Le Sénat
Motion tendant à demander au gouvernement d'accélérer la mise en œuvre des solutions numériques qui transforment l’expérience des Canadiens en matière de prestation des services publics--Suite du débat
3 octobre 2023
Je prends la parole aujourd’hui pour parler de la motion no 107, présentée par notre collègue le sénateur Deacon. Même si je n’ai pas son grand intérêt ni son expertise en matière numérique — loin de là! —, je soutiens ses efforts et son objectif en vue de rendre la prestation de nos services publics plus efficace et plus accessible.
Je dois d’abord avouer que, quand j’ai vu la motion du sénateur Deacon, je me suis immédiatement dit : « Je vais enfin pouvoir lancer une diatribe contre les sites Web du gouvernement. » Toutefois, je me suis ensuite dit que ce ne serait pas très constructif compte tenu de ce que la motion vise à faire.
Par contre, je dirais que nous sommes placés devant une sorte de paradoxe. En votant en faveur de la motion — ce que je ferai —, nous demandons au gouvernement d’en faire davantage dans un domaine où il a été plutôt mauvais. J’aurais envie de passer 10 minutes à critiquer le dysfonctionnement de certains des services en ligne, mais je vais résister à la tentation.
Réfléchissez seulement aux deux anecdotes suivantes. La première provient d’une famille de résidents permanents du Canada qui vivent à Montréal. Il s’agit d’immigrants d’Europe de l’Est. Les deux membres du couple sont ingénieurs en télécommunications. Ils ont deux enfants. Ils vivent au Canada depuis quelques années et ont récemment dû renouveler leur carte de résident permanent alors qu’ils s’apprêtaient à demander la citoyenneté canadienne. Il s’agissait d’une formalité. Ils se sont donc rendus sur le site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, puis ils ont commencé à remplir les formulaires en ligne pour leur famille de quatre personnes. Il s’agit de demandes assez complexes, même pour les gens qui sont déjà des résidents permanents.
Le père a commencé à travailler sur le processus un soir, et après avoir éprouvé quelques difficultés, il a décidé de prendre un jour de congé uniquement afin de remplir les demandes en ligne, mais cela n’a pas fonctionné. Pour une raison ou une autre, le site du gouvernement ne lui permettait pas de soumettre la demande. Cet homme, qui est ingénieur en télécommunications, a donc commencé à chercher des conseils et a découvert des blogues entiers consacrés à la navigation du système d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. On lui a dit que le nom de sa rue était peut-être trop long. On lui a dit d’essayer d’ajouter des espaces dans son code postal. On lui a dit de ne pas utiliser de lettres majuscules. On lui a dit d’autres choses, mais en fin de compte, rien n’a fonctionné.
Après avoir perdu plus d’une journée sur la demande en ligne de sa famille, cet homme très intelligent et technologiquement compétent a imprimé les documents de demande et les a envoyés sur papier.
Voici une deuxième anecdote. Tout le monde sait que nous manquons cruellement de médecins dans plusieurs régions, notamment dans les Laurentides, au Québec. Or, deux médecins d’origine française sont venus nous prêter main-forte depuis cinq ans et suivent 2 700 patients à eux deux.
Malheureusement, on a appris ces derniers jours qu’Isabelle Branco et Jean-Louis Ménard ont dû suspendre leurs rendez-vous et que leurs permis de travail étaient en péril. Ils ne soignent donc plus leurs patients, sous prétexte qu’un code manquait dans leur dossier, même s’il avait été envoyé plusieurs jours auparavant.
Heureusement, le dossier s’est réglé hier, mais on peut supposer que c’est l’intervention des médias qui a rendu ce dénouement possible.
Voici le paradoxe : même si de nombreux citoyens et citoyennes, moi y compris, s’arrachent les cheveux sur les sites Web du gouvernement depuis des années, nous en voulons davantage. Il nous en faut davantage.
La raison est simple : une grande partie de nos vies se passe désormais en ligne. Nous payons nos factures en ligne. Nous communiquons en ligne. Nous effectuons nos opérations bancaires en ligne. Nous faisons nos recherches en ligne. Nous achetons en ligne.
Steve’s Music Store, un des commerces les plus célèbres de Montréal, avait cette devise : « Si nous ne l’avons pas, vous n’en avez pas besoin. » De nos jours, si quelque chose n’est pas sur Internet, cela n’existe pas.
C’est pourquoi nous avons besoin que le gouvernement fédéral augmente la quantité et la qualité de ses services en ligne.
Je ne répéterai pas les statistiques citées par le sénateur Deacon à propos du retard du Canada dans le classement des gouvernements numériques. Je ne m’étendrai pas non plus sur les réductions de coûts — parce qu’elles sont difficiles à quantifier, comme le montrent clairement les récents rapports du directeur parlementaire du budget. Quoi qu’il en soit, cette transformation numérique ne consiste pas seulement à réduire les coûts. Il s’agit également de nous faciliter la vie et de garantir que nos services publics restent accessibles à mesure que la technologie évolue.
Pour que cela se produise, je suggère que notre gouvernement fédéral se concentre notamment sur deux choses.
La première, c’est la simplicité. Même si l’objectif premier de cette motion est d’augmenter la quantité de services disponibles en ligne, je pense que ce sera impossible si nous n’en améliorons pas également la qualité.
Les sites Web gouvernementaux doivent être simples à utiliser, avec un langage simple — pas du klingon —, des instructions simples, des processus de connexion simples et une authentification simple. Ils doivent également être fiables et flexibles, et non conçus pour accepter uniquement des types spécifiques de fichiers, de requêtes, de logiciels, de certificats, de caractères, de navigateurs et de formats. Ils doivent être conçus pour que des enfants de 10 ans ou des adultes de 64 ans, comme moi, puissent les utiliser sans pleurer ni crier.
Le rapport du directeur parlementaire du budget contient un paragraphe encourageant sur ce point :
Pour cela, le gouvernement fédéral a créé un lien entre Mon Dossier des particuliers de l’ARC et Mon Dossier Service Canada d’EDSC. Ainsi, le particulier ouvre une seule session et profite de la fonctionnalité fondée sur le principe de « une fois suffit ». [...] En plus d’intégrer la connexion intégrée entre [les comptes de différentes agences], le gouvernement fédéral a établi des partenariats avec certains établissements financiers (partenaires de connexion) et certaines provinces pour l’accès aux services du gouvernement du Canada. [L]a possibilité d’utiliser différents justificatifs d’identité permet d’avoir des services en ligne « plus faciles d’accès » et « un nom d’utilisateur et un mot de passe de moins à mémoriser. »
J’aimerais prendre un instant pour m’assurer que les archives éternelles du Sénat enregistrent clairement cette recommandation cruciale pour l’avenir de l’humanité : avoir à mémoriser moins de noms d’utilisateur et de mots de passe.
Le deuxième élément dont il faut tenir compte est la protection des renseignements personnels et la sécurité de l’information. Je n’ai absolument aucune connaissance technique dans ces domaines. Pour être bien franche, ce n’est pas quelque chose qui m’empêche de dormir le soir, peut-être parce que je suis naïve, ou bien parce que mes renseignements personnels n’ont rien d’excitant. Toutefois, je sais que beaucoup de gens, dont un de mes amis, sont très préoccupés par la protection de leurs renseignements personnels et la sécurité de l’information. Je sais également que ces choses sont importantes. À mesure que le gouvernement effectue la transition vers les services numériques et l’identification numérique, il doit adopter des pratiques exemplaires et être entièrement transparent à l’égard de ce qu’il fait.
Il n’en va pas simplement de la sécurité de l’information; il en va également de la confiance du public dans nos institutions, ce qui a des implications qui vont bien au-delà de la prestation des services gouvernementaux. Alors que, malheureusement, la confiance du public dans nos institutions semble être plus faible que jamais, le gouvernement doit adopter une approche exemplaire dans les interactions numériques et le traitement de l’information.
Je conclus en répétant que j’appuie la motion no 107. Le gouvernement fédéral doit poursuivre la transition vers une prestation numérique de ses services, et il doit le faire plus rapidement et mieux. Je ne m’attends pas à ce que cette transformation majeure s’achève à court terme. Cependant, et pour cette raison, je suis reconnaissante d’avoir mon époux, mes enfants et de jeunes membres au sein du personnel de mon bureau pour m’aider à m’y retrouver dans ces portails Web diaboliques. Merci.