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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada


PARTIE V
Leadership fédéral


CHAPITRE 13:
LE RÔLE DIRECT DU FÉDÉRAL

 

[…] lancer[…] et coordonner[…] des activités dans l’ensemble des ministères fédéraux pour s’acquitter des responsabilités fédérales à l’égard de populations précises relevant de sa compétence immédiate. — Le Dr Albert Schumacher, président, Association médicale canadienne[1]

Le gouvernement fédéral est responsable des programmes et services de santé mentale offerts à sept groupes de clients. Pour chacun de ces groupes, le présent chapitre donne une description détaillée des pouvoirs du fédéral et de l’éventail de programmes et services fédéraux en place dans les secteurs de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. On trouvera également dans ce chapitre une évaluation des besoins de chaque groupe, et un commentaire sur la situation de chacun.

À la connaissance du Comité, c’est la première fois qu’est entreprise une telle évaluation des besoins de santé mentale des groupes de clients qui relèvent de la compétence fédérale. Par conséquent, après avoir examiné la situation de chaque groupe, le Comité examinera le fait même que le gouvernement fédéral soit responsable des besoins de santé mentale du plus d’un million de Canadiens qui relèvent de sa compétence. En conclusion de ce chapitre, le Comité propose quelques éléments d’une approche intégrée visant à améliorer les résultats des interventions de santé mentale menées auprès des divers groupes qui forment la clientèle fédérale.

Pour faciliter la lecture de ce long chapitre, le tableau suivant donne un bref aperçu du contenu de chaque section, chacune portant sur un groupe de clients. Chaque groupe y est identifié, de même que le ministère fédéral dont il relève, ainsi que les activités de santé qui lui sont offertes.

Tableau 1 : Aperçu des groupes de clients qui relèvent du fédéral

 

Groupe de clients

Ministère fédéral

Activités de santé mentale

Premières nations et Inuits

(13.1)

Santé Canada

Soins de santé communautaires aux Premières nations qui vivent dans des réserves;

Médicaments non assurés et interventions d’urgence en situation de crise aux membres inscrits des Premières nations et aux Inuits reconnus;

Centres de traitement de la toxicomanie.

Affaires indiennes et du Nord Canada

Services de base aux Premières nations des réserves et aux communautés inuites : éducation, soutien du revenu, logement, prévention de la violence familiale.


 

Groupe de clients

Ministère fédéral

Activités de santé mentale

Délinquants sous responsabilité fédérale

(13.2)

Service correctionnel Canada

Services de base : évaluation infirmière à l’accueil; admission au centre de traitement si nécessaire et si possible; services généraux en établissement hospitalier; Services essentiels lorsqu’en centre correctionnel communautaire; services de santé non assurés si approuvés.

Forces armées canadiennes

(13.3)

Défense nationale

Services de santé mentale non urgents en clinique externe à la clinique de la base, au centre de santé ou en groupes de soutien;

Soins spécialisés payés à la province;

aiguillage vers centres de soutien en cas de stress post-traumatique.

Anciens combattants (13.4)

Anciens Combattants Canada

Services de soins de santé communautaires au-delà des limites des régimes provinciaux ou territoriaux;

Soins institutionnels à Sainte-Anne-de- Bellevue (Québec) et autres hôpitaux liés par contrat dans les provinces;

Services conjoints avec MDN en cas de stress post-traumatique.

GRC

(13.5)

GRC

Services généraux offerts au sein de la division régionale pour garantir la capacité physique et mentale nécessaire à l’exercice des fonctions;

Recours aux services provinciaux sur autorisation.

Immigrants et réfugiés (13.6)

Citoyenneté et Immigration Canada

Services de santé mentale essentiels et d’urgence (médecin, hôpital, médicaments) pour ceux qui ne peuvent payer.

Employés de la fonction publique (13.7)

Conseil du Trésor

Services et autres avantages non couverts par les régimes provinciaux/territoriaux;

Services de consultation et soutien des employés.

 

D’entrée de jeu, le Comité affirme qu’il s’attend du gouvernement fédéral de même que des gouvernements provinciaux et territoriaux qu’ils garantissent aux clients qui relèvent d’eux l’accès aux transformations du système déjà indiquées au chapitre 5. Autrement dit, le Comité compte bien que les Premières nations et les Inuits, les délinquants sous responsabilité fédérale, les membres des Forces canadiennes, les anciens combattants, les membres de la GRC, les immigrants et réfugiés et les employés de la fonction publique soient inscrits d’emblée dans un système de santé mentale axé sur la guérison, centré sur la personne, implanté en milieu communautaire, et pleinement intégré tant du point de vue de l’éventail de soins que des groupes d’âge.

Le Comité se réjouit de constater que plusieurs ministères et organismes fédéraux sont déjà orientés en ce sens. Certains ministères offrent des services de prise en charge et font appel à un plus grand éventail de fournisseurs de services provinciaux de santé mentale. D’autres misent sur l’amélioration des facteurs déterminants de la santé mentale comme le logement, l’emploi et l’ensemble des besoins sociaux. Quelques ministères et organismes travaillent en collaboration les uns avec les autres, et avec leurs homologues des provinces et territoires, dans le cadre d’initiatives de santé mentale.

13.1      LES PREMIÈRES NATIONS ET LES InuitS

Les Inuits sont heureux de l’engagement pris par le fédéral envers un renouvellement de la relation. Nous estimons important un engagement plus marqué en faveur d’une stratégie de défense de la santé mentale propre aux Inuits. —Larry Gordon, président, Comité national sur la santé des Inuits, Direction de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami[2]


Un plan d’action conjoint et une stratégie du bien-être entre le gouvernement fédéral et les Premières nations résoudraient immédiatement la crise de la santé mentale d’une façon collaborative, globale et pertinente sur le plan culturel. —Valerie Gideon, directrice du Secrétariat à la santé et au développement social, Assemblée des Premières nations[3]

13.1.1    La compétence fédérale

Dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867, le paragraphe 91(24) confie la responsabilité législative « des Indiens et des terres réservées aux Indiens » à la compétence exclusive du Parlement fédéral. Le Parlement, à son tour, a promulgué la Loi sur les Indiens qui établit les critères qui définissent un « Indien inscrit » ainsi que le cadre juridique des responsabilités fédérales. Une décision de la Cour suprême, rendue en 1939, a déterminé que les Inuits (qu’on appelait alors Eskimos) étaient des Indiens aux fins du paragraphe 91(24)[4].

Il importe de signaler que nous nous intéressons dans ces pages uniquement aux Premières nations et aux Inuits qui relèvent directement du fédéral. Le gouvernement fédéral n’est pas responsable de tous les peuples autochtones; on estime qu’un tiers environ de la population autochtone n’a pas accès aux programmes et services fédéraux. À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral offre aux Indiens inscrits (aussi appelés Premières nations) des programmes et services qui ne sont pas accessibles aux Indiens non inscrits ni aux Métis. Par ailleurs, une partie, mais non la totalité, des programmes et services fédéraux sont offerts aux Inuits.

Ce chapitre ne porte que sur les Premières nations et les Inuits considérés admissibles aux programmes et services fédéraux de santé mentale, dont la plus grande partie relève des ministères de Santé Canada et d’Affaires indiennes et du Nord. Le prochain chapitre (chapitre 14) aura une portée plus vaste puisqu’il prendra en compte les besoins de santé mentale de tous les peuples autochtones, y compris les Indiens non inscrits (et ceux qui vivent hors des réserves) de même que les Métis. Le chapitre 14 présentera aussi les grandes lignes d’une stratégie globale, intégrée et communautaire, de santé et de régénération adressée à tous les groupes autochtones et faisant appel à des approches multiples.

C’est à Affaires indiennes et du Nord Canada qu’incombe la responsabilité première des obligations constitutionnelles et législatives à l’endroit des Indiens et des Inuits. En administrant la Loi sur les Indiens, le ministère soutient les efforts d’autodétermination, ainsi que le développement économique, éducationnel, culturel, social et communautaire des Indiens inscrits et de certains Inuits. Selon le Rapport sur le rendement du ministère au 31 mars 2005, le nombre des Indiens inscrits s’élevait alors à 733 626[5]. Le rapport ne fait état d’aucun chiffre sur la population inuite.

C’est à Santé Canada qu’incombe la responsabilité principale des services de santé, y compris les services de santé mentale, offerts aux Premières nations et aux Inuits qui vivent dans des réserves et dans de nombreuses communautés éloignées; ces services sont offerts par le biais de dispensaires et de centres de santé. Le Rapport sur le rendement de 2005 indique en outre que Santé Canada offre des « services de santé supplémentaires à environ 765 000 membres admissibles des Premières nations et des Inuits »[6].

Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, décrit la Politique de 1979 sur la santé des Indiens, laquelle définit le rôle actuel du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux[7]:

Ainsi, le gouvernement fédéral demeurait responsable du financement et des services dans les réserves éloignées et dans les endroits où les provinces n’offrent aucun service. Cela signifiait que le gouvernement fédéral serait responsable des services de santé publics dispensés dans les réserves, y compris les services de prévention. Cela signifiait aussi que le gouvernement fédéral serait responsable des coûts associés aux médicaments non assurés, aux soins dentaires et au transport nécessaire des membres des Premières nations et aux Inuits vivant dans les réserves [et hors réserve [8].

M. Potter reconnaît que la division des responsabilités entre le ministère fédéral de la Santé et ses homologues provinciaux ou territoriaux « porte souvent à confusion, même pour nous qui travaillons dans ce domaine à tous les jours ». Il nous a néanmoins donné la brève description suivante :

Les services de base en santé mentale et lutte contre la toxicomanie sont assurés principalement par les provinces à tous leurs résidents, y compris les membres des Premières nations, les Inuits et les autres peuples autochtones. Ces services englobent les soins hospitaliers universels, les soins psychiatriques et les soins médicaux. Les provinces offrent également des services communautaires de prévention, des services de traitement ambulatoire et de suivi, des services de désintoxication et des services de traitement de la toxicomanie en résidence[9].

13.1.2   Programmes et services fédéraux

Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada délèguent de plus en plus de pouvoirs aux Premières nations et à certaines communautés inuites dans l’administration et la mise en œuvre de nombreux programmes et services essentiels à la santé mentale. Des critères d’admissibilité précis continuent de s’appliquer à ces programmes, quel que soit le fournisseur :

§         Les Indiens doivent être inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens et doivent figurer au Registre des Indiens; les Inuits ont un numéro de bénéficiaire.

§         Pour certains services, l’approbation des autorités ministérielles est requise.

§         Les programmes sont offerts aux personnes admissibles qui résident ou vivent ordinairement dans une réserve ou une communauté inuite reconnue.

Dans le champ de compétence fédéral, Affaires indiennes et du Nord Canada est le ministère qui offre le plus grand nombre de programmes et de services liés aux grands facteurs déterminants de la santé mentale. Il offre aux Premières nations des réserves des services similaires à ceux qui sont offerts par les provinces à la population générale, soit des services d’éducation, de soutien du revenu et de soutien aux infrastructures. Ces services représentent environ 80 p. cent du financement total accordé aux réserves.

Le Programme d’éducation élémentaire et secondaire d’Affaires indiennes et du Nord Canada assure l’accès à l’école soit en finançant des services d’enseignement dans les réserves ou en couvrant les coûts de fréquentation des écoles provinciales ou territoriales. Son programme d’aide sociale permet aux individus et aux familles qui vivent dans les réserves de satisfaire les besoins fondamentaux que sont la nourriture, le vêtement et le logement. Son programme de prévention de la violence familiale finance des refuges dans les réserves, rembourse les refuges hors réserve qui offrent des services aux Premières nations résidant habituellement dans les réserves, et subventionne des programmes communautaires de prévention de la violence familiale.

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada estime à 267,5 millions de dollars ses dépenses annuelles en programmes et services liés à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie. Cela comprend les 36,4 millions de dollars consacrés en 2004-2005 à des médicaments pour le traitement de la maladie mentale et de la toxicomanie dans le cadre du Programme des services de santé non assurés[10].

Cette estimation comprend aussi les programmes communautaires de prévention et de promotion mis sur pied dans les réserves et les communautés inuites.

[…] 40 millions de dollars au financement sur une base continue aux programmes communautaires de santé mentale dans le cadre de l’initiative Pour des collectivités en bonne santé et un autre 51 millions annuellement à des activités axées sur la santé mentale et le développement de l’enfant, dans le cadre de l’initiative Grandir ensemble.

En outre, des programmes de lutte contre la toxicomanie sont offerts aux Premières nations et aux Inuits par l’entremise :

[…] du Programme national de lutte contre l’abus d’alcool et de drogues chez les Autochtones (59 millions par année), du Programme national de lutte contre l’abus des solvants chez les jeunes (11 millions par année), de la stratégie de lutte contre le tabagisme chez les Premières nations et les Inuits (12 millions par année) et de la stratégie canadienne antidrogue (1 million par année)[11].

Les services de consultation, généralement offerts par des psychologues, sont couverts par le Programme des services de santé non assurés et sont accessibles aux Premières nations et aux Inuits quel que soit leur lieu de résidence. Kathryn Langlois, directrice générale, Direction des programmes communautaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, précise que la responsabilité fédérale se limite aux interventions de courte durée :

Nous assurons les consultations d’urgence en santé mentale et ensuite, un aiguillage est fait au système provincial. L’accès est le même que pour les personnes qui ne vivent pas dans les réserves, par l’urgence ou le médecin de famille.[…] C’est la province [qui paie][12].

Kathryn Langlois a aussi parlé des travaux entrepris par le Ministère sur la question du suicide après qu’un groupe consultatif sur la prévention du suicide ait été créé en 2002 par Matthew Coon Come, alors chef national, et Alan Rock, alors ministre de la Santé. Le nouveau financement annoncé en septembre 2004 comprenait 65 millions de dollars sur cinq ans accordés à l’initiative de prévention du suicide chez les jeunes; 5 millions ont été accordés en 2005 et 15 millions pour chacune des quatre années suivantes.

Santé Canada a aussi créé un comité consultatif sur la santé mentale des Premières nations et des Inuits chargé d’élaborer un plan d’action stratégique pour l’amélioration de la santé mentale des populations visées. Le comité est formé de représentants de l’Assemblée des Premières nations, de la Inuit Tapiriit Kanatami, des réseaux fédéraux, provinciaux et territoriaux, d’organismes autochtones et non autochtones spécialisés en santé mentale et toxicomanie, d’Affaires indiennes et du Nord Canada, et de l’Agence de santé publique du Canada. Au terme d’une séance de planification stratégique tenue en novembre 2005, une première ébauche de plan a été soumise au comité en février 2006[13].

13.1.3   Évaluation des besoins du groupe client

Les Indiens inscrits et les Inuits reconnus qui composent la clientèle fédérale présentent un ensemble très divers de caractéristiques. Par exemple, bien que les programmes et services soient principalement offerts aux Premières nations qui vivent dans des réserves, les gens vont et viennent régulièrement. Certains Inuits vivent dans les territoires visés par les accords territoriaux, mais d’autres non.

Dans l’ensemble, ces clients ont un état de santé « beaucoup moins bon que celui du reste de la population canadienne »[14]. Et la prestation de service est rendue plus difficile en raison de la grande dispersion géographique de cette clientèle, dont une grande partie vit dans des communautés éloignées ou isolées.

13.1.3.1       Les programmes et services d’Affaires indiennes et du Nord Canada

Affaires indiennes et du Nord Canada est responsable d’un grand nombre de facteurs jugés essentiels à une approche globale de la santé mentale des Premières nations et des Inuits, notamment le développement économique, le logement et l’éducation. Certains témoins ont dit au Comité que les efforts du Ministère étaient bien inférieurs aux attentes. Irene Linklater, directrice de recherche, Unité de recherche et d’élaboration des politiques, Assemblée des chefs du Manitoba, critique le fait que :

[L]e ministère des Affaires indiennes a consacré 13 millions de dollars à l’aide sociale pour chaque dollar consacré au développement économique. En conséquence le tiers ou même la moitié des membres des Premières nations du Manitoba qui vivent sur une réserve vivent de prestations d’aide sociale, la proportion allant de 24 à 88 p. cent selon les collectivités[15].

Certains témoins ont aussi établi un lien entre la précarité des conditions de logement et leur incidence négative sur la santé mentale :

Il y a aussi l’expérience de l’itinérance, ou ce qu’on appelle l’itinérance invisible, c'est-à-dire que les logements sont tellement surpeuplés qu’on passe constamment de l’un à l’autre, et cela ne se reflète pas dans les statistiques; autrement dit, il n’existe pas de cadre statistique qui reflète cette réalité. L’absence de logements adéquats est aussi associée — et les études le confirment — au manque d’hygiène, à la mauvaise santé et à une longévité réduite.—Irene Linklater[16]


La création d’un programme fédéral de logements dans les régions inuites de l’Arctique remédierait à la pénurie de logements et atténuerait, en outre, certains problèmes sociaux comme la violence familiale et les dépendances.— Larry Gordon[17]

Donna Lyon, de l’Organisation nationale de la santé autochtone, a parlé des limites du soutien à l’éducation postsecondaire et de la difficulté d’obtenir des fonds de source ministérielle. Même quand les ressources sont disponibles, indique-t-elle, elles sont souvent insuffisantes au soutien d’un étudiant qui a une famille à charge.

[B]ien des gens n’ont pas accès aux fonds et, s’ils reçoivent de l’aide, ils obtiennent parfois une allocation de subsistance qui est souvent insuffisante. Ainsi des familles doivent vivre avec 1 100 $ par mois, peut‑être[18].

Larry Gordon signale l’absence d’infrastructures et d’emplois dans le Nord pour les Inuits instruits qui veulent revenir chez eux et contribuer à l’économie de leurs communautés :

Bien souvent, lorsque les gens partent du Nord pour y revenir ensuite, ils n’y trouvent pas de travail. Ils ont suivi des cours, ils ont un diplôme, mais il n’y a pas de travail pour eux. Ils deviennent ingénieurs. Le seul travail qu’ils peuvent trouver, c’est dans le Sud, à cause de leur formation et de leurs antécédents[19].

13.1.3.2      Les programmes et services de Santé Canada

Malgré les progrès constatés depuis un an, les témoins critiquent les accords de financement de Santé Canada qu’ils trouvent compliqués, de trop courte durée, et insuffisants par rapport aux besoins de santé mentale de la population. Ils souhaitent une plus grande intégration entre ministères fédéraux afin de soutenir des programmes de nature plus globale et de durée plus longue.

 

 

 

Irene Linklater dit que pour les Premières nations, les transferts de fonds destinés aux programmes de santé mentale mis en œuvre dans les réserves sont rigides, déroutants et insuffisants :

Parfois le gouvernement fédéral envoie de l’argent à la province, alloue un certain montant par membre des Premières nations en fonction de la population des Premières nations dans la région. Certains des services offerts aux Premières nations proviennent directement des ententes de contribution conclues avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. […] Selon le genre et la portée des services, la province conclura parfois une entente avec une Première nation en ce qui concerne des coûts particuliers relatifs à la santé[20].

Onalee Randell, directrice de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami, explique que, pour les Inuits, le financement instable, incertain et de trop courte durée nuit à la mise en œuvre des programmes de santé mentale :

Quand finalement des initiatives ayant des échéanciers de trois à cinq ans sont mises en place dans les collectivités, le financement a cessé. Il est peu probable que des employés quittent un emploi permanent pour travailler dans un projet ne pouvant durer que deux ans. Il est donc très difficile de recruter du personnel compétent[21].

Même le Programme de services de santé non assurés ne parvient pas à répondre aux besoins des populations ciblées. Mme Randell indique qu’une analyse des dépenses faites en 2003‑2004 dans le cadre du volet intervention d’urgence du Programme de services de santé non assurés pour les Inuits a révélé que :

[…] environ 60 000 $ ont été dépensés pour la santé mentale dans les collectivités inuites : 60 000 $ pour des collectivités qui enregistrent jusqu’à 11 fois la moyenne nationale du taux de suicide. Il semble y avoir une iniquité. Le programme est conçu pour offrir une consultation d’urgence à court terme. Certaines collectivités n’ont pas d’intervenants qui puissent faire ce type de consultation et, dans de nombreux cas, les collectivités préfèrent ignorer ces consultations d’urgence à court terme. Des personnes se présentent après un suicide, elles passent trois jours dans la collectivité puis s’en vont[22].

Lorraine Boucher a dit au Comité que dans le cas des clients des Premières nations qui ont des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie et qui doivent se rendre à l’extérieur de leur collectivité pour recevoir des services, le Programme des services de santé non assurés ne répond pas aux besoins :

Certains de nos membres ont dû mettre fin à leur thérapie à cause des compressions gouvernementales, dans le transport médical entre autres. Ces personnes sont oubliées par le système. Les frais de déplacement pour se rendre à Edmonton ou Peace River sont un fardeau qu’elles ne peuvent assumer seules[23].

Irene Linklater a aussi expliqué que des programmes et services liés à la toxicomanie, comme le Programme national de lutte contre l’abus d’alcool de drogues chez les Autochtones, sont entravés par des politiques qui ne tiennent aucun compte d’une croissance imprévue de population ou de la complexité des besoins :

[S]i le Programme national de lutte contre l’abus d’alcool et de drogues chez les Autochtones n’a pas réussi à rester branché sur les besoins de la collectivité,c’est qu’on s’attendait à ce qu’il y ait des interventions visant des problèmes familiaux, par exemple la violence familiale, les tentatives de suicide, les personnes en situation de crise, et que l’on offrirait du soutien et des soins de suivi après un traitement et aussi qu’il y aurait un soutien communautaire après une tragédie[24].

Selon Onalee Randell, un Inuit qui veut avoir accès à des services de toxicomanie se heurte aux obstacles que créent les divisions administratives régionales au sein même de Santé Canada :

Les Inuits de Nunatsiavut souhaitent travailler de concert avec les Inuits du Nunavik à élaborer un traitement de la toxicomanie axé sur la culture et les valeurs inuites. Pour l’instant, il est difficile de partager, l’information n’est pas la même au sein de chaque compétence. Les Inuits du Nunatsiavut l’obtiennent de la Région atlantique alors que ceux du Nunavik l’obtiennent de la région de Québec et jamais les deux ne se rencontreront[25].

13.1.3.3      Confusion entre ministères et ordres de gouvernements

En plus des obstacles interministériels, les clients des Premières nations et des Inuits font souvent face à des difficultés causées par la division des responsabilités entre ministères fédéraux. Et la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces ou territoires crée d’autres obstacles encore et empêche de faire avancer les choses dans le domaine de la santé mentale.

Shawn Atleo, chef A-in-chut, chef régional de la C.-B., Assemblée des Premières nations, a déploré le manque de cohésion à l’échelle fédérale, indiquant que la semaine précédente, il avait parlé à trois sous-ministres de trois ministères différents sur la situation du logement[26]. Jennifer Dickson, directrice exécutive, Pauktuutit Inuit Women’s Association, a dit au Comité devoir transiger avec six ministères ou services fédéraux différents toutes les semaines pour divers programmes, politiques et projets[27].

Jules Picard, coordonnateur des services sociaux, Commission de la santé et des services sociaux des Premières nations du Québec et du Labrador, a illustré une situation de conflit entre ordres de gouvernement en citant le cas d’un jeune schizophrène qui a des démêlés avec la justice et a besoin d’une médication. Un problème a surgi quand il a été décrété que « Santé Canada ne pouvait pas payer la médication pour ce jeune parce qu’il faisait partie du réseau carcéral provincial »[28].

Susan Levi-Peters, chef de la Première nation d’Elsipogtog, Nouveau-Brunswick, a décrit l’extrême incertitude dans laquelle évoluent les gens qui cherchent à obtenir des fonds pour des services et tentent de déterminer s’il faut s’adresser aux Affaires indiennes, à Santé Canada ou à la province.

Quand nous nous adressons au gouvernement provincial, on nous répond que c’est un domaine de compétence fédérale. Le gouvernement fédéral nous dit de nous adresser à la province à qui il donne des fonds. Nous sommes les laissés pour compte[29].

Ian Potter affirme qu’il y a actuellement une volonté des gouvernements d’intégrer leurs champs de compétence :

L’intégration des services fédéraux et des services provinciaux permettrait de réduire les services redondants ou l’incidence des services qui ne sont pas compatibles. Les services pourraient mieux répondre aux besoins des patients et le système ne serait plus fragmenté par les différences entre les juridictions[30].

Cependant, Valérie Gideon, directrice des Services de santé et du développement social, Assemblée des Premières nations, se dit inquiète devant ces projets d’intégration :

À notre avis, cela pourrait être interprété comme une tentative de délestage des responsabilités fédérales sur d’autres administrations, chose contre laquelle nous avons souvent été mis en garde par les membres vivant dans les différentes régions et les différentes collectivités[31].

Ian Potter signale aussi un besoin d’intégration interministérielle au sein même du gouvernement fédéral, entre Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada. Par exemple, pour accroître le personnel autochtone dans les services de santé, il soutient que les bourses d’études et de perfectionnement doivent être rattachées plutôt aux programmes d’enseignement offerts par Affaires indiennes et du Nord Canada, et commencer « à l’école primaire, afin que cela devienne une possibilité réelle pour les Autochtones ».

Le vérificateur général du Canada a souvent reproché à Santé Canada et à Affaires indiennes et du Nord Canada de n’avoir pas établi de pouvoir législatif clair en ce qui concerne les programmes et services offerts aux Premières nations et aux Inuits. Plus précisément, le vérificateur général constate que l’absence d’une loi habilitante particulière pour le programme des Services de santé non assurés « avait laissé une lacune dans les définitions de l’objet, des résultats escomptés et des retombées du programme ». Il était recommandé à Santé Canada de demander au gouvernement « un mandat renouvelé pour ce programme afin d’en clarifier l’autorisation, le but et l’objectif »[32].

Le vérificateur général indique que si la Loi sur les Indiens donne les critères permettant de déterminer qui est un « Indien inscrit » et quelles sont les obligations du fédéral à l’égard des populations autochtones prises collectivement, elle ne précise pas les programmes et services qui doivent leur être offerts. On rappelle à Affaires indiennes et du Nord Canada de même qu’au Parlement que :

L’absence d’autorisation législative formelle pourrait miner le contrôle parlementaire et la reddition des comptes. Elle empêche le Parlement de débattre de questions importantes comme celles de savoir si un programme d’assistance sociale pour les Indiens vivant dans les réserves devrait permettre à la fois de réduire la demande et de fournir les services et de déterminer quelles devraient être les prestations appropriées. Elle le prive aussi d’un instrument qui lui permettrait de demander au Ministère de lui rendre des comptes en se fondant sur des autorisations de programme autres que celles approuvées par le Conseil du Trésor[33].

13.1.4   Commentaire du Comité

Comme nous l’avons dit plus haut, le prochain chapitre (chapitre 14) traitera du besoin de mettre en place une approche globale pour traiter des besoins de santé mentale des populations autochtones. C’est là que nous ferons valoir l’importance de créer un comité consultatif national autochtone qui fasse partie de la Commission canadienne de la santé mentale. Il y sera aussi question de transparence dans le compte rendu des activités, par l’intermédiaire d’un comité fédéral interministériel formé des sous-ministres responsables de tous les programmes et services destinés aux populations autochtones.

Le Plan directeur pour la santé des Autochtones déposé à la rencontre des premiers ministres des provinces en novembre 2005 réitère la volonté déjà exprimée de préciser les rôles et responsabilités respectifs du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux et territoriaux[34]. Mais les Premières nations et les Inuits ont déjà une longue tradition de rapports avec le fédéral et la multi-dimensionnalité de leurs besoins justifie qu’ils fassent l’objet d’une attention particulière de la part des institutions fédérales. Le Comité a très bien compris que si des initiatives fédérales ont été et sont actuellement orientées vers la santé mentale des Premières nations et des Inuits, les programmes et services fédéraux n’ont pas donné les résultats escomptés. Le Comité constate l’existence d’un écart considérable entre les engagements financiers du gouvernement fédéral et les résultats concrets dont les Premières nations et les Inuits ont pu bénéficier.

Le Comité estime qu’une tribune indépendante et objective devrait porter son regard sur l’ensemble des besoins de santé mentale des Premières nations et des Inuits, et agir un peu comme un ombudsman, habilité à faire enquête et à tenir le gouvernement responsable de la réalisation des programmes et services nécessaires, ainsi que des résultats obtenus.

D’autres groupes de clients fédéraux, tels les délinquants sous responsabilité fédérale, les membres des Forces canadiennes et les membres de la GRC, ont déjà accès à une telle instance habilitée à faire enquête, à formuler des recommandations et à veiller à ce que des correctifs soient apportés. Les Premières nations et les Inuits ont besoin de pouvoir s’adresser à une instance de ce genre pour faire entendre leurs griefs dans leurs rapports avec les ministères fédéraux qui jouent un rôle si important dans tout ce qui a trait à leur santé tant mentale que physique.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

69

Que le gouvernement fédéral crée, pour les Premières nations et les Inuits, une instance fédérale semblable à celle de l’Enquêteur correctionnel, de l’Ombudsman des Forces canadiennes ou du Comité externe d’examen de la GRC.

Que cette instance soit habilitée à enquêter sur des plaintes individuelles de même que sur diverses préoccupations générales portant sur la prestation même des programmes et services fédéraux ayant une incidence sur la santé mentale des Premières nations et des Inuits.

Que le ou la responsable de cette instance soit, si possible, d’origine autochtone.

Que cette instance fasse rapport tous les ans au Parlement.

 

Le Comité a été consterné d’apprendre qu’en vertu du Plan directeur pour la santé des Autochtones de 2005, le rapport détaillé des résultats combinés des programmes fédéraux et provinciaux et des sommes consacrées à la santé mentale des Premières nations, des Inuits et des Métis ne sera pas déposé avant 2010-2011[35]. Pour le moment, les données produites par Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada sont limitées et ne portent que sur les Premières nations. Par exemple, l’information sur les dépenses engagées utilise le terme combiné de « Premières nations et Inuits » et ne dit pas quelles sommes ont été allouées à chaque groupe; on présume que les dépenses sont proportionnelles à la taille de la population de chaque groupe. Il n’y a aucune donnée utile permettant d’évaluer les programmes et services destinés aux Inuits puisque les données sont fusionnées à celles des Premières nations et des autres populations autochtones.

Bien que le gouvernement fédéral se soit engagé à produire des rapports complets fondés sur des indicateurs de santé distincts, propres à chaque groupe autochtone, le Comité craint que le Parlement et les ministères continuent encore pendant cinq ans à prendre des décisions sans disposer d’une information complète.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

70

Que Affaires indiennes et du Nord Canada, Santé Canada et tout autre ministère ayant la responsabilité directe de programmes ou de services offerts aux Premières nations et aux Inuits établissent un relevé annuel de leurs programmes et services respectifs, pour l’année en cours et les cinq dernières années.

Que ce relevé comprenne une description claire de chaque programme ou service, par exercice; des critères d’admissibilité; du nombre respectif de clients des Premières nations et des Inuits desservis par le programme, par lieu géographique; des budgets consentis et des sommes dépensées; ainsi que toute évaluation ayant été réalisée des résultats obtenus relatifs aux facteurs déterminants de la santé mentale.

Que ce relevé soit soumis au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 

Mais surtout, le Comité estime que la configuration actuelle des ministères fédéraux, avec leurs fondements législatifs et politiques respectifs, ne fait rien pour améliorer le sort des Premières nations et des Inuits. Depuis que la responsabilité et l’administration des services médicaux offerts aux Indiens et aux Inuits sont passées du ministère des Affaires indiennes au ministère de la Santé nationale et du Bien-être social en 1945, l’état de santé de cette population s’est bien peu amélioré. Le gouvernement fédéral a eu amplement le temps de créer des lois pour préciser son rôle et ses responsabilités et d’élaborer des politiques capables de réduire la confusion interministérielle. L’heure est venue d’agir de façon à corriger la fragmentation interministérielle qui contribue au piètre état de santé des Premières nations et des Inuits.

 

Le Comité est absolument convaincu qu’une approche globale est essentielle au renforcement de la santé mentale chez les Premières nations et les Inuits. La division des programmes et des services entre Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada n’a aucun sens. Le Comité estime que les services actuellement offerts par Affaires indiennes et du Nord Canada dans les secteurs du logement, de l’éducation et du soutien du revenu doivent être rattachés aux services offerts par Santé Canada dans les secteurs de la promotion de la santé chez les enfants et des facteurs d’adaptation qui permettent de réduire la toxicomanie et le suicide. À l’heure actuelle, les programmes et services sont mal coordonnés et les ministères rivalisent entre eux pour l’obtention des budgets. Il faut un changement radical pour que les Premières nations et les Inuits reçoivent une gamme complète de programmes et services axés sur les facteurs déterminants de la santé et donnant des résultats favorables. Il faut une réelle transformation de la situation actuelle, non pas seulement des retouches superficielles.

Le Comité reconnaît toutefois qu’un changement du mode de prestation des programmes et services qui prend appui sur une base législative claire exige un examen approfondi de toutes les approches possibles et de leurs retombées. Le Comité recommande donc que le gouvernement fédéral procède à un examen objectif et indépendant des meilleurs moyens d’offrir les programmes et services essentiels à la promotion et au maintien de la santé des Premières nations et des Inuits, et prenne le temps de réfléchir aux mesures législatives nécessaires. Pour le moment, le Comité ne peut se prononcer avec certitude sur laquelle des approches suivantes serait la meilleure :

§         doit-on conserver les structures actuelles en modifiant considérablement la façon dont Santé Canada et Affaires indiennes et du Nord Canada offrent les programmes et services;

§         les responsabilités de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada devraient-elles être transférées à Affaires indiennes et du Nord Canada; ou

§         certaines ressources précises, assorties de tous les critères d’évaluation et de responsabilisation nécessaires, devraient-elles être transférées soit aux Premières nations et aux Inuits eux-mêmes, ou aux gouvernements des provinces et des territoires?

Le Comité recommande :

 

 

71

Que le gouvernement fédéral fasse immédiatement réaliser une étude indépendante des modalités fédérales de prestation des programmes et services se rapportant à la santé des Premières nations et des Inuits dans son ensemble.

Que cette étude envisage diverses possibilités de prestation de ces services; fasse une évaluation claire de ces possibilités; et aboutisse au dépôt d’un rapport complet au Parlement, assorti de recommandations, en 2008.

13.2      LES DÉLINQUANTS SOUS RESPONSABILITÉ FÉDÉRALE

[L]a pratique cruelle qui consiste à incarcérer les personnes souffrant de maladie mentale dans des prisons est inhumaine, injuste et inefficace. Les prisons ne disposent pas des installations appropriées ni des ressources médicales nécessaires pour accueillir les personnes atteintes de maladie mentale. Le personnel manque souvent de compétence et est incapable de composer avec les difficultés de la maladie mentale. Les personnes atteintes ont des pensées illogiques, des délires, des hallucinations auditives, elles souffrent de paranoïa et ont de graves sautes d’humeur; elles ne comprennent pas toujours les règles des prisons. Elles sont très vulnérables et sont susceptibles d’avoir un comportement bizarre avec lequel le personnel de la prison doit composer et que les codétenus doivent tolérer. — Bonita Allen, mère d’un fils bipolaire[36]

13.2.1   La compétence fédérale

Service correctionnel Canada (SCC) administre les peines imposées par les tribunaux dont la durée est de deux ans ou plus. La Loi canadienne sur la santé exclut explicitement « [l]es personnes purgeant une peine d’emprisonnement dans un pénitencier, au sens de la Partie I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition » de la définition des personnes assurées en vertu des régimes provinciaux de soins de santé[37]. Le gouvernement fédéral est directement responsable de la prestation de services de santé aux détenus des établissements fédéraux.

En 1992, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC) a remplacé la Loi sur les pénitenciers. La LSCMLC définit les « soins de santé mentale » et exige que chaque détenu reçoive les soins de santé essentiels et qu’il ait « accès, dans la mesure du possible, aux soins [de santé mentale] qui peuvent faciliter sa réadaptation et sa réinsertion sociale »[38]. Une Directive du commissaire du SCC sur les services de santé indique que les services essentiels comprennent « les services actifs et prolongés de soins de santé mentale »[39]. La Loi oblige aussi à tenir compte de « l’état de santé du délinquant et des soins qu’il requiert » au moment de prendre une décision relative à son placement, son transfert, son isolement préventif ou aux mesures préparatoires à sa mise en liberté et sa surveillance.

Le Rapport sur le rendement du Service correctionnel du Canada, pour la période se terminant en mars 2005, affirme que :

Au cours d’une journée type, en 2004-2005, le SCC avait la charge d’environ 12 600 délinquants détenus dans un établissement fédéral et d’environ 8 200 délinquants purgeant une partie de leur peine sous surveillance dans la collectivité[40].

Francoise Bouchard, directrice générale, Services de santé, Service correctionnel Canada, a déclaré qu’un grand nombre de délinquants ont des problèmes de santé mentale.

Douze pour cent sont atteints de troubles mentaux graves qui nécessitent une intervention immédiate. Le pourcentage des délinquants chez qui on a diagnostiqué un trouble mental au moment de leur admission a augmenté de 61 p. cent en sept ans. De plus, au cours de cette même période, le nombre de délinquants qui prennent des médicaments sur ordonnance a augmenté de 80 p. cent[41].

Howard Sapers, l’enquêteur correctionnel du Canada, mandaté par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour agir en qualité de médiateur pour les délinquants fédéraux, a lui aussi fait état de la forte prévalence des cas de maladie mentale et de toxicomanie chez les détenus :

Une comparaison entre les admissions dans les établissements fédéraux en 1967 et en mars 2004 fait apparaître une augmentation de 60 p. cent du nombre de détenus atteints de troubles mentaux. La ventilation par sexe est la suivante : 57 p. cent d’hommes et 65 p. cent de femmes. La prévalence passe à près de 84 p. cent si l’on englobe dans ces chiffres l’abus de substances[42].

Près de la moitié de ceux qui présentent un problème d’abus de substances ont aussi d’autres problèmes; le taux de suicide est beaucoup plus élevé parmi les détenus que dans la population générale. En ce qui concerne le syndrome d’alcoolisme fœtal, Howard Sapers dit que les « chiffres obtenus auprès des établissements pour jeunes à travers le Canada estiment qu’environ 22 p. cent des délinquants adultes seraient atteints de TSAF »[43].

13.2.2   Programmes et services fédéraux

Service correctionnel Canada établit une distinction entre les programmes courants destinés à la population générale des détenus qui ne sont pas atteints de maladie mentale, et les programmes spéciaux destinés à ceux qui ont besoin de services de santé mentale notamment pour cause de personnalité anti-sociale[44].

Bien que la capacité actuelle d’évaluer et de prendre en charge les problèmes de santé mentale des délinquants soit limitée, SCC travaille à élaborer un éventail de soins de santé mentale axé sur quatre secteurs clés[45] :

§         évaluation complète de la santé mentale des délinquants au moment de l’admission afin d’établir des plans de traitement appropriés, de placer les délinquants dans les établissements les plus adéquats, et de recueillir des données pour faciliter la planification;

§         centres régionaux de traitement (il y en a actuellement cinq) satisfaisant aux exigences relatives au statut d’établissement hospitalier, à l’agrément, au nombre et au type d’employés, aux critères d’admission et au niveau de sécurité, qui savent cibler la clientèle ayant besoin de traitements particuliers (notamment les cas de TSAF et de troubles de la personnalité);

§         services de santé mentale offerts dans les établissements ordinaires et création d’unités de santé mentale offrant des soins intermédiaires dans certains établissements pour desservir les détenus qui, sans avoir besoin d’être hospitalisés, requièrent un encadrement plus rigoureux et un soutien plus ferme;

§         stratégie de santé mentale dans la collectivité pour continuer de dispenser des soins aux délinquants quand ils sont remis en liberté, notamment des services spécialisés et des services de soutien en matière d’emploi, de logement et de santé mentale.

En novembre 2005, le Rapport annuel de l’Enquêteur correctionnel pressait Service correc­tionnel Canada d’engager les fonds nécessaires pour mettre en œuvre sa Stratégie en matière de santé mentale :

La Stratégie, approuvée par le SCC à l’été de 2004, est restée en plan. Aucun financement n’a été engagé pour mettre en place les trois composantes initiales du plan d’action : processus complet d’évaluation clinique à l’admission; amélioration des centres de traitement actuels du Service et mise sur pied d’unités intermédiaires de soins en santé mentale au sein des pénitenciers existants pour traiter et évaluer les délinquants tout au long de leur incarcération. Quant au financement obtenu pour aller de l’avant avec la quatrième composante, c'est-à-dire offrir des services de santé mentale dans la collectivité pour aider les délinquants en liberté, il n’a toujours pas été confié aux collectivités[46].

Bien que l’objectif de la politique, tel qu’il est énoncé dans la Directive du commissaire sur les Services de santé, soit de « s’assurer que les détenus ont accès aux services médicaux, dentaires et de santé [mentale] essentiels, conformément aux pratiques généralement admises dans la collectivité », dans les faits, les soins de santé mentale ne sont pas offerts dans les centres de réception, les centres de traitement ou les centres de services communautaires[47].

13.2.2.1      Centres de réception

La Directive stipule, en ce qui concerne les normes de soins à la réception, que dans les deux jours ouvrables suivant son arrivée, tout détenu doit subir une évaluation infirmière portant sur les problèmes aigus de santé physique et mentale. Toutefois, le but premier de l’évaluation préliminaire de santé mentale est d’établir le niveau de risque que pose le détenu plutôt que la détermination complète de ses besoins de santé mentale. Une évaluation du risque de suicide est aussi faite à l’arrivée. Si la personne est suicidaire, elle est placée sous observation pendant un certain temps, puis réévaluée. Une évaluation infirmière complète doit avoir lieu dans les 14 jours suivant l’admission.

Les délinquants résident au centre de réception pendant les trois premiers mois de leur incarcération et y reçoivent les soins médicaux nécessaires. Si la personne a besoin d’une médication en raison d’un problème de santé mentale, l’infirmière peut l’adresser au médecin de l’établissement pour examen. Si un problème de comportement se produit, une évaluation par un psychologue peut être exigée. Les délinquants peuvent aussi rencontrer un psychiatre au centre de réception.

13.2.2.2      Centres de traitement

Si des problèmes de santé mentale sérieux se manifestent pendant le séjour du détenu à l’unité de réception, ou si un diagnostic précis a pu être établi à l’accueil, le détenu peut être admis dans l’un des cinq centres de traitement régionaux. Ces centres offrent aussi des programmes destinés aux délinquants sexuels et aux délinquants violents.

Dans les centres de traitement, les services de santé sont offerts 24 heures par jour. L’état de la personne est stabilisé, sa médication est analysée, et une évaluation est faite pour déterminer si un transfert dans un établissement ordinaire est possible. Avant le transfert, le dossier médical est passé en revue afin de déterminer tous les problèmes de santé et assurer ainsi la continuité des soins et la capacité du détenu de s’inscrire dans les programmes réguliers offerts à l’établissement d’accueil.

Bien que la continuité des soins soit le but visé, peu de délinquants fédéraux reçoivent les traitements dont ils ont besoin par manque des services nécessaires en santé mentale.

13.2.2.3      Établissements ordinaires

Une fois son état stabilisé et le délinquant affecté à un établissement ordinaire, à sécurité minimale, moyenne ou maximale, son état de santé est examiné par le personnel médical. Il n’y a cependant ni budget réservé ni services spécialisés en santé mentale.

13.2.2.4      Services de santé communautaires

Les délinquants en liberté conditionnelle totale, en liberté d’office ou en semi-liberté qui vivent dans un centre résidentiel communautaire, ont accès aux services de santé essentiels couverts par le régime provincial d’assurance-maladie. La planification prélibératoire comprend une demande de carte d’assurance-maladie.

Les délinquants qui vivent dans un Centre correctionnel communautaire reçoivent les services de santé essentiels à la charge de Service correctionnel Canada. Le SCC doit aussi payer « les autres services de santé non assurés du délinquant résidant dans un centre correctionnel communautaire ou un centre résidentiel communautaire, qui ne travaille pas, qui n’a aucune autre source de revenu, et qui n’est par ailleurs admissible à aucune autre forme d’aide communautaire ou gouvernementale »[48]. Le Service doit aussi payer « les traitements de santé mentale qui ne sont pas assurés, que demande la Commission nationale des libérations conditionnelles ou le Plan correctionnel, pour tout délinquant en liberté conditionnelle ».

13.2.3   Évaluation des besoins du groupe client

13.2.3.1      Établissement

Les témoins ont exprimé des doutes sérieux quant à la capacité des cinq établissements de traitement de Service correctionnel Canada de répondre aux besoins des délinquants ayant des problèmes de santé mentale. Howard Sapers a déclaré que :

Le SCC a actuellement des lits disponibles dans ses centres de traitement pour répondre aux besoins de moins de 6 p. cent de la population carcérale. Or, selon les estimations du service lui-même, le besoin est pour environ 12 p. cent. Ainsi, la capacité actuelle est inférieure à 50 p. cent du besoin identifié[49].

Natalie Neault, directrice des enquêtes, Bureau de l’enquêteur correctionnel du Canada, a affirmé que certains centres de traitement ne pouvaient offrir de services aux détenus à sécurité maximale. Elle a parlé de douze détenus placés en isolement de longue durée et présentant des symptômes avérés de maladie mentale, à qui on a refusé plusieurs fois l’admission au Centre de traitement Shepody de Dorchester (Nouveau-Brunswick), sous prétexte que celui-ci n’avait pas la structure nécessaire pour recevoir des détenus à sécurité maximale. Dans ce cas, quand un détenu reçoit la visite d’un psychologue, le but de cette visite n’est pas de traiter la maladie mentale mais d’évaluer le risque de suicide :

Les envoyer dans une autre région, loin de leurs proches — qui sont souvent leur seul soutien lui-même souvent très réduit — est contraire à tout l’objectif de la réinsertion de ces personnes. Ils restent donc dans ces unités d’isolement, voyant un psychologue une fois par mois pour vérifier qu’ils ne sont pas suicidaires[50].

Robert Miller, chef du service de psychiatrie au Vancouver Island Health Authority soutient que les établissements et services offerts aux détenus qui présentent des besoins de santé mentale devraient répondre aux mêmes normes que ceux qui sont offerts à la population générale :

[…] que les personnes ayant besoin d’être soignées à l’hôpital soient hospitalisées, au lieu d’être soignées en prison. De plus, dans les établissements correctionnels où des soins sont assurés, il n’est pas nécessaire d’hospitaliser tout le monde. En milieu carcéral, il est tout à fait possible d’assurer des services de santé mentale en consultation externe, mais les soins et les traitements qu’on y dispense devraient être de la même qualité que ceux disponibles dans la collectivité locale[51].

13.2.3.2      Intégration communautaire

Dans le cas des délinquants qui ont fait l’objet d’un diagnostic de maladie mentale, qui sont sous traitement et ont besoin d’être suivis par un psychiatre, Service correctionnel Canada tente d’assurer la continuité des services après la remise en liberté. Il faut à cette fin trouver un psychiatre, une clinique ou un hôpital qui acceptera de voir le délinquant après sa libération, et intégrer des services communautaires dans le plan de libération. Des problèmes peuvent survenir si le délinquant décide de ne pas se présenter à ses rendez-vous ou à la clinique, si les services n’acceptent pas de recevoir le délinquant, ou si les services ne sont pas offerts où et quand la libération doit avoir lieu. Si le délinquant réside dans un centre correctionnel communautaire, les services sont maintenus tant qu’il relève des services correctionnels.

Dans la réalité, les interventions et les services communautaires sont limités en raison de l’ostracisme dont sont frappés les anciens détenus et les personnes atteintes de maladie mentale. Michael Bettman, directeur général par intérim, Programmes pour délinquants et réinsertion sociale, Service correctionnel Canada, indique que l’ostracisme est le principal obstacle à la réinsertion sociale :

Notre principal obstacle reste, dans une grande mesure, l’ostracisme. Ces délinquants font partie de notre collectivité mais les gens refusent d’accepter ce fait. Ils veulent les isoler non seulement quand ils sont en prison mais aussi quand ils sont dans les collectivités; ils affirment que le traitement des maladies mentales relève du gouvernement et non pas de la ville et, par conséquent, nous sommes souvent laissés à nous-mêmes quand nous tentons de répondre aux besoins de ces délinquants[52].

L’impossibilité d’intégrer ou simplement de coordonner les services relevant d’organismes fédéraux et provinciaux fait que certaines personnes n’ont pas la médication qu’il leur faut et risquent de récidiver. Bernard Galerneau, psychologue, directeur politique, Centre de rétablissement Shepody, signale que :

Les détenus atteints de troubles mentaux qui prennent des médicaments psychotropes reçoivent généralement, au moment de leur libération, une provision de médicaments pour deux semaines. Combien de temps doivent-ils attendre avant de voir un médecin ou un psychiatre qui renouvellera leur ordonnance[53]?

Jocelyn Greene, directrice exécutive, Stella Burry Community Services, a parlé d’un programme de soutien communautaire très innovateur, inspiré du modèle familial et destiné aux femmes présentant des problèmes de santé mentale complexes, qui semble offrir de belles perspectives d’économies tant pour le système carcéral que pour le système de soins de santé :

L’évaluation du programme a montré qu’il y avait eu une réduction considérable des taux d’hospitalisation et d’incarcération. […] le point saillant est la diminution du nombre de jours de prison, qui était de 73 p. cent, et la diminution des jours d’hospitalisation, qui était de 39,2 p. cent[54].

13.2.3.3      Ressources humaines

Il est d’autant plus difficile de réunir les ressources humaines nécessaires à la prestation des services de santé mentale que les professionnels se voient imposer une multitude de tâches. Françoise Bouchard a indiqué qu’il y a :

[…] environ 250 psychologues qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada. Cependant, il ne faut pas oublier que les psychologues ne fournissent pas uniquement des services de santé mentale. Ils effectuent également une évaluation des risques pour les autorités correctionnelles. En fait, l’essentiel des activités des psychologues de SCC ont trait à l’évaluation des risques[55].

Bernard Galarneau, psychologue institutionnel au Centre de rétablissement Shepody, a expliqué que la charge de travail est très lourde et qu’on accorde plus d’importance à l’évaluation des risques qu’à la santé mentale :

Comme nous nous occupons de 100 à 200 détenus, nous ne pouvons consacrer que très peu de temps à la véritable psychothérapie. On agit comme un urgentologue, on gère les crises au fur et à mesure qu’elles éclatent et on fait beaucoup d’évaluation des risques[56].

Bien que les détenus en isolement soient censés voir un psychologue une fois par mois, Natalie Neault indique que ce n’est tout simplement pas possible :

[I]l y a une liste longue comme mon bras de détenus en attente de services psychologiques et les ressources sont très limitées. Il y a seulement deux psychologues pour une population de presque 300 détenus[57].

Christine Davis, présidente, Fédération canadienne des infirmières et infirmiers en santé mentale, demande que les infirmières reçoivent plus de formation et aient à jouer un rôle plus étendu :

Si on leur donnait la formation appropriée, les infirmières et les infirmiers qui travaillent en milieu carcéral pourraient jouer un rôle plus actif en matière d’évaluation de la santé mentale, de méthodes de traitement fondées sur l’expérience clinique et de soins à long terme des détenus souffrant de problèmes de santé mentale. Trop souvent, les gens sont détenus faute de place dans les établissements de médecine légale. Si les infirmières qui fournissent des soins physiques bénéficiaient d’un soutien pour faire des évaluations de santé mentale et apporter des traitements, il y aurait moins de pression sur les établissements de médecine légale et les personnes qui sont dans le système de justice et qui sont affectées par la maladie mentale pourraient être dirigées vers les soins appropriés en temps opportun[58].

Certains témoins, comme Kim Pate, directrice exécutive, Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, reconnaît qu’il n’est pas possible de former tout le personnel afin qu’il puisse faire des évaluations de santé mentale, mais elle insiste sur l’extrême importance de repérer les délinquants qui présentent des problèmes de santé mentale et de leur offrir rapidement les soins dont ils ont besoin. Elle dit que des patientes s’améliorent parfois très rapidement lorsqu’elles sont « vues par la lorgnette de la santé mentale plutôt que par celle de la criminalité »[59]. Pour Howard Sapers, le personnel doit avoir appris à « faire la différence entre une crise de santé mentale et une crise sécuritaire face à un détenu qui perd les pédales »[60].

13.2.3.4      Groupes particuliers — isolement, femmes, Autochtones

Les détenus en isolement risquent plus que les autres de faire l’objet d’une évaluation insuffisante et leurs besoins de santé mentale risquent fort de ne pas être pleinement reconnus. Howard Sapers dit que les détenus en isolement, qui sont enfermés jusqu’à 23 heures par jour dans les établissements à sécurité maximale, sont souvent atteints de déficience intellectuelle ou présentent « des problèmes de comportement, des difficultés d’apprentissage et (ou) des symptômes d’hyperactivité avec déficit de l’attention, HADA, ou alcoolisme fœtal, TSAF ». Il a brossé un tableau plutôt sombre du sort réservé à ces détenus dans le système carcéral :

Ces contrevenants sont incapables de suivre des programmes ordinaires, ils sont la proie d’autres détenus, ils aboutissent en isolement, ils ont une capacité limitée à faire face et ils sont habituellement classés comme à sécurité maximale. Ils n’ont pas la capacité ou les aptitudes pour se concentrer et suivre les programmes réguliers. Ils sont vulnérables et leur ségrégation est généralement plus longue que celle des autres détenus en isolement. On les envoie habituellement voir le psychiatre, qui typiquement ne trouve pas d’indice de trouble psychiatrique, et les caractérise comme présentant un problème de comportement. Ces délinquants ne remplissent donc pas les critères qui leur permettraient de bénéficier des services d’un centre de traitement, et ils restent confinés dans des établissements généraux. Ils ont des facultés d’adaptation limitées, ce qui peut les amener à se couper d’autrui, se mutiler, mettre le feu, se suicider ou tenter de le faire et, dans quelques situations extrêmes, agresser d’autres détenus ou des gardiens[61].

Quelques témoins ont demandé que le personnel soit formé de manière à mieux pouvoir intervenir auprès de délinquants présentant des troubles qui risquent de les conduire en isolement, et qu’une formation soit offerte au personnel qui travaille avec les détenus en isolement. Natalie Neault a expliqué l’importance de bien évaluer dès l’accueil les détenus qui présentent des difficultés d’apprentissage car ils « ont du mal à suivre les ordres des agents et gardiens, se retrouvent inculpés, placés en isolement et sujets à des sanctions disciplinaires »[62]. Kim Pate a décrit son expérience de travail auprès de femmes placées en isolement :

Vous ne pouvez imaginer le nombre de fois que j’ai dû me mettre à genoux devant une cellule d’isolement pour parler à une détenue par le passe-plat, et essayer de la convaincre d’arrêter de se taper la tête contre le mur et m’entendre dire par un membre du personnel qu’on lui avait dit de compter jusqu’à 20, parce qu’après 20 on n’a plus affaire à une tactique pour attirer l’attention, mais que c’est peut‑être une question de vie ou de mort. Ce n’est pas que le personnel soit mal intentionné, mais il a été formé pour croire que, jusqu’à un certain point, ce genre de comportement tient uniquement à la manipulation[63].

Bien que les femmes ne forment qu’un petit groupe, estimé à environ 400 dans l’ensemble de la population carcérale fédérale, elles ont des besoins de santé mentale particuliers. Howard Sapers a parlé d’une étude qui comparait les admissions dans les établissements fédéraux en 1967 et en 2004 et qui faisait ressortir une augmentation de 65 p. cent dans le nombre des délinquantes présentant des problèmes de santé mentale, chiffre qu’il faut réviser à la hausse si on tient compte des cas de consommation abusive. Il a aussi déclaré :

Service correctionnel Canada reconnaît que les femmes des établissements fédéraux connaissent un taux d’automutilation et de tentative de suicide supérieur à celui de leurs homologues masculins. La direction de la recherche de SCC a conclu que plus des deux tiers des détenues en sécurité maximale avaient fait une tentative de suicide antérieure, comparé à 21 p. cent des hommes en sécurité maximale. Le taux est donc trois fois supérieur[64].

Kim Pate a soutenu que les femmes avaient été particulièrement touchées par la désinstitution­nalisation de même que par les coupures dans les programmes sociaux, ce qui donne à croire que pour certaines femmes, la prison est devenue une sorte de système de soins de remplacement :

À cause des coupures occasionnées par la suppression du régime d’Assistance Canada […], nous avons assisté à une augmentation du nombre de personnes qui sont oubliées par les services de santé mentale, les services sociaux et les services d’éducation et qui aboutissent donc dans le système de justice criminelle. Cela tient au fait qu’il s’agit du seul système qui ne peut fermer ses portes en disant « Non, nous sommes complets, nous n’avons plus de lit » et qu’il n’est pas difficile d’associer un comportement souvent symptomatique d’une maladie mentale à un comportement criminel[65].

Quelques témoins ont aussi parlé de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale. Michael Bettman a mentionné l’existence de programmes spéciaux, créés par des Autochtones pour le bénéfice des délinquants autochtones et souvent directement offerts par du personnel autochtone. Il signale que :

[…] la population autochtone représente 3 p. cent de l’ensemble de la population, mais 17 p. cent de notre population délinquante. Dans la région des Prairies, ce pourcentage frise les 65 p. cent[66].

Darrell Downton, coprésident, Comité consultatif sur la santé mentale et les toxicomanies, Five Hills Regional Health Authority, a mis l’accent sur la prévention. Il estime que d’importantes économies pourraient être réalisées si on intervenait auprès des enfants autochtones avant qu’ils ne commencent à avoir des démêlés avec la justice :

Il peut exister des programmes pour venir en aide aux délinquants, mais il est beaucoup plus important d’intervenir avant que les enfants se mettent à commettre des infractions. C’est une économie de 50 000 $ par année sans compter tous les autres avantages pour la société[67].

13.2.3.5      Toxicomanie

Selon Michael Bettman, près de 80 p. cent des délinquants fédéraux ont un problème de toxicomanie qui conduit à la récidive. Il affirme que le programme mis en œuvre par le Canada est reconnu mondialement et que divers pays européens s’en inspirent :

Nous avons un programme de réduction de la toxicomanie dans nos établissements à sécurité minimale, moyenne et maximale qui comprend le suivi. Ce sont des programmes centrés sur la réduction du préjudice visant à réduire et à prévenir la toxicomanie. On assure ensuite le suivi pendant toute la peine que purge le délinquant autant au sein de l’établissement que dans la collectivité, après sa libération[68].

Howard Sapers recommande que le SCC mette en œuvre un certain nombre de mesures pour améliorer la situation des délinquants qui ont des problèmes de toxicomanie.

[…] un programme d’échange de seringues en milieu carcéral pour contrer les risques pour la santé publique associés au taux croissant d’infection à l’hépatite C et au VIH. Plusieurs pays européens ont déjà mis en place de tels programmes d’échange de seringues. Ils sont efficaces, en ce sens que les taux d’infection y sont en baisse et que le taux des détenus en bonne santé à la libération est en hausse. On ne signale aucune augmentation des cas d’abus de drogue dans les prisons, ou de l’emploi de seringues pour des agressions[69].

Michael Flaxman, un bénévole du From the Heart Committee de Toronto, a demandé que les délinquants qui ont commis des crimes sans violence liés à la drogue soient tenus à l’écart des autres et aient accès à des programmes principalement axés sur la toxicomanie :

[…] pourquoi ne pas avoir un établissement à sécurité minimale-moyenne qui offre des programmes pour les détenus ayant commis des crimes non violents liés à la drogue, selon un continuum précis qui réponde aux besoins des toxicomanes. Ces personnes ont tendance à purger des peines plus courtes que les autres, et avec la procédure d’examen expéditif pour la libération conditionnelle, qui leur permet d’être admissibles à une semi-liberté après avoir purgé le sixième de leur peine, elles pourraient se concentrer sur leur toxicomanie[70].

Le manque de continuité entre le milieu institutionnel et les programmes communautaires entraîne toutes sortes de problèmes aux délinquants, une fois remis en liberté. Selon Ron Fitzpatrick, directeur exécutif, Turnings, lorsqu’un détenu qui recevait un traitement d’entretien à la méthadone est mis en liberté, il devrait être immédiatement intégré à un programme équivalent offert en milieu communautaire, mais souvent ce n’est pas le cas :

S’il recevait un traitement d’entretien à la méthadone en prison, il doit continuer de le recevoir à l’extérieur parce qu’il l’a reçu en prison pendant cinq ans. S’il n’est pas immédiatement intégré à un programme, à cause des listes d’attente, sa seule option sera de trouver de la drogue dans la rue et là, il finira par retourner en prison. Et s’il est envoyé dans une prison provinciale pour avoir volé de la drogue, rien ne garantit qu’il sera intégré dans un programme d’entretien à la méthadone[71].

13.2.4   Commentaire du Comité

En ce qui concerne les délinquants sous responsabilité fédérale — et par extension, toute la population carcérale sous responsabilité provinciale —, le Comité vise un objectif principal, soit un relèvement des normes qui régissent les soins de santé mentale offerts dans les établissements correctionnels (et le milieu des libérations conditionnelles) afin qu’elles soient équivalentes à celles qui s’appliquent aux services offerts à la population générale. Ne pas atteindre cet objectif reviendrait à condamner un trop grand nombre de personnes au syndrome de la porte tournante, c'est-à-dire à un retour perpétuel en prison. Si le but de l’incarcération est à la fois la réadaptation et la protection de la sécurité publique, cet objectif doit absolument être atteint. Sinon, il faudra en conclure que Service correctionnel Canada accorde une priorité plus haute à l’enfermement qu’à la réadaptation.

Le Comité comprend que pour répondre aux besoins des détenus souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie, il faut une transformation en profondeur des programmes, des modes de financement et de l’attitude de SCC. D’entrée de jeu, il faut procéder à une évaluation complète de la santé mentale du délinquant à son arrivée au pénitencier fédéral. Il faut des budgets pour financer les programmes et services nécessaires aux besoins de santé mentale de la population carcérale. Il faut que SCC prouve par des gestes concrets sa volonté de mettre la priorité sur la réadaptation et non sur la seule protection du public par l’enfermement. Le Comité reconnaît aussi la nécessité de recueillir et d’analyser des données, et d’approfondir la recherche dans le domaine de la santé mentale. Bref, le Comité presse Service correctionnel Canada d’accorder plus d’importance aux besoins de santé mentale et de toxicomanie des détenus - de consacrer à ces besoins autant d’attention qu’aux besoins de sécurité et d’évaluation du risque — et de faire en sorte que traitement et réadaptation soient harmonieusement coordonnés.

Pour en arriver à des normes équivalentes de soins de santé mentale pour les délinquants fédéraux en milieu carcéral et en milieu de transition après la remise en liberté, le Comité recommande :

 

 

72

Que Service correctionnel Canada (SCC) élabore et mette en œuvre un ensemble de normes en soins de santé mentale applicable dans les établissements carcéraux et en milieu de transition, qui soit équivalent aux normes en vigueur dans les milieux accessibles à la population générale.

Que les normes de SCC soient fondées sur des données statistiques portant sur les délinquants sous responsabilité fédérale, leurs problèmes de santé mentale et de toxicomanie, notamment la prévalence de la maladie mentale, les traitements utilisés (psychothérapie, médication, etc.), les taux d’hospitalisation, etc.

Que la mise en œuvre par SCC de cet ensemble de normes fasse l’objet d’un examen annuel confié à un organisme indépendant ayant des compétences dans le domaine de la santé mentale, comme la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16).

Que les données servant de toile de fond aux normes soient rendues publiques et mises à la disposition des chercheurs à des fins d’analyse indépendante.

Que l’évaluation de rendement soit déposée au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 

En ce qui concerne les délinquants qui ont besoin de soins et de traitements de santé mentale pendant leur incarcération dans les établissements correctionnels ordinaires, le Comité estime que le personnel devrait recevoir une formation lui permettant de faire la distinction entre une crise de santé mentale et un problème de sécurité. Les délinquants doivent recevoir les services de psychothérapie ou les autres formes de thérapie dont ils ont besoin, de la part de professionnels formés spécifiquement dans le traitement de la maladie mentale.

Le Comité demande instamment qu’une évaluation complète de la santé mentale des délinquants soit faite, par un professionnel dûment formé, à leur arrivée à l’unité de réception, et qu’elle soit faite plus rapidement qu’à l’heure actuelle. Il appuie les efforts de réduction de préjudice et de traitement visant les délinquants toxicomanes. Au delà du programme d’entretien à la méthadone, le Comité est favorable à une évaluation complète des arguments pour et contre la création d’un programme d’échange de seringues dans les établissements fédéraux.

Le Comité recommande :

 

 

73

Que Service correctionnel Canada fasse réaliser, par un professionnel reconnu, une évaluation clinique complète de la santé mentale de chaque délinquant, au plus tard dans les sept jours civils suivant son arrivée à l’unité de réception, afin de déterminer ses besoins en matière de soins de santé mentale ou de toxicomanie.

Que Service correctionnel Canada donne aux agents correctionnels et autres membres du personnel, dès leur entrée en fonction, une formation leur permettant de faire la distinction entre une crise de santé mentale et un problème de sécurité.

Que Service correctionnel Canada mette des services de psychothérapie à la portée des délinquants qui en ont médicalement besoin, et que ces services soient offerts par un psychiatre, un psychologue, un travailleur social ou un autre professionnel de la santé n’ayant pas la responsabilité d’évaluer le risque posé par le délinquant.

Que Service correctionnel Canada augmente la capacité de ses centres de traitement en y ajoutant des lits et du personnel.

Que Service correctionnel Canada mette immédiatement en œuvre dans tous les établissements correctionnels fédéraux des mesures de réduction du préjudice.

 

Après la remise en liberté des délinquants, le Comité veut des assurances à l’effet que Service correctionnel Canada se porte garant de la continuité des soins, notamment de l’accès aux médicaments au-delà de la provision pour deux semaines donnée à la libération.

Le Comité recommande :

 

 

74

Que Service correctionnel Canada mette sur pied un système de prise en charge qui garantisse aux délinquants l’accès aux traitements de santé mentale dont ils ont besoin après leur mise en liberté, notamment l’accès, sans frais, aux médicaments nécessaires jusqu’à ce qu’ils bénéficient des services communautaires provinciaux ou territoriaux.

13. 3     LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

[E]nviron la moitié des gens qui ont des problèmes ne viennent pas demander de l’aide. Nous continuons donc à travailler là-dessus. Y a-t-il de la stigmatisation? Moins qu’avant, mais je crains qu’on ne soit en train de créer deux catégories de maladies mentales. Peut-être est-il acceptable de souffrir de traumatisme lié au stress opérationnel ou de SSPT [syndrome de stress post-traumatique], mais il n’est pas acceptable de souffrir de dépression ordinaire dans l’armée. — Brigadier-général Hilary F. Jaeger, conseillère médicale, Défense nationale [72]

13.3.1   La compétence fédérale

En vertu du paragraphe 91(7) de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique,1867, la responsabilité complète des questions militaires, y compris des soins de santé aux militaires, est confiée au gouvernement fédéral. La Loi canadienne sur la santé de 1984 exclut nommément les « membres des Forces armées canadiennes » de la catégorie des « assurés ». Ils ne sont pas non plus couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie ni par le Régime de soins de santé de la fonction publique.

En vertu de la Loi sur la défense nationale, le ministre de la Défense nationale a le pouvoir de gérer et de diriger les Forces armées canadiennes[73]. Comme l’a expliqué le brigadier‑général Hilary F. Jaeger, conseillère médicale, Défense nationale:

[L]e gouvernement fédéral a la responsabilité de tous les aspects des soins de santé des membres de la force régulière, de leur recrutement à leur retraite, et aussi pour les réservistes qui y ont droit. Cela comprend aussi les soins de santé mentale[74].

Selon le Rapport sur le rendement du Ministère pour la période se terminant le 31 mars 2005, la force régulière s’établissait à 61 715 membres en 2004-2005[75]. L’effectif de la Première réserve s’élevait en 2004-2005 à 25 633 membres[76].

 

Pour déterminer la prévalence de la maladie mentale parmi les membres de la force régulière et des forces de réserve, la Défense nationale et Statistique Canada ont fait établir en 2002 un Supplément Forces armées canadiennes à l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes. Il devient ainsi possible de comparer la population civile et la population militaire du point de vue de la prévalence de certaines maladies mentales, de l’impression de bien-être psychologique et de l’utilisation des services[77].

Le brigadier‑général Jaeger indique que les membres de la force régulière ont une incidence annuelle de problèmes de santé mentale d’environ 15 p. cent contre 13 p. cent dans les forces de réserve, et que la prévalence à vie s’établit à 30 et 35 p. cent[78]. Par comparaison avec la population civile, Hilary Jaeger affirme que « la prévalence de la dépression dans l’année précédant l’enquête était plus élevée de 80 p. cent que celle de la population en général »[79].

Le brigadier-général Jaeger a aussi dit au Comité que même si le syndrome de stress post-traumatique est la forme de maladie mentale la plus souvent associée aux Forces armées canadiennes, il ne figure pas parmi les trois troubles les plus prévalents :

La principale cause de souffrance psychologique, c’est la dépression, qui atteignait 7,6 p. cent pour l’année précédant l’enquête. La consommation excessive d’alcool ou la dépendance de type alcoolique atteignait 4 p. cent, et la phobie sociale 3,6 p. cent. Le SSPT représentait 2,8 p. cent et le trouble panique 2,2 p. cent — tous ces chiffres se rapportent à la force régulière qui, en général, a une incidence plus élevée de maladies mentales que la réserve[80].

13.3.2   Programmes et services fédéraux

Le brigadier‑général Jaeger a déclaré que les Forces canadiennes ont entrepris de renouveler en profondeur leur façon d’aborder les soins de santé mentale et ont commencé à mettre en œuvre un modèle de prestation de soins qui tient compte de facteurs multiples :

Nous croyons à un point de vue très holistique en matière de santé mentale. Nous estimons qu’il s’agit de l’élément de la santé qui se rapporte aux questions cognitives, émotionnelles, organisationnelles et spirituelles, et que la santé mentale est bien plus que l’absence de maladie psychiatrique. Nos normes sont donc assez élevées[81].

En novembre 2005, le Bureau du médecin-chef des FC a publié une « documentation » faisant le point sur les Programmes de santé mentale des Forces canadiennes[82]. L’information porte sur la prestation des services de santé, la protection de la santé, le soutien aux blessés, le soutien aux familles, et l’initiative Rx2000 sur la santé mentale (nom du projet de réforme et restructuration des services de santé des Forces canadiennes) et les partenariats avec Anciens Combattants Canada.


13.3.2.1      Services généraux de santé mentale

Le ministère de la Défense nationale procure aux membres des Forces canadiennes des soins de santé non urgents en consultation externe dans les cliniques, centres médicaux et unités de soutien des sites militaires répartis sur le territoire canadien. Ces unités médicales traitent les maladies qui ne mettent pas la vie en danger, font des interventions chirurgicales mineures, offrent des consultations en cas de problèmes mineurs de santé mentale, et distribuent des médicaments en fonction des besoins[83].

Après les heures normales, en cas d’urgence ou en région éloignée, les membres des FC s’adressent aux hôpitaux et autres services de santé civils. Certaines grandes cliniques militaires offrent des soins de santé mentale spécialisés, mais en règle générale, on s’adresse aux provinces pour ces services spécialisés.

La Réforme des services de santé des Forces canadiennes (Rx2000) est un vaste projet de restructuration médicale qui comprend un volet santé mentale. Des crédits de 98 millions de dollars sur six ans ont récemment été engagés pour améliorer la prestation des services de santé des FC au moyen d’un certain nombre de mesures :

§         accroître le nombre des fournisseurs de soins de santé mentale à la disposition des membres des FC partout au pays;

§         normaliser les méthodes d’évaluation et de traitement de certains problèmes de santé et s’assurer que le personnel accepte bien les nouvelles approches thérapeutiques;

§         perfectionner le dépistage psychosocial préalable aux déploiements pour favoriser une intervention précoce;

§         améliorer les services externes d’éducation;

§         faire de la recherche pour améliorer les pratiques et mesurer les résultats.

13.3.2.2      Soutien en cas de stress opérationnel

Les membres des Forces canadiennes sont soumis à des facteurs de stress particuliers lorsqu’ils participent à des missions de combat, de résolution de conflits ou de maintien de la paix. Les devoirs qu’ils accomplissent dans le cadre de la vie militaire peuvent devenir des expériences fortement traumatisantes : pertes importantes, attaques armées, prises d’otages, massacres, décès de collègues et de civils, etc.

En 1999, le Ministère a ouvert cinq Centres de soutien pour trauma et stress opérationnels aux bases de Halifax, de Valcartier, d’Ottawa, d’Edmonton et d’Esquimault. On y traite les problèmes psychologiques, émotionnels, spirituels et sociaux qui résultent des opérations militaires.

En 2002, le MDN et Anciens Combattants Canada ont lancé conjointement le Projet de soutien social aux victimes de stress opérationnel (SSVSO), un réseau d’entraide pancanadien conçu pour aider les membres et anciens membres des FC qui souffrent de traumatisme lié au stress opérationnel (TSO).

On définit ainsi le traumatisme lié au stress opérationnel (TSO) : toute difficulté psychologique persistante attribuable aux fonctions exécutées par un membre des Forces canadiennes dans le cadre d’une opération, notamment le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) [84]. En 2003, les résultats préliminaires d’un programme amélioré de dépistage médical post-déploiement destiné aux membres des Forces canadiennes déployés en Afghanistan et en Asie du Sud-Ouest ont révélé un « niveau perturbant de détérioration du bien-être physique et mental »[85]. Mais sur une note plus positive, le processus a permis de repérer plusieurs militaires présentant des problèmes et de les orienter vers le traitement approprié.

13.3.2.3      Stress et toxicomanie

Lorsque le travail oblige les membres des FC à se séparer de leur famille, tant la séparation que les retrouvailles peuvent être source d’émotions fortes et de stress. En 2000, la Direction de la politique médicale du MDN a publié une série de brochures portant sur le stress entourant notamment le déploiement, les retrouvailles et les incidents critiques [86].

Les politiques du Ministère en matière d’alcool et de drogues proposent des moyens d’intervention efficaces[87]. Les surveillants sont invités à reconnaître les signes avant‑coureurs de problèmes liés à la consommation d’alcool ou au jeu excessif et à intervenir rapidement pour prévenir de plus graves problèmes de santé et de sécurité. Dans un premier temps, on suggère des séances d’éducation et la participation de professionnels de la santé, tandis qu’une consultation ou un programme de traitement pour toxicomanie peuvent être prescrits par un médecin.

Le Ministère offre aussi des programmes de promotion de la santé mentale et de prévention de certains comportements négatifs liés au stress, comme la toxicomanie, la violence familiale et le suicide. L’approche interdisciplinaire de ces programmes fait intervenir des psychiatres, des psychologues cliniciens, des infirmières en santé mentale, des travailleurs sociaux, des intervenants en toxicomanie et des aumôniers, et tous partagent la responsabilité avec les fournisseurs de soins primaires.

13.3.2.4      Congés et libérations pour cause médicale

D’après le brigadier général Jaeger, environ 42 p. cent des congés de maladie que prennent les militaires sont liés à la santé mentale, et environ 23 p. cent des militaires qui sont réformés pour cause de maladie présentent comme diagnostic principal une maladie mentale[88]. Elle indique que le Ministère parvient peut-être mieux que la plupart des employeurs à adapter les conditions de travail du personnel, ce qui réduit le nombre de militaires réformés pour cause de maladie :

Nous pouvons organiser du travail à mi-temps, réaffecter une personne à un travail moins stressant, ou à un travail moins exigeant physiquement[89].

Néanmoins, le colonel D. R. Boddam, principal gestionnaire des Forces canadiennes en matière de psychiatrie et de santé mentale, Défense nationale, a informé le Comité que s’il est vrai que la majorité des personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie mentale reviennent au travail après leur traitement, il reste qu’environ 300 personnes par année sont réformées pour cause de maladie mentale. Il a ajouté que la Défense nationale vient de mettre sur pied un projet de travail conjoint avec Anciens Combattants Canada:

Pour ceux qui ont subi un préjudice psychologique par suite de leur emploi, nous voulons travailler ensemble pour être capables de fournir cette continuité des traitements, à partir du moment où ils commencent à recevoir des soins jusqu’à celui où ils retournent à la vie civile[90].

Le brigadier‑général Jaeger a insisté sur le fait que ces libérations et restrictions d’emploi pour cause de maladie sont un sujet de vive préoccupation tant pour le Ministère que pour les militaires en cause :

 

Environ 2 300 de nos membres font l’objet d’un examen visant à déterminer leur capacité de demeurer au service des Forces canadiennes. Environ 23 p. cent de ces dossiers, chaque année, sont attribuables à la maladie mentale et ce n’est peut-être pas étonnant. Ces personnes sont beaucoup plus exposées que les autres à une libération des Forces canadiennes [91].

 

 

13.3.3   Évaluation des besoins du groupe client

13.3.3.1      Soins généraux de santé mentale

Le brigadier‑général Jaeger reconnaît la difficulté que présentera la mise sur pied d’équipes de santé mentale pour répondre aux besoins des membres des FC. Elle a indiqué que le Ministère va devoir doubler son personnel et qu’il sera sans doute difficile de trouver des gens compétents pour combler les postes car il faudra « recruter des professionnels dans le secteur civil, et nous savons qu’il y a une pénurie générale de professionnels de la santé »[92].

Le colonel Boddam a indiqué que la nécessité de compter sur le système civil de soins de santé pour traiter les militaires plus gravement atteints est aussi une source de préoccupation pour les membres des FC qui ont une maladie mentale plus grave :

Le nombre de lits disponibles dans les ailes psychiatriques est limité. Nous ne disposons pas de telles installations, et nous ne pouvons pas toujours y accéder rapidement. Cela nous préoccupe tout particulièrement car de par la nature de leur carrière, les militaires se déplacent fréquemment de sorte que les réseaux d’appui que constituent la famille éloignée et les amis de longue date sont moins susceptibles de venir en aide à un militaire en détresse psychologique[93].

Un certain nombre des efforts conjoints de la Défense nationale et d’Anciens Combattants Canada visent les militaires encore actifs et ceux qui sont en transition vers la vie civile. Le brigadier‑général Jaegar s’est montrée optimiste devant le partenariat et la convergence des objectifs dans le secteur des services de santé mentale :

Il s’agit de donner aux membres des Forces canadiennes l’accès aux ressources de ACC quand c’est logique, et vice versa. À plus ou moins longue échéance, nous souhaitons [intégrer les effectifs de] ces services[94].

13.3.3.2      Résultats des interventions en santé mentale

Sur la question de savoir si l’aveu d’une maladie mentale risque de provoquer la fin d’une carrière militaire au lieu d’un retour au travail après une période de traitement, le brigadier‑général Jaeger a déclaré que :

La vaste majorité des gens qui souffrent de troubles mentaux reçoivent un traitement approprié et réintègrent leurs fonctions. Personne ne s’en aperçoit. Nous aimerions bien que quelqu’un se lève et affirme : « Cela m’est arrivé. » Il y a le général Dallaire qui est un porte-parole éloquent pour ceux qui souffrent de traumatisme lié au stress opérationnel, mais il a dû prendre sa retraite des forces armées. Toutefois, nous aimerions bien compter sur quelqu’un qui exemplifie l’envers de la médaille. Pour des raisons de confidentialité, on ne peut forcer personne à le faire. On ne peut que demander des volontaires[95].

Il a aussi été question de l’accès à la pension et du niveau des prestations, dans le cas des personnes réformées pour cause médicale. Le brigadier‑général Jaeger a signalé les critères d’admissibilité très stricts du Régime d’assurance‑revenu militaire (RARM)[96]. Ce régime collectif d’assurance offre des prestations d’invalidité de longue durée aux militaires blessés, invalides ou réformés pour cause médicale :

Pour ce qui est du droit à la pension, si vous êtes libéré des Forces canadiennes pour raisons médicales après 10 ans de service, vous avez droit immédiatement à une rente suivant le nombre d’années de service, à savoir 2 p. cent pour chaque année de service. Si vous êtes libéré après 16 ans de service, votre pension est de 32 p. cent indexée au taux d’inflation. Vous avez droit au régime d’assurance‑revenu militaire, le RARM, qui bonifie cela à hauteur de 75 p. cent de votre salaire, mais il faut satisfaire à un certain critère, à savoir l’incapacité générale. C’est assez exigeant.

Si l’on arrive à démontrer au ministère des Anciens Combattants que l’incapacité est attribuable au service militaire ou a été aggravée par le service militaire, les administrateurs accueillent favorablement une telle requête et l’intéressé devient admissible à une pension correspondant au pourcentage de son incapacité[97].

13.3.3.3      Recours en cas de problèmes de santé mentale

Depuis quelques années, deux possibilités s’offrent aux membres des FC qui ont des griefs à formuler pour cause de problèmes de santé mentale ou autres problèmes résultant de leur travail. En 1998, le Ministre a créé un poste d’Ombudsman chargé de faire enquête sur les plaintes et d’agir à titre de tierce partie neutre dans diverses affaires mettant en cause des militaires et des employés civils de la Défense nationale et des Forces canadiennes. En 2000, on a créé le Comité des griefs des Forces canadiennes, un tribunal civil indépendant, habilité à entendre des griefs liés à divers aspects de la vie militaire et notamment au droit à des soins médicaux.

Très récemment, soit en 2004, l’Ombudsman a mené une enquête de suivi sur la question du stress opérationnel [98]. Il s’est réjoui de la qualité des soins dispensés par les Cliniques de soutien aux victimes de stress opérationnel; des sommes accrues consacrées au traitement du stress opérationnel; du succès que remporte le groupe de Soutien social aux victimes de stress opérationnel, lequel a offert soutien et entraide à plus de 1 000 membres des FC. Le rapport de l’Ombudsman note tout de même qu’il y a encore des choses à améliorer, notamment :

[…] la formation et l’éducation pour changer les attitudes à l’égard des traumatismes liés au stress opérationnel; les communications entre la chaîne de commandement opérationnelle et les personnes qui traitent les membres des FC qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel; ainsi que la coordination de la formation, de l’information et des initiatives relatives aux TSO dans l’ensemble des FC[99].

En 2004-2005, le Bureau de l’Ombudsman de la Défense nationale a reçu un grand nombre de plaintes portant sur la libération des forces armées (218), des problèmes médicaux (97) et des traumatismes liés au stress opérationnel (35). Le Comité des griefs des Forces canadiennes ne fait pas état des dossiers qu’il traite se rapportant à des problèmes de santé[100].


13.3.4   Commentaire du Comité

Le Comité se réjouit de constater que le ministère de la Défense nationale offre un aussi large éventail de services aux membres des Forces canadiennes qui ont des problèmes de santé mentale. La prestation de services de soutien familial en plus des services médicaux et du soutien aux blessés est digne d’éloges. Le Comité approuve particulièrement les efforts qui sont faits pour réduire le stress causé aux militaires et à leur famille par les séparations qu’entraînent les déploiements et par les fréquentes relocalisations.

Le Comité comprend que des programmes et services de santé mentale sont relativement nouveaux et dispersés sur l’ensemble des établissements militaires. Ces initiatives devraient faire l’objet d’une évaluation soigneuse et les résultats soumis au Parlement.

Le Comité recommande :

 

 

75

Que le ministère de la Défense nationale fasse le relevé annuel de ses programmes et services de santé mentale.

Que ce relevé comprenne une description claire de chaque programme ou service comprenant le nombre de clients desservis, les budgets consentis et les sommes dépensées, et une évaluation des résultats obtenus.

Que ce relevé soit déposé au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 

Le Comité comprend que les militaires canadiens, tant actifs que retraités, sont réticents à parler des expériences traumatisantes qu’ils ont vécues. Le Comité estime que le Ministère a la responsabilité de fournir aux militaires actifs de fréquentes occasions d’aborder la question des traumatismes liés au stress opérationnel. Bien que le soutien social offert aux militaires et à leur famille se soit amélioré, et que l’accès aux programmes et services nécessaires soit accru, le Comité estime qu’il est encore possible d’améliorer le réseau d’entraide et, à plus longue échéance, de transformer les mentalités afin que les traumatismes liés au stress opérationnel soient repérés plus tôt et les services mis en place en temps opportun. Ces traumatismes comprennent non seulement le syndrome de stress post-traumatique, mais aussi l’anxiété, la dépression et diverses autres manifestations de stress comme la consommation d’alcool et de drogue, et la dysfonction familiale.

Le Comité recommande :

 

 

76

Que la Défense nationale exige de tout le personnel médical qu’il reçoive une formation relative aux traumatismes liés au stress opérationnel et que cette formation comprenne notamment :  

·         la consignation du détail des antécédents militaires et des circonstances ayant produit le traumatisme;

·         la reconnaissance/détection des symptômes du traumatisme lié au stress opérationnel;

·         la connaissance des diverses modalités de traitement;

·         les méthodes de suivi à long terme.

Que la Défense nationale mette cette information à la disposition du personnel médical civil, au moyen de publications, de séminaires ou par d’autres tribunes publiques.

Que la Défense nationale étudie les moyens de promouvoir le recours plus large aux réseaux d’entraide et la mise à contribution accrue de la famille et de la collectivité.

 

Le Comité se préoccupe aussi du sort des réservistes qui travaillent pour la Défense nationale mais n’ont pas le même rapport à leur employeur que les militaires de la force régulière. Lorsqu’ils reviennent de mission ou d’exercices de mobilisation, ils n’ont pas nécessairement accès à tout le soutien offert sur une base militaire. Le Comité estime que le Ministère a la responsabilité de veiller à ce que des services de suivi soient également offerts aux réservistes. Il faut prévoir un temps de transition suffisant entre la force régulière et la force de réserve; veiller à ce que les réservistes reçoivent une évaluation médicale adéquate et notamment soient évalués pour traumatisme possible lié au stress opérationnel. Pour le Ministère, cela peut vouloir dire que la période d’emploi du réserviste sera prolongée jusqu’à ce que les évaluations nécessaires aient été faites.

Le Comité recommande :

 

 

77

Que la Défense nationale évalue les programmes et services actuellement offerts aux réservistes en matière de problèmes de santé mentale résultant de leur mobilisation, notamment les services visant le stress post-traumatique et la toxicomanie, et qu’elle fasse rapport au Parlement.


13.4      LES ANCIENS COMBATTANTS

[U]ne bonne santé mentale est capitale pour la réinsertion, et un bon programme de réinsertion est important pour la santé mentale — Brian Ferguson, Sous-ministre adjoint, Direction des services aux anciens combattants, Anciens Combattants Canada[101]

13.4.1   La compétence fédérale

Contrairement aux membres actifs des Forces canadiennes, les anciens combattants entrent dans la catégorie des « assurés », en vertu de la Loi canadienne sur la santé, pour ce qui est des services de santé en général, et notamment les services de santé mentale. Dans la plupart des cas, Anciens Combattants Canada (ACC ou MAC) ne couvre pas les services non assurés par les régimes d’assurance-maladie des provinces ou territoires, bien que les anciens combattants au revenu admissible aient droit à un soutien supplémentaire. Les anciens combattants qui touchent une rente d’invalidité ont droit au remboursement de leurs frais de traitement liés à l’affection ouvrant droit à pension.

Les principales dispositions législatives qui régissent les anciens combattants et leurs soins de santé se trouvent dans la Loi sur le ministère des Affaires des anciens combattants et dans la Loi sur les pensions et, depuis 2005, dans la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes [102]. En vertu de la Loi sur le ministère des Affaires des anciens combattants, le Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants définit la santé comme un état de bien-être physique, mental et social. Cette Loi établit les critères d’admissibilité à plusieurs prestations, notamment les soins de santé, les adaptations domiciliaires, les coûts de déplacement pour des examens ou des traitements et autres soins de santé communautaires [103].

La Loi sur les pensions définit l’invalidité comme « la perte ou l’amoindrissement de la faculté de vouloir et de faire normalement des actes d’ordre physique ou mental ». La Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes autorise le Ministère à offrir aux membres actifs et retraités des Forces canadiennes du soutien au placement professionnel, au recyclage professionnel et à la réadaptation, et des prestations financières, d’invalidité et de soins de santé.

Brian Ferguson, sous-ministre adjoint, Direction des services aux anciens combattants, Anciens Combattants Canada, décrit la façon de procéder du Ministère en ce qui a trait aux services de santé mentale :

En vertu du Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants, si un besoin est lié à une affection ouvrant droit à pension, ACC paiera pour les traitements. Pour les anciens combattants se qualifiant, ACC paiera pour les traitements n’ouvrant pas droit à pension si le service n’est pas assuré par le régime provincial d’assurance‑maladie.

Exception faite des services fournis à notre hôpital de Sainte-Anne, tous les services de santé qu’ACC fournit à ses clients sont offerts par les autorités provinciales, des organismes non gouvernementaux et des fournisseurs autorisés du secteur privé. Notre réseau de bureaux dans les districts et les régions nous permet de rester en contact avec les gouvernements provinciaux[104].

En mars 2005, ACC versait des prestations et offrait des services à environ 219 000 clients[105]. La clientèle est formée de militaires et de civils :

§         membres des Forces canadiennes et vétérans de la Marine marchande ayant servi pendant la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale ou la guerre de Corée;

§         civils ayant droit à des prestations pour service en temps de guerre;

§         anciens membres des Forces canadiennes (dont ceux des zones de service spécial) et de la Gendarmerie royale du Canada;

§         survivants et personnes à charge d’un militaire ou d’un employé civil.

En traitant spécifiquement des pensions d’invalidité et des soins de santé, Brian Ferguson a indiqué que le nombre de clients desservis par le Ministère avait légèrement diminué pour s’établir à environ 209 000 personnes. Mais il a aussi signalé une augmentation sensible des militaires actifs ou retraités des Forces canadiennes desservis par ACC :

[…] 18 p. cent [de nos clients] sont des membres actifs ou retraités des Forces canadiennes. Notre clientèle a augmenté de 58 p. cent dans les trois dernières années et nous prévoyons compter plus de 58 000 clients des Forces canadiennes d’ici 2013[106].

M. Ferguson a expliqué qu’un sondage mené auprès des membres actifs ou retraités des Forces canadiennes avait révélé que 15 p. cent des répondants faisaient état de symptômes de stress post-traumatique mais n’avaient jamais fait de demande de pension. Malgré ce potentiel de sous‑indemnisation, il a déclaré que :

Nous versons une pension à plus de 8 000 clients atteints d’affections liées à la santé mentale. Plus de la moitié d’entre eux souffrent du SSPT et chaque année, la maladie fait de plus en plus de victimes chez nos jeunes militaires.

13.4.2   Programmes et services fédéraux

13.4.2.1      Pension d’invalidité

Le droit à une pension dépend de la nature du service accompli par le demandeur. En cas de participation à une guerre, à une mission de maintien de la paix ou à d’autres formes de service spécial, la blessure ou la maladie doit être directement attribuable aux fonctions exercées par le demandeur. En cas de service en temps de paix ou de service dans la GRC, la blessure ou la maladie doit résulter directement de l’exercice des fonctions. Il en résulte deux types de pensions, comme le décrit le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) :

La première, pour service en situation de guerre, de maintien de la paix ou de service spécial, accorde une protection 24 heures par jour et est donc couramment appelée principe d’assurance. La deuxième, pour service en temps de paix et dans la GRC, est appelée principe d’indemnisation. La protection est alors semblable à celle des programmes d’indemnisation des accidentés du travail[107].

Anciens Combattants Canada administre la Loi sur les pensions et par l’intermédiaire du Programme des pensions d’invalidité, verse une pension à ceux qui ont été rendus invalides dans l’exercice de leurs fonctions militaires en temps de guerre ou de paix, de même qu’aux membres admissibles de la GRC. La pension est proportionnelle au degré d’invalidité, certifié par un examen médical, et est déterminée d’après la Table des invalidités[108].

Le programme des pensions d’invalidité est la tête de pont de l’ensemble des programmes et services de soins de santé offerts par Anciens Combattants Canada, programmes initialement conçus pour répondre aux besoins des vétérans de guerre traditionnels plutôt que des membres actifs et retraités actuels des Forces canadiennes.

Toutefois, la nouvelle « Charte des vétérans » — la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes — a modifié la donne. Ses modalités, dont une première ébauche est parue en décembre 2005, sont beaucoup mieux adaptées aux besoins des membres actuels des Forces canadiennes qui sont réformés pour cause d’invalidité [109]. Elles visent à corriger les lacunes dans les programmes et services offerts aux membres admissibles réformés pour raison médicale et à ceux qui ont quitté volontairement les Forces canadiennes et se sont découvert par la suite une invalidité liée à leur service militaire.

On peut lire dans l’introduction du Règlement :

[L]a Loi soutiendra l’ensemble des avantages sociaux actuel fourni par le Régime d’assurance‑revenu militaire (RARM) et le ACC. La plupart des militaires de FC qui sont libérés volontairement et qui sont ultérieurement atteints d’une invalidité liée au service ne pouvaient, jusqu’à maintenant, qu’être admissibles à une pension du MAC et aux soins de santé connexes. Le RARM continuera d’offrir aux membres des FC libérés pour raisons de santé des indemnités de remplacement de revenu et de réadaptation professionnelle. En vertu de la Loi, le MAC répondra aux besoins du groupe connaissant des lacunes et offrira des avantages supplémentaires au groupe inscrit au RARM, comme une réadaptation professionnelle additionnelle, une réadaptation médicale ou psychosociale, et l’allocation de soutien du revenu[110].

13.4.2.2      Programme de soins de santé

À l’heure actuelle, les clients admissibles à des soins ou des services de santé à la charge d’ACC ont une carte d’identification qui leur donne accès à des fournisseurs de soins partout au pays. Anciens Combattants Canada offre un large éventail de services et de soins en vertu des mandats du Programme de prestations de traitement, du Programme de soins de longue durée et du Programme pour l’autonomie des anciens combattants. Ces services comprennent notamment :

 

§         des services communautaires de santé mentale (ce qui englobe une gamme complète de soins non offerts par la province) pour les vétérans de guerre et les retraités des Forces canadiennes qui répondent aux critères de revenu ou qui touchent une pension d’invalidité résultant de leur service militaire;

§         des soins institutionnels de santé mentale (soins psycho‑gériatriques, maladie d’Alzheimer) aux vétérans admissibles, à l’hôpital ministériel de Sainte-Anne-de-Bellevue (Québec), dans des hôpitaux provinciaux dont le Ministère loue des lits, ou à l’hôpital que choisit le client;

§         des soins généraux de santé mentale ainsi que des soins pour syndrome de stress post-traumatique et stress opérationnel, dans le cadre de services offerts conjointement par ACC et le MDN.

La Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes autorise le Ministre à « établir un programme d’assurance collective similaire au Régime de soins de santé de la fonction publique créé par le Conseil du Trésor »[111]. On espère que le nouveau Programme des soins de santé « comblera les lacunes de l’assurance‑santé après la libération en veillant à ce que les vétérans des FC libérés pour raisons de santé (avec certaines exceptions pour les réservistes), les vétérans des FC ayant besoin de réadaptation et certains survivants qui sont présentement inadmissibles à l’assurance‑santé, aient accès à une assurance‑santé de groupe familiale »[112].

13.4.2.3      Efforts conjoints en santé mentale

Certains des programmes et services résultant de la stratégie conjointe d’ACC-MDN en santé mentale annoncés en 2002 comprennent ce qui suit :

§         une ligne d’urgence, maintenue conjointement par ACC, MDN et Santé Canada, offrant des services de consultation téléphonique aux anciens combattants et à leur famille, en situation de crise;

§         un centre conjoint MDN/ACC à Ottawa pour le soin des militaires blessés et réformés et leur famille, l’accès étant facilité par un numéro sans frais;

§         un réseau pancanadien d’agents d’ACC et du MDN consacrés à l’identification précoce des besoins de transition des clients, notamment leurs besoins de prestations d’invalidité;

§         un réseau de cliniques de traitement des TSO partout au pays, piloté par le Centre de Sainte-Anne, les autres cliniques étant à London, Winnipeg et Québec[113].

La stratégie en matière de santé mentale comprend aussi la formation continue pour que le personnel reste bien au courant de l’évolution des programmes et services conçus pour mieux s’adapter aux besoins des clients, et la recherche dans le secteur des TSO en partenariat avec le MDN et d’autres. Le projet de règlement qui accompagne la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes donne des renseignements sur la prestation des soins par l’intermédiaire de fournisseurs multiples :

[…] engagera souvent la participation de plusieurs fournisseurs de services de différents organismes, ainsi que des fournisseurs du secteur privé, tandis que le gestionnaire de cas du MAC sera responsable de la coordination de ces services. Par exemple, en cas de problème de santé mentale, l’étape de réadaptation médicale pourrait comporter la participation du médecin, d’un psychiatre en milieu hospitalier, d’une équipe d’intervenants en santé mentale de la collectivité ou d’un thérapeute du secteur privé engagé par le MAC. L’étape psychosociale peut impliquer la participation d’un ergothérapeute ou de spécialistes de la gestion de la douleur tandis que l’étape de réadaptation professionnelle peut comprendre des services d’évaluation spécialisés et la participation de formateurs[114].

Dans le domaine du stress post-traumatique et autres formes de traumatismes liés au stress opérationnel, d’autres travaux sont en cours au sein de la structure militaire et du milieu médical civil. En particulier, ACC appuie activement le Programme de soutien social par les pairs aux victimes de stress opérationnel créé par le MDN :

Ce programme d’entraide pancanadien fonctionne grâce à la participation de membres et d’anciens combattants des Forces canadiennes qui ont eux-mêmes souffert de traumatismes liés au stress opérationnel et qui veulent aider leurs collègues à guérir. À l’échelle du pays, le MDN peut actuellement compter sur les services de 13 coordonnateurs de soutien qui, jusqu’à présent, sont venus en aide à plus de 1 400 clients. Ce réseau fait appel à un grand nombre de bénévoles et nous avons des brochures, que nous ferons distribuer aux membres du comité, pour leur montrer certains aspects du travail des bénévoles qui viennent en aide aux coordonnateurs de soutien. — Brian Ferguson[115]


13.4.3   Évaluation des besoins du groupe client

Les anciens combattants qui ont des problèmes de santé mentale forment un groupe très divers ayant besoin d’un large éventail de services d’aide à la réinsertion : transition assistée; recherche d’emploi; réadaptation; recyclage; soutien du revenu; soins de santé; soutien à la famille; et autres éléments favorisant l’autonomie.

 

 

13.4.3.1      Pension d’invalidité

Selon Brian Ferguson, Anciens Combattants Canada veut mettre au point une seule et même approche pour répondre aux besoins de santé mentale tant des vétérans âgés que des plus jeunes.

S’ils ont une maladie ou un état ouvrant droit à pension et ont besoin de traitements, nous payons pour ces traitements, et nous nous tenons au courant des traitements qu’ils reçoivent[116].

Cependant, les membres actifs et retraités des FC dont le service militaire s’est déroulé en temps de paix, qui forment aujourd’hui, avec les survivants et personnes à charge du personnel militaire, un groupe plus important de bénéficiaires de pensions d’invalidité que les vétérans de guerre, se disent insatisfaits du mode actuel d’accès aux pensions. Une vérification comptable du Programme de pension d’invalidité, réalisée en 2005, a montré que les clients des FC estiment qu’il y a :

[…] une compréhension insuffisante de la culture du MDN, y compris de la structure de commandement, et du stress physique, mental et émotionnel de l’entraînement militaire et du déploiement dans des contextes opérationnels outre-mer dangereux[117].

Pour le moment, le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) accueille deux niveaux d’appels concernant les demandes de pension d’invalidité et constitue le dernier niveau d’appel des décisions sur les allocations. Pour la période allant d’avril 2004 à mars 2005, le Tribunal a entendu 6789 demandes [118]. Les clients et certains autres observateurs signalent des difficultés dans l’évaluation des demandes de prestations pour invalidité psychologique en raison du manque de clarté et d’objectivité des critères et des normes. Ils indiquent que dans le feu de l’action, on estime peu prioritaire de consigner par écrit les détails d’incidents qui ne mettent pas la vie en danger, mais qui peuvent néanmoins avoir des répercussions sur la santé mentale.

En juin 2005, la revue Esprit de Corps a publié un communiqué de presse demandant qu’Anciens Combattants Canada crée un poste d’ombudsman, semblable à celui des FC, en précisant que :

L’ironie c’est que les soldats du MDN, en bonne santé (pour la plupart) et aptes au travail, ont accès à un ombudsman indépendant alors que les anciens combattants invalides et inaptes au travail n’en ont pas.

Le communiqué de presse entrait ensuite dans le détail des complexités des invalidités actuelles et, par conséquent, du faible taux d’attribution de pensions :

On attribue le plus fréquemment une pension de 20 p. cent ou 400 $/mois pour des invalidités qui ont rendu l’ancien combattant inapte au travail. Par conséquent, la personne, déjà hypothéquée sur le plan physique et(ou) psychologique, doit entreprendre un long et très démoralisant processus de révision et d’appel, qui prendra facilement de trois à cinq ans, avant de recevoir une indemnisation adéquate [119].

13.4.3.2      Gestion de cas

La méthode de gestion de cas adoptée par Anciens Combattants Canada permet au ministère de suivre l’évolution de l’état de chaque client. Le but est de simplifier l’accès aux programmes existants et de fournir un service adéquat de prise en charge, surtout pour ceux qui sont réformés pour raison médicale et qui ont souvent besoin de beaucoup d’aide pour se réinsérer dans la vie civile. On veut que le responsable du dossier aide la personne à s’y retrouver dans le dédale des fournisseurs de services et des prestations offertes par ACC, le MDN, le RARM, le ministère du Développement social, le Programme de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, le système d’assurance-maladie provincial ou territorial et les services locaux d’aide sociale. 

La liste des prestataires possibles de service est longue, l’interrelation entre les différents programmes est complexe, et les choix à faire ne sont pas toujours clairs. Parfois, les prestations obtenues d’un programme privent des prestations d’un autre. Tout ça est d’une administration fastidieuse et nuit à la qualité du service[120].

M. Ferguson a bien montré comment un responsable de dossier pouvait intervenir pour simplifier la vie d’un client qui a perdu son revenu et sa carrière. Une telle personne peut aider le client et sa famille à composer avec le déséquilibre psychologique et à s’y retrouver dans le dédale des programmes :

Il s’agit du cas d’un ancien combattant de 40 ans qui touche une pension établie à 80 p. cent. Ce client souffre du syndrome de stress post-traumatique par suite de son service dans une zone de service spécial, et il a des tendances suicidaires. Sa femme et ses enfants l’ont quitté parce qu’ils craignaient pour leur propre sécurité. Après son congé de l’hôpital, ses appels au secours sont restés sans réponse, les organismes locaux n’ayant pas les ressources nécessaires pour lui venir en aide en cette période difficile, ce qui n’est pas inusité. Il a appelé le service d’aide d’ACC et a parlé à un conseiller de secteur qui s’est mis en rapport avec le bureau de district compétent pour explorer les possibilités d’aide à sa disposition. Au départ, nous avions conclu une entente avec nos partenaires des États‑Unis pour que le client y reçoive des traitements, mais il s’est ensuite présenté une possibilité d’aide à l’échelle locale. En effet, grâce à nos partenariats avec le MDN, et les praticiens locaux, le centre de soutien pour trauma et stress opérationnels du MDN de la région a pu lui dispenser des traitements. Par la suite, le bureau local de district d’ACC prendra son cas en charge et maintiendra le contact avec les cliniciens[121].

13.4.3.3      Prestation de services

Anciens Combattants Canada, comme les autres ministères fédéraux qui ont des clients aux prises avec des problèmes de santé mentale, a du mal à obtenir des services offerts par des fournisseurs provinciaux. M. Ferguson a expliqué que le ministère cherche à adopter une approche d’intervention précoce pour éviter que les problèmes de santé mentale ne s’aggravent :

À l’heure actuelle, comme il est difficile pour ACC, sans parler du MDN et de la population du Canada, de mettre la main sur des services d’aide psychiatrique, nous dépensons nos énergies sur l’intervention précoce en vue de détecter les problèmes au tout début et ainsi éviter que ne surviennent des situations graves. De plus, nos professionnels de la santé dans les bureaux de district peuvent non seulement intervenir au nom des clients et les aider à recevoir les soins qu’il faut, mais ils peuvent suivre de près leurs progrès après un épisode critique[122].

La télésanté est une solution prometteuse tant pour le Ministère que pour les clients. Anciens Combattants Canada, en collaboration avec la faculté de médecine de l’université Memorial de Terre-Neuve, utilise la technologie de la vidéoconférence pour mettre les clients en rapport avec des psychologues[123].

Le Dr Ted Callanan, président, Psychiatric Association of Newfoundland and Labrador, a commenté le programme de soutien social et de traitement qu’ACC met à la disposition de ceux qui souffrent de syndrome de stress post-traumatique ou d’autres problèmes liés au service militaire. Il a indiqué que si certains clients choisissent de venir à St. John’s, où se trouvent la plus grande partie des services, la télésanté offre une autre possibilité à ceux qui vivent ailleurs dans la province :

[I]ls peuvent maintenant avoir accès à leurs conseillers via la technologie de la télésanté¸ et c’est en fait plutôt populaire. On s’est interrogé pour savoir pourquoi certaines personnes choisissent d’utiliser les centres de télésanté dans les petites villes, quelque chose qui commence maintenant à se faire en Nouvelle-Écosse et ailleurs au pays. Ce n’est pas pour remplacer ce qui existe, mais pour offrir aux anciens combattants une autre façon d’y avoir accès. (15 juin 2005)

13.4.4   Commentaire du Comité

Le Comité voit d’un bon œil les efforts visant à optimiser la façon dont la santé mentale est évaluée et dont sont indemnisés les anciens combattants qui ont subi des blessures ou des traumatismes. Il se réjouit des efforts consentis pour créer des partenariats et mieux coordonner les activités d’ACC et du MDN. La mise en réseau de ces deux ministères favorisera une amélioration des services offerts aux membres des FC et aux autres clients.

Comme c’est le cas pour d’autres groupes de clients fédéraux, le Comité craint que le Parlement ne soit pas au courant de tous les efforts qui sont faits pour faciliter la transition vers la vie civile et donner une bonne qualité de vie aux anciens combattants frappés d’invalidité.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

78

Qu’Anciens Combattants Canada, conjointement avec le ministère de la Défense nationale, établisse un relevé annuel des programmes et services de santé mentale, indiquant le nombre de clients desservis, les budgets accordés et les sommes dépensées, et les résultats obtenus.

Que ce rapport soit soumis au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 

Le Comité s’inquiète du fait que les anciens combattants n’ont pas accès à une instance comme celle de l’Ombudsman des Forces canadiennes. Il voit les mérites d’un organisme indépendant et objectif chargé d’étudier les griefs des anciens combattants et de faire des recommandations.

 

 

Le Comité recommande :

 

 

79

Que le gouvernement du Canada crée à l’intention des anciens combattants une instance semblable à celle de l’Enquêteur correctionnel, de l’Ombudsman des Forces canadiennes ou du Comité externe d’examen de la GRC.

Que cette instance soit habilitée à enquêter sur des plaintes individuelles de même que sur des préoccupations générales portant sur la prestation même des programmes et services fédéraux ayant une incidence sur le bien-être mental des anciens combattants.

Que cette instance fasse rapport au Parlement à tous les ans.

13.5      LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

[L]es méthodes traditionnelles de maintien de l’ordre n’apportent pas les résultats souhaités lorsqu’il est question d’intervenir auprès d’une personne atteinte d’une maladie mentale. — Shirley Heafey, présidente, Commission des plaines du public contre la GRC[124]

13.5.1   La compétence fédérale

Selon la Loi canadienne sur la santé, « les membres de la Gendarmerie royale du Canada nommés à un grade » sont exclus de la définition de l’« assuré ». La Gendarmerie royale du Canada est régie par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada[125], qui détermine les qualités requises pour être membre de la GRC. Le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada établit les conditions dans lesquelles un membre régulier ou un membre spécial peut avoir accès à des services médicaux sous réserve de l’approbation du commissaire [126]. Au 31 mars 2005, la GRC comptait 22 557 employés, comprenant les membres réguliers, les membres civils et les fonctionnaires[127].

Le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada comprend un certain nombre de dispositions relatives à la santé mentale comme cause d’incapacité, mais ne fait pas de distinction entre une incapacité causée par le travail et une autre qui ne le serait pas. En ce qui concerne le renvoi par mesure administrative, « le membre, autre qu’un officier, peut être renvoyé de la Gendarmerie, et l’officier peut faire l’objet d’une recommandation de renvoi de la Gendarmerie, pour l’un des motifs suivants, a) incapacité physique ou mentale après examen par un conseil médical ».

Les membres de la Gendarmerie royale du Canada qui deviennent invalides par suite d’une mission en service spécial [128] et qui ont par conséquent été démis de leurs fonctions à la GRC ont le droit d’être nommés en priorité à un poste de la fonction publique pour lequel ils sont compétents [129]. De plus, après leur retraite obligatoire, la Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada précise que le prestataire de prestations supplémentaires peut être :

une personne qui, n’ayant pas atteint l’âge de soixante ans, reçoit une pension à l’issue de sa retraite obligatoire de la Gendarmerie au motif que son état de santé physique ou mentale l’a rendue invalide[130].

En 2003, Anciens Combattants Canada a pris en charge la responsabilité d’administrer la pension d’invalidité et les prestations de soins de santé des membres de la GRC qui touchent une pension en raison d’une blessure ou d’une maladie liée à leur travail. ACC est ainsi devenu responsable des versements directs de pension d’invalidité à environ 3 800 pensionnés de la GRC et de la prestation de services de santé à environ 800 policiers et civils retraités [131]. Au début de 2005, on estimait que ACC desservait plus de 5 000 clients de la GRC, dont 300 survivants d’un membre de la GRC touchant une pension [132].

13.5.2   Programmes et services fédéraux

Le Comité externe d’examen de la GRC a été créé en 1988 pour procéder à l’examen impartial de certains griefs et en appeler de certaines mesures disciplinaires. Une fois son examen terminé, le Comité fait des recommandations au commissaire du la GRC, qui rend une décision finale mais doit justifier sa décision lorsqu’elle diffère de celle du Comité.

Divers rapports du Comité externe d’examen permettent de glaner des renseignements sur les problèmes de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie des membres de la GRC, notamment les congés de maladie, les insuffisances de rendement et la dépendance à l’alcool qui résultent des facteurs de stress auxquels sont soumis les membres de la GRC [133]. Certains cas de congédiement pour conduite déshonorante, soumis au Comité externe d’examen de la GRC, ont révélé des facteurs de stress qui ont conduit à un ordre de démission volontaire sous peine de congédiement ou à un renvoi pour motif médical, en raison d’incapacité psychologique.

Un certain nombre de témoins ont parlé au Comité du manque de sensibilité des policiers de la GRC dans leur façon de traiter les civils atteints de maladie mentale. Ils signalent que le manque de formation sur les moyens de réagir aux manifestations publiques de maladie mentale semble être endémique et bien ancré dans les rouages internes de la GRC.À cet égard, Shirley Heafey, présidente de la Commission des plaintes du public contre la GRC, a déclaré au Comité que :

En 2003, la GRC a fait l’objet d’une enquête judiciaire sur la mort par balle d’une personne en état de crise. Le juge a affirmé que la formation de la GRC en ce qui concerne les maladies mentales était inexistante ou insuffisante et que les trois membres de la GRC visés dans cette affaire accepteraient volontiers de recevoir une formation plus approfondie et adéquate[134].

Doris Ray a raconté au Comité son expérience vécue en qualité de membre de la famille :

L’agent a raconté qu’il avait pris connaissance des symptômes de la schizophrénie par son beau-frère qui en souffrait. Sa formation dans la GRC, souvent le premier recours pour les familles en situation de crise, surtout dans les petits villages, comprenait très peu d’information sur la façon de reconnaître et de traiter les symptômes de la psychose. J’ai récemment demandé à un jeune officier s’il avait reçu plus de formation à ce sujet, et il m’a répondu qu’on en donne encore moins qu’avant[135].

En général, la GRC offre un ensemble de services de santé pour faire en sorte que ses membres réguliers soient physiquement et émotionnellement en mesure d’exercer leurs fonctions. Lorsqu’un membre actif de la GRC utilise un service offert par la province, il présente son numéro de client qui témoigne de l’autorisation donnée par un agent des services de santé de la GRC; le service de santé facture alors la GRC. Chaque division de la GRC a généralement un médecin comme agent régional des services de santé, ainsi qu’un psychologue régional et un nombre variable d’infirmières en santé du travail.

Une étude réalisée en 1992 a établi trois grandes sources de stress professionnel pouvant entraîner chez les policiers des symptômes relativement courants de maladie mentale comme la dépression, l’épuisement professionnel et le suicide[136] :

§         facteurs externes : comparutions devant un tribunal, contre-interrogatoires, attente prolongée de décisions judiciaires, manque d’encouragement de la population, relations avec les minorités et image de la police véhiculée par les médias;

§         facteurs internes : structure du corps policier, manque de participation à l’organisation du travail, problèmes de communication, manque de soutien de la part des supérieurs, excès de bureaucratie, formation, évaluation de rendement, salaire, promotion, manque de ressources humaines et matérielles;

§         facteurs liés au travail : travail intensif suivi de périodes d’inactivité, rôles conflictuels et ambigus, perception de danger, complexité des tâches, manque d’autonomie, sentiments ambigus, exposition à la misère, à la douleur et à la mort.

 Cette étude a établi un rapport entre les facteurs de stress professionnel et certains comportements comme une productivité réduite, un temps de réaction plus long, les erreurs de jugement, l’insatisfaction au travail, le goût de démissionner, l’absentéisme et les accidents[137]. Un autre rapport, portant sur les programmes d’aide aux employés, a fait ressortir la difficulté de mettre de tels programmes en œuvre en milieu policier, car les services de police constituent souvent une « société fermée » et les policiers s’imaginent que d’admettre l’existence d’un problème et demander de l’aide sont des signes de faiblesse[138].

Les services offerts aux agents de la GRC par les services de santé de la GRC sont variables. Les agents des services de santé assurent la gestion de cas — évaluation, aiguillage et suivi vers des programmes de traitement de l’alcoolisme et de la toxicomanie et problèmes personnels connexes [139]. Dorothy Cotton, psychologue et coprésidente de Canadian National Committee for Police/Mental Health Liaison, dit que quand la GRC recrute des psychologues, « elle offre 20 000 à 30 000 dollars de moins que dans les hôpitaux ». Elle ajoute qu’on « ne peut recruter des gens quand on propose aussi peu. Et que cela en dit long sur la façon dont la GRC considère la profession »[140].

13.5.3   Évaluation des besoins du groupe client

La GRC a récemment annoncé qu’elle était inscrite parmi les meilleurs employeurs du pays dans l’édition 2006 de Canada’s Top 100 Employers [141]. Ses propres sondages sur le rendement de 2003-2004, toutefois, révélaient des problèmes liés au moral, au milieu de travail, aux communications, aux outils et à la formation, à la charge de travail, aux responsabilités et aux systèmes de soutien. Selon les sondages, le taux de satisfaction au travail s’établissait à 61 p. cent; « bien que les employés soient fiers de la GRC et de leur travail, ils sont préoccupés par certaines questions comme la charge de travail, l’équité et le perfectionnement professionnel »[142].

En 2002, Norman Sabourin, directeur exécutif et avocat principal du Comité externe d’examen, a écrit un article intitulé « Le renvoi pour raisons médicales et le devoir d’accommodement à la GRC ». Dans sa conclusion, il soutient que la GRC devra « prendre les mesures d’accommodement qui conviennent pour tout membre ayant une déficience qui voudra continuer à travailler, ou bien il faudra prouver que la GRC subirait une contrainte excessive si elle prenait de telles mesures ». Il ajoute que « cela exigera que l’on apporte des changements importants aux politiques existantes »[143].

On constate une disparité entre les services et prestations d’invalidité offerts aux membres de la GRC et ceux qui sont offerts aux autres clients desservis par Anciens Combattants Canada. Par exemple, les membres de la GRC n’ont pas accès aux services du Programme pour l’autonomie des anciens combattants (soins à domicile, adaptations domiciliaires, transport, services de soins ambulatoires et infirmière à domicile). ACC se dit prêt à envisager des moyens de combler ces lacunes :

Jusqu’ici, la recherche effectuée de concert avec la GRC révèle que même si elle ne partage pas les mêmes points de vue, attitudes et mentalités que les clients des FC, la GRC comprend et semble s’identifier aux questions qui préoccupent les FC. Nul doute que cela est attribuable au fait que les deux groupes ont travaillé dans des contextes et environnements similaires, ou y ont été exposés. Cela comprend des déploiements dans des opérations de maintien de la paix ou dans des zones de service spécial. Afin d’aborder correctement le problème des lacunes concernant les services/avantages, le personnel d’ACC devra recevoir la formation nécessaire pour mieux comprendre la GRC et la culture de la « gendarmerie »[144].

Cependant, la GRC n’est pas visée par la nouvelle charte des anciens combattants et se trouve donc exclue des propositions de changements aux programmes et services d’ACC destinés aux clients des FC. La GRC a dit préférer faire sa propre évaluation des besoins :

La GRC a choisi de procéder à une évaluation des besoins de ses membres actifs et à la retraite relativement à des services et des programmes modernisés. Cette évaluation est nécessaire en raison de la différence considérable qui existe sur le plan des profils, des rôles, des cheminements de carrière et des qualités requises des présents membres de la GRC et des FC. Par conséquent, les besoins des membres de la GRC peuvent être très différents de ceux des membres des FC[145].

Plusieurs associations de retraités de la GRC ont commenté une lettre provenant du commissaire de la GRC disant qu’un Groupe de travail sur la modernisation des programmes et services d’invalidité avait été créé et allait procéder à une analyse globale des besoins. On se proposait d’examiner les services offerts en vertu de la Loi sur les pensions de même que l’accès aux soins de longue durée et aux services de maintien à domicile (Programme pour l’autonomie des anciens combattants) qui vont au-delà de ce qui est couvert par l’allocation pour soins [146]. Prétextant d’autres priorités, la GRC a déjà plusieurs fois remis à plus tard la réalisation de cette analyse et, bien qu’un rapport ait été promis pour l’automne 2005, rien n’avait encore paru au début de 2006.

13.5.4   Commentaire du Comité

Le Comité est au courant des efforts de la GRC pour répondre aux besoins de ceux de ses membres qui ont fait des demandes de prestations d’invalidité, dont certaines pour raisons de santé mentale. Il faut cependant que plus d’information soit rendue publique sur ce groupe de clients.

 

 

 

Le Comité veut savoir si la GRC offre du counselling à ses employés après un événement traumatisant, ou à ses employés et leur famille après une réinstallation stressante. Il veut aussi savoir comment la GRC s’occupe des besoins de transition de ses membres lorsqu’ils quittent la Gendarmerie, et déterminer quels ajustements il faudrait apporter aux lois, aux politiques et programmes de santé, et aux mécanismes de prestation de services pour qu’ils aient un accès approprié aux services.

Par ailleurs, le Comité ne sait pas quelle formation est donnée aux agents de la GRC pour les aider à mieux comprendre la maladie mentale. Les témoins ont suggérés que cette formation est très limitée, voire inexistante. Une formation sur la maladie mentale et les toxicomanies pourrait non seulement aider les agents à mieux intervenir auprès de la population civile, mais pourrait aussi les aider à mieux comprendre les problèmes de santé mentale lorsqu’ils se manifestent chez leurs collègues.

Le Comité recommande :

 

 

80

Que le gouvernement fédéral subventionne un programme de formation des membres de la GRC sur la maladie mentale et les toxicomanies.

Que la GRC publie dès que possible en 2006 les résultats de l’analyse réalisée par le groupe de travail chargé d’étudier la question de l’invalidité à la GRC et les besoins en programmes et services.

Que la GRC crée un programme d’entraide pour ses membres, inspiré du modèle d’ACC/MDN dans le domaine du stress post-traumatique.

Que la GRC inscrive ces initiatives ainsi que d’autres programmes et services dans un relevé annuel des programmes et services offerts aux agents de la GRC.

Que ce relevé soit soumis au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 

Le Comité se réjouit du fait que la GRC ait créé un Comité externe d’examen pour faire enquête sur des questions de toutes sortes. Cet organisme semble bien placé pour analyser en profondeur les besoins de santé mentale des membres de la GRC.

Le Comité recommande :

 

 

81

Que le Comité externe d’examen de la GRC procède à l’analyse des besoins de santé mentale des membres actifs et retraités de la GRC et fasse rapport au Parlement d’ici 2007.

13.6      LES IMMIGRANTS ET RÉFUGIÉS

Le réseau de santé mentale reconnaît la nécessité de traiter le syndrome post-traumatique, sans toutefois reconnaître le problème du racisme, ce traumatisme quotidien que subissent les réfugiés; tant qu’aucune solution ne sera apportée à ce problème, l’approche restera inefficace. — Martha Ocampo, codirectrice, Across Boundaries, Ethnoracial Mental Health Centre, Toronto[147]


13.6.1   La compétence fédérale

Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) est responsable de l’admission au Canada des immigrants, des étudiants étrangers, des visiteurs, des travailleurs temporaires et des réfugiés. Comme le décrit la Dre Sylvie Martin, directrice intérimaire, Élaboration du programme de santé de l’immigration, Direction générale des services médicaux, Citoyenneté et Immigration Canada :

Selon la Loi de l’immigration et de la protection des réfugiés et sa réglementation, le ministère admet des immigrants et des résidents temporaires qui contribuent à la croissance du Canada, sur le plan économique et social, réinstalle, protège et offre un asile aux réfugiés, aide les nouveaux arrivants à s’adapter à la société canadienne, et éventuellement à acquérir la citoyenneté et gère l’accès au Canada, de manière à protéger la sécurité et la santé des Canadiens et des Canadiennes, ainsi que l’intégrité des lois canadiennes[148].

Sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, toutes les personnes qui demandent la résidence permanente et certains qui demandent l’admission temporaire au Canada (visiteurs, étudiants et travailleurs) doivent subir un examen physique et mental [149]. Selon les résultats de cet examen, un demandeur peut se voir refuser l’entrée au Canada si son état de santé physique ou mentale risque vraisemblablement de constituer un danger pour la santé ou la sécurité publique, ou de représenter un trop lourd fardeau pour le système de santé ou les services sociaux. L’information provenant du Ministère ne donne aucune indication précise sur la façon d’agir lorsque le candidat présente un problème de santé mentale.

On entend par « fardeau excessif » le « fardeau imposé aux services sociaux et de santé du Canada en raison d’une hospitalisation permanente ou de soins médicaux, sociaux ou en établissement à l’égard de maladies physiques ou mentales, ou touchant des services d’éducation ou de formation spécialisées »[150]. Pour déterminer si le candidat risque de représenter un fardeau excessif, un médecin désigné par le Ministère étudie le diagnostic, le pronostic, et les besoins en services sociaux ou médicaux de la personne sur un certain nombre d’années (généralement cinq ans). Le médecin établit ensuite les coûts de ces besoins sur une période de cinq ans et détermine s’il y a des listes d’attente pour certains de ces services. Si les montants sont supérieurs au coût par habitant des services sociaux et médicaux d’un Canadien moyen, sur cinq ans, ou s’il y a des listes d’attente pour certains des services nécessaires, le candidat sera jugé inadmissible[151]. Certains groupes désignés au paragraphe 38(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés sont « dispensés du critère de fardeau excessif » et ne se voient pas refuser l’entrée au pays en raison d’éventuels besoins de santé[152].

Après l’admission au Canada, la prestation de programmes et de services liés à la santé mentale est censée relever du système public et devenir une responsabilité provinciale ou territoriale. Mais tout dépend du temps que met le fédéral à régler le dossier du demandeur et de l’entente intervenue entre le fédéral et la province ou le territoire en ce qui concerne les services d’établissement et d’intégration. Les immigrants reçus sont censés (mais n’y parviennent pas toujours) s’occuper de leurs besoins de santé, en prenant notamment une assurance privée pour couvrir les trois mois de la période d’attente qui a cours dans quatre provinces (Colombie-Britannique, Ontario, Québec et Nouveau-Brunswick) avant l’adhésion au régime public[153].

Dans son rapport de rendement déposé au Parlement en 2005, CIC indique qu’en 2004, un total de 235 824 personnes ont été admises au Canada à titre de résidents permanents[154]. Le Ministère précise que de ces nouveaux arrivants :

§         57 p. cent (133 746) étaient des immigrants économiques avec personnes à charge;

§         26 p. cent (62 246) entraient dans la catégorie famille;

§         14 p. cent (32 685) étaient des réfugiés et autres demandeurs d’asile;

§         3 p. cent (6 945) ont eu un statut de résident permanent pour raisons humanitaires.


13.6.2   Programmes et services fédéraux

13.6.2.1      Programme fédéral de santé intérimaire

Le rôle direct de Citoyenneté et Immigration Canada dans la prestation de services de santé s’exerce dans le cadre du Programme fédéral de santé intérimaire. Ce programme, créé par décret en 1957, est passé de Santé Canada à Citoyenneté et Immigration Canada en 1995. Comme l’indique la Dre Martin :

[I]l assure des services de santé aux migrants, population qui englobe actuellement les demandeurs du statut de réfugié, les réfugiés, les détenus dans les centres de détention de l’immigration et les demandeurs déboutés encore présents au Canada qui sont incapables de payer les soins de santé dont ils ont besoin. Les soins visés comprennent les services médicaux essentiels et d’urgence, notamment les services de santé mentale, comme les visites chez le médecin, l’hospitalisation et les médicaments essentiels. Les sommes déboursées pour le programme se sont chiffrées à 51 millions de dollars en 2002-2003, tandis que le nombre d’utilisateurs s’élevait à 97 000 et le nombre de demandes à 700 000 [155].

L’administration de ce programme a été confiée à FAS (Funds Administrative Service Inc.), une firme d’administrateurs de prestations d’Edmonton. Les services de santé mentale prévus par le Programme fédéral de santé intérimaire sont limités, mais comprennent la consultation d’un psychiatre, l’hospitalisation pour troubles psychiatriques, une rencontre initiale de psychothérapie avec un médecin (le suivi sera couvert si approuvé) et la médication essentielle.

Le Ministère n’a pas fourni la ventilation des dépenses affectées à la maladie mentale ou aux toxicomanies. On peut raisonnablement présumer toutefois qu’elles sont élevées car bon nombre de demandeurs du statut de réfugié ont subi la torture et vécu d’autres situations éprouvantes pour la santé mentale.

Certaines provinces ont exprimé des doutes quant à la capacité du Programme fédéral de santé intérimaire de couvrir la totalité des coûts des services de santé liés à l’immigration. Elles demandent qu’on révise le niveau des honoraires admis, la portée des services et le remboursement des frais engagés par la province pour fournir des services. Par exemple, l’accord de 2004 conclu avec la Colombie-Britannique en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés signale la nécessité d’examiner les coûts qu’entraînent pour la province l’obligation d’offrir des services aux demandeurs d’asile, aux immigrants réputés interdits de séjour pour motif sanitaire mais qui ont été autorisés à entrer en pays en vertu des nouvelles dispositions de la Loi (dispense du critère de fardeau excessif), et aux personnes admises, atteintes de graves problèmes de santé, durant la période d’attente de trois (3) mois prévue par le régime d’assurance-maladie de la Colombie-Britannique [156].

13.6.2.2      Autres initiatives

La Dre Martin indique que le Ministère dispose aussi d’autres mesures ayant pour but de contribuer de façon positive à la santé mentale des nouveaux arrivants au Canada :

Si la santé mentale se définit par la capacité de chaque personne de ressentir les choses, de réfléchir et d’agir de manière à mieux jouir de la vie, à mieux faire face aux défis, on peut dire que Citoyenneté et Immigration Canada est responsable de plusieurs initiatives directement ou indirectement liées à la santé mentale.

Plusieurs de nos programmes visent à faciliter et à améliorer l’intégration sociale, culturelle, économique des nouveaux arrivants, diminuant ainsi le stress lié à l’établissement dans un nouveau pays, ceci dans l’intérêt […] de ces nouveaux arrivants.

Ces différents programmes visent à fournir de l’information concernant les ressources existantes et à faciliter l’accès à ces services[157].

Citoyenneté et Immigration Canada cherche par divers programmes à atténuer le stress de l’intégration à la société canadienne :

§         Le Programme d’établissement et d’adaptation des immigrants subventionne des organismes fournisseurs de services pour qu’ils offrent des services de consultation non thérapeutique aux nouveaux arrivants et notamment des aiguillages vers des services d’éducation, d’aide juridique, d’emploi et de logement, de même que des services sociaux et sanitaires.

§         Le Programme d’accueil subventionne le recrutement, la formation, le jumelage et la coordination de bénévoles qui aident les nouveaux arrivants à trouver des solutions à leurs problèmes d’éducation et de santé et les aident à trouver dans leur collectivité les services dont ils ont besoin.

§         Le Programme d’aide au réétablissement offre du soutien au revenu et toute une gamme de services immédiats. Aux réfugiés ordinaires, le Ministère accorde jusqu’à 12 mois de soutien au revenu; pour ceux qui ont des besoins particuliers, on peut aller jusqu’à 24 mois. Les montants sont déterminés selon les grilles d’aide sociale des provinces.

Citoyenneté et Immigration Canada a aussi conclu des partenariats avec d’autres ordres de gouvernement. Par exemple, il soutient le Centre canadien pour victimes de torture et le projet Metropolis, un forum international pour la recherche et le développement de politiques sur les migrations. Par ailleurs, le groupe de travail FPT sur l’établissement et l’intégration discute de questions de nature multilatérale. À l’échelle interministérielle, des initiatives conjointes ont été mises sur pied, notamment avec l’Agence de santé publique du Canada, sur les problèmes de santé liés à la migration, de même qu’avec Industrie Canada, Ressources humaines et Développement social Canada et Santé Canada sur des projets d’information visant à faciliter l’intégration.

Citoyenneté et Immigration Canada est aussi responsable de divers programmes linguistiques, notamment le Cours de langue pour les immigrants du Canada qui s’adresse aux immigrants adultes afin de faciliter leur intégration.

13.6.3   Évaluation des besoins du groupe client

Les personnes qui entrent au Canada en qualité d’immigrants ou de réfugiés forment un groupe hétérogène. Certains sont dans la catégorie des immigrants économiques ou dans celle de la famille, d’autres sont des réfugiés et d’autres encore sont demandeurs d’asile. Certains ont déjà, à l’arrivée, l’autorisation de s’établir de façon permanente au Canada tandis que d’autres demandent à être acceptés à titre de réfugiés. Toutefois, quelle que soit la catégorie les immigrants et réfugiés sont de nouveaux arrivants qui entrent au Canada avec un bagage d’expérience unique qui déterminera dans une grande mesure la façon dont ils s’adapteront à leur nouveau pays.

Soeur Mangalam Lena, franciscaine d’Ottawa, a pris la parole devant le Comité au nom des immigrants et des réfugiés. Soeur Lena, infirmière et aumônière d’hôpital, représente également l’organisme Home-based Spiritual Care. Elle a parlé de solitude, de déracinement, de blessures morales et du sentiment d’avoir été brisé comme étant autant de facteurs pouvant se répercuter sur la santé mentale d’une personne. Elle a parlé d’un programme, mis sur pied par les immigrants eux-mêmes, qui leur permet de se raconter mutuellement leur histoire. Elle explique :

Lorsqu’on fréquente ces immigrants, on apprend que bon nombre de ceux qui ont quitté des pays en proie à la guerre ont été témoins d’atrocités, ont vu leurs proches se faire tuer et leurs mères et leurs sœurs se faire violer. Grâce à ce nouveau programme, nous pouvons constater à quel point le fait de vivre en lieu sûr leur a apporté la paix et le réconfort[158].

Le fait d’être séparé de sa famille et de sa communauté culturelle, conjugué à l’incapacité de parler anglais ou français, peut non seulement causer une grande détresse émotionnelle mais aussi réduire l’accès aux services dont on a besoin. Même si des programmes d’enseignement de la langue sont en place, tout le monde n’y a pas accès.

Dans bien des municipalités, il n’y a ni cours de langue ni structure de soutien pour les immigrants, ce qui les prive des ressources dont ils auraient besoin pour assurer leur équilibre psychologique. Et puis, même quand il y a des cours de langue, les gens n’apprennent pas nécessairement les mots qui leur permettront d’exprimer leurs besoins de santé mentale, d’autant plus que les cours de langue visent surtout les personnes qui se destinent au marché du travail.

Raymond Chung, directeur exécutif, Hong Fook Mental Health Association, Toronto recommande que des lignes directrices obligatoires visent le financement, la formation et le recours aux services d’interprètes spécialisés en santé mentale[159]. Il affirme que la tendance chez les nouveaux arrivants à sous-utiliser les services risque, avec le temps, d’avoir des conséquences fâcheuses pour le système de santé :

C’est seulement en adoptant des stratégies de prévention et de promotion de la santé mentale adaptées à des réalités ethnoculturelles et linguistiques que l’on pourra atteindre les objectifs du dépistage et de l’intervention précoce. Ce faisant, vous contribuerez à réduire les coûts financiers et humains pour notre société, et à long terme, les coûts associés au traitement de maladies mentales plus graves[160].

D’autres témoins ont décrit comment certaines personnes, surtout les personnes âgées et les femmes issues de cultures traditionnelles, risquaient davantage d’avoir du mal à s’adapter à un nouveau cadre de vie. Steve Lurie, directeur exécutif de l’Association canadienne pour la santé mentale, bureau de Toronto, a dit que les immigrantes qui ont des problèmes de santé mentale ont besoin qu’on s’intéresse davantage à leur situation [161].

Robena Sirett, gestionnaire, Older Persons Adult Mental Health Services, Vancouver, indique qu’on sait très peu de choses au sujet des personnes âgées, victimes de traumatismes ou de torture, qui sont entrées au Canada en qualité de réfugiés.

On tente actuellement d’élaborer des programmes qui peuvent être davantage adaptés et souples, selon les réfugiés qui arrivent dans notre ville […] on ne possédait pas cette compétence interculturelle qui nous permettait de communiquer avec eux[162].

Le racisme est peut-être une des raisons pour lesquelles les immigrants et réfugiés admissibles sous-utilisent les services de santé. Il se peut aussi qu’ils aient peur qu’une consultation pour santé mentale nuise au traitement de leur dossier d’immigration. Enfin, les obstacles linguistiques, des services culturellement insensibles et la difficulté de s’y retrouver dans le dédale du système de santé peuvent décourager les gens de s’adresser aux services à leur disposition[163].  

Martha Ocampo affirme que la santé mentale et physique des nouveaux arrivants, comme celle des Canadiens en général, dépend en grande partie du milieu social. Le racisme, la pauvreté, le chômage, les mauvaises conditions de logement et le manque de soutien communautaire peuvent tous nuire à l’intégration, tout comme un rapport tendu avec les fournisseurs de services de santé mentale. MmeOcampo a déclaré au Comité que :

La santé mentale des membres des communautés victimes de discrimination raciale ne peut être comprise en dehors du contexte des conditions sociales dans lesquelles elles vivent. Ces conditions sont caractérisées par les inégalités sociales qui vont déterminer les types de problèmes de santé mentale dont ils vont souffrir et qui ont une incidence sur la façon dont ces problèmes sont compris et traités par les professionnels de la santé et par le réseau de santé mentale[164].

Pour MmeOcampo, la participation pleine et entière dépend avant tout des mesures d’adaptation qu’on est disposé à mettre en place :

[V]ous devez vous rappeler que les nouveaux immigrants ou les réfugiés s’efforcent de s’établir et auront besoin de certaines adaptations pour être en mesure de participer pleinement. S’il se pose un problème pour la garde d’enfants ou pour les frais de transport, bien des choses doivent être prises en considération[165].

13.6.4   Commentaire du Comité

Le Comité reconnaît que le Canada a la réputation d’être une terre d’asile pour le nombre croissant d’immigrants et de réfugiés qui cherchent à entrer au pays. Mais le Canada, lorsqu’il s’engage à être cette terre d’asile, doit garantir que les services de santé mentale seront rendus accessibles à tous pour les aider à résoudre les problèmes de santé mentale auxquels ils font face.

D’après le Comité, il pourrait être utile que le gouvernement fédéral se dote, comme il l’a fait pour d’autres groupes de clients, d’un organisme externe chargé d’évaluer la façon dont il remplit ses engagements auprès des immigrants et des réfugiés.

 

 

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

82

Que le gouvernement fédéral crée une instance pour les immigrants et les réfugiés, semblable à l’Enquêteur correctionnel, à l’Ombudsman des Forces canadiennes ou au Comité externe d’examen de la GRC.

Que cette instance soit habilitée à enquêter sur des plaintes individuelles de même que sur des préoccupations générales portant sur la prestation même des programmes et services fédéraux ayant une incidence sur le bien-être mental des immigrants et des réfugiés.

Que cette instance fasse rapport au Parlement tous les ans

 

Le Comité voit d’un bon œil la participation accrue des groupes d’immigrants et de réfugiés comme partenaires de recherche, créateurs de programmes et fournisseurs de services. Le Canada doit pousser plus loin la recherche sur l’adaptation culturelle des services de soins mis à la disposition des populations immigrantes, surtout les populations plus vulnérables que sont les enfants, les femmes et les personnes âgées.

La langue est un outil majeur d’intégration harmonieuse et de santé mentale pour les immigrants et les réfugiés. Tous les immigrants et les réfugiés devraient avoir accès à des cours de langue officielle. Le gouvernement fédéral a l’obligation d’offrir à ses frais des services adaptés du point de vue linguistique et culturel, et ne doit pas s’en délester aux dépens des provinces.

Le Comité recommande :

 

 

83

Que Citoyenneté et Immigration Canada établisse un relevé annuel des ses programmes et services relatifs à la santé mentale, en indiquant notamment le nombre de clients desservis, les budgets consentis et les sommes dépensées, et les résultats obtenus, et en fasse rapport au Parlement à compter de 2008.

Que Citoyenneté et Immigration Canada, pour faciliter l’accès aux cours de langues officielles augmente les allocations de formation, améliore les horaires de cours et offre les cours dans des lieux plus accessibles.

13.7      LES EMPLOYÉS DE LA FONCTION PUBLIQUE FÉDÉRALE

Je veux évaluer ce que fait le gouvernement fédéral, comme employeur le plus important du Canada, en ce qui a trait à la santé mentale en milieu de travail. En deux mots, le gouvernement fédéral doit être un chef de file et un exemple pour tous les employeurs du pays. — L’honorable Ujjal Dosanjh, ancien ministre de la Santé[166]

 

13.7.1   La compétence fédérale

En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi sur la gestion des finances publiques, le Conseil du Trésor est l’employeur de la fonction publique fédérale et le grand responsable des relations de travail, des pensions et avantages sociaux, de même que de la rémunération du personnel civil et militaire[167]. D’autres lois se répercutent aussi sur les conditions de travail des fonctionnaires fédéraux. Par exemple, la Loi sur l’équité en matière d’emploi oblige l’employeur fédéral à fournir les mesures d’adaptation raisonnables aux personnes handicapées[168] et la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État autorise l’indemnisation des employés fédéraux pour le manque à gagner, les soins médicaux et autres préjudices causés par une blessure ou une incapacité liée au travail[169].

Selon le rapport de 2005 sur le rendement du Secrétariat du Conseil du Trésor :

Le secteur public fédéral constitue la plus grande organisation du Canada. Doté d’un budget de dépenses de plus de 200 milliards de dollars, le gouvernement fédéral est sept fois plus grand que n’importe quelle entreprise du pays. Avec 450 000 employés, 200 organismes, 400 millions d’opérations par année et 1 750 points of service, il s’agit sans l’ombre d’un doute de l’institution la plus complexe du pays[170].

13.7.2   Programmes et services fédéraux

La majorité des employés de la fonction publique comptent sur le gouvernement de la province ou du territoire où ils travaillent pour leurs services essentiels de santé mentale. En sa qualité d’employeur, le Conseil du Trésor établit les politiques qui régissent les régimes de soins de santé et d’assurance‑invalidité des employés qui relèvent de sa compétence. Ces régimes couvrent les frais de divers services de santé mentale non prévus par les autres régimes d’assurance.

Le Régime de soins de santé de la fonction publique (RSSFP) s’applique aux employés de la fonction publique, aux membres des Forces canadiennes (FC) aux membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), aux retraités et à leurs personnes à charge [171]. Une Directive du RSSFP précise toutefois que seules les personnes à charge admissibles des membres des FC et de la GRC sont assurés, tandis que les membres eux-mêmes sont assurés par leurs régimes respectifs [172]. Le Régime rembourse aux adhérents la totalité ou une partie des coûts engagés pour des services admissibles, mais seulement après qu’ils aient tiré parti des services couverts par les régimes provinciaux ou territoriaux auxquels ils ont accès. Les services complémentaires comprennent notamment les services d’un psychologue sur recommandation d’un médecin, jusqu’à concurrence de 1 000 $ par année civile.

Selon Phil Charko, secrétaire adjoint, Division des avantages sociaux, Secrétariat du Conseil du Trésor, en une seule année, le gouvernement fédéral a versé environ 64 millions de dollars pour des médicaments d’ordonnance et 10 millions de dollars en services de psychologues en vertu du Régime de soins de santé de la fonction publique[173].

Le Régime d’assurance‑invalidité a été conçu pour donner aux employés de la fonction publique une mesure de protection du revenu. Il procure un revenu mensuel aux employés qui sont en arrêt de travail prolongé en raison d’une maladie ou d’une incapacité qui les rend totalement invalides. Le revenu de remplacement peut aller jusqu’à 70 p. cent du salaire annuel. En cas d’invalidité complète, les prestations sont versées pendant une période maximale de 24 mois (état d’invalidité dû à la maladie ou à une blessure empêchant tout exercice des fonctions professionnelles). Si, à la fin de cette période de 24 mois, l’invalidité continue d’empêcher l’employé d’exercer un emploi en rapport avec ses compétences, les prestations peuvent être maintenues jusqu’à 65 ans[174].

M. Charko indique qu’en 2003, 44 p. cent des nouveaux cas d’invalidité de longue durée étaient dus à l’anxiété et à la dépression. Il estime que ce chiffre est « assez imposant » mais dit que le taux de rétablissement et de retour au travail est aussi relativement élevé. Il croit qu’environ 70 p. cent des gens qui font une demande de prestations d’invalidité de longue durée reviennent travailler à la fonction publique. Ce retour au travail exige, selon lui, que l’employeur fasse preuve de souplesse :

[N]ous sommes assez souples : on peut revenir au travail en occupant temporairement un emploi moins exigeant, ou revenir à une semaine de travail à heures réduites. Si on opte pour les heures réduites, l’assurance-invalidité est maintenue jusqu’au point du retour au niveau du revenu principal[175].

Pour M. Charko, trois facteurs permettent à la fonction publique fédérale de bien gérer les situations mettant en cause la santé mentale :

Des gestionnaires bien formés qui s’intéressent aux ressources humaines, voilà un premier facteur de succès. Des politiques portant sur les congés et les mesures d’adaptation pour aider les employés aux prises avec des problèmes de santé mentale sont un autre gage de réussite. Et comme troisième élément, des programmes d’assurance destinés à aider l’employé en difficulté[176].

M. Charko estime qu’un train de politiques en milieu de travail visant à aider les employés fédéraux à résoudre les problèmes de santé mentale, de toxicomanie et de satisfaction au travail doit comprendre les éléments suivants :

[…] notamment le régime de travail souple, le télétravail, le partage des postes, les politiques de mobilité, ainsi que les services de garde d’enfants. Nos politiques sont généreuses, qu’il s’agisse de politiques de congés, de lutte contre le harcèlement, de programmes de conditionnement physique, de politiques relatives au devoir d’adaptation, de l’équité en matière d’emploi, des programmes de fierté et de reconnaissance, et des politiques relatives aux codes de valeurs et d’éthique[177].

Au sujet du programme d’aide aux employés, M. Charko dit qu’il doit obligatoirement offrir dans tous les ministères du gouvernement :

[…] du counselling confidentiel à court terme payé par le ministère, qui permet d’aider les employés aux prises avec toutes sortes de problèmes, et pas seulement des problèmes de santé mentale, sans que cela nuise à leur sécurité d’emploi ou à leur carrière[178].

13.7.3   Évaluation des besoins du groupe client

Il y a des employés du gouvernement fédéral dans toutes les provinces et les territoires, à l’œuvre dans des collectivités de toutes tailles, de la plus petite à la plus grande. Ces employés ont des activités de toutes sortes : inspection des aliments, météorologie, contrôle des activités de pêches, protection des frontières, surveillance des détenus en établissements correctionnels, recherche scientifique, émission de passeports, aide aux voyageurs à l’étranger, contrôle des maladies infectieuses, et bien autres choses encore.

Depuis une dizaine d’années, un certain nombre de nouveaux facteurs de stress sont présents dans le milieu de travail fédéral : la restructuration, les réductions d’effectifs, la dévolution de pouvoirs, les compressions budgétaires et l’attention des médias suscitée par les multiples scandales et controverses; voilà autant d’éléments dont l’effet cumulatif met durement à l’épreuve la santé physique et mentale des employés fédéraux.

Cette augmentation du stress au travail ressort des résultats de sondages internes réalisés par le Secrétariat du Conseil du Trésor[179]. Bon nombre de répondants ont dit travailler sous pression et se sentir déroutés par les changements constants de priorités. Les répondants ont dit vivre des situations d’instabilité dans leurs ministères et se sont plaints d’être exclus des mécanismes de prise de décision dans des secteurs ayant des répercussions directes sur leur travail. Vingt et un pour cent d’entre eux ont dit être victimes de harcèlement et 17 p. cent ont dit faire l’objet de discrimination au travail.

Le Conseil national mixte, organisme formé d’agents négociateurs de la fonction publique et de représentants du Conseil du Trésor, cherche des solutions fondées sur la collaboration. Il a déclaré que le Régime d’assurance‑invalidité avait versé 223 millions de dollars en 2004 pour soutenir des employés touchés. Le Conseil précise que :

En 2004, tout comme au cours des 13 dernières années, la principale cause d’invalidité invoquée dans les nouvelles demandes de prestations était les troubles psychologiques, incluant la dépression et l’anxiété. De plus en plus, les cas présentés portent moins sur des données médicales objectives et vérifiables et comportent davantage de défis posés par la difficulté du diagnostic de ces troubles[180].

M. Charko affirme que « dans un milieu de travail respectueux des différences individuelles, il est souvent possible d’éliminer le stigmate social rattaché à la maladie mentale qui est un problème dans la fonction publique ». À cet égard, le Secrétariat du Conseil du Trésor a élaboré une Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale [181] en réponse à la Loi sur l’équité en matière d’emploi qui exige des employeurs qu’ils fassent les adaptations nécessaires pour les personnes handicapées. La définition de « personne handicapée » qui accompagne cette politique comprend notamment les personnes « qui ont une déficience durable ou récurrente soit de leurs capacités physiques, mentales ou sensorielles, soit d’ordre psychiatrique ou en matière d’apprentissage »[182].

Bien que la politique-cadre du gouvernement fédéral visant le soutien des employés et la création d’un milieu de travail propice au bien-être semble irréprochable, le compte rendu de personnes ayant fait l’expérience de certains programmes donne à croire que bien des choses restent encore à faire. Par exemple, Alan Fournier,un fonctionnaire fédéral à qui on a diagnostiqué une incapacité mentale et qui a soumis un mémoire au Comité, indique qu’« il y en a à la fonction publique qui sont très compréhensifs, mais ils sont la minorité ». Il a déclaré au Comité que :

[S]ans vouloir pointer du doigt une personne ou un organisme de la fonction publique, le problème est plutôt systémique, résultant d’une culture qui dit de bien belles choses mais n’agit pas en conséquence devant un handicap comme le mien[183].

M. Fournier mentionne aussi les limites de la prise en charge des services professionnels par le Régime de soins de santé de la fonction publique.

Un grand nombre de ceux, parmi nous, qui demandons les services d’un thérapeute devons nous adresser à des professionnels qui ne sont pas couverts par le Régime provincial d’assurance-maladie. Nous devons donc nous en tenir aux 1 000 $ de protection annuelle prévus par le Régime de soins de santé de la fonction publique. La plupart des psychologues et des thérapeutes en toxicomanie travaillent à 100 $ la séance. Dans mon cas, je dois m’adresser à plus d’un professionnel, dont un thérapeute en toxicomanie et un psychologue spécialisé en difficultés d’apprentissage. À leurs tarifs, je suis limité à huit rencontres par année. Une thérapie efficace, surtout aux premiers stades de la toxicomanie, doit se faire sur une base hebdomadaire. Je devrais voir mon thérapeute en toxicomanie toutes les deux semaines. J’ai aussi besoin de médicaments d’ordonnance assez coûteux. Même à 80 p. cent de remboursement, j’ai souvent du mal à payer la différence. L’obligation de payer mes frais médicaux pour ensuite me les faire rembourser fait qu’une bonne partie de mes revenus est toujours en transit, dans l’attente du règlement de mes demandes[184].

Dorothy Cotton, psychologue et coprésidente du Canadian National Committee for Police/Mental Health Liaison, indique que dans les faits, la façon dont le gouvernement fédéral, en tant qu’employeur, traite ses psychologues contribue à la stigmatisation qui frappe la maladie mentale :

Le gouvernement fédéral est un mauvais employeur sur ce plan : les salaires sont facilement de 30 p. cent inférieurs à ceux du marché. C’est humiliant pour les psychologues et ça contribue à entretenir le stigmate associé à la maladie mentale[185].

Diana Capponi, qui témoignait à titre personnel, a dit avoir appris avec enthousiasme que le ministre de la Santé avait confié à l’honorable Michael Wilson et à Bill Wilkerson la tâche d’examiner les grands enjeux entourant la santé mentale dans le milieu de travail au gouvernement fédéral. Elle exprime néanmoins des réserves :

[J]’avancerais que des changements s’imposent [dans la fonction publique fédérale en tant que premier employeur en importance au Canada]. J’oserais espérer que ces changements comprendront le recrutement ciblé de personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie, et que le gouvernement fédéral ira bien au-delà des efforts déployés par notre secteur bancaire, de façon à ce que les personnes aux prises avec un problème de santé mentale ou de toxicomanie aient accès à tous les postes, quel que soit le niveau ou la classification. Vous pourriez ainsi montrer au public canadien et à vos employés que vous « prêchez par l’exemple »[186].

13.7.4   Commentaire du Comité

Le Comité prend acte des initiatives de l’ancien ministre de la Santé, l’honorable Ujjal Dosanjh, pour centrer l’attention sur les questions de santé mentale dans la fonction publique. Citons à titre d’exemple, la nomination en février 2005 de l’honorable Michael Wilson, aujourd’hui ambassadeur aux États-Unis, au poste de conseiller spécial du ministre de la Santé en matière de santé mentale en milieu de travail au sein de l’appareil fédéral [187].

Au chapitre 8, qui porte sur le milieu de travail en général, le Comité s’est beaucoup inspiré des travaux de la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Illness(Table ronde mondiale des affaires et de l’économie sur la toxicomanie et la maladie mentale), créée en 1998 à titre « d’instrument d’information, d’analyse et d’idées sur les liens entre l’entreprise, l’économie, la santé mentale et le travail »[188]. La Table ronde a sensibilisé les employeurs à la question de la maladie mentale et favorisé la mise en commun de pratiques exemplaires. Des solutions efficaces et de nouvelles approches en ont déjà résulté et sont mises en œuvre dans le secteur privé afin de promouvoir le mieux‑être au travail.

Le gouvernement fédéral, en tant qu’employeur, aurait tout intérêt à établir des liens avec le secteur privé pour découvrir des façons de faire applicables dans son propre milieu de travail, notamment pour éliminer l’opprobre qui entoure la maladie mentale.

Le Comité recommande par conséquent :

 

 

84

Que le gouvernement fédéral s’inspire du modèle établi par la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Illness pour coordonner ses politiques, programmes et services interministériels relatifs à la maladie mentale.

Que le gouvernement fédéral, en tant qu’employeur, fasse alliance avec d’autres secteurs et ordres de gouvernement, et notamment avec la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Illness, pour stimuler et faciliter la mise en commun de pratiques exemplaires pouvant favoriser le mieux-être en milieu de travail et une meilleure santé mentale chez les employés.

Qu’en élaborant ses stratégies de promotion de la santé mentale en milieu de travail, le gouvernement fédéral mette l’accent sur des mesures pouvant réduire et, avec le temps, éliminer la stigmatisation de la maladie mentale.

 

Le Comité estime essentiel que les programmes fassent l’objet d’une évaluation périodique pour voir s’ils atteignent leurs objectifs et répondent à des besoins réels. Pour déterminer l’efficacité des mesures conçues afin d’aider les employés du gouvernement à faire face à la maladie mentale, le gouvernement fédéral ne peut pas se contenter de dresser la liste des programmes et politiques en place.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

85

Que l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique procède à l’évaluation annuelle des politiques, programmes et activités mises en place par le gouvernement fédéral afin de promouvoir la santé mentale dans la fonction publique.

Que ces évaluations se fondent sur des indicateurs de rendement clairs et notamment sur des sondages d’opinion servant à déterminer le degré de satisfaction des employés.

Que les évaluations servent de base à la modification des politiques, des programmes et des activités afin qu’ils soient mieux adaptés aux besoins des employés.

Que les résultats de ces évaluations, et les modifications qui en ont résulté, fassent l’objet d’un rapport annuel au Parlement à compter de 2008.

13.8      VERS UNE STRATÉGIE GLOBALE VISANT LA CLIENTÈLE FÉDÉRALE

La clientèle fédérale, comme l’ensemble de la population canadienne, a besoin d’un éventail de programmes et de services pour conserver ou retrouver une bonne santé mentale. Comme nous l’avons vu tout au long du présent chapitre, chaque groupe de clients fédéraux fait face à des problèmes différents et chacun a besoin de solutions adaptées à ses besoins. Par exemple, les déterminants fondamentaux de la santé que sont le logement et le soutien communautaire sont des facteurs cruciaux sur lesquels il faut se pencher dans le cas des anciens combattants comme dans le cas des Premières nations et des Inuits. Les employés de la fonction publique, quant à eux, ont surtout besoin qu’on s’intéresse à leurs conditions de travail et aux mesures d’adaptation à fournir aux personnes atteintes de maladie mentale.

Il importe aussi de réitérer que le gouvernement fédéral est responsable de ces diverses clientèles pendant des durées variables. Certains, comme les Premières nations et les Inuits, sont clients à vie. Les anciens combattants demandent en général accès aux services de santé mentale relativement tard dans leur vie. Les réfugiés, pour leur part, ne sont parfois sous responsabilité fédérale que pendant les premiers mois de leur séjour au Canada, après quoi ils passent sous responsabilité provinciale, et les délinquants sous responsabilité fédérale sont à la charge du gouvernement fédéral jusqu’à leur remise en liberté. D’autres, comme les membres de la GRC, les membres des Forces canadiennes et les employés de la fonction publique, relèvent du gouvernement fédéral tant qu’ils restent au service de leur employeur.

Le Comité comprend que ces situations très variées posent un défi au gouvernement fédéral qui doit mettre en place les programmes et services de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie nécessaires à tous ces clients. Toutefois, le Comité ne comprend pas pourquoi le gouvernement fédéral n’a jamais élaboré une stratégie globale claire et cohérente pour répondre aux besoins des clients qui sont sous sa responsabilité. Le Comité estime qu’une telle stratégie globale est essentielle pour améliorer la santé de tous les groupes visés tout en reconnaissant le caractère distinct des besoins de chacun.

 Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

86

Que le gouvernement fédéral élabore une stratégie de santé mentale applicable à l’ensemble de la clientèle fédérale, tout en tenant compte des besoins particuliers de chaque groupe.

Que cette stratégie fixe des objectifs, notamment un calendrier de mise en œuvre et d’évaluation subséquente.

 

 

Que la stratégie ait pour objectif de faire du gouvernement fédéral un employeur modèle et un fournisseur modèle de service à ses divers clients.

 

13.8.1   Approche axée sur les déterminants de la santé

Le gouvernement fédéral a toujours été un chef de file dans l’élaboration des grands principes de santé publique, depuis la parution du célèbre Rapport Lalonde. Le Comité estime que le gouvernement a l’occasion et l’obligation morale d’appliquer ces grands principes à sa propre clientèle.

En 2004, le gouvernement fédéral a déclaré être le cinquième plus grand fournisseur de services de santé à la population canadienne, desservant environ 950 000 personnes à un coût annuel de 3,4 milliards de dollars [189]. Le Comité estime que l’engagement du gouvernement fédéral à l’égard de la santé mentale doit s’étendre aux déterminants de la santé, lesquels vont bien au-delà des seuls services de santé, étant donné les nombreux facteurs à l’œuvre selon le groupe de clients. Ces facteurs sont, notamment : la salubrité du logement, l’accès au revenu, la présence d’un réseau d’entraide, l’accès à l’éducation et la possibilité de trouver du travail.

Étant donné ses nombreuses responsabilités dans la prestation de services de santé mentale, le gouvernement fédéral doit prêcher par l’exemple, notamment en misant sur la promotion de la santé mentale et la prévention de la maladie mentale et des toxicomanies. Par la collaboration interministérielle et un travail soutenu auprès de ses divers groupes de clients, le gouvernement fédéral pourrait devenir un modèle pour l’ensemble du pays en ce qui concerne l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies de santé publique.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

87

Que la stratégie de santé mentale que le gouvernement fédéral mettra au point s’inscrive dans une optique de santé publique et mise sur les facteurs déterminants de la santé mentale, et plus particulièrement sur les facteurs économiques, éducationnels, professionnels et sociaux qui ont une incidence sur la santé mentale de tous les clients fédéraux.

 

 

Que le gouvernement fédéral fasse rapport au Parlement en 2008 de ce qu’il entend mettre en œuvre comme stratégie de santé publique destinée aux clients fédéraux.

 

13.8.2   Activités visant à éliminer la stigmatisation

Au chapitre 16, le Comité recommande que la Commission canadienne de la santé mentale amorce une campagne sur dix ans visant à combattre la stigmatisation qui frappe actuellement les personnes atteintes de maladie mentale. La présence d’un représentant du fédéral au Conseil de la Commission permettra au gouvernement de faire entendre son point de vue dans cette campagne pancanadienne contre la stigmatisation. Mais le Comité estime que le gouvernement fédéral doit prendre l’initiative de la lutte contre la stigmatisation parmi ses groupes de clients.

Le Comité recommande :

 

 

88

Que le gouvernement fédéral élabore et mette immédiatement sur pied une campagne de lutte contre la stigmatisation pour aider tous ses groupes de clients.

 

13.8.3   Voies de recours

Comme nous l’avons dit plus haut dans ce chapitre, plusieurs ministères fédéraux ont, depuis quelques décennies, créé chacun un organisme indépendant et impartial chargé d’examiner des questions de toutes sortes mettant en cause leurs clients. Certaines de ces instances sont habilitées à accueillir des griefs relatifs à la santé mentale. Par exemple, l’Enquêteur correctionnel et le Comité externe d’examen de la GRC sont mandatés par la loi pour étudier des questions de santé mentale, de même que d’autres questions d’intérêt pour les membres de leurs groupes respectifs; ils font rapport au ministre compétent et recommandent des interventions. D’autres, comme l’Ombudsman des Forces canadiennes et le conseiller spécial en santé mentale du gouvernement fédéral, n’ont pas de mandat législatif.

Le Comité a recommandé que les ministères fédéraux responsables créent des instances semblables pour d’autres groupes de clients fédéraux, comme les anciens combattants, les Premières nations et les Inuits, les immigrants et les réfugiés qui actuellement n’ont aucun recours de ce genre.

Dans le contexte d’une stratégie fédérale globale, le Comité estime important que ces instances soient liées entre elles afin d’agir à titre d’ombudsman fédéral sur les questions ayant trait à la santé mentale. Il envisage une instance habilitée à faire enquête, à résoudre des griefs individuels, à faire des recommandations, à signaler des zones de problème systémiques, et à assurer le suivi des dossiers de clients issus de tous les groupes fédéraux.

Le Comité recommande :

 

 

89

Que le gouvernement fédéral crée un mécanisme central de coordination des activités d’élaboration et de mise en œuvre des politiques, programmes et services relatifs à la santé mentale dans l’ensemble de ses ministères et organismes.

Que cette entité fédérale travaille en collaboration avec l’Enquêteur correctionnel, l’Ombudsman des Forces canadiennes et le Comité externe d’examen de la GRC et les autres instances semblables qui seront créées par les ministères pour faire en sorte que les besoins de chaque groupe client soient satisfaits.

Que cette entité fédérale coordonne et supervise les activités de ces diverses instances dans leur travail d’enquête et de résolution des préoccupations soulevées par les groupes de clients fédéraux concernant des services de santé mentale qui leur sont offerts.

Que cette entité fédérale fasse un rapport annuel au Parlement.

 

13.8.4   Évaluation de l’assurance fédérale en santé mentale

Les conditions établies par la Loi canadienne sur la santé (LCS) auxquelles les régimes provinciaux d’assurance-maladie doivent satisfaire pour recevoir les transferts fédéraux excluent expressément certains groupes de clients sous responsabilité fédérale. Sous « services de santé assurés », la LCSexclut les « services de santé auxquels une personne a droit ou est admissible en vertu d’une autre loi fédérale ». Elle exclut aussi les « hôpitaux ou institutions destinés principalement aux personnes souffrant de troubles mentaux ». Plus précisément, la Loi stipule que les « assurés » auxquels sont offerts les services couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie sont les habitants d’une province autres que :

a) des membres des Forces canadiennes,

b) des membres de la Gendarmerie royale du Canada nommés à un grade,

c) des personnes purgeant une peine d’emprisonnement dans un pénitencier, au sens de la Partie I de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition[190].

Le gouvernement fédéral est donc entièrement responsable des programmes et services médicaux offerts à trois groupes de clients : les Forces canadiennes, la GRC et les délinquants sous responsabilité fédérale. Les autres — les Premières nations et les Inuits, les anciens combattants, les immigrants et réfugiés et les fonctionnaires fédéraux — relèvent du gouvernement fédéral à des degrés importants mais variables.

Le gouvernement fédéral estime que les provinces doivent assumer la plus grande partie de la responsabilité des services offerts à ces derniers groupes de clients, comme elles le font pour l’ensemble de la population canadienne. Comme Ian Potter l’explique, en faisant allusion aux Premières nations et aux Inuits :

[L]es services qui sont assurés par la Loi canadienne sur la santé, ce que nous appelons les services assurés, sont fournis par la province. Si le gouvernement fédéral s’occupe de la prestation de services médicaux ou hospitaliers, nous demandons le remboursement de ces services à la province[191].

Il reste cependant que tous les groupes de clients ont des besoins de santé mentale qui ne sont pas couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie. Pour répondre à ces besoins, le gouvernement fédéral a trouvé une solution distincte pour chaque groupe. Les Forces canadiennes, la GRC et Service correctionnel Canada font entrer les soins de santé non assurés et les traitements pour maladie mentale sous la rubrique des nécessités opérationnelles; les Premières nations et les Inuits ont accès au Programme des services de santé non assurés; les anciens combattants ont leur Programme de soins de santé; les réfugiés ont le Programme fédéral de santé intérimaire; et les fonctionnaires ont le Régime de soins de santé de la fonction publique. En plus, il existe toute une gamme de régimes d’assurance‑invalidité.

George Lucki, président, Alberta Alliance on Mental Illness and Mental Health, indique que les efforts du fédéral pour couvrir les besoins additionnels de ses clients sont caractérisés par un manque de coordination avec les provinces :

Le gouvernement fédéral est un important acheteur d’avantages non assurés qui fournissent à ceux qui travaillent pour le gouvernement fédéral ou ceux dont les soins de santé sont une responsabilité fédérale des soins de santé mentale qui ne sont pas offerts à l’ensemble de la population canadienne.

Ces services eux-mêmes sont souvent mal coordonnés, avec les autres services de santé offerts par les autorités provinciales. Nous pensons que ces programmes doivent être révisés au complet pour s’assurer qu’ils reflètent les pratiques exemplaires et répondent aux besoins de santé mentale de ceux qu’ils desservent[192].

Le Comité a été étonné d’apprendre qu’il y avait un aussi grand nombre de programmes à la disposition des clients fédéraux, et qu’ils échappaient à pratiquement toute obligation de compte rendu ou d’évaluation de fonctionnement. Le Programme des services de santé non assurés des Premières nations et des Inuits est le seul pour lequel un rapport exhaustif doit être déposé au Parlement tous les ans. Le Comité a eu vent des autres programmes par des allusions faites ici et là, mais n’en a reçu aucune description officielle et n’a eu accès à aucun rapport.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

90

Que le gouvernement fédéral entreprenne immédiatement une évaluation des tous les régimes d’assurance mis à la disposition de ses clients afin d’en déterminer l’efficacité et l’applicabilité.

Que cette évaluation comprenne une appréciation comparative des avantages, de la protection en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie, des frais administratifs, et des résultats obtenus dans le cas de chaque régime d’assurance.

Que cette évaluation des régimes d’assurance fasse l’objet d’un rapport déposé au Parlement en 2008.

 

13.8.5   Coordination et rapport au Parlement

En 2005, le ministre de la Santé a créé un groupe de travail interministériel chargé de trouver de nouveaux moyens d’intégrer les services et les pratiques des divers ministères fédéraux qui interviennent dans le secteur de la santé mentale. Ce groupe de travail, formé de représentants issus de 20 ministères et organismes, est piloté conjointement par Santé Canada et l’Agence de santé publique du Canada. Il a pour mandat d’étudier les activités fédérales et d’en accroître la cohésion dans les secteurs de la promotion et de la préservation de la santé mentale, la prestation de services et l’élaboration de politiques. Le Comité estime qu’il s’agit là d’un important premier pas dans la bonne direction, mais considère que le gouvernement fédéral doit aller beaucoup plus loin dans ses efforts pour coordonner ses divers programmes et services.

Malgré l’existence, dans de nombreux ministères et organismes du gouvernement fédéral, de politiques, de programmes et d’activités visant à répondre aux besoins de santé mentale des divers groupes de clients, le Comité n’a trouvé aucune entité centrale au courant de l’ensemble de ces activités, aucune tribune permettant la mise en commun de solutions ou de pratiques exemplaires, et aucune source centralisée d’information sur les détails des programmes, leur coût ou leur rendement. Mais surtout, personne ne semble avoir un tableau complet de l’état de santé mentale de la clientèle fédérale ni de la gamme de services offerte dans ce domaine. Ce manque de coordination ne peut qu’entraîner chevauchements de responsabilités, double emploi et gaspillage de ressources.

Le Comité estime aussi qu’il est essentiel pour le gouvernement fédéral de faire régulièrement rapport au Parlement de ses programmes et services de santé mentale. À l’heure actuelle, on demande aux parlementaires de prendre des décisions en matière de santé mentale, de maladie mentale et de toxicomanie sans avoir accès à toute l’information nécessaire. Par exemple, lorsque la Vérificatrice générale du Canada a fait rapport, en 2004 sur les programmes fédéraux de prestations pharmaceutiques, elle a constaté que le gouvernement fédéral possédait des données à jour et très factuelles sur la consommation de médicaments, mais que ces données n’étaient pas analysées de façon systématique, ni communiquées aux professionnels de la santé pour les aider à répondre aux besoins de santé de leurs clients [193].

Les ministères donnent actuellement certains détails dans leurs plans et priorités et leurs rapports de rendement, mais aucun rapport global portant sur l’ensemble des programmes de santé fédéraux n’est déposé au Parlement. Le Comité constate que la Loi canadienne sur la santé charge les provinces et les territoires de produire un rapport annuel faisant état de leurs services médicaux, hospitaliers et autres, mais que le gouvernement fédéral, lui, ne fait aucun rapport annuel, global et coordonné, pour rendre compte au Parlement de ses activités dans le secteur de la santé et des services de santé.

Le Comité a déjà demandé que certains ministères, qui ont un rôle important à jouer en santé mentale auprès de groupes particuliers de clients canadiens, produisent des rapports. Mais il faut envisager ces rapports dans une perspective de coordination pour que le Parlement dispose de l’information globale dont il a besoin pour rendre des décisions législatives et budgétaires éclairées qui servent réellement les intérêts des clients.

Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

91

Que tous les ministères fédéraux qui ont la responsabilité directe d’offrir des programmes et services à certains groupes de clients – notamment les Premières nations et les Inuits, les délinquants sous responsabilité fédérale, les immigrants et les réfugiés, les anciens combattants, les Forces canadiennes, la GRC et les employés de la fonction publique fédérale – produisent un rapport annuel qui décrit la responsabilité fédérale et les programmes et services fédéraux et qui indique dans quelle mesure ceux-ci répondent aux besoins de santé mentale des clients visés.

Que ce rapport comprenne un relevé annuel de leurs programmes et services respectifs ainsi qu’une comparaison sur trois ans.

Que ce relevé décrive clairement, pour chaque programme ou service et par exercice financier, les critères d’admissibilité, le nombre de clients desservis, les budgets accordés et les sommes dépensées, et présente une évaluation des résultats obtenus par rapport aux facteurs déterminants de la santé mentale.

Que ce relevé soit déposé au Parlement tous les ans à compter de 2008.

 


CHAPITRE 14:
LES PEUPLES AUTOCHTONES DU CANADA

14.1      INTRODUCTION

Les peuples autochtones, le continuum de la santé, c'est le bien-être et non pas la maladie. La santé mentale des Autochtones est relationnelle, parce que la force et la sécurité sont tributaires de la famille et de la collectivité. En plus de partager les traditions en matière de guérison, les collectivités autochtones sont liées par un concept de bien-être selon lequel l'esprit, le corps et l'âme sont interreliés. —Debbie Dedam-Montour[194]

Pour beaucoup de peuples autochtones, le continuum du bien-être est gravement perturbé. Chaque jour, particuliers et collectivités doivent surmonter des difficultés, que ce soit dans leurs conditions de vie matérielles, dans leur milieu social ou sur le plan psychologique. Et, pour beaucoup, chômage chronique, violence, toxicomanie et suicide en sont les conséquences. Le Comité ne peut donc que conclure que la façon dont le Canada a toujours traité ses citoyens autochtones est une honte nationale.

Il faut toutefois se garder de parler des peuples autochtones comme d’une entité homogène. La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît trois groupes de peuples autochtones, qu’elle définit comme « les Indiens, les Inuit et les Métis du Canada »[195]. Compte tenu de la diversité qui existe entre chacun et au sein même de ces groupes, des témoins ont fait observer que :

De nombreux changements doivent être apportés et de nombreuses initiatives doivent être entreprises afin que le dossier de la santé mentale des peuples autochtones progresse de façon significative. Les politiques, programmes et procédures adoptés par le gouvernement doivent respecter et inclure tous les concepts des Premières nations, des Métis et des Inuits au sujet de la santé et de la guérison. —Bernice Downey[196]

Le Comité accepte difficilement que globalement, malgré les multiples rapports publiés sur la question et les importantes ressources humaines et financières qui y ont été consacrées, la santé mentale des peuples autochtones continue d’être gravement menacée. Si l’on prend les taux de suicide et de toxicomanie comme critères, la santé mentale des peuples autochtones se situe à l’extrémité inférieure du continuum. Des témoins se sont dits découragés devant la fréquence des consultations gouvernementales combinée à l’absence de gestes donnant des résultats. Selon l’un d’entre eux :

La réalité, c'est que ce processus ne va pas très loin. Nos commentaires et nos suggestions sont bien étayés, mais il reste à voir si on y donne suite. —Lorraine Boucher[197]

Le Comité reconnaît qu’il ne peut en un seul chapitre revoir le sort déplorable que connaissent depuis longtemps les peuples autochtones du Canada. Il compte plutôt se faire l’écho de tous ceux qui ont pris le temps de lui faire connaître leur point de vue. Le Comité s’est fait dire que les facteurs qui encouragent le bien-être des peuples autochtones — appui à la famille et à la collectivité, débouchés économiques, sécurité sociale et physique, etc. — sont ceux qui, s’ils font défaut, créent la nécessité d’une guérison. On lui a également dit que, si les peuples autochtones pouvaient être les maîtres de leur santé individuelle et collective et en assumer le contrôle, une bonne partie de leurs problèmes médicaux actuels n’existeraient tout simplement pas.

14.1.1    Un comité consultatif national des Autochtones

Le Comité tient à faire en sorte que soient mis sur pied des mécanismes nationaux permanents permettant d’obtenir l’avis des peuples autochtones et d’y donner suite par des mesures concrètes.  Dans sa recommandation proposant de créer une Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16), le Comité décrit trois mesures expressément conçues pour garantir qu’il en soit ainsi.  Premièrement, l’une des personnes désignées par les gouvernements sera un représentant des gouvernements territoriaux et sera donc en mesure de faire connaître les préoccupations propres aux peuples autochtones du Nord.  Deuxièmement, le rapport de la Commission devra préciser qu’il devra y avoir, parmi les membres de son conseil d’administration ne représentant pas un gouvernement, des personnes connaissant et comprenant les problèmes propres aux Canadiens d’ascendance autochtone.  Troisièmement, l’un des deux comités consultatifs que la Commission instituera devra être un comité consultatif autochtone.

Le Comité reconnaît qu’un rapport tel que celui-ci — portant sur les maladies mentales, les toxicomanies et leur traitement — ne peut embrasser l’ensemble des impondérables constitutionnels, d’orientation stratégique et de gouvernance qui ont une incidence réelle sur la santé et le bien-être des peuples autochtones, mais il a l’intime conviction que les mesures qu’il y recommande de prendre dans l’espoir d’améliorer la santé mentale chez les peuples autochtones pourraient ouvrir la voie à des initiatives plus ambitieuses. 

Sous ce rapport, il convient de noter qu’en plus du comité consultatif autochtone, la Commission de la santé mentale ne devra créer qu’un seul autre comité consultatif et que ce comité sera composé de représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux.  Ainsi, dans la structure de la Commission de la santé mentale, le comité consultatif autochtone tiendrait la même place et aurait le même poids que le comité consultatif représentant les gouvernements provinciaux et territoriaux.

Aux yeux du Comité, le comité consultatif autochtone est un élément essentiel d’une entreprise plus vaste (et plus durable) visant à améliorer de façon marquée la santé mentale et le bien-être de tous les peuples autochtones.  Ce comité jouera à notre avis un rôle de coordination essentiel à l’élaboration d’une stratégie expressément axée sur la protection de la santé mentale et basée sur les façons de faire distinctes qui s’imposent dès qu’on traite avec une collectivité autochtone.  Comme il ressort clairement des sections qui suivent, cette stratégie devra répondre aux appels répétés des peuples autochtones, qui demandent depuis longtemps qu’on délègue la compétence en la matière et le contrôle des programmes et services aux collectivités, qu’on adapte ces programmes et services en fonction de leurs cultures et qu’on leur assure un accès équitable aux programmes et aux services de santé mentale.

Le Comité croit également que les recommandations qu’il fait dans le présent rapport — en vue d’obtenir que les peuples autochtones participent pleinement à la conception et à la prestation de services de santé mentale et de services d’appui améliorés — sont parfaitement compatibles avec le principe de la prestation des soins de santé mentale dans la collectivité, principe qu’il propose d’ailleurs d’appliquer à l’ensemble de la population.  Il espère donc que le comité consultatif autochtone réussira à avoir au sein de la Commission de la santé mentale un dialogue fructueux grâce auquel les Canadiens non autochtones pourront s’enrichir de l’expérience et des traditions des Canadiens autochtones dans le domaine de la protection de la santé mentale et du bien-être.

Le Comité insiste donc sur la recommandation faite au Chapitre 16, voulant :

 

 

92

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) établisse un Comité consultatif des Autochtones composé de représentants des communautés autochtones, dont elle établira la composition en consultation avec des organismes autochtones de manière à représenter les Premières nations, les Inuits et les Métis et refléter globalement la répartition géographique des collectivités autochtones dans le pays.

14.2      Le BIEN-ÊTRE COMME OBJECTIF

Des témoins représentant l’ensemble des peuples autochtones ont déclaré avec insistance qu’il fallait moins s’attacher à la maladie mentale et plus au bien-être mental. Ils ont prôné une approche holistique et globale portant sur tous les déterminants de la santé.

Valerie Gideon, directrice du Secrétariat à la santé et au développement social, Assemblée des Premières nations, a prôné une stratégie holistique et globale de bien-être des Premières nations :

La santé mentale et la prévention du suicide seront certainement les points essentiels de cette stratégie. La stratégie visera une approche holistique des mécanismes permettant aux collectivités la flexibilité d'allouer des ressources aux priorités et d'établir des liens avec certains déterminants de la santé tels que l'enseignement, le logement et les questions sociales et environnementales[198].

Les Inuits recherchent également une approche qui tienne compte de leur situation particulière. Selon Onalee Randell, directrice de la santé, Inuit Tapiriit Kanatami, les Inuits ont besoin :

..[d’]une gamme continue de services pertinents sur le plan culturel et qui engloberait le savoir et les pratiques traditionnelles de leur collectivité natale ou, du moins, de leur région natale. Des services d'aide aux personnes et à leurs familles. Des services qui éliminent les barrières et qui prennent en compte les déterminants médicaux et non médicaux de la santé mentale, y compris dans les domaines de l'économie, de l'environnement, du logement et de l'éducation[199].

Bien que peu d’organismes métis aient participé directement aux délibérations du Comité, Bernice Downey, directrice administrative, Organisation nationale de la santé autochtone, a présenté le point de vue de l’unité sanitaire métisse. Elle a insisté sur le fait que, pour élaborer un plan exhaustif traitant de la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie chez les Canadiens autochtones, y compris les Métis :

...le gouvernement doit reconnaître et respecter non seulement les droits constitutionnels des Métis, mais également les concepts de santé et de bien-être qui sont particuliers aux Métis[200].

14.2.1   La santé mentale plutôt que la maladie mentale

Envisager les choses sous l’angle de la maladie mentale constitue, pour la plupart des témoins entendus, une approche négative et stigmatisante, si bien que personne n’ose soulever de questions précises sur le sujet. Pour certains, comme Arnold Devlin, Dilico Ojibway Child and Family Services :

Il importe de faire une distinction entre les troubles mentaux et la maladie mentale. Il n'y a pas de raison de s'attendre à ce que la maladie mentale soit plus fréquente au sein de la collectivité autochtone qu'au sein de la population générale, et je n'en vois pas de preuve. C'est vrai que les Autochtones sont aux prises avec plus de troubles mentaux. C'est ce dont il est question. Il existe une très grande différence entre les deux[201].

Il a insisté sur le fait que, pour de nombreux peuples autochtones, les manifestations externes de leur état peuvent être perçues comme « de la détresse mentale plutôt que comme une maladie. La détresse mentale peut prendre la forme d'un épisode particulier qui dure un certain temps, mais je ne le qualifierais pas de maladie mentale »[202].

Le Comité a appris que les peuples autochtones ne sont pas plus prédisposés que d’autres à certaines maladies mentales, mais que des personnes peuvent être profondément incapables de fonctionner dans la société canadienne, une incapacité trop souvent exprimée sous forme de dépression, de suicide et de toxicomanie. Pour Elsie Bastien, coordonnatrice des liaisons avec les Autochtones, Alberta Mental Health Board :

La santé mentale est une préoccupation pour les Autochtones non pas parce que les Autochtones ont des taux plus élevés de maladie mentale aiguë telle que la schizophrénie, mais parce qu'un bon nombre d'entre eux ont des symptômes de troubles mentaux de faible niveau, dont les effets sont pourtant débilitants. Les indicateurs de ce fait sont les taux élevés d'alcoolisme, de toxicomanie, de suicides, d'accidents, de violence, ainsi que les échecs scolaires, le chômage et l'incarcération[203].

Pour prévenir ou pallier de tels effets, il faudrait, selon des témoins, adopter une approche holistique qui réponde aux besoins spirituels, émotionnels, mentaux et physiques des individus qui se trouvent aux prises avec une réalité sociale, culturelle, économique et politique particulière. Au dire de Sheila Levy, présidente, Nunavut Kamatsiaqtut Help Line :

La pauvreté, la criminalité, la violence, les toxicomanies, toutes les catégories d'abus, les logements bondés, l'aliénation, l'abandon et le suicide ont tous rapport avec le bien-être mental et physique. Cette interrelation des enjeux de la santé mentale est souvent négligée[204].

14. 3     LE BIEN‑ÊTRE PAR LA GUÉRISON

Pour en arriver au bien‑être émotionnel souhaité par et pour les individus, les familles et les collectivités de tous les peuples autochtones, il faut une guérison. Conscients de l’incidence qu’ont encore les injustices passées, les témoins se sont dit fortement désireux d’aller de l’avant à l’aide des pratiques de guérison propres à leur culture traditionnelle.

Bernice Downey a expliqué la perspective métisse en matière de guérison :

...Cela comprend notamment la prestation de services en langue autochtone et l'inclusion des connaissances et pratiques de guérison traditionnelles[205].

Jennifer Dickson, directrice exécutive, Pauktutit Inuit Women’s Association, a demandé :

…un centre de guérison dans chaque collectivité éloignée de l'Arctique canadien. Il doit y avoir des travailleurs bien formés en santé mentale. Ces centres pourraient fournir des endroits où les aînés, les adultes, les jeunes et les organismes pourraient s'écouter véritablement l'un l'autre et participer à des interventions et à des méthodes de guérison traditionnelles[206].

Bill Mussell, président, Native Mental Health Association, a affirmé avec insistance que, si le peuple des Premières nations avait la possibilité de comprendre son passé par des processus de guérison, il adopterait des façons plus saines de faire face à la réalité :

Quand on pense au deuil, à la guérison et aux effets des traumatismes, il y a une façon d'aider les gens à vivre ce qui s'est passé de manière à ce qu'ils puissent continuer de grandir et de se développer. Ils doivent vivre leurs expériences. Ce processus peut être fructueux s'il est réalisé avec des gens qui les aiment, capables de leur offrir la protection nécessaire pour qu'ils puissent se mettre en contact avec la dynamique de leur vie[207]

14.3.1   La nécessité de guérir

La Commission royale sur les peuples autochtones a estimé que, parmi les forces destructrices qui continuent de saper la confiance et la santé globale des peuples autochtones, il convient de citer, outre les facteurs socio-économiques et situationnels, la perte de territoires et de contrôle des conditions de vie, la suppression du système de croyance et de spiritualité, l’affaiblissement des institutions sociales et politiques et la discrimination raciale[208].

Pour bien comprendre la nécessité de la guérison, Tarry Hewitt, coordonnateur de projet, Aboriginal Survivors for Healing, a rappelé aux membres du Comité qu’ :

…il est essentiel de comprendre le contexte historique. En revisitant l'impact de la colonisation et, en particulier, le legs du système de pensionnats, il semble que nous revisitons un passé que d'autres rapports produits devant ce comité ont déjà traité. Mais il me semble important de relier les points pour comprendre le chemin parcouru, le chemin qui reste à faire et ce qu'il faut restaurer et utiliser du passé[209].

Selon Gail Valaskakis, directrice de la recherche, Fondation autochtone de guérison, il faudra plusieurs générations pour effacer le traumatisme subi par les Autochtones qui sont allés dans des pensionnats :

Ils concernent les pertes subies par ceux qui ont fréquenté les pensionnats en ce qui concerne leur langue, leur culture, leur famille, leur nation autochtone, et l'incidence que cela a pu avoir sur les collectivités autochtones à cause de ce cycle de sévices qui a duré très longtemps; cela concerne également le fait qu'ils n'avaient pas de bonnes compétences parentales à cause de leur expérience des pensionnats, du traumatisme historique qu'ils ont connu — et nous avons beaucoup appris à ce sujet dernièrement — et de la douleur et du chagrin qu'ont ressentis les peuples autochtones au cours de nombreuses années de déplacement, de perte de culture et de langue, et de mortalité dans leurs propres collectivités[210].

Selon elle, « il faut en moyenne une dizaine d'années à une communauté pour mettre fin à la dénégation, créer un sentiment de sécurité et amener les gens à prendre part au processus de guérison »[211]. Sur le million d’Autochtones vivant actuellement au Canada, plus d’un tiers a été touché par l’expérience des pensionnats, soit directement pour avoir fréquenté un pensionnat, soit indirectement pour avoir fait partie de la famille ou de la collectivité associée aux survivants.

14.4      STRATÉGIE DE BIEN‑ÊTRE ET DE GUÉRISON

Comment donc bâtir et rétablir le bien-être de tous les peuples autochtones? Un message clair ressort des multiples mémoires et interventions de particuliers: il faut de toute urgence adopter, à l’intention des Premières nations, des Inuits et des Métis, une stratégie de bien‑être et de guérison, dotée d’un plan d’action clair qui peut être et sera appliqué. Il faut agir sur le plan de la santé mentale en général de manière à obtenir des résultats concrets pour la collectivité.

La stratégie doit intégrer tous les groupes — Indiens (inscrits et non inscrits), Métis et Inuits — de toutes les régions du pays.

En 2001, au Canada, dans le groupe des Autochtones se définissant comme tels, les Indiens d’Amérique du Nord étaient les plus nombreux, soit 62 p. cent; 505 000 environ de ces derniers avaient le statut d'Indien inscrit et 104 000 n’avaient pas ce statut. Les Métis, soit 292 000 personnes, représentaient quelque 30 p. cent du groupe et les Inuits, soit 45 000 personnes, en représentaient 5 p. cent[212].

Il est difficile de faire des généralisations sur l’état de santé mentale en général et des besoins en la matière des peuples autochtones, étant donné la multiplicité de personnes qui se reconnaissent comme tels. D’ailleurs, les témoins ont souligné la valeur des approches conçues pour répondre aux besoins particuliers de chaque groupe.

En outre, nous savons qu'une démarche unique destinée à ces trois groupes reconnus par la Constitution n'est pas non plus la bonne solution. Toute démarche doit être propre à chaque nation.
— Bernice Downey[213]

Et quelles sont certaines des principales composantes d’une telle compilation de stratégies? Pour les témoins, toutes les approches doivent être axées sur les grands déterminants de la santé et appeler tous les secteurs économiques, sociaux, culturels et médicaux à participer et à collaborer.

Une stratégie exhaustive doit englober des changements au système d'éducation et des moyens de créer des possibilités de développement économique; il ne s'agit pas seulement que d'étudier la santé mentale, la violence familiale et le suicide. Tous ces éléments sont interreliés
— Debbie Dedam-Montour[214]


Le développement économique, le logement adéquat, l'éducation, l'équité entre les sexes, la protection de l'environnement et les questions juridiques ne sont que quelques enjeux qui nécessitent une approche vigoureuse et holistique — Jennifer Dickson[215]

Pour presque tous les témoins, le bourbier juridictionnel actuel est la principale entrave à un véritable cheminement vers le bien-être et une bonne santé mentale. Tous les peuples autochtones (Premières nations, Métis ou Inuits) sont désavantagés, mais chacun a été contraint, pour des raisons législatives et administratives, à entretenir des liens différents avec le gouvernement fédéral et donc se retrouve dans une situation différente pour ce qui est de la prestation de programmes et de services par le gouvernement provincial et territorial. Choquée de cette situation, Donna Lyon, directrice, Organisation nationale de la santé autochtone, a appelé le gouvernement fédéral à admettre :

… qu'il a l'obligation en vertu d'un traité ou de la Constitution, selon le cas, d'offrir des programmes de santé aux trois peuples autochtones[216]

Les témoins ont convenu des composantes essentielles d’une bonne stratégie. Pour eux, il est essentiel de se concentrer sur les déterminants de la santé et de clarifier les compétences et les responsabilités des divers ministères en matière de santé globale des peuples autochtones. Ils ont insisté sur le fait que, une fois mise en place, une telle stratégie permettrait d’éviter bon nombre des problèmes de santé mentale que connaissent les individus et les collectivités.

Le Comité appuie fermement l’élaboration d’une stratégie visant la promotion du bien‑être, le rétablissement de la santé mentale et la prévention d’une aggravation de la santé mentale des peuples autochtones. Cette stratégie doit être capable d’améliorer de façon mesurable l’état de santé global de l’ensemble des peuples autochtones et de tenir compte des besoins distincts des Premières nations, des Inuits et des Métis où qu’ils vivent. La stratégie doit miser sur des partenariats reconnus et une collaboration authentique entre secteurs sociaux, économiques, médicaux et autres; le but visé est en gros de trouver des solutions adaptables et multidimensionnelles aux problèmes complexes que connaissent les peuples autochtones par la voie d’une véritable participation communautaire et du partage du pouvoir concernant l’application des changements.

En 2003, les premiers ministres canadiens ont demandé à leur ministre de la santé de consulter les peuples autochtones à propos d’un cadre visant la préparation de rapports sur l'état de santé des Autochtones[217]. Les rapports doivent renseigner la population sur les progrès réalisés et les principaux résultats en s’appuyant sur des indicateurs permettant d’établir des comparaisons entre Canadiens autochtones et non autochtones. Les rapports doivent également informer la population canadienne des programmes en vigueur et des dépenses courantes et fournir des données de référence à partir desquelles il sera possible d’évaluer les nouveaux investissements, niveaux de service et résultats. Ces données sont essentielles à la réussite de toute stratégie relative au bien-être et à la guérison.

La stratégie doit préciser l’autorité responsable de son exécution, le mode de mesure du bien-être, les objectifs à atteindre, le moment où les mesures concrètes seront mises en place et les critères permettant de juger des résultats. Il est essentiel de prévoir un calendrier précis pour la mise en place d’initiatives et l’évaluation des résultats ainsi qu’un mécanisme de financement durable et suffisant.

Le Comité recommande :

 

 

93

Qu’en priorité la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16), avec la participation pleine et entière de son Comité consultatif des Autochtones, élabore une stratégie en matière de bien‑être et de guérison sur le plan de la santé mentale pour l’ensemble des peuples autochtones.

Que la stratégie énonce des buts, ainsi qu’un calendrier d’application, et des recommandations sur la façon d’évaluer les résultats.

Que la stratégie prévoie des approches distinctes pour les Premières nations, les Inuits et les Métis.

14.5      AGIR SUR LES DÉTERMINANTS DE LA SANTÉ POUR CHAQUE GROUPE

Des témoins ont fait valoir que, pour être valable, toute stratégie doit s’appuyer sur la prise en compte de l’ensemble des conditions ou déterminants de la santé qui contribuent au piètre état de santé des peuples autochtones. Ils ont montré comment des facteurs clés plus généraux — revenu et statut social, réseaux d’entraide sociale, niveau d’instruction, emploi, environnement social et physique, pratiques personnelles en matière de santé et capacité d’adaptation, enfance, patrimoine biologique et génétique, services de santé, sexe et culture — influent sur la santé mentale. Mais, surtout, ils ont expliqué comment l’on pouvait éviter bon nombre de problèmes de santé physique et mentale chez les peuples autochtones en améliorant chacun des ces déterminants.

 

14.5.1   Approches propres à chaque groupe et culture

Comme nous l’avons déjà dit, les peuples autochtones sont très divers. Même parmi ceux qui se sont identifiés comme Indiens d’Amérique du Nord(près de 65 p. cent), Métis (30 p. cent) ou Inuits (5 p. cent), il existe bien des pratiques culturelles, des liens, des langues et des situations sociales, économiques et géographiques dans les limites territoriales du Canada.

Pour les Premières nations, plus de la moitié (52 p. cent) des Indiens d’Amérique du Nord ayant le statut d’Indien inscrit vivaient dans des réserves, selon le recensement de 2001. Des témoins ont affirmé que l’existence même des réserves nuisait à la santé mentale des Indiens d’Amérique du Nord, phénomène souvent exacerbé par l’éloignement.

Comme l’a fait remarquerJames Morris, directeur exécutif, Nodin Counselling Services, du nord de l’Ontario :

Je n'ai pas besoin de parler de l'environnement dans lequel vivent ces gens; ils vivent dans une pauvreté débilitante, dans des collectivités isolées. C'est la même histoire dans n'importe quelle région isolée, où les gens sont pauvres. Le contexte est le même dans toutes les collectivités des Premières nations. Je ne pense jamais à une réserve comme à un environnement normal pour les peuples des Premières nations[218].

Pour les Inuits, la situation géographique crée certains besoins sur le plan de la prestation de programmes et de services. Cinq des plus importantes collectivités inuites (qui comptent entre 1 500 et 3 000 personnes) sont regroupées au-dessus ou à proximité du 60e parallèle dans les territoires de l’Ouest et les provinces de l’Est. On a rappelé au Comité que ce n’est qu’au cours des 50 dernières années, le gouvernement fédéral établissant une présence significative dans l’Arctique, que les Inuits ont été déplacés de leurs campements saisonniers et réinstallés de façon permanente.

Selon Jennifer Dickson :

Au cours des années 1950, [des Inuits installés dans des campements saisonniers et de plus petites collectivités] ont été contraints de déménager dans d'autres localités, les autorités religieuses, médicales et gouvernementales ayant statué que la vie dans de plus grands centres améliorerait leur bien-être social et économique. Au contraire, ce déménagement allait profondément bouleverser la dynamique historique et culturelle de la côte nord, et avoir un impact durable sur les familles affectées[219].

Pour les Métis, l’histoire a également été déterminante — surtout le fait que leur relation avec les autres Canadiens ne soit pas encore régie par des traités ou des règlements de revendications territoriales. En 2001, plus d’un quart de tous les Métis vivait en Alberta, et cette province est la seule qui ait délégué par voie législative aux établissements métis le pouvoir d’élaborer, dans certaines limites, des décrets et des politiques dans quelques régions précises du Nord. Près de 70 p. cent de l’ensemble des Métis du Canada vivent cependant dans des villes (en dehors d’établissements particuliers), où résident également plus de sept sur 10 (73 p. cent) des Indiens d’Amérique du Nord sans statut d’Indien inscrit.

Au dire de certains témoins, la guérison, la langue et la culture traditionnelles sont d’une importance critique pour ce qui est de surmonter les attitudes et les comportements négatifs. Tarry Hewitt a appelé à des décisions communautaires à propos des pratiques de guérison traditionnelles ou conventionnelles mais a souligné que :

La promotion des pratiques de guérison traditionnelle passe par la reconnaissance de leur efficacité et la mise en valeur des ressources humaines afin de surmonter les habitudes de dépendance et de restaurer l'estime de soi des Autochtones et la confiance dans leur culture[220]...

Dans le même esprit, Jennifer Dickson a appuyé les approches culturellement pertinentes :

La culture et le savoir traditionnels sont au cœur de la santé et du bien-être des Inuits. La sagesse des Inuits et leurs façons de faire doivent être intégrées dans tous les programmes pour qu'ils aient des répercussions positives sur la santé des personnes et de la communauté[221].

 

14.5.2   Des appuis familiaux et communautaires

Bon nombre de témoins ont tenu à souligner que des familles et des collectivités solides sont essentielles à la réalisation du bien‑être général. Ils ont reconnu que les choix personnels sont importants, mais ont noté la forte influence de facteurs sociaux collectifs sur bon nombre de décisions que les peuples autochtones prennent à propos de leur vie.

Bernice Downey a décrit comment les familles saines forment des collectivités fortes :

Lorsqu'on parle de santé mentale, on se tourne du côté des familles en bonne santé. Ces familles trouvent le moyen de subvenir à leurs besoins, elles ont un but dans la vie, elles ont un emploi qui leur permet de contribuer à la société. Elles peuvent vivre leur vie sans être empêchées de le faire à cause des restrictions sur la chasse, par exemple, et elles peuvent enseigner leurs traditions à leurs enfants et leurs enfants peuvent alors poursuivre sur la même lancée. C'est ça, la santé mentale pour une communauté[222].

D’autres témoins ont souligné que des relations sociales chaleureuses et des réseaux d’entraide assurent une stabilité aux gens et les aident à résoudre leurs problèmes et à affronter l’adversité. Tous ceux qui se sentent incapables de contrôler les circonstances de leur vie se sentent moins bien globalement. Bill Mussell a proposé le concept de « prise en charge » comme moyen de protéger les gens contre certains problèmes :

J'aime la notion de prise en charge. Nos jeunes se sentent comme des sans-abri même s'ils ont un toit. Ils ont une maison, mais pas de foyer. Les personnes qui doivent s'occuper d'eux ne sont pas là ni les personnes qu'ils aiment et ceux qu'ils souhaiteraient voir prendre soin d'eux

La question qu'il faut plutôt poser est celle-ci : Que doit-on faire, avec des ressources limitées, pour favoriser cette prise en charge?

Je ne crois pas qu'on puisse l'acheter, mais on peut certes faire en sorte qu'elle se développe[223].

La fréquence avec laquelle les peuples autochtones changent de lieu de résidence est préoccupante. Il s’ensuit un manque de continuité dans les liens sociaux ainsi qu’une perte du sentiment communautaire. Selon des données du recensement, il semblerait que la population des réserves est relativement stable, bien qu’un tiers (33 p. cent) de la population indienne d’Amérique du Nord ayant le statut d’Indien inscrit et vivant dans des grandes villes ait déménagé chaque année. De même, 25 p. cent de la population indienne d’Amérique du Nord sans statut d’Indien inscrit et 23 p. cent de la population métisse déménagent chaque année — soit deux fois plus souvent que les peuples non autochtones (14 p. cent).

14.5.3   Les enfants et les jeunes

Dans tous les groupes autochtones, la population est beaucoup plus jeune que dans le reste de la population. Ce sont les Inuits qui ont la population la plus jeune, puisque l’âge médian n’est que de 20,6 ans, contre 37,7 ans pour la population non autochtone. Ceci signifie que, parmi les Inuits, 40 p. cent sont des enfants de moins de 15 ans. Ce pourcentage est de 30 p. cent chez les Métis et, dans la population indienne d’Amérique du Nord, de 25 p. cent chez ceux ayant le statut d’Indien inscrit et de 35 p. cent chez ceux sans statut d’Indien inscrit.

Les enfants sont particulièrement visés par divers types d’aide sociale, l’environnement physique, la stabilité familiale et le statut socio-économique. James Morris a évoqué son expérience et ses observations sur l’importance critique d’un appui adéquat pour les jeunes.

Je connais des enfants qui ont faim, qui sont mal vêtus ou qui n'ont pas d'endroit où dormir. Dans une communauté, j'ai vu un groupe de 18 personnes vivant ensemble dans une petite roulotte contenant seulement trois lits. Chacun dormait à tour de rôle. Lorsqu'une nuit ce n'était pas au tour de l'enfant de dormir, il n'allait pas à l'école le lendemain. Il devait aller au lit quand tous les autres se levaient. La pauvreté est un problème important dans les réserves et elle a une incidence sur les enfants, à mon avis[224].

Gloria Laird, co-présidente, Alberta Mental Health Board, Wisdom Committee, a exposé les difficultés liées au fait qu’un grand nombre d’enfants et de jeunes autochtones sont visés par un réseau de services sociaux dont un très faible pourcentage des membres du personnel est autochtone. Elle a également laissé entendre qu’une forte proportion des prostitués enfants en Alberta est autochtone et a des besoins particuliers que le système actuel ne comble pas.

Ça fait des années que je demande qu'on crée un centre de guérison holistique. Mais cela n'a rien donné. On peut discuter jusqu'à plus soif, mais rien ne change. Ce sont les jeunes qui disent qu'ils veulent aller en campagne en compagnie des aînés. Ce sont eux qui demandent de faire des sueries afin de se purifier. Il leur faut des solutions innovatrices. Ils doivent quitter les villes.

Qui créera un centre de guérison holistique pour ces jeunes qui n'ont pas de voix? Les enfants sont de plus en plus jeunes; ils ont maintenant 10 et 11 ans. Il est difficile d'arrêter de se prostituer quand on est toxicomane et qu'on consomme les drogues comme le crystal meth[225].

Les témoins ont plaidé en faveur de la mise en place de mécanismes d’aide destinés aux jeunes adultes à mesure que ces derniers comprennent le monde et leur place en son sein. Jason Whitford, coordonateur du Conseil pour la jeunesse, Assemblée des Chefs du Manitoba, a décrit le travail effectué dans un certain nombre de secteurs importants : l’établissement de stages pour les jeunes; la création d’emplois pour les jeunes, la promotion des valeurs et des enseignements traditionnels, les consultations des services de police de Winnipeg et de la GRC, la sensibilisation à la sécurité sur les lieux de travail et la promotion de la prévention du suicide. Le but visé est d’encourager les jeunes à participer au changement et de promouvoir le leadership de ces derniers à cet égard :

Nous disons aux jeunes que s'ils n'aiment pas la tournure des choses et s'ils sont suffisamment nombreux, ils peuvent prendre le contrôle de leurs collectivités et les remodeler à leur manière. Les organismes bénévoles, les conseils de jeunes, les organisations de jeunes leur donnent les moyens de s'attaquer au problème et d'offrir des possibilités aux autres jeunes de leur entourage. Ils veulent changer la situation dans leurs collectivités, mais il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas les moyens de s'exprimer eux-mêmes de façon positive[226].

 

14.5.4   Les conditions socio-économiques

Des témoins ont dégagé diverses conditions socio-économiques qui ont influé sur leur santé et leur bien‑être global. En général, les inégalités sur le plan du revenu pour les peuples autochtones se sont corrigées à la faveur d’un meilleur accès à l’éducation et à l’emploi, ce qui s’est répercuté sur l’accès au logement, l’alimentation et d’autres nécessités de la vie, matérielles et sociales.

Parmi les groupes autochtones, ce sont les Métis qui ont déclaré le revenu moyen le plus élevé en 2000, soit 22 000 $ environ, ce qui est inférieur de près de 8 000 $ au revenu moyen des non autochtones. Divers facteurs nuisent à la faculté des peuples autochtones d’avoir un revenu. Il faut mentionner le manque d’instruction, puisque celui-ci est directement lié aux possibilités d’emploi et que le nombre de personnes n’ayant pas terminé leurs études secondaires est presque deux fois plus élevé chez les Autochtones que chez les autres Canadiens. Notons aussi la jeunesse de la population autochtone, 40 p. cent seulement des Inuits étant en âge de travailler (et donc ayant entre 25 et 65 ans).

L’emploi ne fournit pas seulement un revenu permettant de se procurer les nécessités de la vie, comme le logement et l’alimentation, mais il assure également un sentiment d’identité et un but précis, des contacts sociaux et des possibilités de croissance personnelle. Pour trop d’Autochtones, le chômage ou le sous-emploi est la principale cause de leur piètre état de santé. Comme en a témoigné Elsie Bastien, non seulement l’emploi est limité mais, en raison de règles relatives à l’aide sociale, les Autochtones ne peuvent participer librement à d’autres activités valorisantes :

La plupart de nos gens sont en chômage parce qu'ils ne trouvent pas d'emplois, notre taux de chômage atteignant les 85 p. 100. La communauté a cherché à subventionner les gens pour qu'ils puissent suivre une formation, ce qui leur aurait permis de travailler ensuite dans certains de ces programmes comme bénévoles. Mais au début de l'année, le gouvernement fédéral a modifié la loi pour tenir compte, à mon avis, de ce que fait la province. Par conséquent, une bonne partie de ces gens qui auraient pu faire du travail communautaire pour nous, ne peuvent plus le faire puisque nous n'avons pas les fonds voulus pour les rémunérer et puisqu'ils doivent désormais se chercher du travail rémunéré. Ils doivent démontrer qu'ils ont continué à chercher un emploi rémunéré, avant de pouvoir toucher leur chèque de bien-être à la fin du mois[227].

Les facteurs comme le logement et l’infrastructure communautaire se répercutent sur le bien‑être psychologique. Il est particulièrement significatif que les ménages autochtones (Indiens, Inuits et Métis) sont beaucoup plus susceptibles que leurs homologues non autochtones de vivre dans des logements ne satisfaisant pas à des normes de qualité acceptables (logements ayant besoin de réparations majeures) et de confort (trop grand nombre d’occupants par logement).

Larry Gordon a expliqué :

Dans bien des régions, la pénurie de logements fait rage. Il ne faut pas sous-estimer les retombées sur la santé mentale de situations où les familles s'entassent à un point où certaines personnes doivent dormir par terre ou attendre leur tour pour dormir. Les sans-abri, quant à eux, font la tournée de leur parenté pour tâcher de trouver un endroit où passer la nuit[228].

14.5.5   Les femmes

Pour consolider la santé mentale des hommes et des femmes des collectivités autochtones, il faut changer les pratiques et les priorités. Plusieurs témoins ont souligné la nécessité de prendre davantage conscience des différences et de l’équilibre selon les sexes au sein des familles et des collectivités ainsi qu’au sein des structures et des initiatives organisationnelles et gouvernementales.

Actuellement, les rôles, les comportements et les relations de pouvoir désavantagent doublement les femmes — parce qu’elles sont femmes et parce qu’elles sont Autochtones. Des témoins ont signalé que les services offerts aux femmes autochtones et les soutiens connexes à leurs enfants sont moins nombreux, moins efficaces et de moindre qualité que ceux fournis aux Canadiens dans leur ensemble.

Or les femmes jouent, semble-t-il, un rôle primordial dans la venue de changements réels et l’obtention de résultats pour les collectivités autochtones. Bill Mussell a souligné que la force des femmes est le principal déterminant de leur propre santé mentale, et de celle de leur famille et de leur collectivité. Jennifer Dickson a ajouté :

Les femmes inuites sont véritablement les agents du changement dans l'Arctique canadien. Si elles sont motivées, incluses et appuyées, elles peuvent contribuer, et contribueront, considérablement à l'établissement de collectivités solides, stables, saines et heureuses[229].

14.5.6   Recommandations

Le Comité a écouté attentivement les témoignages sur les principaux déterminants de la santé et a convenu que ceux-ci étaient primordiaux pour la santé mentale, que ce soit celle des individus, des familles, des collectivités ou des peuples autochtones en général. Il reconnaît qu’il faut un plan d’action axé sur les multiples déterminants de la santé et sur les interactions complexes entre ces derniers. Compte tenu de la multitude de facteurs qui causent des problèmes mentaux chez les peuples autochtones, toute stratégie visant à y remédier doit être fondée sur des preuves claires, portant à la fois sur les problèmes particuliers et sur l’ampleur des mesures nécessaires.

Le Comité recommande :

 

 

94

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16), en consultation avec son Comité consultatif autochtone, élabore, en tant que composante intégrale de la stratégie en matière de bien‑être et de guérison dans le domaine de la santé mentale, un plan qui : 

·         dégagerait les principaux déterminants de la santé;

·         évaluerait l’effet de ces déterminants sur la santé mentale;

·         préciserait les mesures à mettre en place et

·         établirait les calendriers et les niveaux de financement nécessaires pour encourager bien‑être et guérison.

 

14.6      agir SUR LES CHAMPS DE COMPÉTENCE

Le Comité s’est fait dire à maintes reprises que le flou entourant les champs de compétence relatifs aux peuples autochtones est l’un des principaux obstacles à l’édification d’un système cohérent et intégré de planification et de fourniture des services en matière de bien‑être et de santé mentale.

Les membres des Premières nations qui sont des Indiens inscrits vivant dans des réserves bénéficient d’un certain nombre de programmes et services en matière de santé mentale; mais ce n’est plus le cas lorsqu’ils quittent la réserve. Lorraine Boucher, directrice des programmes de santé, North Peace Tribal Council, a expliqué :

Je constate que la classe politique se renvoie constamment la balle quand il est question de l'accès des membres des Premières nations aux services. Quand nous habitons dans la réserve, nous relevons du gouvernement fédéral. Quand nous habitons à l'extérieur de la réserve, nous relevons du gouvernement provincial[230].

Pour les Inuits, la situation est analogue. Onalee Randell a fait valoir que ce sont ceux qui ont besoin des services qui pâtissent du différend qui existe encore relativement aux champs de compétence :

Le débat entourant les responsabilités continue, que ce soit celles du gouvernement fédéral ou celles des gouvernements provinciaux et territoriaux. En fait, ce débat a fini par devenir plus important que la prestation de services aux Inuits et fait obstacle à cette prestation dont on a grand besoin[231].

À l’instar des Indiens d’Amérique du Nord sans statut d’Indien inscrit, les Métis connaissent des problèmes de santé mentale qui sont comparables à ceux des Premières nations et des Inuits, mais ils doivent constamment se battre sur le front de la reconnaissance des responsabilités au sein de la fédération canadienne. Le gouvernement fédéral ne se reconnaît pas de responsabilités particulières pour les Métis ou les Indiens non inscrits, tandis que les provinces et les territoires hésitent à demandent des éclaircissements juridiques. De nombreux Métis désirent simplement savoir précisément s’ils tombent sous la responsabilité du gouvernement fédéral ou provincial, de manière à pouvoir avoir accès plus facilement aux services dont ils ont besoin.

Les Métis ont besoin de services de santé mentale adaptés à leur culture. Le nombre de travailleurs métis en santé mentale doit augmenter comme c'est le cas chez les Inuits et les Premières nations en général. Il faut aussi accroître les services à leur égard et régler le problème des compétences de sorte qu'ils aient accès aux programmes fédéraux ou provinciaux de santé mentale destinés aux Autochtones 
— Donna Lyon[232].

14.6.1   Définir le rôle du gouvernement fédéral

Actuellement, tous les ordres de gouvernement cultivent une certaine ambivalence à propos de leurs responsabilités en matière de santé des peuples autochtones. La Loi constitutionnelle de 1867, qui prévoyait (aux articles 91 et 92) une séparation des pouvoirs entre le parlement fédéral et les assemblées législatives provinciales, stipulait que la responsabilité des peuples autochtones variait selon les catégories, certaines obtenant le statut par reconnaissance du fédéral, d’autres non.

Pour le gouvernement fédéral, la Loi sur les Indiens est le point de référence en matière de services aux Indiens inscrits vivant dans des réserves et à certains Inuits. Dans le sillage de son engagement de 2004 visant à mettre sur pied un Secrétariat des Inuits au sein d’Affaires indiennes et du Nord Canada, le gouvernement fédéral a commencé à jouer un rôle public plus précis pour ce qui est de son approche des questions propres aux Inuits. Depuis 1985, sauf pour les programmes qui visent la population canadienne en général, les Métis et les Indiens non inscrits s’adressent à leur interlocuteur fédéral, nommé par le gouvernement, plutôt qu’à un ministère fédéral en particulier.

Les gouvernements provinciaux et territoriaux hésitent à fournir un financement ou des services aux Autochtones, car ils craignent d’être perçus comme acceptant cette responsabilité. Cette ambivalence généralisée est particulièrement grave en matière de santé mentale, car les programmes et les services pertinents englobent forcément l’éducation, le logement, l’emploi et l’aide sociale, de même que la santé — autant de domaines qui sont en général perçus comme de compétence provinciale ou territoriale.

Il n’y avait aucune ambivalence chez les témoins qui ont comparu devant le Comité et qui ont appelé à un éclaircissement des relations avec le gouvernement fédéral. L’organisation de la Table ronde Canada — Autochtones, en 2004, a été perçue, pour les Premières nations, les Inuits et les Métis, comme un premier pas vers l’autodétermination fondée sur les droits des Autochtones[233]. À la fin mai 2005, des organismes représentant divers groupes ont signé plusieurs déclarations qui énonçaient des mesures particulières visant à préciser encore les relations avec le gouvernement du Canada[234].

Des témoins ont évoqué une nouvelle relation spéciale avec le gouvernement du Canada qui se démarquerait des interactions actuelles, auxquelles participent plusieurs ministères. Irene Linklater a insisté sur la nécessité de rétablir le lien spécial avec la Couronne. Elle a expliqué que les Premières nations désiraient :

...des relations directes, sinon avec le premier ministre, du moins avec le Conseil privé, ainsi qu'avec les principaux organismes de décision qui ont pris des dispositions financières directement avec les Premières nations, bref des relations directes entre les Premières nations et le gouvernement fédéral ou, si vous préférez, des relations de nation à nation[235]...

14.6.2   Focaliser les efforts des ministères fédéraux

Au niveau fédéral, les domaines qui sont déterminants pour la santé mentale des peuples autochtones sont de la compétence de plusieurs ministères fédéraux. Il existe à cet égard une extrême fragmentation, étant donné que plusieurs ministères offrent des programmes ou services particuliers à certains groupes de peuples autochtones. Dans la plupart des cas, les services sont fournis exclusivement aux Premières nations vivant dans des réserves; dans d’autres, ils sont offerts seulement aux Premières nations vivant en dehors des réserves; d’autres encore touchent les Inuits et quelques-uns sont axés sur les Autochtones de façon plus générale.

 

En 2005, 16 ministères et organis­mes fédéraux ont offert aux Autochtones des programmes qui se sont chiffrés en tout à quelque 9,1 milliards de dollars. Affaires indiennes et du Nord Canada a dépensé les deux tiers environ de cette somme (soit 6 milliards de dollars), Santé Canada près de 2 milliards de dollars, tandis que les autres ministères et organismes en ont dépensé légèrement plus d’un milliard de dollars[236]. Jusqu’ici, il n’existe aucune estimation sur les sommes totales dépensées par le fédéral au titre de la santé mentale, des maladies mentales et de la toxicomanie chez les Autochtones.

Sauf pour ce qui est de certaines obligations précisées dans la Loi sur les Indiens et administrées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord, le gouvernement fédéral a permis l’élaboration d’un fondement différent pour chaque ensemble de programmes et de services fournis aux peuples autochtones. Ni la Loi constitutionnelle de 1867, ni cellede 1982 ne prévoit de compétence législative ni n’impose d’obligation juridique aux ministères ou organismes fédéraux pertinents.

Les peuples autochtones estiment que l’obligation de traiter avec plusieurs ministères est une entrave d’importance, un véritable handicap. Pour les Premières nations, la répartition des programmes sociaux et du financement connexe entre deux ministères a créé un fossé sur le plan de la santé et des relations des Premières nations avec la Couronne et le gouvernement du Canada :

…permettez-moi de […] souligner […] une lacune — sur le plan des relations du fait que, d'une part, les dispositions constitutionnelles établies par le Canada ont permis de créer un organisme administratif appelé les Affaires indiennes, et que, d'autre part, ses pouvoirs à ce chapitre sont maintenant délégués à un ministère fédéral, soit Santé Canada, ou plus précisément la DGSPNI, structure qui filtre l'argent. Cela s'est fait, notez bien, sans notre concours. — Irene Linklater[237].

À propos des Inuits, Onalee Randell a signalé que, parce que tant de ministères entrent en jeu, les compétences sont morcelées entre divers ministères, perpétuant les différends à ce propos :

Le débat entraîne aussi de mauvaises communications et une mauvaise coordination entre non seulement les fournisseurs de services de santé de différentes régions, mais aussi entre les agences intergouvernementales. Les responsables du logement ne veulent jamais parler de l'effet du logement sur la santé mentale. Les responsables de l'éducation ne veulent jamais parler de révision ou de changement des programmes d'études afin d'inculquer à l'étudiant l'estime de soi et des habiletés d'adaptation[238].

Pour les Métis, le problème vient de ce qu’il n’y a tout simplement pas de centralisation au niveau des ministères ou du gouvernement. Ni Affaires Indiennes et du Nord Canada ni Santé Canada n’assument la responsabilité expresse de la question. Toutefois, selon Gloria Laird, co-présidente, Alberta Mental Health Board, Wisdom Committee, on commence à chercher des moyens de centraliser au niveau d’un ministère les interventions répondant aux besoins en services de santé du peuple métis[239].

14.6.3   Recommandations

Le Comité reconnaît que, pour qu’un plan d’action et une stratégie réussissent, il faut régler cette ambivalence sur le plan des champs de compétence ou du moins les remplacer par des énoncés clairs de responsabilités. Actuellement, les peuples autochtones sont très mobiles et les chevauchements de compétence abondent. Le fait de vivre dans une réserve puis d’en sortir ainsi que les déplacements entre provinces et territoires ne devraient pas interrompre la prestation de services, ce qui peut aboutir à la disparition des programmes essentiels à la santé mentale.

Des témoins ont dit au Comité que tous les ordres de gouvernement ont toujours rejeté la responsabilité de la détérioration de l’état de santé général des peuples autochtones. Un tel déni a mené au rejet des responsabilités sur d’autres, obscurci les faits et empêché la création de modes d’évaluation des progrès vers une meilleure santé, notamment mentale.

Certains témoins ont clairement dit vouloir une relation plus directe avec la Couronne, par l’entremise du gouvernement du Canada, de manière à être directement responsables de leur propre santé. Mais ils souhaitent que cette responsabilité s’inscrive dans une relation avec le gouvernement du Canada qui reconnaisse la capacité des peuples autochtones de contrôler leur vie s’ils disposent de ressources et d’appuis suffisants.

Le Parlement du Canada et le gouvernement fédéral ont depuis longtemps la responsabilité du bien‑être de l’ensemble des citoyens du Canada, ce qui comprend les peuples autochtones. Un niveau sans précédent de collaboration intergouvernementale et de leadership fédéral est nécessaire pour enrayer l’épidémie de problèmes mentaux, de suicides et de toxicomanie notamment, que connaissent les peuples autochtones. En plus du travail à entreprendre par la Commission canadienne de la santé mentale, il faudra impérativement que le gouvernement fédéral prenne immédiatement des mesures visant à répondre aux besoins des peuples autochtones en matière de santé mentale.

Le Comité a analysé plusieurs mesures fédérales qui compléteraient et appuieraient le travail de la Commission canadienne de la santé mentale proposée. Malgré les mécanismes de surveillance parlementaire assurés par les comités permanents des deux chambres et les rapports que présente à l’occasion la vérificatrice générale, les questions touchant les peuples autochtones n’ont pas été examinées avec suffisamment de rigueur ou de continuité par le Parlement. On pourrait établir un mandataire du Parlement, analogue au vérificateur général ou au commissaire aux langues officielles, qui relèverait directement du Parlement (plutôt que d’un ministère ou d’un ministre en particulier).

Une deuxième possibilité, qui s’appuierait sur les initiatives du premier ministre dans le cadre de la Table ronde Canada-Autochtones, serait d’établir une structure permanente similaire à la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie. Constituée comme organe consultatif autonome, cette table ronde favorise les coalitions et tente de réconcilier les positions souvent contradictoires des pouvoirs publics, des secteurs économiques et de la collectivité.

Le Comité estime toutefois que le besoin le plus pressant est de coordonner les efforts du gouvernement fédéral en vue d’améliorer la santé et le bien‑être des peuples autochtones au Canada. L’établissement d’un comité chargé des questions autochtones au sein du Cabinet et un secrétariat au Bureau du Conseil privé, combiné à l’engagement pris en 2003 de faire rapport sur la situation des peuples autochtones, devrait faciliter une reconnaissance directe plus grande du lien entre le gouvernement fédéral et les peuples autochtones.

Le Comité recommande :

 

 

95

Que le gouvernement du Canada crée un Comité interministériel composé de sous-ministres des ministères assumant une responsabilité à l’égard des peuples autochtones et présidé par le Bureau du Conseil privé.

Que ce Comité interministériel prépare un rapport qu’il déposera au Parlement tous les deux ans sur l’incidence du travail de ces ministères sur le bien‑être des peuples autochtones et, notamment, mais sans s’y limiter, sur leur santé mentale.

Que le rapport sur le bien‑être des Autochtones comporte une liste de tous les programmes et services fédéraux propres à chaque groupe de peuples autochtones et précise les dépenses effectuées et l’incidence de ces dernières sur les résultats obtenus sur le plan de la santé et, notamment, de la santé mentale;

Que le Comité interministériel appuie des groupes de travail composés de représentants des Premières nations, des Inuits et des Métis et chargés de fournir des renseignements et des conseils et de vérifier le rapport.


14.7      AGIR SUR LA PRESTATION DES PROGRAMMES ET SERVICES

Les programmes et services conçus pour maintenir un bon état de santé, empêcher les maladies ou rétablir santé et fonctions constituent également un déterminant de la santé pour les peuples autochtones. Comme nous l’avons déjà souligné, des programmes et services fédéraux particuliers concernant la santé mentale des peuples autochtones sont fournis essentiellement aux Premières nations vivant dans des réserves. Souvent, par extension, ils sont fournis à des clients inuits, mais le sont rarement à des Indiens non inscrits et à des Métis.

Sur les 16 ministères et organismes fédéraux qui offrent des programmes aux peuples autochtones, ce sont Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada qui sont les principaux responsables. Le premier est chargé de l’administration de la Loi sur les Indiens et fournit en majeure partie les services de base comme l’éducation, l’aide sociale, le logement et l’infrastructure communautaire aux Indiens inscrits vivant dans des réserves et à certaines communautés inuites. Pour certains services de santé, c’est Santé Canada qui est responsable de la prestation de soins primaires par l’entremise de postes de soins infirmiers et de centres de santé destinés aux clients des Premières nations et inuits vivant dans des réserves et dans de nombreuses collectivités éloignées et isolées. Le Programme des services de santé non assurés offre un appui relatif aux médicaments, une intervention en situation de crise et du counselling en santé mentale aux clients inuits et des Premières nations admissibles, quel que soit leur lieu de résidence, lorsqu’ils n’ont pas d’autre assurance.

Des témoins ont fait valoir un certain nombre de conditions essentielles à la réussite des programmes et services en santé mentale, dont le pouvoir et la compétence de la communauté, l’accommodement culturel et l’égalité d’accès. Si ces éléments sont intégrés à la prestation des programmes et services, il serait possible de constituer ce que Bill Mussell a appelé des « pratiques exemplaires » :

Nous parlons de faiblesses, de problèmes et d'enjeux, mais nous parlons rarement de nos ressources et de nos forces, et des aspects positifs de notre vie. Quelles sont les pratiques valables que nous appliquons? J'hésite à employer l'expression « pratiques exemplaires », parce que je pense qu'il y a tellement de choses que nous ne savons pas. Si nous devions adhérer à la notion de pratiques exemplaires, je pense que cela reviendrait à nous tirer le tapis de sous les pieds avant d'avoir la chance de réellement cerner, explorer et découvrir ce qui fonctionne vraiment[240].


14.7.1   Pouvoir et compétence de la collectivité

Pour la plupart des témoins, le pouvoir et la compétence relativement aux programmes et aux services sont essentiels à la réussite. Ils ont affirmé que les collectivités autochtones doivent prendre le contrôle de leur destinée en supervisant la conception des programmes et services en santé mentale, de la prestation de ces derniers et de leur pertinence culturelle. Valerie Gideon a déclaré que, à moins que les Premières nations ne se sentent maîtres et responsables d’un ensemble complet de programmes de bien‑être mental, tout nouvel investissement ou toute nouvelle initiative serait inévitablement voué à l’échec.

Pour d’autres, il est nécessaire de bâtir les capacités de façon à cerner les forces et les compétences au sein de chaque collectivité et famille autochtone. Pour Bill Mussell, « le fondement de l'approche est la constitution d'une capacité communautaire qui soit fiable, sûre et utile dans le contexte du soutien régional et provincial ». Il a précisé :

La capacité doit être constituée à tous les niveaux du système : au niveau de la personne, de la communication familiale et de la résolution de problèmes; de l'entraide; des modèles de groupes de soutien qui reflètent la réalité des réseaux communautaires et des relations existantes; de l'offre d'aide au personnel par ses pairs et par d'autres professionnels à l'échelle communautaire, qui offrent des services fondés sur l'éventail d'approches culturelles grand public et complémentaires de la guérison et de l'aide; des ressources régionales, y compris des professionnels très spécialisés, comme des psychologues prêts à mettre leurs compétences à contribution pour entreprendre un processus créatif et collaborateur en vue de concevoir de nouveaux programmes et services; des services provinciaux qui offrent un haut niveau de services spécialisés pour appuyer le renforcement de la capacité nécessaire dans les collectivités[241].

Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, a également reconnu que les collectivités cherchent le pouvoir et le contrôle :

Je suis absolument convaincu que des meilleurs résultats en santé ne seront pas obtenus tant que nous n'encouragerons pas les communautés à participer plus activement. Notre stratégie est de travailler avec les provinces et les communautés, en utilisant les ressources du gouvernement fédéral, afin de déterminer si nous pouvons établir un système de santé dans lequel les communautés pourront jouer un rôle actif. Malgré nos compétences techniques, je ne pense pas que nous obtiendrons des bons résultats si nous ne réussissons pas à créer un système de santé qui serait perçu comme relevant de la communauté, soutenu par la communauté, et souvent mis en oeuvre par les membres de la communauté[242].

Il a cependant ajouté que la souplesse était cruciale :

La participation des collectivités est essentielle à la réussite des programmes. Ceux-ci doivent aussi être suffisamment importants pour que l’on puisse assurer les services nécessaires. Il se peut donc qu’il faille des structures qui dépassent en taille et en capacité de nombreuses collectivités[243].

M. Potter a également indiqué que Santé Canada souhaite une intégration accrue des services fédéraux et des services provinciaux de manière à réduire les doubles emplois et les chevauchements problématiques car :

La plupart des services que nous offrons sont dispensés par les Premières nations et les Inuits. Une partie du processus leur assure le soutien dont ils ont besoin pour jouer un rôle essentiel dans le système de soins de santé au Canada, qui est provincial ou territorial[244].

Les peuples autochtones se sont dits inquiets d’être poussés dans l’arène provinciale (souvent sur base régionale). Ils ont indiqué qu’il leur était difficile de parvenir à une consultation et une participation complètes lorsque les programmes et services étaient identifiés, établis et fournis à l’échelle régionale.

Comme l’a expliqué Valerie Gideon :

Surtout dans les provinces où la plupart des décisions sont effectuées par des autorités régionales de la santé relativement indépendantes, les collectivités des Premières nations doivent veiller à forcer ces autorités à leur rendre compte du type de services qu'elles fournissent à leurs membres. Toutefois, le fait est que ces autorités n'ont pas la capacité de leur fournir des services. Un nombre très restreint d'autorités régionales de la santé cherchent à établir des liens avec les collectivités des Premières nations[245].

Pour Onalee Randell, le financement régional n’appuie pas les programmes communautaires.

Il semble que nous traversons une période au cours de laquelle le financement du gouvernement fédéral n'est pas fondé sur la collectivité; il s'agit d'un financement régional qui implique des collectivités particulières. Ce financement est insuffisant pour le secteur de la santé mentale. Comment déterminer qu'une collectivité a besoin d'un programme de santé mentale? Serait-ce une collectivité où il n'y a pas eu de suicide ou une où il y en a eu quatre, cinq, six ou sept dans l'année[246]?

14.7.2   Accommodement culturel

Les témoins ont demandé à avoir accès à des services et des soins de santé appropriés sur le plan culturel qui tiennent compte de la diversité culturelle interne, même au sein de chaque groupe. Ils ont demandé que le personnel chargé de la santé mentale ainsi que les autres fournisseurs de services, notamment les enseignants, les policiers et les chargés des services sociaux et des services à l’enfance reçoivent une formation en sensibilisation culturelle.

Elsie Bastien a déclaré que la compréhension et l’acceptation de la diversité des peuples autochtones étaient cruciales :

Les fournisseurs de services en santé mentale ne pourront créer un environnement culturel sûr pour les Autochtones que s'ils ont été formés pour comprendre et accepter le contexte culturel, linguistique, tribal, géographique, économique, politique et communautaire de diverses collectivités autochtones. La méconnaissance de l'importance de ces facteurs contextuels entraîne souvent la stigmatisation, de mauvais diagnostics et un traitement inapproprié[247].

Tarry Hewitt, entre autres, a rappelé à plusieurs reprises l’importance des pratiques de guérison traditionnelles comme facteur important de progrès :

Les cercles de guérison, lorsqu'ils sont adaptés à la culture et dirigés par un Autochtone expérimenté, et dans notre cas, diplômé, sont plus que des « séances de groupe » à saveur indienne. Ils ont leurs racines dans les cérémonies et les traditions, et seuls les sages sont capables de les diriger[248].

Bien que les témoins aient convenu qu’il fallait déléguer plus de pouvoirs aux collectivités autochtones pour concevoir des services sur mesure et encourager des solutions plus adaptées sur le plan culturel, ils ont reconnu qu’il y avait des obstacles. Tarry Hewitt a admis que des compétences traditionnelles d’appui :

[…] implique[nt], paradoxalement, de vaincre le préjugé non autochtone en faveur des traitements et des méthodes conventionnels, mais également le préjugé autochtone — conséquence de décennies d'intervention paternaliste — selon lequel les pratiques non autochtones seraient supérieures[249].

Comme l’a signalé Sheila Levy, les traditions culturelles doivent s’intégrer aux réalités sociales :

Une rétrospective au travers d'une lentille rose n'a pas été bien utile. Les Inuits veulent le meilleur de chacun des deux mondes où ils vivent. Bien des Inuits avec qui j'ai travaillé et que je connais bien me l'ont affirmé. Ils veulent des méthodes fondées sur les preuves et des approches intégrées aux croyances inuites, à leur mode de vie et à leur culture[250].

De toute évidence, les différences d’identité, de taille et de lieu géographique de chaque groupe doivent être prises en compte dans toute stratégie sur la santé mentale. Des représentants de Service correctionnel Canada ont dû expliquer si les programmes et services destinés aux délinquants autochtones tenaient compte des questions d’adaptation : par exemple, quelqu’un qui montre des signes de problèmes mentaux peut simplement avoir des difficultés d’adaptation sociale provenant du fait qu’il vient d’une culture et d’une région différentes. M. Michael Bettman, médecin à Service correctionnel Canada, a fait savoir que les questions étaient complexes et qu’il était difficile de trouver de bonnes solutions.

Si l'on pense à des traitements culturels spécifiques, et si l'on tient compte du monde rural par rapport au monde urbain, c'est encore plus compliqué. C'est pourquoi nous avons entrepris, non pas tant de recréer mais de construire à partir de la base, un bon nombre de nos programmes pour les populations autochtones précisément — des programmes conçus par les peuples autochtones, souvent administrés par des membres des collectivités autochtones pour la population autochtone qui est surreprésentée dans notre système fédéral[251].

 

14.7.3   Égalité d’accès

De nombreux témoins ont réfuté avec insistance l’affirmation du gouvernement fédéral selon laquelle il y a des niveaux raisonnablement comparables de services pour les peuples autochtones dans tout le pays. Ils ont décrit le mélange de programmes et de services destinés aux peuples autochtones selon qu’ils sont Indiens, Métis, Inuits, et qu’ils vivent ou non dans des réserves, dans un milieu urbain du nord ou du sud, dans une province ou un territoire ou un autre. Certains ont ajouté que de fournir des services provinciaux comparables à ceux offerts à l’ensemble de la population à des personnes dont la santé et le bien‑être est bien inférieur n’a pas de sens. Pour une meilleure comparabilité du niveau de santé réel, il faut que les programmes et services soient conçus expressément pour améliorer l’état de santé des peuples autochtones.

Donna Lyon a rappelé au Comité que les Métis sont généralement exclus :

Au sein du Centre métis, environ 30 p. 100 des Métis font partie du groupe cible de la population autochtone. Un grand nombre des initiatives destinées aux Premières nations ne vise pas les Métis et probablement pas non plus les Inuits. Les Métis ne sont pas non plus visés par le National Indian Health Board et ils n'ont pas accès au Programme national de lutte contre l'abus de l'alcool et des drogues chez les Autochtones[252].

Même pour les Premières nations, il y a des problèmes de continuité selon que l’intéressé vit dans la réserve ou hors de la réserve et, dans ce cas, en ville. Irene Linklater a mentionné les exigences de résidence pour avoir droit de vivre en réserve :

Il y a ici un enjeu touchant le lieu de résidence, par exemple quelqu'un qui a dû passer trois mois à l'hôpital perd alors cet avantage et doit accéder aux services provinciaux. On peut faire face à d'autres complications, par exemple : si on doit s'en aller pour étudier ou pour autre chose et qu'on doive ensuite recevoir des soins palliatifs, on ne peut revenir dans sa communauté, car les services médicaux ne comprennent pas l'allocation de fonds pouvant permettre à la personne de retourner chez elle pour mourir avec dignité[253].

Dans chaque champ de compétence, la prestation de services de santé à la population inuite varie selon le lieu de résidence. Les Inuits estiment que les services sont différents selon que les prestataires résident dans les territoires, où le gouvernement fédéral a toujours certaines compétences, ou vivent dans les provinces au sein desquelles il y a des populations inuites plus importantes comme le Québec ou Terre-Neuve et Labrador, où le gouvernement fédéral estime que la province est responsable, parce qu’ayant l’obligation de fournir les services dans le Nord. Comme l’a expliqué Onalee Randell :

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits offre des programmes de prévention et de promotion et, dans certains cas, des programmes de soins et de traitement limités à l'intention des collectivités inuites par l'entremise des deux gouvernements territoriaux. Ils sont offerts pour les Inuits vivant au Nunavut et à Inuvialuit par l'entremise de la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik du Québec et par l'intermédiaire de la Labrador Inuit Health Commission pour les Inuits du Labrador. À Nunavik, par exemple, dans le nord du Québec, une personne qui a besoin de services importants en santé mentale est transportée par Medivac dans un hôpital montréalais qui a conclu un partenariat ou une entente. En fait, un lit est réservé aux Inuits de Nunavik dans le réseau hospitalier de Montréal[254].

 

14.7.4   Recommandations

Le Comité reconnaît qu’il est nécessaire d’aborder la question sous un angle nouveau et d’avoir des idées novatrices menant à des programmes dotés d’objectifs clairs et de moyens précis de mesurer les progrès ou l’absence de progrès. Il se demande quels résultats ont eu les 200 millions de dollars alloués à un fonds pour l’adaptation des services de santé à l’intention des Autochtones, mis sur pied après la réunion spéciale de septembre 2004 du premier ministre, des premiers ministres et des chefs autochtones[255]. Ce fonds fédéral devrait permettre aux pouvoirs publics et aux collectivités de concevoir de nouvelles façons d’intégrer et d’adapter les services de santé existants afin de mieux répondre aux besoins de tous les peuples autochtones.

Le Comité convient qu’il est nécessaire de mettre en place un système transparent pour promouvoir le bien-être, non seulement des peuples des Premières nations et des Inuits, mais également de l’ensemble des peuples autochtones. Il sait que de nombreuses Premières nations ont accepté d’être responsables de la prestation directe des services de soins de santé. Il reconnaît également qu’il est nécessaire que la collectivité participe davantage à la conception et à l’application de tous les programmes et services visant les peuples autochtones et, dans la mesure du possible, ait le pouvoir et la compétence nécessaires relativement à ces programmes. Qui plus est, il estime que les programmes et services offerts à tous les peuples autochtones donneront de meilleurs résultats si les principes d’accommodement culturel et d’égalité d’accès sont respectés.

Le Comité ne s’attend pas à ce que le gouvernement fédéral fournisse tous les programmes et services nécessaires, mais il s’attend à ce qu’il veille à ce que ces derniers soient fournis, comme il en a la responsabilité. Le gouvernement fédéral peut y parvenir, soit directement en les fournissant, soit en fournissant aux provinces un financement expressément affecté aux peuples autochtones, qui soit calculé par habitant et selon leur état de santé. Quelle que soit l’autorité chargée de la prestation des programmes et services nécessaires, il est crucial que les pouvoirs soient clairement énoncés et les résultats suivis de près. Des mécanismes de contrôle adéquats et des mesures d’évaluation objectives doivent être mises en place.

Le Comité reconnaît que, compte tenu des arguments et des témoignages entendus à propos des responsabilités et des champs de compétence ainsi que de la prestation des services et de programmes, il s’ensuit logiquement qu’il faut mettre en place un modèle de gouvernance des affaires des peuples autochtones au Canada qui soit complètement différent. Ce nouveau modèle devrait tenir compte du fait que le moment est venu d’envisager sérieusement un mécanisme permettant aux peuples autochtones de participer à la prise de décisions les concernant. Le Comité sait aussi que ce nouveau modèle ne peut être une simple reconfiguration administrative. Son élaboration ne peut non plus être proposée dans le contexte d’un rapport dont le but premier est la santé mentale et le bien-être des Canadiens en général.

Le Comité n’estime donc pas judicieux de proposer une nouvelle entité ou structure fondée uniquement sur les témoignages qu’il a entendus pendant son étude sur la santé mentale. Mais il est préparé à appuyer la poursuite des travaux sur les questions de gouvernance et d’administration pour les peuples autochtones. Il reconnaît en particulier la nécessité d’une plus grande autonomie pour les peuples autochtones sur le plan de la conception et de la prestation des programmes et services visant à répondre aux besoins qu’ils auront dégagés.

Pour le moment, le Comité recommande donc :

 

 

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Que le gouvernement du Canada travaille en étroite collaboration avec les provinces et territoires et les représentants des diverses collectivités autochtones à la mise sur pied des programmes et services jugés nécessaires par les peuples autochtones.

Que les critères de conception et de prestation des programmes et services jugés nécessaires tiennent compte du fait qu’il est important d’accroître la participation de la collectivité et d’assurer l’accommodement culturel et l’égalité d’accès.

Que tout mode de prestation de ces programmes et services comporte un mécanisme permanent de surveillance et d’évaluation par le public des résultats qu’aura obtenus l’organisme qui en assure le financement.

Que les critères de financement et de reddition de comptes soient rendus publics.

14.8      MESURES PARTICULIÈRES

14.8.1   Reconduction de la Fondation autochtone de guérison

De nombreux témoins ont insisté sur la nécessité de miser sur les efforts de la Fondation autochtone de guérison et appelé à sa reconduction à long terme. Cette fondation a été établie en  1998 et dotée d’un mandat de 10 ans consistant à régler les questions liées à la violence physique et aux sévices sexuels perpétrés dans les pensionnats[256]. Elle occupe une place particulière en tant que premier organisme autochtone national représentant tous les groupes travaillant à des projets décidés à l’initiative des Autochtones et mis en place au niveau de la collectivité. Selon Gail Valaskakis, elle a joué un rôle critique puisqu’elle a établi des partenariats, déterminé et comblé les écarts au niveau des services et fait participer les survivants et ceux qui subissent les répercussions intergénérationnelles[257].

Des représentants des Premières nations et des Inuits ont indiqué qu’il fallait renouveler à long terme le financement de la Fondation de manière à élargir et à maintenir les projets de guérison communautaires. Pour Shawn Atleo, chef A-in-chut, chef régional de la Colombie-Britannique, le financement des efforts de guérison au niveau de la collectivité sont cruciaux pour accroître le bien-être émotionnel dans sa collectivité :

Durant les années 1990, nous avons assisté à une baisse des tentatives de suicide et des suicides parmi les Nuu-chah-nulth. Même si nous ne pouvons pas indiquer un seul facteur, je sais que le travail de la Fondation autochtone de guérison a été extraordinaire pour notre peuple. La Fondation a permis la création et la prestation de services de guérison fondées sur les collectivités[258].

Pour les Inuits, qui ont adopté le processus relativement tard, les programmes mis en place par la Fondation ont comblé un besoin :

Les Inuits qui ont examiné le programme de la Fondation autochtone de guérison ont conclu qu'il fallait en élargir la portée et qu'il ne souligne pas seulement les pensionnats et leur effet négatif en termes d'abus, mais aussi l'effet négatif lié à la perte de la langue, la perte culturelle et la perte des compétences parentales. Ceux qui ont fait cette recommandation ont déclaré ne pas avoir subi d'abus aux pensionnats; ils croient que les pensionnats ont été une expérience positive. Toutefois, ils ne parlent pas leur langue et ils éprouvent un sentiment de perte de culture.
— Onalee Randell[259]

Le financement de la Fondation cesse en 2007 et, pour de nombreux groupes, cela représente un autre exemple de l’instabilité qui découle du financement à court terme. Lorsque les collectivités se seront dotées des capacités nécessaires pour demander un financement par l’entremise de la Fondation, celui-ci sera épuisé :

Durant les trois premières années de ce financement, les collectivités ont essayé de déterminer leurs besoins et leur application et même d'avoir recours à de l'assistance pour rédiger des propositions, assistance qui a été fournie par la Fondation autochtone de guérison. Quand finalement des initiatives ayant des échéanciers de trois à cinq ans sont mises en place dans les collectivités, le financement a cessé. Il est peu probable que des employés quittent un emploi permanent pour travailler dans un projet ne pouvant durer que deux ans; il est donc difficile de recruter du personnel qualifié.— Onalee Randell[260].

Gail Valaskakis a confirmé que les Inuits n’ont accédé aux programmes de la Fondation autochtone de guérison que relativement tard. Elle a également noté :

Il a été encore plus ardu d'atteindre les Métis, qui constituent un groupe cible. Il a aussi été difficile d'atteindre un grand nombre de personnes qui sont invisibles à nos yeux, comme les sans-abri et les détenus[261]

Mme Valaskakis s’est appuyée sur les données de deux études portant sur le coût des violences et la valeur de la guérison pour prouver que « la guérison est rentable et efficace sur le plan individuel et social ». Selon l’Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants, la violence faite aux enfants est extrêmement coûteuse et « la société canadienne paie environ 440 millions de dollars par année en services correctionnels, en services sociaux et en services d'éducation spéciale et de santé »[262].

La seconde étude citée par Mme Valaskakis portait sur la guérison au regard de l’incarcération dans la Hollow Water Reserve. Elle montrait que la guérison est plus rentable et efficace que l’incarcération et, en fait, en diminue l’incidence :

Pour chaque 2 $ consacré au programme communautaire des cercles de guérison, les gouvernements fédéral et provinciaux économisent de 6 $ à 16 $ en frais d'incarcération. Il s'agit d'une estimation prudente, calculée en maintenant le coût du système constant et en ajoutant le coût d'un détenu[263].

On estime que la Fondation autochtone de guérison fournit le type d’approche intégrée qui a de meilleures chances de réussir que le modèle compartimenté actuellement en cours. Comme en a témoigné Gail Valaskakis :

Jusqu'ici, la Fondation autochtone de guérison a investi 437 millions de dollars dans des projets communautaires de tous types : il peut s'agir de projets de sensibilisation et de prévention, de véritables services de guérison et de ressourcement, et de services de guérison de longue durée dans des centres de traitement des traumatismes ou en vertu de programmes de traitement des dépendances[264].

Elle a appelé à un appui à long terme de la Fondation autochtone de guérison :

La somme de 600 millions de dollars permettrait d'appuyer une stratégie de guérison s'échelonnant sur 30 ans, en tenant compte d'un taux d'inflation de 2,5 p. 100. En outre, cet investissement entraînerait un rendement de 5 p. 100. Ainsi, 28,7 millions de dollars par année seraient disponibles pour financer des projets dans les communautés. Cela signifie qu'au bout de 30 ans, la Fondation autochtone de guérison aurait investi 1,2 milliard de dollars dans la guérison[265].

Le Comité félicite la Fondation autochtone de guérison pour le travail que celle‑ci a effectué et est d’accord avec tous ceux qui appellent à un engagement à long terme envers son travail. Il reconnaît la nécessité de continuer à s’occuper des séquelles des violences et des incidences intergénérationnelles, entre autres, des blessures sociales, psychologiques, culturelles et spirituelles. Il appuie les objectifs que sont la reconnaissance, le redressement, la guérison et la réconciliation.

Le Comité recommande;

 

 

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Que le gouvernement du Canada renouvelle le mandat de la Fondation autochtone de guérison et en assure le financement pendant trois autres années.

Qu’en priorité la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) et son Comité consultatif autochtone entreprennent une évaluation de l’efficience et de l’efficacité de la Fondation autochtone de guérison.

Que les résultats de l’évaluation s’assortissent de recommandations concernant l’avenir de la Fondation autochtone de guérison et soient rendus publics.

 

14.8.2   Accroissement des ressources humaines en santé

Tous les témoins ont reconnu que la santé mentale, la prévention et le traitement des maladies mentales dépendent de soins intégrés et interdisciplinaires assurés par divers fournisseurs de soins de santé. Dans les collectivités autochtones, la pénurie aigüe de médecins généralistes, d’infirmiers, de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux et d’autres professionnels de la santé nuit gravement à la prestation de soins et de services appropriés.

Beaucoup ont insisté sur la nécessité d’avoir des professionnels de la santé mentale qui sont eux-mêmes autochtones, ou, du moins, qui connaissent les cultures autochtones. Arnold Devlin a expliqué comment les psychiatres formés dans une autre culture et ayant des vécus différents ont réagi face aux peuples autochtones du Nord de l’Ontario :

Jadis, les psychiatres de la région Nishnawbe-Aski étaient formés en Écosse et en Angleterre. Ils débarquaient dans la région fraîchement diplômés de l'Université de Toronto. Ils diagnostiquaient chez les gens de multiples troubles de la personnalité et des maladies mentales exotiques. Je me souviens d'avoir jasé, une fois, avec une dame qui venait de voir le psychiatre et je lui ai demandé ce qu'elle lui avait dit. Elle m'a répondu qu'elle lui avait simplement raconté sa vie et qu'il lui avait prescrit des médicaments. Voilà la réalité et, souvent, la conception du monde, le sens des valeurs et les croyances sont très différents, de sorte que le psychiatre n'y voit que du feu et ne comprends pas ce que vit la personne[266].

Selon Rob Wipond, les fournisseurs de soins qui sont autochtones peuvent compenser les préjugés culturels qui peuvent influer sur le diagnostic. Réfutant l’opinion selon laquelle les collectivités autochtones souffrent davantage de troubles mentaux que le reste de la population, il a affirmé :

Pourtant, d'innombrables travaux de recherche ont conclu que les différences au chapitre de la culture, du mode de vie et de la spiritualité représentent des facteurs fondamentaux dans les diagnostics posés et les traitements imposés. Si vous vous mettez à voir des dieux et des démons, et si vous croyez que vous êtes sur le point de connaître un éveil mystique, il serait fort surprenant qu'un psychiatre vous accompagne dans votre exploration. Il vous qualifiera de sujet « délirant », sans doute de « schizophrène », et il vous tranquillisera[267].

Le nombre de travailleurs autochtones qui oeuvrent actuellement dans le domaine de la santé mentale et leurs préoccupations particulières n’ont pas été entièrement quantifiées. Par exemple, une psychiatre autochtone, Cornelia Wieman, qui était retournée dans sa réserve des Six-Nations pour y pratiquer la médecine, s’est rendu compte que la collectivité n’avait pas les fonds nécessaires pour lui verser un salaire compatible avec sa formation et son expertise.

Arthur W. Blue, médecin, a fait remarquer que Native Psychologists of Canada est un petit organisme comptant moins de 20 membres. Il estime nécessaire d’avoir un établissement de soutien chargé de former des psychologues cliniques autochtones et, ainsi, obtenir les mêmes résultats que le programme d’accès des Autochtones, grâce auquel on est passé de 51 à 250 médecins autochtones en 20 ans. Il a insisté sur l’importance du rôle des psychologues :

Ce n'est pas seulement que le traitement, mais aussi la prévention. Non seulement font-ils de la psychométrie, de la psychothérapie, de la psychothérapie de groupes, du traitement des abus, tant physiques que de substances toxiques, mais ce sont les professionnels de la santé mentale les mieux éduqués qu'aie le Canada, et ils devraient travailler main dans la main avec les travailleurs de la santé mentale, les travailleurs sociaux, les médecins et les conseils de bande[268].

Bon nombre d’Autochtones ne réussissent pas à poursuivre des études et à faire carrière comme travailleurs sociaux. Plusieurs témoins ont insisté sur la nécessité de répondre de façon novatrice à la pénurie d’Autochtones dans le domaine de la santé mentale. Tarry Hewitt a décrit le programme de formation juridique destiné à 10 étudiants du Nunavut offert par la Akitsiraq Law School, en collaboration avec l’Université de l’école Victoria Law, l’Université d’Ottawa, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Nunavut. Elle a également mentionné la collaboration de l’Université du Cap‑Breton et des collectivités des Premières nations en Nouvelle-Écosse dans le but d’amener l’université dans les collectivités :

Les avantages sont évidents : les étudiants peuvent poursuivre leurs études postsecondaires sans avoir à quitter leur famille ou à abandonner leurs responsabilités familiales, dans un environnement familier et moins intimidant. De telles expériences conduisent à une augmentation du taux de persévérance scolaire. Les établissements d'enseignement profitent de ces partenariats pour donner l'occasion aux professeurs invités de mieux connaître les collectivités et les coutumes des Premières nations[269].

Debbie Dedam-Montour, directrice exécu­tive, National Indian and Inuit Community Health Representatives Organization, a signalé que la formation d’un représentant en santé communautaire (REC) avait changé dans le cadre du processus de transfert de la santé et, au lieu d’être offerte par Santé Canada, se trouvait sous l’égide d’une bande. Elle a précisé : « Certains collèges, comme le Collège Portage, offrent un programme des représentants de la santé communautaire. L'Alberta et le Manitoba offrent aussi des cours mais pas dans le cadre d'un programme structuré. »[270] Le but poursuivi actuellement est d’établir des programmes de formation en compétences essentielles pour les REC dans chacune des provinces.

La question de l’accréditation, de l’établissement des qualifications de guérisseur, a également été abordée par Tarry Hewitt :

Les collectivités autochtones disposent d'hommes et de femmes capables de continuer à guérir traditionnellement et toujours prêts à s'inspirer des anciens et des guérisseurs et guérisseuses. Ces hommes et ces femmes pourraient devenir d'excellents facilitateurs des cercles de guérison et autres méthodes de guérison traditionnelles. Les collectivités autochtones disposent déjà des structures qui permettraient d'étudier en détail la capacité reconnue de ces guérisseurs aux services incommensurables[271].

Ce processus est important pour les guérisseurs traditionnels qui demandent un financement à Santé Canada en tant que travailleurs de la santé dans les collectivités inuites et des Premières nations. Selon Ian Potter, il faut un système de normalisation :

Nous avons certaines limites à l'égard du financement de la médecine traditionnelle parce qu'aucun système ne définit qui sont les spécialistes en médecine traditionnelle. Dans d'autres pays — et c'est que nous avons essayé d'encourager les Premières nations et les Inuits du Canada à envisager — les personnes qui pratiquent la médecine traditionnelle se sont regroupées afin de reconnaître les fournisseurs officiels de ces services. Jusqu'à présent, nous n'y sommes pas arrivés. Cela soulève des problèmes en matière de responsabilité; si nous payons pour quelque chose, nous devons savoir de quoi il s'agit[272].

Le Comité est conscient des progrès réalisés depuis quelques dizaines d’années dans le domaine des ressources humaines en santé autochtone. Il connaît les efforts du Programme des carrières de la santé pour Indiens et Inuits et de la Fondation nationale des réalisations autochtones. Il reconnaît que l’annonce du versement de 100 millions de dollars à l’Initiative relative aux ressources humaines en santé qui a fait suite à la réunion spéciale du premier ministre, des premiers ministres et des chefs autochtones en septembre 2004 constitue un pas dans la bonne voie.

Le Comité estime cependant qu’il faut s’efforcer tout particulièrement d’accroître le nombre d’Autochtones qui poursuivent des carrières dans le domaine des soins de la santé, en particulier de la santé mentale. Il faut de toute urgence mettre en place des approches qui tiennent compte de la culture de manière à pouvoir former et conserver des psychiatres, des psychologues, des infirmiers en santé mentale, des travailleurs sociaux autochtones, entre autres professionnels de la santé.

Le Comité recommande :

 

 

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Que le gouvernement du Canada travaille avec les provinces et les universités et collèges à l’établissement de cibles claires concernant les ressources autochtones en santé humaine.

Que le gouvernement du Canada finance des mesures visant à faciliter spécifiquement l’inscription des Autochtones à des programmes d’études menant à une carrière dans le secteur de la santé mentale.

Que le gouvernement du Canada accroisse son appui financier et social aux étudiants autochtones qui poursuivent ce type d’études.

 

14.8.3   Prévention du suicide

Au Canada, le taux de suicide est beaucoup plus important chez les Autochtones que pour l’ensemble de la population. En 1995, la Commission royale sur les peuples autochtones a estimé que ce taux était en moyenne trois fois plus haut chez les Autochtones, quelque soit leur groupe d’âge, que dans la population non autochtone. Pour les Indiens inscrits, il était de 3,3 fois supérieur à la moyenne nationale et pour les Inuits,

de 3,9 fois. Chez les Autochtones ayant entre 10 et 19 ans, ce taux était de cinq à six fois plus élevé que chez leurs pairs non autochtones[273].

 

 

D’après certains témoins, ces statistiques ne donnent pas une idée exacte de la situation, car bien des cas ne sont pas déclarés. Pour Debbie Dedam-Montour, les statistiques ne tiennent pas compte en général des tentatives de suicide déclarées comme des morts accidentelles ni les tentatives n’ayant pas abouti. Des témoins ont affirmé que les taux de suicide signalés étaient beaucoup plus élevés en 2005. Larry Gordon a notamment mentionné que, dans les régions inuites, les taux de suicide sont de 11 fois supérieurs à la moyenne nationale[274].James Morris, porte-parole des 32 Premières nations isolées desservies par l'Autorité sanitaire des Premières nations de Sioux Lookoutdans le nord de l’Ontario, a signalé l’extrême fréquence des suicides dans sa région.

Le taux national de suicide chez les jeunes au Canada est de 0 à 14,9 par 100 000 habitants. Dans certaines de nos collectivités, c'est 42,5 par 100 000 habitants. Le taux de suicide est de 398 par 100 000 habitants dans le groupe d'âge de 15 à 19 ans. La moyenne nationale est de 12,9 par 100 000 habitants[275].

Pour tous les groupes, on estime essentiel, aux fins du dépistage précoce et de l’intervention efficace, d’assurer une surveillance, de réunir des données puis de les analyser, d’appliquer ses connaissances et de diffuser une information exacte. Onalee Randell a expliqué :

Le manque de données spécifiques aux Inuits les empêche de travailler ensemble dans toutes les régions du Canada. Des données sur la fréquence des suicides au niveau des collectivités sont fournies par des conseils régionaux. Il n'existe pas de système national d'enregistrement des suicides chez les Inuits. Les renseignements proviennent des collectivités. Les niveaux de données sur le taux de tentatives ou le taux de maladie mentale sont différents[276].

La prévention du suicide chez les jeunes est perçue comme un domaine dans lequel il faut agir de toute urgence. Pour Jason Whitford :

Par ailleurs, parmi les 300 personnes environ que nous avons rencontrées pour parler de prévention du suicide, environ 95 p. 100 avaient été directement touchées dans leur famille ou parmi leurs amis.

Par contre, dans la société en général, c'est le contraire. Le suicide touche probablement 10 p. 100 de la population générale par la perte d'un membre de la famille ou d'un ami proche[277].

Bien des facteurs contribuent au suicide. Selon le rapport de 1995 de la Commission royale sur les peuples autochtones, les principaux facteurs de risque de suicide chez les peuples autochtones sont le contexte situationnel, les facteurs socio-économiques et les tensions d'ordre culturel. La présence de maladies mentales liées à des facteurs psychobiologiques, comme l'anxiété et la schizophrénie, est moins documentée chez les autochtones que dans d'autres groupes[278]. Arnold Devlin a répété ce point :

Je ne pense pas que le problème du suicide chez les Premières nations puisse être attribué uniquement à la maladie mentale. Je crois que la dépression et l'abus d'alcool ou de drogues font partie des causes, mais il y a également d'autres facteurs qui contribuent au sentiment de désespoir, qui lui, mène au suicide.

L'enfant de 10 ans ou le jeune de 14 ans qui se suicide ne souffre pas d'une maladie mentale. Il a plutôt baissé les bras. Si nous examinons le problème uniquement sous l'angle de la maladie mentale, on perd de vue les autres causes de nature historique[279].

La majorité des témoins ont expliqué que le suicide était l’aboutissement d’une série de problèmes tout à fait fondamentaux, qui s’inscrivent tous dans un large éventail de déterminants de la santé. Ils ont précisé qu’il faudrait consacrer les ressources à un stade précoce afin de prévenir ou d’atténuer les problèmes qui contribuent à ces forts taux de suicide dans les collectivités autochtones. Ron Evans, chef de la nation crie de Norway House, a dit avec insistance :

Nous ne voulons pas faire la liste de tous les malheurs qu'ont connus nos peuples. Nous voulons que vous sachiez que nos peuples continuent à souffrir de ce mal que nos anciens et nos guérisseurs imputent à des traumatismes non résolus et transmis de génération en génération. Certains voient dans cette situation une sorte de traumatisme historique ou de deuil collectif qui se manifeste par la fréquence disproportionnée de cas d'alcoolisme, de toxicomanie, de dépendance au jeu et d'autres formes d'accoutumance, ainsi que dans des taux élevés de suicide, en particulier chez les jeunes[280].

James Morris, directeur exécutif, Nodin Counselling Services, a fait observer à propos de certaines causes du suicide :

L'oppression et la colonisation, qui remontent à une centaine d'années, font partie de ces causes. Quiconque n'a pas vécu la colonisation ou l'oppression ne peut comprendre le problème. Nous, nous le comprenons, car nous les avons vécues.

Les pensionnats constituent aussi une partie du problème. De même, si vous n'avez pas été une victime des pensionnats, vous ne pouvez pas comprendre parce que vous ne connaissez pas le sentiment. C'est comme dans les cas du racisme. Le racisme est partout, mais si vous n'en avez jamais été victime, vous ne savez pas ce que c'est. Si cela ne vous concerne pas, vous n'êtes pas affecté et vous ne réagissez pas. Lorsque vous êtes témoin de racisme, vous ne faites rien parce que cela ne vous touche pas. Nous, nous sommes confrontés au racisme tous les jours, partout. C'est une réalité[281].

On a abordé la nécessité d’intégrer les programmes et services de santé mentale et physique et, ainsi, de moins cloisonner les services et morceler les enjeux. Sheila Levy a souligné que le suicide ne peut être distingué d’autres problèmes.

 

On a tendance à voir le suicide, la violence, les toxicomanies, les abus et la santé mentale comme des problèmes distincts les uns des autres. Les enveloppes budgétaires distinctes sont attribuées à chacun d'eux, alors que nous devrions d'abord régler les éléments communs sous-jacents de ces enjeux[282].

Onalee Randell s’est dite en faveur d’une plus grande intégration des programmes au niveau communautaire de manière à obtenir de meilleurs résultats :

Les toxicomanes qui vont suivre des traitements reviennent dans leurs collectivités sans que les services de santé ou les services sociaux aient été avisés ni de leur retour ni du suivi des résultats de leur traitement. Les enfants et les jeunes qui ont tenté de se suicider sont envoyés à l'extérieur de leurs collectivités pour recevoir des soins et reviennent sans suivi et, dans certains cas, sans que les infirmières des centres de santé qui les ont elles-mêmes envoyés soient tenus informées du retour de ces jeunes[283].

Le Comité est extrêmement préoccupé par les forts taux de suicide chez les peuples autochtones. Cela fait plus de dix ans déjà que la Commission royale sur les peuples autochtones a signalé ce phénomène et ses effets dévastateurs sur les collectivités autochtones. Loin de s’améliorer, la situation s’est en fait dégradée, au dire des témoins.

Le Comité fait observer qu’à partir de 2005 Santé Canada devrait accorder 65 millions de dollars sur cinq ans à une nouvelle Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones; le ministère y versera 15 millions de dollars par an entre la deuxième et la cinquième année. Des fonds sont destinés aux Premières nations vivant dans des réserves et aux Inuits afin d’appuyer les collectivités menacées, par le biais de mécanismes de stabilisation et d’intervention en cas de crise. Certains fonds supplémentaires aux fins de recherche seront consacrés aux jeunes autochtones hors des réserves.

Le Comité estime que la Commission canadienne de la santé mentale proposée aura un rôle à jouer dans l’élaboration de protocoles et de normes cohérentes, dans la compréhension des facteurs de risque et dans l’organisation d’un programme national de recherche sur le suicide. Mais, surtout, il désire que soient prises des mesures concrètes afin de réduire l’effrayant taux de suicide des enfants et des adolescents autochtones. Il juge que c’est la Commission canadienne de la santé mentale qui serait la mieux à même de s’acquitter de cette entreprise, en étroite collaboration avec d’autres organismes, comme les Instituts de recherche en santé du Canada et l’Institut canadien d'information sur la santé.

Conscient du besoin criant de mesures immédiates qui soient adaptées à la culture des intéressés, le Comité recommande :

 

 

99

Qu’en priorité la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) établisse des mesures visant à réduire les taux de suicide alarmants chez les peuples autochtones.

Que l’établissement de ces mesures fasse partie de son action prioritaire en matière de stratégie de guérison et de bien-être pour les autochtones.

Que le gouvernement du Canada mette sur pied un fonds conçu expressément pour lutter contre le suicide qui tienne compte des besoins distincts de chaque groupe d’Autochtones.

Que ce fonds comprenne des affectations particulières pour que l’on puisse mettre en place toutes les mesures que la Commission canadienne de la santé mentale aura prévues, pour que les Instituts de recherche en santé du Canada puissent intensifier leurs recherches sur le sujet et pour que l’Institut canadien d'information sur la santé, en collaboration avec l’Organisation nationale de la santé autochtone, puisse réunir des données précises sur la question.

 


14.8.4   Réduction de l’alcoolisme et de la toxicomanie

Les témoins ont expliqué les liens qui existent entre l’alcool et la toxicomanie et les autres problèmes sociaux. James Morris a répété que « tous ces problèmes sociaux, soit le suicide, l'abus sexuel, la violence familiale, l'abus d'alcool et de drogues, traduisent des problèmes plus profonds »[284]. Debbie Dedam-Montour a estimé quant à elle qu’« il y a cette vaste expression de « violence familiale »,

 

qui désigne la violence sexuelle, physique, émotionnelle et psychologique, et la négligence. Cette violence a eu un effet d'entraînement, parce qu'elle amène les victimes à s'automédicamenter par l'alcool ou par toutes sortes de substances nocives, et à séjourner dans des établissements correctionnels »[285].

 

 

L’Assemblée des Premières nations estimait elle aussi nécessaire de mettre sur pied un financement approprié pour créer et gérer des installations de traitement régionales pour tous ceux qui abusent de solvants et les toxicomanes. Valerie Gideon a expliqué les propositions au Comité :

… le développement ou la création de nouveaux centres dont les traitements ne se limiteront pas à ceux de l'alcoolisme, par exemple, ou des drogues les plus populaires. Un tel mandat leur permettra d'étudier certaines nouvelles drogues, comme la méthamphétamine [en cristaux] par exemple, qui joue un rôle capital au plan de la santé mentale et des suicides dans nos collectivités[286].

Donna Lyon a signalé que Santé Canada ne finance pas suffisamment la lutte contre la toxicomanie :

Les listes d'attente pour le counselling sont longues et le financement pour le transport des patients est insuffisant. La plus grosse partie du financement sert en priorité aux soins actifs et aux interventions d'urgence à court terme[287].

Les collectivités inuites ont besoin de programmes axés en particulier sur l’alcoolisme et la toxicomanie qui soient adaptés à la culture des intéressés et fassent appel à des modèles d’abstinence et de réduction des préjudices :

Il faut augmenter le nombre de conseillers inuits en toxicomanie et en intervention précoce. Nous avons besoin de services pour assurer la post-cure et le suivi dans les collectivités. Les jeunes ne sont plus heureux de suivre un traitement de six mois dans un établissement et revenir à la maison pour retrouver la même situation; le même logement surpeuplé, les mêmes coûts élevés et aucun soutien.— Onalee Randell[288].

Le Comité est d’accord avec le message selon lequel la corrélation entre alcoolisme, toxicomanie et suicide, entre autres problèmes sociaux, exige une approche concertée en matière d’hygiène publique. Il est essentiel d’évaluer avec soin les meilleurs moyens d’obtenir des résultats concrets. Il est donc d’une extrême importance que la Commission canadienne de la santé mentale collabore très étroitement avec d’autres organismes comme les Instituts de recherche en santé du Canadaet le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies.

Le Comité recommande :

 

 

100

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) établisse des mesures visant à réduire les taux alarmants d’alcoolisme et de toxicomanie chez les peuples autochtones.

Que l’établissement de ces mesures fasse partie de son programme prioritaire visant une stratégie de guérison et de bien-être des Autochtones.

Que le gouvernement du Canada établisse un fonds affecté exclusivement à la lutte contre les toxicomanies qui tienne compte des besoins distincts de chaque groupe d’Autochtones.

 

 

Que ce fonds comprenne des affectations particulières pour que l’on puisse mettre en place toutes les mesures que la Commission canadienne de la santé mentale aura prévues, pour que les Instituts de recherche en santé du Canada puissent intensifier leurs recherches sur le sujet et pour que le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, en collaboration avec l’Organisation nationale de la santé autochtone, puisse réunir des données précises sur la question.

14.9      ÉVALUER LES DONNÉES ET LE FINANCEMENT

Il est primordial pour qu’une stratégie réussisse que l’on dispose à la fois des fonds nécessaires et des données sur le déroulement du processus. L’argent ne suffira pas à redresser le piètre état de santé des peuples autochtones, bien qu’il faille indubitablement dépenser davantage dans ce domaine. Il est crucial de savoir exactement comment les deniers publics sont actuellement dépensés et les résultats que cela donne. Il faut par ailleurs adopter de nouvelles méthodes de collecte de données, à la fois pour améliorer les soins et pour documenter les nouvelles approches sur la façon de répartir au mieux les fonds pour obtenir les meilleurs résultats possibles.

 

14.9.1   Des données élargies

Tout plan d’action ou stratégie efficace se fonde sur des données. Depuis 10 ans, de nombreux rapports — de ceux provenant de la Commission royale sur les peuples autochtones à ceux produits après la récente rencontre des premiers ministres et des chefs autochtones — prônent l’élaboration d’un cadre de collecte et de déclaration de renseignements comparables pour tous les groupes autochtones.

Bien que le gouvernement du Canada se soit engagé, dans le cadre de la Table ronde Canada-Peuples autochtones de 2004, à produire un rapport sur la situation des Autochtones, il n’existe aucune collecte régulière de données sur la fréquence des maladies mentales et des toxicomanies chez ces derniers. Des témoins ont reconnu que les ministères fédéraux ont de la difficulté à obtenir des données complètes sur la santé mentale de tous les peuples autochtones. Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada, ainsi que le Service correctionnel du Canada offrent des programmes et services particuliers aux Premières nations et aux Inuits, mais les analyses de données concernant ces groupes sont limitées.

À Développement social Canada, la plus importante source de données sur les personnes handicapées au Canada, l’Enquête sur la participation et les limitations d'activités EPLA, ne fournit aucun renseignement propre aux peuples autochtones. Tout en laissant entendre que les taux d’incapacité — y compris sur le plan mental — pourraient être plus élevés chez les peuples autochtones que dans le reste de la population, Cecilia Muir, directrice générale, Bureau de la condition des personnes handicapées, a expliqué :

Toutefois, nous ne disposons pas de données précises. J'ai parlé de la taille de la population, mais cela ne se rapporte pas précisément au groupe démographique autochtone. Ce dernier n'a pas fait l'objet d'un suréchantillonage, et nous n'avons donc pas de renseignements plus poussés sur les incidents qui y surviennent[289].

Des témoins ont insisté sur la nécessité d’améliorer la qualité des données, pour que l’on puisse prendre des décisions informées en matière de bien-être. Ils ont demandé que des données de référence soient constituées à partir desquelles il serait possible d’établir des cibles précises. Ils ont demandé plus de reddition de comptes et de transparence de la part des pouvoirs publics, des prestataires de services et autres, de manière à ce que l’on puisse suivre et mesurer dans le temps les progrès vers les buts établis. Elsie Bastien a signalé que :

Nous devons développer de données de base sur l'utilisation des services et des programmes par les populations autochtones. Il est important d'élaborer des mécanismes permettant de recueillir et d'analyser de l'information longitudinale sur la santé des Autochtones. Une approche ciblée et centralisée permettra d'assurer la coordination, de favoriser la comparabilité et d'établir des liens entre la santé des Autochtones et les sources des données[290].

Les témoins ont insisté sur la nécessité d’établir des données propres à chaque groupe. L’Enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières nations a été présentée comme un moyen de réunir de façon régulière des données sur la santé mentale et de suivre les progrès en matière d’égalité d’accès aux services de santé mentale dans les collectivités des Premières nations. Menée au Centre des Premières nations de l'Organisation nationale de la santé autochtone, cette enquête régionale est axée sur la collectivité et constitue la seule enquête visant les réserves et réunissant des données directement auprès des peuples des Premières nations.

Il existe peu de données sur la santé mentale des Inuits et des Métis, et d’ailleurs aussi sur les autres dimensions de la santé de ces groupes. Il est très difficile de mesurer les progrès lorsque l’on manque de données ou que celles‑ci sont insuffisantes.

Pour les Inuits plus précisément, nos données manquent ou sont mélangées avec les données concernant les autres peuples autochtones. Sans les bonnes statistiques sur la santé inuite, la conception et l'évaluation de programmes et services ne reposeront pas sur des données sûres. — Larry Gordon[291].


De façon générale, alors que nous recueillons des données et que nous constituons une base de données fondée sur l'expérience des Premières nations et des Inuits, nous accusons un retard pour ce qui est de la collecte de données essentielles de base sur les Métis.
— Bernice Downey[292].

Un témoin a insisté sur la nécessité d’analyser soigneusement les données en tenant compte de facteurs comme la culture. Elsie Bastien a fait remarquer qu’une évaluation de la prestation de services peut être jugée comme piètre si la théorie de départ est imparfaite :

Une erreur ou un résultat médiocre indique que les données sont incomplètes ou que l'hypothèse est inadéquate, ce qui a empêché l'atteinte d'un certain objectif ou la concrétisation d'une intention. Il est essentiel que des indicateurs de programme adaptés aux réalités culturelles fassent partie de l'analyse du milieu proposée.

Pour obtenir une idée exacte de la situation, il ne faut pas utiliser les données provenant d'un modèle médical occidental, ce qui est la pratique actuelle, mais des données provenant d'une perspective autochtone sur la santé et le bien-être[293].

Le Comité estime que, faute d’un tableau clair, complet et exact de la situation dans laquelle se trouvent actuellement les populations indiennes, inuites et métisses, il sera extrêmement difficile de fixer des normes et des cibles et de prévoir les ressources nécessaires pour mettre sur pied des programmes et services qui amélioreront effectivement le bien-être général des peuples autochtones. Il reconnaît tout particulièrement qu’il est important de réunir des données qui fourniront une base de référence à partir de laquelle il sera possible de suivre dans le temps les nouveaux investissements et de mesurer les résultats des nouveaux programmes et services.

Le Comité ne comprend pas comment les ministères fédéraux, conscients de l’effroyable état de santé des peuples autochtones et du fait que ce segment de la population est considéré de façon universelle comme menacé, peuvent ne pas avoir réuni, ni appuyé la collecte par d’autres organismes, des données nécessaires pour élaborer une stratégie propre d’abord à régler véritablement le problème, puis à mesurer les progrès vers l’atteinte des résultats.

Le Comité recommande donc :

 

 

101

Que le gouvernement du Canada travaille avec l'Organisation nationale de la santé autochtone à l’évaluation de la pertinence de l’enquête régionale sur la santé des Premières nations, comme modèle de collecte de données sur d’autres peuples autochtones.

Que l’Institut canadien d'information sur la santé soit encouragé à fournir une analyse des déterminants de la santé pour chacun des peuples autochtones

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) collabore avec l’Institut canadien d'information sur la santé pour que l’on comprenne mieux les causes et l’incidence des maladies mentales.

 

14.9.2   Remanier le financement

Des témoins ont répété à maintes reprises qu’un financement suffisant, souple et permanent est la clé du développement du potentiel des Autochtones. Il faut notamment un financement durable pluriannuel; en effet, dans la pratique, des collectivités ont consacré des ressources à l’établissement d’un programme pour découvrir que le financement n’était offert que pendant une année ou deux. Onalee Randell a expliqué :

Le financement incertain à court terme crée rend extrêmement difficile la prestation de programmes de santé mentale...le financement pluriannuel flexible est nécessaire. Il est difficile pour les petites collectivités d'élaborer des programmes sans savoir si ces programmes seront financés l'année suivante[294].

Valerie Gideon a appelé à une transformation des structures de financement et de présentation de rapports :

… pour aider au lieu d'empêcher la mise en oeuvre par les collectivités d'approches holistiques à la santé mentale. Les dispositions en matière de financement pluriannuel flexible et les rapports fondés sur des résultats et non sur des données administratives sont des exemples de cette transformation[295].

Irene Linklater a noté que des modèles intégrés de financement entre organismes fédéraux sont mis en place et appuient des programmes généraux dotés de rigoureuses exigences en matière de reddition de comptes et de financement soutenu à long terme :

…il existe un nouveau modèle de contribution entre la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits et Affaires indiennes et du Nord Canada qui touche au financement global et aux ententes pluriannuelles. Ce processus nous encourage[296].

La vérificatrice générale du Canada a critiqué les exigences en matière de rapport fixées par le gouvernement fédéral, estimant que celles‑ci « représentent un lourd fardeau pour les Premières nations, surtout pour les collectivités qui comptent moins de 500 résidents. Selon nos estimations, les quatre organismes fédéraux qui fournissent la majorité du financement pour les grands programmes fédéraux exigent au moins 168 rapports »[297].

Il faut des formules de financement axées sur les besoins qui assurent un financement stable et prévisible de manière à faciliter la planification financière. Valerie Gideon a déclaré appuyer la tendance à un financement de la santé des Premières nations plus ciblé et fusionné et à un financement de base ainsi que le projet d’élaborer un « réseau de centres et de pavillons de ressourcement relevant de la responsabilité des Premières nations afin d’établir des passerelles entre les différentes administrations et les ministères individuels, de sorte que les ressources consacrées aux programmes de santé et sociaux puissent être regroupées ». Elle a affirmé que ce financement serait le plus efficace s’il s’accompagnait :

… [d’] une augmentation du transfert du financement aux collectivités des Premières nations pour développer et entretenir leurs propres établissements de santé et les services en santé mentale au moyen de liens stratégiques établis avec les compétences provinciales et territoriales [298].

Plusieurs témoins ont contesté la façon dont les fonds étaient affectés à la santé mentale de manière générale. Donna Lyon a remis en question l’importance attachée actuellement à l’abordabilité plutôt qu’aux besoins, alors que les besoins en services de santé mentale sont criants[299].

Selon Ron Evans, le financement peut favoriser le bien-être. Il a lié les recherches menées par l’Université Harvard sur le développement socio-économique et en Colombie-Britannique sur la prévention du suicide chez les Premières nations de manière à démontrer la corrélation entre la stabilité économique et culturelle dans les collectivités :

La recherche de Harvard sur les tribus autochtones américaines a révélé, après plusieurs années de travail sur place dans les Premières nations des États-Unis et du Canada, que le succès des entreprises dans les Premières nations au Canada et dans des tribus aux États-Unis dépendait de quelques facteurs tels que la stabilité du gouvernement et de la réglementation, d'un financement approprié et, surtout, d'une adaptation culturelle de l'entreprise à la collectivité. De même, l'étude que Chandler et Lalonde ont consacrée sur une période de 14 ans à la continuité culturelle en tant qu'agent protecteur contre le suicide a constaté que les Premières nations qui exercent un contrôle sur des fonctions essentiellement gouvernementales telles que l'éducation, la santé, les services communautaires, qui ont œuvré pour résoudre les revendications territoriales et qui pratiquent activement leurs traditions culturelles, connaissent un taux de suicide nul ou très bas[300].

14.9.3   Financement destiné aux jeunes

Irene Linklater était l’une des quelques témoins qui a évoqué l’absence de financement expressément prévu pour les jeunes et les problèmes créés par les retards dans le financement de programmes. À propos de l’importance des conseils qui représentent les jeunes dans les collectivités, elle a affirmé :

Parmi les problèmes auxquels ils font face, mentionnons les difficultés d'accès au financement. Il n'y a pas vraiment de fonds alloués spécifiquement à des activités visant à mobiliser les jeunes à l'échelle communautaire, par exemple dans le cadre de stratégies de la prévention du suicide chez les jeunes.

Ici même, au Manitoba, nous avons des fonds offerts aux jeunes par l'entremise de l'Assemblée des Chefs du Manitoba, mais nous devons nous battre chaque année pour obtenir ce financement. Il arrive parfois que nous le recevions seulement en octobre[301].

Jason Whitford, coordonnateur, Conseil de la jeunesse, Assemblée des chefs du Manitoba, a reconnu qu’il ne faut pas forcément beaucoup d’argent pour mener des projets constructifs dans une collectivité, mais que toute interruption du financement complique le fonctionnement des projets. Même la Keewatin Winnipeg Youth Initiative, reconnue comme un projet exemplaire et financée par l’Initiative des centres urbains polyvalents pour les jeunes autochtones de Patrimoine canadien, a connu des problèmes de financement :

Nous nous attendons cette année encore à recevoir du financement. Nous perdrons probablement cinq mois de l'année. Cependant, d'après notre expérience, nous avons l'intention de continuer à dispenser les programmes et services aux jeunes Autochtones en milieu urbain et de convaincre la direction de l'ACM de nous appuyer dans la mise en œuvre du projet[302].

Pour les Inuits aussi, le financement n’est pas régulier, bien que la présence et la participation des jeunes soient perçues comme cruciales pour le bien-être de la collectivité. Larry Gordon a montré comment le National Inuit Youth Council avait participé activement à l’établissement de modèles de rôles et à la prévention du suicide.

Le financement dont bénéficient les jeunes pour ces activités importantes est versé annuellement, sans garantie de reconduction, malgré les succès obtenus grâce au travail de sensibilisation des jeunes Inuits qui constituent la population la plus vulnérable au suicide de tout le Canada[303].

Dans le cadre de l’entente conclue en septembre 2004 par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux sur la santé, le gouvernement fédéral a annoncé un nouveau financement de 65 millions de dollars et portant sur cinq ans devant permettre de mettre sur pied une stratégie de prévention du suicide chez les jeunes autochtones. Ian Potter a noté tout particulièrement que :

Ce projet sera réalisé avec la participation de l'Assemblée des Premières nations et l'Inuit Tapiriit Kanatami avec la collaboration d'autres organisations autochtones nationales, des provinces, des territoires et de certains ministères fédéraux. Cette stratégie vise à aider les collectivités à empêcher les tendances suicidaires de se développer chez les jeunes, à communiquer avec les jeunes qui sont susceptibles de se suicider et à prévenir les suicides en série après qu'un suicide se soit produit.[304].

Pour Arnold Devlin, il est cependant très préoccupant que le financement de programmes visant un problème aussi grave que le suicide cesse après cinq ans :

L'un de nos plus grands soucis, c'est la viabilité du programme; il doit être appuyé par une planification à long terme, qui sera la clé du succès. Si nous pensons qu'il constitue toute la solution, il sera sans efficacité[305].

14.9.4   Recommandations

Le Comité estime comme allant de soi qu’il faille investir à long terme pour guérir les souffrances qu’ont subies les peuples autochtones. Depuis longtemps, les pouvoirs publics qui sont responsables du bien-être de ces derniers, notamment le gouvernement fédéral, manifestent en alternance indifférence et attention à leur endroit. Le Comité connaît les engagements pris en novembre 2005 dans le cadre du Plan directeur de la santé des Autochtones. Il sait toutefois aussi que les annonces antérieures comme celle de septembre 2004 visant à doter de 200 millions de dollars un fonds pour l’adaptation des services de santé à l’intention des Autochtones n’ont guère répondu aux besoins en la matière des peuples autochtones. Les discussions concernant la répartition de ces fonds se poursuivent toujours, quelque 14 mois plus tard. Pendant ce temps, les problèmes ne se règlent pas et ils s’aggravent probablement. Mais nous n’avons aucune donnée sur la question.

Le Comité a pris bonne note des appels pressants à un financement pluriannuel et soutenu qui tienne compte de l’ampleur des problèmes que connaissent les peuples autochtones. Il a déjà recommandé que la Commission canadienne de la santé mentale proposée, en consultation avec son Comité consultatif des Autochtones, établisse des calendriers et des niveaux de financement en vue de la mise en place de programmes de bien-être et de guérison. Il appelle à une application rapide de cette stratégie globale et de ce plan d’action.

Le Comité a déjà recommandé la création d’un comité interministériel qui devra présenter un rapport bisannuel au Parlement, où il précisera les programmes et services fédéraux en cours et les fonds qui y sont consacrés. Il a aussi recommandé que le gouvernement fédéral identifie, en collaboration avec les peuples autochtones, les programmes et services nécessaires et les critères d’évaluation et de surveillance pertinents.

Le Comité recommande également :

 

 

102

Que le gouvernement du Canada analyse immédiatement le niveau actuel du financement fédéral consacré aux peuples autochtones.

Que ces analyses portent sur le financement nécessaire pour changer les principaux déterminants de la santé des peuples autochtones.

Que ces analyses comprennent des évaluations à court, à moyen et à long terme des besoins de financement.

Que le premier rapport que le Comité interministériel soumettra au Parlement (voir section 14.6.3) présente les résultats de ces analyses.

14.10    CONCLUSION

Dans un pays fier de la multitude de possibilités qui s’offrent à la plupart de ses citoyens et de la richesse de ses ressources humaines et naturelles, les difficultés qui sont le lot quotidien des peuples autochtones sont une honte nationale. Il y a pourtant raison d’espérer. Le Comité a appris que les peuples autochtones connaissent une détresse mentale extrême, mais qu’ils affichent peu de troubles mentaux. Il est donc fort probable que l’on puisse remédier à bon nombre des problèmes que ces peuples connaissent actuellement, que ce soit le suicide ou la toxicomanie lié au désespoir. Les peuples autochtones présentent un potentiel humain énorme, en raison surtout de leur jeunesse.

Le Comité a été encouragé par des témoignages répétés selon lesquels il est possible d’éviter la détresse mentale des peuples autochtones et d’atténuer les effets de décennies de traitement morcelé et souvent négatif. Il convient que les efforts des pouvoirs publics, des collectivités et des particuliers peuvent avoir des effets constructifs sur le bien-être, surtout celui découlant d’une bonne santé sur le plan mental.

Le Comité est d’avis que l’Initiative sur la santé de la population canadienne, mise sur pied il y a quelque temps déjà, est très prometteuse et permet d’espérer de fortes améliorations de l’état de santé physique et mentale des peuples autochtones, à la faveur essentiellement de transformations concrètes de leurs conditions de vie sociales et matérielles. Des interventions dans les domaines de l’éducation, du logement, de l’emploi et de l’appui à la collectivité peuvent produire des avantages à long terme importants pour les peuples autochtones.

Le Comité est au courant de nombreuses mesures prises par les collectivités autochtones d’un peu partout au pays en vue de changer leur situation sociale et matérielle. Il reconnaît également la collaboration qui se maintient entre tous les groupes — Premières nations, Métis, et Inuits. Le Comité félicite tous les participants à ces entreprises conjointes.

Le Comité croit fermement en la mise sur pied d’une stratégie nationale qui soit holistique, adaptée à la culture, fondée sur la collectivité, équitable pour l’ensemble des peuples autochtones et appuyée par un financement soutenu. Il appelle à la préparation d’un plan d’action fondé sur les déterminants de la santé, qui comprenne des buts et des calendriers précis de manière à en arriver à des avantages mesurables et qui encourage la collaboration entre toutes les parties de manière à atteindre ces objectifs.

Le Comité appuie la conclusion d’ententes de financement pluriannuelles stables et plus vastes qui assureront un soutien à long terme aux objectifs sur longue durée d’une population qui connaît des problèmes graves mais évitables. Il sait que l’ensemble des Canadiens souhaite que l’on avance dans cette voie et que l’on améliore le bien-être global des peuples autochtones.


[1]     20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[2]    21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[3]    20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[4]    Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, http://lois.justice.gc.ca/fr/I-5/, Tonina Simeone, Sphères de compétence fédérale et provinciale et peuples autochtones, TIPS-88F, Bibliothèque du Parlement, 2001. Mary Hurley, La Loi sur les Indiens, TIPS-17, Bibliothèque du Parlement, 2004, http://lpintrabp.parl.gc.ca/apps/tips/printable/tip17-f.pdf.

[5]    Affaires indiennes et du Nord Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005, p. 21, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/INAC-AINC/INAC-AINCd45_f.pdf.

[6]    Santé Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005, p. 6, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/HLTH-SANT/HLTH-SANTd45_f.pdf.

[7]    Santé Canada, Politique sur la santé des Indiens 1979, http://www.hc-sc.gc.ca/fnih-spni/services/indi_health-sante_poli_f.html.

[8]    20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[9]    20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[10]   Lettrede Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada au sénateur Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat,7 septembre 2005.

[11]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[12]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[13]   Lettre de Ian Potter, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada au sénateur Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat,7 février 2006, p. 2.

[14]    Conseil canadien de la santé, L’état de santé des Premières nations, des Métis et des Inuits du Canada, janvier 2005, http://healthcouncilcanada.ca.c9.previewyoursite.com/docs/papers/2005/BkgrdHealthyCdnsENG.pdf.

[15]   Selon Linklater, ces statistiques proviennent d’une recherche menée par l’Assemblée des chefs du Manitoba en 2001; 1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[16]   1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[17]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[18]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[19]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[20]   1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[21]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[22]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[23]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[24]   1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[25]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[26]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[27]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[28]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[29]   11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[30]   20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[31]   21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[32]   Vérificateur général du Canada, Santé Canada — Santé des Premières nations, ch. 13, octobre 1997 http://www.oagbvg.gc.ca/domino/reports.nsf/html/ch9713e.html#0.2.L39QK2.4FNW9F.4QDJQE.ZG.

[33]   Vérificateur général du Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada —Assistance sociale, 1994, http://www.oagbvg.gc.ca/domino/reports.nsf/html/9423ce.html#0.2.L39QK2.6NA0GI.V1SJQE.ZL.

[34]   Santé Canada, Plan directeur de la santé des Autochtones : un plan de transformation sur dix ans, préparé pour la réunion entre les premiers ministres et les dirigeants d’organisations autochtones nationales, 24-25 novembre 2005, un travail en constante évolution http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/care-soins/2005-blueprint-plan-abor-auto/index_f.html.

[35]    Ibid.

[36]   6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[37]   Loi canadienne sur la santé, 1984, ch. C-6, art. 2 — Définitions, http://ois.justice.gc.ca/fr/C-6/183585.html#rid-183588.

[38]   Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992, ch. 20, http://lois.justice.gc.ca/fr/C-44.6/.

[39]   Service correctionnel Canada, Directive du commissaire, « Services de santé »numéro 800, 2004, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/800-cde_f.shtml.

[40]   Service correctionnel Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/CSC-SCC/CSC-SCCd45_f.pdf.

[41]   23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[42]   7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[43]   7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[44]   Pour plus de renseignements sur la question de la santé mentale, voir Dr Brent Moloughney, « Évaluation des besoins en soins de santé des détenus sous responsabilité fédérale »Revue canadiennede santé publique, vol. 95, supplément 1, mars/avril 2004, http://www.cpha.ca/english/cjph/inmates/CJPH_95_Suppl_1_e.pdf.

[45]   23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[46]   Bureau de l’enquêteur correctionnel, communiqué de presse, « Hausse dramatique du nombre de détenus ayant une maladie mentale — Mise en œuvre d’une stratégie nationale pour régler la situation d’urgence », 4 novembre 2005, http://www.oci-bec.gc.ca/release-20051104_f.asp.

[47]   Service correctionnel Canada, Directive du commissaire, « Services de santé »numéro 800, 2004, http://www.csc-scc.gc.ca/text/plcy/cdshtm/800-cde_f.shtml.

[48]        Ibid.

[49]   7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[50]   7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[51]   7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[52]   23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[53]   11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[54]    15 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[55]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[56]    11 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evf-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[57]       7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[58]    20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[59]       16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[60]    7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[61]    7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[62]    7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[63]    16 février 2005, [modifié par le traducteur]/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[64]    7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[65]    16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[66]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[67]       2 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/17eva-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[68]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[69]    7 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/19eva-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[70]    15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[71]    14 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22eva-f.htm? Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[72]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[73]    Loi sur la défense nationale, L.R.C. 1985, c. N-5, http://lois.justice.gc.ca/fr/N-5/.

[74]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[75]       Défense nationale, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars2005, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/ND-DN/ND-DNd45_f.asp.

[76]       Ibid., p. 88; la Première réserve se compose de la Réserve navale, la Réserve de l’Armée de terre, la Réserve aérienne, la Réserve des communications, la Réserve des services de santé, la Réserve des services juridiques, et le cadre de la Première réserve du Quartier général de la Défense nationale.

[77]       Défense nationale, L’Enquête de Statistique Canada sur la santé mentale dans les FC : une « étape clé »http://www.forces.gc.ca/health/information/op_health/stats_can/engraph/MH_Survey_f.asp.

[78]    Une lettre du brigadier‑général Hilary F. Jaeger, conseillère médicale, Défense nationale, au sénateur Michael Kirby, président, Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat, 2 février 2006 précisait que l’enquête n’ayant pas mesuré toutes les formes de maladie mentale, la prévalence à vie réelle était sans doute plus élevée.

[79]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[80]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[81]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[82]       Défense nationale, Salle de presse - documentation,« Compte rendu — Programmes de santé mentale des Forces canadiennes » BG 05.037, 10 novembre 2005, http://www.dnd.ca/site/newsroom/view_news_f.asp?id=1804.

[83]    Défense nationale, Le système de santé des militaires, « Services de santé en garnison »http://www.forces.gc.ca/health/about_us/engraph/in_garrison_f.asp.

[84]    Soutien social Blessure Stress opérationnel, Information pour les militaires, actifs et retraités, « Les traumatismes liés au stress opérationnel »http://www.osiss.ca/sitePage.txp?ud_siteSectionId=14347&tx_target=main1131814980596.

[85]       Mark Zamorski, Évaluation d’un programme amélioré de dépistage médical post-déploiement destinés aux militaires canadiens déployés dans le cadre de l’opération Apollo (Afghanistan/Asie du Sud-Ouest) : Résultats préliminaires et plan d’action, juin 2003,http://www.forces.ca/health/information/op_health/op_apollo/engraph/op_apollo_toc_f.asp.

[86]    Défense nationale, Direction de la politique médicale, série de brochures intitulées Se préparer au stress provoqué par un incident critique, Un déploiement moins stressant, Des retrouvailles moins stressantes, 2000http://www.forces.gc.ca/health/information/engraph/health_promotion_home_f.asp?Lev1=2&Lev2=5.

[87]    Défense nationale, Aide Mémoire sur le rôle du surveillant en ce qui concerne l’abus d’alcool, SCEM Protection de la santé des Forces, 2004, http://www.forces.gc.ca/Health/Services/health_promotion/PDF/Aide%20Memoire%20for%20the%20Supervisor%27s%20Role%20in%20Dealing%20with%20Alcohol%20Misuse.pdf.

[88]       Lettre du brigadier‑général Hilary F. Jaeger, conseillère médicale, Défense nationale, au sénateur Michael Kirby, président, Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat, 2 février 2006.

[89]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[90]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[91]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[92]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[93]    23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[94]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[95]    23 février 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[96]       Académie canadienne de la défense, En avant — Manuel à l’intention des militaires qui se préparent à quitter les Forces canadiennes, « chapitre 8 — Pension et prestations d’invalidité », 2002, http://www.cda-acd.forces.gc.ca/er/frgraph/mss/handbook/handbook_f.asp.

[97]       23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[98]    Bureau de l’Ombudsman de la Défense nationale, Rapport annuel 2004-2005, juin 2005, http://www.ombudsman.forces.gc.ca/reports/annual/2004-2005_f.asp.

[99]    Ibid., section intitulée « Suivi du traitement par les FC des traumatismes liés au stress opérationnel ».

[100]     Comité des griefs des Forces canadiennes, voir le sommaire des causes dans l’index, une recherche n’a pas fait apparaître le SSPT; un cas de toxicomanie a toutefois été trouvé; http://www.cfgb-cgfc.gc.ca/index-f.php

[101]  23 février, 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[102]  Loi sur le ministère des Affaires des anciens combattants, L.R.C. 1985, ch. V-1, http://lois.justice.gc.ca/fr/V-1/ Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6 http://lois.justice.gc.ca/fr/P-6/; Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation desmilitaires et vétérans des Forces canadiennes, http://lois.justice.gc.ca/fr/C-16.8/index.html.

[103]  Règlement sur les soins de santé pour anciens combattants http://lois.justice.gc.ca/fr/V-1/SOR-90-594/.

[104]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[105]     Anciens Combattants Canada, Rapport sur le rendement 2004-2005, p. 10, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/VAC-ACC/VAC-ACCd45_f.pdf.

[106]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[107]     Tribunal des anciens combattants (révision et appel), Loi sur les pensions annotée, 2005, http://www.vrab-tacra.gc.ca/Documents/AnnotatedAct-March2005.pdf.

[108]  Anciens Combattants Canada, Rapport sur le rendement 2004-2005, p. 17, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/VAC-ACC/VAC-ACCd45_f.pdf.

[109]  Gouvernement du Canada, Gazette du Canada,« Règlement sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes »vol. 139, no 51, 17 décembre 2005, http://canadagazette.gc.ca/partI/2005/20051217/html/regle7-f.html.

[110]  Ibid., le Régime d’assurance‑revenu militaire (RARM) est décrit sous la rubrique précédente 13.3.3.2.

[111]     Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes, 2005, ch.21, http://lois.justice.gc.ca/fr/C-16.8/texte.html.

[112]  « Un besoin de réadaptation est un problème de santé physique ou mentale attribuable surtout au service dans les Forces canadienneset constitue une entrave à la réinsertion dans la vie civile. » Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, « Règlement sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes », vol. 139, no 51, 17 décembre 2005, http://canadagazette.gc.ca/partI/2005/20051217/html/regle7-f.html.

[113]  Le Centre national d’expertise clinique en santé mentale de Sainte-Anne-de-Bellevue a pour mandat de faire progresser les soins cliniques de santé mentale par l’élaboration d’un programme d’expertise clinique, la recherche, l’avancement des connaissances cliniques, la sensibilisation de la population et les activités de rapprochement. Anciens Combattants Canada, Communiqué de presse, « Ouverture officielle du Centre national d’expertise clinique en santé mentale »7 novembre 2005, http://news.gc.ca/cfmx/view/en/index.jsp?articleid=181199&.

[114]  Gouvernement du Canada, Gazette du Canada, « Règlement sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes », vol. 139, no 51, 17 décembre 2005, http://canadagazette.gc.ca/partI/2005/20051217/html/regle7-f.html.

[115]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[116]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[117]     Anciens Combattants Canada, Volume II, Évaluation du Programme de pension d’invalidité, juillet 2005    http://www.vac-acc.gc.ca/general/sub.cfm?source=department/reports/ deptaudrep/disapen_eval_july2005.

[118]     Tribunal des anciens combattants (révision et appel), « À propos du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) » http://www.vrab-tacra.gc.ca/IciTACRA.htm.

[119]  Ombudsman Ontario, « The Case for a VAC Ombudsman — Esprit de Corps », juillet 2005. [traduction]

[120]     Anciens Combattants Canada - Conseil consultatif sur les Forces canadiennes, Respecter l’engagement du Canada : offrir « possibilités et sécurité » aux anciens combattants des Forces canadiennes et à leurs familles au XXIe siècle, mars 2004    [traduction]http://www.vac-acc.gc.ca/clients/sub.cfm?source=councils/vaccfac/commitment.

[121]  23 février 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[122]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[123]     Anciens Combattants Canada, Aide à la communauté militaire, http://www.vac-acc.gc.ca/clients-f/sub.cfm?source=salute/osi_edition/cf_support.

[124]     10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[125]     Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, http://lois.justice.gc.ca/fr/R-10/index.html.

[126]  Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 1988 (SOR/88-361) http://lois.justice.gc.ca/fr/R-10/SOR-88-361/174146.html.

[127]     Gendarmerie royale du Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/RCMP-GRC/RCMP-GRCd4502_f.asp#glance.

[128]  On entend par service spécial la participation à un conflit armé, une mission de maintien de la paix, des activités anti-terroristes, une opération de secours aux sinistrés ou une opération de recherche et de sauvetage.

[129]     Commission de la fonction publique, Admissibilité à une nomination prioritaire — membres des Forces canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada qui deviennent handicapés, http://www.psc-cfp.gc.ca/staf_dot/priority-priorite/rcmp-grc_f.htm.

[130]  Loi sur la pension de retraite de la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-11, http://lois.justice.gc.ca/fr/R-11/texte.html.

[131]     Gendarmerie royale du Canada, « Anciens Combattants Canada et la Gendarmerie royale du Canada unissent leurs efforts pour offrir de meilleurs services »,Communiqué de presse de la GRC, 17 février 2003.

[132]  GRC, « La nouvelle charte des anciens combattants —Message de la dirigeante principale des ressources humaines »,24 mai 2005, http://www.rcmp.ca/vets/new_charter_f.htm#top.

[133]     Comité externe d’examen de la gendarmerie royale du Canada, Publications, comprend notamment des rapports de recherche et des communiqués sur des cas particuliers, http://www.erc-cee.gc.ca/français/publications_date_f.html.

[134]  10 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/15evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[135]     6 juin 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[136]     Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada,La santé et la sécurité au travail — une optique patronale,Document de recherche 9, 1992 http://www.erc-cee.gc.ca/Discussion/francais/fDP9.htm.

[137]     Ibid.

[138]  Comité externe d’examen de la Gendarmerie royale du Canada,Programmes d’aide aux employés — Philosophie, théorieet pratique, Document de recherche 5, 1990 http://www.erc-cee.gc.ca/Discussion/francais/fDP5.htm.

[139]  Santé Canada, Profil — Alcoolisme et toxicomanie Traitementet réadaptationau Canada,« Rôle du gouvernement fédéral dans le traitement de l’alcoolisme et des toxicomanies », 1999http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/pubs/drugs-drogues/profile-profil/federal_f.html.

[140]  16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[141]  GRC, Communiqué de presse, « La GRC figure sur la liste des 100 meilleurs employeurs »,18 octobre 2005,http://www.rcmp-grc.gc.ca/news/n_0524_f.htm.

[142]  GRC, Rapport de rendement 2003-2004, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr/03-04/RCMP-GRC/RCMP-GRCd3401_f.asp#Lines.

[143]     Norman Sabourin, « Le renvoi pour raisons médicales et le devoir d’accommodement à la GRC » Comité externe d’examen, mars 2002, http://www.erc-cee.gc.ca/francais/articles/articles_medicaldischarge_f.html.

[144]     Anciens Combattants Canada, Mise en œuvre de nos priorités,Plan stratégique quinquennal — Mise à jour 2004  http://www.vac-acc.gc.ca/general­_f/sub.cfm?source=department/reports/update 2004/ action04.

[145]  GRC, « La nouvelle charte des anciens combattants — Message de la dirigeante principale des ressources humaines » mai 2005, http://www.rcmp.ca/vets/new_charter_f.htm#top.

[146]     Association des anciens de la GRC, Division de Calgary, « Notes of Interest », http://www.members.shaw.ca/rcmpvets.calgary/notes.htm.

[147]     17 février 2005, [modifié par le traducteur] /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[148]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[149]  Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, 2001, ch. 27, http://lois.justice.gc.ca/fr/I-2.5/.

[150]     Citoyenneté et Immigration Canada, Demande de résidence permanente au Canada, « Annexe D : examens médicaux », 2004, http://www.cic.gc.ca/francais/demandes/guides/4000F_D.html.

[151]     Lettre de la Dre Sylvie Martin, directrice intérimaire, Élaboration du programme de santé de l’immigration, Direction générale des services médicaux, Citoyenneté et Immigration Canada au sénateur Michael Kirby, président, Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat, 3 février 2006.

[152]  Les époux et conjoints de fait, les partenaires conjugaux, et les enfants à charge parrainés à titre de membres de la catégorie famille, les réfugiés et les demandeurs d’asile ainsi que les personnes à leur charge ne peuvent être refusés sur le motif qu’en raison de leur état de santé elles constitueraient un fardeau excessif pour les services sociaux et médicaux; CIC, Examen médical et Surveillance, Fiche de renseignements 20, http://www.cic.gc.ca/francais/lipr/fiche-medical.html.

[153]  Anita Gagnon, La réceptivité du système canadien de soins de santé à l’égard des nouveaux arrivants, Étude no 40, Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, novembre 2002, http://www.hc-sc.gc.ca/francais/soins/romanow/hcc0426.html.

[154]     Citoyenneté et Immigration Canada, Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005, p. 61, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/CI-CI/CI-CId45_f.pdf.

[155]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[156]     Citoyenneté et Immigration Canada, Accord de collaboration Canada-Colombie-Britannique en matière d’immigration, « Annexe H — santé et immigration »http://www.cic.gc.ca/francais/politiques/fed-prov/cb-2004-annexe-h.html.

[157]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[158]     21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[159]     17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[160]     17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[161]     17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[162]     8 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/20ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[163]     Anita Gagnon, La réceptivité du système canadien de soins de santé à l’égard des nouveaux arrivants, Étude no 40, Commission sur l’avenir des soins de santé au Canada, novembre 2002, http://www.hc-sc.gc.ca/francais/soins/romanow/hcc0426.html..

[164]     17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[165]     17 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/07ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[166]     Agence de santé publique du Canada, communiqué de presse, « Nomination de Michael Wilson au poste de conseiller spécial du ministre pour la santé mentale », 4 février 2005.

[167]     Loi sur l’administration des finances publiques,L.R.C. 1985, ch. F-1, http://lois.justice.gc.ca/fr/f-11/text.html.

[168]     Loi sur l’équité en matière d’emploi, 1995, ch.44,http://lois.justice.gc.ca/fr/e-5.401/50293.html

[169]  Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, ch. G-5,http://lois.justice.gc.ca/fr/g-5/63537.html.

[170]     Conseil du Trésor, Rapport de rendement pour la période se terminant le 31 mars 2005, p. 13, http://www.tbs-sct.gc.ca/rma/dpr1/04-05/TBS-SCT/TBS-SCTd45_f.pdf.

[171]     Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, Régime de soins de santé de la fonction publique — Protections et dispositions du Régime, juillet 2001, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TB_862/pshcpb-rssfpp_f.asp.

[172]     Conseil du Trésor du Canada, Directive du Régime de soins de santé de la fonction publique, avril 2005, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TB_862/pshcp03_f.asp.

[173]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[174]     Secrétariat du Conseil du Trésor, ch. 3-4, Assurance‑invalidité de longue durée, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TB_865/CHAP3_4-1_f.asp.

[175]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[176]  23 février 2005 [modifié par le traducteur], /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[177]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[178]     23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[179]     Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux 2002, Rapport organisationnel, http://www.hrma-agrh.gc.ca/survey-sondage/2002/results-resultats/00/result-f.htm.

[180]     Conseil national mixte, Conseil de gestion du régime d’assurance‑invalidité, rapport annuel 2004, http://www.njc-cnm.gc.ca/auxFile.php?AuxFileID=261.

[181]     Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique sur l’obligation de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes handicapées dans la fonction publique fédérale, 2002, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TB_852/ppaed_f.asp.

[182]     Secrétariat du Conseil du Trésor, Établir un milieu de travail accueillant pour les employés handicapés, http://www.tbs-sct.gc.ca/pubs_pol/hrpubs/TB_852/cwwed1_f.asp

[183]     Mémoire soumis le 30 mars2005 [traduction].

[184]  Mémoire soumis le 30 mars2005 [traduction].

[185]     16 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/06eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[186]     15 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/05eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[187]     Agence de santé publique du Canada, communiqué de presse, « Nomination de Michael Wilson au poste de conseiller spécial du ministre pour la santé mentale », 4 février 2005.

[188]  Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health, http://www.mentalhealthroundtable.ca/about_us.html.

[189]     Santé Canada, Les Canadiens en santé : Rapport fédéral sur les indicateurs comparables de la santé, 2004, http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/care-soins/2002-fed-comp-indicat/2002-health-sante4_f.html.

[190]     Loi canadienne sur la santé, ch. C-6, art. 2 — Définitions, http://lois.justice.gc.ca/fr/C-6/183585.html#rid-183588.

[191]     20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[192]     9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[193]     Bureau du vérificateur général du Canada, La gestion des programmes fédéraux de prestations pharmaceutiques, ch. 4, novembre 2004, http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20041104cf.html.

[194]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[195]  Dans le présent chapitre, les peuples autochtones désignent les personnes qui se reconnaissent comme membres des Premières nations, des Indiens inscrits, des Indiens non inscrits, des Métis ou des Inuits.

[196]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[197]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[198]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[199]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[200]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[201]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[202]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[203]  9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[204]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[205]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[206]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[207]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[208]  Commission royale sur les peuples autochtones, « Choisir la vie : un rapport spécial sur le suicide chez les Autochtones » (1995)

[209]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[210]  21 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[211]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[212]  Ces données s’appuient sur les données fournies par Statistique Canada dans le cadre de la Séance de suivi sectoriel sur la santé de la Table ronde Canada — Autochtones de novembre 2004. Il s’agit de quatre documents : Profil de la population des Indiens de l'Amérique du Nord au Canada ayant le statut d'Indien inscrit; Profil de la population des Indiens de l'Amérique du Nord au Canada sans statut d'Indien inscrit; La population métisse du Canada et La population inuite du Canada, http://www.aboriginalroundtable.ca/sect/hlth/index_f.html.

[213]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[214]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[215]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[216]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[217]  Santé Canada (septembre 2004), Information : Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé, http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/delivery-prestation/fptcollab/2003accord/index_f.html.

[218]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[219]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[220]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[221]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[222]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[223]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[224]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[225]  9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[226]  31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[227]  9 juin 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[228]   21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[229]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[230]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[231]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[232]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[233]   Canada-Autochtones- Table ronde, Rapport récapitulatif final (par les animateurs), http://www.aboriginalroundtable.ca/sect/ffr/index_f.html

[234]  Affaires indiennes et du Nord Canada (31 mai 2005), Communiqué, « Réunion de réflexion conjointe des ministres fédéraux et des dirigeants autochtones nationaux », http://www.ainc-inac.gc.ca/nr/prs/m-a2005/2-02665_f.html

[235]  1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[236]  Affaires indiennes et du Nord Canada, Budget des dépenses de 2005-2006 : Rapport sur les plans et priorités, « Partenaires fédéraux », http://www.tbs-sct.gc.ca/est-pre/20052006/INAC-AINC/pdf/INAC-AINCr56_f.pdf

[237]  1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[238]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[239]  9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[240]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[241]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[242]  20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[243]  Ian Potter, Sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, lettre au sénateur Michael Kirby, président, Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 7 février 2006, p.3.

[244]  20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[245]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[246]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[247]  9 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[248]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[249]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22cv-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[250]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[251]  23 février 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/08ev-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[252]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[253]  1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[254]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[255]   Gouvernement du Canada (septembre 2004), Engagement en matière de santé des Autochtones, http://www.hc-sc.gc.ca/ahc-asc/media/nr-cp/2004/2004_commit-engage_f.html.

[256]  Fondation autochtone de guérison, http://www.ahf.ca/f_AboutUs.aspx.

[257]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[258]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[259]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[260]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[261]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[262]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[263]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[264]  21 juin 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/23evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[265]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[266]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[267]  6 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/18eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[268]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[269]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[270]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[271]  16 juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/22evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[272]  20 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[273]  Commission royale sur les peuples autochtones, « Choisir la vie : Un rapport spécial sur le suicide chez les autochtones » (1995)

[274]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[275]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[276]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[277]  31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[278]  Commission royale sur les peoples autochtones (1995), « Choisir la vie : un rapport spécial sur le suicide chez les Autochtones ».

[279]   20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[280]  31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[281]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[282]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[283]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[284]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[285]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[286]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[287]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[288]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[289]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[290]  9 juin 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[291]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[292]  21 avril 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[293]  9 juin 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/21evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[294]  20 septembre 2005,/fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[295]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47

[296]  1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[297]  Vérificatrice générale du Canada (décembre 2002), « Repenser les rapports soumis par les Premières nations aux organismes fédéraux »,http://www.oag-bvg.gc.ca/domino/rapports.nsf/html/20021201cf.html.

[298]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[299]  20 septembre 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/27eva-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[300]  31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[301]  1er juin 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evc-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[302]  31 mai 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/16evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[303]  21 avril 2005, /fr/Content/SEN/Committee/381/soci/13evb-f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[304]  Ian Potter, Sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, lettre au sénateur Michael Kirby, président, Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, 7 février 2006, p.2.

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