Le comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide
De la vie et de la mort - Rapport final
Juin 1995
Table des matières
Chapitre III - Les soins palliatifs
Chapitre IV - Les pratiques en matière de traitement de la douleur et de sédation
Chapitre V - L'abstention et l'interruption de traitement de survie
Chapitre VI - Les directives préalables
Chapitre VII - L'aide au suicide
Annexes
Annexe A - Témoins entendus aux audiences publiques
Annexe C - Documentation fournie au Comité
Annexe D - Chronologie des faits marquants survenus au Canada
Annexe E - Mesures législatives déjà présentées au Parlement
Annexe F - Articles pertinents du Code criminel et du Code civil du Québec
Annexe G - Modifications législatives : quelques propositions
Annexe H - Modalités suggérées
Annexe I - Lignes directrices de la Colombie-Britannique
Annexe J - Dispositions législatives concernant les directives préalables au Canada
Annexe K - Sources de modèles de directives
Annexe L - Résumés de quelques décisions de tribunaux canadiens
Annexe M - Les soins palliatifs au Canada
Annexe N - Rapports récents d'autorités étrangères
Annexe O - Décisions médicales concernant la mort aux Pays-Bas
Annexe P - L'aide au suicide et l'euthanasie dans d'autres pays
Membres du Comité
L'honorable Joan B. Neiman, c.r., présidente
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux, vice-présidente
Les honorables sénateurs :
Gérald-A. Beaudoin, c.r.
Sharon Carstairs
Eymard G. Corbin
Mabel M. DeWare
Wilbert J. Keon
*Joyce Fairbairn (ou Alasdair B. Graham)
*John Lynch-Staunton (ou Eric A. Berntson)
Dont la nomination a été approuvée en vertu d'une motion du Sénat :
Les honorables sénateurs :
Beaudoin, DeWare, Gigantès, Keon, Lavoie-Roux, Neiman, Perrault, <R>*Fairbairn (ou Molgat), *Lynch Staunton (ou Berntson),
Autres sénateurs ayant participé aux travaux du Comité :
Les honorables sénateurs :
Cochrane, Cools, Desmarais, Grafstein, Haidasz, Johnson, Kinsella, Lucier, <R>Marchand, Molgat, Nolin, Rossiter, Stratton, Watt
* Membres d'office
Ordres de renvoi
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 23 février 1994 :
"L'honorable sénateur Joan Neiman propose, appuyée par l'honorable sénateur Lavoie-Roux:
QU'un comité spécial du Sénat soit formé pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions juridiques, sociales et éthiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté;
QUE, nonobstant l'article 86(1)b) du Règlement, les honorables sénateurs Beaudoin, DeWare, Gigantès, Keon, Lavoie-Roux, Neiman et Perrault composent ce comité spécial et que le quorum soit constitué de trois membres;
QUE le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, de faire rapport de temps à autre et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité; et
QUE le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 15 décembre 1994.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Gordon L. Barnhart<R>Greffier du Sénat
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 29 novembre 1994 :
"... la date de présentation de son rapport soit reportée du 15 décembre 1994 au 15 mars 1995, au plus tard, et que le Comité conserve tous les pouvoirs nécessaires pour faire connaître les conclusions du Comité formulées dans son rapport final, jusqu'au 30 mars 1995.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Paul C. Bélisle<R>Greffier du Sénat
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 1er mars 1995 :
" QUE, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mardi 29 novembre 1994, le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté, autorisé à examiner les questions juridiques, sociales et éthiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 10 mai 1995, et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 24 mai 1995.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Paul C. Bélisle<R>Greffier du Sénat
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 6 avril 1995 :
"QUE le nom du Comité spécial sur l'euthanasie et le suicide assisté soit modifié en français et soit désormais 'Comité spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide'.
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Paul C. Bélisle<R>Greffier du Sénat
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 4 mai 1995 :
"QUE, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mercredi 1er mars 1995, le Comité spécial sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, autorisé à examiner les questions juridiques, sociales et éthiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 31 mai 1995, et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 14 juin 1995.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Paul C. Bélisle<R>Greffier du Sénat
Extrait des Procès-verbaux du Sénat du 25 mai 1995 :
"QUE, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le jeudi 4 mai 1995, le Comité spécial sénatorial sur l'euthanasie et l'aide au suicide, autorisé à examiner les questions juridiques, sociales et éthiques liées à l'euthanasie et au suicide assisté, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 7 juin 1995, et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final, et ce jusqu'au 21 juin 1995.
Après débat,
La motion, mise aux voix, est adoptée."
Paul C. Bélisle<R>Greffier du Sénat
Remerciements
L'étude effectuée par le Comité sénatorial spécial n'aurait pas été possible sans la participation d'un grand nombre de personnes. Tout d'abord, les membres dévoués de notre petit comité, qui pour la plupart en font partie depuis sa mise sur pied en février 1994, ont travaillé sans relâche. D'autres collègues sont venus écouter les témoins, parfois nous offrir avis et conseils et, à l'occasion, remplacer temporairement l'un de nous. Tous les membres ont accompli les tâches très exigeantes de ce comité en sus de leurs autres responsabilités au Sénat et à d'autres comités.
Le Comité a travaillé dans une atmosphère absolument dénuée de partisanerie. Chaque membre avait au départ ses propres opinions sur les questions juridiques, sociales, morales et autres que nous avons abordées, mais le groupe est néanmoins parvenu à s'entendre sur un bon nombre de points importants. Il importe de signaler que là où nous avons convenu qu'un accord n'était pas possible, nous avons décidé d'exposer et d'expliquer très clairement ces divergences, en espérant que, de cette façon, les lecteurs seraient à même de mieux cerner les différents arguments présentés.
Tous nos collègues du Sénat, et en particulier ses dirigeants, méritent notre reconnaissance non seulement pour nous avoir confié ce mandat, mais aussi pour avoir fourni l'appui et les ressources nécessaires à notre étude.
Ce rapport doit beaucoup aux particuliers et aux organisations qui ont comparu devant le Comité, souvent malgré un court préavis, pour nous faire profiter de leur expérience et de leurs connaissances.
Le Comité a reçu des milliers de lettres et même des mémoires détaillés de personnes préoccupées par le sujet ainsi que de professionnels intéressés à divers aspects de notre étude. Toutes leurs observations et recommandations ont été prises en considération.
Les membres du personnel, Gary Levy, le greffier du Comité, Michel Patrice et Cathy Piccinin, n'ont pas compté leurs heures et nous ont assuré un excellent service.
Le Comité a également eu la chance de bénéficier des services de Jocelyn Downie; grâce à son bagage juridique et à son expérience des soins de santé, Jocelyn nous a conseillés sur les meilleures sources d'information et sur la façon de colliger les renseignements pour que le public puisse en tirer parti. Elle a préparé la première ébauche du rapport, laquelle a été révisée et étoffée par Mollie Dunsmuir, notre conseillère juridique du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement. Le Comité tient à remercier de façon spéciale Deborah Palumbo, mon adjointe juridique, qui a rédigé et révisé la version finale du rapport. Elle a été appuyée dans cette tâche par les adjoints des autres membres du Comité, Jacqui Drope, Pierre Thibault, René Leduc et John Terry, qui ont proposé des modifications ou des ajouts pertinents au texte. Courtney Tower a prêté son concours en ce qui concerne la réécriture et les médias.
Le Comité tient à remercier tout particulièrement Jacques Dubé, responsable de la traduction et de la production du rapport en français.
Au cours des audiences, sept bulletins ont été diffusés à tous les témoins, aux médias, y compris les hebdomadaires et les stations de radio, et à tous ceux qui ont manifesté de l'intérêt envers notre étude. Marie-Claude LaRose en a assumé la préparation.
Le Comité a travaillé de longues heures pendant de nombreuses fins de semaines et souvent tard en soirée, et il a dû faire appel aux services d'un grand nombre de sténographes du hansard, d'interprètes, de traducteurs, de messagers, de techniciens et d'employés de soutien grâce auxquels son travail s'est déroulé sans heurts. Nous leur en savons gré.
Pour mieux comprendre la situation qui règne aux Pays-Bas en matière d'euthanasie et d'aide au suicide, le Comité a tenu une vidéoconférence d'une journée avec un certain nombre de témoins de là-bas. Nous exprimons notre gratitude à tous ceux qui ont participé à ce qui s'est avéré une première expérience très réussie pour le Sénat.
Le processus a été long et méticuleux. En tant que présidente du Comité, je tiens à témoigner ma reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à le mener à bien.
Merci !
Joan B. Neiman, c.r.
Recommandations
Chapitre III Les soins palliatifs
Le Comité recommande :
que les gouvernements accordent une grande priorité aux programmes de soins palliatifs dans la restructuration du système de santé;
qu'on poursuive l'élaboration et la mise en oeuvre de lignes directrices et de normes nationales;
qu'on améliore la formation des professionnels de la santé dans tous les aspects des soins palliatifs;
qu'on adopte une approche intégrée des soins palliatifs. Il faut coordonner les services fournis afin de les rendre le plus efficaces possible, qu'ils soient dispensés à domicile, dans des centres autonomes ou en établissement, avec l'aide de bénévoles. Les services de répit doivent en constituer un élément essentiel;
qu'on intensifie la recherche dans le domaine des soins palliatifs, notamment en ce qui concerne le soulagement de la douleur et des symptômes.
Chapitre IV Les pratiques en matière de traitement de la douleur et de sédation
Le Comité recommande :
que le Code criminel soit modifié afin de clarifier la situation concernant l'administration d'un traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie;
que la division de Santé Canada chargée de la protection et de la promotion de la santé élabore, en collaboration avec les provinces, les territoires et les associations nationales de professionnels de la santé, des lignes directrices et des normes sur l'administration de traitements visant à atténuer la souffrance mais susceptibles d'abréger la vie;
que la formation de tous les professionnels de la santé en matière de traitement de la douleur soit élargie et améliorée;
que la division de Santé Canada chargée de la protection et de la promotion de la santé élabore, en collaboration avec les provinces, les territoires et les associations nationales de professionnels de la santé, des lignes directrices et des normes sur la pratique de la sédation complète des patients;
que le gouvernement fédéral, en collaboration avec les provinces et les territoires, réalise une étude pour déterminer avec quelle fréquence et dans quelles conditions se pratique la sédation complète.
Chapitre V L'Abstention et l'interruption de traitement de survie
Le Comité recommande :
qu'on modifie le Code criminel et qu'on adopte les dispositions législatives nécessaires pour reconnaître explicitement et clarifier les circonstances dans lesquelles l'abstention et l'interruption de traitement de survie sont légalement acceptables. On devrait prendre en considération les critères énoncés dans le présent chapitre, à la rubrique «Délibérations du Comité»;
que la division de Santé Canada responsable de la protection et de la promotion de la santé, en consultation avec les provinces, les territoires et les associations professionnelles intéressées, établisse des lignes directrices régissant l'abstention et l'interruption de traitement de survie;
que les lignes directrices professionnelles soient modifiées en fonction de ces recommandations, du nouveau texte du Code criminel et des lignes directrices nationales;
que le ministère fédéral de la Santé, en collaboration avec les provinces et les territoires, parraine une campagne nationale pour informer le public de ses droits relativement au refus d'un traitement de survie;
qu'on effectue une étude en vue de déterminer la fréquence des abstentions et interruptions de traitement ainsi que les conditions dans lesquelles elles sont pratiquées par suite de l'application des lignes directrices et dispositions législatives proposées.
Chapitre VI Les directives préalables
Le Comité recommande :
que les provinces et les territoires qui ne l'ont pas encore fait adoptent des mesures législatives concernant les directives préalables;
que les provinces et les territoires conviennent d'un protocole en vertu duquel les directives préalables établies dans une province ou un territoire seraient reconnues dans les autres.
Chapitre VII L'aide au suicide
Le Comité recommande qu'aucune modification ne soit apportée à l'alinéa 241a) du Code criminel, qui interdit de conseiller le suicide.
Une majorité de membres recommande que l'alinéa 241b) du Code criminel demeure également inchangé.
Une majorité recommande qu'on cherche à déterminer combien de personnes demandent l'aide au suicide, pourquoi, et s'il existe des solutions de rechange qu'elles pourraient trouver acceptables.
Une minorité recommande l'ajout d'une exception à l'alinéa 241b) du Code criminel, afin de protéger la personne qui en aide une autre à se suicider dans la mesure où elle respecte des mesures de sauvegarde clairement définies. Ces mesures devraient comprendre, à tout le moins, les éléments énumérés dans le présent chapitre, à la rubrique «Délibérations du Comité». En outre, afin de prévenir les abus, les mesures de sauvegarde doivent prévoir l'examen du cas avant et après l'acte en question.
Chapitre VIII L'euthanasie
Euthanasie non volontaire
Le Comité recommande :
que l'euthanasie non volontaire demeure une infraction criminelle;
qu'on modifie le Code criminel afin de permettre l'imposition d'une peine moins sévère dans les cas où intervient l'élément essentiel de compassion ou de pitié. Le Parlement devrait envisager les options suivantes :
on pourrait créer une troisième catégorie de meurtre qui entraînerait une peine moins sévère que la peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité; ou
on pourrait créer une infraction distincte d'homicide par compassion qui entraînerait une peine moins sévère.
Les éléments essentiels de compassion ou de pitié doivent être clairement et strictement définis afin de limiter les cas admissibles à une peine moins sévère.
Le Parlement devrait fixer la peine appropriée.
Euthanasie volontaire
Une majorité des membres du Comité recommande que l'euthanasie volontaire demeure une infraction criminelle. On devrait toutefois modifier le Code criminel afin de permettre l'imposition d'une peine moins sévère, semblable à celle prévue pour les cas d'euthanasie non volontaire où intervient l'élément essentiel de compassion ou de pitié.
Une minorité recommande qu'on modifie le Code criminel afin de permettre l'euthanasie volontaire pour les personnes lucides qui sont physiquement incapables de se prévaloir d'une aide au suicide. Cette modification serait assujettie à des mesures de sauvegarde semblables ou identiques aux mesures minimales énoncées dans le chapitre sur l'aide au suicide.
Une minorité recommande en outre que, si l'euthanasie volontaire demeure une infraction criminelle, on modifie le Code criminel afin de permettre l'imposition d'une peine moins sévère, semblable à celle prévue pour l'euthanasie non volontaire.
Le Comité recommande qu'on cherche à déterminer combien de personnes demandent l'euthanasie, pourquoi, et s'il existe des solutions de rechange qu'elles pourraient trouver acceptables.
Euthanasie involontaire