De jeunes autochtones présentent leur vision d'une nouvelle relation avec le Canada
Kayla Bernard se souvient encore des propos racistes des élèves de son école élémentaire qui lui ont souvent été adressés.
Ces propos troublaient aussi sa mère lorsqu’à son retour à la maison, Kayla lui demandait ce qu’ils signifiaient.
« À la fin de ma première année élémentaire, je pouvais citer 10 mots dénigrants pour une personne autochtone qu’une enfant de six ans ne devrait pas connaître », a déclaré cette jeune Mi’kmaw, au pied de la Tour de la Paix, à Ottawa.
La discrimination ne venait pas seulement de ses pairs. Même les enseignants, raconte-t-elle, ne la laissaient pas lire en anglais en première année, parce qu’ils croyaient qu’elle ne saurait pas le faire, puisqu’elle était autochtone. Son père a dû se rendre à l’école et démontrer au personnel enseignant qu’elle était capable de lire l’anglais.
« La cicatrice est profonde. J’ai dû choisir entre une bonne éducation et mon bien-être émotionnel. L’intimidation et le racisme ont causé un traumatisme et des effets durables sur ma santé mentale », a indiqué Kayla.
Malgré l'intimidation, Kayla a prospéré et est maintenant une leader dans sa communauté. La jeune Mi’kmaw de 22 ans d’Halifax étudie em récréothérapie à l’Université Dalhousie et elle siège aussi sur le conseil consultatif des jeunes de Wisdom to Knowledge, une initiative financé par le gouvernement qui vise à promouvoir la bonne santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes vulnérables.
Son travail en lien avec la promotion de la bonne santé mentale chez les jeunes lui a valu une invitation à venir sur la Colline du Parlement pour témoigner devant le Comité sénatorial des peuples autochtones dans le cadre de l’événement ‘Vision autochtone au Sénat,’ le 6 juin 2018.
À l’occasion de la troisième édition de cet événement annuel, de jeunes autochtones de partout au pays ont été invités à partager leur expérience dans leur communauté autochtone et à exposer leur vision quant à une nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, qui constitue le sujet d’une étude du comité.
Huit autres jeunes témoins ont livré des témoignages poignants sur ce qu’est véritablement la vie d’un jeune autochtone au Canada. Le comité a reçu 150 candidatures cette année. Neuf personnes ont été sélectionnés en fonction de leurs réalisations dans leurs communautés et de leur engagement envers le bien-être des peuples autochtones.
La journée a débuté dans le foyer du Sénat, où des sénateurs se sont joints aux jeunes pour former un grand cercle et participer à une cérémonie de la purification par la fumée dirigée par l’aînée Simon Brascoupé, de la Première nation des Anishinabeg de Kitigan Zibi.
Ils ont aussi eu une rencontre privée avec le Président du Sénat, George Furey, dans la Chambre rouge, puis ont discuté en petits groupes avec les sénateurs Diane Bellemare, Larry Smith, Yuen Pau Woo et Joseph Day.
Suite aux témoignages des jeunes, les sénateurs les ont interrogés, notamment sur leurs ambitions personnelles et sur ce que devrait faire le gouvernement fédéral afin d’améliorer la relation entre le Canada et les peuples autochtones.
Des jeunes avaient les larmes aux yeux en décrivant leur traumatisme intergénérationnel ainsi que les problèmes de suicide chez les jeunes et ceux liés à l’itinérance qui sévissent dans les communautés autochtones.
Chacun des jeunes a également eu l’occasion de partager leur réalisation personnelle au sein de leur communauté respective. Rae-Anne Harper, 22 ans, une femme métisse et crie des Plaines, est maintenant présidente du Conseil des jeunes autochtones de l'Association nationale des centres d'amitié où elle a coordonné des camps pour les jeunes autochtones urbains à risque à Lloydminster, en Saskatchewan.
Kieran McMonagle, une mère métisse de 28 ans, a été la première mentor pour étudiants diplômée des Premières nations, des Inuits et des Métis de l'Ontario. Ses efforts ont permis à plus de 50 % des élèves autochtones de terminer leurs études secondaires à Dryden, en Ontario.
Tout au long des témoignages, un thème central a émergé : l’éducation pour, par et sur les autochtones.
Amanda Fredlund, 27 ans, de la nation Tlicho Dene du Manitoba, a indiqué qu'une nouvelle relation permettrait à chaque université canadienne d'offrir un diplôme en langue autochtone. "Cela signifierait différentes langues dans les différentes provinces, bien entendu, mais c'est une chose très excitante", a-t-elle expliqué.
Theoren Swappie, un jeune homme de 18 ans, de la nation Naskapi et Montagnais du Québec, a souligné que les membres de sa communauté sont souvent forcés de partir pour avoir accès à l'éducation, une option qui n’est pas toujours accessible en raison d'un manque d’argent.
Ruth Kaviok, une Inuite de 19 ans du Nunavut, a quant à elle parlé en faveur d’un système d’éducation qui reflète la langue, la culture et les valeurs autochtones.
« Comme nos dirigeants qui ont défendu nos droits au cours de la Révolution tranquille, j’envisage un Arctique où les jeunes vivent en bonne santé, tant mentale que physique », a-t-elle déclaré au comité.
Les membres du comité estiment que cette étude cruciale exige qu’ils aillent à la rencontre des jeunes.
« Ce fut très émouvant d’entendre ces jeunes témoigner et raconter leur expérience personnelle en lien avec leurs traumatismes intergénérationnels et leurs difficultés. Les jeunes autochtones sont au premier plan de cette étude ambitieuse et ils sont la source d’une grande inspiration pour tous les Canadiens », a déclaré le sénateur Scott Tannas, vice-président du comité.
Le sénateur Dan Christmas, membre du comité, s’estime honoré d’avoir pu entendre leurs points de vue.
« J’espère que leur participation à l’étude stimulera le travail de défense des droits qu’ils effectuent dans leurs propres communautés », a déclaré le sénateur Christmas.
La présidente du comité, la sénatrice Lillian Eva Dyck, a déclaré que les jeunes sont généralement plus engagés dans les affaires de leur communauté et présentent des perspectives inédites sur les questions centrales de l’étude.
« Ils ont une grande sagesse pour leur âge et ont une pensée très créative », a déclaré la sénatrice. Sans leurs idées sur la promotion des intérêts des peuples autochtones, il manquerait à notre étude cette vision cruciale porteuse d’un changement positif. »
Kayla a expliqué au comité que le gouvernement doit chercher des façons de mieux outiller les jeunes autochtones afin de les aider à établir une connexion avec leurs communautés.
« Je pense que notre perspective est utile, car les anciennes approches n’ont pas toujours donné de bons résultats », a indiqué Kayla.
« Ce serait bête de notre part d’agir exactement de la même manière au cours des 150 prochaines années du Canada. »
Visionnez l’enregistrement de la réunion du comité ou parcourez la galerie de photos de Vision autochtone au Sénat 2018.
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De jeunes autochtones présentent leur vision d'une nouvelle relation avec le Canada
Kayla Bernard se souvient encore des propos racistes des élèves de son école élémentaire qui lui ont souvent été adressés.
Ces propos troublaient aussi sa mère lorsqu’à son retour à la maison, Kayla lui demandait ce qu’ils signifiaient.
« À la fin de ma première année élémentaire, je pouvais citer 10 mots dénigrants pour une personne autochtone qu’une enfant de six ans ne devrait pas connaître », a déclaré cette jeune Mi’kmaw, au pied de la Tour de la Paix, à Ottawa.
La discrimination ne venait pas seulement de ses pairs. Même les enseignants, raconte-t-elle, ne la laissaient pas lire en anglais en première année, parce qu’ils croyaient qu’elle ne saurait pas le faire, puisqu’elle était autochtone. Son père a dû se rendre à l’école et démontrer au personnel enseignant qu’elle était capable de lire l’anglais.
« La cicatrice est profonde. J’ai dû choisir entre une bonne éducation et mon bien-être émotionnel. L’intimidation et le racisme ont causé un traumatisme et des effets durables sur ma santé mentale », a indiqué Kayla.
Malgré l'intimidation, Kayla a prospéré et est maintenant une leader dans sa communauté. La jeune Mi’kmaw de 22 ans d’Halifax étudie em récréothérapie à l’Université Dalhousie et elle siège aussi sur le conseil consultatif des jeunes de Wisdom to Knowledge, une initiative financé par le gouvernement qui vise à promouvoir la bonne santé mentale et le bien-être des enfants et des jeunes vulnérables.
Son travail en lien avec la promotion de la bonne santé mentale chez les jeunes lui a valu une invitation à venir sur la Colline du Parlement pour témoigner devant le Comité sénatorial des peuples autochtones dans le cadre de l’événement ‘Vision autochtone au Sénat,’ le 6 juin 2018.
À l’occasion de la troisième édition de cet événement annuel, de jeunes autochtones de partout au pays ont été invités à partager leur expérience dans leur communauté autochtone et à exposer leur vision quant à une nouvelle relation entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis, qui constitue le sujet d’une étude du comité.
Huit autres jeunes témoins ont livré des témoignages poignants sur ce qu’est véritablement la vie d’un jeune autochtone au Canada. Le comité a reçu 150 candidatures cette année. Neuf personnes ont été sélectionnés en fonction de leurs réalisations dans leurs communautés et de leur engagement envers le bien-être des peuples autochtones.
La journée a débuté dans le foyer du Sénat, où des sénateurs se sont joints aux jeunes pour former un grand cercle et participer à une cérémonie de la purification par la fumée dirigée par l’aînée Simon Brascoupé, de la Première nation des Anishinabeg de Kitigan Zibi.
Ils ont aussi eu une rencontre privée avec le Président du Sénat, George Furey, dans la Chambre rouge, puis ont discuté en petits groupes avec les sénateurs Diane Bellemare, Larry Smith, Yuen Pau Woo et Joseph Day.
Suite aux témoignages des jeunes, les sénateurs les ont interrogés, notamment sur leurs ambitions personnelles et sur ce que devrait faire le gouvernement fédéral afin d’améliorer la relation entre le Canada et les peuples autochtones.
Des jeunes avaient les larmes aux yeux en décrivant leur traumatisme intergénérationnel ainsi que les problèmes de suicide chez les jeunes et ceux liés à l’itinérance qui sévissent dans les communautés autochtones.
Chacun des jeunes a également eu l’occasion de partager leur réalisation personnelle au sein de leur communauté respective. Rae-Anne Harper, 22 ans, une femme métisse et crie des Plaines, est maintenant présidente du Conseil des jeunes autochtones de l'Association nationale des centres d'amitié où elle a coordonné des camps pour les jeunes autochtones urbains à risque à Lloydminster, en Saskatchewan.
Kieran McMonagle, une mère métisse de 28 ans, a été la première mentor pour étudiants diplômée des Premières nations, des Inuits et des Métis de l'Ontario. Ses efforts ont permis à plus de 50 % des élèves autochtones de terminer leurs études secondaires à Dryden, en Ontario.
Tout au long des témoignages, un thème central a émergé : l’éducation pour, par et sur les autochtones.
Amanda Fredlund, 27 ans, de la nation Tlicho Dene du Manitoba, a indiqué qu'une nouvelle relation permettrait à chaque université canadienne d'offrir un diplôme en langue autochtone. "Cela signifierait différentes langues dans les différentes provinces, bien entendu, mais c'est une chose très excitante", a-t-elle expliqué.
Theoren Swappie, un jeune homme de 18 ans, de la nation Naskapi et Montagnais du Québec, a souligné que les membres de sa communauté sont souvent forcés de partir pour avoir accès à l'éducation, une option qui n’est pas toujours accessible en raison d'un manque d’argent.
Ruth Kaviok, une Inuite de 19 ans du Nunavut, a quant à elle parlé en faveur d’un système d’éducation qui reflète la langue, la culture et les valeurs autochtones.
« Comme nos dirigeants qui ont défendu nos droits au cours de la Révolution tranquille, j’envisage un Arctique où les jeunes vivent en bonne santé, tant mentale que physique », a-t-elle déclaré au comité.
Les membres du comité estiment que cette étude cruciale exige qu’ils aillent à la rencontre des jeunes.
« Ce fut très émouvant d’entendre ces jeunes témoigner et raconter leur expérience personnelle en lien avec leurs traumatismes intergénérationnels et leurs difficultés. Les jeunes autochtones sont au premier plan de cette étude ambitieuse et ils sont la source d’une grande inspiration pour tous les Canadiens », a déclaré le sénateur Scott Tannas, vice-président du comité.
Le sénateur Dan Christmas, membre du comité, s’estime honoré d’avoir pu entendre leurs points de vue.
« J’espère que leur participation à l’étude stimulera le travail de défense des droits qu’ils effectuent dans leurs propres communautés », a déclaré le sénateur Christmas.
La présidente du comité, la sénatrice Lillian Eva Dyck, a déclaré que les jeunes sont généralement plus engagés dans les affaires de leur communauté et présentent des perspectives inédites sur les questions centrales de l’étude.
« Ils ont une grande sagesse pour leur âge et ont une pensée très créative », a déclaré la sénatrice. Sans leurs idées sur la promotion des intérêts des peuples autochtones, il manquerait à notre étude cette vision cruciale porteuse d’un changement positif. »
Kayla a expliqué au comité que le gouvernement doit chercher des façons de mieux outiller les jeunes autochtones afin de les aider à établir une connexion avec leurs communautés.
« Je pense que notre perspective est utile, car les anciennes approches n’ont pas toujours donné de bons résultats », a indiqué Kayla.
« Ce serait bête de notre part d’agir exactement de la même manière au cours des 150 prochaines années du Canada. »
Visionnez l’enregistrement de la réunion du comité ou parcourez la galerie de photos de Vision autochtone au Sénat 2018.