Le style gothique canadien de l’édifice original du Parlement à Ottawa
En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.
Bien que l’édifice du Centre soit fermé pendant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.
L’édifice du Centre contemporain, avec son emblématique Tour de la Paix, est un symbole immédiatement reconnaissable du Canada — un élément incontournable des billets de banque, des timbres et des cartes postales, qui incarne tout ce que le Canada représente depuis la Première Guerre mondiale. L’édifice original de 1866, qui abritait le Parlement pendant 50 ans avant d’être détruit par un incendie en 1916, reflétait un Canada profondément différent, fermement ancré dans l’orbite britannique.
Il ne s’agissait pas simplement d’une influence britannique, mais d’un bâtiment britannique de part en part. En 1859, lorsque la reine Victoria a choisi Ottawa comme capitale permanente du Canada, il n’a pas été question de confédération. Le Canada était encore une colonie du Royaume-Uni, bien qu’agitée, dont la capitale avait été déplacée sept fois en 26 ans.
Un concours d’architecture
Le ministère des Travaux publics a lancé un appel de soumissions en mai 1859, ce qui donnait à peine 12 semaines aux architectes pour soumettre des propositions pour un nouveau complexe parlementaire. Se précipitant pour respecter l’échéance, 21 firmes d’architectes ont déposé 32 propositions de conception, avec 298 dessins à l’appui.
Les finalistes étaient répartis en deux camps distincts. Les bâtiments néoclassiques à coupole qui évoquaient les temples et les basiliques de la Rome antique rivalisaient avec les structures néogothiques qui faisaient écho aux cathédrales et aux salles communautaires de la Grande-Bretagne médiévale.
Le Britannique Thomas Fuller et le Canadien Chilion Jones avaient suivi de près la révolution architecturale en cours en Grande-Bretagne et prédisaient que la manie du renouveau médiéval allait bientôt frapper le Canada. Ils ont remporté le contrat en proposant un imposant complexe néogothique de tours, de cours, de toits mansardés et d’arcs brisés.
« Le Canada faisait partie de la Grande-Bretagne lorsqu’il a proposé ses édifices du Parlement, et il a donc adopté le style néogothique, un style typiquement britannique », a déclaré la conservatrice d’art de la Chambre des communes, Johanna Mizgala. « Le Canada voulait clairement se faire l’écho de l’architecture du Parlement britannique, qui venait tout juste d’être achevé. »
La conception pittoresque de Fuller et Jones convenait parfaitement au site : un terrain de neuf hectares au cœur de la nouvelle capitale, perché au bord d’une falaise boisée surplombant la bouillonnante rivière des Outaouais.
« Le style gothique visait à célébrer la nature », a déclaré John-Philippe Smith, sculpteur officiel du Parlement et gardien de son impressionnante collection de sculptures en pierres et en bois. « C’était un concept fortement victorien : les architectes voyaient la vertu dans la nature et voulaient refléter ces idéaux dans leurs bâtiments municipaux. »
Construction à grande échelle
L’ampleur du projet éclipsait tout ce qui avait été tenté jusqu’alors en Amérique du Nord. L’édifice du Parlement de quatre étages mesurait 144 mètres de large et 120 mètres de profondeur. Sa pièce maîtresse, la Tour Victoria, culminait à 76 mètres de hauteur lorsque sa flèche et sa couronne de fer — un clin d’œil au rôle de la reine Victoria dans le choix de la capitale — furent achevées, en 1878.
Les murs étaient recouverts de grès de Nepean, provenant d’une carrière située tout juste à l’ouest d’Ottawa. Du grès rouge de Potsdam, dans l’État de New York, et du grès de Berea de couleur chamois de l’Ohio ont été utilisés pour les accents des fenêtres et les détails décoratifs. Les artisans qui ont travaillé avec cette pierre étaient presque exclusivement des émigrants anglais, écossais et irlandais, formés selon une tradition gothique vieille de 600 ans.
« En ce qui concerne les éléments de conception, vous n’auriez pas vu le vaste éventail d’animaux canadiens comme les écureuils, les hiboux et les geais bleus que vous apercevez aujourd’hui sur l’édifice du Centre », a indiqué M. Smith. « Les sculpteurs se sont accrochés à des personnages traditionnels que vous trouveriez, par exemple, sur une cathédrale du 13e siècle : des dragons, des lions, des grotesques et des hommes verts. »
Le résultat fut un édifice victorien en costume médiéval — vénérable, majestueux et très britannique.
Risque d’incendie
Comme bien d’autres édifices de l’époque — des panneaux de bois recouvrant du plâtre et de la brique à l’intérieur — l’édifice du Parlement était vulnérable au feu.
Le brasier qui l’a détruit lors d’une nuit glaciale de février 1916 a porté un dur coup au pays, qui était déjà embourbé dans une guerre sanglante et épuisante. Étonnamment, la catastrophe a incité le pays à se regrouper et à repenser la conception originale de l’édifice. Le résultat — l’édifice du Centre, avec son mélange d’images européennes et nord-américaines — était plus grand, meilleur et distinctement canadien.