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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)


POLITIQUE EN MATIÈRE DE DROGUE : SUISSE

Produit pour le comité sénatorial spécial sur les drogues illicites

Chantal Collin

Le 14 janvier 2002

BIBLIOTHÈQUE DU PARLEMENT


TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

LA STRUCTURE POLITIQUE DE LA SUISSE

POLITIQUE SUISSE EN MATIÈRE DE DROGUE 

   A.  Une politique de réduction des risques
      1.   Premier pilier : la prévention
      2.   Deuxième pilier : la thérapie
      3.   Troisième pilier : la réduction des risques
      4.   Quatrième pilier : la répression

   B.   Évolution du régime juridique 

   C.  Administration de la politique suisse en matière de drogue 

   D.  Statistiques sur l’usage de stupéfiants et les infractions à la LStup
      1.   Usage
      2.   Infractions
      3.   Condamnations

   E.   Coûts liés aux problèmes de drogue

PRINCIPAUX RAPPORTS DES COMMISSIONS D’EXPERTS QUI ONT EXAMINÉ LES PROBLÈMES LIÉS À LA DROGUE EN SUISSE 

   A.  Le rapport de la Sous-commission « drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants (1989)
   B.   Rapport de la Commission d’experts pour la Révision de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants –      Commission Schild (février 1996)
   C.  Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants : Scénarios pour une politique de la drogue (juin 1996)
   D.  Rapport sur le Cannabis de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues – CFLD (septembre 1999)

RÉVISION DE LA LOI FÉDÉRALE SUR LES STUPÉFIANTS ET LES PSYCHOTROPES

BILAN 1990-2000

ANNEXES


INTRODUCTION

Le présent document est une introduction à la politique suisse en matière de drogue.  Il comprend : 

·        une brève présentation de la structure politique de la Suisse;

·        un historique et un examen de la politique suisse en matière de drogue : politique des quatre piliers;

·        les grandes lignes de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes;

·        un bref aperçu de l’administration de la politique suisse en matière de drogue;

·        certaines données statistiques sur l’usage des drogues et sur les infractions qui s’y rapportent;

·        quelques données sur les coûts de la politique suisse en matière de drogue;

·        un sommaire des rapports des commissions d’experts qui ont influencé, dans ce pays, la politique en matière de drogue et le cadre législatif;

·        un bref aperçu du projet de loi révisant la loi fédérale sur les stupéfiants et les psychotropes;

·        un bilan pour la période 1990-2000.

 

Ce document fait partie d’une série de rapports sur les pays préparés par la Bibliothèque du Parlement à l’intention du Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites.

 

LA STRUCTURE POLITIQUE DE LA SUISSE([1]) 

La Suisse est une Confédération([2]) composée de 26 entités cantonales (cantons et demi-cantons) qui compte un peu plus de 7 millions d’habitants.  Les cantons sont actuellement subdivisés en 2 904 communes politiques.  La Constitution fédérale, adoptée en 1848, est le fondement juridique de l’État fédératif.  Elle garantit les droits fondamentaux des individus et la participation du peuple à la vie politique, répartit les tâches entre la Confédération et les cantons et définit les attributions des autorités fédérales.  La Suisse regroupe différentes communautés linguistiques, ethniques et confessionnelles.  Selon l’article 4 de la Constitution, l’allemand, le français, l’italien et le romanche sont les quatre langues nationales.  L’allemand est la langue parlée par la majorité des Suisses (63,7 p. 100).  Tous les cantons ont leur propre constitution, ainsi que leurs parlement, gouvernement et tribunaux.  Les cantons ont certaines compétences législatives que leur confère la Constitution fédérale.

La Constitution fédérale établit trois organes principaux : l’Assemblée fédérale (ou Parlement), le Conseil fédéral (ou gouvernement) et le Tribunal fédéral.  L’Assemblée fédérale en Suisse dispose de compétences administratives et judiciaires mais n’a pas de pouvoir législatif.  Ce pouvoir est délégué à deux chambres du Parlement : le Conseil des États (Chambre des cantons), qui comprend quarante-six représentants des cantons, élus selon un mode de scrutin librement déterminé par les cantons, et le Conseil national (Chambre du peuple), qui compte deux cents membres élus au cours d’élections générales sur la base du scrutin proportionnel.  Ces deux chambres ont les mêmes droits et les mêmes compétences législatives.  L’accord des deux conseils est indispensable pour l’adoption des lois et des arrêtés fédéraux.  Par ailleurs, la pratique du référendum est inhérente à la démocratie en Suisse.  Les lois fédérales et les arrêtés fédéraux sont soumis au vote du peuple lorsque 50 000 citoyens le demandent dans un délai de 100 jours suivant leur publication.  Toutes les modifications de la Constitution fédérale doivent faire l’objet de votes populaires.  Si la majorité des votants accepte une nouvelle loi ou des modifications à une loi existante, celles-ci deviennent parties intégrantes de la législation et entrent en vigueur.  Les modifications de la Constitution requièrent, par contre, une double majorité du peuple et des cantons.

Le Conseil fédéral est le pouvoir exécutif.  Il compte sept membres élus par l’Assemblée fédérale pour une période administrative de quatre ans. Il détient les compétences usuelles du gouvernement d’un État moderne.  Il contrôle la politique du pays, prépare la législation, négocie et ratifie les traités, nomme les fonctionnaires et contrôle leur activité.  Le Conseil fédéral supervise également l’activité des cantons.

Le citoyen suisse est soumis à trois échelons juridiques : la commune, le canton et la fédération.  Il appartient en premier lieu aux cantons de rendre la justice, même lorsqu’il s’agit d’appliquer le droit fédéral.  La procédure civile et la procédure pénale sont en principe du ressort des cantons.  Cependant, la Constitution a placé au-dessus des autres instances un Tribunal fédéral chargé de veiller à l’unité de l’interprétation du droit fédéral.  Par conséquent, ce tribunal assure l’application uniforme des codes pénal et civil, qui sont tous les deux des lois fédérales.  La tâche principale du Tribunal fédéral est celle d’une instance de recours; il lui appartient de contrôler les décisions prises par des autorités cantonales ou fédérales.

Cette structure politique de la Suisse est importante pour notre compréhension de la politique de ce pays en matière de drogue.  En fait, certains auteurs([3]) arguent qu’il y a en fait 26 politiques en matière de drogue en Suisse, une pour chaque canton et demi-canton.  Cette diversité cantonale est parfois occultée puisque les médias et la littérature portent un intérêt particulier aux « scènes ouvertes » à Zurich et à la prescription médicale d’héroïne chez les personnes gravement dépendantes, pratique entérinée par la Confédération suisse([4]).

Le présent document traite principalement de la politique fédérale en matière de drogue qui tente d’harmoniser les différentes stratégies des cantons et de la loi sur les stupéfiants (LStup) de 1951 (révisée en 1975 et 1995).

 

Politique suisse en matière de drogue

A.  Une politique de réduction des risques 

L’histoire récente de la politique suisse en matière de drogue débute vers la fin des années 1960 avec la hausse de la consommation de substances psychoactives.  Un premier modèle, fondé sur trois piliers, a alors été élaboré et mis en œuvre par les cantons.  Les trois piliers étaient les suivants :

·        la répression du trafic et de la consommation de drogue;

·        des mesures de prévention auprès des jeunes;

·        la thérapie axée sur l’abstinence, dont les programmes avec la méthadone faisaient déjà partie([5]).

 

Au début des années 1980, la Suisse a été touchée, comme plusieurs autres pays, par l’épidémie du VIH/sida.  Des « scènes ouvertes » de la drogue existaient dans certaines villes suisses : Zurich, Berne, Olten et Soleure, rendant plus visible la misère des toxicomanes et contribuant à l’insécurité des populations.  Des services publics et sociaux ont été mis en place pour aider les toxicomanes et les protéger du VIH et du sida.  Des seringues stériles étaient distribuées aux toxicomanes et on les encourageait à recevoir le vaccin contre l’hépatite.  L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) soutenait et soutient toujours plusieurs de ces services, justifiant son soutien par la nécessité de prévenir la propagation du sida.  Cependant, les grands piliers de la politique officielle demeuraient la prévention, la thérapie et la répression([6]).

Les années 1990 ont vu l’introduction de mesures visant à réduire les problèmes de drogue et l’adoption d’une nouvelle stratégie à l’échelle nationale, à laquelle est venu s’ajouter le pilier de la réduction des risques pour créer le modèle des quatre piliers.  Le rôle de la Confédération en matière de drogue se précise de plus en plus : soutenir les efforts des cantons, des villes et communes et des organisations privées en leur offrant des informations de référence et des connaissances scientifiques et en développant le savoir-faire des professionnels.  Le 20 février 1991, le gouvernement suisse a adopté un programme de mesures fédérales pour réduire les problèmes de la drogue([7]); aujourd’hui connu sous le nom de « ProMeDro »([8]), ce programme s’inspirait du concept de la réduction des risques.  Il avait pour objectifs :

·        de diminuer l’entrée dans la consommation de drogue et d’éviter l’évolution vers une dépendance;

·        d’améliorer les possibilités de sortie de la toxicomanie (thérapie et réintégration);

·        d’améliorer les conditions de vie et de santé des usagers de drogues, de réduire les risques et de maintenir leur intégration sociale([9]).

Pour ce faire, on prévoyait : 

·        des mesures de prévention primaire et secondaire auprès des jeunes et des campagnes de sensibilisation, afin d’éviter que de nouvelles personnes commencent à consommer de la drogue;

·        la prise en charge et la thérapie, afin de faciliter la sortie de la drogue;

·        des mesures de réduction des risques, de prévention du sida et d’aide à la réinsertion, afin de permettre aux personnes dépendantes de traverser leur phase de toxicomanie dans les conditions de santé les moins mauvaises possible et de veiller à ce que le chemin de la sortie de la drogue reste ouvert;

·        des mesures de formation continue et de perfectionnement à l’intention des professionnels (p. ex. exécution des peines et mesures, hôpitaux, pharmacies, médecins de famille, services sociaux, etc.) et des personnes exerçant une fonction de médiateurs (p. ex. enseignants, animateurs de groupes de jeunes, personnel d’entreprises, parents, etc.);

·        le développement, la coordination et la systématisation de la recherche scientifique dans le domaine de la drogue;

·        l’évaluation des projets et des mesures dans les domaines de la prévention, de la prise en charge et du traitement, afin de préciser les lacunes et les insuffisances, mais aussi de mettre en évidence les effets positifs de ces interventions;

·        le développement des prestations de services de documentation et d’information habituellement fournies par la Confédération;

·        la coordination des mesures prises par la Confédération([10]).

Ces mesures marquent l’introduction en Suisse de la politique des quatre piliers, qui englobe la prévention, la répression, la thérapie et la réduction des risques.  Entre 1991 et 1999, l’OFSP a lancé ou, du moins, appuyé environ 300 projets et programmes dans le cadre de « ProMeDro » pour des montants annuels de 15 millions de francs.

Entre autres, le Conseil fédéral a commandé une étude concernant la prescription médicale d’héroïne aux toxicomanes souffrant d’une grave dépendance à cette drogue et pour lesquels d’autres formes de traitement n’avaient pas eu de succès.  En 1992, le Conseil a adopté une ordonnance autorisant des essais cliniques de prescription médicale d’héroïne et demandant une stricte évaluation scientifique de ces essais.  Ces essais ont débuté en 1994 et pris fin le 31 décembre 1996.  Un rapport final d’évaluation, publié en juillet 1997, conclut que : 

·        le traitement avec prescription d’héroïne suivi par des personnes gravement dépendantes de cette substance avait eu un impact positif sur la santé physique ou psychique, ou les deux, et sur la qualité de vie (logement, travail, etc.) des participants;

·        leur consommation illégale d’héroïne et de cocaïne avait reculé;

·        les participants avaient diminué leurs activités criminelles (très importante diminution des vols et délits contre la propriété et du trafic de stupéfiants)([11]).

Suivant les recommandations du rapport, le Conseil fédéral suisse a adopté le 8 mars 1999, l’Ordonnance sur la prescription médicale d’héroïne qui autorisait le traitement avec prescription d’héroïne et définissait les objectifs, les critères d’admission, l’administration et l’institution d’un tel traitement.

Au cours de la même période, deux initiatives populaires adoptant des positions complètement opposées ont été proposées en 1993 et 1994.  La première suggérait l’adoption d’une politique en matière de drogue exclusivement axée sur l’abstinence (Jeunesse sans drogue([12])) et la deuxième proposait la légalisation des stupéfiants (DroLeg([13])).  Le gouvernement fédéral et le Parlement ont considéré ces deux initiatives populaires extrémistes et recommandé à la population suisse de les rejeter.  Le 28 septembre 1997, les citoyens suisses ont voté contre « Jeunesse sans drogue » dans une majorité de plus 70 p. 100.  De même, le 29 novembre 1998, une majorité de plus de 74 p. 100 des votants a rejeté l’initiative DroLeg.  En rejetant ces deux initiatives, la population suisse entérinait en quelque sorte l’approche plus mesurée suivie par la Confédération.

Entre le lancement de ces initiatives populaires et leur refus par vote populaire, certains événements importants ont aussi influencé l’évolution de la politique suisse en matière de drogue.  En 1994, la violence sur les « scènes ouvertes de la drogue », entre autres du Letten à Zurich, fit la une des médias de par le monde.  Certains partis gouvernementaux (socialiste, démocrate-chrétien et radical) ont alors demandé une dépénalisation de l’usage de drogue, l’accroissement du traitement avec prescription d’héroïne, le renforcement des mesures de prévention et le durcissement des peines à l’égard de ceux qui font le trafic de stupéfiants([14]).  La scène ouverte de la drogue à Zurich a été fermée en 1995.  Cette fermeture a amené la naissance d’une nouvelle collaboration entre le Conseil fédéral, les représentants du canton et de la ville de Zurich.  Un groupe de travail mixte a été formé : la Délégation drogue.  Cette collaboration inhabituelle a permis la mise en place de mesures qui n’auraient pas vu le jour dans un contexte plus traditionnel : la création de places de prison à Zurich pour les trafiquants de drogue, l’adoption de mesures fédérales urgentes afin d’accroître la possibilité pour les toxicomanes de participer  à un programme de prescription médicale d’héroïne et la création de centres d’accueil pour recevoir et accompagner les personnes les plus gravement dépendantes([15]).  Les scènes ouvertes de drogue appartiennent aujourd’hui au passé.

Enfin, en octobre 1998, le Programme de mesures de santé publique en vue de réduire les problèmes de drogue (ProMeDro) a été reconduit pour une période de quatre ans.  La Confédération a alloué un budget de 18 millions de francs par année afin de réaliser ce programme, à quoi s’ajoutent 15 postes de collaborateurs de l’Office fédéral de la santé publique([16]).  Les principales priorités de ProMeDro pour la période 1998-2002 sont les suivantes : 

1.      accroître l’engagement de la Confédération en matière de prévention primaire et secondaire et d’intervention précoce pour éviter une évolution vers la toxicomanie;

2.      consolider l’offre de thérapies en tant que système coordonné, assurant mieux les possibilités pour une sortie de la dépendance;

3.      consolider l’offre de mesures de réduction des risques et de maintien de l’intégration sociale;

4.      installation et fonctionnement efficace d’un observatoire de « monitoring épidémiologique » national sur le modèle des « focal points REITOX » de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies([17]);

5.      transmission effective des résultats des étude épidémiologiques, des recherches scientifiques et des évaluations en matière de toxicomanie à l’intention des spécialistes et des décideurs;

6.      installation d’un processus de promotion et de gestion de la qualité, commun à l’ensemble de ProMeDro, différencié selon les domaines, utile à plus de la moitié des institutions du domaine de la toxicomanie et des décideurs concernés et utilisé par ces institutions et décideurs (Confédération, cantons, communes, institutions privées);

7.      optimiser le fonctionnement coordonné et opérationnel des diverses commissions et plates-formes, principalement de la Conférence des Délégués cantonaux aux problèmes de Toxicomanie et du Comité national de liaison en matière de drogue([18])([19]).

La Confédération confirmait ainsi son rôle de plaque tournante de la politique en matière de drogue et de la collaboration à l’échelle nationale.

 

1.  Premier pilier : la prévention

Les mesures de prévention visent principalement trois objectifs : 

·        éviter que les individus, en particulier les enfants et les jeunes, consomment de la drogue;

·        éviter que les problèmes et les effets néfastes liés à la consommation de drogue se répercutent sur l’individu et la société;

·        éviter que les individus passent de la simple consommation de drogue à une consommation abusive et à la dépendance, avec les graves conséquences que l’on sait([20]).

La stratégie de la Confédération dans le domaine de la prévention comprend six objectifs :

·        intégrer la prévention dans le quotidien;

·        ne pas travailler exclusivement dans une optique de drogue, mais mettre également l’accent sur les ressources personnelles et le renforcement du réseau social de l’individu;

·        créer des alliances entre la Confédération, les cantons, les communes et les structures privées (famille, école, association de loisirs, etc.);

·        exploiter les connaissances de la recherche scientifique;

·        renforcer l’intervention précoce;

·        assurer la viabilité des projets soutenus financièrement par la Confédération, même quand celle-ci se retire([21]).

Il faut souligner que le changement le plus notable dans le domaine de la prévention est le passage d’une conception de la prévention visant à empêcher la première consommation de drogue à une conception qui cible plutôt la prévention des problèmes sanitaires et sociaux liés à la consommation de drogue et qui intègre le réseau social et l’environnement de la personne.

 

2.  Deuxième pilier : la thérapie

En Suisse, plusieurs formes de traitements résidentiels et ambulatoires sont disponibles aux personnes qui ont un problème de dépendance à la drogue.  Les objectifs poursuivis par le traitement incluent :

·        sortir les toxicomanes de la dépendance;

·        œuvrer à leur réinsertion sociale;

·        améliorer leur santé physique et mentale([22]).

 

Comme il a été mentionné plus tôt, le traitement avec prescription d’héroïne est une forme reconnue de thérapie en Suisse depuis 1999.  À la fin de 1999, on comptait déjà 1 650 places réservées aux personnes gravement dépendantes de l’héroïne, réparties dans 16 centres de traitement.  De plus, à la même période, environ 50 p. 100 des personnes dépendantes des opiacés (population estimée à 30 000 personnes) suivaient un traitement avec prescription de méthadone, comparativement à 728 personnes qui suivaient un tel traitement en 1979.  Les personnes dépendantes d’une ou de plusieurs drogues ont également accès à des thérapies résidentielles axées sur l’abstinence, à un nombre limité de places dans des centres de transition, des unités ou cliniques spécialisées de sevrage et au sein d’institutions thérapeutiques, ainsi qu’à des centres de consultations ambulatoires([23]).  En mars 1999, on comptait 100 institutions offrant des thérapies résidentielles axées sur le sevrage et la réhabilitation en Suisse, pour un total de 1 750 places([24]).

 

3.  Troisième pilier : la réduction des risques

Les premières institutions, dites « à bas seuil », d’aide à la survie ont fait leur apparition en Suisse dès le milieu des années 1980 et avaient pour but de réduire les risques et les conséquences qu’entraîne la dépendance au niveau sanitaire et social.  Ces institutions offraient d’abord un toit au toxicomane et étaient souvent dotées d’une cafétéria, de salles de douches et d’une buanderie.  La personne dépendante pouvait aussi y trouver une oreille attentive et un interlocuteur pour dialoguer.  Ces mesures d’aide à la survie ont évolué depuis une dizaine d’années et englobent aujourd’hui les appuis médicaux à la réduction des risques (p. ex. prévention du sida et d’autres infections, distributeurs de seringues, dispensaires de soins médicaux ambulatoires, etc.) et les appuis sociaux (travail de rue, soupes populaires, centres d’hébergement d’urgence, centre d’accueil à bas seuil, etc.).  L’Office fédéral de la santé publique soutient de nombreux projets de réduction des risques dans le cadre de ProMeDro.  Entre autres : 

·        la distribution de seringues aux toxicomanes et en milieu carcéral;

·        des locaux d’injection (un avis de droit établit leur légalité);

·        des offres d’emploi et de logement;

·        des offres à l’attention des femmes qui se prostituent pour se procurer de la drogue;

·        des services de consultation pour les enfants de parents toxicomanes([25]).


Par ailleurs, les cantons, les communes et les institutions privées offrent également de telles mesures.  L’OFSP a aussi créé en 1995 un service central chargé de soutenir certaines institutions d’aide sociale, notamment celles à bas seuil, et de conseiller les cantons, les communes et les institutions privées en matière de planification et de financement de mesures visant la réduction des risques.  Les toxicomanes ont accès à ces mesures sans avoir à remplir de conditions particulières.  Le but de ces services, dits de réduction des risques, est de faire en sorte que le toxicomane subisse le moins de conséquences possible liées à sa consommation et de lui permettre de reprendre une existence normale.  En outre, ces mesures visent à préserver les chances de sortie de la drogue, voire de les augmenter([26]).

 

4.  Quatrième pilier : la répression

La répression vise principalement à réduire l’offre et à lutter contre le trafic de stupéfiants, les opérations financières illégales liées à ce trafic (p. ex. blanchiment d’argent) et le crime organisé.  Les consommateurs ne sont pas la cible prioritaire des opérations policières en Suisse.  L’application de la Loi fédérale sur les stupéfiants relève en grande partie de la compétence des cantons, même si la Confédération exerce la haute surveillance et peut ordonner et mener des enquêtes policières en matière de trafic de drogue.  Il faut noter que les lois cantonales et communales en matière d’exercice des fonctions des forces de l’ordre diffèrent et donnent parfois lieu à des interventions différenciées.  Par ailleurs, le milieu des drogues évolue rapidement et les méthodes de lutte contre les problèmes liés à la drogue s’améliorent et s’adaptent à ce milieu([27]).  Parmi ces méthodes, on trouve : 

·        la concentration de la répression sur la production de drogue, le trafic et le blanchiment d’argent;

·        un plus grand nombre de « policiers de la drogue » et un plus grand recourt à des spécialistes d’autres secteurs (professionnels de la finance);

·        la collaboration intercantonale et internationale (accords avec les polices des pays limitrophes);

·        l’accélération et l’amélioration du  traitement de l’information (systèmes en réseau et accès à des réseaux des corps policiers de plusieurs pays d’Europe);

·        l’intensification de la collaboration entre les services de police et le secteur privé (banques, industries chimiques, etc.);

·        l’amélioration de l’efficacité de la police et le recourt accru à des fonctionnaires de liaison sur le terrain;

·        le renforcement du dispositif légal (p. ex. lois sur la police, protection des témoins)([28]).

 

B.  Évolution du régime juridique

L’histoire des mesures législatives régissant les stupéfiants en Suisse, comme dans bien d’autres pays, s’aligne en grande partie sur l’évolution des conventions internationales.  Par exemple, la Loi sur les stupéfiants de 1924 avait été adoptée pour répondre aux engagements que la Suisse avait pris en signant la Convention internationale de l’opium de 1912.  Cette loi interdisait certains stupéfiants tels que l’opium, les feuilles de coca, la morphine, l’héroïne, la cocaïne et leurs dérivés.  L’adhésion de la Suisse à d’autres conventions et l’expérience tirée de l’application de la loi de 1924 mena à une révision totale et à l’adoption de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) du 3 octobre 1951.  Cette loi interdisait la culture, la fabrication, la vente, la distribution et la détention d’opiacés, de produits dérivés du coca et du cannabis.  Elle avait pour objectif, d’une part, de réglementer l’utilisation de stupéfiants à des fins médicales et, d’autre part, de lutter contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants.  La LStup fut légèrement modifiée en 1970 suite à l’adhésion de la Suisse à la Convention unique sur les stupéfiants de 1961.

En fait jusqu’aux années 1960, la Loi répondait principalement aux engagements de la Suisse par rapport aux conventions internationales, car la consommation de stupéfiants était relativement marginale et il n’y avait à proprement parler aucun problème d’abus de stupéfiants qui pouvait justifier le besoin d’une loi spécialisée.  Par ailleurs, le Conseil fédéral avait reconnu dès 1951 que la toxicodépendance était une pathologie grave qui ne devrait pas donner lieu à des poursuites au titre de crime ou d’infraction.  Avec l’apparition de problèmes liés à la drogue au début des années 1970, le législateur a révisé la Loi en 1975 de manière à permettre l’application de mesures médico-sociales et d’assistance aux personnes dépendantes de stupéfiants, une pénalisation différenciée de la consommation et le renforcement des dispositions pénales contre le trafic illicite de stupéfiants([29]).

Par suite de l’adhésion de la Suisse à la Convention des Nations Unies sur les substances psychotropes de 1971, à la modification de la Convention unique de 1972 et de la mise en place de la Convention internationalede 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes (cette convention n’a pas encore été ratifiée par la Suisse), le législateur a révisé la LStup en 1996.  Le contrôle des précurseurs – c’est-à-dire des substances servant à la fabrication de stupéfiants – était désormais prévu par la loi.  Sont depuis considérés comme stupéfiants au sens de la LStup « les substances et les préparations ayant des effets du type morphinique, cocaïnique et cannabique et qui engendrent la dépendance (toxicomanie) » (LStup, art. 1)([30]).  La liste des substances est aujourd’hui établie par l’Institut suisse des produits thérapeutiques([31]).

En ce qui a trait à la fabrication, à la dispensation, à l’acquisition et à l’utilisation des stupéfiants, la loi actuelle prévoit que les stupéfiants et substances psychotropes ne peuvent être cultivés, fabriqués, préparés ou commercialisés sans l’autorisation des cantons, selon les conditions arrêtés par le Conseil fédéral (LStup, art. 4).  Par ailleurs, « un permis spécial de l’Office fédéral de la santé publique est requis pour toute importation et exportation de stupéfiants soumis au contrôle » (LStup, art. 5).  De plus, selon l’article 8 de la LStup, certains stupéfiants « ne peuvent être ni cultivés, ni importés, ni fabriqués ou mis dans le commerce ».  Il s’agit de l’opium à fumer, de l’héroïne, des hallucinogènes (tels que le LSD) et du chanvre en vue d’en extraire des stupéfiants et le hachisch.  L’article 8 prévoit également les conditions régissant le traitement des personnes toxicodépendantes au moyens de certains stupéfiants.

La loi actuelle prévoit aussi certaines dispositions pénales pour celui, qui sans droit, cultive, fabrique, extrait, transforme ou prépare des stupéfiants et celui; en dehors des cas autorisés, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte, offre, distribue, vend, etc., ou achète, détient, possède ou acquiert d’une autre manière des stupéfiants, ainsi que pour celui qui finance un trafic illicite de stupéfiants, sert d’intermédiaire ou provoque à la consommation (LStup, art. 19).  Les contrevenants à l’article 19 sont passibles d’emprisonnement ou d’une amende selon la gravité de l’acte commis, telle que définie par la LStup.  La consommation intentionnelle de stupéfiants ou la commission d’une infraction à l’article 19 pour assurer sa propre consommation est passible des arrêts ou de l’amende (LStup, art. 19a) Dans les cas bénins, l’autorité compétente peut suspendre la procédure ou renoncer à infliger une peine; une réprimande peut être prononcée (LStup, art. 19a 2).  Cependant, la préparation de stupéfiants pour sa propre consommation ou afin d’en partager la consommation avec des tiers sans aucun frais n’est pas punissable lorsqu’il est question de quantités minimes (LStup, art. 19b).  Enfin, celui qui décide ou tente de décider une personne à consommer des stupéfiants est également passible des arrêts et de l’amende (LStup, art. 19c).

 

C.  Administration de la politique suisse en matière de drogue

La Confédération est la plaque tournante de la politique en matière de drogue en Suisse, de la coordination et de l’harmonisation des différentes politiques et mesures mises en œuvre par les cantons, les villes, les communes et les institutions privées.  Selon l’article 15c de la LStup, les tâches suivantes incombent à la Confédération : 

1  La Confédération encourage, par l’octroi de subventions ou par d’autres mesures, la recherche scientifique sur les effets des stupéfiants, les causes et les conséquences de leur abus et les moyens de le combattre.

 

2  Le Conseil fédéral définit les modalités relatives à l’octroi et au calcul des subventions et en fixe le montant.

 

3  La Confédération prête ses services aux cantons et aux organisations privées pour l’exécution de la loi.  Elle crée, notamment, un office de documentation, d’information et de coordination et encourage la formation du personnel spécialisé dans le traitement de personnes dépendantes.  Le Conseil fédéral en règle les modalités.

                        Selon l’article 15a, les tâches suivantes incombent aux cantons : 

Pour prévenir l’abus des stupéfiants, les cantons encouragent l’information et les consultations et créent les institutions nécessaires à cet effet.

 

2  Les cantons pourvoient à la protection des personnes dont l’état requiert un traitement médical ou des mesures d’assistance en raison d’un abus de stupéfiants et favorisent la réintégration professionnelle et sociale de ces personnes.

 

3  Les autorités compétentes peuvent déléguer certaines tâches et attributions à des organisations privées.

 

4  Les cantons peuvent interdire l’acquisition de stupéfiants.  Ils notifient leurs décisions à l’Office fédéral de la santé publique.  Celui-ci en informe les autorités sanitaires des autres cantons, à l’intention des médecins et des pharmaciens.

 

Les cantons soumettent à une autorisation spéciale la prescription, la dispensation et l’administration des stupéfiants destinés au traitement des personnes dépendantes.

 

6  Lorsque, du fait de sa dépendance, une personne pourrait constituer un danger pour la circulation publique, le service qui en a connaissance avise l’office compétent en la matière.

 

L’application de la LStup relève, en principe, de la compétence des cantons, puisque la procédure pénale est de leur ressort.  Une procédure pénale au niveau cantonal se déroule généralement en plusieurs étapes : enquête de la police, instruction judiciaire, décision de non-lieu ou de renvoi devant le tribunal et décision du tribunal.  Dans les cas de peu de gravité, punissables d’une amende ou des arrêts, comme c’est le cas de plusieurs infractions à la LStup, une décision pénale peut être prononcée par une autorité administrative (p. ex., le préfet).  L’intéressé a cependant le droit de s’opposer à un tel type d’autorité et d’être jugé par un tribunal, généralement un tribunal de police constitué par le Président (juriste), qui siège seul.  Les cas de gravité moyenne sont généralement jugés par un tribunal de district (tribunal correctionnel), présidé par un juge professionnel juriste, assisté par des juges laïcs.  Enfin, les délits les plus graves sont entendus par des cours d’assises composées au moins d’un président juriste et d’un jury de citoyens.  Toutefois, puisque ce genre de procédure est longue, compliquée et coûteuse, la plupart des cantons tendent à remplacer les cours d’assises soit par les tribunaux de district, soit par un tribunal supérieur formé de juges permanents (tribunal criminel)([32]).

Par ailleurs, la Confédération joue également un rôle dans la lutte contre le trafic de drogue puisqu’en vertu de l’article 29 de la LStup, l’Office fédéral de la police (OFP) est l’office central suisse chargé de réprimer le trafic illicite des stupéfiants.  L’OFP recueille les renseignements propres à prévenir les infractions à la LStup et à faciliter la poursuite des délinquants.  Pour l’exécution de ces tâches, l’Office est en rapport avec d’autres offices intéressés de l’administration fédérale (Office de la santé publique, Direction générale des douanes, la direction générale de la Poste Suisse, les autorités cantonales de police, les offices centraux des autres pays et l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol)).  L’OFP constitue pour ses partenaires cantonaux et internationaux un pôle d’information, de coordination et d’analyse dans le domaine de la sûreté intérieure suisse([33]).  Depuis 1996, après une phase d’essai, l’Office exploite une banque de données en matière de drogue – DOSIS.  Cette banque de données est un outil précieux pour les cantons.  Les brigades cantonales des stupéfiants sont raccordées au système et peuvent accéder directement à DOSIS puisqu’ils leur incombent, de même qu’à l’OFP, d’y enregistrer des informations.  Ce système favorise ainsi la collaboration entre l’OFP et les autorités cantonales de police.  Les informations enregistrées dans le système ne concernent que le commerce illicite de stupéfiants; les données relatives à de simples consommateurs de drogue en sont exclues([34]).

 

D.  Statistiques sur l’usage de stupéfiants et les infractions à la LStup

Cette section reprend divers passages d’une publication de l’OFP intitulée Situation Suisse : Rapport de situation 2000([35]), préparée par le Service d’analyse et de prévention à titre de produit de transition, puisqu’un rapport exhaustif sera publié en 2002.  Par ailleurs, il faut noter que les statistiques rapportées dans ce rapport présentent des lacunes méthodologiques.  D’une part, la Suisse est un État fédéral qui compte 26 entités cantonales (cantons et demi-cantons), et les infractions ne sont pas enregistrées et comptabilisées selon les mêmes critères dans tous les cantons.  D’autre part, la statistique ne permet pas de contrôler le phénomène de double comptage ou de comptage multiple,  car certains suspects peuvent se manifester à plusieurs reprises durant la même année ou dans divers cantons.  Enfin, seule une partie des actes criminels visés par le code pénal sont pris en compte([36]).

 

      1.  Usage

Voici les tendances observées dans ce rapport en 2000 :

·        forte augmentation de la consommation de marijuana;

·        forte augmentation de la consommation de cocaïne;

·        forte augmentation de la polytoxicomanie (consommation de plusieurs sortes de stupéfiants);

·        forte augmentation de la consommation de drogues de synthèse (amphétamines et méthamphétamines) – les pilules thaïes([37]) sont devenues la drogue à la mode;

·        tendance à la baisse de la consommation d’héroïne par injection;

·        quasi-inexistence de scènes ouvertes de la drogue dans les villes suisses;

·        205 décès dus à la drogue et enregistrés par la police (on en comptait 405 en 1991) – les plus de 27 ans constituent le groupe d’âge le plus touché chez les hommes comme les femmes; Zurich et Berne sont les cantons les plus touchés avec respectivement 50 et 36 décès dus à la drogue;

·        les 18 à 24 ans demeurent le groupe d’âge le plus fréquent en ce qui concerne la consommation de marijuana, de haschich et d’hallucinogènes et les plus de 30 ans, en ce qui concerne la cocaïne et l’héroïne([38]).


2.  Infractions

Pour ce qui est des infractions à la Lstup, le nombre de dénonciations s’élevait à 46 558 en 2000, une hausse par rapport à 44 307 en 1999.  Il s’agit d’une hausse importante par rapport à 1990, année où on comptait 18 800 dénonciations.  Une comparaison des dénonciations selon le type de délit entre 1997 et 2000 montre que les dénonciations pour trafic, contrebande et délits mixtes présentent une tendance à la baisse, alors que les dénonciations pour consommation de stupéfiants ont augmenté, sauf en 1999([39]).  Un tableau résumant les dénonciations, saisies et décès dus à la drogue entre 1975 et 2000 est présenté à l’annexe B.

En 2000, les dénonciations enregistrées pour trafic étaient au nombre de 3 021, un recul de 18,5 p. 100 par rapport à l’année précédente où l’on comptait 3 711 dénonciations.  Certains cantons affichent cependant une hausse importante des dénonciations, en particulier Bâle-Ville qui présente une augmentation de 31 p. 100.  Le rapport invite à la prudence dans l’interprétation de ces données, suggérant que le recul des dénonciations n’est probablement pas dû à une amélioration de la situation dans les cantons concernés, mais à une baisse du nombre de dénonciations effectuées par la police, baisse liée à l’étendue croissante des procédures d’enquête et à la mobilisation des effectifs policiers dans d’autres domaines.  Il est important de souligner que sur un total de 3 021 dénonciations pour trafic de stupéfiants, 78 p. 100 des auteurs des délits étaient étrangers et 22 p. 100, suisses.  En ce qui a trait au sexe des personnes dénoncées, 82 p. 100 étaient des hommes et 7 p. 100, des femmes (sexe inconnu des 11 p. 100 restants).  Chez les hommes, les 18 à 24 ans représentaient, avec 45 p. 100, le groupe d’âge le plus représenté.  Chez les femmes, c’est le groupe d’âge des plus de 30 ans qui vient en tête avec 56 p. 100, suivi des 18 à 24 ans avec 27 p. 100([40]).

 


Graphique 1

Source : Office fédéral de la police, Situation suisse : Rapport de situation 2000, 2001, p. 19.


Les dénonciations pour trafic d’héroïne et de cocaïne ont reculé de 10 p. 100 par rapport à 1999 et représentaient 62 p. 100 (29 p. 100 pour l’héroïne et 33 p. 100 pour la cocaïne) de toutes les dénonciations enregistrées pour trafic en 2000.  Le trafic de ces drogues est contrôlé par des groupes criminels étrangers.  On estime les besoins annuels de la Suisse en héroïne et en cocaïne à environ onze tonnes pour chacune de ces substances.  Quant au trafic de marijuana, il est contrôlé par des trafiquants suisses, et les dénonciations pour ce type de délit représentaient 15 p. 100 de toutes les dénonciations.  La production des produits cannabiques continue de s’étendre et une grande partie de la marchandise est écoulée par les quelque 230 magasins de chanvre du pays.  On estimait la production intérieure de haschisch à environ 10 tonnes et celle de marijuana à environ 200 tonnes, ce qui représente un chiffre d’affaires de 600 à 700 millions de francs.  D’après les estimations, le chiffre d’affaires annuel sur le marché illégal des stupéfiants serait d’environ trois milliards de francs.  Les drogues de synthèse occupaient aussi une place plus importante en 2000 : le trafic de ces drogues est passé 3 p. 100 en 1999 à 8 p. 100.  Le trafic des pilules thaïes était à la hausse et était dominé par des groupes criminels asiatiques liés au milieu de la prostitution([41]).

Le nombre des dénonciations pour consommation de stupéfiants avait augmenté en 2000 pour atteindre 37 716 comparativement à 35 294 en 1999.  Cependant, il faut relativiser cette donnée, le recul de 1999 étant probablement dû à un surcroît de tâches pour la police.  Des 37 716 personnes dénoncées, 68 p. 100 étaient des ressortissants suisses et 32 p. 100 des étrangers.  Les hommes étaient à nouveau majoritaires (84 p. 100) par rapport aux femmes (15 p. 100).  Chez les hommes, les 18 à 24 ans étaient les plus fortement représentés avec 42 p. 100, suivis des plus de 30 ans avec 27 p. 100.  Chez les femmes, les plus de 30 ans et les 18 à 24 ans se partageaient la tête avec respectivement 35 et 34 p. 100 des dénonciations([42]).

Quant au type de drogue figurant dans les dénonciations pour consommation, la marijuana arrivait nettement en tête avec un total de 21 492 dénonciations en 2000, une hausse importante par rapport à 1998 où l’on comptait 15 734 dénonciations.  Les dénonciations pour consommation d’héroïne arrivaient en deuxième place avec 11 721 dénonciations, en baisse par rapport à 1998 et 1999 comptant respectivement 15 870 et 13 441 dénonciations.  Les dénonciations pour consommation de haschisch et de cocaïne étaient également à la baisse par rapport aux deux années précédentes passant de 11 561 à 9 170 dénonciations dans le cas du haschisch et de 10 398 à 8 644 dénonciations pour ce qui est de la cocaïne.  Le nombre des dénonciations pour consommation d’amphétamines et autres hallucinogènes était relativement bas en comparaison des autres substances.  Ce nombre était néanmoins à la hausse, passant de 579 dénonciations pour consommation d’amphétamines en 1998 à 1 043 dénonciations en 2000.  De même, les dénonciations pour consommation d’autres hallucinogènes avaient augmenté de 1 059 à 1 627 dénonciations entre 1998 et 2000.  Les dénonciations pour consommation de LSD étaient par contre très peu nombreuses et avaient pris du recul par rapport à 1998 passant de 238 à 192 dénonciations en 2000.  Il faut souligner également que le nombre des premières dénonciations pour consommation de stupéfiants avait augmenté de 3 p. 100 par rapport à 1999 avec 14 443 dénonciations, alors que le nombre des récidives avait diminué de 5 p. 100 se chiffrant à 21 414([43]).


Graphique 2


Source :  Office fédéral de la police, Situation suisse : Rapport de situation 2000, 2001, p. 31.

Enfin, pour ce qui est de la contrebande de stupéfiants, les cantons avait enregistré 215 dénonciations en 2000, une baisse de 19,4 p. 100 par rapport à 1999.  Tout comme le trafic, la contrebande de stupéfiants était contrôlée par les étrangers avec 74 p. 100 et par les hommes avec également 74 p. 100 des dénonciations.  Quant à la contrebande réprimée par l’Administration fédérale des douanes (AFD), on comptait 4 041 infractions constatées par l’AFD dans son ensemble, c’est-à-dire par le Corps des gardes-frontière et les douanes.  En 2000, les saisies opérées avaient porté sur 128 kg de cocaïne (dont 72 kg en transit, non destinés à la Suisse), 99 kg d’héroïne, 1 066 kg de produits cannabiques (haschisch, marijuana – dont 72 kg en transit, non destinés à la Suisse), 1 278 kg de khat, ainsi que plus de 109 000 unités de substances psychotropes (ecstasy, amphétamines, LSD, etc.)([44]).

 

3.  Condamnations

Les données qui suivent nous ont été acheminées par l’Office fédéral de la statistique à notre requête.  Il s’agit des condamnations dans lesquelles la Loi fédérale sur les stupéfiants est citée, par sanction principale et selon le sexe, l’origine et la classe d’âge, pour chaque année de 1984 à 1999 (voir annexe C).  Il faut noter que la statistique suisse des condamnations pénales recense uniquement les condamnations pénales inscrites au casier judiciaire.  En sont exclus les contraventions passibles d’une amende, les jugements et les punitions disciplinaires.  Il faut également souligner qu’en 1999 il manque environ 0,5 p. 100 des jugements (recours ou retard de saisie).

Le nombre de condamnations dans lesquelles la LStup est citée a atteint un sommet en 1994, soit avec un total de 9 491.  Ce nombre a diminué depuis et se situait à 8 032 condamnations en 1999.  Le type de délit le plus courant pour lequel on a enregistré des condamnations est « consommation et trafic » et ce, jusqu’en 1997; en 1998 et 1999, la consommation seule a donné lieu au plus haut nombre de condamnations, soit respectivement 3 194 et 2 868, comparativement à 3 118 et 2 768 condamnations pour « consommation et trafic ».  Le trafic seul arrivait en troisième place, mais les condamnations pour ce type de délit ont néanmoins connu une hausse importante depuis les années 1990, passant de 1 005 à 2 396 en 1999.


Graphique 3

 

En ce qui a trait aux condamnations pour « consommation et trafic », on note une augmentation importante en 1993-1994, suivie d’une baisse continue depuis 1995.  Le taux le plus bas est atteint en 1999 avec 2 768 condamnations, comparativement à 3 039 en 1984 et au sommet de 4 236 en 1994.  La sanction la plus courante tout au long de cette période est la peine privative de liberté avec sursis, suivie en deuxième place de la peine privative de liberté sans sursis.

 

Graphique 4

Le nombre des condamnations pour consommation seule atteint également un sommet en 1994 avec un total de 3 320.  Ce chiffre fluctue entre 1995 et 1999 pour atteindre 2 868 en 1999, comparativement à 1 656 en 1984.  La sanction la plus courante imposée pour un délit de consommation seule est la peine privative de liberté avec sursis, suivie en deuxième place de la peine privative de liberté sans sursis.

 

Graphique 5

Enfin, les condamnations pour trafic seul ont augmenté de 723 en 1984 à 2 396 en 1999.  Les peines privatives de liberté avec et sans sursis ont dominé jusqu’en 1991.  Cependant, on note que la peine privative de liberté avec sursis est de plus en plus imposée depuis 1992 et qu’elle demeurait la sanction principale imposée en 1999.

Graphique 6

E.  Coûts liés aux problèmes de drogue

 Selon des données de l’Office fédéral de la santé publique, les coûts liés aux problèmes de drogue (1991 à 1994, moyenne annuelle) sont estimés comme suit : 

 

millions FS

Répression

500

Prise en charge, traitement, thérapie, réinsertion

220 à 260

Réduction des risques, aide à la survie

120 à 200

Prévention

30 à 35

Recherche et formation

16

Total

886 à 1 011

 

Le montant des coûts de la répression de la consommation et du trafic de drogue représente à peu près le double de celui des coûts du traitement.  La part des coûts de la prévention (env. 3 p. 100) est relativement modeste.  Il est intéressant de souligner que, selon l’Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies, le coût économique global direct de la consommation de tabac est estimé à plus de cinq milliards de francs, et celui de la consommation d’alcool à 3 milliards([45]).

Pour ce qui est des coûts de la pénalisation de la consommation de stupéfiants et de ses actes préparatoires, un rapport préparé par Willy Oggier sur mandat de l’Office fédéral de la santé publique chiffre à environ 46,2 millions de francs les coûts de la poursuite et de la répression de ces délits pour 1997.  L’analyse de sensibilité révèle des valeurs minimales et maximales de respectivement 45,5 et 55,3 millions de francs.  Selon Oggier, les coûts ont augmenté de plus de 6 p. 100 entre 1994 et 1997.  Il estime à environ 30 millions de francs par an les économies qui seraient réalisées dans les domaines de la police et de la justice si la consommation et ses actes préparatoires étaient dépénalisés.  Oggier explique que les chiffres obtenus paraissent relativement bas puisque l’étude porte uniquement sur les coûts de la consommation et de ses actes préparatoires et que la notion d’acte préparatoire est prise dans un sens étroit qui exclut les vols commis pour financer la consommation personnelle.  La plus grande partie des coûts liés à la répression sont imputables au trafic (de gros) organisé et ces coûts devraient, selon Oggier, subsister après une dépénalisation de la consommation et de ses actes préparatoires([46]).

 

PRINCIPAUX RAPPORTS DES COMMISSIONS D’EXPERTS QUI ONT EXAMINÉ LES PROBLÈMES LiÉS À LA DROGUE EN SUISSE

A.  Le rapport de la Sous-commission « drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants (1989)([47])

Le rapport de la Sous-commission « drogue » a marqué un point tournant de la politique suisse en matière de drogue, et la littérature lui attribue l’origine du mouvement vers le modèle des quatre piliers et l’adoption de mesures de réduction des risques.  S’appuyant sur les résultats de recherches effectuées entre 1983 et 1989, les auteurs du rapport étaient d’avis que les aspects les plus problématiques de la consommation de drogue s’étaient aggravés depuis 1983 et que le trafic des stupéfiants avait pris une ampleur inattendue.  Le rapport observait que les ressources policières étaient principalement dirigées vers les cas sans gravité, alors que les moyens pour lutter contre le trafic sur une grande échelle étaient nettement insuffisants.  Par ailleurs, la propagation du VIH et l’épidémie du sida exigeaient une réévaluation des mesures et des priorités gouvernementales en matière de drogue, tant dans les domaines de la prévention et de l’aide aux toxicomanes que dans les stratégies de lutte contre la consommation, la production et le trafic de stupéfiants([48]).  Le rapport adopta donc une approche différente : 

Compte tenu des conditions socio-culturelles, la prévention de la toxicomanie ainsi que l’aide aux toxicomanes doivent être conçues de façon à obtenir une qualité de vie optimale pour chacun, tout en prenant en considération les exigences de la société.  Cet objectif – il faut le souligner sans équivoque – ne pourra jamais être pleinement atteint, et surtout pas en recourant uniquement à des mesures législatives quelles qu’elles soient.([49])

 

Afin d’atteindre ce but, les auteurs du rapport ont formulé certaines suggestions qui, à leur avis, devaient être appliquées :

·        On devrait rejeter la permissivité à l’égard des drogues comme expression d’une indifférence sociale.

·        La législation à l’égard des substances pouvant engendrer une dépendance devrait viser avant tout à prévenir les problèmes de dépendance et leurs conséquences, et permettre, là où la prévention aura échoué, d’apporter une aide aux personnes dépendantes de stupéfiants.

·        Les mesures répressives devraient être renforcées, principalement contre le crime organisé et le trafic exercé à des fins de lucre.

·        La lutte contre la consommation abusive de drogues et la dépendance devrait s’attaquer aux causes de ce comportement, la pénalisation de la consommation étant peu efficace([50]).

 

De plus, les auteurs ont formulé certaines recommandations : 

·        Pour des considérations d’ordre scientifique, il est proposé de ne pas faire la distinction entre drogues dites « dures » et drogues dites « douces ».  On peut tenir compte des différences entre les dangers liés aux drogues, d’une part, en précisant de quelle drogue on parle et, d’autre part, en prenant en considération l’ensemble du contexte dans lequel elle est consommée([51]).

·        A l’unanimité, il est recommandé de renoncer à pénaliser la consommation de drogues dans le cas où une révision de la loi serait décidée.  L’impunité de la consommation devrait s’appliquer à toutes les drogues.  La possession ainsi que le fait de se procurer pour sa propre consommation de petites quantités de drogues (quantités qui devraient être clairement définies) devraient également être déclarés non-punissables.  La majorité de la Commission était d’avis que toute forme de trafic de drogues devrait, par contre, demeurer illégale([52]).

·        Répression plus sévère du trafic de drogue illégal et à des fins de lucre – Créer des bases indispensables à un renforcement des contrôles aux frontières en augmentant les effectifs de personnel; créer au niveau de la Confédération une police des stupéfiants.  Renforcer des moyens au niveau de la procédure pénale (enquête secrète, saisie de l’argent provenant de la drogue)([53]).

·        Création de conditions optimales pour des mesures thérapeutiques – Lors d’une révision de la LStup, atténuer les peines pour les délinquants toxicomanes qui font du trafic uniquement aux fins de satisfaire leur toxicomanie; réviser la loi en vue de permettre aux délinquants toxicomanes suffisamment motivés à se soigner, de passer du régime pénal à un traitement en institution([54]).

·        Mesures à prendre relativement à l’épidémie de VIH – Des possibilités de contact et de consultation proches de la « scène de la drogue » sont nécessaires, dont le seuil d’accueil ne soit pas élevé, pour les personnes qui ne peuvent pas, ou pas encore, renoncer à leur toxicomanie.  Ces services devront êtres intégrés au réseau des centres de traitement.  Les possibilités de traitement ambulatoire (y compris la prise en charge incluant la méthadone) et en institution doivent être en nombre suffisant et offrir des prestations suffisamment variées.  L’information sur les voies de transmission et les risques, de même que les préservatifs et le matériel d’injection doivent être accessibles d’une manière appropriée aux toxicomanes.  Les personnes en situation à risque et qui sont prises en charge (toxicomanes et leurs partenaires) doivent autant que possible être invitées à faire le test VIH, après une préparation psychologique adéquate.  Les professionnels et autres personnes en contact avec les toxicomanes ont besoin d’une formation complémentaire pour être à même de fournir des conseils qualifiés sur les problèmes liés au VIH([55]).

·        Distribution de drogue de substitution dans le traitement de dépendance à l’égard d’opiacés – Les programmes de substitution (principalement à la méthadone), soumis à des conditions clairement établies, peuvent être recommandés comme une des possibilités de traitement des toxicomanes.  Aucun argument nouveau selon lequel on pourrait recommander la distribution d’héroïne aux toxicomanes.  Les traitements de substitution ne sont pas recommandés pour d’autres formes de dépendance (p. ex. amphétamines, cocaïne)([56]).

·        Encourager la recherche scientifique – Les intérêts de la santé publique doivent être considérés comme prioritaire.  Les interventions préventives et thérapeutiques devraient être évaluées de façon continue.  La constitution de données de routine et les méthodes de recherche devraient permettre une comparabilité optimale des résultats.  De nouveaux points forts de la recherche devraient davantage tenir compte des aspects préventifs (y compris la prévention du sida).  Advenant une révision de la loi, créer les bases permettant un soutien accru de la part de la Confédération à la recherche scientifique dans le domaine des stupéfiants et de la toxicomanie([57]).

Enfin, en ce qui a trait particulièrement au cannabis, les auteurs du rapport ont reconnu que, quantitativement, la consommation de produits du cannabis était toujours en tête de la consommation de drogues illégales en Suisse.  Cependant, il est spécifié que les conséquences sociales indésirables sont plutôt rares dans le cas du cannabis et qu’elles s’observent surtout chez les grands consommateurs.  Le rapport soulignait aussi que certaines de ces conséquences pouvaient être dues à la réaction sociale à cette consommation plutôt qu’à la consommation elle-même([58]).  Une minorité des membres de la Commission était même d’avis que le petit trafic de cannabis devrait être toléré, de manière à marquer clairement la différence entre cette substance et les autres stupéfiants, qui présentent plus de dangers potentiels pour les consommateurs.  Les auteurs du rapport considéraient que l’application des mesures répressives à l’égard des consommateurs de cannabis était souvent inéquitable et juridiquement problématique.  Par conséquent, ils recommandaient la dépénalisation de la consommation du cannabis et de toutes les drogues, de manière à ce que les poursuites pénales puissent se concentrer sur les cas plus graves, notamment sur le trafic sur une grande échelle à des fins de lucre([59]).

Bref, la Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants mettait déjà en avant une politique de réduction des risques.  Celle-ci se reflétera dans le programme de mesures de santé publique de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue (ProMeDro) formulé officiellement en février 1991.  Conscients que la drogue demeurait un sujet propre à soulever les passions, l’Office fédéral de la santé publique a cependant résolu d’agir avec prudence et ne pas bousculer la mise en œuvre de programmes novateurs.  L’Office a donc lancé en octobre 1991 une campagne de sensibilisation qui s’adressait à l’opinion publique, au gouvernement et aux diverses unités administratives concernées([60]).  Comme nous l’avons vu plus tôt, la politique suisse en matière de drogue a beaucoup évolué au cours des années 1990 et la réduction des risques est maintenant solidement ancrée dans cette politique.  La dépénalisation de la consommation de drogues est cependant un concept plus difficile à faire accepter mais l’on se rapproche de plus en plus d’un consensus, comme en témoigne le projet actuel de révision de la LStup.

 

B.  Rapport de la Commission d’experts pour la Révision de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants
– Commission Schild (février 1996)
([61])

En novembre 1994, le Département fédéral de l’intérieur a donné à une commission d’experts (ci-après Commission) le mandat de présenter un rapport sur la révision de la LStup.  La Commission d’experts a tenu plusieurs séances d’information afin de se renseigner sur l’état des connaissances des experts; elle a aussi tenu des audiences sur la prescription médicale de stupéfiants et sur la privation de liberté à des fins d’assistance auxquelles ont participé des spécialistes suisses et étrangers.  Le rapport de la Commission faisait tout d’abord le point sur la situation en matière de drogue.  Il soulignait qu’au moment de l’étude (1994-1995), le cannabis était toujours la drogue illégale la plus fréquemment consommée et que quelque 30 000 personnes étaient dépendantes de drogues dites dures telles que l’héroïne et la cocaïne.  D’un point de vue épidémiologique, la consommation de drogues illégales est restée à peu près stable depuis 1990([62]).  Le rapport observait également que les problèmes liés à l’usage de produits licites pouvant engendrer une dépendance (médicaments, tabac, alcool) sont beaucoup plus nombreux que les problèmes engendrés par les drogues illégales.  Selon les membres de la Commission, la distinction entre drogues légales et illégales, du moins du point de vue de la politique de la santé, était difficilement défendable([63]).

Concernant l’évolution de la répression pénale depuis la révision de la LStup de 1975, la Commission a conclu que les buts visés par cette révision, particulièrement la distinction entre consommateur et trafiquant, n’avaient pas été atteints.  C’est-à-dire que la majorité des dénonciations en vertu de la LStup concernaient toujours des délits de consommation, essentiellement de cannabis.  De plus, des mesures de traitement ambulatoire ou résidentiel étaient rarement ordonnées au lieu de peines (5 p. 100 des cas)([64]).

Par ailleurs, pour ce qui est de la lutte contre le crime organisé et le trafic de stupéfiants, la Commission a conclu que même si les moyens de répression s’étaient considérablement développés depuis le début des années 1990, les forces policières ne réussissaient, malgré tout, qu’à saisir une infime partie des stupéfiants.  Le rapport observait également que la Suisse n’était pas intéressante pour le crime organisé en raison de la petitesse du marché suisse par rapport à ceux d’autres pays, mais qu’elle l’était, par contre, en tant que place financière et plaque tournante du blanchiment d’argent([65]).

En ce qui a trait aux problèmes sociaux et sanitaires liés à la drogue, trois événements avaient marqué les années précédant l’étude de la Commission : l’apparition de l’infection par le VIH, l’apparition et l’extension des « scènes ouvertes de la drogue » et la misère et la détérioration remarquable de l’état de santé de certains consommateurs dépendants([66]).  La Commission a conclu, entre autres, qu’il fallait une loi sur l’aide aux personnes dépendantes([67]).  Au sujet de la politique future en matière de drogue, la Commission a donc suggéré qu’elle devrait avoir pour objectifs prioritaires de prévenir la dépendance et ses conséquences et d’améliorer la situation sociale et sanitaire des toxicomanes.  Les membres de la Commission étaient d’avis que la politique des quatre piliers était une bonne base pour l’avenir, mais qu’elle se prêtait à l’amélioration et qu’on devait développer des mesures ciblées.  La Commission soulignait, par ailleurs, qu’elle approuvait le programme de mesures pour réduire les problèmes liés à la drogue (ProMeDro) défini par le Conseil fédéral en 1991.  Elle a proposé, néanmoins, certaines mesures qui s’inséraient dans ce programme et devaient contribuer à l’améliorer([68]).

Pour ce qui est du régime qui devrait s’appliquer aux produits du cannabis, la Commission était d’avis que, vue sous l’angle de la santé publique, la consommation de cannabis méritait un traitement analogue à celui de la consommation d’alcool.  Cependant, la majorité des membres de la Commission croyait qu’il n’était pas indiqué de traiter les produits du cannabis autrement que les autres stupéfiants soumis à la loi (p. ex. prévoir une réglementation spéciale pour le commerce des produits du cannabis qui permettrait la culture destinée à la vente).  D’une part, trop de questions restaient encore sans réponse et, d’autre part, la Commission était d’avis que la Suisse s’exposerait à de fortes pressions internationales si elle libéralisait partiellement ou totalement la consommation de cannabis.  La Commission était néanmoins d’avis qu’on ne devait plus réprimer pénalement la consommation de stupéfiants illégaux ou les actes préparatoires à la consommation personnelle([69]).

La Commission a formulé plusieurs recommandations concernant la révision de la LStup et certaines recommandations urgentes qui n’impliquaient pas une telle révision.  Entre autres :

·        Pour des considérations relevant de la politique de la santé, la consommation de drogues est un phénomène indésirable et l’on doit maintenir au plus bas niveau possible le nombre de nouveaux consommateurs.  La Confédération, les cantons et les communes doivent être tenus de prendre des mesures de prévention.  La Confédération doit en outre être habilitée à jouer un rôle de coordination afin d’uniformiser les stratégies de prévention et elle doit préparer les bases légales nécessaires pour assurer le financement des campagnes d’information et de sensibilisation.

·        Il est nécessaire que les toxicomanes aient accès à des institutions en matière de réduction des risques et d’aide à la survie afin d’améliorer leur état de santé et leur situation sociale.  Il faut créer les bases légales permettant à la Confédération d’obliger les cantons et les communes à prévoir de telles institutions, la coordination devant être assurée par la Confédération.  L’octroi d’aides financières aux cantons et aux communes afin de les motiver doit être envisagé.

·        Il faut développer les institutions de traitement résidentiel et ambulatoire des toxicomanes de façon à répondre à leurs besoins spécifiques.  La collaboration entre les diverses offres thérapeutiques doit être améliorée et les activités liées au domaine de la toxicomanie doivent être mieux intégrées au système général de santé et d’aide sociale.  La Confédération doit obtenir les compétences lui permettant de coordonner l’offre thérapeutique, d’établir des recommandations concernant les exigences minimales, et, en cas de besoin, pouvoir mettre des moyens financiers supplémentaires à disposition.

·        Si les essais sur la prescription médicale de stupéfiants donnent des résultats positifs, cette forme de thérapie doit être incluse dans l’éventail des traitements.  Dans ce cas, la LStup devrait être modifiée afin de biffer l’héroïne des substances non prescriptibles.  Il faudrait également prévoir que le Conseil fédéral fixe les conditions générales d’une éventuelle prescription.

·        La Confédération doit, en collaboration avec les cantons, veiller à ce que des critères de qualité bien définis soient formulés et appliqués pour les différentes formes d’aide en matière de toxicomanie – prévention, traitement, réduction des risques et aide à la survie.

·        Eu égard à l’évolution rapide dans le domaine de la drogue et des nouveaux problèmes qui apparaissent, la Confédération doit renforcer ses efforts en vue d’encourager la recherche.  Il faut élaborer une base légale claire et surtout mettre des fonds suffisants à disposition.  La LStup doit être complétée par une disposition habilitant le Conseil fédéral à déroger à la législation, dans des conditions générales précises, pour effectuer des essais.

·        La pénalisation de la consommation de drogue ne se justifie plus : son effet sur la prévention en général n’est pas prouvé, elle ne permet guère d’infiltrer le milieu des trafiquants et elle a des effets négatifs du point de vue de la politique de la santé.  En outre, elle s’insère difficilement dans le système de valeurs du système juridique suisse.  Les législations cantonales de police constituent un instrument efficace pour empêcher la formation de scènes ouvertes.  Il faut donc réviser les dispositions pénales de la LStup afin de dépénaliser la consommation de drogue et ses actes préparatoires.  Cette dépénalisation doit être applicable à tous les stupéfiants.  La Commission n’est pas favorable à un régime particulier pour les produits du cannabis.

·        Il faut étudier de quelle manière on pourrait régler la situation particulière des petits trafiquants toxicomanes.  Il faut examiner si l’on peut renoncer à une sanction lorsque l’illégalité de l’acte ou la culpabilité de l’auteur peuvent être considérées comme minimes.  Il faut étudier s’il serait possible de suspendre la procédure pénale provisoirement en imposant un traitement et définitivement après une période d’épreuve.  Il faut examiner s’il est encore opportun de lier – aussi étroitement que c’est le cas – la sévérité de la peine à la quantité de stupéfiants.

·        Il y a lieu d’entreprendre des travaux en vue de l’élaboration d’une loi fédérale sur l’aide en matière de toxicomanie.  Cette loi devra couvrir l’ensemble des substances psychotropes et tous les domaines, de la prévention aux mesures de réinsertion des toxicomanes.

·        La lutte contre le crime organisé doit être renforcée.

·        Il faut entreprendre l’uniformisation des procédures pénales cantonales([70]).


C.  Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants : Scénarios pour une politique de la drogue (juin 1996)([71])


Ce rapport présente un large éventail de scénarios possibles de politique de la drogue, une analyse de leur applicabilité à la Suisse et certaines recommandations de la Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants.  On y présente, entre autres, les grandes lignes de trois modèles génériques qui sont un condensé des différentes approches en vigueur dans six villes et régions d’Europe de l’Ouest : le modèle thérapeutique, le modèle du contrôle social et le modèle de réduction des risques.  À partir de ces trois modèles et des deux initiatives populaires qui ont vu le jour en Suisse en 1993 – « Jeunesse sans drogue » et « DroLeg » –, sept scénarios possibles de politique de la drogue sont développés :

·        Politique de la drogue d’orientation médico-thérapeutique.

·        Politique de la drogue axée sur l’abstinence.

·        Politique de la drogue axée sur la répression.

·        Politique de la drogue visant une société sans drogues.

·        Politique de la drogue axée sur la réduction des risques et la réduction des dommages.

·        Légalisation des drogues et accessibilité réglementée par l’État.

·        Déréglementation du commerce et de la consommation de la drogue([72]).

 

Les deux scénarios jugés extrêmes (répression et déréglementation du commerce et la consommation) ont été écartés, car ils ne correspondaient pas, selon la Sous-commission, aux objectifs tant au niveau de la société qu’à celui des consommateurs, ni à la plupart des critères relevant de la santé publique, de la politique sociale et du rôle de l’État en Suisse.  La Sous-commission a conclu que le modèle de réduction des risques était celui qui était le mieux adapté à la situation suisse qui, considérant la pluralité des valeurs sociales et la démocratie directe, exigeait une politique susceptible d’intégrer différentes valeurs et suffisamment flexible pour réagir rapidement et efficacement aux changements.  Les membres de la Sous-commission ont donc recommandé à l’unanimité le développement à court terme d’une politique de réduction des risques qui intégrerait les éléments positifs d’autres scénarios.  Par ailleurs, la Sous-commission a réaffirmé, comme elle l’avait fait dans son rapport publié en 1989, la nécessité de dépénaliser la consommation de tous les stupéfiants et des actes préparatoires([73]).

En ce qui concernait l’orientation future de la politique de la drogue en Suisse, les membres de la Sous-commission ne sont pas parvenus à un consensus.  Considérant que les effets négatifs de la législation en matière de stupéfiants et de son application étaient probablement plus dommageables que ceux des drogues elles-mêmes, six membres sur dix proposèrent une légalisation des drogues avec un régime réglant leur accessibilité de manière différenciée selon leur dangerosité et l’importance qu’elles revêtent pour certains groupes de population.  Toutes les substances psychoactives, même celles qui étaient légales, devaient être prises en compte.  La Sous-commission a souligné qu’un tel modèle impliquerait l’élaboration d’une loi fédérale sur les substances psychoactives qui viendrait remplacer la LStup.  Cependant, une minorité des membres de la Sous-commission était d’avis que la légalisation était hors de question parce qu’incompatible avec les engagements internationaux de la Suisse et susceptible de provoquer l’isolement et la discrimination envers le pays.  De plus, certains membres craignaient que la légalisation entraîne une augmentation de la consommation et attire le tourisme de la drogue([74]).

Enfin, il est intéressant de noter qu’on trouve en annexe du rapport de la Sous-commission une évaluation économique des scénarios possibles pour une politique de la drogue, réalisée à la demande de la Sous-commission.  Voici les hypothèses qu’ont dégagées les auteurs concernant l’évolution des coûts d’une politique de la drogue orientée vers la réduction des risques et la réduction des dommages([75]) : 

Augmentation des coûts en ce qui concerne : 

·        l’intensification des mesures de prévention;

·        le contrôle scientifique d’un très large éventail de thérapies (dans le cas où le suivi et l’évaluation scientifiques ne seraient pas permanents, ces coûts n’apparaîtraient qu’une fois);

·        le développement des structures de prise en charge psychosociale et de thérapie;

·        les mesures d’aide à la survie, y compris sous forme de privations de la liberté à des fins d’assistance;

·        les efforts de coordination entre institutions privées et instances étatiques.

Stabilité des coûts en ce qui concerne : 

·        les mesures et les soins médicaux d’urgence;

·        les mesures de répression contre le crime organisé lié aux drogues illégales.

Baisse des coûts en ce qui concerne :

·        la consommation de drogues illégales qui serait moins sévèrement réprimée;

·        la diminution des coûts liés à la mortalité et à la morbidité.

Gains en termes d’efficience et de bénéfices sociaux :

·        affaiblissement du marché noir (découlant d’une politique plutôt libérale et flexible);

·        politique nationale cohérente et appliquée de manière unifiée.

 

Évaluation économique globale (y compris l’applicabilité) : 

·        a priori, cette politique se répercuterait sur le plan économique par une hausse sensible des dépenses.  Répondre au problème des drogues par des mesures à la fois différenciées et bien ciblées revient en effet à augmenter les coûts fixes et les investissements.  À plus long terme, cette approche pourrait toutefois conduire à une diminution des frais, pour autant qu’elle soit appliquée de façon performante et systématique;

·        l’augmentation de subventions étatiques aux institutions d’aide privées nécessiterait des ressources financières plus importantes qu’à l’heure actuelle;

·        globalement, les coûts ont tendance à s’élever.

 

Les auteurs de cette évaluation économique ont également dégagé des hypothèses semblables pour les six autres scénarios présentés par la Sous-commission et ont conclu que globalement les coûts tendraient à augmenter si la Suisse adoptait un des modèles orientés vers l’approche médico-thérapeutique, l’abstinence, la répression et une société sans drogues.  Seule la « légalisation des drogues et l’accessibilité réglementée par l’État » et la « déréglementation du commerce et de la consommation de la drogue » auraient pour effet de diminuer les coûts; la dernière option étant, selon les auteurs, le scénario le plus avantageux et le plus efficace du point de vue économique([76]).

 

D.    Rapport sur le Cannabis de la Commission fédérale pour les questions liées aux drogues – CFLD (septembre 1999)([77])

La Commission fédérale pour les questions liées aux drogues a été créée par le Conseil fédéral au début de 1997.  Elle a remplacé la Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants, dissoute à la fin de 1996.  Le rapport sur le cannabis rassemble les connaissances importantes liées à la consommation de cannabis et inclut des recommandations pour le traitement futur du cannabis dans le cadre d’une révision de la LStup.  Le rapport rappelle les conclusions des rapports de la Sous-commission « Drogue » (1989) et de la Commission Schild (1996), qui étaient en faveur d’une dépénalisation de la consommation de stupéfiants et de ses actes préparatoires.  Les auteurs signalent également certaines initiatives, parlementaires et cantonales, qui ont demandé, entre 1992-1998, que la culture et la consommation du cannabis soient décriminalisées (initiative de la conseillère nationale Vermot, 1997), que les produits du cannabis soient soustraits à l’application de la LStup (cantons de Bâle-Campagne, 1997, et Zurich, 1998), ou que tous les stupéfiants soient légalisés (canton de Soleure, 1992).  Par ailleurs, la Commission fédérale a souligné qu’entre 1993 et 1998, le débat sur l’initiative DroLeg avait mis en évidence la volonté d’une partie de l’opinion de soustraire le cannabis aux rigueurs de la LStup.  Dans un tel contexte, une étude spécifique de la question du cannabis s’imposait, d’autant plus que la présence de réseaux de production de cannabis (agricole et privé) et de distribution par l’entremise de magasins spécialisés dans la vente des produits du chanvre dans toutes les régions du pays suscitait une confusion croissante dans la population suisse et en particulier chez les jeunes relativement aux fondements, aux buts et à l’application de la LStup([78]).

Le rapport débute par une présentation de la situation en Suisse et, comme par le passé, on observait une hausse de la consommation de cannabis.  Entre autres, une étude indiquait que le pourcentage de jeunes de 15 ans ayant déjà consommé du cannabis avait plus que triplé depuis 1986 (de 2,5 p. 100 en 1986 à 8,4 p. 100 en 1998).  En outre, le pourcentage de ceux qui consommaient régulièrement des produits du cannabis avait augmenté de 2,9 p. 100 en 1986 à 8,6 p. 100 en 1998([79]).  Le rapport soulignait également que la culture du cannabis en Suisse s’était fortement développée dans les années 1990 et que la plus grande partie de cette culture était destinée à la consommation illégale du cannabis plutôt qu’au marché légal (p. ex. comme matière première renouvelable pour la fabrication de textiles)([80]).  Selon une enquête menée dans tous les cantons, le haschich était vendu principalement dans la rue, alors que la marijuana était vendue de plus en plus par les magasins de chanvre sous forme de « coussins odorants ».  En 1999, on comptait près de 135 magasins de chanvre couvrant la presque totalité du territoire suisse([81]).

Le rapport traite de façon détaillée de la pharmacologie et de la  toxicologie du cannabis.  Il y est question :

·        des réactions dans l’organisme;

·        des effets aigus du cannabis sur le système nerveux central;

·        des effets indésirables aigus et de la toxicité du cannabis;

·        du cannabis et de la circulation routière;

·        des effets de la consommation chronique du cannabis;

·        du syndrome amotivationnel;

·        de la dépendance et de l’accoutumance;

·        de l’effet carcinogène;

·        de l’effet sur l’hérédité, la reproduction et la grossesse;

·        des effets sur le système immunitaire.

 

La teneur du présent document ne nous permet pas de présenter les données observées sous chacun de ces aspects.  Voici, néanmoins, certaines données intéressantes : 

·        L’effet du cannabis ne dépend pas que de sa composition, de sa dose et de son mode de consommation, mais également de l’état d’esprit, des attentes du consommateur et de l’ambiance du moment.

·        La toxicité aiguë du cannabis est généralement considérée comme rare.  Des états psychotiques peuvent survenir après une consommation de fortes doses.  Un entretien apaisant suffit souvent à faire disparaître ces troubles.

·        L’aptitude à la conduite automobile est réduite pendant deux à quatre heures (maximum huit heures) après la consommation de cannabis.  Les consommateurs surestiment souvent l’influence du cannabis sur la conduite automobile et, par conséquent, ils se concentrent davantage et conduisent plus lentement.  Il a été également prouvé que dans 80 p. 100 des accidents où le THC a été détecté dans le plasma des responsables, l’alcoolémie était également positive.

·        Le syndrome « amotivationnel » avec modification de la personnalité, négligence de sa propre image et désintérêt général chez les consommateurs chroniques de cannabis n’a jamais été confirmé.

·        La consommation de cannabis peut provoquer une dépendance psychique.  La tendance à la dépendance physique est cependant très faible.

·        Il est conseillé de s’abstenir de cannabis, de tabac et d’alcool pendant la grossesse.

·        Le système immunitaire humain est relativement résistant aux effets immunosuppresseurs des cannabinoïdes, et les résultats de la recherche autorisent l’utilisation thérapeutique du delta9-THC chez des patients dont le système immunitaire est déjà affaibli par d’autres maladies (sida, cancers)([82]).

En ce qui a trait à l’application de la LStup, la Commission fédérale soulignait que les réactions des cantons variaient dans les cas d’infractions mineures (p. ex. trafic et consommation du cannabis).  La tendance générale des tribunaux était cependant vers l’adoucissement des peines prononcées en cas d’infraction commise en vue d’une consommation personnelle.  Dans dix des 26 cantons, la police avait adopté une pratique différenciée en ce sens qu’elle tolérait les consommateurs de cannabis, mais non ceux d’autres substances illégales.  On constatait également qu’au cours des années 1991 et 1994, les produits du cannabis étaient les substances les plus consommées, surtout par les adolescents (en 1991, dans 95 p. 100 et en 1994, dans 91 p. 100 des jugements prononcés contre des adolescents).  Dans la plupart des jugements non inscrits au casier judiciaire, l’amende était la peine la plus courante pour la seule consommation de cannabis, suivie des réprimandes et des avertissements([83]).

Enfin, compte tenu de l’importance accrue prise par le cannabis sur le plan social, du changement intervenu dans la perception du problème, et étant donné le faible danger que présente le cannabis, la Commission a formulé un certain nombre de recommandations visant à donner au cannabis un statut spécial parmi les drogues illégales.  Elle a suggéré que la réglementation dans ce domaine devrait s’inspirer de celle régissant les substances psychoactives légales telles que l’alcool.  La Commission, par ailleurs, était d’avis que la marge de manœuvre pour modifier la législation sur les stupéfiants était faible en raison des conventions internationales signées par la Suisse.  Cependant, elle était également d’avis qu’il ne lui appartenait pas de juger de l’importance politique de ces conventions, mais plutôt de proposer un modèle qui lui semblait approprié compte tenu de l’ensemble de l’information dont elle disposait.  La Commission a donc proposé deux solutions : 

·        une solution pour laquelle les membres ont opté à l’unanimité, mais qui n’était pas compatible avec la Convention unique de 1961, soit la légalisation de l’acquisition du cannabis;

·        une seconde solution, soit la dépénalisation partielle, qui pouvait être compatible avec les conventions internationales([84])

Après avoir examiné différentes options, la Commission recommande, à l’unanimité, un modèle qui non seulement dépénalise la consommation et la possession du cannabis, mais légalise son acquisition.  Cependant, l’acquisition du cannabis ne devrait pas être basée sur la liberté du commerce, mais faire l’objet d’une réglementation claire, propre à garantir la protection de la jeunesse et à prévenir d’éventuels effets indésirables de la légalisation.[…]

Au cas où l’option de légalisation précédemment décrite se révélerait politiquement irréalisable, la Commission propose une modification de la loi sur les stupéfiants compatible avec les conventions internationales existantes et qui comprendrait :

 

·        la dépénalisation matérielle de la consommation et des actes préparatoires à la consommation personnelle;

·        l’application du principe d’opportunité au trafic, par l’introduction d’une disposition dans la loi sur les stupéfiants et par la réglementation de la poursuite pénale dans une ordonnance d’exécution.([85])

 

RÉVISION DE LA LOI FÉDÉRALE SUR LES STUPÉFIANTS ET LES PSYCHOTROPES

Selon tous les rapports commandés par l’Office fédéral de la santé publique, la situation a beaucoup évolué et les problèmes posés par l’abus des stupéfiants et le marché des drogues illégales se sont aggravés depuis la révision de 1975 de la LStup.  Plusieurs rapports ont souligné une augmentation du nombre de consommateurs de drogue et de personnes dépendantes, des lacunes au niveau de la prévention et de la thérapie, une détérioration de la situation sanitaire des personnes dépendantes avec l’apparition du sida et, par conséquent, un besoin d’investir de plus en plus dans des stratégies de réduction des risques et d’aide à la survie.  D’autres raisons viennent également s’ajouter à ces changements observés et justifier la nécessité d’une révision de la LStup, en particulier : 

·        la durée limitée de l’arrêté fédéral relatif au traitement avec prescription d’héroïne (jusqu’à la fin de 2004) qui exige une révision de la LStup afin que ce type de traitement soit légalement sur le même pied d’égalité que le traitement avec prescription de morphine ou de méthadone;

·        le doute relatif à l’effet dissuasif de la répression de la consommation sur la décision de faire l’essai d’une drogue ou de poursuivre la consommation;

·        la reconnaissance que le cannabis est un cas particulier par rapport aux autres stupéfiants tels que l’héroïne et la cocaïne au point de vue de la culture, de la transformation et du commerce, de même qu’en ce qui a trait aux effets de la consommation du cannabis, qui sont moins dangereux pour la santé que les effets du tabagisme et de l’alcoolisme;

·        les différentes pratiques cantonales en matière de poursuite pénale, qui varient selon les ressources humaines et financières des autorités cantonales et l’ordre de priorité qu’elles appliquent pour le traitement des infractions à la LStup([86]).

 

Sous mandat du Conseil fédéral, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) a entamé un processus de consultation de la révision de la LStup en 1999.  Les résultats de cette consultation ont été présentés au Conseil fédéral en octobre 2000.  Le Conseil a ensuite donné au DFI le mandat de préparer une révision de la loi.  Les points forts de la révision tels qu’énoncés dans le message du Conseil fédéral sont : 

·        Intégration dans la loi du modèle des quatre piliers – la révision prévoit un nouvel article fixant les buts prioritaires de la politique fédérale en matière de stupéfiants, soit des mesures dans les domaines :

  • de la prévention, de la thérapie et de la réinsertion;
  • de la réduction des risques et de l’aide à la survie;
  • du contrôle et de la répression;

 

avec la mention que « dans l’application de la présente loi, la Confédération et les cantons prennent particulièrement en considération la protection de la jeunesse » (projet de loi, art. 1a).

·        Prévention et traitement des troubles liés à l’addiction – il est prévu d’élargir le champ d’application des mesures de prévention, de thérapie et de réduction des risques, quelle que soit la substance à l’origine de la dépendance.

·        Assise légale pour le traitement avec prescription d’héroïne – admise à des fins thérapeutiques, l’héroïne sera retirée de la liste des substances interdites à l’actuel article 8 (voir annexe A, Lstup, art. 8, al. 1, let. b.).

·        Protection de la jeunesse – les mesures doivent avoir pour but principal la protection des jeunes contre la consommation et l’abus de substances engendrant la dépendance et, pour ce faire, on prévoit mettre en place des mesures de signalement et d’intervention précoces et renforcer les mesures de prévention.  De plus, on prévoit supprimer la pénalisation de la consommation de stupéfiants pour les jeunes de moins de 18 ans et durcir les dispositions sanctionnant les personnes qui remettent des stupéfiants à des mineurs de moins de 16 ans.

·        Dispositions pénales – le projet de loi prévoit la dépénalisation de la consommation de cannabis et de ses actes préparatoires en supprimant le devoir de poursuivre les consommateurs de cannabis.  Cette dépénalisation doit cependant être accompagnée de campagnes nationales d’information soulignant que la consommation de substances psychoactives n’est jamais sans risque et d’autres mesures préventives.  De plus, un nouvel article introduit le principe selon lequel le Conseil fédéral peut fixer des priorités en matière de poursuite pénale (principe d’opportunité).  La restriction de l’obligation de poursuivre peut s’appliquer à la consommation de stupéfiants et aux opérations relatives aux dérivés du cannabis.

·        Renforcement du rôle de la Confédération – dans le domaine de la coordination et du soutien de mesures prises par les cantons([87]).

 

La plupart de ces points, s’ils étaient appliqués, n’auraient que très peu d’effet dans la pratique puisqu’ils reflètent la situation actuelle.  La dépénalisation générale de la consommation de cannabis et de ses actes préparatoires pourrait avoir un impact plus marqué, puisqu’elle allégerait la tâche des autorités judiciaires et exigerait le renforcement des mesures préventives et la création de moyens d’intervenir précocement en cas d’apparition de problèmes.  Par ailleurs, le projet de loi prévoit la possibilité de formuler des conditions qui permettraient aux autorités cantonales de déroger à l’obligation de poursuivre les consommateurs d’autres stupéfiants (p. ex. l’héroïne et la cocaïne)([88]).

En Suisse, la genèse d’une loi est une affaire complexe et de longue haleine.  La procédure dure au minimum douze mois.  La nouvelle loi sur les stupéfiants et les psychotropes a franchi le stade de l’examen à l’automne 2001.  Dans un premier temps, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique a soumis le texte à un examen préalable et l’a présenté au Conseil des États avec ses réflexions.  La Commission a accepté la nouvelle loi en novembre 2001, mais elle a cependant durci certains points du projet du Conseil fédéral.  Elle a relevé l’âge limite pour acheter du cannabis de 16 à 18 ans et a refusé d’étendre le principe d’opportunité à la répression de la consommation d’héroïne et de cocaïne.  Le 12 décembre 2001, le Conseil des États a adopté, par 32 voix contre 8, le projet de loi révisé par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique.  La prochaine étape sera celle de l’examen de la nouvelle loi par le Conseil national et il est probable que si le projet est adopté, la révision fera ensuite l’objet d’un référendum.

 

Bilan 1990-2000

Bref, la politique suisse en matière de drogue a grandement évolué au cours de la dernière décennie.  Des changements importants ont été notés tant sur le plan de la perception de la problématique et de la mise en œuvre des décisions politiques que sur celui des résultats de cette politique, vérifiés par des données quantifiables pour chaque pilier.  Alors qu’au milieu des années 1980, les toxicomanes étaient largement perçus comme des marginaux responsables de leur sort, ils sont aujourd’hui généralement considérés comme des personnes dépendantes, malades, victimes d’une prédisposition personnelle ou de circonstances extérieures.  Cette nouvelle perception de la personne dépendante de la drogue a donné lieu à l’élaboration d’une nouvelle approche fondée sur l’aide sociale et la santé publique plutôt que sur la répression et la punition.  Toutefois, l’approche répressive a été renforcée pour lutter contre ceux qui profitent du trafic de la drogue.  La politique des quatre piliers se veut une approche pragmatique et équilibrée qui reconnaît que les problèmes liés à la drogue ne peuvent être résolus une fois pour toutes et qu’il faut plutôt s’efforcer de réduire les multiples conséquences de la consommation abusive de drogue et du marché illicite de la drogue([89]).

Pour ce qui est des résultats obtenus dans le domaine de la prévention, les programmes soutenus par l’OFSP ont rejoint plusieurs centaines de milliers de jeunes depuis le début des années 1990.  En matière de thérapies, on estime que sur une population de 30 000 consommateurs de drogues dures, environ 15 000 personnes dépendantes bénéficient d’une forme de traitement, qu’il soit résidentiel, axé sur l’abstinence, avec prescription de méthadone ou d’héroïne, ou ambulatoire.  Les mesures visant la réduction des risques se sont multipliées et contribuent à améliorer la santé physique et psychique ainsi que la qualité de vie des toxicomanes.  Par exemple, les consommateurs de drogues injectables représentaient entre 36 et 40 p. 100 des nouveaux cas de VIH en 1991, alors qu’en 1999, ils ne représentaient plus qu’entre 14 et 17 p. 100 des cas.  De même, les décès dus à une surdose de drogue (généralement de l’héroïne) ont diminué de 405 en 1991 à 181 en 1999.  Les décès dus au sida de personnes s’étant injectées de la drogue ont connu, selon les données, une baisse substantielle de 318 en 1994 à 196 en 1996([90]).  Enfin, dans le domaine de la répression, on note un accroissement des activités, alors que le nombre de dénonciations pour infraction à la LStup est passé de 23 400 en 1991 à 44 336([91]) en 1999.  La majorité de ces dénonciations concernaient la consommation de stupéfiants.  De nouvelles mesures ont également permis aux forces policières de lutter plus efficacement contre le trafic de la drogue et le blanchiment d’argent([92]).

L’Office fédéral de la santé publique reconnaît cependant que :

Quels que soient les succès obtenus en matière de drogue en Suisse, le problème reste réel et il faut savoir qu’à l’avenir aussi des ressources considérables devront être investies pour préserver les acquis et aller de l’avant.([93])


([1])        L’information contenue dans cette section est disponible en ligne à l’adresse

            http://www.parlament.ch/poly/Framesets/F/Frame-F.htm.

([2])        Ce terme désigne l’État fédéral en Suisse.

([3])        Yann Boggio, Sandro Cattacin, Maria Luisa Cesoni et Barbara Lucas, Apprendre à gérer : La politique suisse en matière de drogue, Genève, Georg, 1997.

([4])        Ibid., p. 38.

([5])        Office fédéral de la santé publique, La politique en matière de drogue, septembre 2000, disponible en ligne à l’adresse http://www.bag.admin.ch/sucht/f/index.htm.

([6])        Ibid., p. 8-9.

([7])        Office fédéral de la santé publique, Mesures fédérales pour réduire les problèmes de la drogue, Document de base de l’Office fédéral de la santé publique, Décision du Conseil fédéral du 20 février 1991, Doc. no 3.4.1f.

([8])        L’acronyme « MaPaDro » était utilisé en référence au programme de mesures fédérales au cours de la période 1990-1996.  L’acronyme « ProMeDro » est utilisé en référence au programme de mesures fédérales pour la période 1997-2002.  Afin d’éviter toute confusion, « ProMeDro » est utilisé tout au long du présent document.

([9])        Office fédéral de la santé publique, Programme de mesures de santé publique de la Confédération en vue de réduire les problèmes de drogue (ProMeDro) 1998-2002, octobre 1998.

([10])      Supra, note 7.

([11])      Marcelo F. Aebi, Martin Killias et Denis Ribeau, « Prescription médicale de stupéfiants et délinquance : Résultats des essais suisses », Criminologie, vol. 32, no 2, 1999, p. 127-148.

([12])      Pour plus d’information sur cette initiative, voir le site Web de Jeunesse sans drogue à l’adresse http://www.jod.ch/f_fr_index.htm.

([13])      Pour plus d’information sur cette initiative, voir le site Web de DroLeg à l’adresse www.droleg.ch.

([14])      Supra, note 5, p. 10.

([15])      Supra, note 3, p. 75-80.

([16])      Supra, note 9, p. 5.

([17])      L’OEDT coordonne un réseau de 15 centres d’information, ou points focaux nationaux, situés dans chacun des États membres.  Pour plus d’information voir le site Web de l’OEDT à l’adresse http://www.emcdda.org/mlp/ms_fr-4.shtml.

([18])      La Conférence des délégués cantonaux se réunit en général quatre fois par an.  Elle coordonne des mesures relevant du domaine des toxicomanies, établit un programme annuel et catalogue des priorités; vise à l’échange d’informations; débat et adopte des prises de position et répond aux consultations; définit et discute des questions connexes; et offre des sessions de perfectionnement.  Voir http://www.infoset.ch/inst/kkbs/f-statuten.html.  Le comité national est formé de représentants des autorités des villes, des cantons et de la Confédération.  Son rôle est d’assurer le suivi des mesures mises en œuvre et veiller à leur harmonisation.

([19])      Supra, note 9, p. 6-7.

([20])      Supra, note 5, p. 15.

([21])      Ibid.

([22])      Ibid., p.16.

([23])      Ibid., p. 16-17.

([24])      Office fédéral de la santé publique, The Swiss drug policy:  A fourfold approach with special consideration of the medical prescription of narcotics, mars, 1999, p. 7.

([25])      Supra, note 5, p. 19.

([26])      Ibid., p. 18-19.

([27])      Ibid., p. 20-21.

([28])      Ibid., p. 21.

([29])      Conseil fédéral suisse, Message concernant la révision de la loi sur les stupéfiants du 9 mars 2001.

([30])      Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951.  (État le 27 novembre 2001) disponible en ligne à l’adresse http://www.admin.ch/ch/f/rs/812_121/index.html#fn1.  On trouvera les articles pertinents de cette loi à l’annexe A.

([31])      Nouvelle dénomination sur les produits thérapeutiques, en vigueur depuis le 1er janvier 2002.

([32])      Tribunal fédéral, L’organisation judiciaire en Suisse, disponible en ligne à l’adresse

            http://www.bger.ch/index.cfm?language=french&area=Federal&theme=system&page=content&maskid=195.

([33])      Office fédéral de la police, Un aperçu de l’OFP, disponible en ligne à l’adresse

            http://www.bap.admin.ch/f/index.htm.

([34])      Office fédéral de la police, Exploitation définitive de la banque de données en matière de drogue DOSIS, 26 juin 1996, disponible en ligne à l’adresse http://www.bap.admin.ch/f/index.htm.

([35])      Office fédéral de la police, Situation Suisse : Rapport de situation 2000, Service d’analyse et de prévention, 2001, disponible en ligne à l’adresse http://www.bap.admin.ch/f/index.htm.

([36])      Ibid., p. 7.

([37])      Selon un communiqué de l’Office fédéral de la police, les pilules thaïes renferment de la métamphétamine et leur structure est proche de celle de l’ecstasy.  Elles proviennent de Thaïlande, où elles sont connues sous le nom de « Yaba » (drogue qui rend fou).  Les tablettes sont marquées des deux lettres « WY » et sentent la vanille.  La substance est généralement fumée, à l’aide d’une feuille d’aluminium, ou absorbée.  Le risque de dépendance chez les personnes absorbant le produit en le fumant est au moins trois fois plus élevé que chez les consommateurs d’ecstasy.  Cette drogue est un puissant excitant dont les effets peuvent être comparés à ceux du crack, à l’exception près qu’ils durent plus longtemps.  La consommation de ces pilules peut provoquer des dommages physiques et psychiques irréparables (pertes de mémoire, dépressions).  Elle peut également causer des hallucinations paranoïaques et des accès de violence et entraîne une dépendance psychique plus rapidement que l’ecstasy.

([38])      Supra, note 35, p. 17-37

([39])      Ibid., p. 18-19.

([40])      Ibid., p. 20-23.

([41])      Ibid., p. 20-27.

([42])      Ibid., p. 27-30.

([43])      Ibid., p. 31-32.

([44])      Ibid., p. 33-36.

([45])      Office fédéral de la santé publique, Données statistiques sur la drogue, 2001, disponible en ligne à l’adresse http://www.bag.admin.ch/sucht/epi/f/facts.htm.

([46])      Willy Oggier, Coûts de la pénalisation de la consommation de stupéfiants et de ses actes préparatoires – Résumé, avril 1999, disponible en ligne à l’adresse

            http://www.infoset.ch/f/actualite/revision/990423_Oggier.htm.

([47])      Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants, Aspects de la situation et de la politique en matière de drogue en Suisse : Rapport de la Sous-commission « drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants, Office fédéral de la santé publique, Berne, juin 1989.

([48])      Ibid., p. 1.

([49])      Ibid., p. 2.

([50])      Ibid., p. 2-3.

([51])      Ibid.,p. 55.

([52])      Ibid., p. 78.

([53])      Ibid., p. 83.

([54])      Ibid., p. 5-6.

([55])      Ibid., p. 92-93.

([56])      Ibid., p. 100-102.

([57])      Ibid., p. 106.

([58])      Ibid., p. 50.

([59])      Ibid., p. 78-79.

([60])      Supra, note 3, p. 59.

([61])      Commission d’experts pour la Révision de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants, Rapport de la Commission d’experts pour la Révision de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants à l’attention de la cheffe du Département fédéral de l’intérieur, Office fédéral de la santé publique, Berne, février 1996.

([62])      Ibid., p. 9.

([63])      Ibid., p. 24.

([64])      Ibid., p. 10.

([65])      Ibid., p. 20.

([66])      Ibid., p. 11.

([67])      Ibid., p. 25.

([68])      Ibid.,p. 30.

([69])      Ibid., p. 54-57.

([70])      Ibid., p. 69-71.

([71])      Sous-commission « Drogue » de la Commission fédérale des stupéfiants, Scénarios pour une politique de la drogue, Office fédéral de la santé publique, juin 1996.

([72])      Ibid., p. 4.

([73])      Ibid., p. 5.

([74])      Ibid., p. 6.

([75])      Ibid., p. 70-71.

([76])      Ibid., p. 67-72.

([77])      Commission fédérale pour les questions liées aux drogues, Rapport sur le Cannabis, Office fédéral de la santé publique, Berne, septembre 1999, disponible en ligne à l’adresse

            http://www.bag.admin.ch/sucht/politik/drogen/f/revbetmg/cannabisf.pdf.

([78])      Ibid., p. 7-10.

([79])      Ibid., p. 17.

([80])      Ibid., p. 21.

([81])      Ibid., p. 23.

([82])      Ibid., p. 24-29.

([83])      Ibid., p. 43-44.

([84])      Ibid., p. 100.

([85])      Ibid., p. 101-102.

([86])      Supra, note 29.

([87])      Ibid.

([88])      Office fédéral de la santé publique, Le Conseil fédéral approuve le message relatif à la révision de la loi sur les stupéfiants (LStup) : Innovations dans le domaine du cannabis, 9 mars 2001, disponible en ligne à l’adresse http://www.bag.admin.ch/dienste/medien/2001/f/01030903.htm.

([89])      Supra, note 5, p. 28-29.

([90])      Supra, note 45.

([91])      Cette donnée diffère légèrement du nombre de dénonciations présenté à la p. 18 (3 711) car elle provient d’une source différente.  Cependant, dans les deux cas, on note un accroissement important des dénonciations entre 1991 et 1999.

([92])      Supra, note 5, p. 29.

([93])      Ibid.

([94])        Nouvelle dénomination sur les produits thérapeutiques, en vigueur depuis le 1er janvier 2002.

([95])        Office fédéral de la police, Situation Suisse : Rapport de situation 2000, Service d’analyse et de prevention, 2001, p. 46.

([96])        Source : Office fédéral de la Statistique, document préparé à la demande de l’auteur, 2002.

 

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