Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
7 avril 2022
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-5, connu sous son titre abrégé comme la Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.
Notre collègue le sénateur Kutcher, qui est le parrain de ce projet de loi, a lui-même avoué que c’est un titre à rallonge, alors je suivrai son exemple en l’appelant simplement le projet de loi S-5.
Compte tenu des événements que nous avons traversés au cours des deux dernières années, il est difficile d’imaginer que quiconque puisse s’opposer à ce projet de loi ou à toute autre mesure qui vise à ce que tous les Canadiens puissent jouir d’un environnement aussi sain que possible. La santé est une priorité pour nous tous et elle le sera encore un certain temps.
La protection de l’environnement a toujours été une priorité pour les conservateurs. Après tout, c’est bien Brian Mulroney — nommé premier ministre le plus vert que le Canada ait connu — qui a pris des mesures rigoureuses et fructueuses pour régler le problème des pluies acides. À cette époque, on peut dire que ce problème n’était certainement pas facile à résoudre.
Si la pandémie de coronavirus nous a montré quelque chose, ce sont bien les limites des gouvernements lorsqu’il s’agit de respecter des promesses comme la reconnaissance du droit à un environnement sain. Pourtant, c’est ce que le gouvernement a décidé — avec tambours et trompettes — de mettre au centre du projet de loi.
Loin de moi l’idée de ne pas saluer l’effort, mais nous savons tous qu’il y a des limites à ce que le gouvernement peut faire pour protéger ce droit, des limites dictées par les menaces environnementales indépendantes de sa volonté, de toute évidence, mais aussi de l’incompétence du gouvernement, une marque distinctive du gouvernement néo-démocrate—libéral en particulier. La gestion de la pandémie illustre bien cette incompétence. Aucun gouvernement n’aurait dû être mieux préparé étant donné l’expérience vécue lors des épidémies de SRAS et de H1N1. Pourtant, le Canada a été carrément pris au dépourvu.
Outre le fait que le Canada n’était pas préparé, les décisions du gouvernement néo-démocrate—libéral pendant l’année qui a précédé la pandémie n’ont fait qu’aggraver la situation. En effet, le gouvernement a fermé trois entrepôts de la Réserve nationale d’urgence en mettant au rebut des millions d’articles d’équipement de protection individuelle qui auraient pu être utilisés pour faire face à la première vague, il a essentiellement démantelé — six mois avant l’apparition du virus — le système canadien d’alerte précoce des maladies infectieuses reconnu mondialement, et il a ignoré l’avis des scientifiques de l’Agence de la santé publique pour se fier plutôt à celui des administrateurs.
Je ne veux pas insister sur ce point, mais il suffit de dire que si nous convenons tous que les Canadiens ont le droit de vivre dans un environnement sain, je suis loin de croire que le gouvernement puisse tenir cette promesse.
N’oubliez pas non plus que le droit à un environnement sain, tel qu’il est reconnu dans le projet de loi S-5, n’est pas un droit légal comparable à ceux que nous confère la Charte. Il s’agit d’un droit qui n’existerait qu’en application de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, la LCPE. Nous ne savons pas exactement ce qui sera obtenu par la reconnaissance de ce droit dans la loi.
Je ne dis pas que je suis contre. Je m’inquiète simplement que le gouvernement laisse entendre que l’effet sera plus important que ce qu’il sera réellement; ce ne serait pas aussi merveilleux que ce qu’il paraît, mais ce genre de question pourra être étudié par le comité.
Honorables sénateurs, comme l’a expliqué le sénateur Kutcher, c’est la première mise à jour de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement depuis 1999, soit une première en plus de 20 ans. Encore une fois, dans ce dossier, je ne peux m’empêcher de penser à la pandémie qui a clairement montré que nous — et le gouvernement actuel en particulier — avons baissé la garde dans les 20 ans qui ont suivi la publication du rapport sur l’éclosion de SRAS, qui avait d’ailleurs mené à la création de l’Agence de la santé publique.
Il est difficile d’être contre la modernisation de la LCPE après 20 ans. D’après ce que j’ai compris, la plupart des intervenants sont d’accord. Vous êtes nombreux ici, comme moi, à avoir entendu l’opinion de certains d’entre eux. Des intervenants comme l’Association canadienne de l’industrie de la chimie disent appuyer le projet de loi parce qu’il corrigera les lacunes de la LCPE. L’Alliance de l’industrie cosmétique dit aussi appuyer le projet de loi, pour autant que le processus décisionnel demeure fondé sur des données probantes et des évaluations des risques.
En outre, dans la lettre qu’ils ont écrite en appui au projet de loi, ces intervenants ont indiqué qu’ils croyaient qu’il était important que tout cadre réglementaire soit passé en revue de temps à autre. C’est un bon conseil et j’espère que notre étude au comité mènera à un examen complet du cadre réglementaire. Cependant, ce que ces intervenants n’appuient pas, ce sont les modifications à la loi qui n’ont pas l’appui de tous les intervenants, dont la plupart, d’après ce que j’ai compris, ont été consultés dans la préparation du projet de loi.
Honorables sénateurs, ce projet de loi est réellement d’ordre administratif. Il vise à moderniser la réglementation et il ne permettra pas concrètement d’étendre les protections environnementales, contrairement à ce que le gouvernement peut prétendre. Par exemple, il n’y a rien de mal à mentionner précisément les Canadiens vulnérables en ce qui a trait au droit à un environnement sain, mais même si le projet de loi n’y faisait pas explicitement référence, le droit s’appliquerait aussi à ces personnes, simplement parce qu’elles sont canadiennes. Le gouvernement ne peut simplement pas s’empêcher de faire l’étalage de sa vertu. Il ne le fait pas toujours dans le respect de la science.
Les honorables sénateurs se souviendront que, afin de pouvoir faire l’étalage de sa vertu, le gouvernement n’a pas hésité à aller à l’encontre de ce qu’exigeait la science lorsqu’il a refusé d’interdire les vols provenant de Chine dans les premiers jours de la pandémie, parce que, selon lui, il s’agissait de racisme. Pourtant, le rapport sur l’éclosion de SRAS avait été clair : « [...] les voyages jouent un rôle prépondérant dans la dissémination rapide des maladies. »
En fait, les données scientifiques à ce sujet étaient bien établies avant même le SRAS, mais le gouvernement, qui ne cesse de prétendre suivre la science, n’en a pas tenu compte.
Ainsi, bien que le projet de loi présente toutes les caractéristiques de l’étalage de vertu qu’aiment le gouvernement néo-démocrate—libéral, il ne tient pas compte des recommandations du comité de l’environnement concernant les normes nationales relatives à la qualité de l’air et de l’eau.
Honorables sénateurs, nous ne pouvons laisser la science être mise de côté ou détournée par des causes militantes. La dangerosité des substances toxiques est réelle. Dans son discours, le sénateur Kutcher nous a donné deux exemples frappants des préjudices causés à des collectivités par des produits chimiques toxiques, la première, au Japon, et la seconde à Grassy Narrows, dans le Nord-Ouest de l’Ontario. Dans ces deux cas, du mercure déversé dans l’eau a eu des conséquences tragiques.
Il existe d’autres exemples bien connus de désastres causés par des produits chimiques toxiques, et je souhaite en mentionner quelques-uns. Nous avons tous entendu parler de Love Canal, dans l’État de New York, où, dans les années 1950, la société Hooker Chemical Company a déversé 21 000 tonnes de déchets chimiques dans un canal abandonné. Vingt ans plus tard, en 1976, le canal a débordé et les produits chimiques se sont répandus dans le quartier environnant. Les habitants du quartier ont commencé à signaler que leurs enfants subissaient des brûlures chimiques, que des odeurs nauséabondes empestaient l’air, qu’ils avaient la nausée, que l’eau n’était plus potable et que de la boue noire se répandait en raison des produits chimiques qui avaient remonté à la surface. Un habitant du coin, le président de l’association de propriétaires de Love Canal, a commencé à porter le problème à l’attention du public en lançant des pétitions, en organisant des manifestations et en donnant des discours, ce qui a mené à l’adoption de la Comprehensive Environmental Response, Compensation, and Liability Act. Le commissaire à la santé de l’État de New York a déclaré une urgence de santé publique. Il a cherché à déménager les femmes enceintes et les enfants particulièrement vulnérables à l’extérieur du quartier.
En 1978, il a publié un rapport intitulé Love Canal: Public Health Time Bomb, où il qualifie ce qui s’est produit à Love Canal de désastre moderne profond et dévastateur. Le gouverneur de l’État de New York, Hugh Carey, qui alors était en pleine campagne électorale, est intervenu et a accepté de relocaliser 239 familles qui vivaient à proximité du canal.
Peu de temps après, le président Jimmy Carter a déclaré une situation d’urgence dans la région. L’affaire Love Canal a galvanisé l’opinion publique américaine au sujet des dépôts de déchets dangereux. Des milliards de dollars ont été dépensés pour nettoyer les décharges abandonnées, tout cela en raison de l’affaire Love Canal.
De même, à la fin des années 1980, le Natural Resources Defense Council, un groupe de réflexion sur l’environnement, a conclu que l’utilisation continue d’Alar, un pesticide longtemps utilisé sur les pommes, causerait le cancer chez 1 enfant d’âge préscolaire sur 4 200. Cette conclusion a fait son chemin jusqu’à l’émission « 60 minutes », dont l’hôte, Ed Bradley, a qualifié l’Alar de substance chimique cancérigène la plus puissante dans notre chaîne d’approvisionnement alimentaire.
Des célébrités comme Meryl Streep se sont impliquées, tout comme un groupe de militants appelé Mothers and Others for Pesticide Limits. La demande pour les pommes a chuté, et les pommes ont été retirées des étagères et largement interdites dans les écoles.
Le problème avec les histoires de l’Alar et de Love Canal est que les dangers étaient dans les deux cas inexistants, ou à tout le moins grandement exagérés. Dans le cas de l’Alar, l’agence américaine de protection de l’environnement a estimé que le risque pour les enfants d’âge préscolaire n’était pas de 1 sur 4 200, mais de 1 sur 111 000. Dans le cas de l’affaire Love Canal, des études de suivi révisées par des pairs, menées par le département de la Santé de l’État de New York, n’ont révélé aucune tendance anormale en santé chez les résidants de Love Canal.
Cette constatation a par la suite été étayée par des analyses effectuées par l’American Medical Association, le Conseil national de recherches du Canada et les Centers for Disease Control and Prevention. En fait, une étude exhaustive menée par l’agence de protection de l'environnement en 1982 n’a révélé aucune preuve de contamination de l’environnement dans le Love Canal. Toutefois, dans les deux cas, la science et les politiciens ont été supplantés par une indignation menée par des activistes qui a entraîné une panique sociale qui a eu des conséquences bien réelles n’ayant aucun fondement.
Honorables sénateurs, je ne dis pas cela pour miner les exemples fort légitimes du sénateur Kutcher au sujet des dommages possibles ou encore le projet de loi S-5. Je dis cela pour souligner la complexité de la question dont nous sommes saisis ainsi que la nécessité, comme l’association des cosmétiques l’a dit, de prendre une décision fondée sur des données scientifiques fiables et l’évaluation des risques et non sur de l’activisme, et pour exhorter le comité qui étudie ce projet de loi d’entreprendre un examen rigoureux et approfondi de tous les aspects et de convoquer toutes les parties prenantes à la table.
Chers collègues, le caucus conservateur appuie le renvoi de ce projet de loi au comité pour une étude approfondie, et je l’appuie aussi à l’étape de la deuxième lecture. Merci, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, je vais aussi parler du projet de loi S-5, dont le titre abrégé est Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé. Ce projet de loi comporte trois volets. S’il était adopté, plus de 100 modifications seraient apportées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, communément appelée la LCPE. Des modifications connexes seraient apportées à la Loi sur les aliments et drogues, et la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane serait abrogée.
J’aimerais mettre l’accent sur la première série de modifications, celles qui touchent la LCPE. Celle-ci est reconnue mondialement comme une série de mesures législatives de premier ordre, souples et fondées sur les risques en matière d’environnement. Le libellé de la loi se lit comme suit :
[...] la protection de l’environnement est essentielle au bien-être de la population du Canada et que l’objet principal de la présente loi est de contribuer au développement durable au moyen de la prévention de la pollution.
Sur le site Web d’Environnement et Changement climatique Canada, on peut lire ce qui suit : « Les Canadiens ont indiqué que la Loi est foncièrement solide. »
Cela dit, aucune loi n’est parfaite. De 2004 à 2007, des consultations ont été menées par Environnement Canada et Santé Canada dans le but de déterminer qu’elles sont les lacunes de la LCPE qui pourraient être améliorées au moyen d’une refonte exhaustive de la loi.
Selon un document publié en 2017 par Environnement Canada et intitulé La Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) : questions, ces consultations ont permis de soulever 12 questions précises et 3 défis stratégiques.
Les 12 questions précises cherchaient toutes à clarifier le projet de loi et à y apporter une plus grande certitude, ainsi qu’à réduire les formalités administratives inutiles en rationalisant certains processus. Par exemple, comment le gouvernement traiterait-il les substances inscrites sur la Liste intérieure des substances créée en 1988, avant l’exigence d’une évaluation préalable établie par la LCPE?
Il y avait aussi la question de la cohérence à l’échelle nationale. Le rapport déclare que la cohérence à l’échelle nationale en ce qui concerne la réglementation :
[...] crée également des règles de jeu équitables en réduisant les problèmes associés au fait d’avoir, dans l’ensemble du pays, des règlements disparates pour les mêmes secteurs d’une industrie.
Cette détermination à avoir plus de certitude et de cohérence dans l’ensemble du pays afin d’éliminer le travail de devinette des investisseurs et des promoteurs potentiels est ce qui m’a aidé à former mon opinion sur le projet de loi.
Chers collègues, le projet de loi C-5 cherche à ajouter un article au préambule qui reconnaîtrait le droit de tous les Canadiens à un environnement sain. L’article 5 du projet de loi expose ensuite le processus de consultation pluriannuel qui établira la façon de mettre ce droit en œuvre.
Voici la question qu’il faut se poser pendant l’étude de ce projet de loi : que signifie-t-il pour les Canadiens, concrètement? Pour tenter d’y répondre, il faut tout d’abord se tourner vers les administrations canadiennes qui ont déjà des dispositions semblables et regarder la jurisprudence.
L’Ontario, le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut reconnaissent tous le droit à un environnement sain dans les préambules de mesures législatives. Le Québec a inscrit ce droit dans sa Loi sur la qualité de l’environnement en 1978 et l’a ajouté à sa Charte des droits et libertés de la personne en 2006. Il est donc possible d’intenter des poursuites contre les PDG d’entreprise puisqu’ils peuvent, au Québec, être tenus personnellement responsables si une mauvaise gestion de l’entreprise a des effets négatifs sur l’environnement.
Au cours des dernières années, il y a eu au Canada quatre poursuites fondées sur l’idée que la Constitution garantit aux Canadiens le droit à un environnement sain. À la fin de 2018, le groupe ENvironnement JEUnesse a lancé un recours collectif. Il alléguait que le gouvernement du Canada avait violé le droit des Canadiens à un environnement sain en adoptant des cibles de réduction des émissions de GES que le groupe jugeait inadéquates. Il soutenait qu’il s’agit d’un droit garanti implicitement par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui parle du « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne ». Il affirmait ce qui suit dans ses observations :
En adoptant des cibles inadéquates et en ne mettant même pas en place les mesures nécessaires pour atteindre ces cibles, le gouvernement viole le droit des membres du groupe à un environnement sain et respectueux de la biodiversité, protégé par la Charte québécoise.
Le gouvernement du Canada a soutenu, à son tour, que cette question n’était pas justiciable, car il s’agissait d’arguments intrinsèquement politiques. En fin de compte, le recours collectif n’a pas été autorisé. La décision du 11 juillet 2019 ne s’oppose pas aux questions de fond, mais conclut plutôt que le groupe d’âge des résidants du Québec que l’organisme prétendait représenter, soit celui des « 35 ans ou moins », était arbitraire. Le juge Morrison n’a donc pas autorisé la demande sur la base de la procédure, et la question de fond sur ce qu’implique le droit à un « environnement sain » est restée sans réponse.
En 2019, les affaires La Rose c. Sa Majesté la Reine et Mathur et al. c. Sa Majesté la Reine du chef de l’Ontario se sont rapidement succédé. Les deux ont été déposées par des enfants du Canada et de l’Ontario, respectivement. Certains des plaignants étaient des enfants autochtones, tandis que d’autres étaient des enfants vulnérables dont l’état de santé ou la situation géographique les rendaient plus vulnérables aux polluants ou aux changements radicaux de l’environnement. Dans les deux plaintes, on faisait valoir que l’article 7 de la Charte créait une obligation constitutionnelle de protéger le droit à un environnement sain.
Selon le résumé offert par climatecasechart.com au sujet de l’affaire La Rose :
Le 27 octobre 2020, un juge de la Cour fédérale a rejeté la poursuite des jeunes Canadiens contre le gouvernement du Canada dans une requête en radiation avant procès, car la partie plaignante n’avait pas réussi à énoncer une cause d’action raisonnable.
Une motion similaire a été avancée dans l’affaire Mathur, mais elle a été rejetée par la Cour supérieure de justice de l’Ontario et cette affaire n’a toujours pas été entendue.
Le dernier cas qui s’inscrit dans ce thème est l’affaire Lho’imggin et al. c. Her Majesty the Queen, lancée en février 2020 dans le contexte des barrages résultant de l’opposition de certains Wet’suwet’en au gazoduc Coastal GasLink. Les plaignants soutenaient que le Canada avait failli à ses obligations internationales d’après la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, et que l’inaction du gouvernement sur le dossier du changement climatique avait causé des dommages irréversibles à leur mode de vie traditionnel et à leur territoire. Ils soutiennent aussi que le Canada « [...] a un devoir constitutionnel de maintenir la paix, l’ordre et la bonne gouvernance du Canada [...] ». La cause n’a pas encore été entendue.
Honorables sénateurs, je suis préoccupé par ce que j’ai entendu. Avec deux causes qui cherchent à définir ce que peut justifier le droit à un « environnement sain », il me semble prudent d’attendre avant d’introduire un tel droit dans la législation.
Cela me ramène à la nécessité de préserver la certitude conférée par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, que beaucoup ont célébré. Sur son site Web, Environnement et Changement climatique Canada décrit cette loi en disant qu’elle fournit :
[...] une approche prévisible et structurée pour la prise de décisions en matière de gestion des risques, qui prévoit l’ajout et la prise en compte complète des valeurs et des préoccupations de la population à toutes les étapes du processus décisionnel.
À mon avis, si nous convenons d’inscrire la reconnaissance officielle de ce droit dans un projet de loi afin d’indiquer clairement à l’industrie quelles sont les procédures et les politiques à suivre, nous devons d’abord nous assurer que nous comprenons bien ce droit. Nous ne devrions pas avoir à attendre des années avant qu’on nous dise comment faire respecter ce droit et quelles sont les mesures d’application auxquelles les Canadiens devraient s’attendre.
Honorables collègues, j’ai bien d’autres préoccupations à l’égard de ce projet de loi, mais il me reste trop peu de temps pour vous en faire part aujourd’hui. Je n’ai pas eu la chance de discuter de mes préoccupations concernant le risque de s’ingérer dans les champs de compétence des provinces et des territoires, et je n’ai pas le temps non plus de discuter en profondeur de mes préoccupations concernant le changement dans la façon dont certaines substances sont désignées comme étant « toxiques », ou comme étant « potentiellement toxiques », selon les termes de l’article 75.1.
Pour conclure, j’estime qu’il faut soumettre ce projet de loi à une étude approfondie et rigoureuse en comité. J’espère sincèrement que notre comité ne sera pas pressé lors de l’étude de ce projet de loi important, car, en ce qui me concerne, j’espère pouvoir obtenir plus de précisions et de garanties dans le cadre de ce processus.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends la parole à propos du projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé.
Comme vous le savez, je suis un partisan de longue date de l’industrie agricole. C’est ce que je connais le mieux. Comme vous vous en doutez probablement, je me concentrerai sur la façon par laquelle le projet de loi S-5 risque de toucher l’industrie agricole. Je crois comprendre que c’est la première fois que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est modifiée depuis 1999. De toute évidence, comme le sénateur Kutcher l’a souligné plus tôt dans son discours, les choses ont bien changé depuis ce temps. Les choses ont bien changé dans le monde en général, mais aussi dans celui de l’agriculture, qui est devenu plus intelligent et plus branché que jamais. Les changements se poursuivent, et la communauté agricole est prête à emboîter le pas.
Cela étant dit, certains intervenants agricoles m’ont récemment appris l’existence de préoccupations mineures à propos de l’inclusion et de la formulation d’un principe de précaution dans le projet de loi, notamment parce qu’il suggère l’adoption d’une approche fondée sur les preuves et d’une approche de précaution.
Les membres de la communauté agricole se préoccupent du fait que généralement on adopte une approche de précaution en l’absence de données. À l’inverse, une approche fondée sur les preuves implique la présence de données probantes.
Même si la conciliation de la méthode du poids de la preuve et du principe de la prudence mentionnée dans le projet de loi n’est pas nouvelle, puisqu’il en est déjà question dans la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, il faut préciser comment cela s’appliquera aux substances potentiellement toxiques qui devront être prises en considération par cette loi aux termes du projet de loi à l’étude.
Il est important de souligner qu’il existe des directives sur la façon dont Environnement et Changement climatique Canada doit concilier ces deux approches. Toutefois, des intervenants agricoles ont souligné que, dans la mesure du possible, il est extrêmement important d’assurer un processus de prise de décision éclairée. Par ailleurs, je crois comme eux que les organismes de réglementation canadiens devraient pouvoir recueillir des éléments de preuve supplémentaires quand ceux existants sont jugés insatisfaisants.
En fin de compte, puisque ce projet de loi jouera un rôle important dans l’évaluation des substances présentes dans notre environnement, je crois que lorsqu’il manque de données, on devrait mettre en place des processus et des mécanismes législatifs pour en réclamer davantage. J’espère que les sénateurs se pencheront là-dessus au comité et examineront comment nous pouvons renforcer ce projet de loi pour assurer son efficacité.
Une autre question qui inquiète particulièrement les joueurs du secteur agricole est celle des produits chimiques qui ne sont pas encore enregistrés comme pesticides et dont on ne sait pas encore s’ils seront visés par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement de 1999. Nous avons besoin de clarifications à ce sujet pour que les fabricants tiennent compte de la vitesse à laquelle évolue le marché de l’innovation et des outils qui soutiennent les producteurs d’aliments.
Vu le fardeau administratif, les agriculteurs craignent de subir une perte de compétitivité et un accès encore plus tardif aux innovations. En fait, chaque année où les agriculteurs canadiens sont privés des produits dont disposent nos principaux partenaires commerciaux, leur compétitivité et celle du Canada s’amoindrit un peu plus sur la scène mondiale. La santé et la sécurité revêtent une importance primordiale pour les agriculteurs, mais nous devons examiner la réglementation au Canada pour vérifier si elle tient compte efficacement de cette priorité dans l’optique de soutenir et de renforcer la compétitivité du secteur agricole canadien.
Une autre source de préoccupation soulevée par les joueurs du secteur agricole est énoncée à l’article k, où il est question :
d’élargir certains pouvoirs réglementaires, de collecte de renseignements et en matière de prévention de la pollution prévus par cette loi, notamment en faisant référence aux produits qui sont susceptibles de rejeter une substance dans l’environnement;
Selon la façon dont ces pouvoirs seront appliqués, nous pouvons nous demander s’ils auront une incidence sur les activités à la ferme. J’espère que les agriculteurs et la communauté agricole dans son ensemble seront consultés au sujet de cet article pour en évaluer les conséquences possibles.
Enfin, comme l’a souligné le sénateur Kutcher, des milliers de substances doivent faire l’objet d’une évaluation des risques, et un bon nombre de substances déjà évaluées peuvent nécessiter une réévaluation en raison de nouvelles utilisations, de nouvelles données scientifiques ou d’une exposition plus importante qu’au moment de l’évaluation initiale.
Cette situation pourrait ralentir le processus et retarder l’utilisation de ces substances, ce qui pourrait entraîner d’autres problèmes et préoccupations. Je me réjouis qu’on prenne le temps nécessaire pour comprendre les risques potentiels de ces substances, mais nous devons faire en sorte que le processus soit efficace.
Cela dit, des représentants du monde agricole ont exprimé leur soutien envers certains aspects du projet de loi, à savoir les efforts pour réduire, raffiner et remplacer les essais sur les animaux. Le milieu agricole a été un partenaire actif en prévision de ce changement, mais il ne peut pas y arriver sans un plus grand soutien du gouvernement.
Des représentants de Syngenta Canada, une entreprise agricole de premier plan qui offre des produits innovants, des conseils d’expert en matière d’agronomie et des services d’accompagnement pour avoir des pratiques de gestion optimales, m’ont parlé de leur travail concernant les essais sur les animaux. Ils m’ont dit que la communauté scientifique s’efforçait d’aider le gouvernement à prendre des décisions fondées sur des données scientifiques afin de protéger la santé humaine et environnementale en effectuant moins d’essais sur les animaux. C’est pourquoi Syngenta a collaboré avec de multiples organismes pour mettre au point des méthodes et des stratégies d’évaluation qui permettront au secteur agricole, au gouvernement et aux organismes de réglementation de prendre de meilleures décisions. En fait, certaines des méthodes qu’ils ont mises au point et défendues ont d’ores et déjà été autorisées par des organismes de réglementation.
J’ai longtemps fait partie de la communauté agricole, et à ce titre, j’ai pris la parole à maintes reprises au Sénat pour souligner la contribution de l’agriculture canadienne à la protection de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique.
Aux quatre coins du pays, les agriculteurs améliorent leurs pratiques afin qu’elles soient plus durables, notamment pour ce qui est de semer, de labourer et de préparer la terre, mais aussi de lutter contre les mauvaises herbes. Des pratiques comme la rotation des cultures ou l’utilisation de cultures de couverture permettent d’améliorer la santé des sols, de ralentir l’érosion et d’améliorer la matière organique des sols. Ces pratiques contribuent à la bonne santé des cultures et du bétail, ainsi qu’à celle de l’écosystème. Toutes ces initiatives nous permettent d’avoir un environnement plus sain et plus durable.
Dans le secteur agricole et agroalimentaire, le défi consistera à atténuer les gaz à effet de serre tout en s’adaptant aux conséquences des changements climatiques, mais sans mettre en péril la sécurité alimentaire. Pour ce faire, les producteurs agricoles et les transformateurs d’aliments canadiens auront besoin de l’aide du gouvernement pour effectuer la transition de leurs installations afin de les écologiser. Ils auront aussi besoin que le gouvernement continue de consulter l’industrie pour changer des pratiques et des procédures qui sont en application depuis des décennies.
Cela dit, j’aimerais féliciter le gouvernement du document de discussion qu’il a récemment publié concernant la réduction des émissions découlant de l’application d’engrais dans le secteur agricole canadien. Ce document se penche sur l’une des mesures proposées par le gouvernement dans son plan climatique renforcé, soit une cible nationale pour réduire les niveaux absolus d’émissions de gaz à effet de serre découlant de l’application d’engrais de 30 % sous les niveaux de 2020 d’ici 2030. Il s’agit d’une mesure importante. Bien que de nombreux intervenants du secteur agricole travaillent déjà à améliorer la gestion des éléments nutritifs et à réduire les émissions associées à la production végétale, il importe de souligner que les engrais sont responsables d’une part croissante des émissions agricoles globales.
J’ai été content de constater que le document parle de l’approche de gérance des nutriments 4B, élaborée par Fertilisants Canada, étant donné qu’elle a été soulevée par un grand nombre d’intervenants au cours de la première phase des consultations comme moyen de réduire les émissions. Il s’agit exactement du genre de collaboration et de consultation continue qui s’impose.
J’espère que les fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada, ainsi que ceux d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, continueront de consolider et d’approfondir les liens qu’ils entretiennent avec le milieu agricole canadien. Comme les agriculteurs et le milieu agricole dans son ensemble sont les gardiens de nos terres, ils doivent prendre part aux discussions sur la protection de l’environnement. Plus important encore, ils souhaitent y prendre part et participer aux efforts de protection des écosystèmes au Canada.
Honorables sénateurs, je suis heureux que des mesures soient prises pour mettre à jour la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, surtout que les choses ont beaucoup changé depuis 1999, notamment notre compréhension de l’environnement. Cependant, comme je l’ai dit plus tôt, le milieu agricole a quelques préoccupations concernant le libellé et certaines mesures du projet de loi S-5, et nous croyons tous que ces questions devraient être étudiées plus en détail par le comité et par le gouvernement. En outre, j’ai bon espoir que cette étude débouchera sur des amendements au projet de loi au comité, soit avant qu’il soit renvoyé à l’autre endroit.
Nous sommes tous conscients que le monde continue de changer. Ces changements amènent des transformations dans les secteurs de l’industrie, de la science et de l’environnement. J’espère que le projet de loi S-5 donnera aux Canadiens un plan réfléchi et intégré pour l’évaluation des substances, pour autant que ce plan demeure axé sur l’approche fondée sur les risques.
J’espère également que les secteurs public et privé, ainsi que les Canadiens ordinaires, continueront de travailler aux côtés de l’industrie agricole et de la soutenir dans ses efforts d’adaptation à un environnement en évolution et dans sa volonté d’améliorer et de perfectionner ses pratiques. Il ne suffit pas de dire aux agriculteurs ce qu’il faut faire pour rendre leurs exploitations plus vertes et plus respectueuses de l’environnement. Cela doit s’inscrire dans le cadre d’une collaboration qui permettra au secteur agricole canadien de rester dynamique pour les générations à venir.
Merci. Meegwetch.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)