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Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement du Canada d'imposer des sanctions contre les responsables chinois et/ou ceux de Hong Kong--Ajournement du débat

12 décembre 2019


Conformément au préavis donné le 10 décembre 2019, propose :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d’imposer des sanctions contre les responsables chinois et/ou ceux de Hong Kong, conformément à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski), à la lumière de la violation des droits de la personne, des principes de justice fondamentale et de l’état de droit à l’égard des manifestations en cours à Hong Kong et à la persécution systématique de minorités musulmanes en Chine.

— Honorables sénateurs, la motion que le sénateur Ngo et moi avons présentée est au centre de notre identité canadienne et incarne les valeurs les plus essentielles auxquelles tiennent les Canadiens : la démocratie, la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit.

Nous disons avec fierté que nous sommes un pays qui défend ces valeurs fondamentales, ici et à l’étranger. Tout au long de notre histoire, nous l’avons prouvé en versant notre sang et en sacrifiant d’innombrables vies canadiennes dans des conflits et des batailles partout dans le monde, y compris dans les deux guerres mondiales, en Afghanistan et lors de diverses missions de maintien de la paix partout dans le monde. Nous avons défendu nos valeurs grâce à la diplomatie en menant la lutte contre la brutalité de l’apartheid en Afrique du Sud. Le Canada n’a jamais reculé face à la tyrannie, et nous ne devons certainement pas commencer maintenant. Or, nous nous approchons dangereusement de le faire dans cette situation avec la Chine.

Je ne mâcherai pas mes mots : le Canada et la République populaire de Chine se heurtent à un très grave conflit de valeurs. La République populaire de Chine est une dictature qui bafoue totalement les libertés fondamentales, la démocratie et, certainement, la primauté du droit. C’est l’un des pires pays violateurs des droits de la personne.

J’avais d’abord espéré prendre la parole sur cette motion mardi, à l’occasion de la Journée des droits de l’homme dans le monde, comme beaucoup d’entre vous le savent déjà à titre de défenseurs enthousiastes et actifs des droits de la personne. La Journée des droits de l’homme est célébrée dans le monde entier le 10 décembre de chaque année en reconnaissance de l’adoption par les Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Donc, même si nous avons quelques jours de retard, mes remarques d’aujourd’hui sont en l’honneur de toutes les victimes de violations des droits de la personne partout dans le monde, y compris en Chine continentale et à Hong Kong.

Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale a indiqué qu’il avait reçu des informations crédibles selon lesquelles environ un million d’Ouïghours de la région du Xinjiang seraient internés dans des camps, en Chine continentale. Les allégations laissent entendre que les Ouïghours ont été pris pour cible en tant qu’ennemis de l’État chinois, uniquement en raison de leur identité ethnoreligieuse.

À ce sujet, Alex Neve, secrétaire général d’Amnistie internationale Canada, a déclaré ceci :

[…] ce qui est en cours, c’est un sinistre programme d’incarcération à grande échelle que le monde n’a jamais vu depuis des décennies.

Aussi troublantes que soient ces mesures individuellement, elles sont particulièrement alarmantes en tant que tendance plus générale. En plus de mener un programme d’incarcération massive et de surveillance orwellienne de la minorité musulmane, le régime prend des mesures de répression brutales contre les dissidents prodémocratie à Hong Kong.

Une manifestation qui a commencé il y a six mois en opposition à un accord entre Hong Kong et la Chine autorisant les extraditions vers cette dernière parce qu’on craignait qu’il affaiblisse l’autonomie, l’indépendance judiciaire et les libertés civiles de Hong Kong s’est transformée en une lutte plus générale pour une véritable démocratie et une reddition de comptes relativement aux actions des policiers à l’endroit des manifestants. La situation y est devenue intenable pour les personnes qui défendent les principes de la liberté et du droit de vote.

Le modèle « un pays, deux systèmes » était la pierre angulaire de la relation entre la République populaire de Chine et Hong Kong lorsque cette dernière a cessé d’être sous contrôle britannique, mais les dirigeants de Hong Kong semblent être des personnes nommées qui collaborent avec ardeur avec le régime chinois pour obliger la population à accepter la politique d’une seule Chine de la république plutôt que de défendre les aspirations exprimées avec vigueur par les habitants de Hong Kong.

Les affrontements entre les corps policiers et les manifestants sont de plus en plus violents. Devant cette situation, le président chinois Xi Jinping a émis une mise en garde contre l’autonomie de Hong Kong, déclarant que toute tentative de diviser la Chine se solderait par « des corps brisés et des os pulvérisés ».

Chers collègues, avec cela et l’emprisonnement et la rééducation forcée d’une minorité religieuse, je ne vois pas ce qu’il faut de plus pour justifier l’intervention d’un pays qui prétend promouvoir la liberté et les droits de la personne.

En tant que Canadiens, cette situation devrait tous nous scandaliser au plus profond de nous. Bien franchement, conjuguée à l’agressivité accrue de la Chine sur la scène internationale et à sa militarisation croissante, cette situation devrait aussi nous inquiéter du point de vue de la sécurité nationale.

Le Canada et les Canadiens ont été victimisés de bien des façons par la République populaire de Chine — espionnage, détentions illégales, vols de propriété intellectuelle et j’en passe —, et nous n’avons que nous-mêmes à blâmer, chers collègues. Nous avons permis à la Chine de s’immiscer dans toutes les sphères de notre vie, que ce soit par une intervention directe du gouvernement chinois ou par entité interposée, comme avec Huawei. La Chine intervient désormais dans les secteurs canadiens de l’agriculture, de l’énergie et des technologies. De façon aussi lente que déconcertante, nous sommes devenus extrêmement dépendants de la Chine, comme elle le voulait.

Je dirai simplement ceci : cette situation n’est pas survenue du jour au lendemain ni même au cours des quatre dernières années. Depuis les années 1970, cinq gouvernements canadiens successifs, empressés de promouvoir les intérêts commerciaux du Canada, se sont montrés complaisants, malgré les violations extrêmes des droits de la personne et au mépris de la primauté du droit en Chine.

Nous fermons les yeux depuis trop longtemps en faisant primer l’appât du gain sur nos valeurs fondamentales que sont le respect et la justice. Nous devrions avoir honte, et, chers collègues, il faut que cela cesse.

Voilà pourquoi j’estime que cette motion est si importante. À mon avis, il est temps que le Canada change de ton et revoie son approche à l’égard du gouvernement chinois, et ce, dans bien des dossiers. Selon moi, cette motion n’est que le début.

Notre approche actuelle à l’égard de la Chine semble être une approche d’apaisement. En dépit du fait que la Chine détient illégalement deux citoyens canadiens et a menacé d’exécuter deux autres Canadiens, nous avons continué d’investir dans la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, qui est dirigée par les Chinois, et d’envoyer des missions ministérielles et parlementaires en Chine.

L’année dernière, des ministères du gouvernement du Canada ont même organisé des soupers de homard somptueux en Chine. Si vous vous en souvenez, j’ai posé au leader du gouvernement des questions à ce sujet à maintes reprises dans cette enceinte.

Il y a ensuite les déclarations publiques qui ont été faites par des ministres de premier plan, anciens et actuels, qui semblent récompenser et encourager le comportement grossier de la Chine envers notre nation.

L’ancien ministre John McCallum a été forcé de démissionner de son poste d’ambassadeur du Canada en Chine à la suite de ses commentaires sur la procédure d’extradition en cours de la directrice exécutive de Huawei, Meng Wanzhou. Chers collègues, l’ancien premier ministre Chrétien a laissé entendre que le Canada devrait tout simplement abandonner la procédure d’extradition contre Meng Wanzhou, et l’ancien ministre John Manley a laissé entendre que nous aurions dû prévenir la Chine de l’arrestation imminente.

C’est ce qu’ont dit un ancien premier ministre et un ancien ministre des Affaires étrangères. Est-ce ainsi qu’est censé se comporter un pays fondé sur la primauté du droit et la démocratie?

Je dois féliciter l’ancienne ministre des Affaires mondiales du Canada, l’honorable Chrystia Freeland, qui, en réponse à l’horrible suggestion de l’ancien premier ministre Jean Chrétien, a déclaré ce qui suit dans le Globe and Mail :

Nous devons être pleinement conscients des précédents que nos actions et nos décisions peuvent établir. Selon moi, quand on y pense, il est évident pour tous qu’il s’agirait d’un précédent très dangereux si, à la suite de pressions externes, le Canada décidait de modifier son comportement à l’égard des traités d’extradition [...] Quand on pense aux répercussions que pourrait avoir un tel précédent, on pourrait facilement se trouver dans une situation où, en agissant dans un cas précis, on pourrait mettre en péril la sécurité de tous les Canadiens dans le monde. C’est une responsabilité que je prends très au sérieux.

La ministre Freeland a tout à fait raison. Hélas, le gouvernement n’adhère pas suffisamment à ces principes dans ses relations actuelles avec la Chine. Il devrait pourtant les prendre beaucoup plus au sérieux.

Le successeur de Mme Freeland, François-Philippe Champagne, qui vient d’être nommé ministre des Affaires mondiales, a énoncé son point de vue en 2017 lorsqu’il a déclaré :

[...] la Chine est un exemple de stabilité, de prévisibilité, de régime fondé sur des règles et de société très inclusive.

Je m’excuse, chers collègues, mais à quel moment la Chine a-t-elle déjà affiché l’une ou l’autre de ces qualités, en particulier un caractère inclusif?

De plus, récemment l’ex-ministre Manley a encore donné son avis sur la détention de Meng Wanzhou au Canada, suggérant que le Canada la libère en échange des Canadiens détenus arbitrairement et illégalement en Chine, comme si ces deux Canadiens avaient fait quelque chose qui justifie leur détention. Il n’en est rien.

D’ailleurs, les libéraux ne sont pas les seuls à faire des commentaires totalement odieux. La fin de semaine dernière, lors d’une entrevue donnée à Mercedes Stephenson, Alykhan Velshi, ancien membre de haut niveau du personnel conservateur qui est maintenant vice-président de l’exploitation de Huawei pour le Canada a dit que Huawei Canada respectait les lois canadiennes et a parlé comme si toutes choses étaient égales dans cette affaire et qu’il s’agissait simplement d’un malentendu entre nous qui devait se régler entre amis.

C’est ce que je trouve problématique dans notre approche actuelle avec la Chine, chers collègues. Nous nous comportons comme si nous devions nous excuser de quelque chose. Nous n’avons absolument rien fait dont nous devons nous excuser si ce n’est de n’avoir cessé d’essayer d’apaiser la Chine en dépit de son comportement de plus en plus agressif et provocant, ici et sur la scène internationale.

Nous n’en sommes plus à devoir l’apaiser. Le moment est venu pour le Canada de se tenir debout et de se rallier à ceux qui se battent pour protéger la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. À quoi bon dire que nous défendons ces valeurs si nous ne faisons rien quand un régime tyrannique nous manque grossièrement respect parce que nous craignons de le contrarier.

Contrarier nos plus grands amis et alliés comme les États-Unis ou Israël ne semble pas nous déranger. Que font-ils de mal? Ils ne se comportent pas comme des brutes? Devraient-ils nous menacer ou peut-être emprisonner et détenir illégalement des Canadiens pour que nous les traitions un peu mieux?

Même maintenant, le nouvel ambassadeur de la Chine au Canada, qui occupe son nouveau poste depuis à peine quelques semaines, nous a déjà menacés non pas une, mais deux fois, la dernière fois au sujet de la présente motion.

Jeudi dernier, dans ma ville natale, Montréal, l’ambassadeur Cong Peiwu a dit ceci au sujet de la possibilité que la Chambre adopte cette motion :

Nous nous opposons fermement à ce genre de comportement, qui pourrait causer de sérieux dommages à notre relation bilatérale. Nous réagirons en prenant des mesures très fermes, s’il y a lieu. L’adoption de cette motion ne serait pas dans l’intérêt du Canada. Nous espérons qu’il cessera cette activité dangereuse.

Imaginez cela, honorables sénateurs, l’ambassadeur d’un pays étranger menaçant notre Parlement si celui-ci décidait d’appliquer une loi qui a été dûment adoptée conformément à notre démocratie parlementaire. Cela se fait peut-être en Chine, mais ce n’est pas la façon dont nous fonctionnons au Canada.

Cette menace illustre parfaitement la raison pour laquelle nous devons adopter cette motion et invoquer les sanctions Magnitski dès que possible. Dans une cour d’école, il arrive un moment où on ne peut plus rester là à observer, les bras croisés. Il arrive un moment où l’on doit tenir tête à l’intimidateur qui s’en prend à nous. Je crois, chers collègues, que ce moment est venu pour le Canada. Nous avons déjà imposé les sanctions prévues à la loi Magnitski à des fonctionnaires d’autres pays, dont la Russie, le Venezuela et le Myanmar. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas les appliquer contre la Chine.

J’ai entendu, comme vous tous, les arguments selon lesquels le fait d’adopter, à l’endroit de la Chine, des mesures qui ressembleraient aux mesures prises par les États-Unis pourrait donner l’impression que le Canada prend simplement le parti des États-Unis dans le contexte du différend commercial qui l’oppose à la Chine. C’est un point de vue insultant, qui laisse entendre que le Canada n’est pas un État souverain, capable d’agir de son propre chef. De plus, c’est faire fi des violations des droits de la personne qui se produisent à Hong Kong et en Chine continentale. Le Canada est-il, oui ou non, un défenseur de la démocratie, des droits de la personne et de la primauté du droit? Voilà la question. J’invite chaque sénateur à se demander ceci : suis-je un défenseur de ces valeurs fondamentales, essentielles à notre liberté, à notre pays et à notre identité?

En tant que parlementaires, nous avons l’obligation de demander des comptes au gouvernement, et cela ne s’applique pas seulement aux politiques et à la gouvernance nationales. Nous avons aussi la responsabilité de demander des comptes au gouvernement sur les gestes que nous posons à l’étranger afin de nous assurer qu’ils reflètent ce que nous sommes en tant que peuple.

Je vais donc vous poser la question de nouveau. Le Canada est-il, oui ou non, un pays qui défend la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit?

Quoi qu’on pense des menaces de l’ambassadeur, le vrai danger serait de ne pas adopter cette motion. Le vrai danger réside dans le fait que la Chine est toujours plus déterminée à mesure que nous tentons de l’apaiser. Il est temps de changer de ton et d’approche. L’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, a dit récemment que la fermeté est le seul langage que la Chine comprend. Cet avis est partagé par un autre ancien ambassadeur du Canada en Chine, David Mulroney. Il a répondu à ce que le maire de Winnipeg a publié dans les médias sociaux, à la suite d’une rencontre avec le nouvel ambassadeur de la Chine. Dans cette publication, le maire Bowman s’est dit satisfait de la visite, ajoutant qu’elle avait donné lieu à une discussion constructive sur la ville jumelle de Winnipeg, Chengdu, sur les échanges commerciaux, ainsi que sur l’objectif de Winnipeg de devenir un chef de file de la protection et la promotion des droits de la personne. Malheureusement, je dirais plutôt que ce n’est pas un très bon départ.

Cependant, l’ancien ambassadeur Mulroney a bien exposé la situation dans sa réponse :

Ce sont les déclarations de ce genre qui contribuent aux manœuvres d’obscurcissement de la République populaire de Chine et qui minent les efforts visant à protéger les droits de la personne. Elles illustrent la fausse impression que la diplomatie ne peut pas faire face au franc-parler et aux vérités difficiles.

M. Mulroney aurait aussi déclaré que certaines des politiques de la République populaire de Chine constituent la plus grande menace pour la liberté humaine de la planète. Je suis entièrement d’accord avec lui. Le Canada et ses alliés doivent commencer à les traiter comme telles. Cela dit, je vais terminer sur ces mots de Martin Luther King Jr. :

Celui qui accepte passivement le mal est autant responsable que celui qui le commet. Celui qui voit le mal et ne proteste pas, celui-là aide à faire le mal.

Merci, chers collègues.

L’honorable Thanh Hai Ngo [ + ]

Honorables sénateurs, tout comme le sénateur Housakos, je prends la parole pour attirer votre attention sur des questions urgentes et des préoccupations très graves pour l’ensemble de l’humanité.

Avant-hier, c’était le 71e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Malheureusement, 71 ans plus tard, nous constatons qu’il nous reste encore un travail monumental à accomplir, étant donné les atrocités incommensurables et les violations flagrantes des droits de la personne qui sont toujours commises un peu partout dans le monde.

Tandis que nous présentons cette motion, je m’inquiète vivement de la situation en cours à Hong Kong et du sort des manifestants qui, jour après jour, se battent sans relâche pour la survie de la démocratie et le respect des libertés et des droits universels dans la région, mettant ainsi en péril leur propre sécurité et leur vie pour le bien de l’humanité.

Les manifestations à Hong Kong durent depuis maintenant des mois. Comme on le sait, les manifestations ont été déclenchées en réponse à un projet de loi d’extradition du gouvernement de Hong Kong, qui aurait permis d’extrader des personnes en Chine continentale pour la tenue d’un procès, ce qui aurait miné l’autonomie de Hong Kong et les libertés civiles de son peuple. Bien que le projet de loi ait été retiré, les manifestations sont devenues le combat de centaines de milliers de manifestants courageux et intrépides, qui luttent pour la liberté politique, la démocratie, la primauté du droit et les droits de la personne et exigent que la Chine cesse de porter atteinte à l’autonomie de Hong Kong et aux libertés civiles de ses citoyens.

Malheureusement, en réponse à ce mouvement, la police et les représentants de Hong Kong ont opté pour un usage excessif de la force et ont fait preuve d’une brutalité de plus en plus grande. Les forces policières de Hong Kong ont recours sans scrupule à des méthodes agressives contre les manifestants, y compris les tirs à bout portant, l’utilisation de balles de caoutchouc, de gaz lacrymogènes et de gaz poivré, la persécution de manifestants pacifistes, les arrestations reposant sur de vagues accusations, le refus de défendre les manifestants qui sont attaqués par des gens pro-Pékin et ainsi de suite.

Malgré tout, les manifestants n’ont pas reculé devant cette campagne d’oppression et les multiples violations des droits de la personne. Ils ont lutté, et il continue de le faire, pour défendre les libertés fondamentales à Hong Kong. Ainsi, nous devons exprimer notre solidarité avec les manifestants et condamner les actions inacceptables et barbares que les représentants de Hong Kong et de la Chine ont prises pour tenter de supprimer l’autonomie de Hong Kong et les libertés de ses citoyens.

Par ailleurs, je suis complètement bouleversé par la persécution systématique et les violations flagrantes des droits de la personne dont sont victimes actuellement les Ouïghours et d’autres minorités musulmanes dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Nous savons depuis un certain temps que la République populaire de Chine persécute des minorités ethniques et ethnoreligieuses ainsi que des manifestants politiques et des militants pacifiques des droits de la personne. Le premier groupe qui nous vient à l’esprit est celui des Ouïghours musulmans. Il y a également les bouddhistes tibétains, les adeptes du Falun Gong ou du Falun Dafa, les Kazakhs et beaucoup d’autres encore.

En août 2018, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies rapportait qu’il avait reçu des informations crédibles selon lesquelles jusqu’à environ 1 million de Ouïghours et de membres d’autres minorités musulmanes de la région du Xinjiang étaient détenus dans des camps. Chers collègues, aujourd’hui, plusieurs sources font état de 2 à 3 millions de personnes persécutées. C’est absolument horrible.

Dans la région du Xinjiang, l’intensification exponentielle de la persécution a commencé avec l’arrivée de Chen Quanguo, qui est secrétaire du Parti communiste de cette région depuis août 2016. Il est aussi l’ancien secrétaire du Parti communiste de la Région autonome du Tibet. En janvier 2017, Sophie Richardson, directrice de recherche sur la Chine auprès de la division Asie de Human Rights Watch, a signalé que le système élaboré et mis en place par Chen Quanguo dans la Région autonome du Tibet est semblable à celui utilisé dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, depuis son arrivée là-bas.

Même si Chen Quanguo est le cerveau de ce système de répression massive, il est important de préciser que la personne qui l’a mis en place au Xinjiang est Zhu Hailun, car c’est lui qui savait ce qu’il fallait faire là-bas, qui il fallait arrêter et comment procéder.

Ce système a été conçu pour persécuter les minorités ethniques et ethnoreligieuses, ainsi que pour forcer à assimiler ces groupes qui sont considérés comme des ennemis de l’État chinois, uniquement en raison de leur identité ethnoreligieuse.

Les Ouïghours et autres minorités ethniques et ethnoreligieuses sont ciblés par la surveillance de masse effectuée au moyen de la reconnaissance de la voix, du balayage du visage, du balayage de l’iris, et ainsi de suite. Ces personnes sont détenues illégalement dans ces camps de rééducation, torturés, soumises à de mauvais traitements, abusées et persécutées, forcées d’abandonner leur culture, leur religion, leur langue, leur identité. Certaines sont même dispersées dans des prisons et des centres de détention en Chine continentale.

Pour ajouter à ces atrocités monstrueuses, comme en a fait état en septembre l’organisme Human Rights Watch, dont l’administration centrale est à New York, les enfants musulmans sont séparés de leurs parents et détenus arbitrairement dans de soi-disant établissements de « protection de l’enfance » ou encore dans des pensionnats à haute sécurité au Xinjiang, où ils sont rééduqués.

Chers collègues, après la publication du rapport des Nations unies, la République populaire de Chine a nié avec véhémence l’existence de camps, refusant d’admettre toute détention arbitraire et qualifiant les allégations de simples « fausses nouvelles ».

Elle a nié l’existence de tels camps jusqu’à ce qu’elle modifie les lois pour les légaliser. Comme c’est pratique!

Lundi dernier, on apprenait que, soudainement, tous les Ouïghours et les minorités ethnoreligieuses qui étaient détenus dans ces camps ont terminé leur « rééducation » et sont très heureux. Beijing a défendu ses camps dans la Région autonome ouïghoure du Xinjiang, ajoutant que la Chine continuera de les exploiter.

Chers collègues, nous savons tous ce que sont réellement ces camps. Il s’agit purement et simplement de camps d’endoctrinement. Leur seul objectif est d’assimiler le plus rapidement et le plus efficacement possible les minorités ethniques et ethnoreligieuses de la région afin de supprimer leur identité, leur culture, leur religion et leur langue. Comme le rapportait Bethany Allen-Ebrahimian, du Consortium international des journalistes d’investigation, dans son article sur les manuels d’instruction chinois concernant l’arrestation et la détention massives appuyées par des algorithmes : « Les documents chinois divulgués ont contribué à faire connaître à un plus grand nombre de personnes dans le monde l’existence du plus grand stratagème d’emprisonnement de membres d’une minorité ethnoreligieuse depuis la Seconde Guerre mondiale. » Les documents chinois rendus publics donnent la preuve que la communauté internationale a besoin de traduire la République populaire de Chine devant la justice pour ce qu’elle fait. Les crimes cesseront-ils si on s’en remet seulement au dialogue et la diplomatie internationale? J’en doute fortement.

La détention, la persécution et l’assimilation forcée de la minorité musulmane et des autres minorités ethnoreligieuses durent depuis des années et elles ne semblent pas être près de s’arrêter.

Le prélèvement d’organes et la persécution des adeptes du Falun Gong durent depuis des années et on n’en voit pas la fin.

L’oppression et la persécution constantes des Tibétains se répètent également depuis plusieurs années maintenant et, encore là, il n’y a toujours aucune indication que cela s’arrêtera.

Puis, il y a Michael Kovrig et Michael Spavor, deux Canadiens qui sont illégalement détenus depuis un an déjà, sans aucun accès à leurs avocats ou aux membres de leur famille.

Il y a aussi nos Canadiens oubliés, par exemple, cet homme détenu en Chine, citoyen canadien et ancien militant ouïghour, qui a fui la Chine et est venu au Canada comme réfugié. Alors qu’il était en voyage en Ouzbékistan, il a été arrêté et remis aux autorités chinoises. Cela fait maintenant 13 ans que Huseyin Celil est injustement emprisonné. Treize ans de dialogue et de diplomatie internationale. Je pourrais continuer ainsi pendant des heures.

Honorables collègues, voilà ce que nous savons. Pouvez-vous imaginer ce que nous ne savons pas? Combien d’années devrons-nous encore attendre pour que le dialogue et la diplomatie internationale donnent des résultats tangibles? Le temps presse et, à un moment donné, le dialogue et la diplomatie internationale ne contribuent plus à faire avancer la cause. Pourquoi le monde entier devrait-il tolérer de telles oppressions et injustices et autant d’inhumanité et de cruauté?

Le temps presse et, à un moment donné, le dialogue et la diplomatie internationale se butent à une voie sans issue.

En tant que nation, le Canada a toujours été et sera toujours un champion dans la lutte pour la démocratie, les libertés et les droits fondamentaux de la personne ainsi que la primauté du droit; ces valeurs, que nous chérissons noblement en tant que Canadiens et qui nous tiennent tant à cœur, sont profondément incrustées en nous, coulent facilement dans nos veines et font partie de notre ADN.

Pourquoi devrions-nous nous en départir? Pourquoi devrions-nous faire l’autruche et prétendre que ces exécrables atrocités disparaîtront miraculeusement du jour au lendemain grâce au dialogue et à la diplomatie internationale? Tout cela, soit dit en passant, n’a abouti à rien jusqu’à présent.

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