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Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse--Ajournement du débat

3 novembre 2020


L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Propose :

Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Julie Payette, chancelière et compagnon principal de l’Ordre du Canada, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite militaire, chancelière et commandeure de l’Ordre du mérite des corps policiers, gouverneure générale et commandante en chef du Canada.

QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour répondre au discours du Trône prononcé dans cette enceinte le 23 septembre 2020 par Son Excellence Julie Payette, gouverneure générale du Canada, au nom du gouvernement.

Le discours énonce les priorités du gouvernement, qui s’articulent autour de quatre thèmes : protéger les Canadiens de la COVID-19; aider les Canadiens durant la pandémie; rebâtir en mieux — une stratégie pour améliorer la résilience de la classe moyenne; le pays pour lequel nous menons ce combat.

Je dois avouer avoir été extrêmement déçu du manque d’attention accordée à l’agriculture canadienne dans le discours. Le gouvernement parle souvent de son engagement envers l’agriculture, mais il semble que ce secteur compte rarement parmi ses principales priorités.

Selon moi, c’est inconcevable, étant donné l’importance de l’agriculture dans la vie courante des tous les Canadiens, surtout en ce moment, vu les problèmes mis en lumière par la COVID-19. Par ailleurs, l’agriculture est intrinsèquement liée à d’innombrables domaines, comme les changements climatiques et l’environnement, l’économie, les ressources naturelles, le commerce international, les relations intergouvernementales, le développement économique des régions rurales, la santé, l’innovation, l’industrie, les transports, et j’en passe. Bien que l’agriculture demeure un élément moteur de l’économie du Canada, l’actuel gouvernement persiste à négliger ce secteur en omettant de le mentionner dans les discours du Trône de 2019 et de 2020.

Aujourd’hui, je vais souligner plusieurs problèmes avec lesquels le secteur de l’agriculture et les collectivités rurales continuent d’être aux prises. Il s’agit de problèmes qui, je l’espère, feront partie de la liste des priorités du gouvernement durant la présente session parlementaire.

En ce qui concerne les cibles du rapport Barton, le Conseil consultatif en matière de croissance économique, présidé par Dominic Barton, a désigné l’agriculture comme secteur clé qui présente un potentiel de croissance. Le rapport établit comme objectif de faire croître les exportations du secteur canadien de l’agroalimentaire pour que leur valeur passe de 55 milliards de dollars en 2015 à au moins 75 milliards de dollars d’ici 2025. De nombreux intervenants de l’industrie ont fixé l’objectif encore plus ambitieux de 85 milliards de dollars.

Afin d’atteindre ces cibles ambitieuses, nous devons mieux promouvoir le secteur agricole canadien sur la scène internationale. Dans son rapport de 2019, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a fait plusieurs recommandations au gouvernement sur la façon de faire croître le secteur alimentaire à valeur ajoutée. On pourrait ainsi donner un énorme coup de pouce à l’industrie et contribuer à atteindre l’objectif de 75 milliards de dollars d’ici 2025.

Il est évident que l’agriculture peut être un véritable moteur économique pour le Canada, et qu’elle peut nous aider à assurer la relance après la pandémie, mais seulement si nous faisons le nécessaire. Le gouvernement doit donc faire de l’agriculture une priorité actuelle et future. Je ne peux qu’espérer que le gouvernement parvienne à voir cette occasion et à la saisir dans l’intérêt de tous les Canadiens.

En ce qui a trait au commerce international, le secteur agricole canadien fait partie intégrante de nos échanges internationaux. Bon nombre de nos importants partenaires commerciaux s’intéressent aux produits agricoles canadiens.

Le gouvernement a récemment engagé ou conclu des négociations relatives à un certain nombre d’accords commerciaux, notamment le PTPGP, l’AECG et l’ACEUM.

Ces accords commerciaux devaient aider le secteur de l’agriculture et c’est ce qu’ils font, la plupart du temps. Cependant, ils ont nui à certains secteurs. Par exemple, les secteurs canadiens soumis à la gestion de l’offre, notamment l’industrie laitière et l’industrie de la volaille, n’ont toujours pas reçu toute la compensation promise par le gouvernement lorsqu’ils ont perdu une partie de leurs marchés.

Dans le cas de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, les producteurs européens profitent pleinement des marchés canadiens pour y exporter beaucoup de produits, surtout le fromage. Malheureusement, les producteurs canadiens ne peuvent pas exporter leur viande en Europe à cause des différences dans la réglementation.

En même temps, nous avons connu des différends commerciaux sur la scène internationale, plus particulièrement avec la Chine, qui a cessé d’importer le canola, le bœuf, le porc et d’autres produits canadiens. Je suis conscient que le gouvernement déploie beaucoup d’efforts pour régler le différend avec la Chine. J’ai posé des questions au représentant du gouvernement au Sénat à ce sujet, mais nous vivons toujours ces problèmes avec la Chine. Nous devons chercher ailleurs pour compenser les marchés perdus. Même si le maintien de nos relations commerciales fait partie intégrante de notre économie, nous devons en même temps diversifier les débouchés afin d’éviter que le Canada ne dépende que d’un seul marché pour ses exportations.

J’en profite pour demander à nouveau au gouvernement de tenir parole et de dédommager les agriculteurs auxquels ces accords commerciaux ont nui, car ils ne peuvent plus se contenter de promesses vides. J’espère qu’à l’avenir le gouvernement se montrera prudent et évitera de conclure des accords qui nuisent aux producteurs alimentaires du pays.

Les obstacles au commerce interprovincial sont un autre sujet de préoccupation du secteur agricole. Plus tôt cette année, j’ai posé une question à ce sujet au représentant du gouvernement au Sénat. Il en est aussi question dans un rapport publié l’an dernier par le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Fabriqué au Canada : Faire croître le secteur alimentaire à valeur ajoutée au Canada.

J’ai entendu avec plaisir, dans le discours du Trône, que le gouvernement compte éliminer les derniers obstacles à un libre-échange complet entre les provinces. La pandémie de COVID-19 met en lumière le rôle crucial des relations commerciales entre les provinces et territoires. J’espère donc que le gouvernement agira rapidement pour régler le problème.

Je trouve franchement scandaleux qu’il soit plus facile d’acheminer des produits agricoles outre-mer que de les envoyer dans une autre province ou un autre territoire. Je sais que ces problèmes proviennent en grande partie des divergences réglementaires et des tracasseries administratives, mais il n’en demeure pas moins que si nous ne pouvons pas tirer pleinement parti de notre commerce intérieur, nous n’atteindrons jamais notre plein potentiel sur les marchés internationaux.

En ce qui concerne le réseau à large bande dans les régions rurales, nordiques et éloignées, les habitants de ces régions me disent régulièrement que ce qui les frustre le plus, c’est l’accès limité à un service Internet haute vitesse fiable. À notre époque, il est totalement inacceptable que tant de régions rurales, nordiques et éloignées ne soient pas branchées, ce qui mène inévitablement à d’autres inconvénients. Une telle situation empêche les agriculteurs d’utiliser la technologie intelligente, incite les jeunes à quitter ces régions, et touche de façon disproportionnée les peuples autochtones. Je le répète, ce problème n’a fait que s’accroître au cours des derniers mois, la COVID-19 ayant fait en sorte que bon nombre de nos activités courantes — travail, études, clubs, activités sociales — s’effectuent maintenant en ligne.

Le discours du Trône du gouvernement promettait pourtant de l’argent pour les infrastructures rurales à large bande. Les collectivités rurales, nordiques et éloignées ne devraient pas devoir attendre plus longtemps pour un accès Internet décent en 2020. Cela fait déjà six ans qu’elles attendent sous ce gouvernement, et leur attente se poursuit. J’espère que les promesses du gouvernement vont se réaliser pendant la présente législature.

L’intrusion dans les fermes est une autre préoccupation. Les gens de la ville n’ont peut-être pas autant entendu parler de ce problème, mais celui-ci est majeur aux yeux de l’industrie agricole. Dans diverses provinces, des manifestants et des militants entrent par effraction dans des fermes afin d’exprimer leur consternation envers l’industrie de la viande. Naturellement, ils ont le droit de faire connaître leur point de vue, mais ils ne devraient pas le faire ainsi.

Non seulement c’est stressant pour les agriculteurs, leur famille et les animaux dont ils s’occupent, mais cela entraîne aussi des risques sur le plan de la biosécurité. Ces personnes font fi des procédures de biosécurité lorsqu’ils entrent dans la ferme et mettent ainsi en péril la santé des animaux qu’ils sont censés essayer de protéger. De plus, de nombreux animaux ont été blessés. Ainsi, une truie effrayée par le bruit et le dérangement a accidentellement piétiné ses petits et, à plusieurs reprises, les manifestants ont volé des animaux vivants ou des cadavres d’animaux.

En juin de cette année, le gouvernement de l’Ontario a adopté un projet de loi pour régler le problème. Je suis impatient de voir comment les choses fonctionnent en pratique. J’estime, cependant, qu’une intervention du fédéral est justifiée. D’ailleurs, un projet de loi d’initiative parlementaire a été présenté à l’autre endroit et j’ai bien hâte qu’on en débatte aux deux Chambres du Parlement.

En ce qui a trait aux changements climatiques, le premier ministre a indiqué — par l’entremise de la gouverneure générale — qu’ils étaient au cœur du plan du gouvernement. Comme les changements climatiques et l’agriculture sont intrinsèquement liés, je me félicite d’entendre le gouvernement reconnaître le rôle clé que les agriculteurs, les travailleurs forestiers et les éleveurs peuvent jouer dans la lutte contre les changements climatiques et s’engager à soutenir les efforts qu’ils déploient pour réduire les émissions et renforcer la résilience.

Les changements climatiques peuvent avoir différents impacts sur l’agriculture. À l’inverse, l’agriculture peut, de différentes façons, grandement contribuer à la lutte contre les changements climatiques, qu’on pense à la séquestration du carbone ou à l’agriculture urbaine. Dans l’ensemble du secteur, les producteurs et les transformateurs sont à pied d’œuvre pour adopter des pratiques durables et arriver aux niveaux d’émissions souhaitables. Cela dit, ils auront besoin de l’aide du gouvernement pour pouvoir adopter de nouvelles méthodes novatrices, continuer d’utiliser des pratiques qui préservent les sols et, ultimement, changer la façon dont l’agriculture fonctionne depuis des décennies.

En tant que membre de longue date de la communauté agricole de l’Ontario, je suis conscient de l’importance de la santé des sols, mais je tiens à m’assurer que tous les Canadiens savent à quel point les sols constituent un élément indissociable de la santé globale du pays. Au cours des trois décennies et demie qui se sont écoulées depuis la publication du dernier rapport du Sénat sur la santé des sols en 1984, une quantité inquiétante de sols canadiens se sont érodés et continuent de perdre leur matière organique. Pour examiner la question, j’ai l’intention de proposer sous peu que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts réalise une nouvelle étude sur la santé des sols, dont les conclusions serviront à appuyer les objectifs du gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques.

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et la norme pancanadienne sur les combustibles propres. Le gouvernement est sans équivoque : la lutte contre les changements climatiques demeure l’une de ses grandes priorités pour la session en cours. Bien que j’appuie sincèrement l’objectif important de réduire les émissions de gaz à effet de serre, je suis fatigué de l’incidence de la taxe sur le carbone sur l’industrie agricole canadienne.

La taxe sur le carbone est en vigueur au Nouveau-Brunswick, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta depuis quelque temps déjà. Elle a pour but honorable et important d’aider à réduire les émissions. Toutefois, en réalité, elle nuit aux agriculteurs canadiens, en particulier aux producteurs de grain.

En réponse au projet de loi C-206, Loi modifiant la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, la Fédération de l’agriculture de l’Ontario exprime le souhait que l’on modifie la définition actuelle de « machinerie agricole admissible » en vue de permettre explicitement l’utilisation de gaz naturel et de propane pour le chauffage des étables et le séchage du grain. En plus de modifier la définition de « combustible agricole admissible », cette mise à jour du projet de loi aura une incidence immédiate sur le gagne-pain des agriculteurs ontariens.

Le gouvernement propose aussi une deuxième taxe sur le carbone, la norme pancanadienne sur les combustibles propres, qui inquiète plusieurs intervenants, dont la Fédération de l’agriculture de l’Ontario, Canadians for Affordable Energy et des médias agricoles partout au pays. La nouvelle réglementation proposée suscite des inquiétudes chez les agriculteurs, car elle imposera des contraintes de production agricole et n’aborde pas la vérification de la conformité.

L’industrie agricole comprend et appuie l’appel à l’action pour lutter contre les changements climatiques. Cela dit, pour atteindre nos cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement et l’industrie doivent collaborer. Les producteurs et les transformateurs agricoles canadiens ont besoin de l’aide du gouvernement pour faire la transition vers des initiatives écologiques, mais ils ont aussi besoin de son aide pour modifier des pratiques et des procédures qu’ils utilisent depuis des décennies.

Pour finir, passons au dossier de la COVID-19 : nous savons tous que 2020 ne s’est pas déroulé comme prévu, en grande partie en raison de la pandémie de COVID-19. Aucun de nous ne savait que nous ne pourrions plus nous réunir ni adopter des mesures législatives pendant une bonne partie de l’année. Ce virus a éprouvé les Canadiens de tout le pays, et les agriculteurs ne font pas exception. Tout au long de la pandémie, j’ai insisté sur l’importance pour le gouvernement d’appuyer les agriculteurs et l’industrie agricole, alors je ne me répéterai pas aujourd’hui.

Je suis fier de la résilience et de la faculté d’adaptation dont a fait preuve le secteur agricole canadien au cours des derniers mois, mais aussi des dernières années. Malgré les temps difficiles, je crois sincèrement que ce secteur peut sortir de cette crise plus fort que jamais et que l’agriculture peut être le moteur économique qui aidera le Canada à traverser la pandémie. En dépit de ces nombreux aspects négatifs, la pandémie nous a donné une raison à tous de revoir nos priorités, de mettre en place des plans de rechange et de veiller à ce que nous soyons prêts à tout.

J’ai abordé aujourd’hui seulement quelques-uns des enjeux qui touchent l’industrie agricole. Il y en a beaucoup d’autres. Par exemple, j’ai déjà parlé dans cette enceinte des problèmes de main-d’œuvre et de la nécessité de mettre en place une stratégie nationale du travail dans le secteur agricole, ainsi que de mesures de santé mentale et de prévention du suicide visant les agriculteurs et d’autres acteurs de l’industrie agricole.

Chaque jour, l’industrie agricole canadienne travaille fort pour nous servir. Rendons-lui la pareille. Cette industrie se sent constamment négligée par le gouvernement. Le gouvernement libéral n’a certes pas aidé à dissiper ce sentiment en ne mentionnant l’agriculture qu’au passage dans les deux derniers discours du Trône. Or, l’agriculture canadienne a besoin d’aide. Je continuerai à la soutenir avec fierté, haut et fort, à l’intérieur et à l’extérieur de ces murs. J’espère que je ne serai pas le seul.

Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.

Son Honneur le Président [ + ]

Sénateur Black, de l’Ontario, acceptez-vous de répondre à une question?

Oui.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer [ + ]

Sénateur Black, je vous remercie de cette intervention très complète sur les défis qui se posent dans le secteur agricole.

Monsieur le sénateur, vous avez fait mention des problèmes liés à l’intrusion dans les exploitations agricoles et vous avez également parlé de l’amélioration de la législation ontarienne en la matière. Comme on le sait, la question relève de la compétence provinciale. Néanmoins, estimez-vous que le gouvernement fédéral devrait maintenant intervenir afin que les provinces se concertent pour renforcer la législation en matière de violation de propriété pour aider les agriculteurs? On sait que des dommages terribles sont faits dans les fermes, notamment aux animaux, faute de lois suffisamment musclées en matière de violation de propriété.

Je vous remercie de la question. J’estime vraiment que le gouvernement fédéral pourrait effectivement saisir l’occasion pour rallier les provinces dans ce dossier.

J’estime également que ce serait l’occasion de modifier le Code criminel. J’ai indiqué dans mon intervention que le moment est idéal pour resserrer le Code criminel à cet égard, ce qui aurait une incidence à l’échelle de tout le Canada.

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