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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Sommaire exécutif

Introduction

Le 22 novembre, le Sénat a adopté un ordre de renvoi autorisant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie à examiner la question des médicaments sur ordonnance au Canada et d’en faire rapport. L’étude touche quatre aspects, chacun étudié séparément, soit : le processus d’approbation des médicaments brevetés, sous l’angle particulier des essais cliniques; le suivi post-approbation des médicaments sur ordonnance; l’utilisation non indiquée sur l’étiquette de médicaments sur ordonnance; la nature des effets indésirables de l’utilisation de médicaments sur ordonnance.

Dans le présent rapport, il est question de la première étape de l’étude, pour laquelle le comité a entendu des témoins entre le 28 mars et le 30 mai 2012. Au cours des 11 réunions qu’il a tenues, il a entendu les témoignages de représentants de Santé Canada et du Bureau du vérificateur général du Canada, des secteurs pharmaceutiques et des essais cliniques, de groupes de défense des patients, des milieux médical, déontologique et juridique, ainsi que des représentants de comités d’éthique de la recherche.

Sujet de préoccupation

L’innocuité et l’efficacité des nouveaux médicaments font l’objet d’essais cliniques chez les humains, essais qui constituent l'étape finale du développement des médicaments. Cette étape permet non seulement d’obtenir les données nécessaires pour déterminer l’innocuité et l'efficacité des nouveaux médicaments, mais aussi de fournir, dans certains cas, l'accès rapide aux nouveaux médicaments. Malheureusement, la proportion des essais cliniques effectués au Canada a diminué au cours de la dernière décennie. Pour les entreprises intéressées, le coût des essais l’emporte sur la qualité des centres d’essais cliniques. Les facteurs financiers, tels la valeur de la devise, les taxes et les crédits d’impôt, sont des éléments qui entrent dans l’évaluation des coûts, mais ils dépassent largement la portée de la présente étude. Le temps est aussi un élément important des coûts et, bien que les essais cliniques doivent absolument être effectués de façon rigoureuse, le comité a cerné un facteur qui influe considérablement sur le temps nécessaire pour entreprendre des essais cliniques au Canada : l’absence d’une approche normalisée pour l’évaluation éthique de la recherche. A cause de cela, les entreprises doivent soumettre maints plans de recherche pour satisfaire aux exigences des comités d’éthique de la recherche. Au Canada, il faut donc beaucoup de temps et d’efforts pour concevoir des essais cliniques, pour les faire approuver et pour les amorcer. Pour ces raisons, le coût des essais cliniques est plus élevé au Canada de sorte que les entreprises sont moins enclines à venir y effectuer de tels essais.

Dans les essais cliniques sur les nouveaux médicaments, le Canada a un rôle important à jouer pour attirer des fonds de recherche à court terme et pour élargir l’accès aux nouveaux médicaments à long terme. Des témoins ont fait part au comité de leurs préoccupations concernant l’infrastructure des essais cliniques et lui ont proposé des moyens de l’améliorer. Pour faire suite aux témoignages, le présent rapport contient des recommandations qui portent sur les points suivants : accroissement du leadership du gouvernement fédéral; transparence du processus d’essais cliniques; normes et accréditation des évaluations éthiques des recherches; obstacles au recrutement de patients; inclusion de sous-groupes vulnérables; médicaments pour maladies rares; nécessité d’évaluer la protection des médicaments brevetés et incitatifs fiscaux.

Sur le plan du leadership, le comité demande au gouvernement fédéral de prendre des mesures qui feront du Canada un pays plus attrayant pour les essais cliniques. Il recommande à cet effet la création d’un cadre national pour la coordination des essais cliniques, qui favorisera la réalisation d’essais cliniques au pays. Pour le comité, ce cadre ferait valoir l’importance des essais cliniques et les avantages liés à la participation aux essais. Il établirait aussi un point de contact entre le secteur pharmaceutique et le monde de la recherche.

Le comité a entendu de nombreux témoignages sur le manque de transparence et sur la nécessité d’informer le public sur les essais cliniques en cours. Il demande au ministre de la Santé d’autoriser les changements nécessaires pour que Santé Canada ait le pouvoir d’exiger qu’un ensemble exhaustif de données sur les essais cliniques soit intégré à une base de données accessible au public. Cette base comprendrait des données sur les essais effectués à l’étranger qui étayent les demandes d’approbation de médicaments au Canada. Les nouvelles exigences doivent absolument être appliquées de façon rigoureuse.

Au cours de l’étude, il a souvent été question de la nécessité de normaliser le processus d’évaluation éthique de la recherche et l’accréditation des comités d’éthique de la recherche. L’évaluation éthique est essentielle à toutes recherches portant sur des sujets humains. De nombreux témoins ont dit au comité que l’évaluation éthique des essais cliniques manque d’uniformité, car bien des centres d’essais peuvent établir leur propre comité d’évaluation éthique et leurs propres lignes directrices. Le processus d’évaluation éthique de la recherche a donc besoin d’être normalisé. Le comité n’est pas sans savoir que des tentatives ont été faites à cet égard, mais il considère que ce n’est qu’avec l’apport de tous les intéressés qu’on pourra obtenir un résultat satisfaisant. Une fois que le processus d’évaluation sera normalisé, il faudra concevoir un programme d’accréditation des comités d’éthique de la recherche. Qui plus est, le comité recommande fortement de veiller au respect des normes en exigeant que l’évaluation éthique des essais cliniques soit effectuée par un comité d’éthique de la recherche qui a obtenu l’accréditation.

Pour faciliter et accroître le recrutement de patients dans les essais cliniques, des témoins ont fait mention des avantages qu’offre la création de réseaux de recherche. Le comité recommande que le cadre national pour la coordination des essais cliniques favorise la création de tels réseaux et fournisse une orientation pour la centralisation des évaluations et l’établissement de bases de données internes qui facilitent le recrutement de patients.

Des témoins ont expliqué comment les réseaux de recherche peuvent contribuer à promouvoir l’inclusion de sous-groupes vulnérables dans les essais cliniques. Il est essentiel que Santé Canada ait accès à cette information aux fins de l’évaluation de l’innocuité et de l’efficacité des nouveaux médicaments. Le comité demande que le régime de réglementation des médicaments soit modifié pour exiger que les plans d’essais cliniques reflètent la population qui utilisera tout probablement le médicament lorsque celui-ci sera sur le marché. De plus, Santé Canada doit approuver la mise en marché des nouveaux médicaments seulement s’il existe des données sur les essais cliniques effectués auprès de tous les sous-groupes pertinents.

Le comité a également étudié la question des médicaments rares et le besoin d’adopter des mesures qui encouragent le développement de médicaments et qui permettent aux patients atteints de maladies rares de se procurer plus facilement ces médicaments (politique relative aux médicaments orphelins). Il s’est déjà penché sur l’élaboration possible d’une politique relative aux médicaments orphelins, plus récemment au cours de son étude concernant l’Accord sur la santé de 2004, et il signale que Santé Canada a pris certaines mesures dernièrement. En effet, le 3 octobre 2012, le ministre de la Santé a annoncé la création du cadre relatif aux médicaments orphelins pour stimuler la recherche et le développement ainsi que pour faciliter l’autorisation de nouveaux médicaments. Dans le présent rapport, il est demandé au ministre de la Santé de s’assurer que le nouveau cadre tienne compte d’autres questions, dont la conception des essais cliniques et la réduction ou l’élimination des frais d’utilisateur. En outre, ce cadre doit présenter le Canada comme un lieu privilégié pour la réalisation d’essais cliniques sur des médicaments orphelins et il doit faciliter le travail des intervenants dans l’élaboration de stratégies visant à accroître le plus possible le recrutement de patients pour les essais.

Des représentants du secteur pharmaceutiques se sont dits mécontents de la protection des médicaments sur ordonnance au moyen de brevets et ont signalé que le Canada accuse un retard par rapport à d’autres pays pour ce qui est de la durée des brevets. Selon eux, la durée des brevets moins longue au Canada que dans d’autres pays nuit à l’innovation. En ce qui concerne les incitatifs fiscaux, ces témoins estimaient que les modifications qui ont été apportées récemment au programme d’encouragement fiscal dans le domaine de la recherche scientifique et du développement expérimental et qui ont eu notamment pour effet de ramener à 15 % le crédit d’impôt général de 20 % offert au secteur décourageront les essais cliniques au Canada. Le comité aimerait qu’un comité consultatif d’experts étudie à fond ces questions, qui peuvent avoir un effet dissuasif sur l’investissement dans les essais cliniques.

Des représentants du Bureau du vérificateur général, qui ont fait état du rendement de Santé Canada dans le domaine de la réglementation des médicaments en novembre 2011, ont exposé leurs préoccupations au sujet du rôle du Ministère à l’égard de la réglementation des essais cliniques. Dans son rapport, le vérificateur général traite de différents points : l’inspection des centres d’essais cliniques; le traitement, par le Ministère, des déclarations d’effets indésirables des médicaments observés lors d’essais cliniques; la transparence des essais cliniques autorisés. Le comité veut que les recommandations du vérificateur général soient appliquées sans plus tarder. Il recommande que Santé Canada multiplie ses activités d’inspection de manière à effectuer l’inspection de 2 % des centres d’essais cliniques, conformément à son objectif, et qu’il accélère la mise en œuvre du processus de déclaration des effets indésirables par voie électronique afin d’éliminer la saisie manuelle des données. Ces préoccupations sont exposées dans le rapport du vérificateur général, mais aucune recommandation ne s’y rattache.

Plusieurs témoins ont mentionné que la Loi sur les aliments et drogues doit être révisée et qu’on a tenté de le faire dans le passé. Ils ont dit au comité qu’il conviendrait d’accroître les sanctions prévues dans la Loi parce qu’elles ne découragent pas l’inobservation. À leur avis, d’autres pouvoirs devraient être dévolus au ministre de la Santé pour augmenter le degré de transparence de l’information communiquée au public. Le comité recommande que les modifications législatives nécessaires soient apportées pour moderniser la réglementation des médicaments au Canada.

Enfin, le comité aimerait que Santé Canada surveille régulièrement l’incidence des recommandations sur les essais cliniques au Canada et qu’il en fasse rapport.

Conclusion

Le Canada ne peut plus se fier à la réputation internationale qu’il a dans le domaine de la recherche pour attirer des essais cliniques au pays. Avec la baisse des essais cliniques au Canada, le pays a moins souvent l’occasion de faire figure de chef de file au niveau mondial sur le plan de l’innovation en matière de médicaments. C’est maintenant qu’il doit agir pour améliorer l’infrastructure des essais cliniques afin de réaliser des gains d’efficience et d’accélérer cette étape fondamentale de la recherche. Le comité reconnaît qu’il importe d’améliorer l’infrastructure des essais cliniques pour attirer des fonds de recherche, mais il ne faut pas pour autant compromettre la sécurité des patients.

Le comité demande au gouvernement fédéral d’harmoniser les exigences et les obligations du Canada relativement aux essais cliniques avec celles des autres pays et de faire appel à tous les intervenants pour améliorer l’infrastructure comme il se doit. L’application des recommandations présentées dans ce rapport aura pour effet d’accroître la compétitivité mondiale du Canada dans le secteur des essais cliniques; en bout de ligne, les Canadiens auront plus facilement accès aux nouveaux médicaments.

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