Projet de loi sur l'esclavage moderne
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
30 mars 2021
Honorables sénateurs, je parlais de ma visite au Rana Plaza, au Bangladesh.
Dès que je suis sortie de la voiture, une foule s’est précipitée vers moi, les gens brandissant des photos de jeunes adultes. J’ai été horrifiée d’apprendre qu’il s’agissait de parents qui attendaient qu’on retrouve leurs enfants. Ils venaient chaque matin, mais ils repartaient chaque soir les mains vides. En voyant le bâtiment effondré, il était clair qu’il n’y avait rien d’autre que des décombres après la pluie de mousson. En tant que mère, je ressentais profondément leur douleur, et l’absence de toute lueur d’espoir était presque insupportable.
Ils étaient assis là, serrant contre eux les photos de leurs enfants disparus, nous suppliant de les retrouver. Non seulement ils avaient perdu leurs enfants, mais ils ne pouvaient pas vraiment faire leur deuil ou accomplir leurs cérémonies d’enterrement religieuses.
Les survivants, quant à eux, ont souvent un trouble de santé débilitant et vivent sans indemnité ni possibilité d’emploi, ce qui pousse certains d’entre eux à s’enlever la vie.
Comme je l’ai déjà dit, les femmes sont largement surreprésentées dans le contexte de l’esclavage moderne. Elles sont traditionnellement limitées à des postes mal rémunérés, car elles sont perçues comme ayant très peu de compétences. En plus d’être soumises aux agressions verbales et physiques habituelles, les femmes rapportent que la violence sexuelle est normalisée.
En plus d’être victimes de harcèlement, les femmes de tout âge ont de la difficulté à obtenir la sécurité d’emploi. Les femmes plus âgées et celles que le travail a rendues handicapées sont prises pour cibles et progressivement chassées du milieu de travail par l’intimidation, des objectifs de travail inatteignables et des réductions de salaire. Les femmes en âge de procréer sont surveillées. Il est courant de se faire demander de subir un test de grossesse à l’embauche ou, aléatoirement, une fois engagée. On s’attend à ce que les travailleuses vivent sur les lieux de travail, ce qui force beaucoup d’entre elles à vivre séparées de leur famille, ce qui rend des conditions de vie déjà insupportables encore plus pénibles mentalement.
Il est plus que temps de lutter contre les violations des droits de la personne que subissent ces groupes vulnérables, en particulier les femmes, dans le processus de production de marchandises. Le projet de loi S-216 cible la chaîne d’approvisionnement et oblige les compagnies à la transparence, en prévoyant des pénalités concrètes pour celles qui ne se conforment pas. Cela signifie que les sociétés qui exerce des activités au Canada devront faire rapport des mesures prises pour prévenir et réduire le recours au travail forcé ou au travail des enfants à l’une ou l’autre étape de la production de leurs marchandises, ce qui restreindra l’exploitation des travailleurs par les sous-traitants.
Ce genre de transparence est nécessaire, d’après de récentes enquêtes qui ont révélé que des entreprises canadiennes continuent d’importer des marchandises provenant d’usines chinoises accusées de graves violations des droits de la personne, en particulier envers des travailleurs ouïghours. Parmi ces entreprises, mentionnons, sans nous y limiter, The Brick, Danby, Costco, Best Buy et Home Depot. Cette dernière a rompu depuis ses liens avec ses fournisseurs, mais il faut faire plus.
En ciblant les grandes entreprises, ce projet de loi évite ainsi de faire porter un fardeau aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux petits commerces locaux. De plus, il modifierait le Tarif des douanes afin de permettre l’interdiction d’importer des marchandises fabriquées ou produites par recours au travail forcé ou au travail des enfants.
Selon un rapport Consumer Insights publié en 2019, le tiers des répondants canadiens sont prêts à payer plus cher pour des articles non alimentaires qui sont durables et produits de façon éthique. Les clients exigent de plus en plus que les entreprises soient en mesure de démontrer la traçabilité des produits et de faire preuve d’une plus grande transparence. C’est particulièrement vrai pour la génération Z, qui se montre largement disposée, par ses achats, à défendre des causes sociales et environnementales. Parallèlement, 86 % des entreprises canadiennes sondées reconnaissent que l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement est un problème plus ou moins pertinent ou très pertinent.
Les entreprises qui omettront de se conformer aux obligations de rendre public leur rapport ou qui feront sciemment des déclarations fausses ou trompeuses commettraient une infraction et pourraient encourir, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 250 000 $. De plus, les directeurs ou les administrateurs des entreprises seraient considérés comme des coauteurs de l’infraction; par conséquent, en vertu de ce projet de loi, les personnes aux plus hauts échelons devront rendre compte de leurs décisions.
Le comité devra également se pencher sur certains aspects du projet de loi S-216, par exemple les vastes pouvoirs accordés au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, les vastes pouvoirs de perquisition et de saisie accordés à des personnes désignées, et la responsabilité automatique de personnes pertinentes. Il faudra aussi examiner ce qu’il en coûtera pour mettre en œuvre la Loi sur l’esclavage moderne et la faire respecter, et prendre note des répercussions juridiques qui pourraient survenir quand de grandes entreprises qui ne sont pas nécessairement favorables à cette mesure seront tenues de s’y conformer.
Quoi qu’il en soit, nous devons continuer d’avancer vers notre but commun, celui d’éliminer l’esclavage moderne au Canada et à l’étranger.
Certaines personnes auront peut-être du mal à croire que l’esclavage moderne existe bel et bien chez nous, dans l’un des pays les plus libres du monde. Il est tout simplement faux de croire que l’esclavage moderne ne survient que dans des pays pauvres ou des pays injustes et corrompus, comme le veut le stéréotype. Selon l’Indice mondial de l’esclavage de 2016, quelque 17 000 personnes vivent en situation d’esclavage moderne dans notre propre pays. On ne peut pas jouer à l’autruche et refuser de voir la réalité.
Le projet de loi sur l’esclavage moderne fera en sorte que les entreprises canadiennes donnent priorité à des fabricants éthiques, qu’ils soient canadiens ou étrangers, au lieu de chercher à réduire les coûts en ayant recours au travail forcé ou au travail des enfants.
En 2019, la Police provinciale de l’Ontario a libéré 43 victimes de l’esclavage moderne. Des gens avaient fait venir ces personnes au Canada en leur demandant un paiement et en leur promettant des visas de travail et un statut de résident permanent. Elles se sont plutôt retrouvées à vivre dans des conditions sordides, à aller travailler chaque jour dans des hôtels et des résidences de vacances de l’Ontario, et à gagner moins de 50 $ par mois. Une des victimes a dit à un policier que la veille, elle s’était couchée une esclave, mais le matin, elle s’était réveillée une personne libre.
Malheureusement, ce ne sont pas des cas isolés, puisque les secteurs de l’agriculture, de la construction, de l’hôtellerie et des services domestiques sont des secteurs où le risque d’esclavage est élevé. Par exemple, des dizaines de milliers de travailleurs agricoles migrants des Caraïbes, du Mexique, du Guatemala, des Philippines et de la Thaïlande travaillent dans les champs canadiens sans avoir la possibilité de faire une demande de résidence permanente, d’obtenir des soins de santé ou de bénéficier des droits fondamentaux des travailleurs. Ces travailleurs agricoles doivent partager de minuscules appartements avec leurs collègues et travailler sept jours sur sept. Il est scandaleux que nous nous protégions pendant une pandémie mondiale, alors que nous mettons en danger des travailleurs migrants vulnérables.
La pandémie continue de mettre en lumière beaucoup de questions, comme la provenance des produits essentiels. Les masques sont devenus un accessoire essentiel pour les Canadiens, et la demande mondiale pour l’équipement de protection individuelle est montée en flèche. Une enquête a révélé que certains équipements essentiels utilisés par les travailleurs canadiens de la santé sont fabriqués dans des usines en Malaisie où les travailleurs sont terriblement exploités. En 2020, des fabricants de gants en Malaisie ont fabriqué près de 220 milliards de gants, ce qui représente environ 70 % de l’offre mondiale. En plus de forcer ses employés à travailler dans des conditions dangereuses et à vivre dans des logements insalubres, l’entreprise ne respecte pas ses protocoles de sécurité en période de COVID-19.
La COVID-19 ne fait pas de distinction, et nous ne devrons pas en faire non plus.
Le projet de loi donnerait au Canada la législation la plus efficace et la plus proactive de tout le Commonwealth. Le Royaume-Uni a adopté une loi sur l’esclavage moderne en 2015, mais elle n’est pas assortie de peines concrètes. La loi du Royaume-Uni fait en sorte que les entreprises ont simplement à mentionner qu’aucun effort n’a été déployé pour lutter contre le travail forcé dans leur rapport annuel et elle n’exige rien des entreprises concernant les risques cernés. L’Australie a adopté une loi sur la transparence en 2018 qui impose des obligations aux sociétés, ainsi qu’au gouvernement fédéral et à ses agences. Dans ce cas-ci, une liste des entreprises qui n’ont pas présenté de rapport est publiée. Nommer et dénoncer les entreprises est un bon point de départ, mais cela ne donne pas de pouvoirs qui permettraient d’assurer le respect de la loi.
Se limiter à augmenter la transparence ne risque pas d’améliorer les conditions de travail ou d’endiguer l’esclavage moderne. Les données empiriques montrent que la réglementation du Royaume-Uni en matière de transparence est trop faible pour entraîner les changements requis afin de mettre fin à l’exploitation des travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et qu’elle sert davantage à répondre aux intérêts des multinationales qu’à protéger les travailleurs vulnérables. C’est pour cette raison qu’il faut adopter une loi qui va plus loin.
Alors que s’achève mon discours, je veux vous rappeler que le projet de loi concerne les droits de la personne fondamentaux et notre obligation, en tant que parlementaires, à en assurer le respect.
Comme l’a si justement souligné la sénatrice Miville-Dechêne dans le passé, ce projet de loi va au-delà des lignes partisanes et il relève de notre humanité. J’appuie le projet de loi S-216, parce que les Canadiens comptent sur nous pour veiller à ce que des produits importants ne soient pas obtenus par l’entremise du travail forcé ou du travail des enfants et ce projet de loi nous aidera à atteindre cet objectif. J’espère que le projet de loi sera renvoyé au comité concerné pour qu’il l’étudie en détail. Merci.
Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-216, Loi édictant la Loi sur l’esclavage moderne et modifiant le Tarif des douanes.
Je tiens à remercier l’honorable sénatrice Julie Miville-Dechêne de parrainer ce projet de loi important, et je vous rappelle, tout comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a fait à plusieurs reprises, que ce projet de loi n’est qu’une première étape.
Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord parler des conditions des enfants qui travaillent dans des usines partout dans le monde, et en particulier au Bangladesh, ainsi que des conditions que nous observons au Canada, notamment les conditions de vie déplorables que les travailleurs étrangers temporaires doivent encore endurer.
Lors de mon arrivée au Bangladesh, en 2013, l’effondrement du Rana Plaza, qui a fait 1 400 morts et 2 500 blessés, venait de se produire. Je n’oublierai jamais ce que j’ai vu à l’extérieur de l’édifice. On voyait des blessés assis un peu partout, des parents qui cherchaient leurs enfants et qui n’obtenaient aucune réponse. Personne ne faisait quoi que ce soit pour les aider.
C’est à ce moment-là que j’ai rencontré Bithi, une fille de 15 ans qui, dans les circonstances, était obligée de travailler dans un autre édifice qui, selon moi, pouvait très bien s’effondrer du jour au lendemain.
Je suis entrée dans cet édifice et j’ai vu que les issues de secours étaient verrouillées. On leur avait mis de gros cadenas et il était impossible de les ouvrir de l’intérieur. J’étais sidérée de voir les issues de secours de cet édifice ainsi verrouillées après que l’édifice voisin se soit effondré.
En réfléchissant à l’importance de ce projet de loi, j’ai pensé à l’histoire déchirante de Bithi.
Bithi travaillait avec des milliers d’enfants bangladais à l’assemblage de jeans griffés qui étaient envoyés à des magasins au Canada et dans d’autres pays développés. Elle m’a raconté qu’elle se souvenait de sa première journée de travail à l’usine de vêtements il y a trois ans, alors qu’elle avait 12 ans : « La première journée, je me sentais mal. J’ai trouvé que ce n’était pas bien. Cette première journée, j’ai pleuré. »
Bithi a déjà caressé le rêve de faire des études pour devenir médecin, et elle admet :
Lorsque je vois les autres filles habillées de leur uniforme scolaire à carreaux bleu et blanc, mon cœur se brise. Cela dit, maintenant, je rêve seulement de pouvoir me tenir debout sans me blesser.
Bithi a travaillé dans des conditions épouvantables pour qu’ici, au Canada, nous puissions continuer à acheter des vêtements à bas prix. Nous profitons aux dépens des droits fondamentaux de Bithi et de tant d’autres comme elle.
En 2014, plus de 406 entreprises ont importé au Canada des textiles et des vêtements semblables à ce que fabrique Bithi. Des filles désespérées comme Bithi sont poussées à travailler des heures interminables, jour après jour, pour un salaire de crève-faim. De nombreux travailleurs sont attirés dans ces industries par de fausses promesses de salaire décent, de repas fournis, de formation et d’éducation. Au lieu de cela, à bien des endroits, les propriétaires de manufacture renvoient les travailleuses enceintes ou leur refusent un congé de maternité, usent de représailles contre les travailleurs qui se joignent à un syndicat ou qui forment un syndicat, forcent les travailleurs à travailler des heures supplémentaires sans quoi ils risquent de perdre leur emploi, et ferment les yeux lorsque des gestionnaires ou des travailleurs de sexe masculin harcèlent les travailleuses.
L’Organisation internationale du travail estime qu’il existe plus de 150 millions d’enfants ouvriers et 25 millions de victimes de travail forcé dans le monde. Les femmes et les filles représentent 71 % de ces victimes. Une étude publiée par Vision mondiale révèle que 1 200 entreprises au Canada ont importé des biens risquant d’avoir été produits par des enfants ouvriers ou des victimes du travail forcé.
En 2018, le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a entrepris une étude sur le travail des enfants dans les chaînes d’approvisionnement. Dans le rapport, on peut lire :
Pratiquement aucun progrès n’a été réalisé dans le monde entre 2012 et 2016 dans la lutte au travail des enfants [...] Par ailleurs, on n’a observé aucun changement dans le nombre d’enfants vivant en situation d’esclavage moderne.
Non seulement ces enfants n’ont pas accès à l’éducation et ne peuvent pas réaliser leur potentiel ou profiter de leur enfance, ils sont aussi réduits à l’esclavage et maltraités et beaucoup d’entre eux travaillent dans des conditions dangereuses et malsaines pour pouvoir fournir des biens de première nécessité, comme de la nourriture, à leur famille.
Honorables sénateurs, je nous exhorte tous à remettre en question nos propres pratiques d’achat et les produits que nous utilisons, portons et consommons chaque jour. Nous devrions nous demander combien de ces produits ont été fabriqués par des enfants.
Le projet de loi sur l’esclavage moderne s’attaque au travail des enfants et au travail forcé dans le but de mettre fin à de telles pratiques. Il exige des grandes sociétés canadiennes qu’elles s’assurent de la transparence de leurs chaînes d’approvisionnement et qu’elles cessent d’avoir recours au travail des enfants ou à toute autre forme d’exploitation. Il exige également qu’elles rendent des comptes concernant les mesures prises pour empêcher le travail des enfants et le travail forcé. Je suis bien contente que le projet de loi propose également la modification du Tarif des douanes afin d’interdire les biens produits au moyen du travail des enfants ou du travail forcé.
Je crois fermement que ce projet de loi est un premier pas important dans l’amélioration plus que nécessaire des droits des travailleurs et des enfants. Cependant, sénateurs, vous n’avez pas à vous rendre loin de chez moi pour voir ce qui se passe dans notre propre pays. J’ai été stupéfaite quand nous avons tous soudainement commencé à accorder de l’importance aux travailleurs étrangers temporaires quand la pandémie nous a frappés parce que nous nous demandions avec inquiétude qui allait cueillir nos fruits ou s’occuper de nos fermes. Or, au cours des 20 dernières années que j’ai travaillé avec eux, je n’ai vu que de la négligence à leur égard.
En 2017, nous avons approuvé l’appel à l’action du Royaume-Uni pour mettre fin au travail forcé, à l’esclavage moderne et à la traite des personnes. En 2018, nous avons appuyé la stratégie du G20 pour éradiquer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des personnes et l’esclavage moderne dans le monde du travail. Nous avons pris le même genre d’engagements dans le cadre de la présidence canadienne du G7.
De nombreux pays ont pris des mesures législatives semblables à celle du Royaume-Uni, notamment les Pays-Bas et la France. Il est grand temps que le Canada leur emboîte le pas.
En 2015, j’étais présidente du Comité sénatorial permanent sur les droits de la personne, qui a enquêté sur l’industrie du vêtement et la responsabilité sociale des entreprises au Bangladesh. Nous avons eu plusieurs réunions au cours desquelles nous avons entendu des témoins, parmi lesquels des experts. Ce qu’ils ont dit alors est encore vrai aujourd’hui. Les témoignages des représentants du gouvernement canadien et des organisations de la société civile nous ont amenés à la conclusion que, même si le gouvernement canadien et les entreprises canadiennes ont pris un certain nombre de mesures pour faire respecter les droits des travailleurs de l’industrie du vêtement, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Le travail des enfants et le travail forcé sont des pratiques courantes, et il est de notre devoir d’agir pour y mettre fin, et ce, d’autant plus qu’un nombre croissant de Canadiens élèvent la voix pour condamner ces pratiques.
Honorables sénateurs, en ce qui concerne le projet de loi S-216, nous ne pouvons pas nous contenter de critiquer ce qui se passe ailleurs; nous devons impérativement nous pencher sur les réalités inhumaines et cruelles de l’exploitation qui existent chez nous. Le Canada reçoit souvent des éloges pour son bilan en matière de droits de la personne et la manière dont les gens y sont traités. Il est facile d’oublier que cet idéal ambitieux est difficile à atteindre dans certains cas. Je sais que ce projet de loi porte sur le travail des enfants et les droits de ces enfants, mais nous ne pouvons pas oublier les droits des travailleurs chez nous.
Honorables sénateurs, en 2017, le Canada comptait environ 550 000 travailleurs étrangers temporaires. Le Canada ne peut absolument pas justifier le maintien d’un système qui déprécie la vie humaine pour que les Canadiens aient des aliments frais à manger.
Honorables sénateurs, les travailleurs étrangers temporaires soutiennent les exploitations agricoles du Canada depuis d’innombrables années. Ces travailleurs sont amenés au pays pour nous aider à cultiver nos aliments. En effet, une grande partie des aliments frais qui se retrouvent sur les tables des Canadiens d’un océan à l’autre sont cultivés grâce au labeur des travailleurs étrangers temporaires, qui viennent surtout du Mexique et de la Thaïlande.
Lorsque nous examinons le pour et le contre de l’adoption du projet de loi S-216, il est important de penser aux droits qui ont été retirés à Bithi, une fille de 12 ans, et aux conditions épouvantables endurées par les gens au Canada dont le travail nous profite directement et considérablement ainsi qu’à nos familles.
Honorables sénateurs, permettez-moi de vous décrire ce que vivent les travailleurs étrangers temporaires. Ils viennent au Canada principalement pour la saison des récoltes et la plupart d’entre eux doivent retourner chez eux lorsqu’elle se termine. Pendant qu’ils se trouvent au Canada, les travailleurs sont contraints de vivre dans des logements insalubres et n’ont pas accès à des installations sanitaires et à des produits d’hygiène adéquats. Les chambres sont surpeuplées et les travailleurs sont obligés de vivre en occupation double. En plus de faire face à ces insuffisances, les travailleurs sont contraints de rester seuls, loin de leur famille et de leurs proches. Les membres de leur famille ne sont pas autorisés à les rejoindre.
Comme les travailleurs étrangers temporaires ont un accès inadéquat aux services fondamentaux de santé et d’hébergement, quand ils tombent inévitablement malades et ont besoin de soins médicaux, ils sont trop souvent laissés à eux-mêmes et souffrent en silence, alors que le reste du pays fait preuve d’une indifférence honteuse face à leur souffrance. À la fin de la saison des récoltes, les travailleurs sont obligés de retourner chez eux. Or, à cause de la pandémie actuelle, de nombreux travailleurs n’ont pas pu venir ici ou retourner chez eux. Cette année, quand les travailleurs ont fini par rentrer chez eux, après avoir vécu dans des conditions épouvantables, beaucoup de Canadiens ont compris — certains pour la première fois — que c’est grâce à leur travail acharné que nous avons la chance de pouvoir mettre des aliments frais sur notre table.
Honorables sénateurs, vous m’entendrez encore parler du sort des travailleurs étrangers temporaires, mais, aujourd’hui, je tiens à vous dire que, alors que nous critiquons d’autres pays pour le sort de leurs travailleurs, et surtout les mauvais traitements infligés aux enfants qui travaillent, nous aussi nous faisons venir des travailleurs d’autres pays au Canada et que nous ne les traitons pas bien. De toute évidence, en tant que Canadiens, nous devons faire savoir au gouvernement que ces pratiques sont inacceptables.
L’adoption du projet de loi S-216 est la première étape pour corriger les conditions inacceptables dans lesquelles vivent des millions de personnes à l’étranger et dans notre propre pays. Nous pouvons montrer notre engagement à cet égard en appuyant l’objectif principal du projet de loi, soit la protection des droits des travailleurs de tous les âges, y compris les enfants, et l’éradication du travail forcé dans le monde entier.
Nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire. Honorables sénateurs, je vous demande d’appuyer le projet de loi. La sénatrice Miville-Dechêne a répété plusieurs fois dans son discours qu’il s’agit de la première étape. Sénateurs, franchissons cette première étape. Merci beaucoup.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)