Projet de loi canadienne sur l'accessibilité
Adoption du trente-quatrième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
8 mai 2019
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du trente-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
Le comité a étudié cette mesure législative en profondeur et a entendu les témoignages de 20 groupes d’intérêts et organismes-cadres. Parmi eux, il y avait notamment l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité, un réseau composé de 85 organismes; l’Association des Sourds du Canada; Canada sans Barrières, qui milite en faveur d’une loi sur l’accessibilité; AGE-Well, le réseau canadien sur la technologie au service de la population vieillissante; Marche des dix sous du Canada, un organisme qui offre une vaste gamme de programmes et de services aux personnes handicapées; l’Institut national canadien pour les aveugles; le Conseil des Canadiens avec déficiences, un organisme national de défense des droits des personnes handicapées; la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; et la Commission canadienne des droits de la personne. Tous représentent les personnes handicapées du Canada.
Bien que presque tous les témoins que nous avons entendus nous ont demandé d’adopter ce projet de loi avec un sentiment d’urgence, tous, sans exception, ont exprimé des préoccupations au sujet de certaines omissions auxquelles ils nous ont demandé de remédier. Ainsi, les témoins ont manifesté un vif désir de voir le projet de loi adopté, mais le désir que des améliorations y soient apportées était encore plus vif.
Après de longues délibérations et discussions, le comité a adopté 11 amendements. Aujourd’hui, je prends la parole au sujet de deux d’entre elles en particulier qui ont été soulevées régulièrement pendant les témoignages entendus.
Tout d’abord, l’amendement qui traite de la question des échéanciers. De nombreux groupes d’intérêts nous ont dit que les échéanciers sont une mesure de responsabilisation essentielle et qu’ils sont nécessaires si nous souhaitons que la mesure législative atteigne son objectif. Par exemple, lors de son témoignage le 1er mai, Mme Donna Jodhan, présidente de Canada sans Barrières, a déclaré ceci :
Le projet de loi C-81 doit inclure des échéanciers. Ils sont essentiels! Ils permettront de garantir l’adoption d’importantes mesures en matière d’accessibilité ainsi que de mesurer l’évolution des progrès. Par conséquent, nous appuyons les recommandations visant l’inclusion d’un échéancier pour la réalisation d’un Canada exempt d’obstacles ainsi que des échéanciers pour l’élaboration et la promulgation de normes d’accessibilité.
Voici un autre exemple. Lorsqu’elle a témoigné devant le comité le 11 avril, Mme Zinnia Batliwalla, gestionnaire nationale, Relations gouvernementales et représentation pour La Marche des dix sous du Canada, a dit ceci :
Pour permettre à des organismes comme le nôtre de mesurer les progrès et de pousser au changement, les échéanciers facilitent la collaboration avec nos partenaires des administrations publiques afin de nous rapprocher de l’objectif d’un Canada accessible et inclusif.
Voici maintenant un extrait du témoignage présenté le 10 avril par Steven Estey, agent des relations gouvernementales et communautaires au Conseil des Canadiens avec déficiences :
Le projet de loi C-81 ne prévoit aucun délai. Cela nous préoccupe, pas seulement parce que nous pensons qu’il y a un manque de bonne volonté, mais parce que nous croyons que les fonctionnaires ne veulent pas aller de l’avant, car dans cinq ou dix ans, nous pourrons commencer à tenir des réunions. S’il n’y a pas de filet de sécurité où nous pouvons dire que le moment est venu d’intervenir, les gens peuvent dire, « Nous travaillons très fort; nous accomplissons de bonnes choses ». Il n’y a aucun moyen de dire que nous atteindrons l’objectif dans un délai donné.
L’honorable David Onley, qui a déjà été lieutenant-gouverneur de l’Ontario et qui milite depuis longtemps pour la bonification des lois ontarienne sur l’accessibilité, a dit quelque chose d’intéressant. Selon lui, si on ne devait apporter qu’un seul amendement, il devrait porter sur les délais. Voici ce que l’honorable M. Onley a dit au comité le 1er mai :
J’ai pris part aux discussions dès le début, en 2005, et j’ai été le premier président du comité consultatif chargé de mettre la loi en œuvre. La plupart des membres du premier comité consultatif et moi-même étions d’avis que la pression morale et la bonne volonté suffiraient pour atteindre les objectifs [...]
Or, après avoir entendu, comme je le disais, des centaines de personnes de partout dans la province, après avoir lu les courriels des gens et après avoir écouté ce qu’ils avaient à dire, mon opinion a changé. Désormais, je suis fermement convaincu que, pour atteindre l’accessibilité pleine et entière, il faut absolument que les divers objectifs et normes soient assortis d’une date bien établie et que le gouvernement ait la volonté nécessaire pour faire appliquer les mesures figurant dans la loi.
Ce sont les témoignages de ce genre qui ont amené le comité à s’arrêter sur une date, soit le 1er janvier 2040, pour que le Canada devienne un pays exempt d’obstacles. Cette date butoir donnera au gouvernement fédéral et aux entités sous réglementation fédérale assujetties à la loi 21 ans pour prendre les mesures nécessaires afin de respecter les exigences d’accessibilité, un délai qui n’est ni trop long ni trop court. On a indiqué qu’il était réaliste et que l’on pourrait l’atteindre de notre vivant.
Toutefois, nous avons aussi apporté un amendement pour veiller à ce que les mesures d’accessibilité ne soient pas retardées ou reportées, mais bien mises en place le plus tôt possible. En fait, nous avons ajouté un nouvel article au projet de loi, l’article 5.2, qui indique ceci :
La présente loi et son objet, lequel consiste à transformer le Canada en un pays exempt d’obstacles, n’ont pas pour effet de fixer ou d’autoriser des délais en ce qui a trait à l’élimination d’obstacles ou à la mise en œuvre de mesures pour prévenir de nouveaux obstacles aussitôt que possible.
L’autre amendement dont je tiens à parler vise à reconnaître que les langues des signes sont les langues utilisées par les personnes sourdes au Canada. De nombreux organismes qui représentent la communauté sourde du Canada ont indiqué qu’il était important que le projet de loi C-81 reconnaisse les langues des signes en vue de garantir aux personnes sourdes un accès égal à l’information, aux moyens de communication, à l’emploi, aux services du gouvernement, aux transports et à d’autres secteurs sous réglementation fédérale.
Par exemple, dans son témoignage livré le 10 avril, Bill Adair, directeur général de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité, a dit :
[...] nous voulons que le projet de loi C-81 reconnaisse l’ASL et le LSQ comme étant les langues des sourds au Canada. Nous ne demandons pas le statut de langue officielle. Nous demandons que la langue des signes soit incluse dans le projet de loi C-81.
Voici pourquoi. S’il n’y avait pas d’interprétation en langage des signes aujourd’hui, une personne sourde dans cette salle n’aurait pas connaissance de mes remarques et de la discussion qui suivra. Cela est vrai pour toutes les audiences publiques. En fait, le nom même sous-entend que ces réunions sont destinées à ceux qui peuvent entendre.
Plus important encore, si une catastrophe survenait soudainement, une personne sourde n’aurait pas accès à des renseignements pouvant lui sauver la vie. Ce fut le cas récemment à l’aéroport Pearson lorsqu’un incendie s’est déclaré.
Assurez-vous que le projet de loi C-81 intègre bien l’ASL et le LSQ de manière à ce que les entités sous réglementation fédérale [s’attendent à fournir] des ressources et des renseignements d’actualité dans les langues des signes.
Dans son témoignage livré le 1er mai, Frank Folino, président de l’Association des sourds du Canada, a dit :
Nous félicitons le gouvernement du Canada et la ministre d’avoir présenté le projet de loi C-81, qui est une étape constructive vers l’accessibilité. Toutefois, le projet de loi n’atteindra pas l’objectif d’un Canada exempt d’obstacles sans la reconnaissance juridique des langues ASL et LSQ, comme langues des sourds, car cela représente pour eux une différence immense aux plans de l’accessibilité, de l’information, des communications et des services.
Le comité a appris des choses sur la culture des sourds, qui a ses propres singularités, en particulier les langues des signes, des normes culturelles, des traditions et un patrimoine. Ce que nous avons appris nous a été très utile et nous a amenés à modifier le projet de loi afin de reconnaître le rôle important que jouent les langues des signes dans la vie des Canadiens sourds.
Honorables collègues, je suis extrêmement fière de la collaboration dont ont fait preuve les membres du comité. Nous avons soupesé et examiné très attentivement les témoignages passionnés des représentants de groupes de personnes handicapées. Bien que les besoins de ces groupes soient vastes et uniques, nous avons pu nous concentrer sur quelques amendements précis qui apporteront une valeur ajoutée au projet de loi C-81 sans compromettre son adoption. Par notre travail, nous sommes convaincus d’avoir à la fois réaffirmé l’engagement du comité à l’égard de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées et amélioré une mesure législative qui était déjà judicieuse, en réponse à un très grand nombre de demandes de groupes de personnes handicapées, dans l’intérêt des Canadiens.
Honorables collègues, j’espère que vous appuierez le rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le projet de loi C-81. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
L’honorable sénatrice Petitclerc, avec l’appui de la sénatrice Verner, propose que le rapport modifié soit adopté maintenant.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport, tel que modifié, est adopté.)
Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Munson, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)