une maladie mentale.

Comme nous le mentionnons ailleurs dans le présent rapport, l’un des principaux éléments du mandat de la Commission canadienne de la santé mentale, dont nous proposons la création, consistera à lancer une campagne très dynamique de 10 ans contre la stigmatisation. L’un des objectifs essentiels d’une telle campagne doit être de changer l’attitude du public envers les aînés ayant une maladie mentale.

7.5       CONCLUSION

Plusieurs membres du Comité sont eux-mêmes des adultes âgés. Nous espérons qu’en attirant l’attention sur les lacunes du système de santé mentale qui touchent les aînés et en formulant des recommandations visant le changement et l’amélioration, nous assurerons un avenir plus sûr à nous-mêmes, à nos enfants et à nos petits-enfants. En allant de l’avant, nous nous inspirons des aînés eux-mêmes puisque, pour reprendre les propos de Charmaine Spencer :

... des aînés ont signalé que, au cours de leur vie, l’information, l’éducation et l’évolution sociales ont permis de faire la lumière sur des questions qui, autrefois, étaient stigmatisées, cachées, taboues, comme le cancer, le divorce, la grossesse et les troubles de développement. Ils se demandent pourquoi cela n’est pas possible dans leur cas aussi[297].

Le Comité espère que les travaux de la Commission canadienne de la santé mentale contribueront aussi à cette « normalisation ».


[147]   Comme il est précisé au chapitre 3, le Comité n’a pu consacrer aux questions touchant la consommation d’alcool et de drogues autant d’attention qu’il le prévoyait quand il a entrepris son étude de la santé mentale, des maladies mentales et de la toxicomanie. Il est conscient qu’au cours des dernières décennies, les services de santé mentale et les services de traitement de la toxicomanie étaient administrés séparément; ils ont élaboré des principes de traitement divergents, utilisé une terminologie différente et développé des cultures distinctes et souvent incompatibles. Les limites du rapport sur les questions touchant la toxicomanie signifient que le Comité n’a pas été en mesure d’examiner pleinement les ressemblances et les différences des méthodes employées par le secteur de la santé mentale et par celui du traitement de la toxicomanie. Bien que certains exemples soient tirés de ce dernier, le présent chapitre porte principalement sur la transformation de l’organisation et de la prestation des services de santé mentale. Manifestement, il ne faut pas que le Comité présume que les conclusions auxquelles il est arrivé après avoir examiné avec attention les données probantes sur la santé mentale s’appliquent nécessairement aux problèmes liés à la consommation. Certaines peuvent convenir, mais le Comité s’est efforcé d’éviter toute supposition non justifiée à cet égard.

[148]   Réseau des bases factuelles en santé, Organisation mondiale de la santé, (août 2003), What Are the Arguments for Community-Based Mental Health Care?, p. 4.

[149]   E. Goldner, (2002), La santé mentale, Série de rapports de synthèse, Santé Canada, p. 8.

[150]   Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, (septembre 2001), Valuing Mental Health: A Framework to Support the Development of a Provincial Mental Health Policy for Newfoundland and Labrador.

[151]   Gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador, (2005), Working Together for Mental Health: A Provincial Policy Framework for Mental Health & Addictions Services in Newfoundland and Labrador.

[152]   Gouvernement du Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, (2005), Plan d’action en santé mentale 2005-2010 — La force des liens.

[153]   Gouvernement de l’Ontario, (1999), Franchir les étapes : Cadre de prestation des services de santé mentale et des services de soutien connexes.

[154]   Gouvernement de l’Ontario, (décembre 2002), The Time Is Now: Themes and Recommendations for Mental Health Reform in Ontario. Rapport final du Forum provincial des présidents de groupes d’étude sur la mise en œuvre de la réforme des services de santé mentale.

[155]   Gouvernement de l’Alberta, (avril 2004), Advancing the Mental Health Agenda: A Provincial Mental Health Plan for Alberta.

[156]   Gouvernement de la Colombie-Britannique, ministère de la Santé, (2004) Every Door is the Right Door: A British Columbia Planning Framework to Address Problematic Substance Use and Addiction.

[157]   Community Mental Health Evaluation Initiative (CMHEI), (octobre 2004), Making a Difference: Ontario’s Community Mental Health Evaluation Initiative, p. 43.

[158]   Réseau de bases factuelles en santé, Organisation mondiale de la Santé, (août 2003), What Are the Arguments for Community-Based Mental Health Care? p. 5.

[159]   Ibid., p. 15.

[160]   Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario, (2003), Outcomes and Effectiveness: The Success of Community Mental Health and Addiction Programs, p. 8-9.

[161]   Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario, (2004), The Benefits of Funding Addiction and Mental Health Services, p. 7-8.

[162]   Ministère de la Santé de l’Ontario, 2003-04 ACT Data Outcome Monitoring Report.

[163]   Les exemples sont tirés du document suivant : Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario, (2003), Outcomes and effectiveness: The success of community mental health and addiction programs, p. 9 et 12.

[164]   Ibid., p. 9.

[165]   Voir les chapitres 13 et 14 pour un examen plus approfondi des questions relatives à la santé et au bien-être des Autochtones du Canada.

[166]   Ces rapports prennent comme point de départ le document Making it Happen: Operational Framework for the Delivery of Mental Health Services and Supports, publié en 1999 par le gouvernement de l’Ontario.

[167]   Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, (2005), Plan d’action en santé mentale 2005-2010 — La force des liens, p. 72.

[168]   1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[169]   1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[170]   Ascentum Incorporated, Rapport final sur le sondage électronique du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 2005, p. 28-29.

[171]   9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[172]   9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[173]   15 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[174]   Fédération des programmes communautaires de santé mentale et de traitement des toxicomanies de l’Ontario, Outcomes and Effectiveness: The Success of Community Mental Health and Addiction Programs, 2003, p. 13.

[175]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[176]   ICIS, Tendances des hospitalisations et de la durée moyenne du séjour au Canada, 2003-2004 et 2004-2005, 30 novembre 2005, p. 11.

[177]   Ibid., p. 14.

[178]   9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.  

[179]   M. Wiktorowicz (2005), « Restructuring mental health policy in Ontario: Deconstructing the evolving welfare state », dans  Canadian Public Administration, vol. 48, no 3, p. 392.

[180]   16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[181]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[182]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[183]   Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, novembre 2004, Rapport 2 — La maladie mentale, la santé mentale et la toxicomanie, Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, p. 9, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/rep/report2/repintnov04vol2-f.pdf.

[184]   Ibid., p. 10.

[185]   E. Pepler (octobre 2005), An evaluation of service delivery and financial data within Alberta for the purpose of evaluating ‘ring-fence’ protection of mental health funding, p. 17.

[186]   On trouvera au chapitre 16, « Initiatives nationales en santé mentale », toute une section sur la création et la composition de la Commission.

[187]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[188]   2 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/17eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[189]   9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[190]   Association canadienne pour la santé mentale (avril 2005), mémoire soumis au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[191]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[192]   16 juin 2005,  /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[193]   6 juin 2005,  /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[194]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[195]   15 février 2005,  /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[196]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[197]   2 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/17evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[198]   A. Lehman, H. Goldman, L. Dixon, et R. Churchill, (juin 2004), Evidence-based mental health treatments and services: Examples to inform public policy,  Milbank Memorial Fund, p. 14.

[199]   Nick Kates (17 février 2005), témoignage devant Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47. L’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale (ICCSM) est un regroupement de 12 organisations nationales représentant des services communautaires, des groupes de consommateurs, des familles et des groupes d’entraide, des diététiciens, des omnipraticiens, des infirmières, des ergothérapeutes, des pharmaciens, des psychologues, des psychiatres et des travailleurs sociaux financés à même le Fonds pour l’adaptation des soins de santé primaires. L’ICCSM est en train de mettre la dernière main à une série de 12 rapports sur les soins de santé mentale en collaboration au Canada et à l’étranger; avant que son financement expire en mars 2006, l’ICCSM a l’intention de publier des brochures visant à aider les malades et leur famille, les professionnels de la santé et les décisionnaires à comprendre les enjeux des soins en collaboration en santé mentale et à bien exploiter ce modèle.

[200]   17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[201]   17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[202]   17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[203]   M. Gagné (mars 2005), Les soins de santé mentale axés sur la collaboration, de quoi s'agit-il? Une introduction au Cadre de travail en soins de santé mentale axés sur la collaboration, rapport préparé pour l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale, Mississauga, Ontario, p. 5, http://www.ccmhi.ca.

[204]   Ibid., p. 4-5.

[205]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (octobre 2002), La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Rapport final, vol. 6, Recommandations en vue d’une réforme.

[206]   Institut canadien d’information sur la santé (nov. 2001), Les dispensateurs de soins au Canada, p. 31.

[207]   Académie canadienne de psychiatrie gériatrique et Coalition canadienne pour la santé mentale des personnes âgées (juin 2003), mémoire au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 8.

[208]   Association des psychiatres du Canada (mars 2006), Établissement de priorités sur les délais d’attente touchant les personnes souffrant d’une maladie mentale grave.

[209]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[210]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (novembre 2004), Rapport 2 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Politiques et programmes de certains pays en matière de santé mentale, chapitre 1, p. 16, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/rep/report2/repintnov04vol2-f.pdf.

[211]   C. Bosco (septembre 2005), Ressources humaines dans le domaine de la santé en soins de santé mentale axés sur la collaboration, rapport préparé pour l’Initiative canadienne de collaboration en santé mentale, Mississauga, Ontario, p.8.

[212]    Toronto-Peel Mental Health Implementation Task Force, (décembre 2002), The Time Has Come: Make It Happen. A mental health action plan for Toronto and Peel, p. xv.

[213]   15 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evb-e.htm?Language=E&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[214]   Pour une explication détaillée, voir Assurance-emploi et prestations de compassion, http://www.hrsdc.gc.ca/asp/passerelle.asp?hr=fr/ae/genres/prestations_compassion.shtml&hs=tyt#Qui.

[215]   Dans son rapport de novembre 2004, la vérificatrice générale a indiqué que l’excédent cumulé du compte d’assurance-emploi atteignait 46 milliards de dollars. Voir Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de novembre 2004, chapitre 8, http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20041108cf.html.

[216]   Renvoi relatif à la Loi sur l'assurance-emploi (Can), art. 22 et 23, 2005 CSC 56,  http://www.lexum.umontreal.ca/csc-scc/en/rec/html/2005scc056.wpd.html.

[217]   11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[218]   Doris Ray, 6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[219]   Menna MacIssac, 10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evd-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[220]   Christine Davis, 20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-e.htm?Language=E&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[221]   Penny MacCourt, 8 June 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-e.htm?Language=E&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[222]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[223]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie: Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 5, section 5.1.2, p. 95.

[224]   Ibid., p. 95-96.

[225]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[226]   9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[227]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[228]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[229]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[230]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[231]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[232]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[233]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[234]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[235]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[236]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[237]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[238]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[239]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 8, section 8.2.6, p. 180.

[240]   9 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[241]   Le lecteur trouvera un examen complet de la question de la stigmatisation et de la discrimination dans : Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, (novembre 2004), Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 3.

[242]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[243]   16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[244]   10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[245]   16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[246]   10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[247]   10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[248]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[249]   Global Business Roundtable on Addiction and Mental Health,  (septembre 2005),  Special Report to the Premiers of Canada:  Guidelines for Working Parents to Promote and Protect the Mental Health of Their Children, p. 2.  Voir : www.mentalhealthroundtable.ca.

[250]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[251]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[252]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[253]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[254]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[255]   6 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/14ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[256]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[257]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[258]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[259]   15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[260]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[261]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[262]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[263]    Tant le Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux (DSM), publié par l’American Psychiatric Association, que la Classification internationale des maladies, publiée par l’Organisation mondiale de la Santé, classent l’autisme parmi les troubles mentaux. Cependant, certains spécialistes offrent un autre point de vue. Voir, par exemple, le témoignage du professeur Greg O’Brien devant le Parlement du Royaume-Uni, en ligne à http://www.publications.parliament.uk/pa/jt200405/jtselect/jtment/79/4102708.htm, et celui des Drs Betty Jo Freeman et Ritvo (12 Employee Benefits Cases 1221, 19 A.L.R. 5th 1017, 910, F.2d 534 (9th Cir.)), en ligne à http://www.geocities.com/fishstep/Kunin.html.

[264]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[265]   Statistique Canada, Le Quotidien, Statistiques démographiques, le 28 septembre 2005, http://www.statcan.ca/Daily/Francais/050928/q050928a.htm.

[266]   On estime que, d'ici 2016, les aînés représenteront plus de 16 p. 100 de la population, par rapport à 13 p. 100 aujourd'hui. Penny MacCourt, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 4. D'ici 2026, on estime qu'un Canadien sur cinq sera âgé de 65 ans ou plus, par rapport à un sur huit en 2001. Statistique Canada, 2002, Vieillir au Canada : Rapport préparé par Santé Canada de concert avec le Comité interministériel sur les questions relatives au vieillissement et aux aînés, p. 1.

[267]   Ibid.

[268]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, novembre 2004, Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 5, section 5.1.3, p. 97.

[269]   E. Drance, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 2.

[270]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, novembre 2004, Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 5, section 5.1.3, p. 97.

[271]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[272]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, novembre 2004, Rapport 1 — Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, chapitre 5, section 5.1.3, p. 97.

[273]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[274]   Faith Malach, 8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[275]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[276]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[277]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[278]   P. MacCourt, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 6.

[279]   R. Fine, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, annexe 1, p. 1.

[280]   8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[281]   P. MacCourt, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 4.

[282]   K. Henderson, octobre 2002, « Faire face à la dichotomie : enjeux de santé mentale des soignants naturels », dans Écrits en Gérontologie : Santé mentale et vieillissement, Conseil consultatif national sur le troisième âge, no 18, http://www.naca-ccnta.ca/writings_gerontology/writ18/writ18_4_f.htm.

[283]   E. Drance, juin 2005, mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 1.

[284]   Ibid., p. 2.

[285]   31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.