L’édifice du Sénat du Canada et une tragédie ferroviaire liée à celle du Titanic
En février 2019, le Sénat a déménagé à l’édifice du Sénat du Canada, une ancienne gare ferroviaire construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.
Bien que l’édifice du Centre soit fermé pendant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.
Le 1er juin 1912 a été inaugurée la gare centrale du Grand Trunk, aujourd’hui l’édifice du Sénat du Canada. L’intention était de faire d’Ottawa une destination touristique de choix et une capitale digne de rivaliser avec Washington, Paris ou Berlin.
Mais il manquait une personne.
Charles Melville Hays, président du chemin de fer du Grand Trunk, avait dirigé le projet. Selon l’idée qu’il s’en faisait, l’élégante et classique gare ferroviaire et le luxurieux Château Laurier de l’autre côté de la rue seraient les joyaux d’un empire ferroviaire transcontinental constitué d’hôtels, à la construction duquel s’affairait la plus grosse compagnie ferroviaire en Amérique du Nord, qui voulait se tailler une place dans l’industrie touristique en plein essor au Canada.
Cependant, deux mois avant le jour de l’inauguration, Hays s’est rendu en Angleterre par bateau pour y acheter des meubles pour la salle à manger de l’hôtel et solliciter des fonds pour l’expansion du Grand Trunk vers l’Ouest.
En Angleterre, Hays a rencontré un ami, J. Bruce Ismay, président de la White Star Line, qui entrevoyait des traversées océaniques sur de somptueux navires de ligne. Il a offert à Hays et à sa famille une suite de luxe sur le pont promenade du plus gros paquebot jamais construit : le tout nouveau Titanic.
Quatre jours après avoir quitté le port, le Titanic a heurté un iceberg à 700 kilomètres au sud-est de Terre-Neuve. Hays a aidé sa femme et sa fille à prendre place à bord de l’un des 20 canots de sauvetage tandis que lui, son gendre et son secrétaire sont restés derrière.
Le navire a sombré deux heures plus tard, les emportant tous trois, ainsi que 1 500 autres passagers.
Sans Hays à la barre, le projet du Grand Trunk, dont on avait dépassé les possibilités financières, a commencé à battre de l’aile. En 1919, le gouvernement fédéral a pris possession du réseau et l’a fusionné au chemin de fer Canadien National.
La gare du Grand Trunk d’Ottawa, rebaptisée la gare Union, continue d’accueillir les passagers pendant près d’un demi-siècle. En 1966, dans le cadre d’un vaste plan d’embellissement de la capitale, la Commission de la capitale nationale fait construire une nouvelle gare à l’extrémité est de la ville et retire la voie ferrée le long du canal Rideau pour la remplacer par une promenade panoramique, la promenade du Colonel-By.
La gare du centre-ville désaffectée échappe à la démolition et change de vocation en devenant un centre d’accueil pour les célébrations du centenaire du Canada en 1967. Elle devient le Centre de conférences du gouvernement et accueille les réunions fédérales-provinciales ainsi que les conférences internationales pendant quatre décennies.
Cent dix ans après son inauguration, le chemin de fer du Grand Trunk représente un chapitre passablement oublié dans l’histoire du Canada. Mais les monuments inspirés par Charles Melville Hays — l’édifice du Sénat du Canada et le Château Laurier — continuent de faire d’Ottawa l’une des capitales les plus reconnaissables dans le monde.