Accroître le soutien aux personnes atteintes de démence et leurs aidants naturels
Huguette Grand a eu 79 ans dans un centre de soins de longue durée d’Ottawa. Sa fille Catherine a lancé un cri du cœur à un groupe de sénateurs participant à un forum de discussion sur la démence. Elle souhaitait ainsi mieux faire comprendre ce qu’ont été pour elle les 11 dernières années alors qu’elle prend soin de sa mère depuis que celle‑ci a reçu un diagnostic de démence.
« Je suis trop jeune pour avoir une fille de 79 ans, » a expliqué Catherine Grand au cours de la discussion organisée par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
« Comment faire pour redevenir sa fille ? J’aimerais vraiment redevenir la fille de ma mère, » a indiqué Mme Grand, une fonctionnaire fédérale d’Ottawa, qui a expliqué comment elle prend soin de sa mère. Mme Grand a beaucoup de mal à trouver des professionnels spécialisés capables de répondre aux besoins des gens atteints de démence.
« Ma mère a un urgent besoin d’un dentiste. Il lui faut un dentiste qui sait comment traiter les personnes qui souffrent de démence, et un ophtalmologiste qui a le même type de spécialisation. Les ambulanciers paramédicaux, aussi, doivent savoir comment s’occuper des patients atteints de démence. Tout le monde doit le savoir. »
Son expérience a fait de Mme Grand une militante pour l’amélioration du soutien fourni aux personnes qui souffrent de démence et à leurs aidants naturels. Des cas comme le sien, il y en a une multitude, ont souligné les experts des politiques en santé qui ont pris part à la discussion du comité sénatorial, intitulée « Démence au Canada : Solutions à une crise imminente » le lundi 30 janvier 2017.
Le comité a organisé cette discussion dans la foulée du rapport qu’il a déposé en novembre au Sénat, La démence au Canada : Une stratégie nationale pour un Canada sensible aux besoins des personnes atteintes de démence, et dans le but d’élargir le débat public qui, selon le sénateur Ogilvie, doit avoir lieu au Canada.
« Nous croyons qu’il est important de poursuivre le dialogue avec les Canadiens sur ce sujet et d’accroître la sensibilisation aux effets de la démence dans la société canadienne, » a déclaré le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a précisé que le comité avait décidé de faire coïncider la discussion avec la fin du Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer.
La création d’une stratégie nationale sur la démence fait partie des 29 recommandations présentées par le comité. Cette stratégie vise la mise en place des mesures de soutien nécessaires à la prestation de soins adéquats au nombre croissant de Canadiens qui souffriront de démence au cours de leur vie.
Le comité est d’avis qu’une des premières mesures à adopter devrait être le développement du Partenariat canadien contre la démence, une nouvelle organisation qui aurait le mandat d’élaborer et de mettre en œuvre cette stratégie nationale sur la démence. Cette recommandation a reçu un soutien important de la part des participants au forum de discussion ainsi que des défenseurs des soins pour les personnes atteintes de démence en général.
Le sénateur Art Eggleton, vice‑président du comité, a indiqué que certaines des recommandations du rapport visent à « alléger le fardeau imposé à des gens qui n’ont eu d’autre choix que d’accepter un rôle qu’ils ne s’attendaient pas à recevoir et pour lequel ils n’étaient pas nécessairement préparés, mais qu’ils n’ont jamais hésité à assumer. »
Les participants ont proposé leurs propres idées, notamment que les enfants des personnes atteintes jouent le rôle d’aidant naturel et que des jeunes et d’autres bénévoles soient recrutés pour aider. Ils ont également abordé comment éviter l’épuisement des aidants naturels et l’idée de permettre aux membres de la famille élargie de faire des cotisations déductibles d’impôt pour contribuer à défrayer les coûts des soins à domicile et des soins en établissement (résidences pour personnes âgées) prodigués à leurs proches. Ces mesures pourraient retarder ou éviter le recours aux soins de longue durée (foyer de soins infirmiers) et atténuer la demande croissante associée à ce type de soins.
Toute stratégie de gestion de la démence doit prévoir du répit pour les aidants naturels, a dit Linda Garcia, professeure à la faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. En effet, les aidants naturels ont bien besoin de répit, a rappelé Mme Garcia qui a ajouté que le milieu médical est peu informé sur ce que font les aidants des patients souffrant de démence lorsqu’ils « prennent du repos ».
« Il faut changer la triste perception selon laquelle le fait de confier un être cher à un centre de soins de longue durée, c’est comme le laisser en prison. Les gens se sentent coupables, » a‑t‑elle affirmé.
On ne saurait sous‑estimer le fardeau qui est mis sur les épaules des gens qui prennent soin d’un proche atteint de démence.
« Et même si vous l’enlevez, vous verrez que le fardeau a laissé des marques, » a dit Mme Garcia.
Dans la même veine, la chef des opérations de la Société Alzheimer du Canada, Debbie Benczkowski, a estimé qu’une meilleure formation et un plus grand soutien financier aideraient les familles qui doivent réagir soudainement à un diagnostic de démence.
« Prendre soin d’un parent impose des pressions énormes à la famille – des pressions financières, oui, mais ce peut aussi être très difficile physiquement, » a souligné Mme Benczkowski.
Il faudrait faciliter et élargir l’accès à de l’information sur la manière, pour les aidants naturels, d’éviter l’épuisement, a fait savoir le Dr Frank Molnar, vice-président de la Société canadienne de gériatrie.
La démence a besoin d’une campagne de sensibilisation publique semblable à celle de la journée « Cause pour la cause » que Bell a lancée dans le domaine de la santé mentale, a suggéré le Dr Molnar.
« Différentes organisations donnent différents types d’information à différents moments, » a‑t‑il indiqué.
Le Dr Molnar a suggéré que l’Agence de santé publique du Canada pourrait se charger de diffuser des renseignements sur les signes de démence et des faits au sujet de la démence précoce. La Société Alzheimer Canada ainsi que des spécialistes en gériatrie et en psychiatrie gériatrique, représentés par la Société canadienne de gériatrie et par l’Académie canadienne de psychiatrie gériatrique, pourraient, quant à eux, donner de l’information sur les ressources disponibles suite à un diagnostic, la façon de faire face aux urgences, les moyens de lutter contre l’épuisement des soignants, la planification des soins et l’accès aux soins palliatifs.
On prévoit que d’ici 2030, le nombre de personnes atteintes de démence sera presque multiplié par deux et passera à 1,4 million. Le nombre de Canadiens qui souffrent présentement d’une forme ou d’une autre de démence est estimé à 750 000.
« La démence constitue un problème de grande envergure. La réponse du Canada doit avoir une ampleur aussi grande, sinon plus grande encore, » a déclaré le sénateur Ogilvie.
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Accroître le soutien aux personnes atteintes de démence et leurs aidants naturels
Huguette Grand a eu 79 ans dans un centre de soins de longue durée d’Ottawa. Sa fille Catherine a lancé un cri du cœur à un groupe de sénateurs participant à un forum de discussion sur la démence. Elle souhaitait ainsi mieux faire comprendre ce qu’ont été pour elle les 11 dernières années alors qu’elle prend soin de sa mère depuis que celle‑ci a reçu un diagnostic de démence.
« Je suis trop jeune pour avoir une fille de 79 ans, » a expliqué Catherine Grand au cours de la discussion organisée par le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
« Comment faire pour redevenir sa fille ? J’aimerais vraiment redevenir la fille de ma mère, » a indiqué Mme Grand, une fonctionnaire fédérale d’Ottawa, qui a expliqué comment elle prend soin de sa mère. Mme Grand a beaucoup de mal à trouver des professionnels spécialisés capables de répondre aux besoins des gens atteints de démence.
« Ma mère a un urgent besoin d’un dentiste. Il lui faut un dentiste qui sait comment traiter les personnes qui souffrent de démence, et un ophtalmologiste qui a le même type de spécialisation. Les ambulanciers paramédicaux, aussi, doivent savoir comment s’occuper des patients atteints de démence. Tout le monde doit le savoir. »
Son expérience a fait de Mme Grand une militante pour l’amélioration du soutien fourni aux personnes qui souffrent de démence et à leurs aidants naturels. Des cas comme le sien, il y en a une multitude, ont souligné les experts des politiques en santé qui ont pris part à la discussion du comité sénatorial, intitulée « Démence au Canada : Solutions à une crise imminente » le lundi 30 janvier 2017.
Le comité a organisé cette discussion dans la foulée du rapport qu’il a déposé en novembre au Sénat, La démence au Canada : Une stratégie nationale pour un Canada sensible aux besoins des personnes atteintes de démence, et dans le but d’élargir le débat public qui, selon le sénateur Ogilvie, doit avoir lieu au Canada.
« Nous croyons qu’il est important de poursuivre le dialogue avec les Canadiens sur ce sujet et d’accroître la sensibilisation aux effets de la démence dans la société canadienne, » a déclaré le sénateur Kelvin Kenneth Ogilvie, président du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui a précisé que le comité avait décidé de faire coïncider la discussion avec la fin du Mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer.
La création d’une stratégie nationale sur la démence fait partie des 29 recommandations présentées par le comité. Cette stratégie vise la mise en place des mesures de soutien nécessaires à la prestation de soins adéquats au nombre croissant de Canadiens qui souffriront de démence au cours de leur vie.
Le comité est d’avis qu’une des premières mesures à adopter devrait être le développement du Partenariat canadien contre la démence, une nouvelle organisation qui aurait le mandat d’élaborer et de mettre en œuvre cette stratégie nationale sur la démence. Cette recommandation a reçu un soutien important de la part des participants au forum de discussion ainsi que des défenseurs des soins pour les personnes atteintes de démence en général.
Le sénateur Art Eggleton, vice‑président du comité, a indiqué que certaines des recommandations du rapport visent à « alléger le fardeau imposé à des gens qui n’ont eu d’autre choix que d’accepter un rôle qu’ils ne s’attendaient pas à recevoir et pour lequel ils n’étaient pas nécessairement préparés, mais qu’ils n’ont jamais hésité à assumer. »
Les participants ont proposé leurs propres idées, notamment que les enfants des personnes atteintes jouent le rôle d’aidant naturel et que des jeunes et d’autres bénévoles soient recrutés pour aider. Ils ont également abordé comment éviter l’épuisement des aidants naturels et l’idée de permettre aux membres de la famille élargie de faire des cotisations déductibles d’impôt pour contribuer à défrayer les coûts des soins à domicile et des soins en établissement (résidences pour personnes âgées) prodigués à leurs proches. Ces mesures pourraient retarder ou éviter le recours aux soins de longue durée (foyer de soins infirmiers) et atténuer la demande croissante associée à ce type de soins.
Toute stratégie de gestion de la démence doit prévoir du répit pour les aidants naturels, a dit Linda Garcia, professeure à la faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. En effet, les aidants naturels ont bien besoin de répit, a rappelé Mme Garcia qui a ajouté que le milieu médical est peu informé sur ce que font les aidants des patients souffrant de démence lorsqu’ils « prennent du repos ».
« Il faut changer la triste perception selon laquelle le fait de confier un être cher à un centre de soins de longue durée, c’est comme le laisser en prison. Les gens se sentent coupables, » a‑t‑elle affirmé.
On ne saurait sous‑estimer le fardeau qui est mis sur les épaules des gens qui prennent soin d’un proche atteint de démence.
« Et même si vous l’enlevez, vous verrez que le fardeau a laissé des marques, » a dit Mme Garcia.
Dans la même veine, la chef des opérations de la Société Alzheimer du Canada, Debbie Benczkowski, a estimé qu’une meilleure formation et un plus grand soutien financier aideraient les familles qui doivent réagir soudainement à un diagnostic de démence.
« Prendre soin d’un parent impose des pressions énormes à la famille – des pressions financières, oui, mais ce peut aussi être très difficile physiquement, » a souligné Mme Benczkowski.
Il faudrait faciliter et élargir l’accès à de l’information sur la manière, pour les aidants naturels, d’éviter l’épuisement, a fait savoir le Dr Frank Molnar, vice-président de la Société canadienne de gériatrie.
La démence a besoin d’une campagne de sensibilisation publique semblable à celle de la journée « Cause pour la cause » que Bell a lancée dans le domaine de la santé mentale, a suggéré le Dr Molnar.
« Différentes organisations donnent différents types d’information à différents moments, » a‑t‑il indiqué.
Le Dr Molnar a suggéré que l’Agence de santé publique du Canada pourrait se charger de diffuser des renseignements sur les signes de démence et des faits au sujet de la démence précoce. La Société Alzheimer Canada ainsi que des spécialistes en gériatrie et en psychiatrie gériatrique, représentés par la Société canadienne de gériatrie et par l’Académie canadienne de psychiatrie gériatrique, pourraient, quant à eux, donner de l’information sur les ressources disponibles suite à un diagnostic, la façon de faire face aux urgences, les moyens de lutter contre l’épuisement des soignants, la planification des soins et l’accès aux soins palliatifs.
On prévoit que d’ici 2030, le nombre de personnes atteintes de démence sera presque multiplié par deux et passera à 1,4 million. Le nombre de Canadiens qui souffrent présentement d’une forme ou d’une autre de démence est estimé à 750 000.
« La démence constitue un problème de grande envergure. La réponse du Canada doit avoir une ampleur aussi grande, sinon plus grande encore, » a déclaré le sénateur Ogilvie.