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L'étude de la motion tendant à autoriser une modification à la Constitution (Loi sur la Saskatchewan) par proclamation de Son Excellence la gouverneure générale

Quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles--Ajournement du débat

5 avril 2022


L’honorable Paula Simons [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais commencer aujourd’hui en faisant un peu d’histoire. En 1880, le gouvernement du Canada signe avec le Canadien Pacifique, le CP, un contrat qui octroie à l’entreprise une exemption fiscale à perpétuité pour la portion de son réseau qui allait se trouver dans les Prairies canadiennes.

N’oublions pas que les provinces de la Saskatchewan et de l’Alberta n’existent pas en 1880. Ce n’est qu’en 1869, soit 11 ans auparavant, que la Compagnie de la Baie d’Hudson vend le territoire, qui était à l’époque la Terre de Rupert, au gouvernement du nouveau pays du Canada pour la somme dérisoire de 300 000 livres, ou 1,5 million de dollars, quoique vous pourriez dire que la Compagnie de la Baie d’Hudson a conclu une très bonne affaire, vu que le territoire en question ne lui appartenait pas, en réalité. La Terre de Rupert n’a jamais été conquise par la Couronne britannique. Ce territoire utilisé pour le commerce des fourrures par la Compagnie de la Baie d’Hudson était jusque-là le territoire des Premières Nations et des Métis. Ces derniers le considéraient comme leur pays.

Plus tard, des traités couvrant le territoire où se trouve le chemin de fer du Canadien Pacifique sont négociés, mais ces traités sont signés seulement plusieurs années après la vente de la Terre de Rupert : le Traité no 4, en 1874, et le Traité no 6, en 1876. Il faudra attendre jusqu’en 1877 pour que le Traité no 7 soit signé, seulement trois ans avant que le gouvernement ne conclue son entente avec le Canadien Pacifique.

Le gouvernement de sir John A. Macdonald a fait preuve d’une grande arrogance colonialiste en exemptant indéfiniment le Canadien Pacifique de payer des taxes sur un territoire qui lui avait été donné par la Couronne pour ses emprises. Oui, vous m’avez bien entendue. Le Canadien Pacifique a obtenu ce territoire gratuitement et s’est vu accorder une exemption fiscale à perpétuité.

On a observé le même esprit colonialiste quand la Saskatchewan et l’Alberta sont finalement entrées dans la Confédération en 1905, sans pour autant être considérées comme des provinces à part entière avec les mêmes droits que les autres. On les traitait plutôt un peu comme des provinces de second rang pour ce qui est de la gouvernance de leurs terres et de leurs ressources naturelles. La même mentalité colonialiste du Centre du Canada permet d’expliquer pourquoi l’exemption fiscale du Canadien Pacifique a été inscrite dans la Loi sur l’Alberta et la Loi sur la Saskatchewan et, par conséquent, dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique.

C’est absurde quand on y pense. Nous avons prévu dans notre Constitution, l’outil législatif suprême de notre pays, une subvention — une exemption fiscale perpétuelle — pour une compagnie privée. Nous ne l’avons même pas supprimée lors du rapatriement de la Constitution en 1982, continuant ainsi à traiter les contribuables de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba comme des citoyens de deuxième classe qui devront perpétuellement subventionner le coût du capitalisme de copinage de sir John A. Macdonald.

Il est probable que la raison pour laquelle ce problème n’a pas été soulevé il y a 40 ans lorsque nous avons rapatrié la Constitution, c’est parce que le Canadien Pacifique a commencé à payer des impôts dans les Prairies de son propre chef en 1966. C’est peut-être pour cela que personne n’a cherché à remédier à cet anachronisme absurde en 1982, lorsque nous avons rouvert la Constitution pour la réviser et la restructurer.

En fait, toute cette affaire aurait pu être reléguée dans les manuels d’histoire si le Canadien Pacifique n’avait pas poursuivi les trois provinces des Prairies en 2008 pour exiger le remboursement d’impôts qu’il avait payé de son plein gré ou, plus précisément, le remboursement de ses impôts sur six ans, soit la période maximale pour laquelle il pouvait réclamer ce remboursement en vertu du délai de prescription.

La logique du Canadien Pacifique s’appuyait sur une décision rendue par la Cour suprême du Canada en 2007, Kingstreet Investments Ltd c. Nouveau-Brunswick. Dans cette affaire, la Cour a estimé que les règles relatives à la restitution peuvent généralement être invoquées pour recouvrer des sommes perçues en vertu de dispositions législatives ultérieurement déclarées ultra vires, car il serait fondamentalement inacceptable qu’un gouvernement conserve les taxes qu’il a perçues en vertu d’un régime qui dépasse ses pouvoirs juridiques. En d’autres termes, l’interprétation de l’affaire Kingstreet par le Canadien Pacifique a soulevé une vive controverse.

Aujourd’hui, nous discutons précisément d’une motion visant à mettre fin à l’exemption fiscale du chemin de fer Canadien du Pacifique en Saskatchewan; mais n’oublions pas que le Canadien Pacifique a aussi poursuivi l’Alberta, contre laquelle il a déposé une déclaration de revendication le 13 août 2008. À l’époque, le premier ministre provincial était Ed Stelmach.

Même s’il n’y a pas encore eu de procès et qu’on n’a même pas encore procédé aux interrogatoires préalables, la poursuite est restée active durant les mandats d’Ed Stelmach, d’Alison Redford, de Jim Prentice, de Dave Hancock, de Rachel Notley, et de Jason Kenney. En fait, le Canadien Pacifique a déposé une mise à jour de sa déclaration contre l’Alberta en décembre 2020, où la société exige d’être également exemptée des taxes sur le carbone et les carburants.

Je m’exprime donc aujourd’hui surtout en tant que sénatrice et contribuable de l’Alberta ayant un vif intérêt à faire en sorte que les autres contribuables albertains soient traités de manière équitable au sein de la Confédération.

Dans ce contexte, permettez-moi de présenter trois arguments.

Premièrement, en dépit du libellé de la Loi sur l’Alberta et de la Loi sur la Saskatchewan, et malgré l’incorporation dans la Constitution de cette subvention perpétuelle consentie à une société, l’entente n’est pas coulée dans le béton, et les autorités judiciaires semblent convenir que le Parlement du Canada a le droit et le pouvoir de la modifier. Après tout, le Parlement est souverain, et l’on pourrait soutenir qu’aucun Parlement n’a le pouvoir de lier ainsi un Parlement futur à perpétuité, car nul Parlement, pas même celui dirigé par sir John A. Macdonald, n’est supérieur à un autre.

Ce n’est pas un conte des Mille et une nuits ou des frères Grimm, où un royaume est maudit parce que son roi a conclu un pacte de sang avec un djinn ou Rumpelstiltskin. Nous avons le pouvoir de rompre ce sort.

Il s’agit d’un accord commercial conclu en 1880, dans un monde complètement différent, où la Saskatchewan et l’Alberta n’existaient même pas et où personne n’imaginait que le CP changerait son nom pour Canadian Pacific Kansas City Limitée ou que certains de ses trains se rendraient jusqu’au Mexique. À quel point est-il logique qu’un tel accord soit contraignant 142 ans plus tard?

Ensuite, il y a également une question d’équité procédurale et de ce qu’on pourrait appeler de justice naturelle. Le CP et le gouvernement de la Saskatchewan sont engagés dans un conflit juridique actif sur cette question depuis 2008. Ce ne serait pas vraiment sportif de la part du gouvernement de la Saskatchewan et du Parlement du Canada de contourner ce processus juridique en changeant les règles aussi radicalement au milieu de la compétition. Ce serait « hardly cricket », pour reprendre une expression coloniale anglaise de 1880. Ce serait loin d’être juste.

Il est possible que vous ne compatissiez pas particulièrement avec le CP. Après tout, c’est lui qui a ouvert cette boîte de Pandore lorsqu’il a intenté une poursuite en 2008. Il aurait pu s’attendre à ce que la Saskatchewan ait recours à cette option explosive au lieu de rembourser des millions de dollars en impôts. De plus, étant donné que le CP a déclaré des revenus de 8 milliards de dollars en 2021, vous n’éprouvez peut-être pas beaucoup de sympathie à son égard.

Je ne suis cependant pas à l’aise à l’idée de modifier la Constitution de façon rétroactive, comme le propose cette motion, et d’antidater la modification à 1966. La Constitution est le code moral du Canada, son ADN. Il faut la traiter avec respect et être conscients que nos actions ont des répercussions à long terme. En effectuant une modification ex post facto d’un droit constitutionnel, le gouvernement créerait un précédent problématique. Quels autres droits constitutionnels un futur gouvernement pourrait-il tenter de modifier de la sorte à postériori?

En 1988, dans l’arrêt Ford c. Québec, la Cour suprême du Canada a soutenu que la clause dérogatoire de la Constitution ne pouvait être appliquée de façon rétroactive, qu’elle permettait seulement une dérogation prospective. Je ne suis pas constitutionnaliste, contrairement à de nombreux sénateurs, mais le bon sens seul m’amène à me demander si un argumentaire comparable ne devrait pas s’appliquer dans le cas présent quant à la dérogation prospective. Je suis prête à débattre des bienfaits de la modification de cette entente pour l’avenir de la Saskatchewan. Je suis passablement moins à l’aise à l’idée d’adopter une motion qui nous ferait voyager dans le temps pour revenir 56 ans en arrière dans le but non seulement de réécrire la Constitution, mais de réécrire l’histoire. La motion est peut-être recevable, mais je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une bonne politique publique.

Voici ma troisième préoccupation : il s’agit d’une entente indépendante conclue avec la Saskatchewan, donc d’une exception constitutionnelle pour une province, mais la Saskatchewan est située entre l’Alberta et le Manitoba, deux provinces qui font face au même problème qu’elle avec le Canadien Pacifique. Est-ce qu’il est sensé de modifier la Constitution à la faveur d’une seule province, alors que deux autres provinces sont dans le même bateau, ou plutôt dans le même wagon? Je ne peux pas m’empêcher de penser que ce n’est pas une façon de gérer un pays.

Modifier la Constitution ainsi, de façon fragmentaire, nous laisse avec une Confédération précaire et en déséquilibre. En tant qu’Albertaine, je suis mécontente que ma province ait été laissée pour compte dans l’entente et qu’elle ait été détournée vers la voie d’évitement. Ce n’est pas juste envers les Albertains. C’est un déséquilibre qui ne doit pas être maintenu.

J’ai tenté de communiquer avec le gouvernement de l’Alberta pour en discuter. Je serais tout à fait disposée à collaborer avec la province pour voir si nous pouvons corriger ce déséquilibre. Je pourrais très bien me porter volontaire pour présenter une motion au Sénat afin que les Albertains obtiennent un traitement équitable.

Dans l’intervalle, je m’inquiète du fait qu’en procédant à ces modifications petit à petit, nous manquions l’occasion de procéder à un examen plus cohérent de ces irrégularités constitutionnelles. Je crains, moi aussi, que nous renoncions à la possibilité de nous pencher sur le rôle et les droits des peuples autochtones, dont les terres traditionnelles en Alberta sont traversées par la principale voie ferrée du CP et abritent les cinq nations visées par le Traité no 7, soit les nations des Siksika, des Kainai, des Piikani, des Stoney-Nakoda et des Tsuut’ina.

Je vous remercie de m’avoir donné, en tant que sénatrice de l’Alberta, l’occasion de parler en faveur des droits de tous mes concitoyens albertains. Il est plus que temps de corriger un anachronisme juridique qui nie aux trois provinces des Prairies leur droit constitutionnel de percevoir des taxes et des impôts sur leurs propres territoires. Nous ne pourrons être une confédération moderne tant que l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba seront traités comme des colonies de deuxième classe. Je souhaiterais simplement que nous nous attaquions à ce problème sous un angle quelque peu différent.

Merci, hiy hiy.

Honorables sénateurs, je remercie mes collègues pour leurs interventions sur cette question.

Je prends la parole aujourd’hui pour vous exhorter à collaborer afin de respecter l’un de nos devoirs les plus importants de sénateurs. Comme nous le savons bien, nous sommes solidairement responsables de veiller à ce que tous les points de vue soient entendus. Trop souvent, on semble faire volontairement la sourde oreille aux opinions des personnes les plus marginalisées. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de nous assurer que ce ne soit pas le cas.

Voici quelques faits importants.

L’accord conclu en 1881 entre le gouvernement du Canada et le Canadien Pacifique, ou CP, donnait à ce dernier accès aux territoires traditionnels des peuples des Premières Nations, qu’il s’agisse de terres non cédées ou de terres visées par un traité. La clause 12 du contrat entre le CP et le gouvernement du Canada prévoyait ce qui suit :

Le gouvernement éteindra le titre des Sauvages aux terres par le présent affectées et qui seront à l’avenir concédées comme subvention au chemin de fer.

Ce mépris flagrant pour les droits des peuples autochtones sous-tend la motion no 14 et en constitue le contexte fondamental.

Les terres cédées entre le CP et le gouvernement de la Saskatchewan sont régies par trois traités — les traités nos 4, 6 et 10 — conclus avec les Cris, les Saulteaux, les Chipewyan, les Ojibwés et les Assiniboines. Il s’agit d’accords négociés de bonne foi entre la Couronne et les peuples autochtones, mais qui n’ont pas été honorés par le gouvernement fédéral.

Même s’il est très tentant de souligner l’ampleur de toutes ces promesses non tenues, le temps ne me le permet pas. J’invite donc les personnes intéressées à en savoir plus à examiner les documents de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Toutefois, afin de vous donner une idée du genre de questions dont il s’agit, je trouve qu’il est important de vous donner quelques exemples.

La première violation concerne la colonisation d’un secteur connu sous le nom de « terre des traités », un lieu qu’on avait accepté de consacrer à la négociation des traités. C’est là que le Traité no 4 a été signé et où les peuples autochtones recevaient leurs indemnisations annuelles liées aux traités.

En 1882, on a dit aux peuples du Traité no 4 qu’ils recevraient leurs paiements sur leurs réserves plutôt que sur la terre des traités. Même si cette décision a été mal accueillie par les Premières Nations, les Affaires indiennes ont transféré unilatéralement la terre des traités au ministère de l’Intérieur en 1894. Il a fallu plus d’un siècle avant que les peuples du Traité no 4 puissent la récupérer.

Le Traité no 6 a été signé alors que les Cris étaient constamment menacés de famine parce que le bison, leur principale source d’alimentation, était chassé par les nouveaux colons jusqu’à l’extinction. Il s’agissait d’un problème si grave pour les Autochtones qu’ils ont inclus une disposition relative « à la disette et à la peste » dans le traité. Malgré la négociation de cette disposition, les gouvernements successifs n’ont pas su assurer la sécurité alimentaire et sanitaire des Premières Nations. En fait, ces enjeux, combinés à l’insécurité économique, constituent toujours des problèmes importants de nos jours. À elle seule, l’insécurité alimentaire se situe à un taux qui varie d’une moyenne horrible de 48 % jusqu’à un niveau génocidaire de 60 % dans beaucoup trop de communautés des Premières Nations.

Le Traité no 10, quant à lui, a été signé en 1906, soit 25 ans après l’entente conclue entre le CP et le Canada. Même à cette époque, on a violé presque immédiatement ce traité. En effet, la Première Nation des Cris de Canoe Lake et la Première Nation d’English River n’ont pas reçu la pleine part des terres de réserve qui leur avait été promise.

Cependant, les préoccupations ne s’arrêtent pas là. Même si, aux dires du gouvernement, les traités ont aboli la notion de la « propriété autochtone » des terres ancestrales autochtones, toutes les Premières Nations concernées affirment qu’elles ont accepté de partager leurs terres et non pas de les vendre.

Il y a aussi des différends à propos de la nature et de la portée des droits énoncés dans ces traités. Il est largement admis que durant les négociations, les représentants gouvernementaux ont fait des promesses de vive voix qui n’ont pas été intégrées dans les versions écrites des ententes, mieux connues sous le nom de traités.

Dans l’arrêt R. c. Badger, la Cour suprême du Canada a établi les principes qui gouvernent l’interprétation des traités en fonction de ces faits. De plus, le juge Sopinka a écrit que même lorsque la version écrite d’une entente était conforme aux promesses faites oralement, des obstacles linguistiques et culturels demeuraient et qu’en raison du manque de familiarité avec le système de la common law, il fallait réexaminer les traités sous un éclairage particulier. Les traités doivent être interprétés de la façon dont les peuples autochtones les auraient naturellement compris à l’époque où ils ont été signés.

C’est une réalité que les Canadiens trouvent peut-être difficile d’entendre et de comprendre. Ils ont toutefois accepté de confronter ce passé difficile pour bâtir un avenir meilleur. Le Canada a adopté la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, dont plusieurs articles portent sur la réparation des torts causés par le colonialisme et misent sur la négociation, de bonne foi, de relations de nation à nation avec les peuples autochtones. Rappelons que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, et les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

Plus récemment, le gouvernement du Canada a présenté son engagement envers la réconciliation avec les peuples autochtones comme l’une de ses grandes priorités. Cet engagement fait aussi partie des lettres de mandat des 36 membres du Cabinet. L’un des aspects de la réconciliation, c’est que les Canadiens doivent connaître, comprendre et reconnaître la réalité du passé colonial raciste que nous avons si longtemps ignoré et travailler pour réparer ces torts. Il sera impossible, sinon, d’avancer dans un esprit de réconciliation.

La motion à l’étude mérite toute cette mise en contexte et encore plus, chers collègues. Je vous remercie du temps que vous m’avez consacré.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Peter Harder [ + ]

Chers collègues, je vais citer le sénateur George Baker, qui disait souvent ։ « Je vais être bref. » Mais, contrairement au sénateur Baker, je vais l’être.

Je tenais à intervenir dans le débat afin de faire valoir quelques points et, comme le prône la sénatrice Pate, mettre la discussion en contexte. Nous ne serions pas en train de tenir l’actuel débat si le sénateur Tannas n’avait pas présenté une motion afin de soumettre la question à un comité pour qu’elle fasse l’objet d’audiences.

Comme d’autres intervenants l’ont clairement indiqué, en raison de la façon dont le débat s’est déroulé à l’Assemblée législative de la Saskatchewan — deux discours, pas de témoins, pas de comité — et dans l’autre chambre — pas de témoins, un débat lors de la journée de l’opposition et une motion unanime —, ce n’est qu’au Sénat du Canada que nous avons non seulement eu un vrai débat, mais que nous avons aussi entendu des témoins.

Et la mise en contexte de la motion, de la modification constitutionnelle, que vous avez entendue aujourd’hui et que nous avons entendue en comité, et, en fait, que nous avons entendue lorsque la motion a été présentée pour la première fois, je pense que cela témoigne à tout le moins que le Sénat ne se laisse pas bousculer.

Mais je pense que nous avons également le devoir de nous demander quel est le rôle du Sénat relativement à une telle motion. Mon point de vue, dont j’aimerais vous faire part, est que nous devons nous assurer que la motion est appropriée sur le plan constitutionnel et que nous exerçons notre rôle de manière appropriée, comme le prescrit la Constitution, à des fins de modification.

Je soutiens que nous avons exercé notre rôle constitutionnel et que cette motion ainsi que la modification qu’elle propose représentent un mécanisme et une conclusion constitutionnellement appropriés.

Mais pourquoi est-ce que je prends la parole?

Je prends la parole parce que je regrette que, dans le rapport du comité, il n’y ait vraiment aucune observation reflétant les préoccupations que nous avons entendues, en dehors de la question de la constitutionnalité, qui est la plus importante. Des préoccupations de principe ont été soulevées lors des audiences et confirmées quand les sénateurs ont posé des questions, et vous en avez entendu quelques-unes aujourd’hui.

Je veux préciser qu’il est approprié de soulever ces préoccupations de principe pour le contexte, mais qu’il n’est pas approprié de se baser sur celles-ci pour déterminer si l’on appuie ou non la mesure législative. Je sais que c’est une petite nuance, mais je reviens au rôle du Sénat en ce qui concerne les modifications à la Constitution demandées par une province.

Sénateurs de l’Alberta et du Manitoba, si vos provinces choisissent de demander une modification à la Constitution comme l’a fait la Saskatchewan, vous serez traités de la même manière. C’est à la province que revient la décision de lancer un tel processus.

En passant, le Sénat n’a qu’un rôle suspensif et non déterminatif quand il est question de ces modifications.

Ainsi, en entendant le contexte du débat d’aujourd’hui, et peut-être plus tard cette semaine, souvenez-vous de votre rôle et de votre obligation en tant que sénateurs. Je vous prie d’appuyer la modification. Par contre, il faut reconnaître que les questions que sont la rétroactivité et l’apport de modifications dans un contexte de litige suscitent quelques appréhensions pour moi, du moins, et pour d’autres aussi, je crois bien.

Merci.

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