Projet de loi sur la réaffectation des biens bloqués
Deuxième lecture--Suite du débat
30 avril 2019
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-259, Loi sur la réaffectation de certains biens saisis, bloqués ou mis sous séquestre. Je tiens tout d’abord à remercier la sénatrice Omidvar de son travail en tant que marraine de la mesure législative, et le Conseil mondial pour les réfugiés de son appel à l’action afin de transformer le système mondial d’aide aux réfugiés.
S’il est adopté, le projet de loi S-259 permettra au Canada de remédier plus efficacement aux violations des droits de la personne commises par des dirigeants étrangers qui tentent de protéger des biens mal acquis au Canada. Bien que la loi canadienne permette déjà la saisie de ces biens, la mesure législative créerait la possibilité de les réaffecter au profit de ceux qui ont été marginalisés et victimisés.
Honorables sénateurs, lorsqu’il est question du système mondial d’aide aux réfugiés, et plus particulièrement de la violence sexuelle et fondée sur le sexe, il est manifeste qu’il y a peu de reddition de comptes. Les voix des personnes déplacées, en particulier les femmes, les filles et les personnes ayant des orientations sexuelles et des identités sexuelles diverses, sont trop souvent ignorées. Le Conseil mondial pour les réfugiés rapporte que plus de la moitié des réfugiés du monde et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont des femmes et des filles qui sont trop souvent perçues uniquement comme des victimes et exclues des processus décisionnels et des possibilités de leadership.
En plus de leur vulnérabilité permanente à la violence sexuelle et fondée sur le sexe avant, pendant et après leur déplacement, les femmes jouent un rôle crucial dans le maintien de l’unité de leur communauté et de leur famille pendant les crises.
La violence sexuelle et fondée sur le sexe est endémique chez les réfugiés, particulièrement en raison de la marginalisation qui découle des déplacements, du manque de ressources, de l’incertitude liée au statut juridique et de l’isolement social. Comme le savent les personnes qui travaillent auprès et au nom des victimes de violence au Canada, les gens qui cherchent à exploiter sexuellement les femmes et les enfants ciblent ceux qui sont les plus vulnérables en raison de leur race, d’un handicap, de leur classe sociale et de leur pauvreté.
L’ostracisme, la traite des personnes, le mariage forcé et la violence familiale sont aussi beaucoup trop courants dans des situations de déplacement. Ce genre de menaces constantes issues des inégalités préexistantes entre les sexes aggrave la violence envers les femmes et la violence fondée sur l’orientation sexuelle durant les déplacements. Tout comme pour la violence subie par les femmes en situation familiale, il est particulièrement difficile d’intenter des poursuites pour des crimes contre l’humanité liés au sexe, y compris l’exploitation et les agressions sexuelles, les grossesses et la stérilisation forcées, et de les faire reconnaître comme des crimes contre l’humanité.
De toute évidence, il est urgent de faire en sorte que les mécanismes de justice internationaux fassent respecter les droits fondamentaux de tous et répondent à ces violations systémiques des droits des déplacés. À cet égard, le projet de loi S-259 constitue un pas dans la bonne direction. Comme la sénatrice Omidvar l’a montré en proposant un processus indépendant et transparent pour la confiscation et la réaffectation de biens étrangers, le projet de loi à l’étude pourrait contribuer à dissiper chez les dirigeants étrangers la croyance selon laquelle le Canada peut servir de lieu sûr pour leurs gains illégitimes.
Au nom du gouvernement du Canada et en fonction de faits vérifiables provenant de sources sûres, le procureur général pourrait demander aux tribunaux d’ordonner la saisie et la réaffectation des biens obtenus grâce à des activités illégales. Au moyen d’un processus dépolitisé assurant l’application régulière de la loi, qui se ferait notamment en envoyant une mise en demeure, en ayant recours à des témoins, en examinant la preuve, y compris celle qui serait produite par des représentants du dirigeant ou de l’entité étrangers, et en prenant des décisions fondées sur les preuves, les tribunaux canadiens pourraient, pour la première fois, ordonner la réaffectation des biens en vue de mieux soutenir les victimes de violation des droits de la personne commises à l’étranger.
Les mesures correctives qui en résulteraient pourraient comprendre l’envoi de ressources à un pays voisin aux prises avec l’afflux de réfugiés, au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ou à un autre organisme non gouvernemental afin de les aider à répondre aux besoins des personnes déplacées. Lorsque le Canada permet à des dictateurs, à ceux qui violent les droits de la personne et aux kleptocrates — les gouvernements dont les dirigeants sont corrompus — de mettre leurs avoirs à l’abri sur son territoire, il se fait complice de leurs actes. Le Canada s’est bâti une image de leader en matière de défense des droits de la personne sur la scène internationale. Afin de faire honneur à cette réputation, nous devons défendre les droits de ceux qui sont les plus menacés, tant au pays qu’à l’étranger.
Alors que nous travaillons à corriger l’héritage du colonialisme et de l’oppression ici même au pays, ce projet de loi nous donne l’occasion de soutenir la défense des droits de la personne à l’échelle internationale. Nous devons favoriser la transparence et la responsabilité, mettre fin aux inégalités, à l’injustice et à la discrimination systémiques dans le système mondial d’accueil des réfugiés et y remédier. Il est temps de refondre ce régime afin de protéger ceux qui fuient le danger, d’aider les pays qui les accueillent, de mettre fin à la peur, de tenir les dirigeants responsables et de rétablir la coopération internationale.
J’appuie les objectifs de ce projet de loi afin que le Canada contribue à l’avènement d’un système mondial d’accueil des réfugiés plus juste et équitable. Merci. Meegwetch.