Aller au contenu

Seules les solutions fondées sur des données probantes peuvent faire baisser le taux de suicide au Canada : sénateurs Brazeau, Kutcher et Omidvar

Deux mains qui se tiennent.

Étiquettes

Avertissement : Veuillez noter que l’article ci-dessous traite de suicide et de santé mentale. Si votre vie ou celle d’une personne de votre entourage est en danger ou si vous avez besoin d’un soutien immédiat, composez le 911. Le gouvernement du Canada a également dressé une liste de ressources pour aider les personnes en situation de crise.

À la fin d’avril 2023, près d’un mois avant de devoir fuir les incendies de forêt dans le nord de l’Alberta, les membres de la Première Nation crie Mikisew faisaient face à une autre crise.

De multiples suicides et tentatives de suicide survenus au sein de la communauté autochtone de Fort Chipewyan ont amené le Chef Billy-Joe Tuccaro à déclarer l’état d’urgence. Il a réclamé un soutien urgent en matière de santé mentale, notamment sous la forme d’une équipe d’intervention en cas de crise et d’un financement provincial et fédéral à long terme.

« Nous ne pouvons plus rester les bras croisés et faire comme s’il ne s’agissait pas d’un véritable problème », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée (en anglais seulement) dans les médias sociaux.

Les communautés autochtones sont surreprésentées depuis longtemps dans les statistiques nationales sur le suicide au Canada, et la réponse du gouvernement fédéral – le Cadre fédéral de prévention du suicide élaboré en 2016 et rempli de mots à la mode – n’a à peu près rien changé à cette réalité.

Bien que le cadre fédéral ait pour mission de « prévenir le suicide au Canada », un rapport publié par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie conclut que le cadre vise davantage à offrir des paroles réconfortantes qu’à proposer des solutions fondées sur des données probantes.

L’absence de solutions concrètes pour les communautés autochtones dans le cadre fédéral est particulièrement choquante, quand on sait que ce groupe démographique semble être le principal déterminant du taux annuel de suicide au Canada, qui se maintient aux environs de 11 ou 12 cas pour 100 000 personnes depuis 2000. Cette statistique « stable » cache cependant le fait que les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits sont plus susceptibles de se suicider. Dans les communautés inuites, le taux de suicide est de 6 à 25 fois plus élevé que la moyenne nationale.

Comme l’a déclaré au comité le Dr Tyler Black, professeur de psychiatrie à l’Université de la Colombie-Britannique, le risque de suicide n’est pas inhérent aux peuples autochtones, mais il « reflète les traumatismes causés par la colonisation et la discrimination systémique ».

Pour remédier aux problèmes de santé mentale propres aux communautés autochtones, nous avons besoin de services de crise adaptés à la culture, conçus par et pour les Autochtones. Nous devons également élargir le financement de la prévention du suicide pour y inclure des initiatives axées sur des interventions plus précoces permettant d’éviter que les Autochtones se retrouvent en situation de crise. Pour Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, la prévention du suicide doit commencer par l’essentiel, c’est-à-dire fournir aux enfants de la nourriture, un accès à l’éducation et un milieu sûr, sain et chaleureux.

Une version actualisée du Cadre fédéral de prévention du suicide doit également prendre en compte les besoins des hommes et des garçons, un groupe démographique dont le taux de suicide – 75 % de tous les cas – est effarant. Le comité a appris que les hommes ont moins tendance à demander de l’aide psychologique ou du soutien social et qu’ils ont recours à des méthodes de suicide plus meurtrières, comme les armes à feu. Cette statistique donne également à penser que la stigmatisation des hommes aux prises avec des problèmes de santé mentale perdure, malgré les nombreux messages répétant que « c’est correct de ne pas se sentir bien » diffusés sur les tribunes publiques au cours des dernières années.

Le comité n’a pas entendu beaucoup de témoignages sur les garçons et les hommes autochtones, ce qui démontre la nécessité de mener des recherches plus approfondies.

Pour pouvoir repérer les groupes à risque et mettre au point des solutions de prévention du suicide fondées sur des données probantes, nous avons besoin de données normalisées collectées en temps opportun de partout au pays. Il nous faut également des données désagrégées pour cerner les groupes surreprésentés dans le taux de suicide, notamment les communautés 2ELGBTQI+ et autochtones. De nombreuses organisations autochtones n’ont tout simplement pas la capacité nécessaire d’effectuer de telles collectes de données par elles-mêmes.

Heureusement, Carolyn Bennett, qui était la ministre de la Santé mentale et des Dépendances pendant l’étude du comité, a reconnu les faiblesses du Cadre fédéral de prévention du suicide et indiqué qu’une version mise à jour serait publiée cet automne.

Elle a également annoncé la mise en service d’une nouvelle ligne de soutien en cas de crise qui regroupera tous les services téléphoniques de prévention du suicide sous un seul numéro, le 988. À compter du 30 novembre, il sera ainsi plus facile pour les personnes en crise d’obtenir de l’aide par téléphone.

De plus, l’automne dernier, le gouvernement fédéral a annoncé un financement de 11 millions de dollars pour appuyer la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits (en anglais seulement), une initiative de l’Inuit Tapiriit Kanatami dirigée par les Inuits et fondée sur des données probantes.

Il s’agit là de mesures modestes, mais elles représentent un pas dans la bonne direction.

Mais tant que le Canada n’aura pas élaboré une stratégie nationale fondée sur des données probantes et adaptée aux besoins variés des communautés métisses, inuites et des Premières Nations, de même qu’à ceux des garçons et des hommes, nous ne réussirons pas à réellement réduire le taux de suicide au Canada. 

Pour reprendre les paroles du Chef Tuccaro, nous ne pouvons plus rester les bras croisés.

Le sénateur Patrick Brazeau est membre de la communauté algonquine de Kitigan Zibi et ambassadeur de la prévention du suicide. Il représente la région québécoise de Repentigny au Sénat.

Le sénateur Stan Kutcher est psychiatre et il siège au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente la Nouvelle-Écosse au Sénat.

La sénatrice Ratna Omidvar est la présidente du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Elle représente l’Ontario au Sénat.

Cet article a été publié le 27 septembre 2023 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

Avis aux lecteurs : L’honorable Ratna Omidvar a pris sa retraite du Sénat du Canada en novembre 2024. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.

Avertissement : Veuillez noter que l’article ci-dessous traite de suicide et de santé mentale. Si votre vie ou celle d’une personne de votre entourage est en danger ou si vous avez besoin d’un soutien immédiat, composez le 911. Le gouvernement du Canada a également dressé une liste de ressources pour aider les personnes en situation de crise.

À la fin d’avril 2023, près d’un mois avant de devoir fuir les incendies de forêt dans le nord de l’Alberta, les membres de la Première Nation crie Mikisew faisaient face à une autre crise.

De multiples suicides et tentatives de suicide survenus au sein de la communauté autochtone de Fort Chipewyan ont amené le Chef Billy-Joe Tuccaro à déclarer l’état d’urgence. Il a réclamé un soutien urgent en matière de santé mentale, notamment sous la forme d’une équipe d’intervention en cas de crise et d’un financement provincial et fédéral à long terme.

« Nous ne pouvons plus rester les bras croisés et faire comme s’il ne s’agissait pas d’un véritable problème », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée (en anglais seulement) dans les médias sociaux.

Les communautés autochtones sont surreprésentées depuis longtemps dans les statistiques nationales sur le suicide au Canada, et la réponse du gouvernement fédéral – le Cadre fédéral de prévention du suicide élaboré en 2016 et rempli de mots à la mode – n’a à peu près rien changé à cette réalité.

Bien que le cadre fédéral ait pour mission de « prévenir le suicide au Canada », un rapport publié par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie conclut que le cadre vise davantage à offrir des paroles réconfortantes qu’à proposer des solutions fondées sur des données probantes.

L’absence de solutions concrètes pour les communautés autochtones dans le cadre fédéral est particulièrement choquante, quand on sait que ce groupe démographique semble être le principal déterminant du taux annuel de suicide au Canada, qui se maintient aux environs de 11 ou 12 cas pour 100 000 personnes depuis 2000. Cette statistique « stable » cache cependant le fait que les membres des Premières Nations, les Métis et les Inuits sont plus susceptibles de se suicider. Dans les communautés inuites, le taux de suicide est de 6 à 25 fois plus élevé que la moyenne nationale.

Comme l’a déclaré au comité le Dr Tyler Black, professeur de psychiatrie à l’Université de la Colombie-Britannique, le risque de suicide n’est pas inhérent aux peuples autochtones, mais il « reflète les traumatismes causés par la colonisation et la discrimination systémique ».

Pour remédier aux problèmes de santé mentale propres aux communautés autochtones, nous avons besoin de services de crise adaptés à la culture, conçus par et pour les Autochtones. Nous devons également élargir le financement de la prévention du suicide pour y inclure des initiatives axées sur des interventions plus précoces permettant d’éviter que les Autochtones se retrouvent en situation de crise. Pour Natan Obed, président de l’Inuit Tapiriit Kanatami, la prévention du suicide doit commencer par l’essentiel, c’est-à-dire fournir aux enfants de la nourriture, un accès à l’éducation et un milieu sûr, sain et chaleureux.

Une version actualisée du Cadre fédéral de prévention du suicide doit également prendre en compte les besoins des hommes et des garçons, un groupe démographique dont le taux de suicide – 75 % de tous les cas – est effarant. Le comité a appris que les hommes ont moins tendance à demander de l’aide psychologique ou du soutien social et qu’ils ont recours à des méthodes de suicide plus meurtrières, comme les armes à feu. Cette statistique donne également à penser que la stigmatisation des hommes aux prises avec des problèmes de santé mentale perdure, malgré les nombreux messages répétant que « c’est correct de ne pas se sentir bien » diffusés sur les tribunes publiques au cours des dernières années.

Le comité n’a pas entendu beaucoup de témoignages sur les garçons et les hommes autochtones, ce qui démontre la nécessité de mener des recherches plus approfondies.

Pour pouvoir repérer les groupes à risque et mettre au point des solutions de prévention du suicide fondées sur des données probantes, nous avons besoin de données normalisées collectées en temps opportun de partout au pays. Il nous faut également des données désagrégées pour cerner les groupes surreprésentés dans le taux de suicide, notamment les communautés 2ELGBTQI+ et autochtones. De nombreuses organisations autochtones n’ont tout simplement pas la capacité nécessaire d’effectuer de telles collectes de données par elles-mêmes.

Heureusement, Carolyn Bennett, qui était la ministre de la Santé mentale et des Dépendances pendant l’étude du comité, a reconnu les faiblesses du Cadre fédéral de prévention du suicide et indiqué qu’une version mise à jour serait publiée cet automne.

Elle a également annoncé la mise en service d’une nouvelle ligne de soutien en cas de crise qui regroupera tous les services téléphoniques de prévention du suicide sous un seul numéro, le 988. À compter du 30 novembre, il sera ainsi plus facile pour les personnes en crise d’obtenir de l’aide par téléphone.

De plus, l’automne dernier, le gouvernement fédéral a annoncé un financement de 11 millions de dollars pour appuyer la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les Inuits (en anglais seulement), une initiative de l’Inuit Tapiriit Kanatami dirigée par les Inuits et fondée sur des données probantes.

Il s’agit là de mesures modestes, mais elles représentent un pas dans la bonne direction.

Mais tant que le Canada n’aura pas élaboré une stratégie nationale fondée sur des données probantes et adaptée aux besoins variés des communautés métisses, inuites et des Premières Nations, de même qu’à ceux des garçons et des hommes, nous ne réussirons pas à réellement réduire le taux de suicide au Canada. 

Pour reprendre les paroles du Chef Tuccaro, nous ne pouvons plus rester les bras croisés.

Le sénateur Patrick Brazeau est membre de la communauté algonquine de Kitigan Zibi et ambassadeur de la prévention du suicide. Il représente la région québécoise de Repentigny au Sénat.

Le sénateur Stan Kutcher est psychiatre et il siège au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il représente la Nouvelle-Écosse au Sénat.

La sénatrice Ratna Omidvar est la présidente du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Elle représente l’Ontario au Sénat.

Cet article a été publié le 27 septembre 2023 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).

Avis aux lecteurs : L’honorable Ratna Omidvar a pris sa retraite du Sénat du Canada en novembre 2024. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.

Étiquettes

Encore plus sur SenCA+

Haut de page