Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Peuples autochtones
Fascicule 28 - Témoignages du 4 mai 1999 (séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 4 mai 1999
Le comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 17 h 15 pour étudier le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet.
Le sénateur Charlie Watt (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous accueillons cet après-midi Mme Wendy Lockhart Lundberg. Nous vous écoutons, madame.
Mme Wendy Lockhart Lundberg: Je suis accompagnée ce soir par Velma Baker surnommée affectueusement Maisey par sa famille et la communauté de la bande de Squamish, où elle est l'une des aînés les plus aimés et respectés.
Je vous remercie de nous avoir permis de venir présenter en personne notre opinion du projet de loi C-49. Je vais commencer par vous raconter un peu l'histoire de ma famille qui, je l'espère, vous aidera à comprendre pourquoi je m'oppose à ce projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations et pourquoi j'ai tant de réserves à son sujet.
Je suis née et j'ai grandi à Vancouver. Je suis citoyenne canadienne et membre de plein droit de la nation Squamish. Ma mère, Nona Lockhart, de son nom de jeune fille Nona Baker, était l'unique enfant de Henry «Hawkeye» Baker. Henry était un gardien de but exceptionnel à la crosse et il a joué pour l'équipe du Canada aux Olympiques de Los Angeles en 1932. En 1966, il a été intronisé au Temple de la renommée canadien de la crosse et, la semaine dernière, deux de ses frères, Ray et Dominic, et lui ont été intronisés au Temple de la renommée des sports de la Colombie-Britannique.
Nona Lockhart est née en 1925 et a grandi dans la maison de ses parents dans la réserve de Mission à North Vancouver. Elle conserve des souvenirs très nets de son enfance là-bas et se rappelle avoir voyagé pour rester avec son père ou pour lui rendre visite à son autre maison dans la réserve Stawamus à Squamish, où Henry allait pêcher, chasser et bûcher dans la montagne. Ma mère se remémore tendrement le temps passé avec ses parents et elle se souvient fièrement d'avoir accompagné Henry à ses parties de crosse. Elle se rappelle les visites de son grand-père quand toute la famille parlait en squamish. Ma mère ne parlait que le squamish, sa langue maternelle, jusqu'à ce qu'elle commence son primaire, mais à l'école, on lui a interdit de parler sa langue.
En 1941, ma mère a demandé une aide financière pour faire des études secondaires. Dans une lettre en date du 29 juillet 1941, adressée au ministère des Affaires indiennes et du Nord à Ottawa, l'agent des Sauvages, M. Ball, écrit ce qui suit au nom de ma mère:
Messieurs, une jeune Indienne de 16 ans, Nona Baker de la bande de Squamish, me demande si le ministère ne pourrait pas lui fournir les manuels dont elle a besoin pour sa première année de secondaire à Vancouver. Elle a pris toutes les dispositions nécessaires et fera des travaux ménagers en échange de la pension, mais elle est incapable de payer les manuels. Je ne sais pas si le ministère est prêt à le faire, mais j'espère que rien n'empêchera d'aider financièrement cette jeune fille qui est assez ambitieuse. Je sais qu'on a déjà payé tous les frais des études universitaires de certains jeunes Indiens, mais à ma connaissance, aucune fille n'a profité d'une telle aide. Pour le moment, j'ignore combien les livres coûteront, mais ce devrait être bien peu de chose en comparaison de ce qu'on a fait pour les jeunes Indiens. Je recommande donc respectueusement qu'on acquiesce à la demande de cette jeune fille si c'est possible. Je vous prie d'agréer, messieurs, les hommages respectueux de votre serviteur et c'est signé F.J.C. Ball, agent des Sauvages.
En réponse à sa demande, M. Ball a reçu des Affaires indiennes une lettre en date du 8 août 1941, qui se lit comme suit:
Monsieur, j'accuse réception de votre lettre du 29 juillet dernier au sujet de Nona Baker. Présentement, le ministère n'encourage pas les jeunes Indiennes à poursuivre leurs études. Néanmoins, nous sommes disposés à lui fournir les manuels utiles si elle va à l'école secondaire, mais nous n'avons pas l'intention d'assumer ses autres dépenses reliées à son instruction. C'est signé Philip Phelan.
En 1947, ma mère a épousé un non-autochtone. Conformément à la Loi sur les Indiens, elle a donc été dépouillée de son statut d'autochtone et de son droit d'appartenance à la bande. Les choses étaient différentes pour les hommes. D'ailleurs, non seulement les hommes autochtones qui épousaient des femmes non autochtones conservaient leur statut, mais leurs épouses non autochtones et leurs descendants l'acquéraient.
En 1968, Henry Baker est mort. Sa femme était déjà décédée en 1967. Dans son dernier testament approuvé par les Affaires indiennes, il laissait tous ses biens à son enfant unique, dans les termes suivants:
Je dispose de tous les biens que je possède à ma mort comme suit: à ma fille, Nona Rose Lockhart, tous mes avoirs, mon argent liquide, ma maison et son contenu dans la réserve indienne no 1 de Mission, et ma maison dans la réserve indienne no 24 de Stawamus, et tous mes biens qui ne sont pas déjà aliénés par les présentes sont donnés à ma fille, Nona Rose Lockhart.
Comme toutes les autres femmes autochtones de l'époque qui avaient perdu leur statut, ma mère n'avait pas le droit d'hériter de la maison où elle était née et où elle avait grandi, et encore moins d'y vivre. Tandis que ma mère occupait un emploi non spécialisé parce qu'on lui avait refusé des études supérieures et qu'elle payait un loyer ou une hypothèque en dehors de la réserve, des membres de la nation Squamish qui vivent dans la réserve ont bénéficié de logements gratuits et peuvent se prévaloir plus facilement de programmes et de services offerts par la bande. Encore aujourd'hui, sur la propriété de Henry Baker dans la réserve Stawamus, vit un autochtone qui est membre de la nation Sechelte, même pas de la bande Squamish. Sa mère à lui a démoli la maison de Henry et l'a remplacée par une autre sans même obtenir la permission de ma mère. Depuis, malgré les demandes qu'elle a présentées, ma mère n'a jamais reçu une indemnité ou un loyer pour l'usage de cette propriété.
Sur l'autre propriété de Henry dans la réserve Mission vit un membre de la bande avec son épouse non autochtone. C'est l'endroit où j'ai passé le plus de temps avec mes grands-parents, dans une maison que Henry a construite de ses mains. J'ai des souvenirs très clairs de mes visites hebdomadaires là-bas. Je me souviens d'avoir cueilli des cerises dans les arbres sur le terrain devant la maison; je me souviens aussi des lilas en fleur à tous les printemps. Je n'oublierai jamais la vue spectaculaire, splendide de Vancouver vers le sud, au-delà du port, depuis la cuisine et le balcon de chez mon grand-père.
En 1988, en vertu de la loi C-31, ma mère a été réinscrite comme Indienne et réintégrée dans la nation Squamish. Elle a voulu se prévaloir des programmes et des avantages offerts aux autochtones comme elle y a droit en théorie. Malheureusement, depuis 14 années que le projet de loi C-31 a été adopté, la nation Squamish ne l'a toujours pas accueillie dans ses rangs et, malgré qu'elle ait demandé la permission de retourner vivre dans la réserve, la bande n'a toujours pas fait le nécessaire. Par exemple, en 1989, il y a 10 ans, elle a demandé un logement, mais on ne lui a toujours pas attribué une maison.
En janvier 1995, ma mère a réclamé en bonne et due forme la propriété de son père à Stawamus dont elle a hérité, mais ni cette propriété, ni l'autre propriété de Henry Baker à North Vancouver n'ont été enregistrées à son nom. En décembre 1995, le conseil de bande a répondu à la demande de ma mère en adoptant une motion qui déclare:
QUE le lot 7 Bloc E, Plan 244-01, réserve indienne no 24 de Stawamus, retourne à la nation Squamish et que Nona Lockhart soit considérée en priorité pour le lot 7, Bloc E, lorsqu'on lui attribuera une maison plus tard.
C'est une motion problématique à bien des égards. Les mots «retourne à la nation Squamish» me donnent à penser que ce lot est encore enregistré au nom de Henry Baker, mais nous sommes incapables d'avoir accès aux registres de la bande pour le confirmer. D'ailleurs, les mots «soit considérée en priorité» ne garantissent absolument pas que ce sera fait et les mots «quand une maison lui sera attribuée plus tard» sont aussi vagues et n'engagent à rien.
Pour essayer de comprendre pourquoi on ne lui avait jamais attribué un logement en 14 ans, j'ai écrit à John Watson des Affaires indiennes en lui posant des questions précises sur le financement fédéral versé pour le programme de logement de la nation Squamish. Ernie Filzweiser, agent des services de financement, a répondu:
Je suis incapable de répondre à vos questions. Le ministère des Affaires indiennes et du Nord ne tient pas des renseignements aussi détaillés que ceux que vous demandez [...]
À cause de mes préoccupations pour ces questions et de mon désir de voir ma mère obtenir la reconnaissance, réaliser ses droits de propriété et bénéficier des avantages auxquels elle est censée avoir droit, avant de mourir, il y a maintenant sept ans que j'assiste assidûment aux réunions des membres de la nation Squamish. J'ai voté sur les motions soumises aux membres et je suis au courant des questions dont j'ai été avisée par le conseil. J'ai été bénévole à des événements culturels et j'ai assisté aux réunions du conseil pour parler au nom de ma mère parce qu'elle est âgée et handicapée et qu'il est de plus en plus difficile pour elle de se déplacer.
Le conseil m'a informée que la nation Squamish avait présenté, en décembre 1993, sa déclaration d'intention en vue de la négociation d'un traité et que le Canada et la Colombie-Britannique avaient présenté des lettres attestant de leur engagement à négocier un traité. Le conseil m'a informée que, pour conclure un traité, il devait obtenir la ratification de l'accord-cadre, de l'accord de principe et du traité en faisant approuver ces documents par les membres, une fois les négociations terminées. On m'a aussi informée qu'un protocole de transparence avait été signé par le Canada, la Colombie-Britannique et les Squamish en octobre 1995.
Toutefois, le conseil ne m'a pas avisée de l'existence du projet de loi C-49 ni du fait que la nation Squamish avait signé l'accord-cadre le 12 février 1996. J'ai appris l'existence du projet de loi C-49 quand je me suis renseignée auprès du bureau de mon député fédéral, John Cummins, en octobre 1998, après qu'un auditeur à une tribune téléphonique ait fait part de ses doutes sur la consultation des municipalités au sujet du projet de loi sur la gestion des terres des autochtones.
Je me posais bien des questions sur les projets de loi C-49 et S-14. Dans ma lettre du 30 novembre 1998, j'ai fait parvenir mes questions au conseil. J'ai ensuite demandé à John Watson des Affaires indiennes, dans ma lettre du 8 décembre 1998, s'il pouvait répondre à mes questions. Dans une lettre en date du 23 décembre 1998, Doreen Mullins, du Bureau fédéral de négociation des traités, me répond que «les renseignements sur le projet de loi C-49 seront fournis dans une lettre à part».
À ce jour, je n'ai pas reçu cette autre lettre d'elle, pas plus que je n'ai reçu une réponse à ma lettre du 31 janvier 1999 que j'ai envoyée directement à la ministre des Affaires indiennes, Jane Stewart. Raymond Chan, le député fédéral de Nona Lockhart, a aussi porté mes questions et mes craintes à la connaissance de la ministre Stewart dans sa lettre du 12 mars 1999. Malheureusement, ni ma mère ni moi n'avons reçu une réponse de la ministre.
En février 1999, Bill Williams de la nation Squamish déclare dans une lettre que «la nation Squamish attendait que le projet de loi fédéral avant de commencer à rédiger les codes fonciers».
L'article 45 du projet de loi prévoit que le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter à l'annexe le nom d'une bande dans les cas où il est convaincu que la signature de l'accord-cadre pour le compte de cette dernière a été dûment autorisée et que celle-ci a effectivement eu lieu.
Je vous demande humblement de profiter de votre étude et de vos délibérations sur le projet de loi C-49 pour mettre en doute les critères selon lesquels le gouverneur en conseil a été convaincu que la signature de l'accord-cadre pour le compte de la nation Squamish a été dûment autorisée, puisque ses membres n'ont même pas été mis au courant de l'accord-cadre.
Je vous demande humblement de remettre en question la validité de l'accord-cadre puisque le conseil n'a pas été autorisé à le signer et qu'il n'y a pas eu de référendum, contrairement à d'autres bandes signataires, pour permettre aux membres de confirmer leur position.
Je vous demande humblement de vous interroger sur les raisons pour lesquelles il y a d'une part un processus de négociation des traités dans le cadre duquel une déclaration d'intention confirme le mandat populaire de négocier un traité menant à la ratification de l'accord-cadre par les membres alors que, d'autre part, il y a aux termes du projet de loi C-49 un accord qui n'a pas été ratifié par la population et dont celle-ci n'a même pas été informée.
Je n'ai pas été avisée non plus que la nation Squamish était venue à Ottawa pour appuyer le projet de loi C-49. Après avoir lu la transcription des délibérations du comité sénatorial des peuples autochtones, lors de sa réunion du 2 décembre 1998, j'ai été choquée d'apprendre que des démarches concernant l'avenir de la nation Squamish, qui vont influer sur ma situation et mes droits en tant que membre, ont été entreprises en mon nom sans que je le sache. J'ai été étonnée d'apprendre que le conseil avait une série de projets d'une valeur totale de 1,3 milliard de dollars pour mettre en valeur les terres de la nation Squamish. Je n'ai jamais vu cette liste et je n'ai jamais été mise au courant de ces projets.
Dans son témoignage au comité, Harold Calla a affirmé que le gouvernement Squamish était un conseil comptant 16 membres représentant les 16 villages qui ont fusionné. C'était vrai au moment de la fusion en 1923, mais il y a belle lurette que le système électoral ne fait plus en sorte que chaque village soit représenté au conseil.
Quand vous étudierez le projet de loi C-49, je vous demande humblement de mettre en doute la validité du projet de loi si jamais les villages de la nation Squamish décidaient de se séparer, ce qui modifierait du tout au tout la composition de la bande et qui, je présume, remettrait en question tout accord ou arrangement juridique ou commercial qui aurait pu être conclu. Certains membres m'ont dit qu'ils ne voulaient plus de la fusion parce qu'ils étaient mécontents de la façon dont le conseil gérait les affaires et l'administration des programmes en leur nom.
Lors de sa comparution devant votre comité, Harold Calla a présenté son fils en déclarant que Jason était également membre de la nation Squamish. Je suis de la même génération que Harold Calla et nos deux mères ont épousé des non-autochtones, puis ont récupéré leur statut en vertu de la loi C-31. Mon fils, Maximilian Lundberg, n'est pas membre de la nation Squamish et, d'après une lettre des Affaires indiennes en date du 25 février 1999, il n'a pas le droit d'être inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens.
Ces faits sont utiles pour votre étude du projet de loi C-49 parce qu'il y a manifestement un schéma de discrimination contre les femmes autochtones en ce qui concerne un sujet important en rapport avec les biens -- l'héritage. Si je pouvais hériter des biens de mon grand-père par l'entremise de ma mère, je ne pourrais pas les transmettre à mon fils parce qu'il est considéré comme un non-autochtone qui n'est pas membre de la bande. Je ne peux avoir les mêmes droits successoraux que toutes les autres Canadiennes que si la loi C-31 est modifiée afin d'y prévoir que tous les descendants des femmes autochtones sont membres de plein droit d'une bande. La loi C-31 déçoit parce qu'elle précise que seuls les enfants des femmes réintégrées ont le droit d'être inscrits et d'appartenir à la bande, mais pas tous leurs descendants.
De même, si la structure des biens immobiliers des autochtones était la même que pour les autres Canadiens -- autrement dit, si les terrains étaient détenus en fief simple -- alors les droits successoraux seraient les mêmes pour tous.
La question de la dévolution successorale des intérêts sur les terres d'une Première nation est visée au projet d'alinéa 6(1)c), mais comme les règles du partage des biens en cas d'échec du mariage qui sont prévues au projet de paragraphe 17(1), les règles et la procédure à suivre pour trancher ces questions de propriété seront établies par une Première nation. Par conséquent, les femmes autochtones n'auront pas automatiquement les mêmes droits fonciers aux termes du projet de loi C-49 que toutes les autres Canadiennes.
En ce qui concerne les droits fonciers des femmes autochtones en cas d'échec du mariage, la nation Squamish est même intervenue, sans en informer les membres de la bande, au nom de toutes les bandes signataires pour le gouvernement fédéral dans la procédure prise par la Société des femmes autochtones de la Colombie-Britannique pour s'opposer au projet de loi C-49. Par conséquent, je suis intimement convaincue que le code foncier établi par une bande sous le régime du projet de loi C-49 n'accordera pas aux femmes autochtones des droits équitables comme ceux dont jouissent les autres Canadiennes. C'est une honte qu'à l'aube d'un nouveau millénaire, les femmes autochtones soient visées par des dispositions législatives moyenâgeuses et qu'elles soient encore obligées de lutter pour obtenir les droits fondamentaux et droits de propriété que possèdent et exercent toutes les autres Canadiennes.
Je crains que si le projet de loi C-49 est adopté, le pouvoir qu'il confère au conseil en vertu des projets d'article 18(3) et 20 l'emporte sur le propre code foncier de la bande. Je crains que le projet de paragraphe 28(1) ne confère au conseil le pouvoir d'exproprier des terres à des fins d'intérêt collectif qui ne sont pas définies et que de tels pouvoirs ôtent tout fondement aux prétentions de ma mère qui revendique un droit successoral sur les biens de son père. Lorsque le fédéral a édicté la loi C-31, il a accordé à la nation Squamish la possibilité de redonner à ma mère les biens de son père et de la réintégrer dans sa bande. Le Canada a conféré à la nation Squamish le pouvoir de mettre un terme au génocide juridique et technique de ses propres membres qui ont souffert de l'application de la Loi sur les Indiens. Pourtant, 14 années ont passé depuis la prise d'effet de la loi C-31 et la nation Squamish a perpétué la discrimination dont ma mère est victime au lieu d'y mettre un terme. Je n'espère plus que l'adoption du projet de loi C-49 corrige sa situation affligeante.
Je suis inquiète parce que le projet de paragraphe 12(2), visant l'approbation des codes fonciers et des accords, exige la participation minimale de seulement 25 p. 100 des électeurs. Pour la nation Squamish, cette proportion équivaut à peu près au nombre de membres qui sont des employés de la bande et comme j'ai moi-même essayé de participer d'une façon vraiment démocratique aux affaires de la bande, je trouve que c'est une disposition particulièrement préoccupante.
Le projet de loi C-49 conférera à une Première nation le pouvoir d'édicter des textes législatifs en vertu du projet d'article 20, mais il est muet au sujet des droits garantis par la Charte aux autochtones et aux non-autochtones vivant sur les terres d'une Première nation. Cela m'inquiète. Le projet de paragraphe 20(3) s'applique aux perquisitions et saisies, mais sans préciser avec quelles règles de droit fédérales le projet de loi C-49 devra être compatible. Selon le projet d'article 23, dans toute procédure judiciaire, la copie d'un texte législatif d'une Première nation, paraissant certifiée conforme, sans qu'il soit nécessaire de prouver l'authenticité de la signature ou la qualité officielle du signataire, fera foi que le texte a été édicté.
À ma connaissance, il n'existe aucune autre procédure judiciaire au Canada où une telle chose serait acceptable et, étant donné une décision de la Commission canadienne des droits de la personne, rendue en 1989 et rejetant la demande de Melva-Lynne Billy qui est membre de la bande de Squamish, je me méfie de tout projet de loi qui ne me garantit pas la protection de la Charte dont bénéficient tous les autres Canadiens.
L'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne met les conseils de bande à l'abri des plaintes contre des décisions prises en vertu de la Loi sur les Indiens. Dans son ordonnance du 7 octobre 1994 sur cette affaire, la Cour fédérale déclarait qu'il est interdit à la Commission canadienne des droits de la personne de faire enquête sur une plainte déposée contre le conseil de la bande indienne de Squamish.
Étant donné cette discrimination systématique contre me mère, Nona Lockhart, moi-même et d'autres femmes autochtones, je suis contre le projet de loi C-49, et je vous demande humblement de considérer le traitement réservé par la nation Squamish aux femmes visées par la loi C-31 comme un précédent lorsque vous examinerez le projet de loi.
Je suis contre un projet de loi qui confère plus de pouvoir au conseil d'une Première nation qui, depuis 14 ans, s'est conduit de façon irresponsable en ne rendant pas ses biens à une femme autochtone. Je crains que les pouvoirs d'expropriation du conseil déplaceront un grand nombre de membres de la bande et que les revendications comme celle de ma mère s'évaporeront.
À titre de membre de plein droit, j'estime que le projet de loi C-49 et l'accord-cadre ne sauraient s'appliquer validement et impérativement à la nation Squamish parce que les critères énoncés au projet d'article 45 n'ont pas été remplis, la signature de l'accord-cadre n'ayant pas été dûment autorisée par la bande. Je soutiens donc que la nation Squamish ne devrait plus figurer parmi les Premières nations à l'annexe.
Honorables sénateurs, je vous demande humblement de songer, quand vous étudierez le projet de loi C-49, que des dispositions législatives ayant force obligatoire pour restaurer, voire établir dans certains cas, les droits fondamentaux et les droits de propriété des autochtones, hommes et femmes, et des non-autochtones vivant sur les terres des Premières nations comme ceux de tout autre Canadien seraient mieux servies si la procédure de traité était discutée ouvertement.
Mme Velma Baker: Honorables sénateurs, je suis très contente d'être ici pour vous parler au nom de mon peuple.
Je ne sais pas par où commencer. J'ai appris l'existence du projet de loi C-49 quand Harold Calla a dit que la nation Squamish voulait ceci et cela. Je n'en suis pas revenue. J'ai été déchirée de l'entendre parler ainsi. Il a dit que la nation Squamish allait faire des merveilles pour son peuple. Ils disent qu'ils font des choses merveilleuses pour leur peuple, mais ils ne sont jamais là. Ils sont toujours à couteaux tirés avec le peuple.
Ils disent qu'ils ont tiré des gens des rangs des assistés sociaux pour les faire travailler au magasin. Ils affirment avoir mis au travail 80 assistés sociaux. Mais pendant combien de jours? Les gens travaillent au magasin peut-être une journée, et ensuite, on ne se préoccupe pas de savoir s'ils ont encore du travail. Voilà comment ils sont. Ils ne s'occupent pas des gens. Ils répètent constamment qu'ils vont s'occuper du monde, mais ils ne sont jamais là quand on a besoin d'eux. Ils luttent toujours contre nous.
Nous devons lutter pour notre langue, notre culture, notre instruction et nos anciens. J'ai ici des pétitions signées par mon peuple pour s'opposer au projet de loi C-49. Est-ce que Harold vous a apporté des pétitions pour montrer ce que les gens voulaient? Je pense qu'il n'en a pas une seule. Mais voilà ce que je vous ai apporté aujourd'hui. Il y a tellement de monde qui craint le projet de loi C-49.
Le président: Voulez-vous déposer ces documents au comité?
Mme Baker: Oui. J'aurais pu avoir plus de signatures, mais quand j'ai raconté aux gens en quoi consistait le projet de loi C-49, nos chefs et notre conseil nous ont fermé la porte de tous les centres récréatifs, centres pour aînés et centres d'apprentissage. Nous n'avions plus d'endroit où nous rencontrer. Nous ne pouvions même pas en discuter. Voilà comment ils travaillent contre le peuple. Si vous adoptez le projet de loi C-49, je vous affirme que cela va nous démolir. On se remet à peine de l'histoire des pensionnats. Si le projet de loi est adopté, cela va les jeter à terre à nouveau parce qu'ils ont déjà eu à supporter qu'on leur prenne leurs terres pour s'en servir à des fins lucratives.
J'ai quelques-uns de mes CP avec moi. J'ai beau être propriétaire, si le projet de loi est adopté, à quoi cela sert d'avoir tout cela? J'essaie de les léguer à mes enfants, mais c'est impossible et si le projet de loi est adopté, il ne me reste plus qu'à déchirer ces certificats. J'en ai sept à donner à mes enfants avant de mourir.
Je vous assure que ce projet de loi ne convient pas à la nation Squamish. Cela ne marchera jamais. Notre peuple souffre. Je leur ai dit que les riches s'enrichissent et que les pauvres s'appauvrissent. C'est la seule explication. Il est temps de les empêcher d'obtenir tout ce qu'ils veulent. Si c'est la seule solution, alors il faut le faire. Je sais que cela va ruiner mon peuple et je parle en leur nom. Les gens me disent toujours que c'est moi le chef et ils veulent que je parle à leur place. J'ai l'appui de bien des aînés. Même les jeunes se sont adressés à moi, mais si vous demandez à Harold et Bill qui les appuie, il leur faudra répondre personne parce que c'est la vérité. Ils ne font que se chicaner ensemble. On a essayé d'organiser une assemblée générale, mais dès qu'on l'a convoquée, eux l'ont annulée. On ne peut pas tenir de réunions. On ne peut rien faire. Ce sont eux qui ont les clés de tous les bâtiments. Si on peut empêcher l'adoption du projet de loi, alors j'espère que mon peuple aura une vie plus agréable. Je vais redonner au peuple les gymnases qui lui appartiennent et dont on ne peut pas se servir en ce moment puisque ce sont eux qui ont les clés. Ils veulent qu'on paie de 500 à 800 $ pour s'en servir. Où peut-on trouver 500 ou 600 $ pour louer un gymnase? Nous n'avons pas d'argent. Nos enfants jouent dans les rues parce que toutes les portes sont verrouillées. Il est impossible d'entrer. Ceux qui veulent s'en servir doivent payer 16 $ l'heure. Comment voulez-vous que des enfants d'assistés sociaux trouvent l'argent? Nous n'en pouvons plus. Je le répète, les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent.
C'est dommage, mais il n'y a pas d'autre façon de voir la situation. Nous refusons que le projet de loi s'applique à notre réserve parce que cela va nous jeter à terre. Nous ne sommes pas très riches. Ils disent que nous sommes la nation Squamish la plus riche, mais qu'on me le prouve. Je n'ai jamais vu d'argent. Il y a eu règlement de revendications territoriales, mais où est allé l'argent? Je n'en ai jamais vu la couleur. Chaque fois qu'on va demander de l'argent au bureau de la bande, on nous dit qu'il n'y en a pas. Pourtant, quand eux veulent une augmentation de salaire, il y a toujours de l'argent pour cela, mais pas pour nous.
Nous avons essayé de faire faire une vérification des finances de la bande. Ils n'ont pas voulu. Ils ont alors menacé les gens d'imposer toutes sortes de réductions budgétaires. Les gens ont peur parce qu'ils ne savent pas quoi faire. Ils se font dire: «Si vous faites cela, on va réduire le financement de l'éducation ou on va réduire le financement des cours de langue ou encore l'aide sociale». Ils veulent réduire toutes les dépenses sauf leurs propres salaires. Leurs salaires sont élevés. On reçoit 32 millions de dollars pour administrer notre nation squamish et pourtant, trois ou six mois après le début de l'année, on est cassés comme des clous. Je leur demande: «Mais où va cet argent? Pourquoi ne pouvez-vous pas aider les gens qui en arrachent?» Je suis toujours en train de me battre avec ces chefs et le conseil. On les appelle des chefs, mais pour moi, ils n'en sont pas. Je ne les appellerai jamais chefs parce que ce ne sont pas mes chefs. Un chef défend son monde, il ne se bat pas contre lui.
Je m'excuse d'avoir l'air impolie, mais c'est mon point de vue et je dis ce que je pense. Un chef doit être respectable. Eux ont perdu le respect de la communauté. Tous ceux qui sont censés travailler pour nous n'ont plus le respect de leur propre peuple. Ils traitent les gens comme des chiens. J'espère arriver à changer cela quand je retournerai chez moi. Je pense que j'ai terminé.
Le président: Pouvons-nous maintenant passer aux questions?
Le sénateur Perrault: Monsieur le président, voilà un excellent mémoire, bien structuré et bien ficelé. Si les allégations contenues dans le mémoire sont exactes, il faut se préparer à apporter les amendements qui s'imposent.
Voulez-vous suggérer des amendements précis à apporter à un article, un paragraphe ou une autre disposition du projet de loi?
Mme Lockhart Lundberg: Proposés par notre bande?
Le sénateur Perrault: Des amendements. Il y a des allégations de graves abus. Si c'est vrai, il faut être prêts, comme législateurs, à faire quelque chose. Si les allégations ne sont pas tout à fait exactes, il faudrait vérifier la loi pour voir s'il n'y a pas lieu de porter des accusations. Cela ferait un article de fond ou un livre de premier ordre. C'est très bien.
Mme Lockhart Lundberg: Merci. Je remets en question les critères suivant lesquels la nation Squamish figure à l'annexe du projet de loi C-49 aux termes de l'article 45.
Le sénateur Perrault: Ce serait intéressant d'avoir une liste des amendements que vous voudriez qu'on apporte. Ainsi, on aurait quelque chose en main. Je présenterais certainement ce papier au ministère de la Justice pour savoir ce que les gens là-bas en pensent, parce qu'il ne faut pas perpétuer une injustice.
Mme Lockhart Lundberg: Je peux établir une liste pour vous, si vous voulez. Mais indépendamment de cela, il y a le fait que le projet de loi a été présenté avant d'être soumis aux gens.
Le sénateur Perrault: Vous voulez dire que la consultation a été insuffisante.
Mme Lockhart Lundberg: Il n'y a pas eu de consultation. Je crois savoir que certaines des autres bandes signataires ont organisé un référendum. Si c'est vrai et si c'est ce que veulent les membres de ces bandes-là, alors très bien.
Le sénateur Perrault: Avez-vous eu une assemblée publique?
Mme Lockhart Lundberg: Il n'y a eu aucune assemblée. J'ai appris cela en octobre quand j'ai entendu quelque chose à la radio. J'ai alors téléphoné au bureau de mon député fédéral pour avoir des informations et on m'a envoyé un exemplaire du projet de loi. J'ai été éberluée de voir la nation Squamish sur la liste parce que ma propre bande ne m'avait donné aucun renseignement. Je n'ai participé à aucun vote sur le sujet. Je le répète, j'ai été un membre très responsable et assidu. J'ai assisté à des assemblées, à des réunions du conseil et à des événements culturels.
Le sénateur Perrault: Vous n'avez pas été invitée à participer?
Mme Lockhart Lundberg: Jamais le conseil de bande ou un autre membre de la bande ne m'a parlé d'un projet de loi, de l'accord-cadre, du projet de loi C-49 ou de quoi que ce soit d'autre.
Le sénateur Perrault: J'aimerais bien que vous suggériez des amendements précis qu'il faudrait apporter au projet de loi. Votre appel a été très touchant.
Mme Lockhart Lundberg: Merci. Je le répète, au sujet de l'article 45, si la société ABC décidait de fusionner avec la société XYZ, est-ce que les actionnaires ne seraient pas tenus d'approuver? Dans notre cas, il n'y a eu ni vote, ni référendum, ni documentation. Les gens n'ont même pas été informés. Ce qu'on nous a dit officiellement, c'est qu'on allait passer un traité qu'il nous faudrait ratifier alors que, pendant ce temps-là, on négociait en secret le projet de loi C-49. La population n'en savait absolument rien.
Le sénateur Johnson: Je voudrais une précision. L'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations date du milieu des années 80. Vous étiez sûrement au courant. Vous dites ne pas avoir été mis au courant de tout ce qui s'est passé depuis. L'accord a été signé il y a trois ans.
Mme Lockhart Lundberg: Je n'en savais rien et je suis un membre assidu de la bande. Je vais aux réunions; j'essaie de me tenir au courant des problèmes et j'essaie de régler l'affaire des biens de ma mère. Je n'avais jamais entendu parler du projet de loi C-49 et je serais prête à l'affirmer sous serment devant un juge.
Le sénateur Johnson: Vous n'étiez pas au courant de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations dont la négociation a commencé au milieu des années 80?
Mme Lockhart Lundberg: Non, pas du tout. Je pourrais jurer devant une cour de justice que je n'en savais rien. Un jour, j'ai entendu à une tribune téléphonique de la Colombie-Britannique un homme d'une municipalité du Nord qui disait craindre l'incidence sur les municipalités d'un projet de loi sur la gestion des terres. Comme je n'en avais jamais entendu parler, j'ai téléphoné au bureau de mon député fédéral où on m'a dit, après avoir fait un peu de recherche, qu'il s'agissait du projet de loi C-49.
Le sénateur Wilson: D'autres témoins avant vous sont venus parler au comité de la discrimination contre les femmes autochtones. Votre témoignage corrobore leurs propos. Les droits de propriété visés au projet de loi C-49 ont l'air de tourner autour de l'expropriation et du divorce.
Mme Lockhart Lundberg: Je soulève aussi la question de la succession.
Le sénateur Wilson: Si le projet de loi est amendé de façon que l'expropriation se fasse comme pour n'importe quelle autre terre au Canada, est-ce que cela toucherait à vos droits de propriété?
Mme Lockhart Lundberg: C'est lié au pouvoir du conseil.
Le sénateur Wilson: Ma seconde question porte là-dessus. Vous avez dit que seulement 25 p. 100 des électeurs ont discuté ouvertement du traité. Qui décide cela et comment le conseil de bande est-il élu? Y a-t-il un mouvement de réforme?
Mme Lockhart Lundberg: Pour ce qui est des électeurs, c'est une disposition du projet de loi C-49. Il faudrait vraiment se battre avec le conseil de bande pour que cette proportion soit plus élevée et que ce soit vraiment une démarche démocratique. C'est dans le projet de loi C-49.
Le sénateur Wilson: Comment le conseil de bande est-il élu?
Mme Lockhart Lundberg: Il est élu de façon démocratique.
Le sénateur Wilson: Vous devez donc avoir des recours démocratiques pour les influencer.
Mme Lockhart Lundberg: Nous essayons.
Le sénateur Wilson: Des amendements concernant l'expropriation et les droits de propriété ne régleraient sans doute pas le problème des droits successoraux, mais est-ce qu'ils seraient bien accueillis?
Mme Lockhart Lundberg: Certains amendements seront bien accueillis. Toutefois, je soutiens que les membres de la nation Squamish n'ont pas été consultés avant la signature de l'accord-cadre. Par conséquent, je pense que la signature n'est pas valide.
Certaines bandes ont organisé un référendum. D'autres témoins qui ont déjà comparu devant le comité ont parlé de référendums et du résultat de votes. Il n'y a eu ni vote ni référendum pour la nation Squamish.
J'ai dit que le conseil avait été démocratiquement élu, mais je crois qu'il nous a trahis en faisant tout cela sans consulter la population. La procédure de traité prévoit expressément que les membres doivent autoriser et ratifier chaque étape.
Le sénateur Tkachuk: Combien de signatures y a-t-il sur cette pétition?
Mme Lockhart Lundberg: Il y en a 250.
Le sénateur Tkachuk: Et quelle est la population de la réserve?
Mme Lockhart Lundberg: La population totale de la bande est d'environ 2 800.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que cela comprend les enfants?
Mme Lockhart Lundberg: Oui, cela comprend tout le monde. À peu près la moitié des gens vivent en dehors de la réserve.
Le sénateur Tkachuk: Je suis très étonné d'apprendre qu'il n'y a pas eu de consultation. On nous a dit que les membres avaient été consultés. Pour bien confirmer, voulez-vous dire qu'il n'y a eu aucune discussion publique du projet de loi C-49 avec les membres de la bande?
Mme Lockhart Lundberg: Nous l'avons appris par hasard. Vers la fin de l'automne 1998, nous avons commencé à informer certains de nos membres. Nous avons présenté par écrit des questions à la bande pour obtenir des informations. Nous avons aussi écrit au ministère des Affaires indiennes mais sans résultat.
C'est alors que nous avons entendu parler du débat à la Chambre des communes et que nous avons entrepris une pétition. Avant l'adoption du projet de loi à la Chambre des communes en février, la bande a convoqué une séance d'information communautaire, mais elle n'a pas envoyé un avis à tout le monde. Il n'y a pas eu de procès-verbal de cette réunion et aucun vote n'a été pris pour savoir si les membres voulaient participer ou non à la procédure de traité.
Environ 40 membres de la bande ont assisté à une réunion. La semaine suivante, il y a eu une autre séance d'information communautaire dont tous les membres de la bande n'ont pas été avisés. Il n'y a pas eu non plus de procès-verbal à la réunion. Une quarantaine de personnes y ont assisté.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que normalement de telles séances sont annoncées? Sans que chacun reçoive nécessairement une lettre, a-t-on placé des avis sur des tableaux d'affichage public ou dans le journal local?
Mme Lockhart Lundberg: Non. Quand une réunion de la bande est convoqué, on envoie un avis par la poste à chacun des membres.
Le sénateur Tkachuk: Et on ne l'a pas fait du tout?
Mme Lockhart Lundberg: Cela ne s'est pas fait avant la signature de l'accord-cadre en 1996 ni lors de la première lecture du projet de loi C-49 aux Communes. Il y a eu une seule réunion convoquée en février. On l'a qualifiée de séance d'information et tout le monde n'a pas été avisé. Ma mère, par exemple, n'a pas reçu d'avis. Moi, on m'a téléphoné le jour de la réunion pour m'informer qu'elle avait lieu ce soir-là.
C'était une séance d'information officieuse à laquelle seulement 40 membres de la bande assistaient. Il n'y a pas eu de vote. Mais j'ai déjà dit que le vote aurait dû avoir lieu avant que les Squamish adhèrent à l'accord-cadre.
Le sénateur Tkachuk: Cette question des droits de propriété dans les réserves est très compliquée et assez épineuse étant donné le régime de propriété. Ce sont des terres de la Couronne.
Mme Lockhart Lundberg: Je le sais.
Le sénateur Tkachuk: Il serait peut-être préférable pour que les sénateurs et le public comprennent bien, que vous expliquiez comment on acquiert une propriété dans une réserve. Vos propriétés, vous les avez achetées ou on vous les a données?
Mme Baker: La propriété s'est transmise de génération en génération. Mon grand-père ou mon arrière-grand-père a déboisé la terre pour la cultiver. C'était sa terre à lui. Quand il est mort, il l'a laissée à un de ses fils et ainsi de suite. La terre a toujours été transmise.
Le sénateur Tkachuk: Est-ce que la propriété a été enregistrée? Est-ce que le ministère des Affaires indiennes vous donne un titre? Y a-t-il un système d'enregistrement?
Mme Baker: Oui. J'ai les certificats de possession que m'a remis le ministère. Mais aujourd'hui, les conseillers de la bande ne veulent plus que les gens obtiennent ces certificats de possession parce qu'ils veulent que toutes les terres appartiennent à la bande. On ne serait plus propriétaire de la terre. Eux veulent avoir un contrôle absolu sur toutes les terres.
Le sénateur Tkachuk: Voulez-vous dire qu'ils prévoient empêcher des particuliers d'enregistrer des terres et des propriétés au ministère des Affaires indiennes et du Nord afin qu'eux en détiennent les droits de propriété.
Mme Baker: Oui.
Le sénateur Tkachuk: Si nous allions tenir une réunion dans la réserve à Squamish, est-ce qu'on arriverait à savoir ce que la population préfère?
Mme Baker: Oui. Les gens seraient ravis si vous y alliez.
Le sénateur Adams: Où pourrait-on se réunir s'ils ont fermé la salle communautaire?
Le sénateur Tkachuk: On demanderait probablement au conseil de bande d'organiser une réunion.
Mme Baker: On pourrait louer une grande salle qui se trouve juste à côté de la réserve.
Le sénateur Gill: Vous exposez de nombreux problèmes que vous éprouvez dans votre localité, et vous devez savoir qu'il y a bien des problèmes qui sont généralisés. Les gens tentent de discuter de ces questions entre eux pour trouver des solutions à des problèmes qui étaient gérés auparavant par des gens des deux bords. Avant, le monde autochtone était géré par les Affaires indiennes. Tout le monde gérait sauf les autochtones eux-mêmes. Il y a bien des choses dont il faut discuter.
Ainsi, le gouvernement a adopté le projet de loi C-31 comme le suggéraient les Affaires indiennes. Quelqu'un d'autre a dû s'occuper du dossier du projet de loi C-49. Avez-vous perdu tout espoir que les Indiens puissent discuter de quelque chose entre eux, que les autochtones arrivent à trouver des solutions?
Mme Lockhart Lundberg: Non.
Mme Baker: Comme je l'ai dit aux gens, il y a beaucoup de vilains mots dans le projet de loi C-49. Un mot peut avoir une certaine signification pour moi mais, pour un Blanc, il peut avoir dix sens différents. C'est cela qui nous fait peur -- ce qui se cache derrière les vilains mots.
Le sénateur Adams: Je voudrais en revenir à la question de la propriété. On a un numéro de lot. Dès qu'on acquiert une terre, personne ne peut nous l'enlever. J'ignore quel est le système dans la réserve, mais n'importe quel membre de votre bande devrait vous dire que vous avez droit à cette propriété. Comment pourriez-vous la perdre?
Mme Baker: Mon frère avait un lot dans la réserve. Pendant qu'il était en prison, des gens s'y sont installés et ont commencé à construire une maison. Ils ne lui ont même pas demandé la permission. L'affaire est maintenant devant les tribunaux. Voilà ce qui se passe sur nos terres. Les gens savent que c'est à nous, mais ils ont quand même le culot de se construire sur notre propriété. C'est comme cela que nos chefs et le conseil se comportent.
Le sénateur Adams: Est-ce que les salles communautaires appartiennent à la communauté?
Mme Baker: Elles appartiennent à la bande, mais nous n'en profitons pas.
Le sénateur Adams: Vous n'en profitez pas. Pourquoi sont-elles fermées?
Mme Baker: Parce que c'est leur façon de faire. Ils veulent de l'argent, encore de l'argent, toujours de l'argent. Comme on dit, l'argent corrompt.
Le sénateur Adams: La communauté devrait avoir un budget de fonctionnement pour ne pas se retrouver à cours d'argent. L'endroit vous appartient. Pourquoi ont-ils décidé de le fermer?
Mme Baker: Je l'ignore. Nous n'en profitons pas parce que seuls les riches peuvent louer la salle. Seuls les enfants des riches peuvent l'utiliser; les enfants des assistés sociaux n'en ont pas les moyens.
Le sénateur Johnson: Vous avez dit que votre fils était membre du conseil, mais qu'il n'y avait pas eu de discussion ou de négociation adéquate à votre avis. Comment cela se fait-il? Vous ne communiquez pas avec votre fils? Est-il incapable de vous raconter tout ce qui se passe?
Mme Baker: Rien n'est censé sortir de la salle du conseil. Une fois la porte franchie, on ne peut plus discuter de rien. Tout le pouvoir est concentré dans cette pièce.
Le sénateur Johnson: Il y a des réunions tous les mois. Vous dites que rien ne filtre de la salle du conseil et vous acceptez cela?
Mme Baker: Je ne veux pas interroger mon fils à ce sujet parce que c'est au chef et à l'ensemble du conseil qu'il revient de parler aux gens. Il n'a pas à le faire tout seul.
Le sénateur Johnson: Cela aiderait si vous vous parliez.
Mme Baker: Qu'est-ce que vous croyez qu'on essaie de faire?
Le sénateur Adams: Si personne ne leur pose de questions, comment faites-vous connaître votre opinion?
Le sénateur Johnson: Vous communiquez au moyen de consultations.
Mme Lockhart Lundberg: Si vous regardez le document désigné «S» qui est annexé à mon mémoire, vous verrez que c'est une lettre de Bill Williams dans laquelle il déclare que cela n'a pas été présenté à la population. Il le dit lui-même.
Le sénateur Perrault: C'est un document important.
Le sénateur Johnson: À cet égard donc, je vous renvoie au paragraphe 10(2) du projet de loi C-49 qui prévoit que: «Est habile à voter en ce qui touche cette approbation tout membre de la Première nation âgé d'au moins 18 ans, qu'il réside ou non dans la réserve en question». Il est question de l'approbation du code foncier et de l'accord spécifique.
L'article 12 du projet de loi énonce les diverses méthodes à utiliser pour obtenir l'approbation populaire et il prévoit qu'au moins 25 p. 100 des électeurs doivent avoir exprimé leur suffrage en faveur d'un projet de code foncier et d'un accord spécifique. C'est prévu dans le projet de loi même.
Mme Lockhart Lundberg: Je doute quand même de la validité en droit d'un tel document étant donné l'article 45 du projet de loi. La population n'a pas été consultée avant la signature de l'accord-cadre et la présentation du projet de loi C-49.
Le sénateur Johnson: L'établissement d'un code foncier ne donne pas de fondement.
Le président: Merci pour votre exposé. Ce n'est pas très rassurant pour la suite de nos travaux.
Nous constatons que la condition des femmes en général est très problématique. Le projet de loi C-49 accorde simplement aux conseils de bande la latitude voulue pour régler les questions foncières. Ils ne sont pas habilités à le faire en ce moment; c'est le ministre qui a tous les pouvoirs. Les conseils espèrent avoir plus d'autonomie.
C'est vous qui élisez les conseils et vous pouvez vous en débarrasser aux élections suivantes si vous n'êtes pas contents.
Selon vous, il ne faudrait pas adopter le projet de loi C-49, même s'il améliore grandement la Loi sur les Indiens?
Mme Lockhart Lundberg: Ce que je veux dire, c'est que l'accord-cadre devrait d'abord être soumis à tous les membres de la nation Squamish. La population devrait se prononcer au moyen d'un référendum, comme l'ont fait les autres bandes signataires, pour qu'on puisse déterminer si elle veut ou non adhérer à l'accord-cadre.
Je trouve que le projet de loi C-49 est imparfait à maints égards.
Le président: Vous voulez donc dire que la nation Squamish ne devrait pas adhérer à l'accord tout de suite?
Mme Lockhart Lundberg: C'est exact.
Le président: Vous croyez que les chefs devraient consulter leurs électeurs et leur expliquer en détail le contenu du projet de loi.
Mme Lockhart Lundberg: Oui.
Le président: Croyez-vous que si on faisait cela, la communauté accepterait le projet de loi?
Mme Lockhart Lundberg: Oui.
Le président: Et on pourrait alors envisager d'adhérer à l'accord plus tard.
Mme Lockhart Lundberg: Oui, en bonne et due forme.
Le sénateur Andreychuk: Si c'est impossible, est-ce que vous préférez alors rester sous le joug du système des Blancs alors qu'on nous dit et redit pourtant que vous n'en voulez pas?
Mme Lockhart Lundberg: Sous le régime de la Loi sur les Indiens?
Le sénateur Andreychuk: Oui.
Mme Lockhart Lundberg: Oui.
Mme Baker: Nous aimons encore mieux cela.
Mme Lockhart Lundberg: Tant qu'un traité n'aura pas été conclu dans les règles et publiquement.
Le président: Y compris le problème général des droits des femmes.
Mme Lockhart Lundberg: Oui.
Le président: Même s'il faudrait rédiger un projet de loi à part?
Mme Lockhart Lundberg: Oui.
Le président: Merci.
Les témoins suivants, honorables sénateurs, sont des représentants du comité consultatif du traité du Lower Mainland et de l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique.
Nous vous écoutons.
Mme Nancy Chiavario, présidente, Lower Mainland Treaty Advisory Committee: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir permis de venir vous faire part ce soir des réserves du gouvernement local au sujet du projet de loi C-49, Loi sur la gestion des terres des Premières nations.
Avant de commencer, je voudrais vous présenter les organisations qui sont représentées ici ce soir et les membres de ces organisations qui composent notre délégation.
Collectivement, nous représentons la Fédération canadienne des municipalités, l'Union of British Columbia Municipalities, le Lower Mainland Treaty Advisory Committee, le Fraser Valley Treaty Advisory Committee et la Lower Mainland Municipal Association. Le maire du district de North Vancouver, M. Don Bell, va présenter l'exposé avec moi. Le maire Bell est membre du conseil d'administration du LMTAC et il est le représentant du gouvernement local aux négociations du traité Tsleil-Waututh. Il est aussi membre du conseil d'administration de la Lower Mainland Municipal Association.
Le maire John Les, qui représente l'Union of British Columbia Municipalities et la Fédération canadienne des municipalités, va présenter un exposé en tandem avec le LMTAC. M. Les est le président sortant de la Fédération canadienne des municipalités, le président actuel de la Fraser Valley Regional District, le maire du district de Chilliwack et membre du Fraser Valley Treaty Advisory Committee.
Font aussi partie de notre délégation ce soir le conseiller James Coleridge de la ville de White Rock, qui préside le sous-comité des communications du Lower Mainland Treaty Advisory Committee; M. David Didluck, directeur général du LMTAC; et Mme Robin Tourangeau, analyste des politiques à la FCM.
Après mes remarques préliminaires et un commentaire des principales réserves que nous inspire le projet de loi C-49, le maire Bell exposera les amendements que nous proposons et présentera la conclusion. Après le maire Bell, le maire Les donnera un aperçu des craintes communes à l'UBCM et à la FCM.
Bref, nous sommes venus tous ensemble pour exprimer collectivement les inquiétudes que suscite le projet de loi C-49 au palier local et pour suggérer certains amendements. Je crois que la greffière du comité vous a déjà distribué des copies des amendements que nous avons rédigés. Toutefois, à la fin de notre exposé, je vous laisserai pour le compte rendu une autre copie des amendements ainsi que nos notes.
Je vais commencer par vous situer notre exposé dans son contexte. Le Lower Mainland Treaty Advisory Committee représente et coordonne les intérêts des gouvernements locaux et de leurs électeurs dans les négociations du traité pour le Lower Mainland.
Le LMTAC se compose de 23 municipalités et de trois gouvernements régionaux. Il est membre à part entière de l'équipe de négociation provinciale. Il a pour rôle de présenter le point de vue des gouvernements locaux et de la collectivité sur les questions autochtones et la négociation des traités, ainsi que d'évaluer l'incidence des politiques autochtones, une fois les traités signés, sur les collectivités locales.
À titre de présidente du LMTAC et membre du comité des affaires autochtones de l'UBCM, je suis ici pour exprimer les inquiétudes que suscite le projet de loi C-49 parmi l'ensemble des gouvernements locaux.
J'insiste sur le fait que le LMTAC n'est pas venu ici pour s'opposer à la substitution des articles 53 à 60 de la Loi sur les Indiens qui régissent actuellement la gestion des terres, ni pour s'opposer au principe de l'autodétermination des autochtones. Nous croyons plutôt que le projet de loi C-49 établit des règles de procédure pour la création de codes fonciers sans tenir compte de la gestion de la croissance et de l'utilisation des terres, deux dimensions qui intéressent vivement les gouvernements locaux et leurs électeurs. Bref, nous croyons que certaines des dispositions actuelles du projet de loi C-49 n'amélioreront pas la coopération entre les gouvernements locaux et les Premières nations; elles vont plutôt accroître entre nous les divisions qui sont actuellement prévues dans la Loi fédérale sur les Indiens et que la procédure de traité de la Colombie-Britannique tente actuellement de résoudre.
En outre, comme tout un processus de négociation des traités se déroule actuellement en Colombie-Britannique pour régler la question des terres et de leur utilisation, le projet de loi C-49 a l'air de créer une procédure parallèle.
Nous croyons que le projet de loi devrait mentionner la procédure de traité de la Colombie-Britannique afin de préciser le lien entre la procédure et les droits et obligations transférés aux Premières nations en vertu du projet de loi C-49. Bref, il faut ajouter au projet de loi une disposition qui préciserait la corrélation, ou l'absence de corrélation, entre l'élaboration des codes fonciers et la procédure de traité de la Colombie-Britannique et indiquer si ces codes seront obligatoires après la signature des traités. Par exemple, suivant la procédure, les gouvernements locaux sont membres à part entière de l'équipe de négociation provinciale et ils se prononcent sur les projets de traité. Or, le projet de loi C-49 ne comporte actuellement aucune disposition prévoyant la participation des gouvernements locaux ou des collectivités avoisinantes à l'élaboration des codes fonciers. Honorables sénateurs, ce sont des questions primordiales pour les gouvernements locaux. Nous vous remercions à l'avance de l'attention que vous accorderez à nos propos.
Je demanderais maintenant au maire Don Bell de vous exposer les amendements précis que nous suggérons d'apporter au projet de loi C-49.
M. Don Bell, maire, Lower Mainland Treaty Advisory Committee: Pour gagner du temps et comme l'exposé de l'UBCM aborde des craintes que partage le LMTAC, je vais me concentrer sur deux réserves précises que nous inspire le projet de loi C-49. Premièrement, le projet de loi n'obligera aucunement une Première nation à consulter les gouvernements locaux ou régionaux voisins au sujet de l'élaboration du code foncier ou des décisions, prises selon le code, sur l'utilisation des terres. Une telle absence d'un mécanisme de consultation pour les ressorts voisins qui sont touchés par les codes fonciers contraste vivement avec les consultations obligatoires entre municipalités et gouvernements régionaux que prévoit la loi sur les municipalités de la Colombie-Britannique et la loi ontarienne sur la planification du territoire. En Colombie-Britannique, la loi oblige les gouvernements locaux à présenter leurs projets d'utilisation des terres aux offices et conseils des gouvernements régionaux et municipalités limitrophes pour connaître leur opinion. Ainsi, une municipalité qui est touchée par un tel projet n'a pas un droit de veto mais elle a la possibilité d'être informée et de faire connaître son opinion avant que la décision ne soit définitive. L'article 855.2 de la Municipal Act de la Colombie-Britannique oblige aussi le conseil d'un gouvernement régional à établir une stratégie de croissance régionale et à adopter un plan qui permette de consulter très tôt et régulièrement par la suite les citoyens de la région, les gouvernements et commissions locaux touchés, et en particulier les Premières nations. J'ai d'autres renseignements reçus en fin d'après-midi qui donnent plus de détails sur la loi ontarienne. Je vais vous les faire parvenir plus tard parce que ce sont des choses que j'ignorais jusqu'à présent. J'ai maintenant plus d'informations. Je vous enverrai ce supplément pour votre gouverne. Je me contenterai de dire pour l'instant que la loi ontarienne est encore plus étendue que la loi de la Colombie-Britannique.
Nous reconnaissons que toutes les provinces n'ont pas adopté une loi rendant obligatoire la consultation des gouvernements voisins au sujet de l'utilisation des terres par une localité et très peu prévoient que les Premières nations de l'endroit soient consultées. Néanmoins, nous croyons que ce principe qui permet à ceux qui seront touchés par une loi sur l'utilisation des terres d'avoir des mécanismes pour se faire une opinion éclairée, devrait être incorporé dans le projet de loi C-49 qui fait époque. De plus, l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Delgamuukw confirme la nécessité et l'obligation de tenir des consultations sérieuses entre les Premières nations et les gouvernements établis.
La consultation des principaux intéressés est un principe capital et fondamental des gouvernements locaux. Toute décision sur l'utilisation des terres d'une réserve est susceptible d'avoir une incidence marquée sur les gouvernements locaux voisins, en particulier en milieu urbain comme dans la région métropolitaine de Vancouver où il y a actuellement 21 réserves.
C'est pourquoi le projet de loi C-49 devrait tenir compte des réserves qui jouxtent des centres urbains, et non pas seulement de celles en milieu rural. De plus, nous reconnaissons et apprécions que le projet de loi C-49 tente de déléguer à la collectivité autochtone la responsabilité de la gestion foncière. Toutefois, le projet de loi n'exige pas la création de mécanismes pour régler les différends entre gouvernements avoisinants, en particulier lorsque ces différends portent sur l'utilisation des terres et sur les questions de planification, de fiscalité, d'infrastructure et de viabilisation qui en découlent. Le seul règlement des différends mentionné dans le projet de loi vise les différends entre une Première nation et le ministre des Affaires indiennes et du Nord, non pas les gouvernements locaux voisins. Je voudrais aussi préciser que la consultation doit être bilatérale. Autrement dit, les décisions prises par une municipalité sur l'utilisation des terres peuvent avoir une incidence sur les terres de la réserve tout autant que les décisions concernant les terres de la réserve sur une municipalité. Voilà pourquoi nous suggérons d'ajouter au projet de loi le principe de la consultation réciproque. Dans le document que nous vous avons remis, nous proposons donc d'amender l'article 20 en y ajoutant le paragraphe 20(5) proposant que les textes législatifs d'une Première nation ne soient renvoyés au gouvernement local ou régional voisin que dans les cas où la loi provinciale régissant l'utilisation des terres par le gouvernement d'une localité limitrophe exige que, dans les mêmes circonstances, la Première nation soit avisée.
Remarquez aussi que l'alinéa 6(1)n) que nous proposons d'ajouter prévoit l'établissement d'un mécanisme pour aider les gouvernements locaux et les Premières nations à régler leurs différends. Nous n'avons pas précisé le détail de ce mécanisme, mais nous proposons notre collaboration pour son établissement à l'étape de la prise des règlements.
Compte tenu des inquiétudes que je viens d'exposer, le Lower Mainland Treaty Advisory Committee, de concert avec l'Union of British Columbia Municipalities et le Fraser Valley Treaty Advisory Committee, a dressé une liste des suggestions d'amendements au projet de loi qui ont reçu l'aval du conseil de direction de la Lower Mainland Municipal Association. Je vous prie d'étudier ces amendements.
Afin de faciliter le travail du comité, nous vous remettons un jeu de documents détaillés pour votre gouverne. Il y a cinq documents. L'un expose les amendements suggérés par rapport à l'ensemble du projet de loi; l'autre est un sommaire des mêmes amendements présentés dans l'ordre de priorité que leur ont accordé les gouvernements locaux. Il y a aussi une copie des notes du LMTAC et de l'UBCM pour les exposés d'aujourd'hui et une lettre de recommandation de la Fédération canadienne des municipalités.
Monsieur le président et honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir écouté. Je veux maintenant vous présenter le maire John Les, qui présentera la position de la FCM et de l'UBCM sur le projet de loi C-49. Il fera aussi quelques observations sur les incohérences du projet de loi en matière de protection de l'environnement. Nous répondrons ensuite à vos questions.
M. John Les, maire, Union of British Columbia Municipalities: C'est pour moi un plaisir et un honneur d'être ici cet après-midi pour vous présenter nos observations sur ce très important projet de loi. Merci de nous en avoir fourni l'occasion. Je suis ici au nom de plusieurs organisations: le Fraser Valley Treaty Advisory Committee et l'Union of British Columbia Municipalities dont je suis l'un des administrateurs. Je suis également maire du district de Chilliwack, une localité de 70 000 habitants qui compte huit réserves indiennes dans ses limites et trois autres qui sont limitrophes.
Il y a trois ans, j'étais président de la Fédération canadienne des municipalités, une organisation nationale qui représente quelque 700 municipalités d'un océan à l'autre. Lors de la récente réunion de son conseil d'administration à Victoria, la Fédération a appuyé à l'unanimité les positions et principes que je vais vous exposer maintenant.
Je suis membre du comité des affaires autochtones de l'Union of British Columbia Municipalities, qui a participé à la négociation d'un protocole d'accord en 1993 et qui a assuré la participation des gouvernements locaux à la procédure de traité de la Colombie-Britannique en leur réservant une place au sein des équipes provinciales de négociation. À titre de membre du bureau du Fraser Valley Treaty Advisory Committee, je fais partie du seul groupe de travail de la Colombie-Britannique qui s'occupe des affaires intergouvernementales à la table de négociation des traités. Ce groupe de travail cherche avec le gouvernement fédéral et la Première nation In-SHUCK-ch N'Quat'qua le moyen d'entretenir des relations constructives entre les gouvernements locaux et les Premières nations après la conclusion des traités.
Je m'adresse à vous aujourd'hui dans le but premier de recommander des amendements au projet de loi afin qu'il serve mieux les intérêts de toute la population canadienne et des nombreuses municipalités et localités de notre pays. J'espère, je suis même fermement convaincu, que les amendements que nous recommandons seront jugés acceptables par les Premières nations concernées. Ces amendements ont aussi été approuvés par mes collègues qui ont parlé tout à l'heure.
Premièrement, je veux souligner que notre gouvernement local est déterminé à établir des relations plus solides entre les Premières nations et les gouvernements locaux. En Colombie-Britannique, 45 réserves indiennes sont situées à l'intérieur des limites d'une municipalité et de nombreuses autres se trouvent dans le secteur électoral d'un district régional. Il y a entre ces collectivités un degré d'interdépendance et de corrélation qu'on ne retrouve pas toujours ailleurs au pays, sauf peut-être pour la Première nation de Muskeg Lake et la ville de Saskatoon qui entretiennent des relations très fructueuses.
Les résidents des localités autochtones et non autochtones se partagent souvent des centres commerciaux et des services de loisir qui sont réglementés et même parfois possédés et administrés par le gouvernement local. Non-autochtones et autochtones travaillent aussi côte à côte dans les localités.
L'autonomie gouvernementale des autochtones fait partie de notre vision des relations entre autochtones et gouvernements locaux. Nous savons pertinemment que les relations intergouvernementales entre nos communautés sont parfois extrêmement complexes. Quelquefois elles sont tendues et, d'autres fois, elles sont plus harmonieuses, mais en général il y a lieu d'être optimiste parce qu'on est en train de jeter les bases de relations solides.
Un gouvernement ne peut pas agir en vase clos et nous des gouvernements locaux mettons l'accent sur la jonction tangible des intérêts municipaux et des intérêts autochtones. De plus, les gouvernements locaux concluent depuis des années des ententes de services avec les bandes voisines dans une foule de domaines. D'ailleurs, il existe plus de 100 ententes de services entre gouvernements locaux et bandes indiennes voisines dans la seule Colombie-Britannique et elles visent les routes, le réseau d'aqueduc, le réseau d'égouts, les bibliothèques, les écoles, la police et d'autres. C'est au niveau communautaire local que l'autonomie gouvernementale autochtone se concrétisera. Quand les choses se seront tassées, et que le fédéral et la province se seront retirés, il faudra que cela marche au niveau local. Nous préférons contribuer au processus pour nous assurer que cette nouvelle forme de gouvernement local soit développée et implantée avec clairvoyance et dans l'harmonie.
C'est notre niveau de gouvernement qui est le plus près de ses électeurs et le plus responsabilisé. Nous avons l'obligation de vérifier si les mesures appropriées sont prises, au moment de déléguer aux Premières nations le pouvoir de gouverner, pour nous assurer de la compatibilité des structures réglementaires et gouvernementales. Il ne faut pas y penser après coup. Il est essentiel que la loi fédérale soit rédigée de façon à ne pas nuire aux relations constructives et harmonieuses déjà établies et à ne pas les détruire par inadvertance.
Nous ne sommes pas de simples spectateurs. Nous avons des intérêts dans les enjeux du projet de loi C-49. Tout compte fait, la coopération et la coordination entre Premières nations et gouvernements locaux joueront un rôle important dans l'application réussie du projet de loi C-49.
Nous sommes d'accord pour que les Premières nations aient la possibilité de s'exclure du champ d'application des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant la gestion foncière, mais le projet de loi C-49 nous inspire quand même certaines inquiétudes. Nous espérons que votre comité réfléchira sérieusement aux amendements que nous allons suggérer aujourd'hui. Nous croyons que ces amendements s'imposent pour dissiper nos craintes.
Nous avons quatre grandes craintes. La première est en fait d'ordre général. En Colombie-Britannique, il y a la commission des traités. Nous croyons que le projet de loi risque de provoquer de la confusion dans les cas où des ententes sur la gestion foncière seront mises en oeuvre en même temps que les autorités gouvernementales autonomes qui auront été négociées par la Commission.
Deuxièmement, le projet de loi ne prévoit aucun mécanisme pour une évolution harmonieuse des relations entre les gouvernements locaux et les Premières nations avoisinantes.
Troisièmement, le projet de loi confère inutilement des pouvoirs d'expropriation beaucoup trop étendus qui pourront être exercés sur des intérêts des gouvernements locaux.
Quatrièmement, le projet de loi C-49 pourra conférer des pouvoirs à d'autres Premières nations, sans que le Parlement examine la question et sans que les autres ordres de gouvernement soient avisés.
L'Union of B.C. Municipalities a fait part de ses inquiétudes au gouvernement fédéral à plusieurs reprises depuis quelques années. L'administrateur Jim Abram, président du comité et membre du bureau de l'UBCM, et un employé de l'Union ont rencontré des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes et du Nord et des représentants du comité consultatif de la gestion foncière. Ils correspondent avec eux depuis 1996, quelque temps après la signature de l'accord-cadre. Durant toutes ces années, nous avons régulièrement fait valoir nos craintes.
Il est dommage que certains députés aient mentionné, en souscrivant au projet de loi C-49, l'appui récemment accordé par l'UBCM à une entente de consultation réciproque conclue avec cinq Premières nations signataires, sans mentionner nos réserves qui ne datent pas d'hier. De plus, M. Abram m'a demandé de préciser le sens des observations faites par M. Robert Louie quand il a dirigé une délégation qui a comparu devant votre comité le 20 avril dernier. M. Abram, comme l'a affirmé M. Louie, appuie sans réserve l'entente de consultation réciproque, mais il appuie aussi vigoureusement l'inclusion de ce principe dans le projet de loi C-49.
Il ne faut pas sous-estimer l'importance de notre première inquiétude. Les cinq Premières nations signataires de l'accord-cadre ont aussi entrepris une démarche à la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Il pourrait y avoir atteinte à l'intégrité de cette démarche si on donnait l'impression que les Premières nations peuvent avoir tout ce qu'elles désirent en empruntant d'autres voies comme cela leur chante. La procédure de la BCTC constitue le meilleur moyen de régler en Colombie-Britannique les problèmes se rapportant aux droits et titres aborigènes. C'est une procédure importante pour préserver l'harmonie sociale et entreprendre un développement durable dans bien des régions de la province. Tout cela, c'est important pour l'ensemble des Canadiens, tant autochtones que non autochtones.
Par conséquent, nous estimons que les initiatives susceptibles d'inciter les Premières nations à refuser de participer aux négociations d'un traité vont à l'encontre des intérêts de la population canadienne. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a déclaré à maintes reprises que le projet de loi C-49 risque de provoquer une telle réaction de la part des Premières nations. La UBCM estime que les craintes du gouvernement sont fondées.
Vous remarquerez que dans les documents que nous vous avons remis, nous n'avons proposé aucun amendement visant à modifier les dispositions du projet de loi qui risquent de perturber le processus de la BCTC. La raison en est toute simple: ces craintes sont étroitement liées aux principes mêmes sur lesquels repose ce projet de loi. Cependant, il servirait mieux les intérêts du gouvernement local si vous teniez compte des quelques préoccupations dont nous allons vous faire part.
Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons rédigé plusieurs propositions d'amendements aux dispositions du projet de loi relatives aux relations intergouvernementales, à l'expropriation, au préavis et au scrutin. Vous les trouverez dans les documents que vous avez sous les yeux.
Je n'ai pas l'intention de commenter tous ces amendements. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes les questions que vous voudriez nous poser au sujet des amendements en question. Mes collègues du Lower Mainland Treaty Advisory Committee ont d'ailleurs déjà donné des précisions à ce sujet dans leur exposé.
Je ferai quelques brefs commentaires au sujet du règlement des différends et du droit d'expropriation. Dans notre deuxième amendement, nous proposons notamment que soit intégré au code foncier un mécanisme de règlement des différends entre ressorts voisins en ce qui concerne l'utilisation des terres. En effet, le projet de loi ne prévoit rien pour les cas où le différend ou l'incompatibilité concerne l'utilisation des terres sur le territoire d'une Première nation et leur utilisation sur des territoires voisins relevant d'autres instances administratives. Il est tout à fait illusoire d'espérer qu'aucune difficulté semblable ne surgira et le fait de déléguer aux Premières nations des pouvoirs de gestion des terres dans une zone urbaine ou semi-urbaine sans tenir compte de cette éventualité frise l'irresponsabilité. Nous reconnaissons que ce n'est pas une tâche facile, mais c'est indispensable. Personne n'a intérêt à ce que l'on pratique la politique de l'autruche, bien au contraire.
Je crois que les amendements que nous proposons se passent d'explications. La possibilité qu'une Première nation exproprie des intérêts appartenant à un gouvernement local, situés sur le territoire de la réserve, nous inquiète. L'article 28 du projet de loi C-49 précise qu'une Première nation peut procéder à l'expropriation des intérêts sur ses terres dont elle a besoin à des fins d'intérêt collectif, notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité. Il précise également que la Première nation est tenue de verser une indemnité équitable en tenant compte des règles prévues par la Loi sur l'expropriation.
Seuls les intérêts obtenus par voie d'expropriation par le gouvernement du Canada et transférés ultérieurement à un gouvernement provincial ou local sous le régime de l'article 35 de la Loi sur les Indiens ne sont pas susceptibles d'expropriation par une Première nation. Les administrations locales possèdent dans les réserves de nombreux intérêts ne relevant pas de ce régime. C'est notamment le cas en ce qui concerne les conduites principales d'eau et la station d'épuration des eaux usées qui se trouvent dans la réserve indienne de Capilano, dans North Vancouver, pour ne citer que deux types d'intérêts appartenant à une administration locale. En me forçant un peu, je pourrais trouver bien d'autres exemples. Nous estimons qu'il est nécessaire de préciser dans le projet de loi que le droit d'expropriation ne s'applique pas à ce genre d'intérêts.
En outre, le pouvoir d'expropriation conféré par le projet de loi est beaucoup plus étendu que les pouvoirs délégués aux administrations locales en vertu de la B.C. Municipal Act. J'entends par là la possibilité d'exproprier des intérêts qui se trouvent dans les réserves à des fins d'intérêt collectif, notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité. Cette disposition est toute nouvelle et n'a jamais été analysée sur le plan juridique. Nous estimons qu'il est nécessaire de biffer les termes «notamment la réalisation d'ouvrages devant servir à la collectivité» ou d'énumérer de façon précise toutes les fins d'intérêt collectif en question.
À notre avis, une telle initiative s'inscrirait dans la démarche logique de l'accord-cadre. L'article 28 laisse planer des doutes inadmissibles quant à l'étendue des pouvoirs des Premières nations en matière d'expropriation.
En ce qui concerne la protection de l'environnement, nous tenons à nous assurer que les normes énoncées dans la législation provinciale s'appliquent aux terres visées par ce projet de loi. Le neuvième amendement qui se trouve à la page 3 du document que nous vous avons remis est libellé de façon à régler la question. Les dispositions actuelles du paragraphe 21(2) indiquent que les normes de protection environnementale des Premières nations doivent être au moins aussi rigoureuses que les normes provinciales. On retrouve une disposition analogue à l'article 24.5 de l'accord-cadre. Par contre, il y a un problème de compétence qui risque d'engendrer des situations qui seraient à l'opposé de l'esprit de l'accord.
L'article 40 du projet de loi précise qu'en cas d'incompatibilité, les dispositions fédérales en matière de protection de l'environnement l'emportent sur les normes établies par une Première nation. La conséquence de cette disposition est que les normes fédérales l'emporteraient sur les normes provinciales correspondantes s'il s'agit de terres sous le régime d'un code foncier. Dans les cas où ces dernières normes seraient plus strictes, cela ne servirait à rien étant donné que les Premières nations ne seraient pas tenues de les respecter ou d'en appliquer de plus strictes encore. Ce n'est certainement pas le but que visaient les rédacteurs du projet de loi. Il semble que ce soit une lacune due à la façon dont cette disposition a été rédigée. Il faut absolument y remédier étant donné que le projet de loi C-49 et l'accord-cadre indiquent clairement que les Premières nations signataires ont convenu d'appliquer des normes au moins aussi rigoureuses que les normes provinciales.
Enfin, nous estimons que les modifications que nous proposons d'apporter au projet de loi C-49 sont raisonnables. Elles sont nécessaires pour que les relations entre les Premières nations signataires de l'accord-cadre et les gouvernements locaux voisins continuent de s'améliorer.
Le sénateur Pearson: Votre exposé est très intéressant. Vous avez raison d'insister sur le fait que nous sommes voisins des Premières nations et il faut trouver des moyens d'entretenir de bons rapports.
Je voudrais savoir comment cela s'est passé jusqu'à présent. Dans quelle mesure les municipalités se sont-elles fait un devoir de consulter les Premières nations établies sur leur territoire? La consultation est-elle pratique courante?
Mme Chiavario: J'exposerai d'abord le point de vue d'un membre du conseil municipal de Vancouver. Nous n'avons pas beaucoup consulté les Premières nations étant donné que rien ne nous y obligeait. Nous annonçons toutefois toutes nos réunions et tous les autochtones vivant dans une réserve ou tout autre membre d'une Première nation peut venir assister aux réunions où nous recevons des délégations. Nous avons fini par comprendre qu'il faut rechercher activement les contacts avec les conseils de bandes.
En Colombie-Britannique, le mandat des conseillers municipaux est d'une durée de trois ans. Au cours du mandat actuel, nous avons eu deux fois l'occasion de nous rendre à la réserve de Musqueam pour discuter de certaines questions avec le conseil de bande. Cela ne se faisait jamais autrefois.
Le sénateur Pearson: Avez-vous consulté des autochtones avant de venir ici?
Mme Chiavario: Nous avons eu plusieurs occasions, sur invitation ou sur demande, de parler avec des membres des Premières nations. Le chef Bill Williams et d'autres membres de la bande de Squamish ont témoigné récemment devant le Lower Mainland Committee. Le maire Les pourrait vous donner l'avis de l'UBCM qui a participé à notre dernier congrès et avec laquelle nous avons eu des entretiens, par l'intermédiaire de son comité des affaires autochtones.
M. Les: Les contacts et la coopération entre les autorités autochtones et non autochtones sont effectivement devenus beaucoup plus fréquents depuis quelques années. En 1989 par exemple, les bandes indiennes se sont vu conférer le pouvoir de percevoir les taxes locales. Nous l'avons appris plusieurs années plus tard par pure coïncidence. Jusqu'alors, nos contacts avec ces bandes avaient été extrêmement limités. Dans ma région en tout cas, nous ignorions tout de ces changements jusqu'à ce que deux des bandes annoncent la nouvelle. Ce transfert de pouvoir a fait baisser nos recettes fiscales de quelques centaines de milliers de dollars par an. Nous trouvions que c'était bien gentil, mais nous continuions à leur fournir des services municipaux et il était nécessaire d'en parler. La confrontation a duré deux ans avant d'en arriver à une entente.
Depuis lors, plusieurs ententes ont été conclues et ce, plus rapidement et plus facilement. La communication était établie.
En ce qui concerne le projet de loi C-49, ce sera peut-être un peu plus facile. Cependant, comme je l'ai déjà signalé, il faut s'assurer que les mécanismes nécessaires sont en place. Il faut établir des normes minimales pour garantir une consultation suffisante.
Le fait que les municipalités aient fait preuve de négligence à cet égard pendant de nombreuses années ne justifie pas que l'on fasse d'autres faux pas en essayant de se racheter. Nous devons améliorer la communication. Nous avons toujours été tenus d'annoncer les audiences publiques portant sur l'utilisation des terres. La Municipal Act nous y oblige. On y a inclus récemment de nouvelles dispositions législatives relatives à la stratégie de croissance régionale qui précisent que les Premières nations doivent obligatoirement être avisées.
M. Bell: Les membres des Premières nations qui vivent sur le territoire municipal sont considérés comme des résidents et ont le droit de participer à l'élection des conseillers municipaux et des conseillers scolaires. Au moins un membre de la commission scolaire de North Vancouver est membre de la bande de Squamish. Il s'agit du chef Philip Joe, qui est ici.
La municipalité a invité les bandes à devenir membres de notre commission consultative de planification en matière de zonage pour nous aider à élaborer nos plans communautaires. Nous les avons invitées à faire partie de certains groupes d'étude -- le dernier en date étant un groupe d'étude sur le secteur riverain -- pour qu'ils participent à la planification dans les domaines qui concernent l'ensemble de la collectivité.
Nous devons encore faire davantage d'efforts de concertation. En vertu de la Municipal Act, nous sommes tenus d'annoncer, dans un délai prescrit, les dates d'étude d'un règlement municipal. Elles doivent être annoncées dans les journaux à grande diffusion. Un article de la B.C. Municipal Act prescrit que les gouvernements régionaux sont en particulier tenus de prévenir les Premières nations avant d'adopter leurs plans régionaux. Nous sommes tenus d'aviser les municipalités voisines. Autrement dit, nous devons adopter des plans communautaires officiels qui sont conformes aux plans régionaux et rédiger des règlements municipaux qui sont conformes aux plans communautaires et partant, aux plans régionaux. Nous ne pouvons adopter aucune initiative qui ne soit pas conforme à ces plans. Par conséquent, nous respectons les prescriptions qui nous obligent à aviser les Premières nations. En Ontario, ces prescriptions sont encore plus strictes. La Colombie-Britannique et l'Ontario sont en avance sur les autres provinces en matière de consultation. On a effectivement de plus en plus tendance à considérer que, si l'on veut s'entendre après la conclusion du traité et l'entrée en vigueur du projet de loi C-49, il faut instaurer des voies de communication très efficaces; ce n'est pas en imposant un veto mais en trouvant un moyen de communiquer que l'on y arrivera.
Nous ne sommes pas contre le principe de l'autodétermination proposée dans le projet de loi C-49. Nous estimons que nous devons entretenir de bonnes relations de voisinage.
Le sénateur Perrault: On nous a donné des renseignements très intéressants. Je voudrais continuer à parler de communications. Nous avons parlé de négociations faites en toute bonne foi et en toute bonne volonté. Votre organisation a-t-elle été consultée pendant l'élaboration de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations ou du projet de loi C-49? Dans ce cas, quelle a été la réaction à vos appréhensions? Dans la négative, estimez-vous que le LMTAC aurait dû être consulté et dans quel but?
Mme Chiavario: Je peux vous donner l'opinion du Lower Mainland Treaty Advisory Committee. C'est tout à fait par hasard que nous, et la Union of British Columbia Municipalities, avons découvert que le projet de loi C-49 n'était en fait que la nouvelle version d'un projet de loi précédent. Seul le numéro a changé.
Nous l'avons appris au mois de septembre 1998, dans le cadre d'un congrès. Nous avons essayé de découvrir au plus vite ce que le gouvernement provincial savait à ce sujet. Il semble être aussi surpris que nous. Pendant deux mois et demi ou trois mois, nous avons demandé des renseignements au gouvernement fédéral. Finalement, avec l'aide de l'UBCM, nous sommes parvenus à recueillir quelques informations. À ce moment-là, le projet de loi avait déjà franchi l'étape de la troisième lecture. Par conséquent, nous avons pris contact avec le Sénat pour voir si nous pouvions venir présenter un mémoire.
Le sénateur Perrault: D'après la lettre du LMTAC, le projet de loi C-49 est «perçu par les gouvernements locaux comme un processus parallèle aux négociations sur les traités». Pourriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire? Cette affirmation signifie-t-elle que vous estimez que l'initiative concernant la gestion des terres prises par le biais du projet de loi C-49 est incompatible avec le processus de négociation des traités?
Mme Chiavario: Il n'y aurait aucune incompatibilité si les problèmes mis en évidence dans les amendements que nous proposons étaient réglés, surtout en ce qui concerne la consultation. Je répète que nous insistons beaucoup sur la réciprocité.
Le processus mis en oeuvre par la B.C. Treaty Commission concerne les mêmes enjeux. Comme je l'ai dit tout au début, il faut un point de référence pour déterminer quelles dispositions sont compatibles ou incompatibles avec les futurs traités.
Le sénateur Perrault: Le maire Bell est maire dans mon secteur et il est excellent.
M. Bell: Est-ce le secteur, le maire ou les deux?
Le sénateur Perrault: Vous parlez d'améliorer les modes de consultation à l'échelle nationale. C'est très bien. Qu'est-ce qui se fait actuellement en matière de consultation et d'ententes en ce qui concerne les questions qui intéressent les deux parties? Les municipalités membres de votre comité consultent-elles régulièrement les Premières nations voisines sur les questions susceptibles de les concerner? Les Premières nations consultent-elles à leur tour régulièrement les municipalités avant de prendre des décisions susceptibles de les intéresser? Le degré de consultation varie-t-il d'une région du pays à l'autre?
M. Bell: Il varie selon les cas. Je suppose que lorsqu'une Première nation traite avec plusieurs municipalités, les relations qu'elle entretient avec celles-ci peuvent varier selon les cas. Par ailleurs, lorsqu'une municipalité a affaire à plusieurs Premières nations, les relations entre les deux peuvent varier selon les cas également.
Le sénateur Perrault: Estimez-vous que les perspectives sont encourageantes?
M. Bell: La situation s'améliore. Je vous ai dit que notre municipalité avait fait le nécessaire pour que deux Premières nations de la côte Nord soient représentées dans nos commissions consultatives. Ces Premières nations n'ont pas été particulièrement actives, même si nous les y avons encouragées. Je suppose qu'elles estimaient à ce moment-là ne pas avoir les ressources nécessaires pour déléguer des représentants. Les discussions qui sont en cours à cause du processus de négociation des traités sont en tout cas plus intenses. Nous avons déjà conclu des ententes de services avec les Squamish. Des employés municipaux ont eu des entretiens avec eux au sujet de problèmes plus récents, mais ce n'était pas à un niveau de communication aussi officiel.
Des représentants des Squamish nous ont dit il y a deux ans qu'ils souhaiteraient que le dialogue soit permanent. Nous avons jugé que c'était une bonne suggestion mais l'affaire en est restée là. Il existe des moyens d'améliorer la communication et c'est pourquoi il est nécessaire que le principe soit reconnu dans le projet de loi. Les questions de détail pourront être réglées par le biais de petites ententes réciproques mais il faut que le principe de la consultation devienne une prescription.
Le sénateur Perrault: Vous voulez que ce soit énoncé expressément dans le projet de loi.
Le sénateur Austin: Je salue tous mes compatriotes de la Colombie-Britannique. Merci pour votre exposé. Il met en évidence plusieurs problèmes intéressants.
En ce qui concerne le droit d'expropriation, nous avons entendu plusieurs doléances relatives aux termes employés dans le projet de loi C-49. D'après les informations que vous nous avez données aujourd'hui et d'après l'exposé du maire Les, l'emploi de ces termes n'a jamais été mis à l'épreuve. Pouvez-vous nous dire quels droits d'expropriation sont prévus dans la Municipal Act ou dans quelque autre loi s'appliquant aux municipalités de la Colombie-Britannique? Dans quelles circonstances avez-vous le droit d'exproprier des terres privées?
M. Les: D'une manière générale, nous avons le droit d'exproprier des terres dans l'intérêt public. L'élargissement des routes est probablement le motif d'expropriation le plus courant. Je suis actif dans la politique locale depuis 16 ans et notre conseil n'a jamais eu recours à l'expropriation pendant toute cette période. Je dirais que dans la plupart des régions, c'est un mécanisme auquel on n'a pas souvent recours pour atteindre les objectifs de l'administration locale.
En Colombie-Britannique, depuis que l'on a remanié les dispositions législatives concernant l'expropriation, c'est-à-dire depuis quelques années, c'est devenu une solution très coûteuse. On a tendance à éviter d'y avoir recours. Quand on négocie, la propriété peut généralement être achetée pour un prix de 15 à 25 p. 100 supérieur à sa valeur marchande. C'est malgré tout une solution moins coûteuse que les recours devant les tribunaux.
Je dirais que c'est pour élargir les routes que l'on a probablement le plus souvent recours à l'expropriation.
Le sénateur Austin: J'ai une question purement hypothétique à vous poser. Je sais que les politiques aiment qu'on leur pose ce genre de question.
À supposer qu'un promoteur qui s'intéresse à 10 magasins appartenant à 10 propriétaires différents vous dise ceci: «J'ai essayé d'acheter ces propriétés mais les propriétaires des deux maisons situées au milieu de la rangée refusent de vendre. J'ai besoin de ces deux magasins. Je compte investir des centaines de millions de dollars et créer un millier d'emplois. Ce sera formidable.» Le conseil municipal pourrait-il exproprier les deux propriétés en question?
M. Les: Je suppose que sur le plan purement légal, il pourrait le faire mais ce serait très risqué sur le plan politique. Je ne prendrais jamais un tel risque. J'estime que ce serait une ingérence injuste dans les affaires d'un propriétaire. Si l'expropriation ne sert pas directement l'intérêt public, elle me semble injustifiée. C'est mon opinion personnelle. Comme je viens de le dire, il est fort probable que ce soit légal. Mes collègues voudraient peut-être faire des commentaires à ce sujet.
Mme Chiavario: À Vancouver, il y a une douzaine d'années, alors que l'agrandissement de l'Hôpital General de Vancouver était à l'état de projet, il y avait, à l'endroit où l'on prévoyait construire une aire de stationnement de plusieurs étages, une maison qui appartenait à une vieille dame. La question relevait de la compétence du gouvernement provincial et, en partie, de celle du District régional de Vancouver. La municipalité a recommandé de permettre à cette dame de finir ses jours dans sa maison et les autres paliers de gouvernement ont accepté. Les travaux d'agrandissement ont été effectués autour de sa maisonnette. Elle a encore vécu quelques années après la fin des travaux et, après son décès, la propriété a été achetée et la maison démolie. Pour l'instant, ce n'est qu'une petite aire publique.
Le sénateur Austin: La maison aurait-elle pu être expropriée si on l'avait voulu?
Mme Chiavario: Dans ce cas, c'est la province qui aurait pu l'exproprier.
Le sénateur Austin: Le sénateur Perrault est peut-être le seul avec moi qui soit assez âgé pour se souvenir de l'incident que je vais vous relater. À un endroit appelé Granville et Georgia, le maire, un certain Tom Campbell, a exproprié une propriété commerciale contre la volonté de ses propriétaires pour la construction de l'actuel édifice de la Banque TD, des édifices situés de l'autre côté de la rue et de l'hôtel Four Seasons, entre autres. Cela a fait tout un scandale dans cette municipalité à l'époque.
Mme Chiavario: Certains conseillers n'étaient pas et ne sont toujours pas d'accord que l'on ait fermé la rue Granville pour la transformer en piétonnier qui ne sert en fait pas de piétonnier. Je dois dire que je ne m'intéressais pas beaucoup au maire Campbell, si ce n'est que pendant les émeutes de Gastown, lorsque j'étais une hippie, il m'a chargée avec son cheval.
Le sénateur Austin: J'essaie de savoir exactement si les autorités ont ce genre de pouvoir. Le tout est de savoir si ces développements commerciaux servent l'intérêt de la collectivité. Si nous nous intéressons à la chose d'aussi près, c'est parce que des pouvoirs analogues sont conférés ou sont possibles sous le régime du projet de loi C-49, selon la façon dont on en interprète les dispositions. Je connais un vieux proverbe qui veut dire que la réciprocité est synonyme d'équité. Si les municipalités et les gouvernements provinciaux ont de tels pouvoirs, il ne serait que juste de conférer des pouvoirs aussi étendus aux bandes auxquelles appartiennent ces terres, pour leur permettre de les gérer. Qu'en pensez-vous?
M. Bell: Ensemble, nous avons pas mal d'années d'expérience dans les affaires municipales. Il y a 25 ans que je travaille dans ce milieu. Je ne me souviens que d'une seule expropriation pour toute cette période, et c'était pour agrandir une caserne de pompiers, dans North Vancouver. Le propriétaire refusait de vendre et il a fallu l'exproprier.
Dans certains cas, on a échangé des emprises de route. Un autre instrument prévu dans la Municipal Act est le remembrement qui permet de regrouper des parcelles de terrain de grande valeur dans un secteur d'aménagement bien précis.
La différence entre le pouvoir conféré dans le projet de loi C-49 et ce genre de pouvoir est qu'il y a possibilité de recours en justice. Les pouvoirs municipaux en la matière peuvent être contestés devant les tribunaux. Les intéressés peuvent porter l'affaire en justice.
Il y avait en bordure de la Capilano une parcelle de terrain que l'on voulait exproprier pour aménager un parc. Un règlement municipal avait été adopté à cet effet. Au moment de l'adjudication, l'indemnité offerte par le district régional avait été refusée par le propriétaire parce qu'il la trouvait insuffisante. Il a porté l'affaire devant la cour et celle-ci a reconnu qu'il avait raison. Elle a ordonné le versement d'une indemnité plus élevée et le district de la région de Vancouver a finalement renoncé à exproprier.
La différence, c'est qu'il y a possibilité de recours en justice. Le projet de loi C-49 ne prévoit pas cette possibilité. Nous avons parlé de mécanisme de règlement des différends.
Le sénateur Austin: Cette possibilité n'est pas prévue parce que le projet de loi ne prévoit aucun processus d'appel tel qu'on l'entend actuellement.
M. Bell: Aucun mécanisme de règlement des différends n'est prévu.
Le deuxième problème, c'est que le projet de loi C-49 dit que l'expropriation est possible lorsqu'il s'agit d'intérêts dont elle a besoin, de l'avis de son conseil. Nous estimons que des précisions supplémentaires à ce sujet sont nécessaires. Il existe de nombreux précédents dans le cas des décisions municipales qui indiquent ce que l'on entend par des travaux devant servir la collectivité; il s'agit notamment d'élargissement de routes et de travaux d'agrandissement ou de construction de casernes de pompiers. À mon avis, la décision d'exproprier uniquement pour faciliter le développement n'est pas justifiable. La conseillère Chiavario a cité de nombreux exemples. Il est fréquent que certaines parcelles de terrain situées dans une municipalité ne soient pas aménagées parce que les propriétaires ont refusé de vendre et comme il aurait fallu construire autour de ces propriétés, on a changé d'emplacement.
Le sénateur Austin: Je voudrais sortir du domaine de l'hypothétique et poser une question bien précise.
À Chilliwack ou dans West Vancouver, c'est-à-dire dans les districts que vous représentez, y a-t-il des terres appartenant aux Squamish ou d'autres terres soumises au régime du projet de loi C-49 sur lesquelles se trouvent des intérêts municipaux qui pourraient être acquis par voie d'expropriation aux termes des dispositions de ce projet de loi?
M. Bell: Il est possible qu'il y ait quelques intérêts municipaux, notamment des conduites d'eau ou des installations de traitement des eaux d'égout ou des emprises routières, comme l'a mentionné le maire Les.
Le sénateur Austin: Y a-t-il des parcs qui pourraient être expropriés à des fins de développement économique? Connaissez-vous des exemples? Il y en a un en particulier dans West Vancouver pour lequel je me pose des questions.
M. Les: Nous sommes en train de nous aventurer en eaux troubles. Le problème des parcs a été abordé dans le cadre du processus de négociation des traités parce que les parcs municipaux sont soumis à divers régimes fonciers. Dans certains cas, les parcs qui sont des parcs municipaux depuis un siècle appartiennent toujours au gouvernement provincial, par exemple. Dans d'autres cas, c'est la municipalité qui a le titre de propriété. La réponse à cette question varie beaucoup selon les circonstances. Il faudrait se lancer dans toutes sortes de conjectures pour le savoir.
Le sénateur Austin: Je n'essaie pas de résoudre des problèmes. J'essaie seulement de savoir s'il y en a.
En ce qui concerne la question de la consultation, est-ce aussi sérieux que vous l'avez laissé entendre? Si des développements sont prévus sur des terres autochtones, il faudra trouver des fonds et des investisseurs. Les investisseurs exigeront des garanties concrètes. Par conséquent, la façon dont le développement s'effectue constituera un bon sujet pour amorcer le dialogue.
M. Les: C'est généralement exact. On a vu cela à Chilliwack il y a deux ou trois ans, lorsqu'une de nos bandes a aménagé un nouveau centre d'achats situé sur son territoire. Il fallait installer des services d'adduction d'eau et des services d'égout; il fallait en outre faire des travaux de réfection sur les routes situées devant cette propriété. Les deux parties ont étroitement collaboré.
Par contre, si j'évoque la perspective d'une expropriation dans le but de construire un casino, c'est déjà un cas beaucoup moins clair. Il y a souvent moyen de réaliser le projet sans le consentement des administrations locales.
Je n'ai pas besoin d'expliquer comment une collectivité locale pourrait réagir face à ce genre de projet, même s'il était construit en plein milieu de la localité, ce qui serait le cas en ce qui nous concerne et en ce qui concerne plusieurs autres municipalités.
Le sénateur Johnson: Monsieur le maire, je voudrais continuer à poser des questions sur un sujet qui a déjà été abordé par le sénateur Austin, à savoir celui du développement économique. La nation Squamish a-t-elle consulté le District of North Vancouver lorsqu'elle a construit le Real Canadian Superstore? Pouvez-vous me dire quel genre de difficulté cela impliquait?
M. Bell: Je ne faisais pas partie du conseil municipal lorsque la bande de Squamish a décidé de réaliser ce projet.
D'après ce que l'on m'a dit à ce sujet, la bande en avait parlé à des employés mais pas aux membres du conseil. L'autorisation du conseil municipal n'était pas nécessaire parce que cela se faisait sur le territoire de la bande et que c'est elle qui avait compétence en la matière.
Une entente de services existait déjà pour la zone concernée, la réserve indienne no 2. Elle avait été négociée lorsque j'étais maire, en 1980 ou 1982 et elle assurait des services municipaux à cette zone.
À en juger d'après les doutes qui avaient été exprimés à ce sujet à ce moment-là, si le projet avait été réalisé sur le territoire de notre municipalité et si un processus d'examen public aurait eu lieu, nous aurions exigé un aménagement paysager plus élaboré, et un certain retrait par rapport à la grand-route. Nous aurions fait cela pour l'impact visuel. C'est important aux yeux des habitants de la localité mais on n'en a pas tenu compte.
Le sénateur Johnson: Nous savons donc que les amendements proposés au projet de loi C-49 concernent les droits d'expropriation et les ouvrages d'intérêt collectif. Est-ce bien cela?
M. Bell: Oui.
Le sénateur Johnson: Un de mes collègues a dit que le projet de loi C-49 pourrait être une source de conflits d'intérêts dans ce domaine, à moins de remédier à ces lacunes en y apportant des modifications. Êtes-vous de cet avis?
M. Bell: Oui. Des consultations ont été exigées en Ontario et en Colombie-Britannique. J'ai employé à leur sujet le terme «avant-gardistes». Je crois effectivement que ces provinces sont à l'avant-garde. Le projet de loi C-49 est un projet de loi avant-gardiste qui reconnaît que les Premières nations doivent tenir en main les rênes de leur destinée. Par ailleurs, il faut faire le nécessaire pour entretenir de bonnes relations de voisinage. Ce sont précisément des mécanismes qui permettent d'atteindre ce but que nous recherchons.
Le sénateur Johnson: Nous les recherchons tous.
Le chef Robert Louie, du Interim Lands Advisory Board, nous a dit qu'à la suite d'un examen de la législation provinciale, on n'avait découvert aucune disposition obligeant les municipalités à consulter les Premières nations quand elles prennent une décision sur des initiatives concernant les deux parties. Que fait-on actuellement pour essayer de s'entendre sur ce genre d'initiatives? Consultez-vous régulièrement les Premières nations établies dans votre voisinage quand il s'agit de prendre des décisions susceptibles de les concerner?
M. Les: Il existe deux mécanismes. L'un est en vigueur depuis des années.
Le premier est que les municipalités sont tenues d'annoncer les changements qu'elles proposent au mode d'utilisation des terres dans les journaux locaux qui sont diffusés également dans les réserves.
Le deuxième est que lorsqu'on veut procéder au réaménagement ou au rezonage d'une propriété, il faut qu'un avis soit affiché pendant un délai minimum avant la tenue d'une audience publique. C'est le cas dans toutes les municipalités, à ce que je sache.
Le troisième mécanisme, que M. Bell a signalé dans son exposé, est que les dispositions actuelles de la Municipal Act imposent certaines prescriptions aux 27 districts régionaux de Colombie-Britannique. Lorsqu'il s'agit d'établir des règlements concernant la stratégie de croissance régionale, ils sont expressément tenus de consulter les Premières nations.
Le sénateur Johnson: Si ce projet de loi est adopté sans amendements, seriez-vous disposés à coopérer?
M. Les: Nous sommes tenus d'observer la loi. Nous n'avons pas le choix, à ce que je sache.
Le sénateur Johnson: C'est un fait. Cependant, il y a des possibilités d'appel à divers paliers, comme vous le savez.
M. Les: Nous continuerons à faire de notre mieux pour collaborer avec les Premières nations. Je vous recommande toutefois d'examiner certains changements qui ont été suggérés car ils augmenteront à mon avis les chances de succès de ce projet de loi et apaiseront les craintes de toutes les parties concernées.
Nous n'avons pas besoin qu'on nous impose une loi qui soit difficile à mettre en application au cours des premières années. J'ai fait allusion tout à l'heure aux dispositions législatives sur les taxes qui ont été adoptées vers la fin des années 80. Pour être franc, je dirais que nous n'avons pas eu le choix. Le gouvernement fédéral a décidé que c'était utile et il les a adoptées. Le gouvernement provincial, ou du moins celui de la Colombie-Britannique, a dû se dépêcher d'accorder ses violons et d'adopter une loi provinciale d'autorisation. À l'échelon municipal, la confrontation a duré parce que les intéressés ne comprenaient pas la loi ni ses conséquences. Il faut que les gouvernements provinciaux et surtout, en l'occurrence, le gouvernement fédéral, les connaissent pour pouvoir appliquer la loi dans un climat de collaboration et pour que tous les intéressés comprennent bien de quoi il s'agit. C'est nécessaire pour que cela marche comme sur des roulettes et pour éviter une levée de boucliers ou un scandale.
Mme Chiavario: Je voudrais ajouter quelques commentaires qui représentent un point de vue local. Si cette loi est adoptée, elle pourrait compromettre, comme je l'ai déjà mentionné, le processus de négociation des traités de la Colombie-Britannique parce que, d'après ce que disent certains représentants des Premières nations, dans ce cas, ils n'auront plus à se préoccuper des traités.
Le sénateur Johnson: Nous avons tous entendu cet argument.
M. Les: C'est un bon argument.
Le sénateur Adams: Si vous voulez collaborer de la sorte avec les organisations autochtones, comment allez-vous faire en ce qui concerne les services de police? Avez-vous plusieurs règlements municipaux pour les diverses zones? Y a-t-il des forces policières différentes? Comment allez-vous procéder?
M. Les: À North Vancouver, la municipalité a un contrat avec la GRC. West Vancouver a un corps de police municipal. Sur le territoire de la bande de Squamish, c'est-à-dire dans la réserve, la surveillance policière est assurée par la GRC et il y a en plus un agent autochtone qui patrouille le territoire.
Le sénateur Adams: Comment les habitants de Vancouver savent-ils qu'ils font partie de telle ou telle zone? Par exemple, si un établissement comme un casino n'est ouvert qu'à certaines heures, y a-t-il deux sortes d'arrêtés municipaux différents?
Mme Chiavario: La Ville de Vancouver possède un corps policier municipal efficace et les relations avec la réserve de Musqueam, située dans les limites du territoire municipal, sont bonnes. Si je ne suis pas au courant de tous les détails, je sais qu'un membre de la bande patrouille cette zone et applique les mêmes règlements. En ce qui concerne les non-autochtones qui vivent sur le territoire de Musqueam, c'est la police municipale de Vancouver qui assure leur sécurité.
Le sénateur Perrault: Vous nous avez fourni des renseignements utiles.
Le président: Monsieur Blair, je vous en prie.
M. Lou Blair, directeur, Lynnwood Industrial Estates Ltd.: Bonsoir. Je suis le directeur de la société Lynnwood Industrial Estates Ltd., qui sous-loue des terrains et des plans d'eau en vertu d'un bail conclu avec Sa Majesté la Reine au nom de la bande indienne de Squamish.
Je suis accompagné par M. Clemens, notre avocat. Je vous ferai d'abord un bref exposé. Ensuite, M. Clemens prendra la parole, après quoi nous répondrons à vos questions. Je dirai enfin quelques mots pour terminer.
Lynnwood et la bande de Squamish sont signataires d'un bail depuis 41 ans. Il reste 17 ans et huit mois, plus une période de renouvellement. Notre entreprise n'est pas la seule à Lynnwood. On y trouve en effet une cinquantaine de petits locataires commerciaux qui emploient 250 personnes. Ces entreprises ont des activités variées allant de la menuiserie à l'entretien de machines et de moteurs de bateau en passant par la collecte des ordures et la construction d'embarcations. C'est un groupe d'entreprises variées et dynamiques qui contribuent à l'économie de la côte Nord.
Je vous invite à lire notre court mémoire pour avoir un aperçu des activités commerciales de Lynnwood. J'y ai inclus deux ou trois photographies, dont une qui a été prise en 1958, avant que le grand pont ne soit construit, et une du grand pont avant qu'il ne s'effondre. Je suis certain que le sénateur Austin s'en souvient. Une autre photographie représente cette zone sous son aspect actuel, avec le Ironworker's Memorial Bridge, comme on l'appelle. J'y ai également ajouté quelques documents susceptibles de vous intéresser: une liste des sous-locataires, une liste des propriétaires et des employés et quelques lettres venant de mon bureau ainsi que le mémoire de M. Clemens.
Notre société croit que la bande de Squamish doit gérer ses terres et c'est pour cette raison qu'elle ne s'oppose pas au projet de loi C-49. Ce projet de loi doit toutefois donner aux non-autochtones qui font affaire sur les terres autochtones des certitudes quant à l'occupation de ces terres. Lynnwood et ses 50 locataires commerciaux non autochtones doivent être en mesure de faire fructifier leurs investissements. Les articles du projet de loi C-49 qui traitent de l'expropriation, de l'arbitrage et du droit environnemental doivent être par conséquent empreints de clarté et de certitude. Permettez-moi de vous raconter brièvement comment notre groupe a acquis Lynnwood Industrial Estates et de vous expliquer ce que nous sommes devenus.
En 1989, mes partenaires et moi-même avons signé le contrat d'achat de la société. Nous avons fait preuve de diligence: le bail et l'arbitrage ont été examinés; le risque élevé de l'investissement a été calculé; la confiance dans le bail et dans notre nouvelle entreprise s'est raffermie. Quelques années plus tard, nous avons emprunté 700 000 $ pour acheter le dernier bâtiment dont Lynnwood n'était pas propriétaire. La Banque TD n'a pas hésité à nous avancer la totalité des fonds.
Lynnwood a payé le loyer du terrain et du plan d'eau, les taxes ainsi que l'emprunt à la banque, avec professionnalisme et ponctualité. Cependant, en 1993, nous avons eu recours à l'arbitrage au sujet du loyer. Notre bail comprend une clause de renouvellement tous les cinq ans. En cas de désaccord entre nous et la bande indienne de Squamish, nous avons recours à l'arbitrage. Un arbitre a rendu sa décision en février 1999. Les frais ont été énormes pour les deux parties mais probablement plus pour la bande de Squamish. Lynnwood a versé les 587 000 $ supplémentaires à la bande de Squamish conformément au contrat de location et toujours dans les délais prescrits.
Parlons maintenant des quatre dernières semaines. Notre emprunt à la banque sera complètement remboursé le 4 octobre 1999. Pourtant, la Banque TD ne veut pas nous avancer une nouvelle somme de 600 000 $ entièrement garantie par les partenaires. L'entreprise est viable. L'arbitrage prévu dans le bail donne de bons résultats et Lynnwood honore sans faute ses obligations financières. Qu'est-ce qui a changé au cours des 10 dernières années?
La seule chose qui ait changé est que l'incertitude concernant les terres autochtones a fait perdre à la Banque TD l'envie d'être le partenaire financier d'une société cotée AAA. Les non-autochtones qui investissent en territoire autochtone représentent désormais trop de risques pour que les banques donnent leur caution. La situation est aberrante.
La bande de Squamish et Lynnwood ont eu des rapports parfois houleux mais c'est souvent le cas entre propriétaires et locataires. Le projet de loi C-49 rendrait l'avenir de Lynnwood précaire.
Lynnwood avait l'habitude de compter sur le bail et sur les dispositions concernant l'arbitrage pour bien régir et trancher les différends entre propriétaires et locataires. Or, le projet de loi C-49 ne garantit de façon claire et précise aucune protection face à une éventuelle expropriation; il pourrait même permettre d'abroger les droits que nous avons actuellement en vertu du bail.
Les entreprises non autochtones, qui n'ont pas leur mot à dire dans la gestion des affaires autochtones, doivent être protégées par les lois. Il est impératif que la «justice naturelle» protège à la fois les autochtones et les non-autochtones.
M. Murray Clemens, avocat, Lynnwood Industrial Estates Ltd.: Honorables sénateurs, comme l'a mentionné M. Blair, la société Lynnwood ne s'oppose pas à ce projet de loi qui fera date dans l'histoire. Notre mémoire et les commentaires que nous allons faire ce soir indiquent comment il est possible d'améliorer ce projet de loi dans l'intérêt de toutes les parties concernées. Ces modifications amélioreront le climat pour ce qui est des investissements et du développement commercial.
Je suis spécialisé dans les litiges commerciaux et je suis l'avocat de Lynnwood depuis 1982; je représente la société et essaie de régler les différends concernant le bail. J'ai 25 ans d'expérience dans les litiges commerciaux.
Les relations commerciales sont excellentes lorsque les parties font preuve de bonne volonté et de bonne foi. Cependant, dans le cas contraire, les relations ne peuvent survivre que si les contrats ont été rédigés dans un langage clair qui ne laisse aucune place à l'ambiguïté.
C'est assez fréquent dans le cadre des ententes de partenariat, des contrats de franchise et des baux, surtout lorsqu'ils sont à long terme et que les parties initiales ne sont plus présentes. En ce qui concerne par exemple un bail avec une entité comme la nation Squamish, les membres du conseil de bande peuvent changer. En ce qui concerne une entreprise comme Lynnwood, les actionnaires peuvent changer. M. Blair représente le deuxième groupe d'actionnaires dont j'ai été le porte-parole.
La certitude est tout aussi nécessaire, voire davantage, dans le contexte d'un projet de loi que dans celui des relations d'affaires. Le bail donne un aperçu du contexte dans lequel s'inscrivent les relations de mon client avec la bande de Squamish. Le sens du terme «loyer» dans le bail a été matière à litige pendant des années. Le bail indique en effet que le loyer fixé doit être juste entre le propriétaire et le locataire et tenir compte de toutes les circonstances existantes.
Nous sommes allés deux fois devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, deux fois devant la Cour d'appel et avons fait une demande à la Cour suprême du Canada. Il a finalement été décrété que le loyer serait basé sur la valeur des parcelles dans leur condition initiale de wadden et non sur la valeur qu'elles ont acquise à la suite des aménagements effectués depuis 1958.
Les recours devant les tribunaux sont parfois un luxe très onéreux. Les préoccupations de Lynnwood en ce qui concerne ce projet de loi portent sur l'expropriation, le règlement des différends ainsi que sur la réglementation environnementale et foncière. Dans le cadre de mon exposé, je parlerai surtout de nos craintes au sujet du droit d'expropriation.
Deux de nos appréhensions concernent les termes employés et, comme je l'ai déjà mentionné, il est nécessaire que les termes ne prêtent pas à ambiguïté pour maintenir les bonnes relations. On a beaucoup parlé du droit d'exproprier «à des fins d'intérêt collectif». Comme je l'ai signalé dans mon mémoire, on ne retrouve pas de termes strictement identiques dans les dispositions législatives provinciales ou fédérales en matière d'expropriation.
La deuxième préoccupation concerne le calcul de l'indemnisation. Le paragraphe 28(5) dit que la Première nation est tenue de verser au titulaire de tout intérêt exproprié une indemnisation équitable. Il doit être tenu compte, dans le calcul de celle-ci -- et j'insiste sur ce point --, des règles énoncées aux articles 26 à 36 de la Loi sur l'expropriation.
Que signifient les termes «à d'autres fins d'intérêt collectif» et «il doit être tenu compte»? Cela veut dire entre autres choses que les litiges fondés sur l'interprétation de ces termes enrichiront les avocats pendant des années.
Est-ce nécessaire? Pas vraiment. Cela peut être nécessaire en ce qui concerne de nouvelles relations d'affaires, lorsque le libellé d'une clause ne peut être fondé sur des précédents ou sur l'expérience. Par contre, il y a moyen d'éviter ce manque de clarté lorsqu'il existe des antécédents concluants et reconnus.
Au Canada, le droit d'expropriation se pratique depuis des dizaines d'années. Avant 1970, la Loi fédérale sur l'expropriation a été vivement critiquée; on lui reprochait en effet d'être arbitraire et inéquitable. La nouvelle loi a été adoptée en 1990. Je vous rappelle un passage du discours prononcé par le ministre de la Justice, M. John Turner, à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-36, qui est devenu la Loi sur l'expropriation. Il a dit que le projet de loi avait pour but d'amender les dispositions législatives relatives à l'acquisition forcée ou à l'expropriation de terres par le gouvernement fédéral et par les organismes d'État. Il a ajouté que le gouvernement espérait que cette révision en profondeur de la loi ferait disparaître pour la plupart les dispositions de la loi fédérale sur l'expropriation jugées trop arbitraires.
Nous craignons que les termes «à d'autres fins d'intérêt collectif» puissent être interprétés dans un autre sens que celui que leur confèrent certaines des parties, notamment comme le pouvoir de confisquer une entreprise parce que la Première nation considère qu'elle complétera bien les siennes et que les profits ainsi réalisés feront augmenter les recettes dans l'intérêt collectif. On se demande si c'est effectivement le but visé.
En ce qui concerne l'indemnisation, le fait d'indiquer qu'il faut tenir compte des dispositions de la Loi sur l'expropriation laisse planer plus d'incertitude que si l'on avait précisé qu'il fallait calculer l'indemnisation conformément aux dispositions des articles correspondants de la Loi sur l'expropriation, c'est-à-dire les articles 26 à 36. Le montant de l'indemnité ainsi calculé peut être inférieur à celui que l'on aurait pu obtenir en négociant d'égal à égal ou en appliquant à la lettre les dispositions de la Loi sur l'expropriation. Celle-ci a été en effet rédigée de façon à ce que l'indemnité soit au moins aussi équitable que celle que l'on aurait pu obtenir en négociant d'égal à égal.
Le sénateur Austin a demandé au témoin qui a parlé avant moi s'il était possible d'exproprier une propriété à des fins commerciales sous le régime de la loi provinciale. Ce pouvoir était prévu dans l'ancienne version de la loi sur l'expropriation de la Colombie-Britannique, qui a été remplacée en 1986 par une loi plutôt semblable à la loi fédérale. Les délais sont maintenant un peu plus serrés et la loi actuelle prévoit des intérêts moratoires. Si un certain pourcentage du montant adjugé par la commission d'expropriation n'a pas été versé d'avance, l'administration qui exproprie doit verser 5 p. 100 d'intérêt en sus, à taux composé mensuel. Cet intérêt encourage les organismes concernés à agir de bonne foi et à faire des offres équitables pour régler les expropriations. C'est pourquoi on n'a pas souvent recours à l'expropriation. Le système a été conçu de façon à ce qu'il soit autoréglementé.
Si certains représentants municipaux qui sont venus témoigner éprouvaient de la difficulté à se souvenir d'un cas d'expropriation foncière, c'est parce que la loi force les municipalités à régler la question directement et à négocier une indemnité équitable.
Le sénateur Austin: Monsieur Clemens, voudriez-vous essayer de deviner en quoi les dispositions du projet de loi C-49 diffèrent de la procédure normale?
M. Clemens: C'est une pure supposition, mais on dirait que l'on a purement et simplement repris les termes de l'accord-cadre.
J'ai lu en partie les déclarations des chefs qui sont venus témoigner le 20 avril et celles de M. Marchand, qui a notamment parlé du but ainsi visé. Il s'agissait notamment de faire une nuance d'ordre culturel entre l'intérêt collectif d'une Première nation et l'intérêt public.
Le sénateur Austin: Voulez-vous parler de nuance d'ordre culturel ou de nuance liée au statut juridique? Une Première nation n'est pas une municipalité.
M. Clemens: Ce n'est pas une municipalité, mais c'est un type de gouvernement et elle est reconnue comme tel. Les Premières nations ont un intérêt public et par conséquent pourquoi ne pas dire «à des fins d'intérêt public»? C'est une formule qui a fait ses preuves. Elle est utilisée dans les textes juridiques depuis longtemps et elle dissipe toute ambiguïté.
Les banques prêtent de l'argent à des personnes qui possèdent des propriétés le long de routes, sachant que ces propriétés peuvent être expropriées pour élargir la route par exemple. Les banques savent que l'indemnité sera juste et équitable. En utilisant les mêmes termes, on pourra conférer à ce projet de loi un degré de certitude analogue.
Le sénateur Austin: D'après les dispositions du projet de loi C-49, quel type de contrôle ministériel sera exercé sur les ententes? Pensez-vous que le ministre peut avoir un certain contrôle sur l'application des règlements et les processus d'expropriation, y compris les procédures d'appel?
M. Clemens: Les dispositions du projet de loi limitent les possibilités de contrôle. Elles limitent par exemple les procédures d'appel. C'est notre troisième sujet de préoccupation en ce qui concerne l'expropriation. Sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale, l'arbitre, qui représente le processus de règlement des différends auquel on a recours pour calculer une indemnité équitable conforme aux dispositions du paragraphe 36(3) du projet de loi, est assujetti à un contrôle aux termes des dispositions de l'article 18 de cette loi, mais ce contrôle est limité. Il se borne à vérifier si celui qui a rendu la décision avait effectivement la compétence voulue pour le faire ou s'il n'a pas omis de respecter un principe de justice naturelle.
Par contre, ce que le projet de loi ne permet pas alors que ce serait possible s'il y avait appel de la part d'une commission d'expropriation, c'est un contrôle judiciaire conforme aux dispositions du paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, pour déceler les erreurs de droit ou les conclusions de fait erronées. Sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale, il y aurait possibilité d'appel si les conclusions de la Cour étaient «abusives ou arbitraires» ou si elle avait «agi ou omis d'agir en raison d'une fraude ou de faux témoignages» ou si elle avait agi «de toute autre façon contraire à la loi».
Je suppose que cela voudrait dire contraire à la loi autochtone telle qu'énoncée dans le projet de loi. C'est la troisième préoccupation de la société Lynnwood au sujet de ce projet de loi.
Les modifications que j'ai proposées dans mon mémoire seraient faciles à mettre en application et faciliteraient les bonnes relations. Par exemple, au paragraphe 28(1) du projet de loi, les termes «à d'autres fins d'intérêt collectif» pourraient être remplacés par «à d'autres fins d'intérêt public». Le problème serait résolu si la définition précisait que «à d'autres fins d'intérêt collectif signifie à d'autres fins d'intérêt public». En outre, en ce qui concerne l'indemnisation, la question serait réglée si le paragraphe 28(5) du projet de loi était modifié de sorte à préciser que l'on tiendrait compte dans le calcul de l'indemnité des dispositions des articles 26 à 36 de la Loi sur l'expropriation.
Par ailleurs, il faudrait préciser au paragraphe 36(3) que le contrôle de la décision d'un arbitre ou d'un conciliateur s'applique à tous les motifs figurant au paragraphe 18(4) de la Loi sur la Cour fédérale. Nous aurions alors le droit de réclamer un examen judiciaire au sujet d'une décision de la commission d'expropriation pour déceler une erreur de droit ou des conclusions de fait abusives, ce qui donnerait une plus grande certitude.
Qui bénéficierait de ces amendements? Les tiers titulaires d'intérêts, à savoir les locataires de propriétés qui se trouvent dans une réserve, ainsi que les futurs titulaires de domaines à bail. Ils seraient plus enclins à investir et à s'associer à des Premières nations du fait que le degré d'incertitude aurait diminué et que les risques associés à ce genre d'entreprise seraient moins élevés.
Les Premières nations en bénéficieraient aussi. L'investissement et le développement économique sur leurs terres augmenteraient et le nombre d'emplois également.
Le sénateur Andreychuk: Vos commentaires sur les amendements que vous proposez sont limpides.
Avez-vous témoigné ou comparu devant le comité de la Chambre des communes avant que ce projet de loi ne soit renvoyé au Sénat ou plutôt au moment où l'on en étudiait la version précédente? Dans la négative, pouvez-vous expliquer pourquoi?
M. Clemens: Je n'ai pas témoigné parce que je n'étais pas au courant, et je me considère comme le seul responsable en l'occurrence.
Le sénateur Andreychuk: Comme locataire, n'étiez-vous pas du tout au courant de ces changements?
M. Blair: La bande de Squamish ne m'a jamais consulté. J'ai négocié avec elle au cours des trois ou quatre dernières années, notamment pour le contrat de vente, que nous avons fait l'année dernière, à peu près à la même période de l'année. Nous avons accepté de revendre le bail et notre intérêt à la bande de Squamish. Nous avons négocié. À 11 heures du soir, nous avons annulé le recours en arbitrage qui devait commencer le lendemain. Nous n'avions jamais entendu parler du projet de loi C-49.
J'en ai entendu parler vers Noël. J'ai fait des compliments au sujet de la discrétion dont on avait fait preuve. C'est très troublant. J'ai rencontré M. Ted McWhinney aujourd'hui et il a abordé le même sujet que vous. Comme homme d'affaires, cela me pose un problème. Ma préoccupation est de faire progresser notre entreprise, avec l'aide de mes associés, et de défendre nos intérêts. Nous n'avons jamais été mis au courant de ces changements et la bande de Squamish ne nous a pas consultés à ce sujet.
L'année dernière, au mois d'octobre, lorsque nous lui avons vendu la propriété, le contrat de vente n'a pas été respecté et nous avons dû avoir recours à l'arbitrage. Pendant ces négociations, on ne nous a jamais parlé du projet de loi C-49; dès lors, nous n'avons bien entendu pas posé de questions.
Le sénateur Andreychuk: J'ai déjà entendu parler de M. McWhinney et je me demande pourquoi il n'a rien fait et il n'a pas parlé de ces problèmes à la Chambre des communes. Nous avons notamment un problème de délai. Si l'on veut modifier le projet de loi, il doit être renvoyé à la Chambre des communes avec les amendements. C'est le premier ministre qui établit le programme et qui décide jusque quand la Chambre siège. Nous devons donc essayer de tenir compte de tous ces facteurs. Vous pourriez peut-être poser ces questions à M. McWhinney.
Le gouvernement fédéral vous a-t-il jamais contactés, étant donné que c'est lui qui octroyait et gérait les premiers baux que vous avez signés? La gestion de ces baux a été confiée par la suite aux bandes, si j'ai bien compris. Le gouvernement fédéral vous a-t-il jamais prévenus que votre situation risquait de changer?
M. Blair: Il ne nous a pas avertis directement, ni par l'intermédiaire de nos avocats. Nous nous serions bien rendu compte de l'importance du projet de loi C-49 si on nous en avait parlé et après avoir lu l'accord-cadre. Je ne vous cache pas que nous avons suivi un cours accéléré au cours des dernières semaines. Je viens ici et je vous vois en compagnie de représentants des bandes et des municipalités. Je suis un homme d'affaires, un point c'est tout. J'ai investi, avec l'aide de mes avocats. Je n'ai pas une formation d'avocat et je ne suis pas membre de la bande. Nous sommes des non-autochtones qui font prospérer leur entreprise mais nous n'arrivons plus à obtenir des fonds. Ce n'est pas à cause de notre performance mais plutôt en raison du climat d'incertitude qui règne.
Ce qui me préoccupe, c'est que ni la nation Squamish ni le gouvernement fédéral ne nous ont consultés à ce sujet ou ne nous ont mis au courant. Les autres questions qui me préoccupent sont les suivantes: Comment pourrais-je continuer à investir dans cette entreprise? Qu'est-ce qui nous attend? Que faut-il faire? Combien vaut encore notre entreprise depuis que nous n'avons plus aucune certitude?
Vous employez souvent l'expression «justice naturelle». J'espère que c'est ce qui prévaudra et que l'on aura recours à la Loi fédérale sur l'expropriation pour mettre tous les intervenants sur un pied d'égalité.
M. Clemens a parlé des commentaires que M. John Turner avait faits en 1969, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi. Le juge Thurston en avait déjà fait entre 1956 et 1960. Il avait dit que nos lois sur l'expropriation étaient injustes et que c'étaient les plus mauvaises par rapport à celles de tous les autres pays occidentaux. Je pourrais vous lire ses commentaires mais je ne vous importunerai pas avec cela. Il reste qu'en 1969 et dans les années 70, c'est l'administration libérale qui a présenté la Loi sur l'expropriation.
Il me semble que qui que l'on soit et quel que soit le gouvernement au pouvoir, des problèmes d'interprétation se poseront si la loi manque de rigueur et de clarté et si vous ne savez pas où vous allez.
C'est ce que je viens vous demander aujourd'hui. C'est pourquoi je suis ici, ce dont je vous remercie d'ailleurs. Je suis ici pour demander de faire intervenir la Loi fédérale sur l'expropriation.
Le sénateur Andreychuk: Si la Loi sur l'expropriation intervenait d'une façon ou d'une autre, estimez-vous que vos problèmes seraient résolus et que vous pourriez refinancer vos emprunts?
M. Blair: Je crois que ce serait beaucoup moins difficile. Je ne pense pas qu'il y ait actuellement la moindre raison de nous refuser un prêt. Notre entreprise prospère et nous avons de bons partenaires. C'est une entreprise solide.
Le sénateur Andreychuk: Le problème, c'est que votre bail est renouvelable tous les cinq ans. Par conséquent, ce facteur d'incertitude subsistera, même si nous insérons dans le projet de loi certaines dispositions de la Loi sur l'expropriation. Qu'est-ce qui vous préoccupe le plus quand vous essayez de renégocier les prêts et de continuer à gérer l'entreprise de cette manière? Est-ce le fait de devoir renégocier ou le processus d'expropriation?
M. Blair: Nous avons dû négocier en 1989, lorsque nous avons obtenu les premiers prêts. Nous avons réussi à obtenir en tout 2,8 millions de dollars. Le montant devrait être beaucoup plus élevé à l'heure actuelle. Par contre, nous n'arrivons même pas à obtenir un prêt de 600 000 $, à cause de toute cette incertitude.
Ce qui nous préoccupe pour l'avenir c'est que la bande de Squamish sera non seulement notre propriétaire mais aussi notre gouvernement. Nous lui payons des taxes et nous n'avons aucune objection à cela. Nous versons un loyer à la Société du port de Vancouver pour les plans d'eau. Elle a sa part. Dans la troisième partie de notre mémoire, nous présentons un historique du bail. Il représente au total une somme d'environ 458 000 $. Nous ne sommes pas ici pour contester la valeur du bail ni du terrain. C'est le quatrième intervenant qui nous préoccupe. Il nous fait concurrence pour ce qui est du port. Il possède un port de plaisance deux fois et demie plus gros que le nôtre. L'année dernière, il a essayé d'acheter le nôtre mais les discussions n'ont abouti à rien. Nous nous battons sans arrêt mais c'est normal quand on est dans les affaires. Cela ne nous dérange pas. Je peux compter sur la clause du bail concernant l'arbitrage et sur certaines autres clauses.
Ce qui me préoccupe dans le projet de loi C-49 c'est que, pour un profane comme moi, ses dispositions ne sont pas claires et qu'elles ne ressemblent pas du tout aux dispositions législatives habituelles. Cela me préoccupe beaucoup.
Le sénateur Austin: Monsieur Blair, cela me fait plaisir de vous voir. Nous ne voyons pas souvent des gens d'affaires qui viennent pour défendre leurs intérêts. Ils pensent généralement que le silence est préférable au militantisme.
M. Blair: Je sens la salle derrière moi.
Le sénateur Austin: Vos opinions sont particulièrement intéressantes parce qu'il s'agit de maintenir de bonnes relations d'affaires.
M. Blair: Oui.
Le sénateur Austin: Vous en parlez en public.
Je voudrais examiner avec vous quelques hypothèses au sujet de la réaction de la Banque TD. Vous prétendez que la Banque n'est pas disposée à investir davantage dans votre projet en raison du climat d'incertitude engendré par le projet de loi C-49.
Je suppose que plusieurs facteurs interviennent. C'est en partie à cause de cela et en partie à cause du fait que votre bail doit être renouvelé d'ici quelques années et que vous avez des concurrents. Quelle importance une banque qui se méfie des risques accorde-t-elle au projet de loi C-49, par rapport aux autres facteurs?
M. Blair: Je ne sais pas si vous en êtes l'artisan mais on dirait que vous avez décidé de faire du contrôle de rendement. Notre entreprise est très solide.
Vous avez raison, divers facteurs entrent en ligne de compte. Je n'ai jamais dit que les problèmes que nous avons avec la banque sont uniquement reliés au projet de loi C-49.
Le sénateur Austin: Je tenais à ce que cela soit clair.
M. Blair: J'ai dit en fait que le projet de loi C-49 et l'accord-cadre de 1996 nous causent des difficultés à cause du climat d'incertitude qu'il crée et à cause de son manque de clarté.
Je dirais qu'en raison de la nature du bail et du tapage incessant que font depuis quelques années la presse écrite et les autres médias au sujet des revendications territoriales des autochtones, beaucoup d'institutions bancaires sont déstabilisées. Je n'ai certainement rien à vous apprendre au sujet des institutions bancaires. J'ai lu les journaux et je sais ce qui se passe. Nous traversons une période difficile. Tout ce qui est incertain ou trop vague, surtout lorsque des considérations politiques qui entrent en ligne de compte -- et c'est mon opinion personnelle --, cause des difficultés aux investisseurs. Nous sommes des non-autochtones qui font des affaires dans une réserve autochtone, dans un climat d'incertitude totale à cause d'une clause d'arbitrage. Vous affirmez que mon bail viendra à échéance d'ici quelques années, mais il nous reste encore 17 ans et huit mois. Mon premier prêt n'était valide que pour une période de 10 ans. J'ai tout le temps. J'ai aussi une clause de renouvellement. Je ne me lancerai pas dans une discussion à ce sujet maintenant parce que je sais que certaines personnes ici présentes en discuteront avec moi d'ici un an ou deux, mais c'est un fait. Je ne suis pas ici pour discuter du bail ni de l'état de nos relations. Le loyer a augmenté de 3 000 p. 100 depuis 1958. Comme l'indiquent les plans que je vous ai apportés, il s'agissait de terrains non aménagés. La mise en valeur a été entièrement faite par les locataires. L'entreprise a pris de l'expansion et les relations ont été bonnes jusqu'à présent. Il y a parfois des tiraillements et j'ai eu souvent des affrontements avec Harold Calla, mais je respecte sa position, tout en étant conscient de celle que nous avons dû adopter. Je le dis sans la moindre arrière-pensée.
Cependant, la façon dont le projet de loi C-49 a été rédigé laisse beaucoup à désirer. Nous vous prions de faire en sorte qu'il soit clair afin de dissiper toute incertitude.
Le sénateur Austin: Ma question suivante s'adresse davantage à votre avocat qu'à vous, monsieur Blair. Avez-vous examiné l'article 8? Il concerne la vérification. Nous n'en avons pas beaucoup discuté et nous n'avons pas entendu beaucoup de commentaires à son sujet. Un vérificateur est une «personne qui dispense ses bons offices», si je puis m'exprimer ainsi. Son rôle consiste à régler les différends entre le ministre et la Première nation et d'assumer les fonctions qui sont énoncées dans cet article, alors que le code foncier n'est même pas encore entré en vigueur.
Est-ce cette flexibilité que vous n'aimez pas ou est-ce l'accord-cadre proprement dit?
M. Clemens: Vous avez répondu à la question à ma place. C'est l'accord-cadre et le projet de loi. La compétence du vérificateur se limite aux fonctions énoncées à l'article 8. Le vérificateur doit s'assurer que le code foncier proposé et son processus d'approbation soient conformes à l'accord-cadre. Il ne peut pas y apporter de modifications. Il ne peut pas non plus en réduire la portée.
Comme vous l'avez si bien dit, c'est un poste qui consiste à dispenser ses bons offices. Il s'agit de s'assurer que le projet de code foncier des Premières nations est conforme à ce projet de loi. Cependant, cela ne réglera pas les problèmes que nous avons signalés en ce qui concerne le processus d'expropriation.
Le sénateur Austin: Si les amendements que vous proposez étaient adoptés, porteraient-ils atteinte à l'accord-cadre? En d'autres termes, auraient-ils pour effet de modifier l'accord-cadre de façon unilatérale?
M. Clemens: Je ne le pense pas. Les commentaires que le chef Robert Louie a faits le 20 avril me rassurent. Il a dit en effet ceci:
Je parlerai maintenant de quelques problèmes que vous avez soulevés. Le premier est celui de l'expropriation. L'expropriation est un recours ultime. En effet, on n'y a recours que lorsqu'il n'est pas possible d'acquérir légalement un intérêt foncier par accord réciproque. Le droit d'exproprier est un pouvoir de régie qui est essentiel.
Je suis parfaitement d'accord.
Il a également ajouté ceci:
Le projet de loi C-49 et l'accord-cadre s'inspirent des critères qui s'appliquent au Canada en ce qui concerne les pouvoirs et les obligations en matière d'expropriation.
Le sénateur Austin: Êtes-vous d'accord?
M. Clemens: Oui.
M. Clemens: Il a dit également ceci:
Veuillez jeter un coup d'oeil dans le dossier que vous avez sous les yeux. Dans la partie qui commence au deuxième onglet, vous constaterez que [...]
Il a ensuite énoncé plusieurs principes, mais je n'en citerai que deux. Il a notamment dit ceci:
[...] les règles relatives à l'indemnisation pour les expropriations faites par les Premières nations qui sont énoncées dans le projet de loi C-49 sont les mêmes [...]
Je vous signale que le terme «mêmes» est écrit en italiques dans le compte rendu.
[...] que celles qui sont énoncées dans la Loi sur l'expropriation. Le projet de loi C-49 intègre les règles énoncées dans la Loi fédérale sur l'expropriation en matière d'indemnisation par voie de référence.
Si c'est effectivement l'intention des Premières nations, que l'on utilise des termes clairs et précis.
La deuxième observation qu'il a faite, et qui est très pertinente, est la suivante:
[...] les dispositions du projet de loi concernant l'expropriation ne s'appliquent qu'aux fins d'intérêt collectif, ce qui est l'équivalent de l'intérêt public et des travaux publics dans la Loi fédérale sur l'expropriation.
Les termes «collectif» et «public» sont également mis en évidence.
Il faut préciser cette intention. Il faut employer dans le projet de loi des termes qui indiquent clairement que les Premières nations ont l'intention de respecter ces critères. Dès lors, les partenaires commerciaux seront entièrement satisfaits.
Sa troisième observation est la suivante:
Le processus d'expropriation par les Premières nations tel qu'énoncé dans le projet de loi C-49 est soumis à des critères aussi stricts voire plus stricts que le processus d'expropriation appliqué par d'autres paliers de gouvernement au Canada; tous les mêmes recours et possibilités d'appel devant les tribunaux sont accessibles.
D'après le chef Louie, quatre paragraphes de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale manquent. Si telles sont effectivement les intentions des Premières nations -- il n'en est toutefois fait aucune mention dans l'accord-cadre --, il faut remanier le libellé du projet de loi de manière à ce que les mêmes recours en justice soient prévus conformément aux intentions des rédacteurs.
Les changements que nous proposons en toute humilité ne sont nullement incompatibles avec les intentions des Premières nations, telles qu'elles ont été exprimées dans leur témoignage du 20 avril.
M. Blair: Sénateur Austin, vous avez déformé mes propos il y a quelques instants. Je n'ai jamais dit que le projet de loi C-49 nous posait directement un problème. C'est la Banque TD qui a invoqué cette raison. Au cours d'une séance extraordinaire à laquelle participaient de nombreux membres de la Banque TD et à laquelle mon avocat assistait, nous avons appris qu'un de ses très gros clients nous faisait une concurrence sérieuse dans la réserve de Musqueam. Nous sommes tous au courant de cette situation, parce qu'on en a beaucoup discuté.
On nous l'a dit clairement au cours de cette conversation. Le problème dont je tiens à vous entretenir aujourd'hui est celui de l'incertitude. On en parle dans les journaux et on en entend parler tous les jours dans l'ouest. L'incertitude qui règne et la morosité des investisseurs créent un climat très dur, pour ainsi dire insoutenable.
Le sénateur Austin: Vous avez laissé planer ce que je croyais être un doute dans votre texte écrit à propos de la Banque TD. Vous venez de nous donner une réponse claire en dissociant vos commentaires de l'opinion de cette banque. Vous l'avez confirmé et je suis heureux que ce soit consigné au compte rendu.
M. Blair: Ce n'était pas volontairement. C'est très simple. Je ne pouvais pas affirmer en pleine face d'un employé de la Banque TD que c'est ce qu'elle avait dit au sujet du projet de loi C-49. Elle en a parlé en même temps que de tous les autres différends que nous avions avec la nation Squamish à ce moment-là. Elle en a parlé en même temps que des problèmes de bail et de tous les autres problèmes relatés dans les journaux. Je crois que tous ces facteurs entrent en ligne de compte.
Le sénateur Austin: D'une manière générale, je suis d'accord avec vous. En Colombie-Britannique, les enjeux des revendications territoriales de la bande de Musqueam, le projet de loi C-49, le traité avec la bande Nishga et un ou deux autres facteurs concourent à influencer l'opinion publique. Cependant, nous ne sommes pas ici pour réagir aux allégations des médias. Nous sommes ici pour analyser et essayer d'instaurer un cadre équitable pour faciliter les relations entre les collectivités autochtones et la société.
Comme je l'ai dit au début, j'apprécie que vous soyez venus ici ce soir pour nous fournir toutes ces réponses. Votre collaboration nous est extrêmement utile.
M. Clemens: Les banquiers lisent les journaux.
Le sénateur Austin: Je sais.
Le président: S'il n'y a plus d'autres questions, je lève la séance.
La séance est levée.