Le Sénat
Rejet de la motion d'amendement
12 février 2024
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par adjonction de ce qui suit après les mots « la séance soit levée » :
« ;
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient individuellement autorisés, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, à étudier la teneur du projet de loi C-62, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat et, aux fins de ces études, que chacun de ces comités :
1.soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 27 février 2024;
2.soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné, l’application des articles 12-18(1) et (2) du Règlement étant suspendue à cet égard;
3.tienne sa première réunion sur la teneur du projet de loi au plus tard le jeudi 15 février 2024, si cette motion est adoptée à ce moment‑là;
4.soit autorisé à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là ».
Honorables sénateurs, je voudrais commencer mon intervention par ce qui suit : les projets de loi peuvent souvent sembler théoriques, lointains, éthérés. Je reconnais et accepte pleinement que la question soit hautement émotionnelle, controversée et politique, avec parfois des points de vue clivants. Cependant, cette question concerne de vraies personnes, de vraies familles et des choix douloureusement réels faits dans un contexte qui ne peut être compris par ceux qui ne l’ont pas vécu. Il est important de garder cela à l’esprit et d’aborder ce sujet avec l’humilité qu’il mérite.
Le report de trois ans de l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes d’une maladie mentale aura de profondes répercussions. L’avis des personnes qui attendent de faire une demande d’évaluation n’a pas été suffisamment entendu lors des discussions du comité. Le devoir du Sénat est de veiller à ce que tout changement législatif affectant les intérêts des minorités et des groupes historiquement sous-représentés ou marginalisés soit pris en compte et examiné en profondeur et à ce que ces groupes soient bien représentés. Notre responsabilité est de nous assurer que nous prenons des décisions éclairées qui reflètent les valeurs et les préoccupations d’une population canadienne diversifiée.
Honorables sénateurs, tout au long des décennies où j’ai exercé la médecine en région rurale, la gestion des maladies mentales a été au cœur de ma pratique. La dure réalité, c’est que, comme bien d’autres problèmes de santé, les troubles de santé mentale peuvent être graves et les patients peuvent être réfractaires au traitement.
Je tiens à vous rassurer; les personnes dans cette situation sont très peu nombreuses. Il est toutefois question de douleur, de souffrances et de ténèbres. Selon certains, c’est comme être emprisonné dans son propre esprit, rongé par l’anxiété, des pensées envahissantes, l’évitement social et un isolement social complet, et ce, malgré tous les traitements offerts.
Beaucoup de personnes sont aux prises avec les effets secondaires horribles des interventions thérapeutiques : de fréquents effets parkinsoniens provenant de l’utilisation de médicaments antipsychotiques; des thérapies électroconvulsives et des pertes de mémoire; la stimulation magnétique transcrânienne; la stimulation cérébrale profonde, avec risque d’infection; des interventions chirurgicales; du counseling personnalisé et collectif intensif; et souvent des hospitalisations à répétition.
J’aimerais vous lire un courriel que m’a envoyé Jane Hunter, avec qui j’ai eu une conversation bouleversante et correspondu par la suite :
Contrairement à ce qu’on ne cesse de dire à mon sujet, je ne suis absolument pas « vulnérable » sur le plan intellectuel.
J’aimerais pouvoir répondre calmement aux objections de ceux qui, jusqu’à présent, ne semblent pas pouvoir ou vouloir regarder au-delà de leurs propres expériences et paradigmes idéologiques afin d’examiner ma réalité — que je n’ai pas choisie, je peux vous l’assurer.
Nous sommes là à dépendre de votre pouvoir de raisonnement et de votre pensée rationnelle. Le Sénat, Chambre de « second examen objectif ».
Partout au pays, les cliniciens sont prêts pour le 17 mars 2024.
Cette attente de trois ans est une « patate chaude » politique.
Il est question de l’inclusion d’êtres humains canadiens qui souffrent et de discrimination inconstitutionnelle relativement à la nature de certaines maladies!
Je ne veux pas planifier un suicide. Je veux simplement mettre fin dignement à ma vie tragique, qui n’a jamais été et ne sera jamais constructive, productive ou heureuse. Je veux avoir la possibilité de mourir en paix avec mes proches à mes côtés. Accordez-moi cette ultime liberté.
Honorables collègues, exclure les personnes qui souffrent de maladie mentale du régime de l’aide médicale à mourir exige de nous que nous prenions soigneusement en considération l’historique législatif, c’est-à-dire comment nous en sommes arrivés là, comme le sénateur Kutcher l’a si bien exprimé. Sur le plan purement pratique, nous devons entendre les personnes qui seront directement touchées par ce projet de loi dans le contexte juridique qui entoure l’aide médicale à mourir.
Honorables sénateurs, je vous exhorte à envisager le report de l’élargissement de l’aide médicale à mourir de manière plus approfondie et sous l’angle de l’inclusion. Nous avons un devoir envers les Canadiens qui se sentent marginalisés et exclus, celui de continuer à débattre de manière rigoureuse, bienveillante et compréhensive afin de prendre la bonne décision pour les bonnes personnes. Merci. Meegwetch.
Sénateur Plett, avez-vous une question?
J’ai une question pour le sénateur Ravalia.
Sénateur Ravalia, acceptez-vous de répondre à une question?
Avec plaisir.
Merci. Je ne m’étendrai pas sur le sujet et je n’en débattrai pas ce soir, mais j’ai une question à propos de quelque chose que j’ai entendu ici à plus d’une reprise ce soir. Je pense que vous l’avez laissé entendre — et je suis sûr que ce n’était pas intentionnel, sénateur Ravalia; j’ai beaucoup de respect et de temps pour vous.
Cependant, qu’est-ce qui vous fait croire, à vous, au sénateur Kutcher ou à qui que ce soit d’autre dans cette enceinte, que, parce que certains d’entre nous n’appuient pas ce projet de loi, la question n’est pas aussi profondément personnelle pour moi que pour vous? J’ai également vécu des difficultés par l’entremise de mes amis et de ma famille — des gens qui ont choisi de ne pas mettre fin à leurs jours et qui ne veulent probablement pas comparaître devant le comité pour en parler. Cette question est tout aussi personnelle et profonde pour moi et pour ces personnes que pour vous, le sénateur Kutcher ou les personnes dont vous parlez et qui veulent se prévaloir de l’aide médicale à mourir.
Comment se fait-il que chaque fois qu’une personne s’oppose, elle est de toute évidence insensible, elle ne se sent pas concernée et elle n’a jamais été touchée par cette question? Cette question m’a touché personnellement, sénateur Ravalia, et je suis contrarié et frustré que des gens dans cette enceinte pensent que, parce que je n’appuie pas cette motion, je n’ai pas aussi ressenti ces émotions. Comment expliquez-vous cela, sénateur Ravalia?
Je vous remercie, sénateur Plett. J’ai le plus grand respect pour toutes vos opinions. J’ai eu cette même discussion et ce débat avec des amis proches. La majorité des membres de ma famille sont contre l’aide médicale à mourir pour cause de maladie mentale. Cependant, je parle au nom d’un très petit groupe de personnes que j’ai vu souffrir. Je ne remets absolument pas en question la force et la profondeur de vos émotions et celles des personnes qui ne sont pas en mesure de faire entendre leur voix. C’est pourquoi j’ai commencé mon intervention en précisant qu’il s’agit, sans l’ombre d’un doute, d’un débat polarisant, émotif et difficile. Au bout du compte, il s’agit cependant d’une question où — parce que j’étais médecin auparavant et que je suis maintenant législateur — je tente de prendre la parole au nom de personnes qui, à mon avis, sont sans voix et qui souffrent d’une manière inexplicable. Je le fais de sorte à informer ceux qui n’ont pas vu cette souffrance de leurs propres yeux. Merci.
En tant que législateur, membre d’une famille et ami, je parle au nom de ceux qui ne peuvent pas se faire entendre, qui ne veulent pas faire part de leur expérience, qui n’ont pas mis fin à leurs jours et qui ont vu des psychiatres sérieux en mesure de les aider à guérir. Je parle en leur nom. Les gens au nom desquels je parle sont tout aussi importants que ceux au nom desquels vous parlez, sénateur Ravalia. N’êtes-vous pas d’accord?
Merci, sénateur Plett. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Le point que vous faites valoir est valable, pertinent, rationnel et tout à fait valable. Merci.
Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Ravalia?
Bien sûr.
Merci beaucoup. Nous débattons actuellement de la proposition de mener une étude en comité plénier cette semaine, ce qui permettrait à tous les sénateurs d’entendre ce que les ministres ont à dire. Vous savez que je suis du même avis que vous quant à l’élargissement des dispositions sur l’aide médicale à mourir afin d’y inclure les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale. J’ai d’ailleurs appuyé le sénateur Kutcher et travaillé avec lui dans ce dossier. Ce n’est pas de cela que nous débattons en ce moment. Le projet de loi C-62 nous sera soumis et nous devrons alors nous prononcer à ce sujet.
À ce stade-ci, alors que la date limite approche et que la question a déjà été étudiée par des comités mixtes ainsi que dans cette enceinte, dans le cadre de l’étude des projets de loi C-7, C-39 et C-62, je me demande pourquoi vous n’êtes pas d’avis que nous risquons de ne pas mettre en œuvre cette disposition de façon adéquate, car il me semble maintenant évident, en ce qui concerne cet amendement, que les sénateurs se font demander d’avancer à toute allure par un groupe de personnes qui ne nous ont même pas avisés qu’ils allaient présenter un amendement. Je constate cependant que vous avez préparé des notes, alors je suppose que vous étiez au courant.
Pourquoi ne voulez-vous pas que l’ensemble des sénateurs puissent rencontrer les ministres dans le cadre d’un comité plénier, où nous pourrons parler de ce que nous avons vu et lu — 400 mémoires présentés au comité mixte, dont un grand nombre que j’ai lus, pas seulement ce qui se trouvait au compte rendu. Peut-être que j’approuve toutes les raisons présentées dans le rapport du comité, peut-être pas. Pourquoi ne voulez-vous pas que nous ayons deux heures pour poser ces questions directement aux deux ministres?
Je salue la décision qui a été prise de demander au gouvernement de faire venir les deux ministres responsables, mais je commence à me méfier des manigances que je perçois pour nous forcer à mener notre étude d’une certaine façon. Je veux que ces ministres viennent ici. Je veux qu’ils rendent des comptes. Pourquoi ne le voulez-vous pas?
Merci, sénatrice Lankin. Mon exposé et mes propos sont fondés sur ce que j’ai pu observer moi-même en assistant aux travaux du comité, et je pense que le rapport qui a été publié omet des aspects essentiels des témoignages que nous avons entendus, comme la nécessité d’entendre le point de vue des personnes qui souffrent de troubles mentaux irrémédiables. C’est donc quelque chose qu’il faut prendre très au sérieux. Il s’agit de défendre les intérêts d’un petit groupe de personnes qui souffrent constamment de troubles irrémédiables. C’est à titre de clinicien et à la lumière de mon expérience que je m’exprime à ce sujet.
Je crois sincèrement qu’à bien des égards, le comité n’a pas fait son travail. Le soir où j’ai assisté à des témoignages, j’ai été consterné par le manque de respect dont mes collègues — des psychiatres et des fournisseurs d’aide médicale à mourir — ont fait l’objet. Je vous remercie.
Je comprends ce que vous venez de dire, car c’est quelque chose que j’ai observé lors des réunions des comités sénatoriaux, et je déteste ce genre de comportement, qui témoigne d’un manque de respect envers les témoins.
Ce à quoi je fais allusion ne concerne pas les personnes qui ont besoin d’aide. Je tiens à les aider à se prévaloir de l’aide médicale à mourir s’ils satisfont tous les critères, et je tiens à m’assurer qu’ils ont accès à toutes les ressources nécessaires. Nous nous pencherons plus tard sur le projet de loi C-62. Ce qui se passe en ce moment avec cet amendement, sans qu’aucun d’entre nous n’en ait été informé et sans qu’aucun d’entre nous n’ait eu la possibilité d’y réfléchir — puisque l’amendement ne figurait même pas au plumitif — semble faire partie d’une approche tactique. Je ne dis pas que vous en êtes l’auteur, mais personnellement, je commence à avoir la désagréable impression que l’on essaie de nous priver de la possibilité de nous entretenir directement avec ces ministres en comité plénier, et je ne comprends pas pourquoi vous essayez d’empêcher les autres sénateurs, qui n’ont pas assisté aux réunions du comité, mais qui ont lu les témoignages, de participer à ce débat.
Je ne m’oppose pas à ce que nous entendions les ministres. J’ai aussi des questions très importantes à leur poser. Je ne fais que réagir au débat qui a eu lieu cet après‑midi. Merci.
Sénateur Ravalia, à votre avis, cet amendement demande que le comité plénier poursuive ses travaux comme prévu et que l’étude préalable soit élargie pour inclure... Ai-je raison? Est-ce bien ce que vous comprenez?
Oui, c’est ce que je comprends. Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer l’amendement et remercier la sénatrice Moodie de l’avoir présenté. Chers collègues, je serai brève.
Nous ne débattons pas le concept de l’aide médicale à mourir ni le contenu de la loi. La question dont nous sommes saisis concerne le moment où une personne est admissible à recevoir l’aide médicale à mourir si la maladie mentale est le seul problème médical invoqué. Dans le cadre de notre rôle de sénateur, il est essentiel de représenter les minorités pour défendre les principes de la démocratie et veiller à ce que toutes les voix soient entendues et prises en compte dans le processus législatif.
Lorsque la motion no 152 a été déposée la semaine dernière, j’ai d’abord pensé aux personnes les plus touchées par le projet de loi, à savoir les personnes atteintes de maladie mentale qui attendent depuis des années de présenter une demande d’aide médicale à mourir. J’ai ensuite pensé à la procédure établie. À l’heure actuelle, le projet de loi C-62 est toujours à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Nos collègues élus font preuve de diligence raisonnable.
Chers collègues, étant donné qu’il est de notre responsabilité fondamentale d’examiner minutieusement les projets de loi adoptés par la Chambre des communes, j’appuie cet amendement. Étant donné que nous n’avons pas encore reçu le projet de loi de l’autre endroit, nous avons le temps d’en faire une étude préalable. L’amendement est réalisable et opportun.
L’élargissement de notre étude préliminaire pour en confier une partie à un comité, en plus de notre comité plénier, permettrait au Sénat d’accomplir le travail dont il a été chargé en examinant une modification législative complexe qui porte sur une question extrêmement personnelle et émotionnelle pour de nombreux Canadiens. Des inquiétudes ont été exprimées quant à l’état de préparation du système de santé canadien à l’aide médicale à mourir si la maladie mentale est le seul trouble de santé invoqué. J’ai entendu dire que, si les praticiens ont la capacité d’administrer l’aide médicale à mourir, il n’y a aucune disponibilité clinique.
En tant que médecin qui a eu une clinique pendant plus de 25 ans, je dois dire que la distinction entre ces deux termes n’est pas claire, et il ne s’agit pas d’une distinction utilisée en médecine. L’étude préliminaire pourrait nous permettre d’examiner davantage les préoccupations relatives à la disponibilité clinique et à l’état de préparation du système de soins de santé.
En tant que médecin, j’ai hâte d’entendre des citoyens, de donner la parole à des personnes ayant vécu des expériences pertinentes, d’avoir l’occasion de mieux comprendre leurs points de vue et d’inscrire leur témoignage au compte rendu. Chers collègues, je vous exhorte à vous joindre à moi pour appuyer cet amendement et j’ai hâte de travailler avec vous pour remplir notre devoir envers les Canadiens.
Honorables sénateurs, j’interviens pour appuyer l’amendement proposé par la sénatrice Moodie. Je l’appuie parce que, premièrement, il me semble qu’il respecte pleinement l’échéancier préconisé par le gouvernement et tout ce que le gouvernement souhaite réaliser, quoique j’ai appris depuis mon arrivée dans l’enceinte que le gouvernement s’est accordé un peu de marge de manœuvre au-delà du 17 mars.
J’appuie l’amendement aussi parce que le Sénat a montré à maintes reprises qu’il excelle lorsqu’il consent des efforts supplémentaires, prend son temps et pose des questions, pour être certain de comprendre les témoignages et sentir qu’il sait tout ce qu’il doit savoir pour arriver à une conclusion et exprimer son appui ou son opposition par un vote important. Ce fut le cas lorsque vous avez étudié l’aide médicale à mourir la première fois. Dans le second segment, j’ai eu le privilège de participer aux débats et je pense que nous nous devons de le faire dans ce cas-ci.
Lorsque nous avons légalisé le cannabis, nous avons étudié le projet de loi pendant neuf mois. Le projet de loi a été renvoyé à cinq ou six comités. À l’époque, je trouvais cela un peu exagéré, mais ce fut très utile. Notre étude a répondu à de nombreuses questions que l’on se posait au sujet des répercussions du projet de loi sur la santé, le bien-être collectif et la justice sociale, c’est-à-dire de nombreuses choses qui préoccupaient certains sénateurs.
J’ai pu constater qu’il est bon de prendre son temps. Je fais partie de ceux qui étaient fort préoccupés par ce que signifiait un problème « irrémédiable » et par la notion de « long terme ». Il y a quelques années, je rencontrais des fournisseurs et des spécialistes de l’éthique et de la réglementation qui avaient déjà commencé le travail et dont la préparation était déjà bien avancée à l’époque. Nous avons beaucoup progressé depuis, et je crois qu’on peut affirmer que les mesures de sauvegarde sont incontestablement en place. Le sens d’« irrémédiable » est clair, celui de « long terme » aussi.
J’ai également appris que tout cela a été précisé au comité mixte mais ne semble pas avoir été pris en compte dans les résultats du travail du comité mixte. J’ai donc besoin d’en apprendre plus à ce sujet. J’ai besoin d’entendre directement certaines personnes qui ont témoigné devant le comité mixte et d’autres qui ont peut-être été exclues des témoignages. Nous pouvons prendre le temps de faire tout cela en respectant l’échéancier prévu par le gouvernement.
Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour réfléchir, mais j’ai l’impression que la motion de la sénatrice Moodie prévoit une façon pratique et méthodique d’atteindre les objectifs que j’ai décrits. Je suis donc pour la motion. Je crois qu’elle nous pousserait à faire de notre mieux pour aller plus loin, écouter, réfléchir, faire vraiment appel à notre jugement et être à la hauteur de la tâche, c’est-à-dire être le Sénat que les citoyens canadiens souhaitent avoir. Voilà les raisons pour lesquelles j’appuie la motion.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Dean?
Oui.
Je vous remercie. Après avoir écouté toutes les personnes qui se sont exprimées ce soir et lu 15 ou 16 heures de documents au cours du week-end, j’essaie d’examiner le véritable problème qui se pose ici. Je veux être certaine de bien le comprendre. Le fait d’avoir recours à des réunions de comité au lieu de confier tout le travail au comité plénier permettrait tout de même de procéder assez rapidement — il s’agit d’une courte période —, mais d’approfondir davantage et d’écouter des témoins qui ont pu ou non être entendus par le comité mixte précédent. Ces témoins ne seraient pas entendus dans une séance de comité plénier. Ai-je raison?
D’après ce que j’ai lu de la motion et ce que j’ai entendu jusqu’à présent, c’est effectivement l’intention. D’autres ont eu le temps d’y réfléchir plus longuement que moi, et ils pourront également faire des observations à ce sujet, mais je pense que c’est là l’intention qui sous-tend la motion. Merci.
Merci beaucoup.
Sénateur Dean, je tiens à vous remercier de votre intervention et de la façon réfléchie dont vous nous avez rappelé l’importance du processus que nous entreprenons chaque jour dans cette enceinte.
Je me disais que même les sentiments qui ont été exprimés jusqu’à présent dans le cadre de notre débat de ce soir reflètent la diversité des points de vue au Canada, de même que la complexité de cette question. Il faudrait probablement en tenir compte. Estimez-vous que cela montre encore plus l’importance de prendre le temps de bien faire les choses et d’entendre directement les différentes parties? Merci.
Vous faites valoir un bon argument. Je le trouve convaincant, et j’espère que d’autres seront du même avis. Merci.
Merci beaucoup, sénateur Dean. Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui, avec plaisir.
Je vous remercie, moi aussi, de la mise en contexte et de votre contribution. Je me retrouve dans une situation où je tente de comprendre un amendement alors que je ne savais pas qu’il allait être présenté. Vous avez dit que vous n’avez pas pu y réfléchir, et c’est évidemment mon cas aussi. Je suis désolée de soulever ce point, mais j’essaie vraiment de comprendre ce qui a mené à cette situation.
Dans vos observations, vous avez dit que vous n’aviez pas eu le temps d’y réfléchir. Voulez-vous dire que vous avez découvert l’amendement ce soir lorsque la sénatrice Moodie l’a présenté et que vous n’en avez pas été informé plus tôt? J’aimerais comprendre parce que la plupart d’entre nous n’étaient pas au courant. Je me demande honnêtement si vous l’étiez.
En fait, j’en ai été informé peu avant d’entrer dans la salle du Sénat. J’avais compris qu’il pourrait y avoir d’autres approches proposées. Je pense que c’est le cas pour nous tous. Bien franchement, je ne suis pas du tout surpris par l’amendement. J’ai eu peu de temps pour me préparer. J’ai écrit quelques notes alors que je me trouvais ici, ce qui vous donne une idée du temps que j’ai eu pour me préparer.
Je demeure surprise, car la Présidente vous a donné la parole conformément à ce qui semble être la liste du plumitif, mais vous dites que vous n’avez pas eu le temps de vous préparer et venez tout juste d’apprendre l’existence de cet amendement. J’ai du mal à comprendre ce qui se passe ici.
J’aurais une question pour le sénateur Dean. D’après ce que je comprends, la motion parle d’un comité plénier... Peut-être devrais-je attendre que la sénatrice Lankin ait terminé.
À l’ordre. Le sénateur Cardozo a la parole.
D’après ce que je comprends, la motion prévoit, en plus du comité plénier, des audiences de comité, lesquelles permettraient d’examiner le projet de loi plus en profondeur.
Sénateur, personnellement, je suis pour le moment indécis à l’égard du projet de loi C-62. Je comprends et respecte profondément les gens qui appuient le projet de loi C-62, tout comme je comprends et respecte profondément les gens qui s’y opposent. Puis, il y a un troisième groupe de gens qui sont extrêmement déchirés entre les deux, et pour le moment, j’en fais partie.
Comprenez-vous cette position? L’avez-vous observée dans le cadre de votre participation à ce débat? Il s’agit d’une question à laquelle j’ai longuement et profondément réfléchi pendant de nombreuses années, parfois pour des raisons personnelles, mais surtout en raison du projet de loi précisément en question ici. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.
C’est une excellente question. Je pense que, comme il s’agit d’un enjeu très complexe qui touche à l’essence même de la vie et de la mort et au sujet duquel les opinions sont divisées, très peu d’entre nous pourront avoir rapidement une opinion tranchée. Ce n’est pas mon cas et je suis comme vous à ce sujet. J’ai beaucoup de mal à arriver à une conclusion. Je l’ai bien montré plus tôt.
Au bout du compte, il s’agit d’une réflexion personnelle sur la vie et sur l’expérience que nous avons vécue. Le sénateur Plett en a parlé de façon fort convaincante. Nous devons tous aborder la question en fonction de notre propre évaluation et de notre propre jugement. Ce n’est pas une décision facile à prendre. C’est aussi difficile pour moi que pour n’importe qui d’autre.
Sénateur Dean, acceptez-vous de répondre à une question? Il est possible que vous ayez besoin d’aide pour y répondre.
Oui.
Je tiens à tous vous remercier d’avoir fait part de vos réflexions très importantes. Je ne peux souligner davantage la gravité des décisions que nous sommes appelés à prendre.
Ma question, sénateur Dean, porte sur le manque de données recueillies jusqu’à présent. Je crois comprendre que le gouvernement a élargi les données qu’il recueille. Malheureusement, ces données, qui ont commencé à être recueillies en 2023, ne seront disponibles qu’en 2024, notamment en ce qui concerne les communautés autochtones, les communautés noires et les personnes handicapées. Il s’agit de groupes qui font l’objet d’une marginalisation systémique. Pensez-vous que nous aurons assez de temps pour effectuer une étude préliminaire? C’est la question qui nous est posée. Ce qui me préoccupe, c’est de savoir si nous aurons assez de temps pour étudier à fond ces questions extrêmement importantes?
C’est une excellente question. Lorsqu’il s’agit d’enjeux aussi importants, nous n’aurons jamais assez de temps. Cependant, lorsque nous sommes sensibles aux préoccupations des gens qui sont aux prises avec des problèmes difficiles — et je vais parler franchement ici —, avons-nous jamais vraiment assez de temps? Nous devons, à un certain moment, exercer notre propre jugement. Ce n’est pas une mince affaire, surtout lorsqu’il s’agit de questions de vie ou de mort.
Personne ici n’aborde ce sujet à la légère — personne. Ce n’est certainement pas mon cas. Je comprends l’importance de cet enjeu. Je sais que le sénateur Ravalia et d’autres le comprennent aussi. Parfois, nous devons fonder nos décisions sur les renseignements dont nous disposons sur le moment. On nous dira toujours que nous n’en savons pas assez. Je pense qu’on nous le répète depuis trois, quatre ou cinq ans. À un moment donné, nous devons prendre une décision, même si c’est difficile, et vivre avec. Il y a des cas où l’on ne peut pas changer d’avis après coup, car quand c’est fait, c’est fait.
Dans l’ensemble, je pense que nous avons toute l’information dont nous avons besoin, compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouvent un nombre relativement restreint de personnes et de notre obligation de les soulager. Malheureusement, c’est tout ce que je peux dire.
Sénateur Dean, ma question est en fait une demande de clarification concernant une chose que vous avez dite dans votre discours. Avez-vous dit que si nous n’adoptons pas le projet de loi C-62 avant le 17 mars, le gouvernement dispose d’une marge de manœuvre, même avec la disposition de caducité? Vous ai-je mal compris? Si c’est bien ce que vous avez dit, pourriez-vous expliquer?
Oui, je crois que l’article 3 du projet de loi procure une certaine latitude au gouvernement pour prolonger le moratoire sur l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes qui souffrent irrémédiablement. Je ne suis pas certain du délai, mais d’après ce que je comprends, l’article 3 dit que le gouvernement s’accorderait un délai de 90 jours, ou quelque chose du genre. Il y a des experts dans la salle, mais c’est ce que je comprends. Je répète que je n’ai appris cela qu’aujourd’hui. Toutefois, je ne suis pas avocat. D’autres pourront répondre à cette question pour nous.
Le temps de parole du sénateur est écoulé.
Honorables sénateurs, je suis conscient que nous traitons ce soir d’une question très chargée d’émotion. Je ne peux parler que de mes propres convictions et réflexions sur le projet de loi qui nous est soumis.
Je tiens tout d’abord à remercier nos collègues qui ont siégé au comité mixte. J’essaie de comprendre la phase dans laquelle nous nous trouvons actuellement, qui est le renouvellement de l’adoption d’une loi préalable. Après avoir participé délibérément aux travaux du comité mixte, certains ont eu le sentiment que le comité avait choisi de ne pas tenir compte de quelques-uns des éléments liés aux témoignages entendus. Je n’étais pas présent, alors je vais les croire sur parole. J’accepte les réflexions qu’ils ont présentées dans cette enceinte ce soir.
Je prends la parole pour soutenir l’amendement proposé par la sénatrice Moodie, parce que je crois au contexte de notre responsabilité. Comme nous siégeons dans une Chambre distincte, nous avons l’obligation d’examiner les questions à travers notre propre optique et d’appuyer nos décisions sur celle-ci. En fin de compte, nous parviendrons toujours à notre propre décision, quelle qu’elle soit. Je ne peux vous parler que de ma propre conscience et de mes propres convictions, mais je n’essaierai pas de les imposer à qui que ce soit, car je comprends l’importance de cette décision pour chacun d’entre nous, quelle qu’en soit l’issue.
Je veux aussi entendre les ministres et les fonctionnaires qui viendront témoigner au Sénat. Je veux qu’ils expliquent pourquoi nous sommes dans cette situation, pourquoi nous devons prolonger le délai que les tribunaux ont accordé et pourquoi nous n’avons pas été en mesure d’en arriver à une décision. Ils fourniront une explication. Nous avons entendu certaines observations de nos collègues, mais, si la motion de la sénatrice Moodie est adoptée, des experts seront convoqués devant nos deux comités mixtes. Ils nous feront part de leurs points de vue et nous pourrons les prendre en considération. C’est tout ce que nous pouvons faire.
Au bout du compte, nous finirons par voter sur le projet de loi C-62. Il se peut que le gouvernement ne soit pas très heureux si nous ne respectons pas le délai. En passant, je siège au Sénat depuis un bon moment. J’ai entendu des gens répéter ad nauseam que le gouvernement ne devrait pas précipiter nos travaux. Je respecte cette prise de position. Pourtant, j’ai fait partie de ceux qui ont défendu des projets de loi en vous pressant de passer au vote parce qu’ils devaient être adoptés avant une date précise. Pour le dire poliment, nous sommes des êtres pleins de contradictions.
Cela dit, chers collègues, je suis convaincu — dans le contexte des droits d’une minorité et d’un petit ensemble de droits d’une minorité — que nous, les sénateurs, avons l’obligation de penser avec notre tête et notre cœur en même temps. Je ne peux pas parler pour vous, mais je peux m’appuyer sur ma propre expérience. Je sais à quel point il est difficile de perdre un être cher. Je connais cette douleur, le souhait que les choses se soient passées autrement. Je sais à quel point il est difficile d’aider un être cher à prendre une décision ardue à propos d’un autre être cher. C’est extrêmement douloureux.
Ce projet de loi revêt une importance toute personnelle pour nous tous. Je ne crois pas que la sénatrice Moodie nuise à l’objectif du gouvernement, soit de faire adopter le projet de loi C-62. Le but de l’amendement est de donner à nos deux comités permanents suffisamment de temps pour entendre les gens qui veulent être entendus, autant ceux qui ne croient pas que cette possibilité doive être offerte aux personnes qui souffrent de maladie mentale que ceux qui pensent que ce devrait être un droit fondamental.
Nous, les sénateurs, avons été à l’écoute — avec certains doutes, parfois — quand on a dit que le Sénat a abandonné les Canadiens qui font partie de groupes minoritaires. La Constitution nous donne l’obligation de réfléchir sur ce point. Je sais ce que c’est que de faire partie d’une minorité et d’une majorité. Je suis un homme, alors je sais très bien ce que c’est. J’ai aussi la peau foncée. Quand je me lève le matin et que je me brosse les dents, le miroir me renvoie l’image d’un homme à la peau brune. Avant de me coucher, je me brosse encore les dents, et c’est encore le même homme qui est là dans mon miroir. Je ne peux pas y échapper. C’est la personne je suis.
On m’a jugé à cause de mon nom, de ma religion et de la couleur de ma peau. Je l’accepte. C’est la personne que je suis. Je n’y peux rien. Des gens m’ont aimé pour la personne que je suis, et d’autres m’ont traité avec mépris pour la personne que je suis. Cela aussi, je l’accepte. Le sort en a décidé ainsi. Je n’ai pas choisi.
Je ne peux pas me mettre à la place des personnes qui ont du mal à prendre une décision très personnelle concernant la fin de vie, mais je peux faire preuve de compréhension et alimenter leur réflexion.
Au Sénat, nous avons une responsabilité en tant que législateurs. Je peux désapprouver ce que font nos collègues de l’autre endroit et leur approche à l’égard du projet de loi qu’ils vont nous envoyer. Toutefois, au bout du compte, c’est leur droit. De même, nous avons la responsabilité de tenir notre propre débat et nos propres discussions afin de tirer nos propres conclusions.
Je respecte l’excellent travail que nous faisons tous ici. Je respecte également le délai imparti. Cependant, je pense que si nous acceptons la motion de la sénatrice Moodie, cela n’enlèvera rien au bien que nous voulons faire avec le projet de loi C-62; cela l’améliorera. Ce sera une leçon sur la prudence dont nous devons parfois faire preuve, même si nos émotions ou nos croyances politiques peuvent y faire obstacle, car nous n’avons pas le luxe d’ignorer les gens qui nous demandent d’être entendus.
De plus, il ne nous revient pas d’ignorer les gens qui nous demandent de rejeter l’idée que le projet de loi puisse accorder un droit à certaines personnes. Nous devons entendre tous les points de vue afin de prendre notre propre décision.
Je suis conscient que le débat de ce soir suscite beaucoup d’émotions. Je tiens à remercier tous mes collègues qui prennent la parole à ce sujet, car je sais qu’il est difficile de le faire. Nous n’avons peut-être pas le même point de vue sur la façon dont nous avons été saisis de cette motion ce soir ni sur la raison dont nous en débattons, mais, chers collègues, le Sénat se compose de parlementaires intelligents.
Soyons honnêtes : au bout du compte, il nous faudra prendre une décision difficile. Les ministres doivent venir, car ils ont pris une décision. Nous avons tout à fait le droit de les interroger, tout comme nous avons tout à fait le droit de demander à nos comités d’entendre les témoins qui le souhaitent, puis de prendre notre décision finale.
Chers collègues, je vous exhorte à appuyer la motion. Plus important encore, même si nous ne nous entendons pas forcément sur l’issue du projet de loi, j’espère que nous pourrons rester unis en tant qu’amis et collègues.
Merci.
Sénateur Yussuff, merci de votre intervention qui était fort pertinente.
Au cours des dernières semaines, j’ai eu l’occasion de côtoyer la mort de près — pas pour moi, mais pour des gens qui sont proches de moi. Vous l’avez bien dit : nous sommes souvent pris dans cette Chambre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, avec un délai à l’intérieur duquel on doit accepter des projets de loi. C’est ce qui m’indispose ici avec le délai des 17 et 30 mars. C’est une question fondamentale pour les Canadiens et Canadiennes, qui interpelle nos valeurs et qui nous touche profondément. C’est l’une des raisons qui me motivent à siéger dans cette Chambre : il s’agit ici d’adopter un projet de loi fort important qui a des impacts majeurs sur des êtres humains.
Est-ce que vous pensez qu’effectivement, l’article 3 du projet de loi permettrait au gouvernement de prolonger de 90 jours l’échéance que nous avons sur la table? Si c’est le cas, cela vient de changer la perspective quant à la possibilité d’étudier au mérite un projet de loi fondamental pour nos concitoyens et concitoyennes.
Premièrement, je vous remercie de votre intervention.
Je n’ai jamais été avocat même si j’ai obtenu un doctorat en droit dans deux universités.
En ce qui concerne le point soulevé plus tôt par mon collègue au sujet de l’article 3, je suis du même avis. Je pourrais me tromper. Lorsque les ministres ou, tant qu’à y être, les représentants du gouvernement se présenteront, nous pourrons leur demander des précisions.
Je suis du même avis que mon collègue : le gouvernement peut se donner une marge de manœuvre en ce qui concerne l’échéance du 17 mars.
Je cède mon temps de parole à d’autres qui souhaitent s’exprimer sur la question.
Je peux prendre un instant pour parler de certaines questions soulevées au sujet du gouvernement, car je pense que l’on pourrait en débattre longuement. Ils ont inclus ce que l’on appelle des « dispositions de coordination », qui servent essentiellement de mesure de protection, c’est-à-dire que si le projet de loi n’entre en vigueur qu’après le 17 mars, les dispositions seront traitées comme si le projet de loi avait été adopté avant la date d’échéance. C’est ainsi qu’ils protègent les gens.
Je signale que, suivant les nouvelles règles, le processus d’évaluation pour toute personne souhaitant recourir à l’aide médicale à mourir durerait au moins 90 jours. Rien ne se produirait à court terme. Certainement, rien ne se produirait dans cette enceinte. Avec l’amendement que suggère la sénatrice Moodie, rien ne se produirait. Il en a été prévu ainsi.
Ils ont inclus une mesure de protection. Il y a la double mesure de protection dans la manière dont fonctionne l’évaluation dans le régime d’aide médicale à mourir. Je vais laisser les autres intervenir dans le débat parce que j’ai déjà parlé.
Merci.
Je ne me permets pas souvent de parler spontanément dans cette enceinte, par crainte de ce que je pourrais dire. La bonne nouvelle pour vous tous, c’est que je souffre d’une terrible laryngite. Quelle que soit mon intervention ce soir, elle sera courte.
Nous sommes ici aujourd’hui à l’occasion d’un anniversaire tout à fait remarquable. Par pure coïncidence, c’est à cette date — le 12 février —, en 1994, que Sue Rodriguez, qui avait fait campagne avec tant de passion et d’ardeur pour l’aide médicale à mourir, a mis fin à ses jours avec l’aide d’un médecin anonyme.
Mme Rodriguez souffrait de sclérose latérale amyotrophique — ce que nous appelions à l’époque la maladie de Lou Gehrig — et s’est battue devant les tribunaux pour obtenir le droit de mettre fin à ses jours, même si elle n’était pas en phase terminale et même si sa mort n’était pas prévisible à court terme. Bien que la Cour suprême ait rejeté sa demande à cinq voix contre quatre, elle a néanmoins trouvé un médecin courageux qui s’est porté volontaire pour mettre fin à ses jours et à ses souffrances.
Par suite de la bataille juridique très médiatisée de Mme Rodriguez, la Cour suprême a plus tard statué, dans l’arrêt Carter, que l’aide médicale à mourir était un droit constitutionnel qui devait être accordé à tous les Canadiens si leurs souffrances leur étaient intolérables et irrémédiables.
En 2016, dans l’affaire E.F., la Cour d’appel de l’Alberta — pas nécessairement connue pour ses opinions très progressistes — a statué à l’unanimité que ces mêmes protections devraient être offertes aux personnes dont la principale cause de souffrance était la maladie mentale.
Cependant, nous ne sommes pas ici ce soir pour débattre de cette question. J’aimerais parler plus particulièrement de l’amendement proposé par la sénatrice Moodie et des raisons pour lesquelles je pense qu’il est important que nous tous dans cette enceinte l’appuyions, peu importe ce que nous pensons de l’aide médicale à mourir en soi.
Cependant, peu importe notre opinion au sujet de la proposition d’offrir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de troubles psychiatriques, que l’on soit farouchement contre ce projet de loi — comme le sénateur Plett l’a exprimé avec éloquence — ou en faveur de ce dernier — comme les sénateurs Ravalia et Kutcher l’ont exprimé avec éloquence —, nous sommes assurément tous d’accord pour dire que de ne pas soumettre le projet de loi C-62 à un examen rigoureux du Sénat constituerait une grave injustice pour quiconque a une opinion sur la question. Depuis des semaines, les Canadiens me font part de manière très éloquente et à juste titre du fait que notre système de soins psychiatriques au Canada est terriblement défaillant. Les gens qui souhaitent désespérément recevoir des soins psychiatriques ne peuvent pas en recevoir. Le nombre de psychiatres, de psychologues et de thérapeutes est insuffisant, tout comme le financement. Il y a des gens dans ce pays qui souffrent et qui veulent de l’aide pour aller mieux, mais qui ne peuvent en obtenir. Il y a également ceux qui ont eu accès à tous les types de traitement et de services de counseling, sans succès, et qui veulent mettre fin à leurs souffrances.
À aucun moment, le Sénat n’a donné la chance aux gens des deux côtés de la médaille de prendre la parole. L’amendement proposé par la sénatrice Moodie nous permettrait d’entendre leur voix, de dresser le portrait de la terrible crise qui sévit dans notre système de soins de santé mentale et, parallèlement, d’examiner les questions liées à la Charte qui relèvent de la compétence du Sénat.
On entend souvent dire à la blague que les sénateurs ne sont pas travaillants, que nous faisons partie d’un merveilleux club de retraités. Ce que propose la sénatrice Moodie, c’est que nous renoncions possiblement à une semaine de pause pour ceux qui sont membres de ces deux comités — le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles et le Comité des affaires sociales — ou alors que nous travaillions pendant que le Sénat siège et que les autres comités siègent.
En toute honnêteté, je pense qu’il faut convenir que la sénatrice Moodie en demande beaucoup. Elle demande beaucoup aux analystes et aux greffiers qui doivent réunir les témoins, convaincre des gens de venir parler d’une question hautement personnelle et troublante pour de nombreuses personnes. Il ne sera pas facile de respecter l’échéance proposée par la sénatrice Moodie. Faire revenir à Ottawa les sénateurs qui sont membres des comités pour qu’ils travaillent pendant une semaine de pause coûtera de l’argent. Je pense aux billets d’avion, aux hôtels et au personnel. La demande de la sénatrice Moodie n’est pas anodine. C’est beaucoup demander aux sénateurs qui siègent à ces comités, au personnel de ces sénateurs, au personnel des comités en question, aux interprètes et aux pages.
Toutefois, si nous ne sommes pas prêts à faire ce genre d’investissement dans ce dossier — qui porte sur les droits fondamentaux de la personne, sur les droits de ceux qui cherchent un traitement et ne peuvent pas en trouver un, ainsi que sur les droits de ceux qui veulent se reposer et souhaitent que l’État ne leur dise pas comment contrôler leur propre corps et qu’il ne s’ingère pas dans leurs relations avec leur médecin — je pense que nous pourrions être appelés à remuer ciel et terre pour que cela se produise.
La sénatrice Lankin a soulevé une question importante, et il est très important de rappeler que nous devons encore entendre les ministres. Je ne pense pas que l’amendement de la sénatrice Moodie vise à empêcher un comité plénier en bonne et due forme. Cependant, je pense que, peu importe ce que l’on pense de l’aide médicale à mourir en général ou de ce cas précis, nous nous devons, pour nous-mêmes et pour les Canadiens que nous servons, de délibérer de manière rigoureuse, adéquate et efficace. Je pense que je suis maintenant littéralement à court de voix, alors je vous remercie beaucoup de votre patience à mon égard.
Honorables sénateurs, je ne veux pas parler du fond du projet de loi C-62 parce que, comme la plupart d’entre vous, je suis très déchirée. Dans ma petite région rurale, nous n’avons pratiquement aucun service de santé mentale. Je me sens donc vraiment déchirée. En réalité, je serais plutôt en faveur du projet de loi C-62 qu’en sa défaveur à l’heure actuelle. Cependant, la question qui nous est posée concerne la tenue d’un comité plénier avec deux ministres. Nous procédons régulièrement de la sorte avant d’examiner un projet de loi. Cela ne m’inquiète donc pas.
Je dois dire que j’ai trouvé un peu difficile le fait que, tout à coup, nous ayons un amendement, mais c’est un amendement que je vais appuyer parce que, après avoir convoqué des ministres et avoir eu la possibilité de leur poser des questions, tous les sénateurs disposent au moins d’un minimum de renseignements, puis le projet de loi est renvoyé au comité. Personnellement, j’aimerais que nous procédions toujours de la sorte en ce qui concerne les projets de loi, c’est-à-dire que le ministre vienne témoigner devant nous tous pour parler de son projet de loi et répondre à nos questions, et qu’ensuite, le projet de loi soit renvoyé au comité pour que les sénateurs puissent l’examiner en profondeur, comme on l’a dit.
Essentiellement, l’amendement proposé par la sénatrice Moodie prévoit le dépôt d’un rapport au Sénat au plus tard le 27 février. D’accord. Cela nous donne toute une semaine de relâche pour travailler en comité. D’ailleurs, honorables sénateurs, on n’a peut‑être pas vu cela dans les dernières années, mais auparavant, nous avions des semaines de relâche consacrées aux travaux des comités, et les comités faisaient le nécessaire pour étudier les questions urgentes. Or, j’estime que cette étude préalable du projet de loi C-62 est une urgence.
Avant de conclure, je tiens à dire une autre chose également. Dans mon ancienne vie, à l’autre endroit, j’ai été coprésidente d’un comité mixte. C’est une catastrophe. C’était le cas à l’époque, et j’ai le sentiment que c’est toujours le cas aujourd’hui. Les sénateurs et les députés peuvent souhaiter faire le meilleur travail du monde, mais nous, les sénateurs, n’avons pas la même perception que celle des députés. Je pense qu’avant de convenir d’un autre comité mixte, nous devrions certainement avoir une sérieuse discussion, car si les sénateurs dans cette salle avaient fait leur propre étude sur cette question, nous ne serions pas ici ce soir. Nous ne serions pas en train de nous interroger sur une étude préalable. Tout cela aurait été fait. Nous serions en train de parler du fond de la question.
Honorables sénateurs, le processus est une bonne chose. Il y a une semaine, j’ai entendu dire que les ministres viendraient vers la fin du mois. Merci, sénateur Gold, de faire en sorte qu’ils viennent cette semaine. Chers collègues, j’appuie l’amendement et la motion. Merci.
Est-ce que la sénatrice Ringuette accepterait de répondre à une question?
Oui.
Sénatrice Ringuette, merci pour l’éclairage que vous apportez sur la question. Pouvez-vous identifier les conséquences négatives qui pourraient surgir si nous adoptons l’amendement de la sénatrice Moodie?
Je n’ai pas de boule de cristal, sénateur Cormier, mais le fait est que si nous adoptons l’amendement et la date butoir du 27, semaine durant laquelle le Sénat doit siéger, nous aurons quelques jours pour discuter du rapport des deux comités et prendre une décision. Éventuellement, d’ici ce temps, le projet de loi C-62 sera déposé au Sénat, qui pourra tenir un vote sur le projet de loi. Est-ce que cela répond à votre question?
Oui.
Honorables sénateurs, j’ai quelques remarques à formuler sur la manière dont nous sommes arrivés ici et sur la façon dont nous menons des discussions raisonnables et bien préparées.
Je rappelle aux gens — parce que certains ont laissé entendre dans mon dos que ce n’était peut-être pas le cas — que je suis en faveur de l’aide médicale à mourir depuis le début. J’ai appuyé l’accès à l’aide médicale à mourir pour les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale. J’ai soutenu les brillants efforts de leadership du sénateur Kutcher, qui nous ont mené à inclure l’amendement dans le projet de loi et à le faire accepter par la Chambre des communes. J’ai compris la raison de la première prolongation. Maintenant, je dois me prononcer sur le projet de loi C-62, dont l’objet est de déterminer s’il y aura une autre prolongation de trois ans.
Si des gens nous écoutent de chez eux, ils pourraient penser, en entendant bon nombre de nos discours ce soir, que le régime d’aide médicale à mourir est remis en question, et que l’adoption ou le rejet de cette mesure législative — ou celle-ci en soi — aura une incidence sur la loi fondamentale sous-jacente et les dispositions du Code criminel. Cependant, ce n’est pas le cas. L’adoption du projet de loi se traduirait par une prolongation de trois ans avant son entrée en vigueur.
Je veux que tout le monde comprenne que cette mesure a déjà été adoptée et qu’elle a force de loi; la question dont nous discuterons concerne la date d’entrée en vigueur. Bon nombre des commentaires que nous avons formulés au cours de ce débat sont d’ordre personnel et c’est également mon cas. Cette question a fait l’objet de discussions entre moi, mon mari et son médecin avant son décès. En décembre, j’ai appelé un certain nombre d’organismes — des prestataires de services communautaires en santé mentale et des dirigeants autochtones — uniquement en Ontario. Étant donné mon expérience en région, c’est ce point de vue qui m’intéresse.
Par ailleurs, j’ai été ministre de la Santé en Ontario et j’ai un point de vue particulier, dont je vous parlerai lorsque nous aborderons le projet de loi C-62. Il est important pour le processus tout comme les faits présentés par des cliniciens et d’autres personnes qui élaborent et proposent des politiques. C’est ce qui constitue le processus de gouvernance démocratique. Je m’oppose vraiment à certains commentaires qui ont été faits sur certains politiciens et bureaucrates. Nous faisons tous partie du processus d’élaboration de la politique. On ne peut pas mettre en œuvre une politique en se fondant uniquement sur le point de vue des cliniciens; nous devons comprendre cela.
Nous devons aussi nous demander ce que cela signifie lorsque des cliniciens sont en désaccord. Nous y viendrons dans notre étude du projet de loi C-62, mais qu’est-ce que cela signifie lorsque le Centre de toxicomanie et de santé mentale ou les directeurs des services de psychiatrie ou l’Association canadienne pour la santé mentale ont des points de vue différents de ceux de certains cliniciens de renom ou de certains autres témoins que nous avons entendus au Sénat?
Je ne crois pas que ce soit « nous » contre « eux », mais j’ai été très décontenancée ce soir parce que c’est exactement ce que j’ai ressenti au début de tout cela. Tout à coup, il y avait un amendement dont personne n’avait été mis au courant. C’est très inhabituel. Parfois, sénateur Plett, c’est une méthode utilisée par l’opposition. Je comprends pourquoi et comment cela se fait et pourquoi il est possible que nous ne soyons pas mis au courant. Par contre, je n’aurais jamais cru que, dans le nouveau Sénat réformé — la réforme est en cours —, qui met l’accent sur l’indépendance des sénateurs et nos relations les uns avec les autres, et dans un débat sur un sujet aussi important, les collègues ne soient pas avisés de cet amendement — sauf quelques rares sénateurs triés sur le volet, apparemment. Je trouve cela très étonnant et décevant dans un contexte où nous sommes censés échanger. Ce n’est pas ce à quoi je m’attendais de la part de collègues. Le reste d’entre nous sont censés participer au débat sans avoir le temps de réfléchir ou de répondre.
Je n’ai pas de notes. J’ai griffonné quelques trucs en écoutant certains d’entre vous.
Ma préoccupation au sujet de la proposition du comité est la date à laquelle le rapport doit être présenté. Voilà ce qui me préoccupe. Je ne m’oppose jamais à ce qu’un comité tienne des audiences. En fait, il se pourrait que j’assiste aux audiences parce qu’elles me concernent personnellement et professionnellement. Dans l’exercice de mes fonctions au Sénat, l’un des premiers projets de loi sur lesquels j’ai travaillé quand je suis arrivée ici était celui sur l’aide médicale à mourir.
Je suis très préoccupée par la date limite. J’ai entendu deux arguments. Premièrement, il reste une semaine entière pour examiner le projet de loi avant notre départ, et il faut le renvoyer à l’autre endroit au plus tard le 27 février. Toutefois, supposons que nous soyons le mardi 27 février au Sénat. Cette semaine-là, il reste une séance le mercredi et une séance le jeudi avant la relâche scolaire de mars et une pause de deux semaines. Lorsque nous reviendrons à la fin de cette période, nous aurons dépassé la date limite du 17 mars, et cette disposition entrera pleinement en vigueur dans sa forme actuelle, sans qu’il soit possible d’obtenir une prolongation ou un délai pour nous assurer que nous sommes prêts. Je suis très préoccupée par ces arguments en tant qu’ancienne ministre de la Santé. Encore une fois, nous en parlerons à ce moment-là.
Cette date me préoccupe beaucoup, et j’espère que ceux qui ont rédigé et proposé cette motion comprennent ce qu’ils mettent en péril. J’ai entendu les arguments en réponse à ces observations. C’est ce que la sénatrice Wallin a appelé, je crois, une disposition de coordination. J’ai essayé de faire un peu de travail pendant que nous siégions pour avoir une vue d’ensemble, et je crois comprendre que la loi entrerait pleinement en vigueur le 17 mars.
Si le projet de loi C-62 est adopté, il s’appliquera rétroactivement — je pense que c’est ce que les gens ont dit, en d’autres mots, mais d’après ce que je lis, je pense que c’est ce que cela signifie. Après le 17 mars, il y aurait une période où les gens pourraient présenter une demande, où on pourrait faire des démarches en leur nom. Il faudrait que les systèmes de santé soient en mesure de commencer à réagir à ce processus, et les responsables de bon nombre de ces systèmes — comme nous l’avons vu dans les lettres — ont dit clairement que les provinces et les territoires ne sont pas prêts. C’est un point de débat, et nous y reviendrons lorsque nous arriverons au projet de loi C-62.
Cependant, si ces provinces ne sont pas prêtes à agir pendant cette période, si les gens pensent qu’ils peuvent présenter une demande et que cette possibilité est ensuite retirée parce qu’il y a une autre prolongation, cela créera de la confusion.
Donc, à ce moment-ci, je le répète, parce que je ne savais pas que cette proposition allait être présentée, je n’ai pas été en mesure de parler à la sénatrice Moodie ou à d’autres personnes pour établir s’il existe une meilleure approche. Je pense vraiment que, s’il y a une volonté sincère d’entendre des témoins dont les points de vue n’ont pas encore été entendus... J’ai lu le rapport du comité, consulté le rapport dissident à ce rapport, ce qui m’a obligée à consulter les mémoires. Toutes ces démarches font partie de notre travail. Nous ne demeurons pas les bras croisés en attendant le débat en Chambre.
J’aimerais vraiment que la date soit repoussée afin de reporter le débat, du moins, que la proposition soit déposée et reportée avant notre retour le 27 février afin que nous puissions consulter la documentation. Ensuite, il faudrait soumettre la question à un débat. Je ne sais pas pourquoi une sénatrice me regarde en faisant non de la tête. Je ne décode pas son langage corporel, alors je vais simplement poursuivre avec mes réflexions.
Madame la Présidente, combien de temps me reste-t-il?
Cinq minutes 51 secondes.
Cinq minutes. D’accord.
À mon avis, le chaos qui peut être créé par ceux qui prétendent qu’on peut facilement faire fi de la date du 17 mars n’est pas une bonne chose. C’est un manque de respect à l’égard des personnes qui attendent cette date — on a déjà parlé d’elles et de leur situation personnelle — et de tout l’éventail des prestataires et des cliniciens. J’ai récemment reçu des lettres de professionnels de la santé du système de l’aide médicale à mourir qui n’ont pas encore reçu de formation. Je crois donc que quelques jours de plus seraient nécessaires.
J’aimerais que mes collègues me disent s’il existe un moyen d’élargir les audiences afin d’entendre ceux qui, à leur avis, n’ont pas été entendus ou reconnus, ainsi que des représentants d’organismes tels que le Centre de toxicomanie et de santé mentale, entre autres, qui sont très importants et qui affirment ne pas être prêts. N’oublions pas que tout ce dont il s’agit, en l’occurrence, c’est de déterminer s’il devrait ou non y avoir un report à ce stade‑ci.
Je me demande donc s’il est possible de repousser cette date et de prévoir un nombre raisonnable d’audiences et de témoins tout en respectant l’échéance du 17 mars et en tenant compte des répercussions bien concrètes sur la vie des gens dont vous avez parlé avec éloquence et justesse... C’est aussi leur vie que nous plongeons dans le chaos avec cette valse-hésitation. Encore une fois, nous n’avons pas eu le temps de nous préparer. En tant que groupe composé principalement de sénateurs indépendants, nous n’avons pas eu la chance de réfléchir à cette question, de faire des suggestions ou de préparer un autre sous-amendement. Je le déplore. À mon avis, ce n’est pas une bonne chose dans le cadre de notre réforme.
Cependant, en ce qui concerne cette motion en particulier, je pense que la tenue d’audiences par le comité est une bonne idée. Je pense que la date compromet l’entrée en vigueur de la disposition existante et qu’il y a un risque que les gens commencent à se demander si elle devrait de nouveau être retirée pendant la période d’attente. Donc, je pense que la façon dont le tout a été rédigé pourrait avoir une conséquence qui n’était peut-être pas intentionnelle, et je suis navrée si c’était, en réalité, intentionnel. J’ose le dire, et j’aimerais que les auteurs puissent trouver un moyen de rapprocher la date du dépôt du rapport afin que ce dernier ne soit pas victime des allégations évidentes selon lesquelles on a agi ainsi pour créer une situation dans cette enceinte. La disposition de la loi actuelle entrera en vigueur avant que nous puissions terminer le débat pour établir s’il devrait y avoir une prolongation ou non.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénatrice Lankin? Merci. Je crois que nous cherchons tous à bien évaluer l’amendement et les renseignements à notre disposition ce soir afin de choisir la voie à suivre.
Je vous pose la question que voici en ayant à l’esprit que des gens, des amis très chers, nous regardent actuellement à la télévision et se demandent désespérément quelle sera la direction choisie. Nous le savons tous, je crois, désespérément.
Je souhaite simplement préciser ce que vous avez dit à propos de la relâche de mars, des dates et ainsi de suite. Proposiez-vous que les audiences et le rapport soient entre les mains des sénateurs un jour, je crois, avant que nous nous retrouvions en groupe — la dernière fois où nous reviendrons avant le 17 mars?
Je ne comprends pas la question. Désolée.
Vous avez dit souhaiter voir le rapport avant que nous arrivions ici. Il me semble que vous avez bien dit « avant que nous arrivions ici ». Quelle date aviez-vous en tête?
Je viens de consulter le calendrier du Sénat. On donnerait au comité l’autorisation — ou l’instruction — de se réunir plus tard cette semaine et la semaine prochaine, et de présenter son rapport le 27 février, soit le mardi suivant. J’aimerais que le rapport soit produit d’ici le 23 février. Ensuite, les 24, 25 et 26 février, les sénateurs qui ont suivi ce projet de loi et qui ont travaillé dans ce dossier à bien des égards pourraient se pencher là-dessus et seraient ainsi prêts à commencer le débat le 26 ou le 27 février. Nous pourrions ainsi avoir quelques jours pour débattre du projet de loi C-62 à l’étape de la troisième lecture et en terminer l’étude avant la pause du mois de mars.
Tout d’abord, je tiens à remercier tous les sénateurs des discours qu’ils ont prononcés ce soir. Ils soulignent vraiment l’importance de la rigueur. Je pense que nous sommes sur cette voie.
Sénatrice Lankin, s’il entre en vigueur le 17 mars, l’article — si je comprends bien, c’est l’article 3 — fait comme s’il était entré en vigueur pourvu qu’il ait été adopté. Si l’on ajoute à cela la période d’attente de 90 jours, ce n’est pas le chaos. N’êtes-vous pas d’accord pour dire que nous devons respecter la procédure établie?
Sénatrice Lankin, il ne reste plus de temps. Souhaiteriez-vous...
J’ai entendu un « non ».
Je n’avais pas prévu d’intervenir dans ce débat et je dois dire d’emblée que la situation est délicate pour moi, puisque je suis facilitatrice d’un groupe dont les membres — je crois — ont des vues différentes face à cette question.
J’interviens — et j’insiste pour le dire — à titre de sénatrice individuelle qui a aussi un droit de parole.
On nous présente cet amendement comme un amendement de nature procédurale, et on insiste sur le fait que la procédure qui a été suivie dans ce dossier au Sénat a beaucoup de lacunes.
On évite trop souvent de dire qu’un comité mixte, qui est un comité qui représente les deux Chambres, étudie cette question depuis longtemps. On a tous le devoir de lire le rapport majoritaire du comité mixte ainsi que les quatre rapports dissidents, qui sont tous accessibles. Toutefois, nous n’avons pas tous eu l’occasion directe, à titre de sénateurs, de poser des questions et, encore une fois, on nous propose qu’un certain nombre de sénateurs soient nommés à deux comités dont la majorité ne sont pas membres.
Donc, au moment où l’on arrive à quelques jours d’une échéance avec une clause crépusculaire, encore une fois, on recommande qu’un petit groupe nous conseille sur une question pour laquelle nous avons maintenant un projet de loi à étudier. Cet aspect m’inquiète sur le plan procédural, car je me demande jusqu’où l’ensemble du Sénat sera bien éclairé de manière objective.
J’essaie de ne pas répéter, dans cette intervention, ce que d’autres sénateurs avec qui je suis d’accord ont dit, mais il y a un aspect sur lequel je veux insister et qui ne semble pas avoir été couvert : l’équité et l’impartialité du processus suivi par les deux comités, si cet amendement est adopté ce soir.
J’ai entendu beaucoup de voix qui appuient l’idée de recevoir des témoins qui ne sont pas d’accord avec le projet de loi — nous le savons — et avec le prolongement du délai de trois ans. Est-ce que nous aurons le temps, la volonté et les conditions nécessaires pour que les deux comités, si la motion est adoptée, puissent recevoir des témoins qui seraient choisis, afin que nous ayons à la fois le pour et le contre, donc dans un contexte d’équilibre?
Mon deuxième point — je sens que certains seront choqués que je le dise, mais je le dis, parce que je le pense —, c’est que le mot « advocacy » a été beaucoup utilisé ce soir. Doit-on être des advocates ou doit-on en recevoir comme témoins? Cela me pose un problème solide, un problème de fond. Je me demande s’il y a, derrière une présentation de procédure ou de méthode que l’on souhaite améliorer, des intentions sous-jacentes. J’aimerais qu’on soit clair sur ces intentions.
Sont-elles, par la force des choses, d’en arriver avec un rapport qui recommanderait tardivement des amendements, auquel cas on devra tenir compte — et on a beaucoup parlé de calendrier — du fait que la Chambre des communes et nous avons deux semaines de relâche en mars? N’y a-t-il pas un risque, par une voie détournée, de faire en sorte que la clause crépusculaire s’éteigne et que les dispositions de l’aide médicale à mourir pour les personnes dont la seule condition est de souffrir de problèmes de santé mentale deviennent en vigueur?
On parle beaucoup de partenaires et de personnes vulnérables concernées. Personne ne doute que les personnes vulnérables seraient admissibles si l’aide médicale à mourir était en vigueur pour les personnes dont la seule condition d’admissibilité est liée à leur santé mentale. Ce n’est pas la question que nous devons étudier actuellement. Je suis inquiète de savoir que nous pouvons, en retardant le processus, faire en sorte que la clause s’éteigne et que l’aide médicale à mourir soit accessible immédiatement.
Pour conclure, en plus du souci dont je vous ai fait part au sujet du rapport que nous recevrons et qui, souhaitons-le, sera équilibré et non partial, j’ai une autre considération : celle du point de vue des gouvernements provinciaux et territoriaux et le rôle qu’ils jouent dans la gestion de la santé. On a dit que le Sénat était indépendant de la Chambre des communes. C’est bien clair, mais certaines présentations que j’entends me donnent l’impression qu’on croit que le Sénat est supérieur à la Chambre des communes. C’est un grave problème.
J’espère que les gouvernements des provinces et des territoires, qui sont aussi responsables de la gestion de la santé, pourront être entendus ou qu’on tiendra compte des opinions qu’ils ont déjà émises face à la mise en œuvre immédiate et à la capacité actuelle des différents réseaux de fournir ce service partout au Canada dans un contexte sécuritaire et de qualité.
Voilà donc pourquoi je crois que cet amendement présente beaucoup de risques que l’on ne mesure peut-être pas. Encore une fois, personnellement, j’ai les plus grandes réserves. Merci.
Sénatrice Saint-Germain, les sénateurs ont peut-être l’impression que, en tant que médecin, j’ai une certaine position. J’ai également des difficultés. Ma position sur l’aide médicale à mourir s’est également considérablement assouplie. J’essaie aussi de comprendre où nous devons nous positionner à l’heure actuelle. Commençons par cela.
Quant à ma proposition, l’une des choses que nous avons envisagées — je suis sûre que vous en êtes consciente — est la suivante : si, avec cet amendement, nous réclamons une étude préalable de deux comités, n’est-il pas vrai que le rapport d’une étude préalable n’a pas d’incidence sur le retour du projet de loi au Sénat et son dépôt dans cette enceinte? Cela ne change rien au fait que le Sénat puisse ou non passer de la deuxième lecture à la troisième lecture, puis au vote. N’est-il pas vrai que le Sénat est maître de son propre emploi du temps, en dépit de la situation du rapport d’étude préalable? Par conséquent, n’est-ce pas une garantie qu’en cas de retard dans l’étude préalable, le Sénat pourrait poursuivre son travail en respectant son propre emploi du temps?
Vous avez raison, sénatrice, et je vous remercie de votre intervention. Il est vrai qu’une étude préalable ne mène pas à une conclusion, mais ne convenez-vous pas que tout sénateur serait alors en mesure de présenter n’importe quel amendement au projet de loi C-62?
Je formulerais la question ainsi : cela ne se serait-il pas produit de toute façon?
Cela se serait produit plus tôt et plus rapidement, de sorte que nous puissions mettre aux voix rapidement et de façon démocratique un projet de loi doté d’une disposition de caducité.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Merci, sénatrice Saint-Germain, de vos observations.
Depuis que je suis arrivé au Sénat, un certain nombre de projets de loi à l’étude ont fait l’objet de propositions d’amendement dont nous n’avions peut-être pas tous été avisés. Vous remettez en question la recevabilité de l’amendement étant donné que nous n’en avons pas été avisés. Je précise que la situation s’est déjà produite auparavant.
Au sujet de l’étude préalable, je me souviens que celle sur la teneur du projet de loi C-11 avait soulevé un grand débat, et pourtant, nous avons procédé à cette étude préalable. Je crois également comprendre que nous avons procédé à l’examen du projet de loi.
Mon interprétation de ce que nous entendons ce soir diffère légèrement de la vôtre. Ce que j’entends, d’un côté comme de l’autre, concerne non seulement le degré de difficulté et d’émotion afférent à cette décision, mais également la réalité comme quoi nous cherchons à obtenir plus d’information pour être mieux en mesure de prendre une décision. Cependant, je n’entends pas que les comités auront pour directive de n’entendre les arguments que d’un seul camp.
D’après mon expérience limitée, je crois comprendre que les comités directeurs aideront à orienter les travaux et à indiquer quel type de témoins il convient de faire comparaître. J’ose espérer que les comités feront leur travail et qu’ils permettront d’entendre des témoins des deux camps, et pas uniquement des représentants des minorités dont nous avons parlé ce soir, et qui sont très importantes. C’est quelque chose qui me semble avoir déjà été évoqué par le passé. Seriez-vous d’accord avec ce résumé de la situation?
Si je comprends bien votre question, vous souhaitez savoir si je pense que la démarche qui consiste à charger le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales d’effectuer cette étude est équitable, et si les groupes de témoins choisis seront représentatifs. Je dirais que oui.
N’est-il pas correct de dire que la question qui nous est posée n’est pas de savoir si les gens vulnérables souffrant de problèmes de santé mentale auront accès ou non à l’aide médicale à mourir? La réponse est oui, ils y auront accès. La date est reportée à 2027. La question n’est-elle donc pas plutôt de savoir, par rapport à cette réalité, si nous sommes prêts au pays à considérer cette possibilité pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale?
Dans cette perspective, ne pensez-vous pas que c’est quelque chose qui est long à vérifier et que, justement, si le projet de loi était adopté, cela nous permettrait de mesurer, au fil du temps, la rapidité avec laquelle les Canadiens sont prêts à montrer cette ouverture?
Vous soulevez un aspect important. Les gouvernements des provinces et des territoires ont récemment fait part de leur point de vue et ont tous écrit au gouvernement fédéral; c’est extrêmement important dans le cadre de la mise en œuvre de la loi. Bien sûr, nous ne pouvons pas prendre une décision à la légère qui, par exemple, amènerait la mise en œuvre immédiate de cette mesure sans qu’il y ait des conséquences. À mon avis, le processus des deux comités doit être extrêmement rigoureux. Personnellement, je suis d’avis que le temps nous est compté et je doute que nous puissions faire un travail solide dans ce contexte.
Merci, sénatrice Saint-Germain, de votre intervention. Merci à vous et à tous les leaders d’avoir incité le gouvernement à organiser ce comité plénier très important auquel nous avons hâte de participer cette semaine; je pense que c’est le cas de chacun d’entre nous.
Lorsque vous avez pris ces dispositions, pensiez-vous qu’il s’agirait de la seule occasion pour le Sénat de débattre de cet important projet de loi? De mon point de vue, même si j’ai hâte d’y participer, et je sais qu’il sera très enrichissant, c’est insuffisant. Êtes-vous d’accord pour dire que c’est le cas? Aviez-vous l’intention de vous en tenir au comité plénier, ou pensez-vous que nous devrions en faire davantage, comme le propose cet amendement?
Je vous remercie de cette question. En fait, ce ne sera pas la seule occasion. Comme pour tous les projets de loi, nous aurons une étude à l’étape de la deuxième lecture, puis une étude à l’étape la troisième lecture. L’une de mes préoccupations, c’est que l’amendement va nous empêcher d’étudier le projet de loi — je parle de ceux qui ne sont pas membres du Comité des affaires juridiques et du Comité des affaires sociales — avant notre retour de la semaine de relâche.
Supposons qu’il y ait des amendements par la suite. Par respect pour les gens de l’autre endroit, nous n’aurons pas le temps de revenir là-dessus. Ils seront pressés à ce moment-là. C’est pour cela que cet amendement me pose problème sur le plan de la procédure.
Vous attendiez-vous à ce qu’on puisse étudier le projet de loi autrement qu’en comité plénier, ou aimeriez-vous qu’on puisse le faire? Je ne vous ai pas entendu répondre à cette question.
Nous aurons donc la séance en comité plénier, qui s’ajoutera aux étapes de la deuxième et de la troisième lectures au Sénat. Tous les sénateurs qui souhaitent prendre la parole auront l’occasion de le faire.
Je rappelle aussi que tous les documents du comité mixte sont à notre disposition, y compris les rapports dissidents. Nous pouvons nous adresser aux sénateurs qui siégeaient à ce comité pour obtenir plus de renseignements. Ils prendront la parole pendant les débats. Nous pourrons leur poser des questions.
Le délai est très serré. C’est pourquoi je suis vraiment préoccupée par cette proposition. Je crains qu’elle vienne, une fois de plus, retarder l’étude du projet de loi au Sénat en plus de nous priver de précieux jours de séance pour travailler sur ce dossier.
Je dois avouer que je suis surpris d’entendre dire que nous ne devrions pas étudier un projet de loi alors qu’il est question de vie ou de mort. J’ai sous les yeux — et j’aimerais avoir votre avis à ce sujet — le résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement. Je vais en lire une partie pour que nous puissions nous livrer à une réflexion à son sujet.
Le troisième article prévoit une autre voie législative pour prolonger l’exclusion temporaire de l’admissibilité à l’AMM TM-SPMI, au cas où le projet de loi C-62 ne recevrait pas la sanction royale avant l’entrée en vigueur de la disposition de temporisation le 17 mars 2024. Dans ce cas, l’article 3 viendrait modifier directement le Code criminel de manière à remettre la disposition interdisant l’AMM TM-SPMI, avec une nouvelle disposition de temporisation qui prendrait fin le 17 mars 2027.
Nous l’avons tous reçu. Je pense que nous comprenons tous ce que cela signifie. Cela ne signifie pas que nous ne devrions pas procéder à une étude préalable approfondie du projet de loi. Je ne comprends pas — et peut-être pouvez-vous m’aider à comprendre — pourquoi vous soutenez que si nous faisons une étude préalable, nous ne faisons tout simplement pas notre travail. C’est un argument que j’ai du mal à comprendre.
Essentiellement, mon argument n’a rien à voir avec le fait d’être pour ou d’être contre l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé invoqué est une maladie mentale. Personnellement, je suis pour cet élargissement.
Ce n’est pas ce que je dis. L’argument que j’invoque, c’est que les provinces — qui sont responsables de la gestion du système de santé —, disent qu’elles ne sont pas prêtes. Quelles seraient les conséquences si nous insistions pour que l’élargissement se fasse maintenant alors que le service n’existe pas ou qu’il n’est pas de bonne qualité?
Je sais que les opinions ici divergent — je respecte les opinions de chacun; ce n’est pas le point —, mais, présentement, je crains que nous ne prenions pas l’entière mesure des conséquences de ce qui est proposé. Au bout du compte, il est possible que nous arrivions au 16 mars et que les provinces ne soient pas prêtes à mettre en œuvre la nouvelle mouture du régime d’aide médicale à mourir et je ne crois pas que cela respecte le principe de la prudence. Il est à mon avis très important pour le bien de ces personnes vulnérables que nous prenions toutes les précautions nécessaires pour qu’elles reçoivent les excellents services, les importants services médicaux dont elles ont besoin.
Je suis tout à fait d’accord avec vous : nous devons établir si les provinces nous disent qu’elles sont prêtes. Le comité mixte n’a jamais entendu de ministres ni de représentants des provinces. Il a entendu des fournisseurs de soins, qui ont dit qu’ils étaient prêts.
Il y a une énorme contradiction. Il faut tirer les choses au clair. Nous ne pouvons pas laisser les Canadiens... Vous n’êtes pas d’accord? Les dirigeants de certaines provinces disent une chose alors que d’autres personnes de la même province disent tout à fait le contraire. Ne croyez-vous pas que nous ne ferions pas preuve de diligence si nous n’allions pas au fond des choses?
Sénateur Kutcher, à ce sujet, je dois vous dire qu’aucun de ces comités n’entendra de ministres ou de représentants de gouvernements, ni fédéral ni provinciaux. Les relations entre le fédéral, les provinces et les territoires ne fonctionnent pas ainsi.
Nous connaissons — ils sont publics — les points de vue de tous les gouvernements du Canada, des ministres de la santé — et il y a les témoins —, et de nombreux organismes de réglementation. Mais les organismes de réglementation ne gèrent pas les politiques et les services de santé des provinces et des territoires.
Si c’est un élément essentiel, nous n’allons pas le régler avec l’amendement proposé, puisqu’aucun des comités n’entendra de représentants de gouvernements provinciaux.
La sénatrice Saint-Germain accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Sénatrice Saint-Germain, avec tout le respect que je vous dois, je ne pense pas que les comités seront dans l’impossibilité d’entendre des représentants de gouvernements provinciaux ou territoriaux parce qu’ils en ont déjà entendu. Le Comité sénatorial de la défense a entendu le premier ministre du Yukon au sujet de la défense et de la sécurité dans l’Arctique. Cette question est d’une grande importance pour moi parce que, dans mon souci d’examiner le projet de loi pour bien le comprendre, j’ai parlé avec le fournisseur d’aide médicale à mourir du Yukon — de notre petite population —, et il m’a assuré que le Yukon est effectivement prêt. Il ne comprend pas pourquoi la ministre de la Santé a signé cette lettre. Il me semble que la question s’est enlisée dans la politique.
Avant que je ne prenne une décision à ce sujet... S’il y a bel et bien un enjeu politique et que l’on entend s’appuyer sur le secret du Cabinet, tant pis. Cependant, il n’y a qu’un seul vote au Sénat pour le Yukon. Je dois faire le bon choix non seulement pour ma conscience, mais aussi pour les minorités que je représente. J’ai besoin de connaître tous les tenants et les aboutissants. Je crois vraiment que cette étude préalable est nécessaire et je pense que nous sommes en droit de convoquer qui nous voulons. Personne n’est obligé de répondre à la question, mais nous avons le droit de la poser.
N’êtes-vous pas d’accord?
Je vous remercie de votre commentaire. Je ne serai d’accord avec vous, sénatrice, que si les deux comités invitent la ministre de la Santé du Yukon et que la ministre comparaît.
Honorables sénateurs, je vais tenter de ne pas être aussi émotif que je l’ai été tout à l’heure et de parler de la motion, et non du projet de loi. Nous avons eu droit à beaucoup d’interventions sur l’une comme sur l’autre aujourd’hui. Beaucoup de gens ont parlé des avantages du projet de loi, de qui a été ou non entendu et de qui est ou non représenté. Toutefois, je tiens à ce qu’au moins certaines choses soient consignées au compte rendu, Votre Honneur.
D’entrée de jeu, la sénatrice Lankin a demandé à la sénatrice Wallin s’il y avait eu une entente entre les leaders et pourquoi elle n’appuierait pas la formation d’un comité plénier. Je ne pense pas que la sénatrice Lankin ait obtenu une réponse et, bien sûr, j’ai eu l’impolitesse de dire que son temps de parole était écoulé et qu’elle ne pouvait pas poser d’autre question. Si je l’avais laissée poursuivre assez longtemps, elle aurait éventuellement pu arracher la réponse à la sénatrice Wallin, mais elle n’y est pas arrivée dans le temps qui lui était imparti. Pour répondre à la question de la sénatrice Lankin, je tiens à préciser que, oui, il y a eu une entente entre les leaders, cinq leaders. Cinq leaders ont convenu que nous formerions un comité plénier.
Chers collègues, ce n’est pas la première fois que nous étudierions un enjeu crucial en comité plénier parce que le temps nous manque. Ce n’est pas la première fois que le gouvernement actuel nous renvoie un projet de loi à la dernière minute. J’ai souvent dénoncé ce genre de situation, comme je le fais encore cette fois-ci. Les leaders pourront témoigner de ma grogne et de mon mécontentement. Je me suis d’ailleurs bien expliqué au sénateur Gold à ce sujet. C’est toutefois la réalité qui est la nôtre en ce moment.
L’une des raisons, bien sûr, est que le comité mixte a fait un travail considérable. Les membres de ce même comité se font dire maintenant que le comité n’a pas fait du bon travail. Ces gens siégeaient à ce comité. Ils auraient dû voir à ce qu’il fasse du bon travail. Un projet de loi a été adopté ici très récemment — et je ne pense vraiment pas que le projet de loi sur les armes à feu soit aussi important qu’un projet de loi qui traite clairement du suicide assisté, mais néanmoins —, et je ne pense pas que le comité ait fait un excellent travail à cet égard parce que j’ai perdu la bataille. Cependant, quand on perd, on finit par accepter le fait qu’on a perdu. Il y a environ un mois, nous avons eu des débats très passionnés sur un projet de loi concernant la taxe sur le carbone pour les agriculteurs. Je ne pense pas que la façon dont nous avons perdu est juste, mais nous avons perdu. Vous ne m’avez pas entendu le mentionner de nouveau au Sénat. Vous ne m’avez pas entendu dire que nous devrions revenir sur cette question. J’ai accepté le fait que nous aurons un bon gouvernement d’ici la prochaine année ou année et demie et que nous ferons les choses correctement. Toutefois, au moins d’ici là, je vais laisser tomber.
Dans le cas présent, toutefois, il s’agit clairement d’une entente entre les leaders. Je sais que de nombreux sénateurs disent : « Nous sommes indépendants et aucun leader ne parle en notre nom. » Eh bien, vous avez élu une personne pour faire des choses en votre nom. Je ne suis pas certain de quoi il s’agit. Toutefois, les sénateurs Gold, Saint-Germain, Cordy et Tannas — oui, ardents membres du Groupe des sénateurs canadiens, le sénateur Tannas était là — ont tous convenu de former un comité plénier, et nous avons convenu de ne pas avoir recours à une autre méthode par manque de temps.
Puis, nous avons reçu une lettre. Je ne vais pas la lire au complet, même si je ne pense pas qu’elle est de nature confidentielle — en tout cas, elle ne porte pas la mention « confidentiel ». Elle a été rédigée par deux sénateurs à l’intention des cinq leaders. Le sénateur Kutcher nous a déjà remerciés de lui avoir accordé du temps de parole parce qu’il a dû se rendre à l’urgence sur les conseils du sénateur Ravalia. Bien entendu, c’est indiqué dans cette lettre. Toutefois, une autre partie de cette lettre dit ceci :
Le sénateur Kutcher est en route vers l’urgence pour soigner sa maladie à la suggestion du sénateur Ravalia. D’autres sénateurs, comme la sénatrice Osler, sont également malades.
En fait, la sénatrice Osler a passé toute la journée de jeudi au Sénat.
La lettre se poursuit ainsi :
Nous croyons qu’il est essentiel qu’on nous accorde tous la possibilité d’intervenir au sujet de ce dossier très important mardi.
Nous savons tous ce qui se passe le jeudi. Je vais paraphraser. Trop de sénateurs ne veulent pas rester ici très longtemps le jeudi. Ils veulent prendre l’avion pour rentrer chez eux juste après le dîner.
Un trop grand nombre de nos collègues devront quitter…
… ce n’est pas devront, mais voudront quitter…
… et puis il y a ceux qui sont malades. Nous vous demandons donc à tous, en tant que dirigeants, de reporter cet important débat à mardi, et nous nous engageons à ce qu’il y ait un vote ce jour-là.
Il est vrai qu’il y aura probablement un vote aujourd’hui, à moins que nous ne le reportions. Néanmoins, si nous ne le reportons pas, il y aura bien un vote. Cependant, nous étions d’avis que cette promesse signifiait que la question serait réglée aujourd’hui. On ne nous a pas avisés. La sénatrice Lankin a dit à quelques reprises qu’elle avait été prise de court. On ne nous a pas dit qu’il y aurait un amendement. On nous a dit de nous engager à tenir un vote. Nous pensions qu’il s’agissait d’un vote en comité plénier. Nous avons demandé s’il y avait un amendement. Le sénateur Gold a dit: « Je l’ignore. Il y en a peut-être, mais, s’il y en a un, je ne sais pas ce que c’est. »
Sénatrice Lankin, en tant que leaders, nous ne le savions pas non plus. Aujourd’hui, lorsque j’ai lu le plumitif, nous avons vu que la sénatrice Moodie allait peut-être présenter un amendement. Nous n’avions aucune idée de ce que c’était.
Je le répète, il y a eu une entente. Nous nous sommes entendus parce que le sénateur Gold nous a demandé d’envisager de faire quelque chose pour permettre la tenue de ce débat afin que tout le monde puisse y participer et que nous n’ayons pas à le tenir le jeudi. Nous avons proposé de siéger le lundi. Chers collègues, c’est la raison pour laquelle nous sommes tous ici un lundi : nous voulions éviter d’avoir ce débat le mardi et donner au ministre suffisamment de temps pour répondre aux questions.
Défendre le sénateur Gold ne fait pas partie de mon travail, et je ne le fais pas habituellement à la période des questions, mais il nous a garanti la présence du ministre de la Justice. Il a précisé que le ministre de la Santé ne serait pas en mesure d’être ici à cause de son horaire de déplacement. Le reste de mes collègues leaders du Sénat et moi avons dit que le ministre n’avait qu’à changer son horaire. Il pourrait monter à bord d’un avion du gouvernement. Il pourrait partir de n’importe où au Canada et se présenter devant le comité plénier, bon sang, ou nous pourrions ne pas nous former en comité plénier. Pour ma part, je ne voulais pas de cette entente, et les autres non plus. Le sénateur Gold a dépensé tout son capital politique pour s’assurer que le ministre de la Santé se présenterait devant le comité plénier afin que nous puissions tous lui poser des questions.
On nous dit maintenant que ce n’est pas suffisant parce qu’on n’a pas demandé aux bonnes personnes leur avis sur la question. Or, un comité mixte a étudié la question en profondeur. Une fois de plus, certains sénateurs n’aiment pas le résultat de cette étude. Je ne vais pas le cacher, j’aime ce résultat et, en fin de compte, je voterai en faveur du projet de loi C-62, si jamais nous le soumettons au vote. Cependant, encore une fois, ce n’est pas de cela qu’il s’agit.
Je veux entendre ce que le ministre a à dire. Je veux lui poser des questions. S’il y a des réunions de comité, nous y participerons et nous poserons des questions. Cependant, jusqu’à présent, les personnes qui ont demandé ces réunions de comité n’ont parlé que d’un seul aspect de la question, laissant entendre que seules les personnes qui demandent le suicide assisté n’ont pas été entendues. Il n’y a pas eu de juste équilibre dans cette partie de la discussion, et c’est pourquoi je me suis un peu laissé emporter par émotions lorsque j’ai posé une question au sénateur Ravalia.
Il y a l’autre côté de la médaille. De combien de temps allons-nous disposer? Combien de témoins allons-nous entendre dans les quelques jours qui nous séparent du 27 février?
Il n’y a aucune garantie, puisque, une fois de plus, on nous avait promis quelque chose pour aujourd’hui. Or, ce n’est pas le cas. Nous ne tiendrons pas de vote final aujourd’hui. Nous voterons plutôt sur un amendement. Nous n’avons aucune garantie que nous voterons simplement sur la question de savoir si nous nous réunirons en comité plénier.
Si nous acceptons l’amendement proposé par la sénatrice Moodie aujourd’hui et que, le 27 février, nous avons un rapport de la part de ces deux comités, si cela est effectivement faisable, et qu’il a une entente... On m’a laissé entendre que, dès le début, avant même que le débat ait lieu, l’un des présidents de comité avait déjà convoqué une réunion du comité directeur, ce qui veut dire que, quelque part, sénatrice Lankin, quelqu’un savait encore une fois quelque chose que nous ne savions pas. Bien sûr, il y a certaines personnes qui savent des choses et d’autres non, mais si nous obtenons cela à temps et que nous l’avons le 27 février, ils devront faire rapport. Nous pourrions fort probablement recevoir le projet de loi ce jeudi. Puis, à la suite de cette étude préalable, la question serait renvoyée au Sénat et nous passerions à l’étape du débat de la deuxième lecture. Quelle garantie avons-nous que le projet de loi ne sera pas renvoyé au comité une fois de plus? Nous avons seulement fait une étude préalable. Ensuite, le comité pourra encore l’étudier parce que le sénateur Kutcher n’a pas entendu autant de témoins qu’il souhaite. Il y aura d’autres audiences de comité. Puis, ce sera l’étude article par article et la troisième lecture.
Honorables collègues, nous devrons faire un choix entre deux options, peut-être même trois. On peut mettre cela de côté — ne pas finir le travail — ou demander à un comité de siéger pendant la semaine de relâche et demander au Sénat ainsi qu’à des comités de siéger pendant nos semaines de relâche du mois de mars. Si c’est ce que nous voulons, c’est très bien, mais il faudra alors accepter la décision. Tous ceux qui voteront en faveur de cet amendement feraient mieux de revenir et de ne pas se dire : « Maintenant que j’ai eu ce que je voulais, je ne vais pas revenir le 7 mars parce que ce n’est pas si important pour moi. » C’est ce qui arrivera. Nous devrons revenir en mars pour régler cette question parce que nous n’avons pris aucun engagement. L’amendement de la sénatrice Moodie ne dit pas qu’il n’y aura pas d’autres audiences de comité. Que se passera-t-il si nous n’avons toujours pas les réponses que nous voulons?
Il a été dit à quelques reprises ici qu’il s’agissait d’une décision politique — une décision politique prise par qui? Tous les partis à l’autre endroit ont voté pour cette mesure. Qui fait donc de la politique ici? Je suis le leader des conservateurs au Sénat et je suis d’accord avec le leader du gouvernement au Sénat, et à l’autre endroit, Justin Trudeau est d’accord avec Pierre Poilievre. Où sont les jeux politiques? Or, c’est ce qui a été répété un certain nombre de fois ce soir, c’est-à-dire que ce sont des décisions politiques. Non. Ces décisions ont été prises parce que le gouvernement et le comité mixte ont évalué que nous n’étions pas prêts à aller jusque-là.
Quel mal y a-t-il à attendre? Est-ce le fait que des gens vivront plus longtemps? Je suis désolé, mais je trouve très étrange qu’on puisse penser que c’est une mauvaise chose. Des gens seront obligés de vivre un peu plus longtemps si nous avons besoin d’un peu plus de temps.
Encore une fois, ce n’est pas une question partisane. Nous n’avons pas le temps de le faire. Il n’y aura pas de vote sur le projet de loi C-62 ce soir. Nous pouvons avoir des opinions différentes, et je ne serai pas satisfait à la fin des audiences de comité si mes témoins ne sont pas là, si les personnes que je veux voir convoquées ne sont pas là. Nous allons disposer de très peu de temps. Sénatrice Moodie, il y aura quelques réunions de comité. Combien y aura-t-il de témoins? On nous a dit que le comité mixte en a entendu 21. Je crois que c’est ce que j’ai entendu ce soir. Combien en proposez‑vous? Combien de témoins au Comité des affaires sociales et combien de témoins au Comité des affaires juridiques? L’amendement n’indique rien à cet égard. On peut y lire simplement qu’il y aura une réunion le 15 février et que l’on présentera un rapport avant le 27 février.
Honorables collègues, je m’oppose fermement à l’amendement, et ce n’est pas parce que je pense que cela accélérera ou ralentira l’adoption du projet de loi. Nous accueillerons deux ministres mercredi et nous pourrons leur poser toutes les questions pointues que nous voudrons. Je serais même d’accord pour tenir une séance en comité plénier de quatre heures. Finissons-en. Il faut en finir. Nous avons un échéancier, qu’on le veuille ou non. Nous pouvons blâmer le gouvernement pour l’échéancier. Je le fais tout le temps. Sentez-vous donc bien à l’aise; faites comme moi. Reste que les délais sont ce qu’ils sont.
Chers collègues, je suis désolé si j’ai rompu le secret sur nos décisions lors des réunions des leaders, mais la sénatrice Lankin a posé la question; elle n’a pas obtenu la réponse. Cette décision a été prise par cinq leaders.
Ils ne votent pas toujours comme je le souhaite, mais je remercie mes collègues pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en m’élisant à ce poste. Si je prends suffisamment de mauvaises décisions, ils me démettront de mes fonctions, mais, en attendant, je les remercie de m’avoir permis de prendre certaines décisions et de les avoir appuyées.
Chers collègues, vous avez également choisi des responsables, des facilitateurs, des agents de liaison, etc. Ils méritent aussi ce respect. Ils font du bon travail en votre nom.
Je donne souvent du fil à retordre au sénateur Gold, mais il a travaillé dur pour faire avancer les choses. Je sais qu’il trouve cela difficile parce qu’il doit naviguer entre tellement de factions différentes pour s’assurer d’obtenir assez de votes pour le gouvernement.
Je m’en tiendrai là. Honorables collègues, j’espère que vous déciderez qu’il ne s’agit pas d’un bon amendement et que nous poursuivrons l’examen de ce projet de loi avec toute la célérité possible. Merci.
Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?
Certainement.
J’ai aussi une question complémentaire, si c’est possible.
Sénateur Plett, dans les dernières années, le Sénat a effectué une étude préalable à l’égard de presque tous les projets de loi d’exécution du budget. Les projets de loi de crédits font l’objet d’une étude préalable. Le Comité des finances nationales a fait une étude préalable sur la teneur du projet de loi C-56. Lorsqu’on s’est entendu sur ces études préalables, est-il déjà arrivé qu’une personne force subséquemment la tenue d’une étude en comité, ou a-t-on toujours respecté l’entente conclue? Si nous concluions une entente aujourd’hui, cela ne refléterait-il pas cette situation?
Premièrement, oui, nous avons eu des études préalables qui ont tout de même été suivies d’une étude en comité.
Deuxièmement, rien dans votre amendement n’est contraignant. Le Règlement du Sénat prévoit très clairement une étude en comité.
Je crois que vous pourriez toujours proposer un sous-amendement, ce qui rendrait certainement votre amendement plus acceptable. Je ne dis pas que je l’appuierais, mais il serait plus acceptable s’il garantissait la date à laquelle nous pourrons procéder à un vote final, car votre amendement ne nous garantit aucun vote final.
Sénateur Plett, j’aimerais maintenant savoir si les ententes conclues entre les leaders sont assujetties à la volonté de l’ensemble des sénateurs et si ces derniers, en particulier les sénateurs indépendants, se réservent le droit de proposer des modifications à ces ententes, sous réserve de l’approbation de l’ensemble du Sénat. Diriez-vous que le privilège parlementaire nous permet de garder confidentiels les amendements que nous voulons proposer ou d’en parler, selon notre bon vouloir?
Premièrement, je suis d’accord avec vous au sujet de votre droit de me poser une question et de mon droit d’être en désaccord avec vous. Je ne suis pas du même avis que vous quand vous dites « en particulier les sénateurs indépendants ». Vous faites partie d’un caucus. C’est un non-sens de dire qu’on forme un groupe d’indépendants, alors qu’on fait partie d’un caucus. Peu importe, j’ai mon opinion et vous avez la vôtre, sénatrice Moodie.
Je fais partie d’un caucus formé de 14 membres. Les conservateurs ne sont pas reconnus pour être des suiveurs; ce sont des leaders. Les 14 personnes de mon caucus aussi sont indépendantes. Premièrement, toutes les décisions que nous prenons, que ce soit lors de la rencontre des leaders, au comité ou ailleurs, doivent être approuvées par l’ensemble du Sénat. Ce dernier peut les modifier à sa guise.
Plus tôt aujourd’hui, le sénateur Dalphond avait besoin du consentement du Sénat pour retirer un projet de loi donné. Tous les sénateurs ont été appelés à donner leur avis. Le sénateur n’aurait pas pu le retirer de façon unilatérale ce soir, alors oui, toutes les décisions sont assujetties à la volonté du Sénat. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’avis sur la question de savoir si nous devons respecter les personnes que nous élisons à certains postes.
Sénatrice Coyle, vous avez une question à poser?
Sénateur Plett, je vous remercie de vos observations. Je suis d’accord avec presque tout ce que vous avez dit. Nous avons la responsabilité de faire avancer les choses dans les délais fixés. Nous devons respecter ce que nos leaders ont négocié. J’attends avec impatience de participer à ce comité plénier. Je pense que c’est également le cas de tous mes collègues.
Cependant, je ne pense pas qu’il faille être trop prescriptifs. Pourquoi ne pas laisser au comité plénier le soin de faire son étude, et nous donner la possibilité d’étudier davantage la question tout en respectant les délais fixés. Pourquoi ne pas procéder ainsi?
Vous avez tout à fait raison, sénatrice Coyle. Nous pouvons faire les deux. Bien entendu, c’est ce dont nous débattons et ce sur quoi nous nous prononcerons. Ce que je peux vous assurer, sénatrice Coyle, c’est que si nous passons à un vote aujourd’hui et que je suis du côté des perdants, je ne reviendrai pas demain pour voter à nouveau sur cette question. J’accepterai les résultats du vote de ce soir, et c’est ce que je demande à mes collègues.
Un comité mixte a pris une décision. Les membres de ce comité y ont été nommés. Il s’agit du sénateur Kutcher, de la sénatrice Wallin, de la sénatrice Martin et du sénateur Dalphond.
Et de la sénatrice Mégie, je suis désolé. Ils étaient membres de ce comité, ainsi que des députés, et ils ont pris une décision. La Chambre a voté sur la décision et l’a adoptée. Aujourd’hui, on nous demande de faire la même chose.
Si nous voulons une réunion du comité, très bien. Nous manquons de temps. Nous pourrons peut-être, si tout se passe bien, adopter l’amendement de la sénatrice Moodie. Cependant, nous n’avons aucune garantie, sénatrice Coyle, car il n’y a rien dans son amendement qui dit ce que nous allons faire après le 27 février. L’amendement prévoit seulement que le comité fera rapport à cette date. À la fin de cette semaine-là, c’est ce que j’ai dit. Nous parviendrons d’une façon ou d’une autre à voter sur le projet de loi définitif ou nous serons de retour ici, j’en suis convaincu.
Comme je l’ai dit, je ne vais pas aider le sénateur Gold sur ce point, mais je suis sûr que la sénatrice LaBoucane-Benson ne peut pas proposer la motion d’ajournement le jour où nous voulons que la motion d’ajournement soit présentée à la fin du mois.
Je vais peut-être commencer par répondre aux très bonnes questions du sénateur Forest et essayer de comprendre ce que nous essayons d’accomplir et ce qu’on nous demande de prendre en considération.
L’article 3 de la loi est écrit en termes juridiques et, pour les comprendre, il faut se rappeler ce que l’on a fait précédemment. Le Sénat a modifié le projet de loi, qui incluait la voie deux pour ce qui est de l’aide médicale à mourir pour les gens dont la mort n’était pas imminente, mais qui souffraient d’une condition incurable leur causant des souffrances insupportables. Le gouvernement a exclu dans cette seconde voie l’aide médicale à mourir pour ceux qui souffraient d’une seule condition : l’aide médicale à mourir serait donc refusée à ceux dont la seule condition était de souffrir d’une maladie mentale.
Par contre, si ces gens ont des problèmes d’insuffisance cardiaque ou d’insuffisance rénale, s’ils sont constamment sur dialyse, par exemple, ils ont le droit de recevoir l’aide médicale à mourir. Dans le cas où ils attendent une transplantation, qui ne semble pas possible, il est possible qu’ils demandent l’aide médicale à mourir — même s’il s’agit de quelqu’un qui est atteint d’une maladie mentale qui n’affecte pas sa capacité de reconnaître sa situation et sa souffrance et de consentir ou non à la dialyse. Il y a des nuances qu’il ne faut pas oublier de faire ici.
Ce que nous avons dit au gouvernement, c’est qu’il ne faut pas exclure l’aide médicale à mourir dans le cas où des personnes souffrent de maladie mentale sans qu’on ait prévu de mécanismes pour celles qui sont capables d’évaluer leur situation et qui souffrent irrémédiablement, afin qu’elles aient accès, avec des garanties suffisantes, à l’aide médicale à mourir.
La Chambre des communes, le gouvernement et le ministre de la Justice de l’époque ont accepté cette proposition. La Chambre des communes a voté et ses membres ont accepté cette proposition à la majorité, mais ils ont fait passer notre délai de 18 mois à 24 mois. Tout le monde voulait un délai, parce qu’il fallait être prêts si nous décidions d’aller dans cette direction.
Avant la fin du délai de 24 mois, le comité spécial a été reconstitué, et sa mission était d’évaluer si nous étions prêts. La conclusion a été que nous avions besoin d’un an de plus et d’un comité expert qui déposerait un rapport pour nous indiquer les grandes lignes, la formation des gens et ainsi de suite. Après tout cela, nous verrions si nous étions prêts.
Le comité a été reconstitué en octobre 2023 pour étudier exactement cette question, c’est-à-dire l’échéance de deux ans, deux ans et demi plus tard, parce que l’on approchait du 17 mars 2024 — le 17 mars étant une date très importante. Sommes-nous prêts cette fois-ci? C’était le mandat du comité mixte. Le Sénat était représenté à ce comité et les sénateurs devaient répondre à cette question, comme les députés de la Chambre des communes. Pourquoi la date du 17 mars 2024 est-elle importante? Parce qu’il s’agit d’une clause crépusculaire, comme l’a très bien expliqué la sénatrice Saint-Germain.
En anglais, on dit « sunset clause », ou disposition de caducité. Cela signifie que les exemptions prendront fin le 17 mars si on ne fait rien, si aucun projet de loi n’est adopté. Par conséquent, ce jour‑là, le lendemain et la semaine suivante, une personne qui croit être admissible, mais pour qui la seule condition médicale invoquée est une maladie mentale, pourra demander une évaluation. Le processus est long. L’aide médicale à mourir ne sera pas administrée le lendemain. Selon la loi, il doit s’écouler 90 jours entre l’évaluation, le moment où on est admissible et le jour où l’aide médicale à mourir est administrée, et là encore, il faut y consentir à nouveau.
Une personne dépressive ne peut pas se pointer dans une clinique un vendredi soir parce qu’elle s’est séparée la veille et qu’elle souhaite obtenir l’aide médicale à mourir le lendemain matin. Oubliez ce qu’on a pu lire dans certains journaux. Le problème, toutefois, en l’occurrence, c’est que si nous ne faisons rien le 17 mars, l’accès sera total.
Selon l’article 3, il existe deux scénarios. Soit le projet de loi C-62 est adopté avant cette date et, par conséquent, la date du 17 mars 2024 devient le 17 mars 2027, mais on ne sait jamais ce qui peut se produire au Parlement. Parfois, on ne sait même pas ce qui va se passer au Sénat, ce qui est peut-être une bonne chose. Lorsque les choses sont trop prévisibles, cela peut indiquer autre chose.
Si ce projet de loi n’est pas adopté, une seconde disposition stipule qu’après l’adoption du projet de loi, si cette adoption a lieu après le 17 mars, avec la sanction royale accordée peut-être le jour même, on ne pourra plus recevoir l’aide médicale à mourir. S’il faut trois semaines pour y parvenir, si nous votons sur le projet de loi après une étude approfondie en mars ou en avril et que le projet de loi est en fin de compte adopté, il ne sera plus possible d’accéder à l’aide médicale à mourir. On aura un système très particulier. Jusqu’au 17 mars, personne ne peut y avoir accès. S’il y a un vide juridique, certaines personnes pourront y avoir accès, puis le vide sera comblé.
Chers collègues, je vous invite à ne pas permettre que cela se produise. C’est le pire scénario possible. Le vide juridique deviendrait un chaos juridique, ce qui placerait la profession médicale dans une situation très délicate. Les gens vont se demander: « Si je le fais, mais que cela devient illégal la semaine ou le mois prochain, vais-je être poursuivi en justice? » Non. Ce sera terrible pour les médecins, pour les évaluateurs de l’aide médicale à mourir et pour tous ceux qui voudront se prévaloir du système, mais qui verront par la suite la porte se refermer. Ce sera pire qu’aujourd’hui parce qu’ils auront un mince espoir d’obtenir l’aide médicale à mourir, puis la porte se refermera.
Je suis certain que si ce projet de loi entre en vigueur, ce sera dans les 90 jours suivant le 17 mars. Peut-être une semaine ou un mois après cette date. Je peux parier que nous siégerons pendant les semaines de relâche, si nécessaire, en avril, et que le projet de loi sera adopté. Par conséquent, la période de 90 jours ne sera pas terminée. Tous ceux qui présenteront une demande et entameront le processus à l’intérieur de cette période risqueront de voir leur espoir déçu. Je ne veux pas que cette situation se produise parce que créer de faux espoirs ajouterait à la souffrance des personnes. Nous devons empêcher cette situation de se produire.
La solution est que nous adoptions ce projet de loi ou le rejetions d’ici le 17 mars. Si nous le rejetons, ce sera la fin du débat, et l’aide médicale à mourir sera accessible pour toujours, ou peut-être jusqu’à ce qu’un changement de gouvernement rétablisse les exclusions, mais ce ne sera peut-être pas avant un an et demi, peut‑être plus. En attendant, il se passera beaucoup de choses. Certaines personnes recevront l’aide médicale à mourir, et peut‑être que l’humeur changera, nous n’en savons rien.
La question qui était étudiée par le comité... La sénatrice Wallin a fait référence à mon opinion en disant que ce qui est proposé est clairement inconstitutionnel. Désolé, mais ce n’est pas ce que j’ai écrit. J’ai écrit que ce que le comité proposait risquait d’être déclaré inconstitutionnel. Pourquoi? Parce que le comité proposait que l’exclusion de l’accès, ou le refus d’accès, soit maintenue jusqu’à ce que les ministres de la Santé et de la Justice conviennent, après avoir consulté des fonctionnaires du ministère et tous leurs homologues provinciaux et territoriaux, que nous sommes prêts. Eh bien, je suppose que, s’il y a un changement de gouvernement d’ici un an ou un an et demi, les deux ministres ne seront jamais d’accord pour dire que nous sommes prêts.
Si l’on parvenait à cette conclusion, il faudrait alors créer un comité, qui devrait travailler sur le projet de loi pendant au moins un an avant qu’il puisse entrer en vigueur. Comme je l’indique dans mon rapport, le délai était censé être indéterminé, mais clairement long. C’était une façon de le lire qui pouvait être interprétée comme une exclusion permanente parce qu’elle dépendait de la volonté de deux ministres, et nous savons qu’en politique, les ministres peuvent changer d’avis.
Le gouvernement y a répondu, et qu’a-t-il dit? Qu’il s’agit d’une période de trois ans parce qu’il a compris ma dissidence, je crois — ou peut-être l’ai-je entendu —, et qu’il a estimé qu’une période indéterminée pourrait être plus facile à contester qu’une période précise, et il a donc mis trois ans. Nous savons que nous prolongeons les choses de trois ans. Que se passera-t-il l’année prochaine? Il y aura des élections. Ne pensez donc pas qu’on traitera de cette question au Parlement en 2025. Soit vous optez pour un an, soit vous optez pour trois ans, car 2025 est une année de transition.
Voilà ce dont il est question. Voilà ce sur quoi nous devons nous pencher. Voilà ce qui nous a été proposé. Ne l’oublions pas.
Le deuxième point que je tiens à souligner, c’est que, le 8 février, le ministère de la Justice a publié un énoncé concernant la Charte qui reconnaît que la mesure législative touche les articles 7 et 15, c’est-à-dire le droit à la vie et à la liberté, et le droit à l’égalité. Le débat se poursuit cependant au sujet de l’article 1. Donc, la question sur laquelle les tribunaux devront éventuellement se pencher, si contestation judiciaire il y a, c’est de déterminer qu’une mesure raisonnable dans une société démocratique s’applique de manière généralisée advenant que toutes les provinces estiment ne pas être prêtes, advenant que le Collège des médecins du Québec considère qu’il n’est pas prêt; si les législateurs québécois affirment que, même si c’était légal selon le Code criminel, ce ne serait pas accessible au Québec. Ce sont là autant de pièces du casse-tête que nous devons prendre en considération.
Il s’agit d’une question à laquelle le Comité des affaires juridiques ne pourra malheureusement pas répondre. Le Comité des affaires juridiques ne sera pas en mesure de produire un meilleur rapport que l’énoncé concernant la Charte que j’ai lu. Je vous invite à le lire. Il est sur le site Web du ministère de la Justice. C’est un énoncé concernant la Charte publié le 8 février.
Que donnera cette proposition de renvoyer la question au Comité des affaires juridiques? Je peux vous dire qu’à mon avis, nous obtiendrons moins qu’un énoncé concernant la Charte. En une semaine, le Comité des affaires juridiques peut entendre quelques témoins et préparer un rapport, mais il ne sera pas aussi bon qu’il pourrait l’être. Le deuxième problème, c’est que ce ne sera pas à nous de décider de ce qui est acceptable et raisonnable selon l’article premier. Ce pourraient être les tribunaux qui devront trancher. Ce sont eux qui devront répondre à cette question.
Est-ce que l’inconstitutionnalité de la proposition va de soi? À mon avis, la réponse est non. C’est discutable, alors ce n’est pas à nous de décider, mais aux tribunaux. Je pense que c’est ce que tout le monde doit comprendre, et je suis un peu las qu’on dise que je juge cette proposition inconstitutionnelle. Je n’ai pas dit cela. Mon opinion dissidente est très nuancée dans un contexte qui a évolué. Le nouveau contexte s’inscrit dans une période de trois ans et non dans une période indéfinie. Voilà pour le deuxième point.
Le Comité des affaires sociales pourrait peut-être entendre des témoins, mais je me demande dans quel but on les convoquerait, exactement. J’entends maintenant qu’on souhaiterait mettre à l’épreuve... Certes, j’appuyais l’idée d’avoir recours au Comité des affaires sociales pour obtenir plus de renseignements, mais ce que j’entends ce soir diffère vraiment de ce que j’avais imaginé. Ce que j’entends ce soir, c’est que nous allons remettre en question la façon dont les provinces évaluent la situation. Je suis désolé, chers collègues, mais cette tâche ne nous revient pas.
Si les quatre partis de la Chambre des communes arrivent à la conclusion qu’il faut repousser la date prévue parce que trois ans ne nous suffisent pas, parce que toutes les provinces disent ne pas être prêtes, tous les élus de ces provinces auront une légitimité parce qu’ils ont été élus. Les élus provinciaux prennent parfois de mauvaises décisions — cela leur appartient — mais ce sont eux qui voient à fournir des soins de santé dans la province, qui évaluent ses capacités et qui connaissent les ressources. Nous savons aussi que les mesures de soutien en santé mentale offertes actuellement ne sont vraiment pas suffisantes pour répondre à la demande de toutes les personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale au pays. C’est une situation regrettable, mais aussi un appel à redoubler de prudence, peut-être. On peut faire un parallèle avec l’accès aux soins palliatifs. Je suis en faveur de l’aide médicale à mourir parce que je sais que les Canadiens ont accès à des soins palliatifs et qu’ils peuvent choisir l’option qu’ils préfèrent. Je ne suis pas certain que ce même choix existe quand il est question de santé mentale et de l’accès à des soins et à du soutien dans ce domaine. Ce sont des points dont il faut tenir compte.
Enfin, nous ne donnons pas notre approbation les yeux fermés, et ce n’est pas ce que nous faisons depuis cinq ans. Nous avons amendé 30 % des projets de loi dont le Sénat a été saisi, et, parmi ceux que nous n’avons pas modifiés, la moitié étaient des projets de loi budgétaires que nous ne pouvions pas amender. Nous avons une bonne moyenne jusqu’à maintenant. Même récemment, le projet de loi gouvernemental que la sénatrice Moodie a présenté a été amendé par le sénateur Cormier, malgré les réticences qu’elle a exprimées. Nous faisons notre travail.
Or, dans le cas présent, il y a urgence d’agir. Le processus doit être terminé d’ici le 17 mars. Bien franchement, plus j’entends parler de l’amendement proposé, moins je suis enclin à l’appuyer. Faisons notre travail de façon appropriée. Étudions le projet de loi. Les deux ministres viendront au Sénat. Un choix politique a été fait par les représentants élus du pays. Les ministres viendront l’expliquer. À la réunion des leaders, je représentais mon groupe parce que la sénatrice Cordy avait de la neige par-dessus la tête ce matin-là. Nous nous sommes entendus sur le fait que les ministres devraient venir cette semaine, et non dans deux semaines, parce que nous voulions que les sénateurs aient le temps de poser des questions et de réfléchir au projet de loi.
Chers collègues, le temps est venu d’entendre ces ministres. Une décision politique a été prise. Écoutons les ministres et posons-leur des questions, s’il y a lieu. Certaines conclusions pourraient être erronées, mais laissons-les expliquer leur décision politique. Merci.
Je vais m’inspirer quelque peu de ce que mon collègue le sénateur Dalphond a dit. Je suis un peu estomaquée par la critique très dure que certains ont faite ici du comité mixte qui, sur une période de trois ans, à différents moments, a entendu environ 200 témoins et écrit trois rapports.
J’aurais adoré faire partie de ce comité, mais on a privilégié des médecins et des avocats. J’ai donc regardé cela de loin, mais j’ai beaucoup lu.
Prétendre que ce rapport n’est rien parce qu’il ne correspond manifestement pas à ce que vous auriez voulu comme rapport, à l’issue que vous auriez souhaitée, c’est mettre en cause tout le travail parlementaire que l’on fait ici, car des rapports et des comités imparfaits, on n’a que cela. Quand je suis arrivée au Sénat, il y avait un premier rapport très partial que j’ai dénoncé. C’est un processus politique qui a des failles.
Cela dit, j’ai lu le dernier rapport du comité mixte, et on n’y cachait pas qu’il y avait de la division. Ce que ce rapport a fait, c’est de dire qu’A pensait ceci, que B pensait ceci, que C pensait ceci. Il y avait une multiplicité de vues sur chacun des enjeux, comme l’irrémédiabilité et le suicide, qui étaient dans le rapport. Ce n’est pas un grand rapport qui passera à l’histoire, mais on ne cachait pas qu’il y avait beaucoup de divisions sur ces questions.
À la fin, le comité a décidé de choisir et se baser sur les experts, qui prêchaient la prudence. Vous avez raison de dire qu’il y avait moins d’experts qui prêchaient la prudence que d’experts qui disaient d’aller de l’avant. Cependant, sommes-nous ici dans un exercice mathématique où l’on doit considérer que tel pourcentage de gens ont dit cela, donc c’est cela qui est vrai?
À mon avis, l’erreur est de croire que la seule chose que ce comité devait faire, c’est établir des protocoles. Non. Derrière ces protocoles, il y a des principes et des questions ayant trait à l’état de nos connaissances, à l’offre de soins existants, aux ambiguïtés scientifiques et éthiques et au principe de précaution dont on a parlé ici. Prétendre qu’on pouvait juste parler des protocoles sur la manière d’administrer l’aide médicale à mourir et ne pas écouter les témoins qui en parlaient un peu plus largement, je crois que c’est absurde, car la situation ne peut pas être réduite à une série de protocoles.
L’idée de dénoncer vertement tout ce processus qui, j’en suis sûre, a eu des failles, c’est un déni d’une partie de notre système démocratique. On pourrait tous le faire avec des comités dont on a fait partie, mais on ne le fait pas, parce qu’en général, on se dit que le débat démocratique est, parfois, plus ou moins équilibré. C’est la première chose.
La deuxième chose qui m’a heurtée est la suivante. Sénateur Kutcher, vous avez dit notamment qu’il fallait entendre ceux qui souhaitent et réclament depuis des mois l’aide médicale à mourir. Ce sont, évidemment, des histoires épouvantables. Cependant, est‑ce notre rôle de faire cela exclusivement à un moment où l’on essaie de retarder l’aide médicale à mourir? Y a-t-il le moindre équilibre si l’on entend juste un côté de la médaille? En effet, il y a aussi des personnes atteintes de maladie mentale et de troubles mentaux qui, au contraire, ont très peur de cette ouverture par rapport à l’aide médicale à mourir. Cela leur fait peur pour toutes sortes de raisons, bonnes ou mauvaises, mais ils se disent : « Est-ce que si moi, je perds les pédales, je vais y passer? » Ce débat n’est pas quelque chose de simple pour plusieurs personnes qui ont des problèmes psychiatriques. Je reçois des lettres de gens qui ont peur. Cela existe aussi.
Je m’interroge vraiment sur la raison de tenir ce comité, qui sera évidemment très court et qui ne pourra pas écouter 200 experts, comme le comité mixte. Est-ce pour épater la galerie? Est-ce une question symbolique, parce qu’on veut dire qu’on a vraiment fait notre travail? Notre travail est aussi de lire ce qui s’est fait ailleurs.
Vous avez dit qu’on n’avait pas entendu les provinces. Il y a des provinces qui ne viennent pas participer aux comités. Je pense au gouvernement du Québec, qui refuse systématiquement de venir expliquer ses positions. Or, sur la question de l’aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de troubles mentaux, ils ont une opinion. Au Québec, on considère qu’on est très en avance sur ces questions. Il y a eu la Commission sur les soins de fin de vie, qui a produit un rapport plutôt sérieux en interrogeant plusieurs personnes et en disant que non seulement nous n’étions pas prêts, mais qu’il y avait énormément de division sur la question sur l’irrémédiabilité et du suicide et qu’aller de l’avant...
Je vais vous relire une phrase qui est absolument extraordinaire à ce sujet :
Nous sommes ici devant une sombre perspective que des personnes obtiennent l’aide médicale à mourir plutôt qu’un suivi médical approprié qui favoriserait une vie pleinement satisfaisante.
Cela nous amène à l’autre question, soit le manque cruel de soins psychiatriques. Il y a trois ans, nous avions eu ce débat. Je me suis fait dire par plusieurs personnes que cela n’avait rien à voir. Nous, on ne s’intéresse pas à l’absence de soins. Ce qui nous intéresse, c’est la partie constitutionnelle et médicale. Or, il s’agit d’un enjeu de société, humain et éthique. On a tous voix au chapitre, que l’on soit constitutionnaliste, médecin, ou une ex-journaliste qui n’est pas du tout spécialisée dans ce domaine.
Vous avez dit que vous n’aviez pas entendu les gens des provinces. Je vous ferais remarquer que, au Collège des médecins du Québec, qui est plutôt favorable à l’aide médicale à mourir pour les personnes ayant des troubles mentaux, contrairement au gouvernement, Mauril Gaudreault est venu dire qu’il restait du travail à faire pour que nous soyons prêts.
Essentiellement, nous ne sommes pas prêts. Il me semble que c’est un argument massue pour ne pas aller de l’avant. Dire que la profession est divisée et qu’on ne sait pas encore tout sur ces questions, cela justifie qu’on tienne un comité plénier et qu’on ne prenne pas le risque de manquer l’échéancier du 17 mars pour ne pas créer le chaos si c’est ce qui se produit. En ce sens, étant donné le peu de temps qu’on a pour faire une étude, étant donné les centaines de témoins qui ont été entendus depuis trois ans, je ne vois pas exactement ce que cela apporterait objectivement, sinon de cocher une case en disant que le Sénat a fait son travail et qu’il a étudié la question. On étudie la question depuis trois ans.
La dernière chose que je voudrais dire est la suivante : c’est une minorité d’experts qui ont dit devant le comité spécial qu’il fallait attendre, que nous ne sommes pas prêts, et on décide que cela en fait un comité partial. Je vous ramène il y a trois ans. Il y a eu des études en comité. On a entendu plusieurs témoins au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles; une vingtaine étaient particulièrement spécialisés dans les soins psychiatriques et, croyez‑le ou non, ils étaient eux-mêmes divisés. Est-ce que cela nous a empêchés de voter pour un amendement ouvrant l’aide médicale à mourir pour les personnes psychiatrisées? Pas du tout. À ce moment-là, le fait qu’on avait un comité où les experts étaient divisés ne semblait pas un problème de méthodologie et on est allé de l’avant assez rapidement en disant que l’on considérait une certaine ouverture là-dessus. Si je me rappelle bien, à ce moment-là, il y a trois ans, on n’a pas mené d’étude en profondeur sur cette particularité de l’aide médicale à mourir et on a décidé d’aller de l’avant. Donc, j’ai assez parlé.
Est-ce que la sénatrice Miville-Dechêne accepterait de répondre à une question?
Oui.
Merci pour vos propos et vos commentaires. Quand j’étais mairesse de la Ville de Cornwall, on me critiquait, parce que mes réunions étaient toujours longues à cause du fait que je permettais aux gens de venir nous parler. J’ai tendance à vouloir encore un peu plus, toujours; c’est ma tendance.
La question que je souhaite vous poser a trait aux trois prochaines années. Est-ce qu’une étude préalable, même courte, pourrait envoyer un message au pays et au gouvernement — lequel, on ne le sait pas — selon lequel il ne faut pas être paralysé au cours des trois prochaines années et qu’il faut faire quelque chose? Si on reporte cette question encore trois ans, ne va-t-on pas perdre toutes ces années à ne rien faire? Est-ce qu’une étude préalable pourrait envoyer un message au gouvernement?
Il ne faut pas surestimer la visibilité médiatique d’une étude préalable au Sénat sur cette question. Si vous voulez parler de cela, allez voir les médias, faites une déclaration, faites un communiqué de presse. Je ne suis pas sûre qu’une étude préalable permet de faire cela. Ce serait formidable, mais ce n’est pas le cas. Tout le monde ne nous écoute pas aussi religieusement que cela.
Je comprends cette idée de vouloir en savoir toujours un peu plus, mais ce sujet, on l’a énormément étudié depuis trois ans. Ce n’est pas rien, 200 témoins sur une période de trois ans. Je comprends bien que les choses n’étaient pas parfaites, mais les témoins étaient là. Il y a eu des témoignages, et on peut les lire. La réalité est que, au bout du compte, vous constaterez qu’il n’y a pas de consensus sur la maladie mentale et son caractère irrémédiable, et sur le fait qu’il est très difficile de distinguer l’idée du suicide d’un véritable désir d’avoir recours à l’aide médicale à mourir. Je ne suis pas sûre qu’on va y arriver à court terme. Il faudra poursuivre la discussion pendant les trois prochaines années, mais je ne sais pas si c’est possible.
Ce qu’on a fait en Belgique, par exemple, si je me souviens bien, c’est qu’on s’est rendu compte qu’on avait un problème, car la demande d’aide médicale à mourir a explosé pour les personnes souffrant de troubles mentaux. Ils se sont rendu compte que des personnes éprouvaient des souffrances épouvantables. Dans leur cas, il faut absolument que ce soit le dernier recours. Ils se sont alors dit qu’il fallait être en mesure de proposer des services particuliers. Ils ont créé une unité psychiatrique intensive justement pour ces cas extrêmement lourds. Quand quelqu’un obtenait l’autorisation d’obtenir l’aide médicale à mourir, ils lui disaient : « D’abord, il y a certains services qui ont été faits expressément pour cela et c’est probablement une bonne idée d’essayer. » Dans notre loi, pour toutes sortes de raisons, on n’a pas inclus cette idée qu’il faut essayer tous les traitements raisonnables. On a des leçons à apprendre des deux pays qui l’ont fait et qui ont fait beaucoup d’erreurs, car c’est difficile, mais qui ont trouvé une manière pour qu’il y ait moins de dérives.
Merci, sénatrice.
Je tiens à préciser que nous sommes en faveur d’un examen équilibré et réfléchi. Ne pensez-vous pas que c’est ce que nous devrions faire? Ne pensez-vous pas que nous devrions remettre en question l’idée, si elle est erronée, que les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir pour un seul problème de santé la réclament non pas parce qu’elles ne peuvent pas avoir accès aux soins — c’est un peu fallacieux —, mais plutôt parce qu’elles reçoivent des soins depuis des décennies sans pourtant aller mieux?
La question à laquelle j’aimerais que vous répondiez est la suivante : le gouvernement nous a-t-il prouvé qu’il est nécessaire d’exclure des gens pendant trois ans? Nous l’a-t-il prouvé? Nous n’obtiendrons pas cette réponse uniquement auprès des ministres. Nous devons examiner la question plus en profondeur. Ne pensez‑vous pas que nous devrions poser cette question au gouvernement? A-t-il prouvé qu’il a besoin de ce délai de trois ans?
Le temps est écoulé.
Je n’en ai pas pour longtemps. Il est temps de prendre une décision.
Je dirais qu’il s’agit d’une situation inhabituelle, car nous débattons au sujet de la procédure. La question a été étudiée par plusieurs comités — des comités mixtes ainsi que des comités sénatoriaux — à différents moments.
Pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas là — c’est le cas de beaucoup d’entre nous —, le Sénat a été l’artisan de l’inclusion de la maladie mentale comme seule condition sous-jacente pour recevoir l’aide médicale à mourir. Nous avons convaincu le gouvernement d’inclure cette condition. Il n’avait pas prévu de le faire.
Maintenant, le gouvernement a perdu son courage, et certains diront que c’est parce qu’il a reçu des preuves, qui sont contestées ici, selon lesquelles le pays n’est pas prêt. Le gouvernement propose de confier cette décision à quelqu’un d’autre, au-delà de la législature actuelle. Voilà la réalité.
Ce n’est pas une situation que nous rencontrons tous les jours ici. Elle mérite ce genre de débat. Je tiens à consigner mes observations au compte rendu, à la suite des sénateurs Plett et Saint-Germain, au sujet de l’accord qui a été conclu.
Il n’y a pas eu d’accord. Il y a eu une discussion, un consensus entre nous tous. Nous avons tous considéré, après mûre réflexion, que la procédure du comité plénier était la meilleure solution dans les circonstances actuelles.
Il n’y a qu’un seul d’entre nous à la table des leaders qui peut apporter un bloc de votes sans avoir à vérifier auprès de qui que ce soit, et ce n’est pas moi.
C’est le sénateur Gold.
Nous avons parlé en long et en large du fait que ce n’est pas un sujet au sujet duquel nous, en tant que groupe, pourrions facilement arriver à un consensus sur la façon de procéder. Tout ce que nous avions pour nous guider, c’était notre propre jugement. Le sénateur Gold a l’obligation de proposer quelque chose.
Nous avons parlé de la possibilité qu’il y ait des amendements. Nous avons discuté de la demande du sénateur Kutcher d’être présent, pendant qu’il était à l’hôpital, pour qu’il ait la possibilité de nous parler pendant que nous prenions notre décision.
Nous avons convenu — nous arrivons toujours à nous entendre — que c’est l’ensemble des sénateurs, dans leur sagesse commune, qui décideront de la suite des choses. Peu importe ce que cette décision sera, nous agirons en conséquence.
Je n’ai pas changé d’idée. Je crois que la meilleure façon de procéder est de passer par le comité plénier, compte tenu des circonstances, y compris de la charge émotive du débat, du temps consacré à ce sujet par des comités et des comités mixtes et des débats que nous avons eus sur l’idée de laisser les maladies mentales entre les mains du gouvernement et de faire en sorte qu’il accepte. La sénatrice Miville-Dechêne me l’a rappelé. Je ne vois pas ce que nous y gagnerions.
C’est un sujet qui nous touche tous très personnellement. Il existe plus de données, d’information et de témoignages auxquels nous avons déjà accès que ce que nous pourrions jamais assimiler individuellement.
De même que le moment est venu ce soir de prendre une décision, nous devrons, dans les prochaines semaines, prendre nos propres décisions. Nous disposons de suffisamment d’informations pour les prendre.
Merci.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Le vote porte sur l’amendement. L’honorable sénatrice Moodie, avec l’appui de l’honorable sénatrice Patterson, propose que la motion — puis-je me dispenser de lire le libellé?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les non l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Sommes-nous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant quinze minutes?
Le vote aura lieu à 22 h 36.
Convoquez les sénateurs.