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Art et architecture

Haida Beaver (Castor haïda)

L’artiste haïda Yalthgwaawiis – Francis Williams – s’est taillé une place importante dans la fabrication de bracelets, de bagues et d’autres travaux de métaux. On l’admirait aussi pour sa maîtrise technique de la gravure à la main et pour son mentorat généreux d’autres artistes des Premières Nations de la région du Nord‑Ouest du Pacifique. « J’aimerais être connu comme le maître des hachures croisées », disait‑il avec un grand sourire. Peu contesteraient son titre bien mérité. M. Williams était avant tout un bijoutier. Toutefois, il reprenait aussi certains de ses motifs fins à la sérigraphie, jouant parfois avec les couleurs et les proportions lors de la découpe de formes et de la pression des encres pour créer une image sur papier au lieu de presser son burin (outil de gravure) sur l’argent et l’or. 

Avec son œuvre Castor haïda, M. Williams utilise des couleurs représentatives de peintures traditionnelles de l’art haïda. Une ligne figurative large et noire trace le contour de la tête, des oreilles et de la queue relevée du castor. Le contraste des lignes blanches (l’espace négatif) fait ressortir les détails des pattes rouges. D’autres formes illustrent les oreilles et les caractéristiques du visage du castor ainsi que les éléments de sa queue écailleuse. Comme dans les bijoux de M. Williams, les hachures croisées donnent de la texture et du relief à l’œuvre. Le petit visage sur la queue fait allusion à l’aspect humain des animaux dans le panthéon haïda; lorsque les animaux traversent la frontière entre le monde des humains et le leur, ils se départissent de leur peau et vivent dans leur maison comme les gens le font.  

Curieusement, le castor est un nouveau venu sur le territoire haïda, l’archipel Haida Gwaii, situé au large de la côte nord de la Colombie‑Britannique. Introduit de la terre ferme pour le trappage d’animaux à fourrure au milieu du 20e siècle, la créature vaillante occupait depuis des générations une place d’honneur dans les récits oraux des Haïdas et était l’un des principaux emblèmes détenus par le clan de l’Aigle Haïda. Symbole d’histoires de familles, de relations et de privilèges particuliers, le castor est toujours utilisé par les artistes haïdas sur les ornements de cérémonie et les mâts totémiques, les plats de festin et les bracelets en argent destinés à un usage communautaire et, comme cette œuvre, au vaste monde artistique.  

En ce qui le concerne, M. Williams était en quelque sorte lui-même un nouvel arrivant à Haida Gwaii : il ne revient dans sa ville natale d’Old Massett, en Colombie‑Britannique, qu’au milieu des années 1960, après avoir passé la majeure partie de sa jeunesse dans des hôpitaux et des établissements de santé, loin de sa famille, pour faire traiter une tuberculose à la hanche. Apprendre la gravure sur argent sous l’aile de l’aîné Arthur Adams le mène à comprendre ce qu’est l’art haïda et ce qu’il peut devenir. Tout comme d’autres artistes de la relève de sa génération, M. Williams doit chercher des gravures et des peintures historiques dans les livres et les musées urbains, puisque l’archipel Haida Gwaii a été dépouillé d’un bon nombre de ses guides potentiels, c’est‑à‑dire des œuvres d’art ancestrales. Il part à Victoria pour y mener des études artistiques, pour ensuite s’intégrer à une nouvelle génération d’artistes et de militants autochtones qui cherchent à faire renaître le travail des générations précédentes en se réappropriant les pratiques culturelles et artistiques qui, depuis huit décennies, sont opprimées en raison de la Loi sur les Indiens et des pensionnats. Castor haïda reflète une partie de ce parcours, dans lequel Francis Williams apporte sa propre approche distincte pour établir un nouvel art haïda.


Karen Duffek est la conservatrice des arts visuels contemporains et de l’art de la côte pacifique nord-ouest du Musée d’anthropologie de l’Université de Colombie-Britannique.

Détails de l’objet

Artiste
Francis Williams
Culture haïda
Masset, Colombie-Britannique, 1936
Vancouver, Colombie-Britannique, 2003

Titre
Haida Beaver (Castor haïda)

Date
v. 1980

Technique
Sérigraphie

Dimensions
H : 89 cm
L : 74 cm

Crédit
Provient de la collection de la Couronne exposée dans les résidences officielles de la Commission de la capitale nationale
National Capital Commission - Commission de la capitale nationale

Droits d’auteur sur l’image
Francis Williams

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