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« J’ai aimé ma vie au Sénat » : la sénatrice Bellemare prend sa retraite

La sénatrice Diane Bellemare se tient dans son bureau.

Reconnue au Québec comme économiste, professeure et auteure, la sénatrice Diane Bellemare a toujours eu comme objectif d’améliorer la sécurité économique pour tous.

Avant sa nomination au Sénat en 2012, elle a cofondé le Forum pour l’emploi, un organisme réunissant des groupes syndicaux, patronaux, communautaires et municipaux pour promouvoir l’emploi. Elle était également chroniqueuse économique régulière à l’émission d’affaires publiques Questions d’argent à Télé-Québec, tout en étant professeure titulaire d’économie à l’Université du Québec à Montréal.

Elle a également occupé les postes de présidente et de directrice générale à la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre et vice-présidente à la recherche au Conseil du patronat du Québec. 

Avant de prendre sa retraite le 13 octobre 2024, la sénatrice Bellemare s’est entretenue avec SenCAplus pour parler de son enfance dans une famille ouvrière, de sa carrière d’économiste et de son travail au Sénat.

Vous avez grandi pendant une période de difficultés financières pour votre famille. Comment votre enfance a-t-elle influencé votre parcours professionnel?

Mon enfance a profondément influencé le choix du sujet de ma thèse de doctorat, un travail de près de 800 pages sur l’insécurité économique. Dès l’âge de 10 ans, je commençais à comprendre cet enjeu. 

Mon père, qui était chauffeur de taxi, a été obligé de vendre son taxi à cause de la récession au Canada à la fin des années 1950. Il a dû changer d’emploi, et c’était une grosse baisse de revenus pour notre famille de quatre enfants. On avait de la difficulté à joindre les deux bouts, et je me demandais pourquoi mon père, qui travaillait si fort, gagnait si peu d’argent. Je voyais mes copines dont les parents avaient de meilleurs revenus, mais leurs pères ne travaillaient pas plus fort que le mien. Je trouvais ça injuste et je voulais comprendre pourquoi. 

Je suis une enfant de la Révolution tranquille. Cela m’a permis de poursuivre des études, parce que le cours classique menant à l’université était devenu gratuit. 

Au départ, mon père ne comprenait pas pourquoi je voulais suivre des études classiques, et apprendre le latin et le grec. Je lui ai dit que j’irais jusqu’au bout – et j’ai finalement obtenu mon doctorat. 


Ces deux photos montrent la sénatrice Diane Bellemare enfant et son père avec son dernier taxi avant qu’il ne le vende en 1958. (Photo crédit : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La première équipe du Bureau du représentant du gouvernement (BRG) à l’entrée de la Chambre du Sénat à l’édifice du Centre en 2016. À partir de la gauche, l’ancien sénateur Grant Mitchell, le sénateur V. Peter Harder et la sénatrice Diane Bellemare. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous avez été nommée au Sénat en 2012. Comment avez-vous réagi à cette nouvelle?

Je n’étais pas certaine de vouloir le poste parce que j’avais déjà tenté ma chance en politique provinciale avec l’Action démocratique du Québec, sans succès, et j’avais décidé que la vie politique n’était pas pour moi. Donc, je craignais la politique. Mais, cette nomination au Sénat m’offrait une opportunité unique d’exercer une influence sur les politiques publiques en tant qu’économiste et sénatrice. J’ai donc accepté. 

Vous avez été coordinatrice législative au bureau du représentant du gouvernement de 2016 à 2019. Quelle perspective du Sénat cela vous a-t-il donnée?

Quand je suis arrivée au Sénat, j’ai essayé de comprendre son fonctionnement. Alors j’ai lu plusieurs livres, et j’ai étudié des statistiques et des rapports sur les sénats du monde entier. Je me demandais si le Sénat était une institution dépassée, qu’il faudrait peut-être abolir. Après avoir fait tous mes devoirs, j’ai trouvé que le Sénat était une institution vivante et importante mais que le Sénat du Canada pouvait être souvent partisan quand le parti au pouvoir avait une majorité de parlementaires dans les deux chambres. 

Je suis arrivée à la conclusion qu’il était essentiel d’avoir plus que deux groupes au Sénat du Canada, comme c’est le cas dans la plupart des sénats du monde, pour s’assurer que le parti au pouvoir ne puisse pas facilement imposer sa ligne de parti et que le Sénat puisse jouer son rôle de second regard objectif. C’est pourquoi j’ai décidé de m’impliquer activement dans la modernisation du Sénat. Avec d’autres sénateurs, j’ai contribué à la formation d’un troisième groupe – le Groupe des sénateurs indépendants – ce qui a marqué une période charnière. J’ai également accepté de faire partie du premier bureau du représentant du gouvernement.

Le Sénat est une institution néanmoins politique qui doit toujours être à l’écoute de la population, mais il ne doit pas être partisan, c’est-à-dire faire passer les intérêts du parti avant ceux de l’ensemble des Canadiens. C’est tout un équilibre à maintenir.

Le groupe du BRG, y compris le personnel, dans la Chambre du Sénat de l’édifice du Centre en 2018. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La sénatrice dans son bureau de l’édifice du Centre alors qu’elle occupait le poste de coordonnatrice législative du gouvernement en 2016. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous avez siégé à plusieurs comités sénatoriaux, notamment en tant que présidente du Comité sénatorial du règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Y a-t-il un comité ou un travail législatif qui vous a particulièrement marquée? 

Au sein du Comité sénatorial du règlement, nous avons travaillé sur la question de l’équité entre les groupes à partir d’une motion déposée en Chambre par le sénateur Yuen Pau Woo et amendée par le sénateur Scott Tannas. Le Sénat a réussi à faire en sorte que la loi sur le Parlement du Canada soit modifiée pour reconnaitre l’existence de plusieurs groupes au Sénat. Alors, nous avons cherché à modifier notre règlement interne pour garantir une certaine équité entre les groupes, tant en ce qui concerne le temps de parole qu’au niveau décisionnel. Cela a donné lieu à beaucoup de discussions. 

Mais, il a finalement été nécessaire de porter cette question devant le Sénat, et un projet de modification proposé par le gouvernement a été introduit pour modifier le règlement. À cet effet, je remercie la sénatrice Frances Lankin pour le travail qu’elle a fait.

Le comité du règlement étudie actuellement le rôle des sénateurs non affiliés ce qui l’amènera à réfléchir sur l’équité entre les sénateurs. C’est un sujet important car, en principe, tous les sénateurs devraient avoir la possibilité de s’acquitter également de leurs responsabilités constitutionnelles. Après tout, un sénateur est un sénateur est un sénateur! J’aurais aimé présider cette étude jusqu’à la fin. Mais je serai à l’écoute.

Vous avez déposé le projet de loi S-244 – que le Sénat a adopté plus tôt cette année – visant à créer un Conseil de l’assurance-emploi. En quoi cela peut-il améliorer le système d’assurance-emploi du Canada?

La sénatrice Bellemare a obtenu une maîtrise en sciences économiques à l’université de Western Ontario en 1971. (Crédit photo: Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La sénatrice assiste à une cérémonie pour le jour du Souvenir à Outremont en 2023. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Ce projet de loi propose la création d’un conseil consultatif patronal et syndical pour fournir des avis à la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Ça fait des années que les gouvernements qui se suivent disent vouloir revoir le programme. Aucun gouvernement n’a encore réussi à l’adapter aux réalités du 21e siècle, parce qu’aucun fonctionnaire ni ministre ne possède les réponses. Ce sont les partenaires qui ont les réponses, et la négociation entre ces parties peut conduire à des solutions communes, novatrices, équitables et efficaces.

La création d’un conseil aviseur n’a pas d’incidence financière et n’enlève pas au gouvernement la responsabilité des décisions finales concernant les changements au programme de l’assurance-emploi – mais il constitue un point de départ pour permettre au gouvernement d’identifier les solutions avantageuses pour que l’assurance emploi participe à la transition de l’économie et à la prospérité de tous les Canadiens.

La sénatrice Bellemare devant son bureau de l’édifice du Centre à l’occasion du Jour du drapeau en 2017. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous demandez depuis longtemps que le mandat de la Banque du Canada soit modifié. Qu’est-ce qui doit changer et comment votre projet de loi S-275 ouvrirait-il la voie?

J’ai abordé ce sujet dans les livres que j’ai écrits sur le plein emploi. La politique monétaire est une pièce maîtresse pour soutenir la croissance économique d’un pays. Mais quand on l’utilise pour résoudre des problèmes spécifiques comme la lutte contre l’inflation – en particulier lorsqu’elle provient de défis spécifiques tels que les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement – elle peut entrainer des coûts importants : perte d’emplois, baisse de la production, réduction des investissements, et l’augmentation des faillites d’entreprises et faillites de ménages.

À l’avenir, nous ferons face à des périodes inflationnistes, peut-être plus fréquemment que l’on pense, associées à des chocs d’offre plutôt qu’à des problèmes de demande. La politique monétaire actuelle n’est pas conçue pour répondre aux défis du 21e siècle.

Au 21e siècle, nous avons besoin d’une Banque centrale dont le mandat général est d’assurer la prospérité durable et inclusive et la stabilité financière et pas seulement la stabilité des prix. Pour lutter contre l’inflation, il nous faut utiliser à la fois la politique monétaire mais aussi les politiques fiscale et budgétaire ainsi que la politique active du marché du travail. Donc mon projet de loi a pour but d’entreprendre le débat sur cette importante problématique.

Pour marquer la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, vous avez fait une déclaration dans la Chambre du Sénat au sujet de votre enfant qui s’est révélé transgenre il y a environ six ans. Qu’est-ce qui vous a poussé à témoigner de ces faits?

Je voulais rendre hommage au caucus 2ELGBTI+ du Parlement, qui travaille pour assurer la sécurité des personnes 2ELGBTI+. Je crois également que la lutte contre l’homophobie et la transphobie commence dans la famille. Les parents doivent être prêts à accepter et à soutenir leurs enfants lorsqu’ils traversent une crise d’identité de genre. Ce n’est pas facile pour les parents, mais il est essentiel d’utiliser tout son amour et sa bienveillance pour les accompagner. 

Ayant beaucoup lu sur ce sujet, j’ai pu mieux comprendre ma fille transgenre et les défis liés à la transidentité. 

La sénatrice Bellemare donne une conférence à l’Université du Québec à Montréal en tant que professeure d’économie en 1976. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

L’équipe de chroniqueurs de l’émission « Questions d’argent » à la chaîne Télé-Québec en 1988. La sénatrice Bellemare est à la gauche. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

C’est une question complexe, ancienne et universelle. Je pense qu’il est crucial de pratiquer la tolérance et de faire partager les expériences.

Quel conseil donneriez-vous au prochain membre du Sénat nommé pour représenter le Québec?

D’abord, il faut comprendre que le Sénat est une institution complexe mais importante, en constante évolution et en transformation.

Je pense que le prochain sénateur ou la prochaine sénatrice doit faire confiance à son propre jugement et ne pas tomber dans la partisanerie. Aussi – à tous mes collègues et non seulement les nouveaux – il faut protéger le fait qu’il y ait plusieurs groupes au Sénat. Par respect pour tous les Canadiens et Canadiennes, il est important que le Sénat soit indépendant et qu’il ne participe pas aux stratégies politiques et électorales de l’autre chambre. C’est important d’avoir plusieurs groupes de sénateurs et surtout qu’aucun groupe ne puisse avoir une majorité absolue. Sinon, comme je le disais, il devient facile pour le parti au pouvoir d’imposer une ligne de parti au Sénat. Il ne faudrait pas retourner au bipartisme.

J’espère que la réflexion sur la modernisation du Sénat perdure parce qu’il s’agit d’une question permanente.

Enfin, mon dernier conseil à tous les sénateurs : cultivez la faculté du rire et ne prenez pas vos revers de manière trop personnelle. Vous en aurez besoin pour aimer le Sénat.

La sénatrice avec ses enfants Simon et Bliss en 1996. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La famille de la sénatrice Bellemare à Montréal en avril 2023. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Quels sont vos projets de retraite?

C’est sûr que je vais voyager avec mon mari. J’ai aussi une passion pour l’écriture, mais je ne sais pas quelle forme elle prendra. J’aimerais me détourner des sujets plus lourds et me lancer dans la fiction, peut-être de la politique-fiction. La sénatrice Ratna Omidvar et moi plaisantions souvent sur l’idée d’écrire ensemble un roman intitulé peut-être « Intrigues au Sénat ».

Mais une chose est certaine je vais continuer à mettre mon grain de sel dans le débat public que ce soit sur la politique monétaire, la formation de la main-d’œuvre ou le dialogue social. Je ne pourrai sans doute pas m’en empêcher.

J’ai eu une carrière bien remplie, une belle vie de famille et dans l’ensemble je suis satisfaite de ce que j’ai accompli. Je suis contente d’avoir terminé ma carrière à la Chambre haute. J’ai aimé ma vie au Sénat. Et la vie continue!

En compagnie de son époux Victor Altmejd, la sénatrice Bellemare assiste à une fête de Noël chez le sénateur Harder en 2018. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)


Apprenez-en plus sur la sénatrice Diane Bellemare dans cet article sur SenCAplus.  

Regardez les hommages à la sénatrice Bellemare ainsi que son discours d’adieu dans la Chambre du Sénat.

« J’ai aimé ma vie au Sénat » : la sénatrice Bellemare prend sa retraite

La sénatrice Diane Bellemare se tient dans son bureau.

Reconnue au Québec comme économiste, professeure et auteure, la sénatrice Diane Bellemare a toujours eu comme objectif d’améliorer la sécurité économique pour tous.

Avant sa nomination au Sénat en 2012, elle a cofondé le Forum pour l’emploi, un organisme réunissant des groupes syndicaux, patronaux, communautaires et municipaux pour promouvoir l’emploi. Elle était également chroniqueuse économique régulière à l’émission d’affaires publiques Questions d’argent à Télé-Québec, tout en étant professeure titulaire d’économie à l’Université du Québec à Montréal.

Elle a également occupé les postes de présidente et de directrice générale à la Société québécoise de développement de la main-d’œuvre et vice-présidente à la recherche au Conseil du patronat du Québec. 

Avant de prendre sa retraite le 13 octobre 2024, la sénatrice Bellemare s’est entretenue avec SenCAplus pour parler de son enfance dans une famille ouvrière, de sa carrière d’économiste et de son travail au Sénat.

Vous avez grandi pendant une période de difficultés financières pour votre famille. Comment votre enfance a-t-elle influencé votre parcours professionnel?

Mon enfance a profondément influencé le choix du sujet de ma thèse de doctorat, un travail de près de 800 pages sur l’insécurité économique. Dès l’âge de 10 ans, je commençais à comprendre cet enjeu. 

Mon père, qui était chauffeur de taxi, a été obligé de vendre son taxi à cause de la récession au Canada à la fin des années 1950. Il a dû changer d’emploi, et c’était une grosse baisse de revenus pour notre famille de quatre enfants. On avait de la difficulté à joindre les deux bouts, et je me demandais pourquoi mon père, qui travaillait si fort, gagnait si peu d’argent. Je voyais mes copines dont les parents avaient de meilleurs revenus, mais leurs pères ne travaillaient pas plus fort que le mien. Je trouvais ça injuste et je voulais comprendre pourquoi. 

Je suis une enfant de la Révolution tranquille. Cela m’a permis de poursuivre des études, parce que le cours classique menant à l’université était devenu gratuit. 

Au départ, mon père ne comprenait pas pourquoi je voulais suivre des études classiques, et apprendre le latin et le grec. Je lui ai dit que j’irais jusqu’au bout – et j’ai finalement obtenu mon doctorat. 


Ces deux photos montrent la sénatrice Diane Bellemare enfant et son père avec son dernier taxi avant qu’il ne le vende en 1958. (Photo crédit : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La première équipe du Bureau du représentant du gouvernement (BRG) à l’entrée de la Chambre du Sénat à l’édifice du Centre en 2016. À partir de la gauche, l’ancien sénateur Grant Mitchell, le sénateur V. Peter Harder et la sénatrice Diane Bellemare. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous avez été nommée au Sénat en 2012. Comment avez-vous réagi à cette nouvelle?

Je n’étais pas certaine de vouloir le poste parce que j’avais déjà tenté ma chance en politique provinciale avec l’Action démocratique du Québec, sans succès, et j’avais décidé que la vie politique n’était pas pour moi. Donc, je craignais la politique. Mais, cette nomination au Sénat m’offrait une opportunité unique d’exercer une influence sur les politiques publiques en tant qu’économiste et sénatrice. J’ai donc accepté. 

Vous avez été coordinatrice législative au bureau du représentant du gouvernement de 2016 à 2019. Quelle perspective du Sénat cela vous a-t-il donnée?

Quand je suis arrivée au Sénat, j’ai essayé de comprendre son fonctionnement. Alors j’ai lu plusieurs livres, et j’ai étudié des statistiques et des rapports sur les sénats du monde entier. Je me demandais si le Sénat était une institution dépassée, qu’il faudrait peut-être abolir. Après avoir fait tous mes devoirs, j’ai trouvé que le Sénat était une institution vivante et importante mais que le Sénat du Canada pouvait être souvent partisan quand le parti au pouvoir avait une majorité de parlementaires dans les deux chambres. 

Je suis arrivée à la conclusion qu’il était essentiel d’avoir plus que deux groupes au Sénat du Canada, comme c’est le cas dans la plupart des sénats du monde, pour s’assurer que le parti au pouvoir ne puisse pas facilement imposer sa ligne de parti et que le Sénat puisse jouer son rôle de second regard objectif. C’est pourquoi j’ai décidé de m’impliquer activement dans la modernisation du Sénat. Avec d’autres sénateurs, j’ai contribué à la formation d’un troisième groupe – le Groupe des sénateurs indépendants – ce qui a marqué une période charnière. J’ai également accepté de faire partie du premier bureau du représentant du gouvernement.

Le Sénat est une institution néanmoins politique qui doit toujours être à l’écoute de la population, mais il ne doit pas être partisan, c’est-à-dire faire passer les intérêts du parti avant ceux de l’ensemble des Canadiens. C’est tout un équilibre à maintenir.

Le groupe du BRG, y compris le personnel, dans la Chambre du Sénat de l’édifice du Centre en 2018. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La sénatrice dans son bureau de l’édifice du Centre alors qu’elle occupait le poste de coordonnatrice législative du gouvernement en 2016. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous avez siégé à plusieurs comités sénatoriaux, notamment en tant que présidente du Comité sénatorial du règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Y a-t-il un comité ou un travail législatif qui vous a particulièrement marquée? 

Au sein du Comité sénatorial du règlement, nous avons travaillé sur la question de l’équité entre les groupes à partir d’une motion déposée en Chambre par le sénateur Yuen Pau Woo et amendée par le sénateur Scott Tannas. Le Sénat a réussi à faire en sorte que la loi sur le Parlement du Canada soit modifiée pour reconnaitre l’existence de plusieurs groupes au Sénat. Alors, nous avons cherché à modifier notre règlement interne pour garantir une certaine équité entre les groupes, tant en ce qui concerne le temps de parole qu’au niveau décisionnel. Cela a donné lieu à beaucoup de discussions. 

Mais, il a finalement été nécessaire de porter cette question devant le Sénat, et un projet de modification proposé par le gouvernement a été introduit pour modifier le règlement. À cet effet, je remercie la sénatrice Frances Lankin pour le travail qu’elle a fait.

Le comité du règlement étudie actuellement le rôle des sénateurs non affiliés ce qui l’amènera à réfléchir sur l’équité entre les sénateurs. C’est un sujet important car, en principe, tous les sénateurs devraient avoir la possibilité de s’acquitter également de leurs responsabilités constitutionnelles. Après tout, un sénateur est un sénateur est un sénateur! J’aurais aimé présider cette étude jusqu’à la fin. Mais je serai à l’écoute.

Vous avez déposé le projet de loi S-244 – que le Sénat a adopté plus tôt cette année – visant à créer un Conseil de l’assurance-emploi. En quoi cela peut-il améliorer le système d’assurance-emploi du Canada?

La sénatrice Bellemare a obtenu une maîtrise en sciences économiques à l’université de Western Ontario en 1971. (Crédit photo: Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La sénatrice assiste à une cérémonie pour le jour du Souvenir à Outremont en 2023. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Ce projet de loi propose la création d’un conseil consultatif patronal et syndical pour fournir des avis à la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Ça fait des années que les gouvernements qui se suivent disent vouloir revoir le programme. Aucun gouvernement n’a encore réussi à l’adapter aux réalités du 21e siècle, parce qu’aucun fonctionnaire ni ministre ne possède les réponses. Ce sont les partenaires qui ont les réponses, et la négociation entre ces parties peut conduire à des solutions communes, novatrices, équitables et efficaces.

La création d’un conseil aviseur n’a pas d’incidence financière et n’enlève pas au gouvernement la responsabilité des décisions finales concernant les changements au programme de l’assurance-emploi – mais il constitue un point de départ pour permettre au gouvernement d’identifier les solutions avantageuses pour que l’assurance emploi participe à la transition de l’économie et à la prospérité de tous les Canadiens.

La sénatrice Bellemare devant son bureau de l’édifice du Centre à l’occasion du Jour du drapeau en 2017. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Vous demandez depuis longtemps que le mandat de la Banque du Canada soit modifié. Qu’est-ce qui doit changer et comment votre projet de loi S-275 ouvrirait-il la voie?

J’ai abordé ce sujet dans les livres que j’ai écrits sur le plein emploi. La politique monétaire est une pièce maîtresse pour soutenir la croissance économique d’un pays. Mais quand on l’utilise pour résoudre des problèmes spécifiques comme la lutte contre l’inflation – en particulier lorsqu’elle provient de défis spécifiques tels que les problèmes liés aux chaînes d’approvisionnement – elle peut entrainer des coûts importants : perte d’emplois, baisse de la production, réduction des investissements, et l’augmentation des faillites d’entreprises et faillites de ménages.

À l’avenir, nous ferons face à des périodes inflationnistes, peut-être plus fréquemment que l’on pense, associées à des chocs d’offre plutôt qu’à des problèmes de demande. La politique monétaire actuelle n’est pas conçue pour répondre aux défis du 21e siècle.

Au 21e siècle, nous avons besoin d’une Banque centrale dont le mandat général est d’assurer la prospérité durable et inclusive et la stabilité financière et pas seulement la stabilité des prix. Pour lutter contre l’inflation, il nous faut utiliser à la fois la politique monétaire mais aussi les politiques fiscale et budgétaire ainsi que la politique active du marché du travail. Donc mon projet de loi a pour but d’entreprendre le débat sur cette importante problématique.

Pour marquer la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, vous avez fait une déclaration dans la Chambre du Sénat au sujet de votre enfant qui s’est révélé transgenre il y a environ six ans. Qu’est-ce qui vous a poussé à témoigner de ces faits?

Je voulais rendre hommage au caucus 2ELGBTI+ du Parlement, qui travaille pour assurer la sécurité des personnes 2ELGBTI+. Je crois également que la lutte contre l’homophobie et la transphobie commence dans la famille. Les parents doivent être prêts à accepter et à soutenir leurs enfants lorsqu’ils traversent une crise d’identité de genre. Ce n’est pas facile pour les parents, mais il est essentiel d’utiliser tout son amour et sa bienveillance pour les accompagner. 

Ayant beaucoup lu sur ce sujet, j’ai pu mieux comprendre ma fille transgenre et les défis liés à la transidentité. 

La sénatrice Bellemare donne une conférence à l’Université du Québec à Montréal en tant que professeure d’économie en 1976. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

L’équipe de chroniqueurs de l’émission « Questions d’argent » à la chaîne Télé-Québec en 1988. La sénatrice Bellemare est à la gauche. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

C’est une question complexe, ancienne et universelle. Je pense qu’il est crucial de pratiquer la tolérance et de faire partager les expériences.

Quel conseil donneriez-vous au prochain membre du Sénat nommé pour représenter le Québec?

D’abord, il faut comprendre que le Sénat est une institution complexe mais importante, en constante évolution et en transformation.

Je pense que le prochain sénateur ou la prochaine sénatrice doit faire confiance à son propre jugement et ne pas tomber dans la partisanerie. Aussi – à tous mes collègues et non seulement les nouveaux – il faut protéger le fait qu’il y ait plusieurs groupes au Sénat. Par respect pour tous les Canadiens et Canadiennes, il est important que le Sénat soit indépendant et qu’il ne participe pas aux stratégies politiques et électorales de l’autre chambre. C’est important d’avoir plusieurs groupes de sénateurs et surtout qu’aucun groupe ne puisse avoir une majorité absolue. Sinon, comme je le disais, il devient facile pour le parti au pouvoir d’imposer une ligne de parti au Sénat. Il ne faudrait pas retourner au bipartisme.

J’espère que la réflexion sur la modernisation du Sénat perdure parce qu’il s’agit d’une question permanente.

Enfin, mon dernier conseil à tous les sénateurs : cultivez la faculté du rire et ne prenez pas vos revers de manière trop personnelle. Vous en aurez besoin pour aimer le Sénat.

La sénatrice avec ses enfants Simon et Bliss en 1996. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

La famille de la sénatrice Bellemare à Montréal en avril 2023. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)

Quels sont vos projets de retraite?

C’est sûr que je vais voyager avec mon mari. J’ai aussi une passion pour l’écriture, mais je ne sais pas quelle forme elle prendra. J’aimerais me détourner des sujets plus lourds et me lancer dans la fiction, peut-être de la politique-fiction. La sénatrice Ratna Omidvar et moi plaisantions souvent sur l’idée d’écrire ensemble un roman intitulé peut-être « Intrigues au Sénat ».

Mais une chose est certaine je vais continuer à mettre mon grain de sel dans le débat public que ce soit sur la politique monétaire, la formation de la main-d’œuvre ou le dialogue social. Je ne pourrai sans doute pas m’en empêcher.

J’ai eu une carrière bien remplie, une belle vie de famille et dans l’ensemble je suis satisfaite de ce que j’ai accompli. Je suis contente d’avoir terminé ma carrière à la Chambre haute. J’ai aimé ma vie au Sénat. Et la vie continue!

En compagnie de son époux Victor Altmejd, la sénatrice Bellemare assiste à une fête de Noël chez le sénateur Harder en 2018. (Crédit photo : Bureau de la sénatrice Diane Bellemare)


Apprenez-en plus sur la sénatrice Diane Bellemare dans cet article sur SenCAplus.  

Regardez les hommages à la sénatrice Bellemare ainsi que son discours d’adieu dans la Chambre du Sénat.

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