Rencontre avec la Présidente du Sénat Raymonde Gagné
Plus d’un an après avoir être nommée Présidente du Sénat, l’un des postes les plus importants du Parlement, la Présidente Raymonde Gagné avoue qu’elle se pince encore.
Décrite par ses collègues comme « une femme de cœur », elle est la première femme à avoir occupé le poste de rectrice de l’Université de Saint-Boniface à Winnipeg, la première Présidente à être membre de l’Ordre du Canada pendant son mandat et elle a même des compétences en tant que bouchère – résultat de son origine rurale manitobaine.
Découvrez-en plus sur la vie de cette fière Franco-Manitobaine, sur sa carrière dans le domaine de l’éducation et sur son rôle en tant que Présidente du Sénat.
Plus d’un an s’est écoulé depuis votre nomination en tant que Présidente du Sénat le 12 mai 2023. Quels sont quelques-uns des points forts de votre mandat à ce jour?
Je suis une personne qui aime toujours relever de nouveaux défis. Mais représenter le Canada à l’étranger est un domaine entièrement nouveau pour moi. Pouvoir découvrir cet élément, puis me découvrir en tant que personne, en explorant mes capacités, et pouvoir interagir avec tous ces chefs d’État, ça m’impressionne énormément.
De plus, j’ai eu à rendre une décision relative à une question de privilège. Les discussions entourant cette décision m’ont incitée à réfléchir profondément à mon rôle en tant que Présidente pour être en mesure de rendre une décision équilibrée. Cependant, la véritable valeur de cette institution réside dans les gens qui m’entourent et qui m’accompagnent dans la prise de décisions.
Quels sont vos objectifs en tant que Présidente du Sénat?
J’entends exercer un leadership fondé sur le respect des valeurs de notre vénérable institution, en restant fidèle à moi-même et en manifestant une sensibilité à l’égard des autres.
Sur le plan personnel, mes objectifs peuvent évoluer avec le temps, d’autant plus que la durée de mon mandat reste incertaine. J’ai toutefois établi des objectifs en ce qui a trait à la francophonie, notamment de promouvoir la francophonie canadienne et internationale.
Je m’engage aussi à prendre en compte les défis posés par les changements climatiques et par les avancées technologiques, en particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il est important de comprendre davantage leurs portées politiques et géopolitiques.
Vous êtes la troisième femme seulement à accéder à la présidence du Sénat, et la première depuis 1979. Quelle importance est-ce que cela revêt pour vous?
Pour moi, c’est extrêmement important, parce qu’il s’agit d’une question d’équité. La présence d’une femme à la tête d’une institution encourage d’autres femmes à rejoindre l’organisation, notamment les jeunes femmes qui cherchent à lancer leur carrière.
La diversité apportée par la présence des femmes ajoute une valeur. Elle favorise l’innovation, génère des idées variées, et enrichit les connaissances en matière de genre, de race, d’ethnicité et d’orientation sexuelle. Je pense que cette diversité ajoute une valeur inestimable à notre institution.
Est-ce que quelque chose vous a surprise à propos de votre nouveau rôle?
Une des choses qui m’a surprise est le niveau de sécurité nécessaire. J’ai dû ajuster ma routine quotidienne, ce qui a été difficile à accepter parce que j’avais l’habitude de rencontrer librement des gens de ma communauté – on peut m’arrêter longtemps en faisant les épiceries. J’étais à l’aise avec ça. Mais je réalise que le climat est bien différent aujourd’hui, et je dois m’adapter.
Le rythme de travail, notamment dans le travail diplomatique, est évidemment beaucoup plus accéléré. Je prends le temps qu’il faut pour bien me préparer pour ce travail, peut-être pour compenser le manque d’expérience que j’avais dans ce domaine. C’est un défi, mais un beau défi.
Votre rôle se classe au quatrième rang du Tableau de la préséance pour le Canada, derrière le gouverneur général, le premier ministre et le juge en chef du Canada. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie pour vous?
Premièrement, c’est un privilège de servir, mais aussi une source de fierté que je ne peux pas vraiment quantifier. Ce privilège est au cœur de mes activités journalières en tant que Présidente. Même aujourd’hui, je me pince encore lorsque je réalise que je suis assise en Chambre en train de présider.
Cette responsabilité est immense et son poids est palpable. Je suis consciente de l’importance de servir avec intégrité et impartialité. Cela implique de pratiquer une écoute active et de m’engager activement dans la collaboration. Pour favoriser une collaboration efficace, il faut respecter l’opinion des gens.
En tant que Présidente, vous assumez un rôle diplomatique, qui consiste notamment à diriger des délégations parlementaires à l’étranger et à accueillir des dirigeants étrangers au Canada. Quelle est la valeur de la diplomatie parlementaire et comment pouvez-vous y contribuer en tant que Présidente du Sénat?
Lorsque nous prenons du recul pour observer les événements mondiaux, notamment les pays en difficulté, qui craignent de perdre leur souveraineté, et les peuples en guerre, nous réalisons l’impact de ces situations sur le Canada. Dans ce contexte, il est crucial de nourrir la diplomatie interparlementaire. La promotion du dialogue et la prévention des conflits sont essentielles. En tant que nation, nous devons soutenir les efforts pour trouver des solutions et favoriser la collaboration.
Nous sommes confrontés à de nombreux défis politiques et la diplomatie interparlementaire incite la collaboration et améliore l’entente mutuelle.
Vous avez travaillé dans l’édifice du Centre avant sa fermeture, en 2019, pour des travaux de réhabilitation. Parlez-nous de l’un de vos bons souvenirs dans cet édifice?
Ce que j’appréciais particulièrement, c’était d’être à proximité de la Chambre des communes. Nous avons perdu cette possibilité de nous croiser et d’échanger avec nos collègues parlementaires. À mon avis, c’est l’une des grandes pertes dues à notre déménagement. Mais je sais que c’est temporaire.
Un autre élément qui me manque, c’est l’écho de l’édifice. Quand je suis rentrée dans la Chambre dans l’édifice du Centre, j’entendais les gens marcher et les voix autour de nous. Cet écho est symbolique à bien des égards. Il nous rappelle que nous ne sommes pas seuls, mais que nous travaillons en communauté, au service du bien commun.
Vous êtes aussi une grande voyageuse. Vous avez visité à peu près 30 pays et mis pied sur presque tous les continents. Avez-vous des anecdotes à nous raconter?
En 2007, après le décès de mon mari, une amie m’a encouragée à voyager, et j’ai décidé de visiter les îles Galapagos avec elle. En tant qu’enseignante de biologie, j’ai toujours été fascinée par la théorie de l’évolution de Charles Darwin. J’avais lu son livre et assisté à des expositions sur le sujet. Pour moi, ce voyage était une étape importante, car j’éprouvais le besoin de continuer à explorer; je ne pouvais pas rester stagnante. C’était un moment charnière.
Je me suis dit que je devais sortir de ma zone de confort – c’était toujours dans mes pensées. Avec mon partenaire actuel, qui aime également découvrir de nouveaux horizons, nous sommes allés en Inde et au Japon. Ce sont les expériences que je chéries, parce que nous partions pour des pays qui sont complètement différents.
Vous avez grandi sur une ferme dans la campagne manitobaine, cadette d’une famille de neuf enfants. Comment votre enfance a-t-elle façonné votre personnalité?
Quand on vit sur une ferme, toute la famille participe aux travaux, que ce soit de traire les vaches ou de soigner les poules et les cochons, ou encore, de s’occuper des grands jardins et des champs. Je participais même à la boucherie. Je n’ai pas froid aux yeux. Ces expériences m’ont enseigné l’importance d’être engagée aux travaux et d’être organisée.
J’aime beaucoup travailler en plein air. J’adorais travailler, et j’aimais être dehors. Le plein air a toujours été vraiment important parce que c’est un lieu de ressourcement. Mon mari et moi aimions partir en canot, avec nos sacs à dos remplis de provisions, pour explorer les régions du Manitoba et de l’Ouest de l’Ontario.
Je suis profondément fière de mes racines qui remontent à St-Pierre-Jolys et à Saint-Joseph, au Manitoba, où mes ancêtres, les familles Gagné-Hirbour, Joubert, Delorme et Fontaine, se sont installées au 19e siècle. Ma famille et moi avons compilé leurs histoires dans un livre qu’on appelle « Une histoire de cœur ».
C’est ce bagage historique, familial et personnel qui continue de me guider au Sénat.
Vous êtes une fière Franco-Manitobaine qui se passionne pour les communautés francophones minoritaires du Canada. Comment célébrez-vous votre identité francophone?
J’ai toujours eu à cœur de contribuer au développement de ma communauté. Je me suis engagée à m’impliquer tout au long de ma carrière, soit en tant que membre de conseils d’administration ou en participant à diverses initiatives. Pour moi, c’est important d’être impliquée plutôt que de simplement être spectatrice.
C’est aussi important de célébrer notre francophonie, d’avoir des occasions pour se rencontrer et d’échanger. Il faut aussi promouvoir la francophonie manitobaine, la francophonie de l’Ouest canadien et la francophonie canadienne.
Apprenez-en davantage sur la Présidente du Sénat Raymonde Gagné dans cet article sur SenCAplus
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Décrite par ses collègues comme « une femme de cœur », elle est la première femme à avoir occupé le poste de rectrice de l’Université de Saint-Boniface à Winnipeg, la première Présidente à être membre de l’Ordre du Canada pendant son mandat et elle a même des compétences en tant que bouchère – résultat de son origine rurale manitobaine.
Découvrez-en plus sur la vie de cette fière Franco-Manitobaine, sur sa carrière dans le domaine de l’éducation et sur son rôle en tant que Présidente du Sénat.
Plus d’un an s’est écoulé depuis votre nomination en tant que Présidente du Sénat le 12 mai 2023. Quels sont quelques-uns des points forts de votre mandat à ce jour?
Je suis une personne qui aime toujours relever de nouveaux défis. Mais représenter le Canada à l’étranger est un domaine entièrement nouveau pour moi. Pouvoir découvrir cet élément, puis me découvrir en tant que personne, en explorant mes capacités, et pouvoir interagir avec tous ces chefs d’État, ça m’impressionne énormément.
De plus, j’ai eu à rendre une décision relative à une question de privilège. Les discussions entourant cette décision m’ont incitée à réfléchir profondément à mon rôle en tant que Présidente pour être en mesure de rendre une décision équilibrée. Cependant, la véritable valeur de cette institution réside dans les gens qui m’entourent et qui m’accompagnent dans la prise de décisions.
Quels sont vos objectifs en tant que Présidente du Sénat?
J’entends exercer un leadership fondé sur le respect des valeurs de notre vénérable institution, en restant fidèle à moi-même et en manifestant une sensibilité à l’égard des autres.
Sur le plan personnel, mes objectifs peuvent évoluer avec le temps, d’autant plus que la durée de mon mandat reste incertaine. J’ai toutefois établi des objectifs en ce qui a trait à la francophonie, notamment de promouvoir la francophonie canadienne et internationale.
Je m’engage aussi à prendre en compte les défis posés par les changements climatiques et par les avancées technologiques, en particulier dans le domaine de l’intelligence artificielle. Il est important de comprendre davantage leurs portées politiques et géopolitiques.
Vous êtes la troisième femme seulement à accéder à la présidence du Sénat, et la première depuis 1979. Quelle importance est-ce que cela revêt pour vous?
Pour moi, c’est extrêmement important, parce qu’il s’agit d’une question d’équité. La présence d’une femme à la tête d’une institution encourage d’autres femmes à rejoindre l’organisation, notamment les jeunes femmes qui cherchent à lancer leur carrière.
La diversité apportée par la présence des femmes ajoute une valeur. Elle favorise l’innovation, génère des idées variées, et enrichit les connaissances en matière de genre, de race, d’ethnicité et d’orientation sexuelle. Je pense que cette diversité ajoute une valeur inestimable à notre institution.
Est-ce que quelque chose vous a surprise à propos de votre nouveau rôle?
Une des choses qui m’a surprise est le niveau de sécurité nécessaire. J’ai dû ajuster ma routine quotidienne, ce qui a été difficile à accepter parce que j’avais l’habitude de rencontrer librement des gens de ma communauté – on peut m’arrêter longtemps en faisant les épiceries. J’étais à l’aise avec ça. Mais je réalise que le climat est bien différent aujourd’hui, et je dois m’adapter.
Le rythme de travail, notamment dans le travail diplomatique, est évidemment beaucoup plus accéléré. Je prends le temps qu’il faut pour bien me préparer pour ce travail, peut-être pour compenser le manque d’expérience que j’avais dans ce domaine. C’est un défi, mais un beau défi.
Votre rôle se classe au quatrième rang du Tableau de la préséance pour le Canada, derrière le gouverneur général, le premier ministre et le juge en chef du Canada. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela signifie pour vous?
Premièrement, c’est un privilège de servir, mais aussi une source de fierté que je ne peux pas vraiment quantifier. Ce privilège est au cœur de mes activités journalières en tant que Présidente. Même aujourd’hui, je me pince encore lorsque je réalise que je suis assise en Chambre en train de présider.
Cette responsabilité est immense et son poids est palpable. Je suis consciente de l’importance de servir avec intégrité et impartialité. Cela implique de pratiquer une écoute active et de m’engager activement dans la collaboration. Pour favoriser une collaboration efficace, il faut respecter l’opinion des gens.
En tant que Présidente, vous assumez un rôle diplomatique, qui consiste notamment à diriger des délégations parlementaires à l’étranger et à accueillir des dirigeants étrangers au Canada. Quelle est la valeur de la diplomatie parlementaire et comment pouvez-vous y contribuer en tant que Présidente du Sénat?
Lorsque nous prenons du recul pour observer les événements mondiaux, notamment les pays en difficulté, qui craignent de perdre leur souveraineté, et les peuples en guerre, nous réalisons l’impact de ces situations sur le Canada. Dans ce contexte, il est crucial de nourrir la diplomatie interparlementaire. La promotion du dialogue et la prévention des conflits sont essentielles. En tant que nation, nous devons soutenir les efforts pour trouver des solutions et favoriser la collaboration.
Nous sommes confrontés à de nombreux défis politiques et la diplomatie interparlementaire incite la collaboration et améliore l’entente mutuelle.
Vous avez travaillé dans l’édifice du Centre avant sa fermeture, en 2019, pour des travaux de réhabilitation. Parlez-nous de l’un de vos bons souvenirs dans cet édifice?
Ce que j’appréciais particulièrement, c’était d’être à proximité de la Chambre des communes. Nous avons perdu cette possibilité de nous croiser et d’échanger avec nos collègues parlementaires. À mon avis, c’est l’une des grandes pertes dues à notre déménagement. Mais je sais que c’est temporaire.
Un autre élément qui me manque, c’est l’écho de l’édifice. Quand je suis rentrée dans la Chambre dans l’édifice du Centre, j’entendais les gens marcher et les voix autour de nous. Cet écho est symbolique à bien des égards. Il nous rappelle que nous ne sommes pas seuls, mais que nous travaillons en communauté, au service du bien commun.
Vous êtes aussi une grande voyageuse. Vous avez visité à peu près 30 pays et mis pied sur presque tous les continents. Avez-vous des anecdotes à nous raconter?
En 2007, après le décès de mon mari, une amie m’a encouragée à voyager, et j’ai décidé de visiter les îles Galapagos avec elle. En tant qu’enseignante de biologie, j’ai toujours été fascinée par la théorie de l’évolution de Charles Darwin. J’avais lu son livre et assisté à des expositions sur le sujet. Pour moi, ce voyage était une étape importante, car j’éprouvais le besoin de continuer à explorer; je ne pouvais pas rester stagnante. C’était un moment charnière.
Je me suis dit que je devais sortir de ma zone de confort – c’était toujours dans mes pensées. Avec mon partenaire actuel, qui aime également découvrir de nouveaux horizons, nous sommes allés en Inde et au Japon. Ce sont les expériences que je chéries, parce que nous partions pour des pays qui sont complètement différents.
Vous avez grandi sur une ferme dans la campagne manitobaine, cadette d’une famille de neuf enfants. Comment votre enfance a-t-elle façonné votre personnalité?
Quand on vit sur une ferme, toute la famille participe aux travaux, que ce soit de traire les vaches ou de soigner les poules et les cochons, ou encore, de s’occuper des grands jardins et des champs. Je participais même à la boucherie. Je n’ai pas froid aux yeux. Ces expériences m’ont enseigné l’importance d’être engagée aux travaux et d’être organisée.
J’aime beaucoup travailler en plein air. J’adorais travailler, et j’aimais être dehors. Le plein air a toujours été vraiment important parce que c’est un lieu de ressourcement. Mon mari et moi aimions partir en canot, avec nos sacs à dos remplis de provisions, pour explorer les régions du Manitoba et de l’Ouest de l’Ontario.
Je suis profondément fière de mes racines qui remontent à St-Pierre-Jolys et à Saint-Joseph, au Manitoba, où mes ancêtres, les familles Gagné-Hirbour, Joubert, Delorme et Fontaine, se sont installées au 19e siècle. Ma famille et moi avons compilé leurs histoires dans un livre qu’on appelle « Une histoire de cœur ».
C’est ce bagage historique, familial et personnel qui continue de me guider au Sénat.
Vous êtes une fière Franco-Manitobaine qui se passionne pour les communautés francophones minoritaires du Canada. Comment célébrez-vous votre identité francophone?
J’ai toujours eu à cœur de contribuer au développement de ma communauté. Je me suis engagée à m’impliquer tout au long de ma carrière, soit en tant que membre de conseils d’administration ou en participant à diverses initiatives. Pour moi, c’est important d’être impliquée plutôt que de simplement être spectatrice.
C’est aussi important de célébrer notre francophonie, d’avoir des occasions pour se rencontrer et d’échanger. Il faut aussi promouvoir la francophonie manitobaine, la francophonie de l’Ouest canadien et la francophonie canadienne.
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