De ‘Café Daughter’ à sénatrice : L’histoire de Lillian Eva Dyck présentée au CNA
Au cours des années qui ont suivi l’adoption de la Loi de l'immigration chinoise (1885), les provinces et les municipalités ont adopté plusieurs autres politiques discriminatoires à l’endroit des Canadiens d’origine chinoise.
Par exemple, en Saskatchewan, en 1912, le gouvernement provincial souhaitait interrompre l’afflux d’immigrants chinois et craignait que les couples multiraciaux ne menacent la suprématie blanche. Il a donc adopté la Female Employment Act (en anglais seulement). Essentiellement, cette loi empêchait les hommes d’Asie de l’Est d’embaucher des femmes blanches dans leurs entreprises — ce qui a contribué à l’embauche de nombreuses femmes autochtones dans les établissements chinois de la Saskatchewan. Nombre de familles sont nées de ces nouvelles relations.
Café Daughter raconte l’histoire de Lillian Eva Dyck, une brillante étudiante née d’un père Chinois et d’une mère Cri, qui grandit dans une petite ville de la Saskatchewan dans les années 1950. C’est une histoire de lutte et d’identité : alors que Lillian Eva Dyck travaille au café de son père, elle cherche à comprendre pourquoi sa mère lui demande de cacher son héritage cri et tente de réaliser ses rêves malgré le racisme structurel.
Aujourd’hui, la sénatrice Lillian Eva Dyck est présidente du Comité sénatorial des peuples autochtones.
Comment décrieriez-vous les communautés dans lesquelles vous avez grandi ? À quoi ressemblaient les relations entre les différentes communautés ? En tant qu’enfant, comment cela a-t-il contribué à votre sentiment d’identité ?
Nous déménagions souvent. Je suis née à North Battleford, en Saskatchewan, mais nous sommes partis de cet endroit lorsque j’avais environ cinq ans. Par la suite, nous avons surtout vécu dans de petites villes de la Saskatchewan et de l’Alberta; c’était dans le milieu des années 1950.
À cette époque, dans les Prairies, il y avait beaucoup de racisme. Nous nous faisions passer pour des Chinois et nous utilisions seulement le nom de famille de mon père, Quan. Nous étions essentiellement les seuls Chinois en ville. Nous tenions le café chinois local, un type d’établissement présent dans de nombreuses villes des Prairies. En fait, nous étions des étrangers, mais nous faisions également partie de la communauté parce que nous offrions un service. Mon père était très sociable et amical, mais mon frère et moi étions davantage marginalisés en raison de notre différence et parce que nous travaillions. Nous n’avions pas vraiment d’amitiés d’enfance normales.
Il n’y avait pas de membres des Premières Nations dans ces communautés; je n’avais donc alors aucun lien avec eux. À cette époque, la plupart des membres des Premières Nations vivaient toujours dans les réserves. Nous étions donc les seules personnes de la communauté qui n’étaient pas blanches.
Depuis, qu’est-ce qui a changé dans les communautés où vous avez grandi? Qu’est-ce que l’avenir réserve à ces communautés ?
À vrai dire, je ne sais pas ce qui est advenu de ces communautés parce que je n’y suis pas vraiment retournée. Je retourne parfois dans la communauté où ma mère est enterrée en Alberta et la taille de la ville est sensiblement la même. Mais à part ça, je ne sais pas vraiment.
En regardant vers l’avenir, je constate que la société a beaucoup évolué et que le racisme flagrant n’est plus toléré, notamment en raison des lois sur les droits de la personne. Mais il y a toujours du racisme oblique ou subtil, bien entendu.
En tant qu’adulte, comment vous êtes-vous reconnectée à votre héritage cri ? Que diriez-vous à ceux qui sont amenés à parcourir le même chemin aujourd’hui ? Comment cela a-t-il inspiré votre travail en tant que sénatrice ?
La pire chose pour moi a été de me sentir honteuse d’être une « Indienne. » Ma mère était une survivante d’un pensionnat indien et elle nous avait transmis cette honte. De plus, en grandissant, j’ai entendu de nombreuses personnes employer des termes très désobligeants pour parler des Autochtones. Je ne révélais donc jamais mon secret à personne.
Tout cela a laissé un vide en moi. À l’âge adulte, j’ai donc dû trouver pourquoi je ressentais ce sentiment de honte. J’ai commencé à interagir avec différents aînés, qui m’ont enseigné à ne pas avoir honte et à en puiser de la force, parce que c’était cette honte qui m’affaiblissait et qui me rendait plus vulnérable au harcèlement. J’ai dû apprendre à me sentir à l’aise avec cette réalité.
En fait, j’ai envie de rire lorsque je pense à ce qu’un survivant des pensionnats indiens, qui est un véritable personnage, m’a dit : « il faut apprendre à s’endurcir, à maintenir ses positions et à ne pas les laisser gagner. »
Ces expériences m’aident à accomplir mon travail au Sénat. Je me penche souvent sur des problèmes de racisme ou de sexisme, particulièrement lorsqu’ils touchent des femmes autochtones. Une grande partie de mon travail est également axée sur les disparitions et meurtres de femmes et filles autochtones, de même que sur les lois racistes à l’endroit des Chinois, comme la taxe d’entrée. Il s’agit assurément de l’élément central de mon travail au Sénat.
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De ‘Café Daughter’ à sénatrice : L’histoire de Lillian Eva Dyck présentée au CNA
Au cours des années qui ont suivi l’adoption de la Loi de l'immigration chinoise (1885), les provinces et les municipalités ont adopté plusieurs autres politiques discriminatoires à l’endroit des Canadiens d’origine chinoise.
Par exemple, en Saskatchewan, en 1912, le gouvernement provincial souhaitait interrompre l’afflux d’immigrants chinois et craignait que les couples multiraciaux ne menacent la suprématie blanche. Il a donc adopté la Female Employment Act (en anglais seulement). Essentiellement, cette loi empêchait les hommes d’Asie de l’Est d’embaucher des femmes blanches dans leurs entreprises — ce qui a contribué à l’embauche de nombreuses femmes autochtones dans les établissements chinois de la Saskatchewan. Nombre de familles sont nées de ces nouvelles relations.
Café Daughter raconte l’histoire de Lillian Eva Dyck, une brillante étudiante née d’un père Chinois et d’une mère Cri, qui grandit dans une petite ville de la Saskatchewan dans les années 1950. C’est une histoire de lutte et d’identité : alors que Lillian Eva Dyck travaille au café de son père, elle cherche à comprendre pourquoi sa mère lui demande de cacher son héritage cri et tente de réaliser ses rêves malgré le racisme structurel.
Aujourd’hui, la sénatrice Lillian Eva Dyck est présidente du Comité sénatorial des peuples autochtones.
Comment décrieriez-vous les communautés dans lesquelles vous avez grandi ? À quoi ressemblaient les relations entre les différentes communautés ? En tant qu’enfant, comment cela a-t-il contribué à votre sentiment d’identité ?
Nous déménagions souvent. Je suis née à North Battleford, en Saskatchewan, mais nous sommes partis de cet endroit lorsque j’avais environ cinq ans. Par la suite, nous avons surtout vécu dans de petites villes de la Saskatchewan et de l’Alberta; c’était dans le milieu des années 1950.
À cette époque, dans les Prairies, il y avait beaucoup de racisme. Nous nous faisions passer pour des Chinois et nous utilisions seulement le nom de famille de mon père, Quan. Nous étions essentiellement les seuls Chinois en ville. Nous tenions le café chinois local, un type d’établissement présent dans de nombreuses villes des Prairies. En fait, nous étions des étrangers, mais nous faisions également partie de la communauté parce que nous offrions un service. Mon père était très sociable et amical, mais mon frère et moi étions davantage marginalisés en raison de notre différence et parce que nous travaillions. Nous n’avions pas vraiment d’amitiés d’enfance normales.
Il n’y avait pas de membres des Premières Nations dans ces communautés; je n’avais donc alors aucun lien avec eux. À cette époque, la plupart des membres des Premières Nations vivaient toujours dans les réserves. Nous étions donc les seules personnes de la communauté qui n’étaient pas blanches.
Depuis, qu’est-ce qui a changé dans les communautés où vous avez grandi? Qu’est-ce que l’avenir réserve à ces communautés ?
À vrai dire, je ne sais pas ce qui est advenu de ces communautés parce que je n’y suis pas vraiment retournée. Je retourne parfois dans la communauté où ma mère est enterrée en Alberta et la taille de la ville est sensiblement la même. Mais à part ça, je ne sais pas vraiment.
En regardant vers l’avenir, je constate que la société a beaucoup évolué et que le racisme flagrant n’est plus toléré, notamment en raison des lois sur les droits de la personne. Mais il y a toujours du racisme oblique ou subtil, bien entendu.
En tant qu’adulte, comment vous êtes-vous reconnectée à votre héritage cri ? Que diriez-vous à ceux qui sont amenés à parcourir le même chemin aujourd’hui ? Comment cela a-t-il inspiré votre travail en tant que sénatrice ?
La pire chose pour moi a été de me sentir honteuse d’être une « Indienne. » Ma mère était une survivante d’un pensionnat indien et elle nous avait transmis cette honte. De plus, en grandissant, j’ai entendu de nombreuses personnes employer des termes très désobligeants pour parler des Autochtones. Je ne révélais donc jamais mon secret à personne.
Tout cela a laissé un vide en moi. À l’âge adulte, j’ai donc dû trouver pourquoi je ressentais ce sentiment de honte. J’ai commencé à interagir avec différents aînés, qui m’ont enseigné à ne pas avoir honte et à en puiser de la force, parce que c’était cette honte qui m’affaiblissait et qui me rendait plus vulnérable au harcèlement. J’ai dû apprendre à me sentir à l’aise avec cette réalité.
En fait, j’ai envie de rire lorsque je pense à ce qu’un survivant des pensionnats indiens, qui est un véritable personnage, m’a dit : « il faut apprendre à s’endurcir, à maintenir ses positions et à ne pas les laisser gagner. »
Ces expériences m’aident à accomplir mon travail au Sénat. Je me penche souvent sur des problèmes de racisme ou de sexisme, particulièrement lorsqu’ils touchent des femmes autochtones. Une grande partie de mon travail est également axée sur les disparitions et meurtres de femmes et filles autochtones, de même que sur les lois racistes à l’endroit des Chinois, comme la taxe d’entrée. Il s’agit assurément de l’élément central de mon travail au Sénat.