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« Je quitte avec le sentiment du devoir accompli » : le sénateur Dawson prend sa retraite

Après avoir gravité autour de la Colline du Parlement pendant 46 ans, d’abord comme député, puis consultant et, depuis 2005, à titre de sénateur, Dennis Dawson quitte la Chambre haute avec le sentiment du devoir accompli. Reconnu pour son franc-parler, l’homme aux 150 nœuds papillon ne laisse personne indifférent. Ardent défenseur de la culture québécoise et canadienne, de la diplomatie parlementaire, et des enjeux touchant la sécurité, le sénateur Dawson a pris sa retraite du Sénat le 9 février 2023. Retour sur une carrière bien remplie.

Après toutes ces années sur la Colline du Parlement, que diriez-vous au jeune député Dawson?

Je lui dirais « t’as pris une bonne décision ». Si j’avais voulu être adjoint politique, j’aurais pu en faire une carrière, mais je voulais faire une carrière en politique.

Pour bien comprendre, je dois expliquer comment je suis arrivé ici. J’étais président de la Commission des écoles catholiques de Québec lorsque la députée de ma circonscription est décédée. Il y avait des gens du parti qui voulaient avoir un candidat qui était un « bagman » du Parti libéral. Moi, j’étais de la nouvelle génération qui voulait qu’on se débarrasse de cette mentalité-là. Je suis venu passer une entrevue avec le lieutenant du parti au Québec. Il m’a offert un emploi à son bureau et je lui ai dit : « Non! Si j’avais voulu travailler pour vous, je vous aurais envoyé mon CV, pas ma candidature. Si j’ai envoyé ma candidature, c’est parce que je veux être député. »

J’ai été élu dans Louis-Hébert pendant trois élections fédérales consécutives, alors je peux dire que ça a plutôt bien tourné pour moi. La politique m’est venue assez naturellement je dois dire.

Vous étiez l’un des plus jeunes députés à être élus. Avez-vous des souvenirs particuliers de votre arrivée à la Chambre des communes?

J’avais 27 ans. Il y en avait peut-être deux ou trois qui étaient plus jeunes que moi. C’était bien de travailler avec des gens de mon âge, mais à un moment donné, tu veux être reconnu pour autre chose, car la jeunesse c’est une qualité que tu perds chaque jour!

Je me souviens surtout que j’étais intimidé de parler devant une foule. Avec le temps, j’ai appris à maîtriser l’art de faire des discours, mais encore aujourd’hui ça m’intimide toujours un peu, mais j’arrive à le cacher. Dans ce temps-là, c’était épouvantable. Je tremblais quasiment, mais j’avais de l’ambition, et si je voulais faire ce que j’aimais faire, il fallait que je passe par-dessus cela.


En 1977, à 27 ans, le sénateur Dennis Dawson était l’un des plus jeunes députés fédéraux élus sous les libéraux de Pierre Elliott Trudeau, à gauche. (Crédit photo : Jean-Marc Carisse)

Selon vous, quelles sont les principales différences entre le rôle de député et celui de sénateur?

Ce sont deux mondes différents et presque impossibles à comparer – mis à part qu’il faut être à la Période des questions à 14 h!

D’abord la légitimité d’un député est définitivement plus forte que celle d’un sénateur, même si la Constitution et toutes les lois du Parlement les mettent sur un pied d’égalité. Les sénateurs ont un devoir, une obligation même, de second examen objectif. Par contre, lorsque nos amendements sont rejetés par la Chambre des communes, pour moi, on ne peut pas remettre cela en question.

Il faut aussi dire que depuis neuf ans, les choses ont bien changé au Sénat. En 2014, avant que Justin Trudeau devienne premier ministre, il a décidé de nous exclure du caucus libéral. Ça m’a fait de la peine. J’avais passé plus de 30 ans de ma vie à militer pour le Parti libéral, pour finalement me faire dire que je n’avais plus le droit d’être dans mon caucus.

Je me suis quand même dévoué pour faire en sorte que ça fonctionne, une Chambre haute indépendante. Est-ce que je suis content de la façon dont ça va? Pas vraiment, parce qu’on pourrait faire tellement mieux. On avait deux choix : disparaître avec le temps ou se restructurer en se donnant un nouveau statut. Nous avons créé le Groupe des sénateurs progressistes et j’en suis très fier. Ce groupe a permis de donner un certain rééquilibre au Sénat.

L’une des grosses différences c’est que les nouveaux sénateurs ne sont plus pris en charge par un parti, leur formation est peu laissée à eux-mêmes. Certains refusent par exemple de rencontrer des lobbyistes. Pourtant, c’est tellement important! Personne ne leur a montré que c’est tout à fait normal, et que pour cogiter avant de prendre une décision, il faut avoir les deux côtés de la médaille.

Les anciens sénateurs doivent parrainer les nouveaux, une chose qui se faisait auparavant et que j’ai continué à faire, car pour moi, ça fait une différence.

Vous êtes le seul parlementaire à avoir vécu la première télédiffusion à la fois des séances de la Chambre des communes en 1977 et celles du Sénat en 2019. Quels souvenirs gardez-vous de ces moments marquants de l’histoire parlementaire?

Je me souviendrai toujours de mon premier discours télévisé. Quelques mois après mon arrivée à Ottawa comme député, on m’avait demandé de répondre au discours du Trône qui avait, pour une rare fois, été lu par la Reine Elizabeth II en octobre 1977.

J’étais un nationaliste québécois, pas du tout un monarchiste, mais il fallait des discours de remerciement. Tous les députés avaient quitté la Chambre des communes pour aller au Sénat pour écouter le discours de la Reine. Ensuite, ils étaient revenus à la Chambre et j’étais la première personne à prononcer un discours de remerciement, le premier discours télévisé. J’étais pas mal nerveux! Les députés dans ce temps-là avaient l’habitude de taper sur leur bureau au lieu d’applaudir. On ne peut pas dire que ça faisait de la bonne télévision. Peu de temps après les premières télédiffusions des séances, c’est le service des communications du caucus libéral qui a avisé nos députés de changer leur comportement en Chambre et d’être plus aux aguets, entre autres quand la caméra est sur le député qui parle en avant de toi, ce n’était pas le temps de jaser avec ton voisin!

Je me suis donc battu pour qu’on ait la télédiffusion des délibérations à la Chambre du Sénat pour plusieurs raisons, mais notamment parce que j’espérais que ça aide le comportement des sénateurs.


Le sénateur Dawson assis dans un ancien fauteuil de la Chambre des communes, un cadeau offert par l’une de ses filles.

En rétrospective, pensez-vous que les débats dans la Chambre rouge ont changé depuis leur télédiffusion?

Oui, il y a eu un changement de comportement, les sénateurs sont plus conscients qu’il s’agit d’un outil de communication important. Malheureusement, chez les parlementaires, certains l’utilisent pour donner un spectacle.

Au Sénat on s’était engagé – et on ne l’a pas encore fait – à changer les règles pour rendre les séances plus intéressantes. Quand on dit plus de 40 fois entre 14 h et 16 h qu’un item est reporté, c’est ennuyant.  L’horaire est aussi dysfonctionnel, car il est difficile à anticiper. Si on dit qu’il y aura un discours sur un sujet X à 15 h, il est impossible de savoir si ça va arriver ou non. De plus, quand les cloches sonnent pendant une heure avant un vote, ça n’améliore pas l’image du Sénat.  Sans un changement de règles, il sera difficile de mieux communiquer ce qui se fait en Chambre, mais au moins grâce à la télédiffusion, on a des clips qu’on peut utiliser sur les médias sociaux, c’est déjà une bonne amélioration.

De toute votre carrière sur la Colline du Parlement, de quelles initiatives êtes-vous le plus fier?

J’ai participé à deux audits sur les services de communications au Sénat. Le second a été effectué avec l’aide de consultants. Cela a mené à la publication d’un rapport qui a donné le pouvoir au Comité de la Régie interne, des budgets et de l’administration de restructurer cette direction. Le résultat, c’est qu’on a un meilleur service de communications. Le Sénat et les sénateurs paraissent beaucoup mieux! On a encore beaucoup à faire, mais on peut aller jusqu’à un certain niveau. Je ne me fais pas d’illusion sur notre capacité de changer l’image, mais je suis bien fier du travail que nous avons effectué pour améliorer ce service.

Je suis aussi fier que le Sénat ait adopté le projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne, que je parraine depuis longtemps. J’ai même publié un article en 1982 dans lequel je disais que la Loi sur les télécommunications devait être améliorée. La loi a été améliorée en 1990, mais ce besoin est encore plus vrai aujourd’hui. Plusieurs ne croient pas au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, mais on a besoin de cet organisme pour protéger la culture canadienne!

Finalement, je suis fier de l’étude du Comité des transports et des communications sur les véhicules automatisés même si elle était prématurée et trop ambitieuse. Notre attention était sur l’automobile intelligente au lieu d’être sur l’automobile plus intelligente… donc la majorité des recommandations du rapport ont été implantées par l’industrie assez rapidement.

Le rapport de ce même comité sur le transport aérien en est un autre dont je suis très fier. L’étude indiquait que si les aéroports continuent à agir comme elles le font, on s’en allait vers la catastrophe. Effectivement, avec la pandémie, on a vu à quel point les aéroports sont dysfonctionnels!

Vous avez consacré beaucoup de temps à la diplomatie parlementaire. Pourquoi est-ce si important pour vous?


La sénatrice Galvez, quatrième à partir de la gauche, le sénateur Dawson, au centre, et l’ancien sénateur Mercer, troisième à partir de la droite, lors d’une mission d’étude portant sur les véhicules automatisés.Le sénateur Dawson, alors le vice-président du Comité des transports et des communications, discute avec Marc Garneau, alors ministre fédéral des Transports, lors d’une démonstration avec un véhicule automatisé sur la Colline du Parlement en septembre 2017.

J’ai consacré beaucoup de temps à diverses associations parlementaires, car leur rôle est important. Par exemple, quand est venu le temps des négociations sur le libre-échange avec les États-Unis, on partait en délégation de députés et de sénateurs de tous les partis, et on allait rencontrer des membres du Congrès et des sénateurs américains afin de leur expliquer pourquoi l’entente est si importante malgré la résistance du président Trump. Il fallait absolument convaincre le Congrès pour qu’ils continuent à mettre de la pression.

La création de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une réalisation de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). L’OIF a fait en sorte qu’on a aujourd’hui une Francophonie beaucoup plus saine, car avant, la France avait pas mal le monopole.

Vous avez travaillé de nombreuses années dans l’édifice du Centre sur la Colline du Parlement avant que l’édifice ne soit fermé pour sa réhabilitation. Quels changements avez-vous observés?

Ça peut paraître un peu banal, mais quand on partageait la même cafétéria, les mêmes couloirs, les mêmes salles de réunion, les députés et sénateurs se parlaient davantage. 


Le sénateur Dawson dans son bureau sur la Colline du Parlement, d’où il a une magnifique vue sur l’édifice du Centre qui fait présentement l’objet d’importants travaux de réhabilitation.

Lorsque le premier ministre Trudeau nous a mis à la porte du caucus, ç’a été un choc assez important parce que les sénateurs ne pouvaient plus participer aux rencontres du caucus du Parti libéral. En plus, on a déménagé dans deux édifices loin l’un de l’autre. Ensuite est arrivée la pandémie, et on est tombé dans l’univers des rencontres virtuelles. Donc plusieurs sénateurs n’ont jamais vu un député. Dans le temps, il était naturel de se croiser à la cafétéria et de jaser d’un dossier pour en arriver à quelques idées à amener de l’avant. Maintenant, il faut faire une demande de rencontre formelle. Inutile de dire que ça change la dynamique, ça n’existe plus le spontané. J’espère que nos leaders vont figurer des mécanismes afin de mieux partager les informations dont les parlementaires ont besoin pour effectuer leur travail.

Votre retraite obligatoire n’est pas avant 2024. Pourquoi avez-vous décidé de quitter le Sénat plus tôt?

Ça fait plus de 40 ans que je suis à Ottawa quatre jours par semaine. Pendant la pandémie, j’ai passé deux ans à la maison avec mon épouse qui était habituée de m’avoir à la maison seulement la moitié du temps. J’avoue que ç’a été très agréable d’être avec elle à temps plein. Au retour du Sénat en présentiel, en septembre dernier, j’ai trouvé cela difficile, sans compter qu’il n’y a plus de vols directs Québec-Ottawa. Il faut passer par Montréal ou Toronto, donc encore plus de temps dans les aéroports.

Il y a aussi le fait que j’aime moins l’atmosphère du Sénat actuel, sans compter que les comités du Sénat commencent de nouvelles études, et je savais que j’allais devoir quitter avant de pouvoir livrer le produit final. Bref, tous ces facteurs m’ont amené à prendre cette décision.

Quels sont vos projets de retraite?

Honnêtement, c’est vraiment le grand mystère dans ma tête. Je vais continuer d’être bénévole sur plusieurs comités et conseils d’administration à Québec. Pour le reste, je compte passer du temps en famille, notamment avec ma petite fille qui vient d’avoir trois mois. Je dois l’avouer, j’en suis pas mal ‘gaga’!


Après plus de 40 ans sur la Colline du Parlement, passer plus de temps en famille, notamment avec sa petite fille June, est l’une des raisons qui ont motivé le sénateur Dawson à prendre une retraite anticipée. (Crédit photo : Bureau du sénateur Dennis Dawson)

Apprenez-en davantage sur le sénateur Dennis Dawson dans cet article sur SenCAplus.

L’honorable Dennis Dawson a pris sa retraite du Sénat du Canada en février 2023. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

« Je quitte avec le sentiment du devoir accompli » : le sénateur Dawson prend sa retraite

Après avoir gravité autour de la Colline du Parlement pendant 46 ans, d’abord comme député, puis consultant et, depuis 2005, à titre de sénateur, Dennis Dawson quitte la Chambre haute avec le sentiment du devoir accompli. Reconnu pour son franc-parler, l’homme aux 150 nœuds papillon ne laisse personne indifférent. Ardent défenseur de la culture québécoise et canadienne, de la diplomatie parlementaire, et des enjeux touchant la sécurité, le sénateur Dawson a pris sa retraite du Sénat le 9 février 2023. Retour sur une carrière bien remplie.

Après toutes ces années sur la Colline du Parlement, que diriez-vous au jeune député Dawson?

Je lui dirais « t’as pris une bonne décision ». Si j’avais voulu être adjoint politique, j’aurais pu en faire une carrière, mais je voulais faire une carrière en politique.

Pour bien comprendre, je dois expliquer comment je suis arrivé ici. J’étais président de la Commission des écoles catholiques de Québec lorsque la députée de ma circonscription est décédée. Il y avait des gens du parti qui voulaient avoir un candidat qui était un « bagman » du Parti libéral. Moi, j’étais de la nouvelle génération qui voulait qu’on se débarrasse de cette mentalité-là. Je suis venu passer une entrevue avec le lieutenant du parti au Québec. Il m’a offert un emploi à son bureau et je lui ai dit : « Non! Si j’avais voulu travailler pour vous, je vous aurais envoyé mon CV, pas ma candidature. Si j’ai envoyé ma candidature, c’est parce que je veux être député. »

J’ai été élu dans Louis-Hébert pendant trois élections fédérales consécutives, alors je peux dire que ça a plutôt bien tourné pour moi. La politique m’est venue assez naturellement je dois dire.

Vous étiez l’un des plus jeunes députés à être élus. Avez-vous des souvenirs particuliers de votre arrivée à la Chambre des communes?

J’avais 27 ans. Il y en avait peut-être deux ou trois qui étaient plus jeunes que moi. C’était bien de travailler avec des gens de mon âge, mais à un moment donné, tu veux être reconnu pour autre chose, car la jeunesse c’est une qualité que tu perds chaque jour!

Je me souviens surtout que j’étais intimidé de parler devant une foule. Avec le temps, j’ai appris à maîtriser l’art de faire des discours, mais encore aujourd’hui ça m’intimide toujours un peu, mais j’arrive à le cacher. Dans ce temps-là, c’était épouvantable. Je tremblais quasiment, mais j’avais de l’ambition, et si je voulais faire ce que j’aimais faire, il fallait que je passe par-dessus cela.


En 1977, à 27 ans, le sénateur Dennis Dawson était l’un des plus jeunes députés fédéraux élus sous les libéraux de Pierre Elliott Trudeau, à gauche. (Crédit photo : Jean-Marc Carisse)

Selon vous, quelles sont les principales différences entre le rôle de député et celui de sénateur?

Ce sont deux mondes différents et presque impossibles à comparer – mis à part qu’il faut être à la Période des questions à 14 h!

D’abord la légitimité d’un député est définitivement plus forte que celle d’un sénateur, même si la Constitution et toutes les lois du Parlement les mettent sur un pied d’égalité. Les sénateurs ont un devoir, une obligation même, de second examen objectif. Par contre, lorsque nos amendements sont rejetés par la Chambre des communes, pour moi, on ne peut pas remettre cela en question.

Il faut aussi dire que depuis neuf ans, les choses ont bien changé au Sénat. En 2014, avant que Justin Trudeau devienne premier ministre, il a décidé de nous exclure du caucus libéral. Ça m’a fait de la peine. J’avais passé plus de 30 ans de ma vie à militer pour le Parti libéral, pour finalement me faire dire que je n’avais plus le droit d’être dans mon caucus.

Je me suis quand même dévoué pour faire en sorte que ça fonctionne, une Chambre haute indépendante. Est-ce que je suis content de la façon dont ça va? Pas vraiment, parce qu’on pourrait faire tellement mieux. On avait deux choix : disparaître avec le temps ou se restructurer en se donnant un nouveau statut. Nous avons créé le Groupe des sénateurs progressistes et j’en suis très fier. Ce groupe a permis de donner un certain rééquilibre au Sénat.

L’une des grosses différences c’est que les nouveaux sénateurs ne sont plus pris en charge par un parti, leur formation est peu laissée à eux-mêmes. Certains refusent par exemple de rencontrer des lobbyistes. Pourtant, c’est tellement important! Personne ne leur a montré que c’est tout à fait normal, et que pour cogiter avant de prendre une décision, il faut avoir les deux côtés de la médaille.

Les anciens sénateurs doivent parrainer les nouveaux, une chose qui se faisait auparavant et que j’ai continué à faire, car pour moi, ça fait une différence.

Vous êtes le seul parlementaire à avoir vécu la première télédiffusion à la fois des séances de la Chambre des communes en 1977 et celles du Sénat en 2019. Quels souvenirs gardez-vous de ces moments marquants de l’histoire parlementaire?

Je me souviendrai toujours de mon premier discours télévisé. Quelques mois après mon arrivée à Ottawa comme député, on m’avait demandé de répondre au discours du Trône qui avait, pour une rare fois, été lu par la Reine Elizabeth II en octobre 1977.

J’étais un nationaliste québécois, pas du tout un monarchiste, mais il fallait des discours de remerciement. Tous les députés avaient quitté la Chambre des communes pour aller au Sénat pour écouter le discours de la Reine. Ensuite, ils étaient revenus à la Chambre et j’étais la première personne à prononcer un discours de remerciement, le premier discours télévisé. J’étais pas mal nerveux! Les députés dans ce temps-là avaient l’habitude de taper sur leur bureau au lieu d’applaudir. On ne peut pas dire que ça faisait de la bonne télévision. Peu de temps après les premières télédiffusions des séances, c’est le service des communications du caucus libéral qui a avisé nos députés de changer leur comportement en Chambre et d’être plus aux aguets, entre autres quand la caméra est sur le député qui parle en avant de toi, ce n’était pas le temps de jaser avec ton voisin!

Je me suis donc battu pour qu’on ait la télédiffusion des délibérations à la Chambre du Sénat pour plusieurs raisons, mais notamment parce que j’espérais que ça aide le comportement des sénateurs.


Le sénateur Dawson assis dans un ancien fauteuil de la Chambre des communes, un cadeau offert par l’une de ses filles.

En rétrospective, pensez-vous que les débats dans la Chambre rouge ont changé depuis leur télédiffusion?

Oui, il y a eu un changement de comportement, les sénateurs sont plus conscients qu’il s’agit d’un outil de communication important. Malheureusement, chez les parlementaires, certains l’utilisent pour donner un spectacle.

Au Sénat on s’était engagé – et on ne l’a pas encore fait – à changer les règles pour rendre les séances plus intéressantes. Quand on dit plus de 40 fois entre 14 h et 16 h qu’un item est reporté, c’est ennuyant.  L’horaire est aussi dysfonctionnel, car il est difficile à anticiper. Si on dit qu’il y aura un discours sur un sujet X à 15 h, il est impossible de savoir si ça va arriver ou non. De plus, quand les cloches sonnent pendant une heure avant un vote, ça n’améliore pas l’image du Sénat.  Sans un changement de règles, il sera difficile de mieux communiquer ce qui se fait en Chambre, mais au moins grâce à la télédiffusion, on a des clips qu’on peut utiliser sur les médias sociaux, c’est déjà une bonne amélioration.

De toute votre carrière sur la Colline du Parlement, de quelles initiatives êtes-vous le plus fier?

J’ai participé à deux audits sur les services de communications au Sénat. Le second a été effectué avec l’aide de consultants. Cela a mené à la publication d’un rapport qui a donné le pouvoir au Comité de la Régie interne, des budgets et de l’administration de restructurer cette direction. Le résultat, c’est qu’on a un meilleur service de communications. Le Sénat et les sénateurs paraissent beaucoup mieux! On a encore beaucoup à faire, mais on peut aller jusqu’à un certain niveau. Je ne me fais pas d’illusion sur notre capacité de changer l’image, mais je suis bien fier du travail que nous avons effectué pour améliorer ce service.

Je suis aussi fier que le Sénat ait adopté le projet de loi C-11, la Loi sur la diffusion continue en ligne, que je parraine depuis longtemps. J’ai même publié un article en 1982 dans lequel je disais que la Loi sur les télécommunications devait être améliorée. La loi a été améliorée en 1990, mais ce besoin est encore plus vrai aujourd’hui. Plusieurs ne croient pas au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, mais on a besoin de cet organisme pour protéger la culture canadienne!

Finalement, je suis fier de l’étude du Comité des transports et des communications sur les véhicules automatisés même si elle était prématurée et trop ambitieuse. Notre attention était sur l’automobile intelligente au lieu d’être sur l’automobile plus intelligente… donc la majorité des recommandations du rapport ont été implantées par l’industrie assez rapidement.

Le rapport de ce même comité sur le transport aérien en est un autre dont je suis très fier. L’étude indiquait que si les aéroports continuent à agir comme elles le font, on s’en allait vers la catastrophe. Effectivement, avec la pandémie, on a vu à quel point les aéroports sont dysfonctionnels!

Vous avez consacré beaucoup de temps à la diplomatie parlementaire. Pourquoi est-ce si important pour vous?


La sénatrice Galvez, quatrième à partir de la gauche, le sénateur Dawson, au centre, et l’ancien sénateur Mercer, troisième à partir de la droite, lors d’une mission d’étude portant sur les véhicules automatisés.Le sénateur Dawson, alors le vice-président du Comité des transports et des communications, discute avec Marc Garneau, alors ministre fédéral des Transports, lors d’une démonstration avec un véhicule automatisé sur la Colline du Parlement en septembre 2017.

J’ai consacré beaucoup de temps à diverses associations parlementaires, car leur rôle est important. Par exemple, quand est venu le temps des négociations sur le libre-échange avec les États-Unis, on partait en délégation de députés et de sénateurs de tous les partis, et on allait rencontrer des membres du Congrès et des sénateurs américains afin de leur expliquer pourquoi l’entente est si importante malgré la résistance du président Trump. Il fallait absolument convaincre le Congrès pour qu’ils continuent à mettre de la pression.

La création de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) est une réalisation de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF). L’OIF a fait en sorte qu’on a aujourd’hui une Francophonie beaucoup plus saine, car avant, la France avait pas mal le monopole.

Vous avez travaillé de nombreuses années dans l’édifice du Centre sur la Colline du Parlement avant que l’édifice ne soit fermé pour sa réhabilitation. Quels changements avez-vous observés?

Ça peut paraître un peu banal, mais quand on partageait la même cafétéria, les mêmes couloirs, les mêmes salles de réunion, les députés et sénateurs se parlaient davantage. 


Le sénateur Dawson dans son bureau sur la Colline du Parlement, d’où il a une magnifique vue sur l’édifice du Centre qui fait présentement l’objet d’importants travaux de réhabilitation.

Lorsque le premier ministre Trudeau nous a mis à la porte du caucus, ç’a été un choc assez important parce que les sénateurs ne pouvaient plus participer aux rencontres du caucus du Parti libéral. En plus, on a déménagé dans deux édifices loin l’un de l’autre. Ensuite est arrivée la pandémie, et on est tombé dans l’univers des rencontres virtuelles. Donc plusieurs sénateurs n’ont jamais vu un député. Dans le temps, il était naturel de se croiser à la cafétéria et de jaser d’un dossier pour en arriver à quelques idées à amener de l’avant. Maintenant, il faut faire une demande de rencontre formelle. Inutile de dire que ça change la dynamique, ça n’existe plus le spontané. J’espère que nos leaders vont figurer des mécanismes afin de mieux partager les informations dont les parlementaires ont besoin pour effectuer leur travail.

Votre retraite obligatoire n’est pas avant 2024. Pourquoi avez-vous décidé de quitter le Sénat plus tôt?

Ça fait plus de 40 ans que je suis à Ottawa quatre jours par semaine. Pendant la pandémie, j’ai passé deux ans à la maison avec mon épouse qui était habituée de m’avoir à la maison seulement la moitié du temps. J’avoue que ç’a été très agréable d’être avec elle à temps plein. Au retour du Sénat en présentiel, en septembre dernier, j’ai trouvé cela difficile, sans compter qu’il n’y a plus de vols directs Québec-Ottawa. Il faut passer par Montréal ou Toronto, donc encore plus de temps dans les aéroports.

Il y a aussi le fait que j’aime moins l’atmosphère du Sénat actuel, sans compter que les comités du Sénat commencent de nouvelles études, et je savais que j’allais devoir quitter avant de pouvoir livrer le produit final. Bref, tous ces facteurs m’ont amené à prendre cette décision.

Quels sont vos projets de retraite?

Honnêtement, c’est vraiment le grand mystère dans ma tête. Je vais continuer d’être bénévole sur plusieurs comités et conseils d’administration à Québec. Pour le reste, je compte passer du temps en famille, notamment avec ma petite fille qui vient d’avoir trois mois. Je dois l’avouer, j’en suis pas mal ‘gaga’!


Après plus de 40 ans sur la Colline du Parlement, passer plus de temps en famille, notamment avec sa petite fille June, est l’une des raisons qui ont motivé le sénateur Dawson à prendre une retraite anticipée. (Crédit photo : Bureau du sénateur Dennis Dawson)

Apprenez-en davantage sur le sénateur Dennis Dawson dans cet article sur SenCAplus.

L’honorable Dennis Dawson a pris sa retraite du Sénat du Canada en février 2023. Visitez le site web Parlinfo de la bibliothèque du parlement et apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.

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