Aller au contenu

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre--Ajournement du débat

15 décembre 2023


Conformément au préavis donné le 19 septembre 2023, propose :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada de reconnaître l’effacement des femmes et filles afghanes de la vie publique comme étant un apartheid basé sur le genre.

 — Honorables sénateurs, la toute première école pour filles a ouvert ses portes en Afghanistan il y a environ un siècle et les femmes afghanes ont obtenu le droit de vote en 1919, soit de nombreuses années avant les femmes du Royaume-Uni. En 1991, 7 000 femmes étaient inscrites à un programme d’études supérieures, 230 000 filles fréquentaient à l’école, 190 femmes étaient professeures et 22 000 femmes enseignaient dans les écoles du pays.

Sur une note personnelle, j’ai toujours aimé visiter Kaboul. Les hommes et les femmes vaquaient à leurs activités sans règles ni préjugés sexistes. Les femmes portaient des vêtements occidentaux et possédaient des entreprises. Je me souviens avec émotion que mon café-terrasse préféré, le Khyber, appartenait à une femme.

L’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979 a donné lieu à une guerre civile de 10 ans, qui a engendré une discrimination et une violence intenses contre les femmes afghanes dans le cadre d’une stratégie militaire visant à réprimer l’insurrection. Malheureusement, le régime taliban qui a suivi n’a fait que priver davantage les femmes et les filles de leurs droits fondamentaux. Par exemple, en 2001, les filles n’allaient plus du tout à l’école. Cependant, les femmes et les filles afghanes sont résilientes.

Je voudrais prendre un instant pour vous raconter l’histoire d’une de ces femmes pachtounes. Ceux d’entre vous qui connaissent l’histoire de cette région savent que les femmes pachtounes sont des guerrières intrépides et je pense que certains d’entre vous en connaissent une qui siège avec vous au Sénat.

Cette jeune femme pachtoune, Malalai de Maiwand, fille de berger, est née en 1860. Le jour de la bataille contre les Britanniques, Malalai, comme l’aurait fait une femme à l’époque, appuyait les combattants en les soignant et en leur fournissant de l’eau et des armes. Voyant les combattants pachtounes perdre leur ardeur, elle a enlevé son voile — et enlever le voile, dans notre culture pachtoune, a beaucoup d’importance, mais c’est autre histoire — et a crié « Jeune amour » parce que son fiancé était l’un des combattants. Elle a dit: « Jeune amour, si tu ne tombes pas lors de la bataille de Maiwand, par Allah, on se souviendra de toi comme symbole de la honte! ».

Ce cri a donné une nouvelle détermination aux combattants. Lorsque le porte-drapeau a été abattu, c’est une fois de plus Malalai qui a hissé un drapeau fait avec son voile et qui a mené les hommes au combat. Même si son camp a remporté la victoire, Malalai a perdu la vie sur le champ de bataille. Elle n’avait que 19 ans. Le jour de la bataille de Maiwand devait être son jour de mariage.

Honorables sénateurs, pour vous donner un peu d’histoire, cette région, la région avoisinante de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde, a connu 60 guerres au cours des 300 dernières années. On parle d’une guerre tous les cinq ans.

En 2021, les femmes avaient obtenu près de 30 % des sièges au Parlement. Elles étaient représentées par le ministère des Affaires féminines, et des lois ont été adoptées pour protéger leurs droits fondamentaux. Par exemple, les femmes avaient enfin le droit d’inscrire leur nom sur le certificat de naissance et les documents d’identification de leurs enfants, et la violence faite aux femmes constituait un crime. Les femmes avaient recommencé à faire des gains, et le Canada travaillait activement à améliorer l’autonomisation des femmes et des jeunes filles afghanes au moyen de programmes de formation et de subventions.

Pourtant, elles ont encore une fois tout perdu, il y a deux ans, lorsque les talibans ont pris le pouvoir au pays. La première chose qu’ils ont faite a été d’ordonner aux femmes de rester à la maison. Pour justifier cet acte d’apartheid basé sur le genre, les talibans ont déclaré qu’il s’agissait d’une mesure de sécurité parce que « [...] les soldats ne sont pas habitués à voir des femmes à l’extérieur du foyer et qu’ils n’ont pas été formés pour respecter les femmes. »

Depuis, les femmes afghanes ont été dépouillées de tous leurs droits, et chaque nouveau décret les efface encore un peu plus de la société qu’elles ont contribué à bâtir. À ce jour, les talibans ont émis 80 décrets, dont 54 ciblent directement les femmes et les filles. Elles sont dorénavant essentiellement confinées à leur domicile, n’ayant pas le droit de travailler, d’aller au parc, au gymnase ou dans un bain public, ou même de poursuivre des études au-delà de la sixième année. On rapporte une hausse fulgurante du nombre de femmes afghanes qui choisissent de mettre fin à leurs jours plutôt que de vivre derrière des portes closes, sans aucun espoir pour l’avenir.

Hier, pendant que je préparais mon intervention, j’ai appris que des femmes aux prises avec la violence fondée sur le genre étaient envoyées en prison, supposément pour leur propre sécurité. N’est‑ce pas épouvantable?

Chers collègues, nous assistons à l’effacement complet des femmes et des filles afghanes. Je crains que si nous n’agissons pas immédiatement, notre manque de réaction encouragera d’autres pays où les droits des femmes connaissent un étouffement graduel et silencieux.

Par son silence, le Canada se rend complice de ces actes. Je demande donc au gouvernement du Canada de reconnaître la situation actuelle en Afghanistan comme un apartheid basé sur le genre.

Haut de page