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La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces—La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif--Troisième lecture

10 mai 2023


L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Propose que le projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et la Loi de l’impôt sur le revenu, soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à titre de porte-parole pour le projet de loi C-46.

Voici des arguments que j’ai invoqués au sujet de cette mesure législative lors de mon intervention à l’étape de la deuxième lecture.

Premièrement, c’est la troisième fois que le gouvernement tente de donner un coup de main aux Canadiens pour faire face au coût de la vie.

Deuxièmement, lors de cette troisième tentative, le mieux que le gouvernement a pu faire a été d’adopter une approche universelle comme le propose cette mesure législative, qui n’est en fait qu’un copier-coller des projets de loi C-30 et C-19.

Troisièmement, les deux tentatives précédentes n’ont pas contribué à faire baisser le coût de la vie pour les Canadiens, et cette nouvelle tentative n’y arrivera pas non plus.

Quatrièmement, l’actuel gouvernement a pris l’habitude de regrouper plusieurs mesures législatives à maintes reprises sans plan clairement établi ni stratégie évidente.

Cinquièmement, de toute évidence, l’actuel gouvernement ne comprend pas qu’il a contribué à la crise du coût de la vie à laquelle les Canadiens sont aujourd’hui confrontés.

Sixièmement, l’actuel gouvernement ne cesse de faire preuve d’un niveau d’incompétence qui devrait tous nous alarmer.

Chers collègues, je note que le Comité des finances n’a proposé aucun amendement à ce projet de loi et que, par conséquent, toutes mes préoccupations demeurent. En dépit des annonces enthousiastes du gouvernement et de ses discours triomphalistes, les mesures prévues dans ce projet de loi demeurent loin d’être aussi efficaces que le gouvernement ne le laisse entendre.

Je ne vais pas exposer de nouveau en détail tous les arguments que j’ai invoqués précédemment. Toutefois, je vais en examiner au moins un de plus près, en l’occurrence l’absurdité d’utiliser le système de remboursement de la TPS pour verser un paiement visant à compenser la hausse du coût de la vie.

Pendant mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai mentionné qu’un tel paiement était logique à titre de remboursement de TPS, mais que ce n’était pas le bon outil pour mettre de l’argent entre les mains des gens qui en ont le plus besoin. Le gouvernement aime se vanter de pouvoir distribuer rapidement de l’argent de cette manière, mais il ne prend pas la peine d’expliquer à qui va réellement l’argent.

C’est là que les problèmes commencent. Nous ne savons pas avec précision où ira cet argent. C’est pourquoi le gouvernement dit toujours que les chèques aideront « approximativement 11 millions de ménages canadiens à revenu faible ou modeste d’un bout à l’autre du pays ». Le gouvernement lui-même ne connaît pas le nombre exact.

Les renseignements détaillés les plus récents dont nous disposons se trouvent dans les statistiques de l’Agence du revenu du Canada sur le crédit pour la TPS/TVH pour l’année de prestations 2020-2021. Ces tableaux sont en ligne; ils permettent de voir une ventilation des prestations en fonction du genre, du revenu familial, de l’état civil, du nombre d’enfants à charge et de la province de résidence. À partir de ces renseignements, nous pouvons voir grosso modo où ira l’argent destiné au remboursement pour l’épicerie.

Chers collègues, on pourrait penser que si le gouvernement décide de distribuer 2,5 milliards de dollars pour aider les gens à composer avec le coût de la vie, il fera en sorte que cet argent se retrouve entre les mains des personnes qui en ont le plus besoin. Ce n’est toutefois pas le cas. Voici quelques exemples.

Comme on l’a mentionné plusieurs fois au Sénat et au Comité des finances nationales, cet argent ne sera versé qu’aux Canadiens qui remplissent une déclaration de revenus. Ceux qui ne remplissent pas de déclaration de revenus ne recevront pas le moindre dollar.

À la réunion du Comité des finances nationales, mardi, l’honorable Randy Boissonnault, ministre associé des Finances, a parlé de ces personnes d’une manière méprisante, accusant les gens qui ne remplissent pas de déclaration de revenus de « cacher des montants du fisc ».

Oui, c’est honteux. C’est tellement loin de la vérité que c’en serait drôle, si ce n’était pas aussi condescendant et méprisant...

La sénatrice Batters [ + ]

C’est de l’élitisme.

... et typiquement libéral. Selon un rapport corédigé en 2020 par Jennifer Robson, de l’Université Carleton, de 10 à 12 % des Canadiens ne remplissent pas leur déclaration de revenus; et bien qu’il y ait des non-déclarants dans toutes les couches de la société, c’est surtout parmi les travailleurs à faible revenu qu’on les trouve.

Dans une lettre qu’il a fait parvenir dernièrement à la ministre des Finances, le président-directeur général de l’Indian Resource Council, Stephen Buffalo, constatait que les non-déclarants englobent la majorité des Autochtones. Je le cite :

La majorité des gens qui habitent dans une réserve ne remplissent pas leur déclaration de revenus parce qu’ils ne paient pas d’impôt. Quant aux Autochtones qui vivent hors réserve, la plupart gagnent peu d’argent et ne remplissent pas non plus leur déclaration [...] Personne ne conteste ces faits.

La façon dont le ministre associé Boissonnault décrit les non‑déclarants est déplorable et montre à quel point le gouvernement est déconnecté de la réalité. Car ne vous y trompez pas, chers collègues, les Canadiens qui en auraient le plus besoin ne toucheront pas un cent grâce à cette prestation.

Revenons au rapport de Mme Robson. Par définition, de 10 à 12 % des Canadiens, à faible revenu pour la plupart, seront entièrement laissés pour compte et ne toucheront jamais cette prestation. Nous avons ici un projet de loi sur l’allègement du coût de la vie qui n’allégera en rien, mais en rien, le coût de la vie des plus vulnérables.

C’est regrettable, chers collègues, mais il n’y a rien que le Sénat puisse faire. Nous ne pouvons pas présenter de mesures législatives à incidence financière, alors nous sommes pris pour approuver, amender ou rejeter les projets de loi poubelles que le gouvernement nous renvoie. Ce qui ne l’empêche pas de nous mettre constamment de la pression pour approuver à toute vitesse des textes législatifs bourrés de lacunes — et si nous ne bougeons pas assez vite, il a décidé de recourir désormais à la guillotine de la fixation de délai, car il faut croire que c’est plus simple que de se parler, tout simplement.

La sénatrice Batters [ + ]

Ou de répondre à des questions.

Nous savons que le projet de loi ne donnera rien aux personnes les plus vulnérables. Qui donc touchera de l’argent? C’est un peu compliqué, mais permettez-moi de tenter de décortiquer le tout.

Le prétendu remboursement pour l’épicerie sera envoyé à environ 11 millions de personnes, parmi lesquelles 44 % gagnent moins de 20 000 $ par année. Ce sont elles qui ont le plus besoin d’aide, mais elles ne toucheront que 32 % de l’argent. À titre de comparaison, les personnes qui gagnent de 20 000 $ à 40 000 $ par année, qui représentent 40 % des bénéficiaires, toucheront 48 % de l’argent.

Donc, au lieu de donner de l’argent aux personnes qui gagnent le moins, le projet de loi fait carrément l’inverse. Voici les chiffres : en moyenne, les personnes qui gagnent de 30 000 $ à 35 000 $ par année recevront 263 $. Certaines personnes en recevront plus, d’autres moins, mais le gouvernement prétend qu’en moyenne un chèque de 263 $ permettra d’alléger le coût de la vie.

Les personnes qui se situent dans la tranche de revenu inférieure, qui gagnent de 25 000 $ à 30 000 $ par année, recevront en moyenne seulement 258 $. Même si leur revenu est plus bas, ce programme leur procurera un allégement moindre.

C’est la même chose pour les autres. Les personnes dont le revenu se situe dans la tranche de 20 000 $ à 25 000 $ recevront un chèque de 245 $, en moyenne; celles qui gagnent de 15 000 $ à 20 000 $, un chèque de 244 $, en moyenne; si elles gagnent de 10 000 $ à 15 000 $, ce sera un chèque de 206 $, en moyenne. Finalement, les personnes dont le revenu se situe dans la tranche de 5 000 $ à 10 000 $ recevront un chèque de 174 $ par l’entremise de cette initiative.

Chers collègues, ce sont les mathématiques des libéraux : plus votre revenu est faible, moins vous avez besoin d’aide financière.

Ce n’est pas tout. Les libéraux verseront seulement 174 $, en moyenne, aux Canadiens qui gagnent de 5 000 $ à 10 000 $ par année, mais ils enverront 70 000 chèques à des personnes dont le revenu annuel net est de 60 000 $, ou plus. Ils posteront aussi 8 000 autres chèques à des personnes qui ne vivent même pas au Canada.

La répartition de ce remboursement, peu importe comment on l’envisage, est inéquitable. Pensons, par exemple, à ce que cette mesure permettrait d’acheter. Au Nunavut, un chèque de 400 $ permettra d’acheter le quart des aliments qu’une telle somme permettrait d’acheter dans le Sud du Canada. En effet, au Nunavut, le prix du panier d’épicerie est presque quatre fois plus élevé que dans le reste du pays. Cependant, le gouvernement ne tient pas du tout compte de ce fait, et le montant du remboursement est exactement le même.

Par le passé, le gouvernement a voulu donner l’impression que cet argent allait aider, en grande partie, les mères seules avec de jeunes enfants. Or, en réalité, sur les quelque 11 millions de chèques qui seront envoyés, seul 1 million environ iront à des ménages avec des enfants, et moins de la moitié d’entre eux seront distribués à des familles monoparentales. Les 10 millions de chèques restants sont destinés à des ménages sans enfants.

L’utilisation du crédit pour la taxe sur les produits et services comme mesure d’allégement du coût de la vie est une façon extrêmement inefficace et inéquitable de distribuer de l’aide. C’est un peu comme si on tentait de réparer une montre avec un marteau. C’est le mauvais outil pour la tâche. Or, aujourd’hui, c’est encore une fois la seule solution qu’on nous propose.

Chers collègues, il m’arrive certaines nuits de ne pas pouvoir dormir, et je suis sûr que c’est aussi votre cas. Je n’arrive pas à dormir parce que je suis troublé par la succession de mauvaises mesures législatives que le gouvernement force le Parlement à adopter.

Alors que bien des Canadiens ont réellement de la difficulté à se nourrir et à payer le loyer, la meilleure solution que ce gouvernement a à proposer, c’est de recycler de vieux programmes qui n’ont pas aidé à composer avec le coût de la vie lorsqu’ils ont été mis en place, et qui n’y contribueront pas davantage cette fois-ci.

C’est une honte, honorables collègues.

Nous allons appuyer le projet de loi aujourd’hui parce qu’on dirait bien que c’est la meilleure solution que le gouvernement est capable de proposer. Cependant, comme je l’ai déjà dit, il nous tarde de voir le jour — et ce jour viendra — où les Canadiens auront l’occasion d’élire un gouvernement du bon sens conservateur dirigé par Pierre Poilievre qui pourra commencer à mettre en place de vraies solutions pour améliorer la vie des Canadiens plutôt que des solutions de fortune.

Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

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