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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

ATTENTES DES CANADIENS ET CONDUITE DES ENTREPRISES
1. Attentes de la collectivité
2. Accès des Canadiens à faible revenu aux services bancaires de base
3. Accès aux succursales
4. Microcrédit
5. Partenariats avec le secteur bénévole
6. Rapport sur les responsabilités envers la collectivité


PARTIE G 

ATTENTES DES CANADIENS ET CONDUITE DES ENTREPRISES

 1. Attentes de la collectivité

Contexte

Le Groupe de travail signale que les banque ont toujours détenu une position privilégiée dans l’économie canadienne et que cette position les place dans une relation spéciale avec la collectivité. Le Groupe de travail note également que la situation particulière des banques dans notre société les expose à deux types d’attente :

On s’attend à ce que, au-delà de leurs stricts impératifs commerciaux, les banque jouent un rôle de leadership dans la collectivité. On s’attend à ce qu’elles contribuent à améliorer la qualité de vie des citoyens en s’acquittant de leurs responsabilités sociales et en se montrant de bonnes « entreprises citoyennes », en entreprenant des activités qui ne sont pas nécessairement rentables.

On s’attend également à ce que les banques appuient la collectivité dans leur comportement économique. On craint que les banques ne refusent parfois d’accorder des prêts rentables, dans la collectivité, parce que le rendement ajusté au risque n’est pas suffisamment élevé ou que les coûts administratifs sont trop lourds par rapport à d’autres solutions qui sont peut-être profitables pour les actionnaires, mais non pour les autres parties prenantes. (Rapport du Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 16)

 

Recommandations du Groupe de travail

87) La manière dont les institutions financières répondent aux attentes de la collectivité devrait faire l’objet d’une meilleure divulgation et de plus de transparence. Les gouvernements, les institutions et les groupes d’intérêt public concernés devraient collaborer à la définition et au règlement des questions relatives aux attentes non satisfaites du public à mesure qu’elles se posent.

 

Opinions des témoins

Le Comité n’a guère entendu de témoignages sur cette recommandation. La plupart des commentaires des témoins concernaient les recommandations relatives aux rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Ils seront donc traités dans ce contexte.

 

Conclusions

Le Comité n’a pas d’observations à faire sur cette recommandation. Les attentes de la collectivité seront considérées dans nos observations sur les recommandations 99 et 100 (rapport sur les responsabilités envers la collectivité).

 

2. Accès des Canadiens à faible revenu aux services bancaires de base

Contexte

Le Groupe de travail s’est penché sur l’accès des Canadiens à faible revenu aux services bancaires, c’est-à-dire sur leur capacité de « recevoir des fonds et d’effectuer des paiements sans s’exposer à des coûts ou à des désagréments excessifs ».

Les recherches effectuées pour le Groupe révèlent qu’une forte majorité de Canadiens estiment qu’il est essentiel que toute la population ait accès aux services et produits bancaires de base.

Le Groupe de travail signale que les banques et les gouvernements ont pris des mesures pour améliorer l’accès des Canadiens à faible revenu aux services financiers :

Les grandes banques se sont entendues avec le gouvernement fédéral sur une politique et des procédures d’ouverture de compte.

Certains gouvernements, à tous les paliers de l’administration publique, ont entrepris d’améliorer l’accès aux services financiers en recourant davantage au dépôt direct et en concluant des ententes d’indemnisation avec les institutions financières. Les programmes de dépôt direct peuvent aider les personnes à faible revenu à ouvrir un compte, tandis que certains accords d’indemnisation éliminent la nécessité d’imposer un délai d’encaissement sur les chèques gouvernementaux des bénéficiaires qui ont un compte. Les accords d’indemnisation permettent également aux personnes qui ne possèdent pas de compte d’encaisser les chèques émis par le gouvernement lorsqu’elles produisent les pièces d’identité appropriées. (Rapport du Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 25)

Le Document d’information no 4 mentionne l’entente intervenue en février 1997 entre le gouvernement fédéral et les grandes banques pour favoriser l’accès des personnes à faible revenu aux comptes et à l’encaissement des chèques. Cette entente réduit le nombre de pièces d’identité requises pour ouvrir un compte ou pour encaisser un chèque; fait en sorte que l’emploi et un dépôt minimum ne soient plus nécessaires pour ouvrir un compte; engage les institutions à former le personnel afin qu’il suive les politiques des banques en matière de pièces d’identité et soit plus sensible aux besoins des personnes à faible revenu. En décembre 1997, le gouvernement fédéral et les banques ont convenu qu’un rapport de crédit insatisfaisant qui ne révèle pas de comportement malhonnête ou frauduleux ne serait pas un motif pour refuser l’ouverture d’un compte.

Le Groupe de travail estime que les grands obstacles qui empêchent d’accroître l’accès aux services bancaires de base tiennent aux mentalités et à la culture plutôt qu’aux mécanismes. Malgré la politique officielle des banques, un problème considérable semble persister à la base, dans la prestation de services à une catégorie de clientèle qui risque de ne pas être rentable pour la succursale.

Le Groupe de travail a formulé plusieurs recommandations pour améliorer l’accès aux services bancaires de base, mais il n’est pas allé jusqu’à recommander que cet accès fasse immédiatement l’objet d’un texte de loi. Le Groupe de travail est prêt à suivre la situation pour voir si des progrès s’accomplissent « dans une délai raisonnablement court ». En l’absence de progrès, le Groupe de travail est d’avis que les accords de février et de décembre 1997 devraient être inscrits dans la loi.

 

Recommandations du Groupe de travail

88) Le Groupe de travail affirme l’importance que revêt l’accès des Canadiens à faible revenu aux services de transactions de base des banques et des autres institutions de dépôt à titre d’objectif primordial de la politique publique et invite instamment le gouvernement, les institutions financières et les groupes sociaux à continuer de travailler dans un esprit constructif à la réalisation de cet objectif.

89) Les institutions de dépôts réglementée au niveau fédéral devraient donner suite avec détermination aux ententes conclues entre le gouvernement et les grandes banques en février et décembre 1997 concernant l’ouverture de comptes et les autres questions d’accès. Les institutions de dépôts réglementées au niveau provincial devraient prendre des mesures au moins aussi efficaces.

90) Pour assurer l’accès aux services bancaires de base :

a) Les gouvernements fédéral et provinciaux devraient fournir des pièces d’identité personnelle peu coûteuse à quiconque le demande afin d’éliminer les problèmes d’accès qui découlent de l’absence de pièces d’identité satisfaisantes.

b) Les institutions financières, les gouvernements et les groupes sociaux devraient, en collaboration, définir un ensemble de services communs qui feraient partie d’un compte de banque standard à offrir par toutes les institutions de dépôts. Le compte de base devrait tenir compte de l’effet de la technologie sur les services bancaires de base et, par conséquent, permettre l’utilisation d’une carte de débit et donner aux détenteurs le droit d’effectuer un nombre déterminé de retraits sans frais supplémentaires.

c) Les institutions de dépôts devraient offrir des comptes de base standard moyennant des frais raisonnables. Il n’est pas nécessaire de prévoir dans la loi les prix que devraient pratiquer les institutions financières, tant que les comptes de base sont facilement accessibles à prix raisonnable. Le ministre des Finances devrait vérifier de temps à autre les prix exigés pour les comptes de base afin de s’assurer qu’ils demeurent raisonnables.

d) Les institutions de dépôts devraient être tenues d’afficher bien en vue dans chaque succursale les modalités et conditions applicables à leur compte de transactions le plus économique, ainsi que les pièces d’identité exigées pour l’ouverture de ce compte.

e) Pour favoriser l’accès aux comptes, les gouvernements devraient recourir au dépôt direct pour tous les programmes publics à prestations périodiques. Des comptes maîtres devraient être prévus le cas échéant. Ces programmes devraient être facultatifs pour ceux et celles qui ne veulent pas du dépôt direct, mais tous les efforts possibles devraient être déployés pour amener les bénéficiaires à y participer.

f) Afin que les institutions financières n’aient aucune raison valable pour imposer un délai d’attente à l’encaissement des chèques gouvernementaux quand les bénéficiaires présentent les pièces d’identité appropriées, les gouvernements devraient conclure avec les institutions financières des accords d’indemnisation en vertu desquels les personnes à faible revenu, qu’elles soient ou non clientes des institutions, puissent avoir immédiatement accès à leurs fonds. Les institutions financières devraient veiller à ce que les fonds soient immédiatement disponibles une fois qu’un accord d’indemnisation a été conclu.

g) Les institutions financières devraient continuer de travailler, avec les groupes communautaires, à l’élaboration et à la mise en œuvre de programmes efficaces de formation du personnel, renforcées par des encouragements et des politiques de rémunération appropriées au niveau des succursales, de manière à atteindre les objectifs des ententes de février et de décembre 1997 sur l’accès aux services de base.

91) Le Groupe de travail note l’absence de données fiables sur le nombre de personnes n’ayant pas de compte bancaire au Canada et sur les raisons pour lesquelles elles ne participent pas au système. Le ministère des Finances devrait entreprendre immédiatement une enquête approfondie afin d’évaluer l’ampleur et la nature des problèmes d’accès, de manière à faciliter l’élaboration de la politique publique et à permettre aux institutions financières de mieux répondre aux besoins. Le gouvernement devrait suivre régulièrement les progrès réalisés dans le domaine de l’accès par la technique du « client anonyme » et d’autres méthodes, et répéter l’enquête d’évaluation à intervalles réguliers.

92) Le Groupe de travail préférerait que les problèmes d’accès soient réglés par la coopération des gouvernements, des institutions financières et des groupes sociaux et communautaires, mais il faut être conscient que, dans une société moderne, l’accès aux services financiers est d’une importance cruciale. C’est pourquoi, si aucun progrès appréciable n’est réalisé dans un délai relativement court pour régler les problèmes d’accès, le gouvernement devrait inscrire dans la loi les dispositions des ententes de février et de décembre 1997 et prévoir des sanctions appropriées en cas de non-respect des ententes.

 

Opinions des témoins

Les témoins qui ont parlé de l’accès aux services bancaires de base sont tous intervenus dans le sens des propositions du Groupe de travail. Ils soulignent également l’importance de fournir l’accès aux services bancaires de base aux Canadiens à faible revenu.

Le Conseil national des femmes du Canada (CNFC) applaudit aux recommandations, mais craint que l’accès ne soit vraiment réalisé que par une loi. Elles réclament donc l’adoption rapide d’un loi. Dans la même veine, le Taskforce of the Churches and Corporate Responsibility (TCCR) insiste sur les critères pour décider de légiférer sur l’accès. Le TCCR note que le Groupe de travail MacKay ne définit pas le progrès en cette matière ni n’établit qui jugera de ce progrès. Le TCCR est d’avis qu’un organisme public, comme le bureau de l’ombudsman, devrait avoir la responsabilité de tenir les banques responsables de leurs services à l’endroit des Canadiens à faible revenu.

L’Association canadienne des personnes retraitées affirme qu’il est dans l’intérêt financier de l’industrie bancaire de faire en sorte que les Canadiens à faible revenu aient accès à ses services.

La Canadian Community Reinvestment Coalition (CCRC) soutient que l’accord de 1997 entre les banques et le gouvernement n’a pas fonctionné. Le CCRC affirme que diverses expériences visant à évaluer l’efficacité de la politique d’amélioration de l’accès ont fait la preuve que cette entente ne fonctionne pas. Elle réclame des mesures immédiates pour forcer les institutions de dépôts à donner accès aux services bancaires de base et des amendes considérables pour le banques réfractaires. (Duff Conacher, 1er octobre 1998)

L’Organisation nationale anti-pauvreté (ONAP) affirme que la discrimination systématique est la principale raison pour laquelle tant de Canadiens à faible revenu n’ont pas accès à un compte de banque ou sont privés de la possibilité d’encaisser un chèque du gouvernement. Elle note ce qui suit :

De nombreux rapports attestent que des Canadiens à faible revenu se sont vu refuser un service ou se sont fait traiter avec mépris par les banques et d’autres institutions financières pour la seule raison de leur classe sociale. Ils sont fréquemment traités de façon impolie, avec condescendance, humiliés, ridiculisés et se font refuser le service. Souvent, leur seul choix possible est la maison d’encaissement de chèques qui rançonne les pauvres avec des frais de service usuraires. (Mémoire, 5 novembre 1998, p. 2)

L’ONAP estime que divers tests réalisés à la suite de l’accord de février 1997 font la preuve qu’il faut des mesures plus vigoureuses que celles proposées par le Groupe de travail.

Elle formule notamment les recommandations suivantes :

    • qu’on ajoute la condition sociale comme motif de discrimination interdit dans la Loi canadienne sur les droits de la personne;
    • qu’on présente une loi exigeant que des institutions financières ouvrent un compte à toute personne qui fournit suffisamment d’information;
    • que chaque banque offre au moins un compte économique, sans solde minimum requis, sans frais mensuels et autorisant un minimum de huit transactions par mois;
    • qu’une loi exige des institutions financières qu’elles encaissent sans frais tous les chèques du gouvernement, que le client y détienne ou non un compte;
    • que la loi interdise les retenues sur les chèques du gouvernement, à condition qu’on présente des pièces d’identité suffisantes;
    • que la loi fixe le temps de retenue maximal que les institutions financières peuvent utiliser pour les chèques qui ne sont pas du gouvernement;
    • que le ministère des Finances fasse un contrôle semestriel du rendement des institutions financières en matière d’accès des clients à faible revenu aux services bancaires de base et qu’on impose des amendes si ce rendement n’est pas satisfaisant. (Mémoire, 5 novembre 1998, p. 13)

Le directeur général de la Banque de Nouvelle-Écosse estime lui aussi que l’accord de 1997 n’a pas aussi bien fonctionné qu’il aurait dû. Il appuie l’idée d’un compte de banque non discriminatoire et bon marché. Cependant, il préférerait une solution acceptable à toutes les parties en cause plutôt qu’une loi pour régir l’accès. (Peter Godsoe, 7 octobre 1998)

 

Conclusions

L’accès aux services bancaires de base pour les Canadiens à faible revenu est une chose fondamentale pour le Comité. Dans une société moderne l’accès aux services financiers est une quasi-nécessité.

L’ONAP a signalé au Comité des pratiques discriminatoires des institutions financières à l’endroit des Canadiens à faible revenu, comme faire attendre en ligne à l’extérieur d’une succursale des bénéficiaires de l’aide sociale qui veulent encaisser un chèque du gouvernement ou refuser d’encaisser des chèques certains jours. Le Comité déplore ces pratiques.

Le Comité sait également que les tournées de « magasinage anonyme » effectuées par le Groupe de travail, des organismes de consommateurs et l’Association des banquiers canadiens pour tester l’application de l’accord de février 1997 sur l’accès aux comptes de banque et à l’encaissement des chèques révèle que celle-ci n’a pas donné les résultats escomptés. Le scepticisme du Groupe de travail à ce sujet est bien documenté dans le rapport.

Nous croyons que les principaux obstacles à la réalisation de nouveaux progrès tiennent à la culture et à l’attitude des institutions, et non aux processus en place. Il semble que, malgré la politique affichée par les banques et quelques exemples concrets de bonne application de cette politique, il y ait encore beaucoup de problèmes « sur le terrain » lorsqu’il s’agit de servir une catégorie de consommateurs qui risque de ne pas être rentable pour les succursales. La tendance croissante de toutes les institutions financières à concentrer davantage leurs ressources et leur attention sur les clients rentables est amplifiée dans ce cas par les stéréotypes culturels qui jouent au détriment des personnes à faible revenu. Il s’agit malheureusement d’un problème qui concerne non seulement certains employés de banque, mais notre société de façon plus générale. (Rapport du Groupe de travail, p. 189)

Le problème se pose de la même façon au Comité, qu’au Groupe de travail : comment faire en sorte que les comptes de base soient mis à la disposition des gens à faible revenu qui en veulent, et comment garantir que ces clients soient traités avec courtoisie et respect.

On a recommandé au Comité que des comptes de base bon marché fassent l’objet d’une loi, à titre de droit pour tous les Canadiens. Cependant, la recherche signalée dans le Document d’information no 4 montre que les comptes de base à prix raisonnable sont disponibles dans la plupart des grandes banques.

Certains témoins veulent qu’on légifère immédiatement sur l’accès aux services bancaires de base; d’autres sont prêts à attendre pour voir si un effort concerté des institutions financières, du gouvernement et des groupes sociaux et communautaires produit des résultats.

À cette étape, le Comité estime que la meilleure façon d’obtenir l’accès aux services bancaires de base est par l’engagement constant des institutions, au niveau de leur haute direction, la collaboration, la formation des employés et le contrôle des progrès accomplis. Le dépôt direct des paiements versés en vertu des programmes gouvernementaux aidera également à cet égard. Les programmes de dépôt direct devraient, cependant, être facultatifs pour ceux qui ne veulent pas y participer.

Le Comité appuie donc les recommandations du Groupe de travail relatives à l’accès aux services bancaires de base. Le ministre des Finances devrait suivre de près les progrès en ce sens. Si ceux-ci ne se réalisent pas rapidement, alors le gouvernement fédéral devrait légiférer en matière d’accessibilité.

 

3. Accès aux succursales

Contexte

Le public se préoccupe des fermetures de succursales. Les consommateurs ont beaucoup tendance à s’identifier à leur succursale bancaire. Comme le note le Groupe de travail dans le Document d’information no 4 :

La succursale représente un maillon important entre l’institution financière et la collectivité desservie. Aux yeux de bien des clients, elle offre des services bancaires personnalisés avec lesquels ils se sentent familiers et à l’aise. La succursale donne aux emprunteurs la possibilité d’établir une relation qui peut se révéler cruciale, dans bien des cas, pour obtenir une source de crédit stable. Elle est de plus en plus une source de conseils pour les investisseurs, à un moment où le choix ne cesse de s’élargir entre les différents mécanismes de placement. Toutes ces relations sont menacées quand la succursale ferme. (Groupe de travail, notes d’information no 4, p. 34)

Le public veut encore avoir le choix d’effectuer ses opérations bancaires dans une succursale et cela, en dépit des nombreux progrès qui ont marqué les transactions électroniques et téléphoniques.

Selon le Groupe de travail, la fermeture des succursales par les institutions financières soulève deux questions de politique publique :

  • Le gouvernement devrait-il intervenir dans les décisions d’ouvrir ou de fermer des points de service?
  • Est-ce que les institutions financières qui ferment des succursales ou les gouvernements ont la responsabilité d’atténuer les difficultés associées à la transition dans les collectivités touchées?

Selon la politique gouvernementale actuelle, une institution de dépôts qui souhaite fermer une succursale a pour seule obligation d’informer les clients de l’adresse de la succursale où leurs comptes sont transférés. Certaines institutions financières font cependant plus pour maintenir une certaine forme de services financiers dans la collectivité.

Le Groupe de travail signale que la perte d’une succursale peut être atténuée de plusieurs façons.

D’autres institutions peuvent prendre pied sur le marché pour combler le vide; les clients peuvent se familiariser avec d’autres moyens d’accès aux services financiers; on peut aussi aider les emprunteurs à établir de nouvelles relations avec les prêteurs. Les banques peuvent nouer des relations d’agence pour faciliter l’établissement de succursales « à temps partiel » ou, comme le font actuellement certaines institutions, prévoir des visites régulières de leur personnel dans les petites localités non desservies par une succursale. Nous estimons que la transition pourrait être facilitée si l’institution financière travaillait en collaboration avec les autorités locales ainsi qu’avec les organismes locaux tels que les chambres de commerce ou les clubs de service. (Groupe de travail, note d’information no 4, p. 39)

Le Groupe de travail conclut qu’il ne convient pas d’empêcher les banques de fermer des succursales ou de les soumettre à un règlement à ce sujet. Cependant, il estime qu’il faut un certain pour permettre aux personnes touchées de s’adapter, et que les institutions qui prévoient fermer des succursales devraient être tenues de donner un préavis raisonnable.

 

Recommandations du Groupe de travail

93) Afin de donner aux clients et aux collectivités touchées un délai raisonnable pour s’adapter et chercher des solutions de rechange lorsque la succursale d’une institution de dépôts doit être fermée :

a) Les institutions de dépôts réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de fournir un préavis d’au moins quatre mois avant de fermer une succursale. L’avis devrait être affiché bien en vue dans les succursales, communiqué à tous les clients et aux autorités locales compétentes et publié dans les journaux locaux.

b) L’institution financière devrait chercher de manière proactive, de concert avec la collectivité touchée, des solutions de rechange et des moyens de faciliter la transition.

    c) Le Groupe de travail incite vivement les provinces à envisager d’imposer une règle analogue aux institutions de dépôts constituées au niveau provincial.

 

Points de vue des témoins

Le Comité a entendu beaucoup de témoignages sur l’importance des succursales. Fait particulièrement intéressant à noter, une bonne partie de ces témoignages proviennent des institutions financières elles-mêmes.

Le P.D.G. du Canada Trust affirmé catégoriquement que les transactions bancaires électroniques et téléphoniques ne remplaceront pas les succursales.

On ne saurait pourtant nier l’importance des succursales. D’ailleurs, à cet égard, nous réfutons l’hypothèse de certains commentateurs selon laquelle l’électronique et les autres canaux de distribution tendraient à faire disparaître les succursales. Notre expérience nous indique le contraire, et nous sommes bien placés pour en juger. En effet, toute proportion gardée, le nombre de clients et de services bancaires par Internet de Canada Trust est supérieur à celui de beaucoup de banques. Par notre stratégie, nous nous sommes efforcés de voir à quel point nous pourrions promouvoir ces services, ce qui nous permettrait de savoir si les succursales sont importantes ou non. Nous avons vu qu’elles le sont.

Essentiellement, c’est à partir des succursales que les banques attirent de nouveaux clients. Selon notre expérience, les services bancaires électroniques servent de complément aux opérations en succursale. À ce sujet, il est intéressant de noter que le client de nos services bancaires électroniques utilise davantage notre réseau de succursales que notre client moyen. (Ed Clark, 7 octobre 1998)

Le P.D.G. de la Banque de Nouvelle-Écosse a exprimé un point de vue semblable.

Lorsqu’on parle de la mort d’une succursale, cela me fait penser à Mark Twain, qui a déjà affirmé que sa mort avait été grandement surestimée lorsqu’il a lu son article nécrologique dans un journal. La plupart des banques de détail les plus importantes du monde, comme la Lloyds, seraient d’accord avec ce commentaire. Devons-nous rationaliser? Avons-nous recours à la technologie pour réduire nos coûts? La Banque de Nouvelle-Écosse peut-elle augmenter de 10 p. 100 son efficacité au cours des deux, trois ou quatre prochaines années sans fusion? Bien entendu. Nous sommes payés pour cela. Cependant, nous effectuons la plupart de nos nouvelles ventes grâce à nos succursales, et entretenons avec elles la plupart des meilleures relations. Les deux tiers de nos clients nous perçoivent toujours comme une succursale. Évidemment, 80 ou 85 p. 100 des transactions sont effectuées par voie électronique, mais il ne s’agit que de transactions. (Peter Godsoe, 6 octobre 1998)

Le P.D.G. de la Banque Nationale soutient pour sa part qu’il n’y a pas trop de succursales, mais qu’elles occupent de trop grandes superficies au total.

Cependant, l’Institut Fraser exprime une opinion contraire, affirmant que parce que la technologie est en voie de supplanter la succursale classique, on n’a plus autant besoin de la présence physique des succursales bancaires dans chaque localité. (Mémoire, 18 octobre 1998)

Plusieurs témoins se sont dit préoccupés des fermetures de succursales et de la diminution des heures d’ouverture. Le Task Force on the Churches and Corporate Responsibility estime que si une succursale réduit ses heures ouvrables, ou accepte des dépôts au comptant seulement certains jours, elle est à toutes fins utiles fermée. Cet organisme s’inquiète de la tendance générale qui semble aller dans le sens de la réduction de l’activités où il y a interaction avec les gens.

L’Association CARP a insisté sur l’effet des fermetures de succursale dans les campagnes, les petites villes, les quartiers pauvres des grandes villes et sur les aînés. Le ministre des Petites entreprises, du Tourisme et de la Culture de la Colombie-Britannique a parlé au Comité de l’impact de la fermeture d’une succursale dans un village de sa province.

À Peachland, dans la vallée de l’Okanagan, on a l’exemple d’une succursale bancaire qui a fermé. Il n’y a plus de banque en ville et les gens doivent parcourir 12 km pour se rendre à Westbank. Les gens ont dit au Groupe de travail qu’ils avaient perdu quelque chose chez eux. Cela nous fait mal, car les gens vont magasiner ailleurs : cela enlève de l’activité commerciale dans notre localité. Voilà un exemple de la façon que les fermetures de succursale font du tort aux petites localités, pour des raisons alléguées d’efficacité. (Ian Waddell, 28 octobre 1998)

Les fermetures de succursales dans les quartiers pauvres inquiétent particulièrement l’ONAP.

Dans la collectivité, les succursales bancaires jouent souvent un rôle assez différent des commerces qui vendent des biens et services de consommation. Dans les collectivités à faible revenu, les succursales bancaires ont une influence sensible sur la santé et le bien-être actuel et futur des individus et de la population en général. Elles sont comme le robinet à l’extrémité d’un pipeline qui permet à l’argent d’arriver dans la collectivité. Retirer les succursales, c’est comme fermer le robinet, et causer une sécheresse financière qui prive une population de sa sève.

Les gens des milieux pauvres ont peu d’options financières... Ces gens sont souvent des aînés à faible revenu qui en plus d’être en bute aux obstacles technologiques,sont très réticents à changer de banque. (Mémoire, 5 novembre 1998, p. 8)

Le Conseil national des femmes du Canada a demandé au gouvernement de travailler avec les institutions financières pour garder les services de succursale disponibles jusqu’à ce qu’il devienne évident que ceux-ci ne sont plus viables.

La Canadian Community Reinvesetment Coalition est d’accord avec la recommandation du Groupe de travail mais réclame en plus la divulgation des profits, des pertes et des revenus nets de la succursale pendant les années qui précèdent une fermeture.

Pour ce qui est de la fermeture des succursales, nous sommes d’accord avec le Groupe de travail pour qu’on effectue des consultations publiques et que l’on prévoit un préavis de quatre mois pour toute fermeture de succursales. Cependant, nous estimons que pour que la collectivité reçoive toute l’information concernant les raisons pour lesquelles une succursale est fermée, les succursales devraient être tenues de divulguer leurs profits, pertes ou revenus nets pour les années précédentes. Les banques justifient souvent la fermeture d’une succursale en disant qu’elle n’est pas rentable. Cette recommandation les obligerait à le prouver. (Duff Conacher, 1er octobre 1998)

Le Conseil canadien du commerce de détail a témoigné longuement sur l’importance des succursales locales pour les détaillants.

Premièrement, il y a le dépôt des espèces et des chèques qui, malgré les grands progrès électroniques, représente encore plus de 50 p. 100 des paiements déposés quotidiennement par les détaillants. Il faut souvent effectuer le dépôt dans la journée pour s’assurer que le compte est encore suffisamment garni pour pouvoir payer les chèques arrivés à la banque le même jour.

Deuxièmement, après la fermeture de la banque, les magasins qui sont ouverts tard le soir doivent pouvoir disposer d’un trésor de nuit.

Troisièmement, le détaillant doit se rendre à la succursale pour négocier tous les services électroniques auxquels nous faisons référence — les services de gestion des fonds, les lettres de crédit qui peuvent maintenant être établies électroniquement, le service de carte de débit Interac et les services électroniques pour les cartes de crédit. La technologie ne remplace pas les avantages qu’il y a à rencontrer quelqu’un à son bureau pour négocier le prix et la qualité de ce service.

Le quatrième exemple est la négociation d’un emprunt. Il y a de grands progrès dans le domaine des téléconférences et des vidéoconférences, mais cela ne remplace pas la présence quotidienne dans la ville du directeur de la succursale locale ou d’un représentant local de la banque. Cette personne connaît la situation de l’économie locale, quelles entreprises sont ou non en grève et quel est le taux exact de chômage. Elle peut rencontrer le détaillant en comprenant très précisément les influences qui s’exercent sur son entreprise et elle peut négocier les modalités des lignes de crédit. (Ken Morrison, Octobre 27, 1998)

De nombreux témoins appuient l’idée d’une période de préavis avant la fermeture d’une succursale. Rares sont ceux qui envisagent l’idée de forcer les institutions à garder les succursales ouvertes bien qu’un témoin pense qu’il faudrait considérer des restrictions à la fermeture de la dernière succursale d’une localité.

 

Conclusion

Le Comité appuie la recommandation 93 selon laquelle les institutions réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de donner un préavis de quatre mois avant de fermer une succursale.

Cela ne veut pas dire que le Comité croit que le gouvernement devrait intervenir dans la décision d’affaires que constitue la fermeture d’une succursale. Il reconnaît qu’avec les changements technologiques et les nouveaux moyens de fournir les produits et services, certaines fermetures sont inévitables. Le Groupe de travail a noté qu’entre 1991 et 1996, 119 succursales ont fermé leurs portes.

Les témoignages présentés au Comité attestent de l’importance des succursales pour les entreprises et les consommateurs. Dans certaines situations, la fermeture d’une succursale peut entraîner des difficultés considérables. Pour le Comité, la question crucial consiste à déterminer comment atténuer les difficultés que pose la fermeture.

Le Comité est d’avis qu’un préavis de quatre mois aidera à réduire les perturbations. Ce n’est pas là une exigence onéreuse pour les institutions financières. En fait, une grande institution a signalé au Comité qu’elle avait déjà adopté le préavis de quatre mois pour les fermetures de succursales.

Le Comité croit également que l’accès aux services financiers peut être maintenu en dépit des fermetures si les institutions utilisent de nouvelles avenues pour fournir les services. Pour atténuer les perturbation causées par les fermeture, les institutions financières devraient envisager des partenariats avec les détaillants et les petits magasins généraux dans les régions rurales (nous nous sommes fait dire que cela se fait à certains endroits), les bureaux de poste, les pharmacies, les supermarchés et les épiceries.

 

4. Microcrédit

Contexte

Dans le Document d’information no 4, le Groupe de travail définit le microcrédit comme les petits prêts accordés à des particuliers qui se lancent à leur compte ou démarrent une très petite entreprise. Selon le rapport, il n’y a pas de définition généralement acceptée du microcrédit, bien que les personnes connaissant bien la question considèrent que les prêts en question dépassent rarement 7 000 $. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 41)

Le Groupe de travail signale que le marché du microcrédit n’est généralement pas servi directement par les institutions classiques, même si beaucoup de propriétaires reçoivent en fait des prêts de ces institutions en finançant leur microentreprise par leur carte de crédit.

Plusieurs programmes de microcrédit ont été établis au Canada depuis 10 ans à l’intention des personnes qui ne peuvent obtenir des petits prêts d’une institution financière. Ces programmes sont habituellement parrainé par des organismes privés comme la Fondation Calmeadow et l’Association des prêts communautaires de Montréal. Le microfinancement est également offert par certains programmes fédéraux : Agence de promotion économique du Canada-Atlantique (APECA), Développement des ressources humaines Canada, Sociétés de financement des Autochtones d’Industrie Canada, Banque de développement du Canada (BDC). Certaines provinces ont aussi des programmes de microfinancement.

Le Groupe de travail reconnaît la contribution des programmes de microcrédit qui aident des individus à obtenir du crédit d’autres sources. Il est d’avis qu’il y a place pour le développement des programmes existants de microcrédit et pour de nouveaux programmes.

 

Recommandations du Groupe de travail

94) Le Groupe de travail recommande que les gouvernements, les institutions financières et les groupes communautaires forment des partenariats afin de promouvoir des programmes de microcrédit qui aident les particuliers à lancer et à développer des entreprises, contribuant ainsi au travail autonome.

95) Le gouvernement devrait participer au secteur du microcrédit en fournissant une aide de base, en matière de démarrage et d’infrastructure, à des programmes pilotes de microcrédit à condition qu’ils reposent de façon démontrable sur des plans valables et qu’ils ne puissent obtenir ailleurs un financement pour leurs fonctions administratives. Le gouvernement ne devrait pas financer les prêts relevant des programmes de microcrédit.

96)Les gouvernements devraient réexaminer tous les programmes d’aide sociale pour veiller à ce que les microprêts n’entraînent pas une réduction des prestations sociales, ce qui aurait un effet désincitatif sur les personnes qui cherchent à accéder à leur autonomie en obtenant du microcrédit.

97) Les banques et les autres institutions financières devraient être encouragées à établir des partenariats avec des programmes de microcrédit offerts au niveau local. Par exemple, les institutions prêteuses pourraient mettre leur savoir-faire et leurs ressources administratives au service d’entreprises de microcrédit pour élaborer des systèmes, par exemple des procédures d’évaluation de demandes de prêt, ou encore pour financer les frais fixes du programme.

 

Opinions des témoins

Lorsqu’ils traitaient de microcrédit, les témoins et les mémoires endossaient avec enthousiasme les recommandations du Groupe de travail.

Le Conseil national des femmes du Canada (CNFC), qui signale que le microcrédit a fait beaucoup dans la lutte contre pauvreté dans les pays sous-développés, est heureuse que le Groupe de travail appuie son développement au Canada.

Le professeur Colin Dodds de l’Université St. Mary’s prétend que le microcrédit a été essentiel à la promotion du démarrage et du développement des PME. Il affirme qu’il était important de trouver des modes de financement innovateurs pour ces entreprises.

Le P.D.G. de la Banque Royale du Canada a dit au Comité que sa banque et la Banque de Montréal étaient actives dans le microcrédit au Canada par le biais d’un partenariat avec la Fondation Calmeadow.

Dans son mémoire adressé au Comité, Martin Connell, président de Calmeadow, décrit le marché du microcrédit comme destiné aux travailleurs autonomes canadiens qui :

    • n’ont pas d’antécédents de crédit;
    • n’ont pas de nantissement ou de chèque de paie régulier;
    • ont un antécédent de crédit qui n’est pas irréprochable
    • manquent de confiance dans leur entreprise et seraient mal à l’aise d’aborder une banque;
    • ont déjà connu une faillite d’entreprise. (Martin Connell, mémoire,4 novembre 1998, p. 2)

M. Connell a dit au Comité que parce que le microcrédit présente des coûts de transaction élevés et beaucoup d’intermédiaires sociaux, il ne convient pas aux banques et aux autres institutions financières structurées. Il affirme également que le microcrédit n’est pas pour le gouvernement, étant donné que les emprunteurs de la microentreprise craignent le gouvernement et ont tendance à considérer les prêts comme des subventions..

M. Connell suggère un plan pour encourager le microcrédit.

Ce que les banques, les institutions financières structurées et les gouvernements peuvent faire cependant, c’est d’appuyer des dizaines de petites entreprises communautaires de microcrédit, au niveau de la base.

Plutôt que de traiter directement, un à un, avec cette myriade de microprêteurs... il serait peut-être logique de créer un fonds national indépendant, avec quelques bureaux régionaux, pour analyser les demandes de l’organisme local de microcrédit, fournir des conseils et de l’aide technique, ainsi que du capital et des subventions à l’exploitation aux organismes sélectionnés. (Martin Connell, mémoire, 4 novembre 1998, p. 4)

 

Conclusion

Le Comité estime que le microcrédit peut contribuer à créer des emplois et à produire des bénéfices sociaux aux individus participant et à la collectivité en général.

Il reconnaît le rôle important que jouent les programmes de microcrédit dans le financement fourni aux personnes qui ne peuvent en obtenir ailleurs.

À partir du rapport du Groupe de travail et des témoignages présentés devant le Comité, il semble que les gouvernements ne devraient pas participer directement aux microprêts. Ils devraient cependant encourager le microcrédit d’autres façons. Le Groupe de travail formule plusieurs recommandations à cet égard et le Comité les endosse entièrement. Ce dernier exhorte également les institutions financières à établir des partenariats avec les programmes de microcrédit dans les collectivités locales.

 

5. Partenariats avec le secteur bénévole

Contexte

Le Groupe de travail reconnaît que le secteur bénévole est une force importante dans les collectivités canadiennes. Le rapport signale que les cinq grandes banques font les plus gros dons de charité. Le Groupe de travail estime que les dirigeants des institutions financières devraient examiner les façons nouvelles de servir les Canadiens avec les dirigeants du secteur bénévole.

Le Groupe de travail souhaite le début des conversations entre les dirigeants des deux secteurs, avec l’aide du gouvernement au besoin, et que celles-ci débouchent sur la mise en place rapide de projets pilotes. Il estime que les initiatives devraient venir des dirigeants des deux secteurs, mais que le gouvernement devrait songer à parrainer une table ronde pour discuter des dossiers, des problèmes et des possibilités, si cela était utile au lancement de la démarche.

 

Recommandations du Groupe de travail

98) Les institutions financières devraient mettre au point, avec le secteur bénévole, des formes nouvelles et innovatrices de partenariats qui aideraient à bâtir une société plus forte, plus saine et plus compatissante. Les dirigeants des institutions financières et du secteur bénévole devraient collaborer à cette fin en commençant par des projets pilotes innovateurs.

 

Opinions des témoins

L’Association of Canadian Law Foundations souscrit à la recommandation 98. Mais en général, rares sont ceux qui ont parlé au Comité des partenariats avec le secteur bénévole.

La Société du crédit agricole estime que son récent programme de relations communautaires respecte l’esprit de la recommandation 98.

Dans la veine de la recommandation 98, la SCA a reconnu que la relation qu’elle a établie avec les communautés qu’elle sert est plus étendue que les transactions elles-mêmes. Pour renforcer ces partenariats avec des localités un peu partout au Canada, la SCA a récemment lancé ce que nous appelons notre « programme de relations communautaires », en vertu duquel la société contribue 1 p. 100 de ses revenus nets à la satisfaction des besoins des activités et programmes communautaires philanthropiques, et sans but lucratif. (John Ryan, 26 octobre 1998)

 

Conclusions

Le Comité ne formule aucune recommandation sur la question des partenariats avec le secteur bénévole. Cependant, il reconnaît le besoin et l’importance d’une participation des institutions financières à ce secteur.

 

6. Rapport sur les responsabilités envers la collectivité

Contexte

Le Groupe de travail reconnaît l’importance des institutions financières dans les localités qu’elles desservent mais constate qu’il n’y a pas pour elles de moyen reconnu de communiquer leur rendement en matière de responsabilité sociale, ce qui pourrait être au départ d’un débat public sur les besoins et les attentes de la population. (Rapport du Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 52)

Le Groupe de travail propose que toutes les institutions de dépôts et compagnies d’assurance-vie à réglementation fédérale soient tenus de produire chaque année un rapport sur leurs responsabilités envers la collectivité. Ce rapport informerait le public sur la contribution sociale de l’institution, par des activités du genre suivant :

    • les investissements dans le développement communautaire ou les causes philanthropiques;
    • l’appui apporté aux activités communautaires et les partenariats établis avec les collectivités locales;
    • la participation des employés de l’institution à la prestation de services communautaires;
    • le nombre d’emplois fournis;
    • les impôts et les taxes versés aux administrations publiques à tous les paliers; et
    • toute autre question jugée pertinente..

Le Groupe de travail propose de laisser à l’institution le choix du fond et de la forme du rapport.

 

Recommandations du Groupe de travail

99) Toutes les institutions de dépôts et sociétés d’assurance-vie réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de rendre public et de déposer auprès du ministre des Finances un ou plusieurs rapports annuels sur les responsabilités envers la collectivité afin de décrire leur contribution à la collectivité et de définir les nouveaux besoins locaux auxquels elles se proposent de répondre. Le ministre devrait déposer tous ses rapports devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Les rapports sur les responsabilités envers la collectivité serviraient de base à un dialogue permanent entre les dirigeants des institutions financières et les collectivités.

100) Les gouvernements provinciaux devraient envisager d’imposer des exigences analogues aux institutions financières relevant de leur compétence.

 

Opinions des témoins

Plusieurs témoins ont commenté favorablement les recommandations du Groupe de travail sur les rapports sur les responsabilités envers la communauté.

De nombreuses institutions financières en appuient le principe. Elles accueillent favorablement la possibilité de communiquer leur participation à la vie communautaire.

Au sujet de ces responsabilités sociales, le P.D.G. de la Banque Royale du Canada avait ceci à dire :

Nous convenons tout particulièrement avec le Groupe de travail que les Canadiens croient que les banques ont de plus grandes responsabilités envers le public que les autres entreprises et qu’ils s’attendent aussi à ce que les banques jouent un rôle de chef de file dans la collectivité. À la Banque Royale, nous sommes fiers de notre bilan de participation à la collectivités et nous souscrivons à la recommandation du Groupe de travail selon laquelle toutes les institutions de dépôts et sociétés d’assurance-vie réglementées au niveau fédéral devraient être tenues de déposer un rapport sur leurs responsabilités envers les collectivités auprès du ministre des Finances.

À l’appui de ce concept de rapport sur les responsabilités envers les collectivités, nous sommes disposés à aider à bâtir un processus ouvert, global et transparent de consultations avec divers groupes communautaires pour élaborer ensemble un bilan des responsabilités concernant les attentes de la collectivité (John Cleghorn, 29 septembre 1998).

Ce témoin a également parlé d’une sorte de carte de pointage pour les responsabilités envers la collectivité.

Lorsque je parle d’un bilan des responsabilités, je veux parler d’une chose à laquelle on arriverait avec les différentes collectivités. Au lieu de dire ce qu’il faudrait faire exactement, le Groupe de travail MacKay définit certains critères, sur lesquels nous serions d’accord. Il dit également que ce n’est pas uniquement pour les banques. Cela s’appliquerait aussi à d’autres participants du secteur des servies financiers, ce qui est juste.

On a l’impression que les banques n’en font peut-être pas assez, contrairement à d’autres... Il doit y avoir une espèce de bilan commun, même si ça n’a pas été essayé ici, pour pouvoir faire une comparaison utile.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce qui est dit dans le Rapport MacKay, c’est-à-dire à la liste des divers secteurs qui devraient être couverts, mais il ne faudrait pas que ce soit uniquement les prêts. Il pourrait s’agir, par exemple, de partenariats dans le microcrédit... Un autre secteur serait celui de l’aide aux bénévoles, de la part des employés de l’institution elle-même.

Nous nous sommes aperçus que le bilan pour Toronto pourrait être différent de celui de Charlottetown. Il est important que les collectivités aient leur mot à dire sur ce qui compte dans leur région et sur ce qui devrait figurer, d’après elles, dans le bilan. Nous voulons parler ici d’un bilan local par opposition à un autre qui serait le même pour tout le monde, de Terre-Neuve à l’île de Vancouver.

Un témoin a suggéré que les rapports de responsabilité fournissent de l’information sur la disponibilité du crédit auprès des grandes et des petites entreprises, par région, ainsi que de l’information sur le niveau de concurrence par région. (Terry Norman, 20 octobre 1998)

Le professeur Jean Roy estime que les propositions du Groupe de travail sont louables mais placent néanmoins les grandes institutions canadiennes dans une position difficile vis-à-vis leurs concurrents.

D’une part, on leur demande de jouer un rôle social, de l’autre le nouvel environnement financier risque de les mettre en concurrence avec divers types de compagnies financières qui ne sont pas soumises aux mêmes obligations. (Jean Roy, 23 octobre 1998)

Certains témoins craignent que les rapports de responsabilité envers la collectivité soient de la poudre aux yeux, un exercice de relations publiques, ou un renforcement annuel de l’ego. Ainsi, la CARP félicite les banques de ces dons de charité substantiels, mais craint que les rapports ne deviennent un exercice de relations publiques.

Le P.D.G. de la Maritime, Compagnie d’assurance-vie appuie la recommandation du Groupe de travail mais craint que les rapports puissent donner l’occasion de se vanter. Il craint que « les gens perdent de vue la raison d’être de ces activités, c’est-à-dire renforcer les collectivités dans lesquelles nous vivons et travaillons ». (William Black, 21 octobre 1998)

Le Canada Trust a formulé une inquiétude différente au sujet des rapports sur les responsabilités envers la collectivité. Il craint que ceux-ci deviennent un exercice onéreux pour les petites institutions, et donc un obstacle à leur arrivée sur le marché. À partir de son expérience aux États-Unis, il a exprimé des doutes sur l’efficacité d’une approche légale.

Nous avons fait l’expérience des deux mondes puisque nous avons exercé nos activités aux États-Unis, où il existe un régime légaliste. Nous exerçons également nos activités au Canada, où c’est le régime du bon citoyen qui s’applique. Aux États-Unis, nous avons des conseils indépendants avec lesquels nous nous réunissons. Les Américains disaient : « À nos yeux, il est clair que le régime légaliste est moins avantageux pour le consommateur que le régime du bon citoyen. » Lorsque, en effet, on crée dans une organisation une atmosphère en vertu de laquelle on doit faire ce qu’il faut pour se conformer à la loi, c’est — on ne s’en rend pas compte mais c’est ce qui arrive aux États-Unis — le contraire qui se produit. On évite alors de faire quoi que ce soit qui puisse contrevenir à la loi parce qu’on est déjà confronté à un fardeau réglementaire. Dès lors, on doit littéralement se conformer aux critères employés par la loi et on dégage les dirigeants d’entreprises de leur responsabilité morale de faire ce qui est juste. L’État a déclaré son intention de prendre les décisions morales qui s’imposaient. Il vous assujettit à un ensemble de règlements très complets.

En un sens, nous avons été consternés de constater comment l’industrie fonctionnait. On ne nous demandait pas : Quel est l’esprit de la loi? Qu’attendent-ils de nous? Aux États-Unis, nous venions au premier rang des institutions financières au chapitre du réinvestissement communautaire. Pourquoi? Parce que, dans le domaine du réinvestissement communautaire, nous avons adopté aux États-Unis une attitude canadienne, et non américaine. Le Conseil a été stupéfié de nous voir emprunter cette voie. Ses membres ont demandé : « Pourquoi faire cela? La loi ne vous oblige pas et vous ne devriez faire que ce que prescrit la loi. »

En agissant de la sorte, vous feriez reculer le pays et vous me dégageriez, en tant que dirigeant d’entreprise, de toute responsabilité morale quant à la façon dont je me comporte. (Ed Clark, 7 octobre 1998)

D’autres témoins ont proposé que le gouvernement fédéral adopte une loi semblable à la Community Reinvestment Act des États-Unis. C’est le cas de la Canadian Community Reinvestment Coalition (CCRC). En réponse aux recommandations du Groupe de travail, elle recommande que les rapports sur la responsabilité envers la collectivité indiquent le nombre de plaintes reçues par les succursales de l’institution, le règlement de ces plaintes, le nombre de poursuites par et contre l’institution, l’issue des poursuites, et les tendances dans l’ouverture et la fermeture des succursales.

La CRCC a également réclamé la définition de chaque collectivité, par consultations publiques, et des rapports de présentation uniforme. Enfin, elle suggère que les rapports soient examinés par le gouvernement, avec consultations du public, et qu’il évalue la performance des institutions.

 

Conclusions

Le Comité est d’accord avec le fait que les institutions financières doivent être responsables envers les collectivités qu’elles desservent. Il appuie l’objectif des recommandations du Groupe de travail sur les rapports sur les responsabilités envers la collectivité et estime désirable une forme de comptabilité annuelle. Cependant, il n’est pas d’accord avec la proposition faite par le Groupe de travail pour atteindre cet objectif, pour les raisons suivantes :

D’abord, les recommandations du Groupe de travail sont vagues. Celui-ci ne cherche pas à définir la collectivité, mais laisse plutôt cette tâche aux institutions elles-mêmes. Cette collectivité est-elle géographique, économique, sexuelle ou ethnique?

Le format et le contenu des rapports devrait également être laissé à la discrétion des institutions. Le Groupe de travail propose des éléments qu’il conviendrait d’inclure dans les rapports, mais il en laisse la responsabilité du contenu aux institutions. En outre, il ne s’est pas arrêté longtemps à la façon de présenter l’information. Ici encore, parce que cette présentation est laissée à la latitude des institutions, les comparaisons pourraient être difficiles et le public pourrait avoir de la difficulté à faire le lien entre l’information et ce qui est pertinent pour lui.

Deuxièmement, ces rapports pourraient coûter cher aux petites institutions et constituer un obstacle à leur arrivée sur le marché, et donc à la concurrence.

Troisièmement, les rapports risquent de devenir un exercice de relations publiques de valeur douteuse pour la population et coûteux pour le consommateur qui en assumera le coût en bout de ligne.

Quatrièmement, le Comité craint un peu que les rapports entraînent les institutions financières à faire ce qu’elles pensent « avoir à faire » pour respecter les recommandations du Groupe de travail plutôt que de faire ce qu’elles « devraient faire » pour aider les collectivités où elles se trouvent. Le gouvernement ne peut pas adopter une loi sur la responsabilité morale : le désir de servir et d’être responsable envers la société doit venir des institutions elles-mêmes.

Certes, le Comité ne s’oppose en rien à ce qu’une institution financière émette de plein gré un rapport sur ses responsabilités envers la collectivité. Il estime cependant qu’il faut réfléchir davantage pour en arriver à une bonne méthode de divulgation par laquelle les institutions de dépôts et les compagnies d’assurance-vie soumises à la réglementation fédérale feraient un compte rendu annuel de leurs activités communautaires. Nous exhortons donc le gouvernement fédéral à étudier la question et à présenter les options avant la fin de 1999. Dans cette étude, il conviendrait de garder à l’esprit les coûts de ce compte rendu et la nature de l’information pouvant être vraiment utiles aux consommateurs.

Enfin, le Comité aimerait dire un mot de la Community Investment Act (CRA) des États-Unis. Certains témoins ont réclamé une loi analogue au Canada. Entre autres choses, cette loi exige que les banques répondent aux besoins de services et de crédit du milieu où elles se trouvent. Les banques sont tenues de divulguer leurs prêts, leurs investissements et leurs services et sont évaluées par l’Agence de réglementation. Les résultats de tout cet exercice sont rendus publics.

Le Comité remarque que la CRA a été adoptée aux États-Unis pour contrer une discrimination généralisée à l’endroit des populations à faible revenu. Les institutions refusaient de prêter dans les quartiers pauvres des villes mais utilisaient les dépôts en provenance de ces quartiers pour prêter aux habitants des quartiers plus riches. Cette mesure est connue sous le nom anglais de « redlining » parce que les institutions traçaient véritablement une ligne rouge sur la carte pour délimiter les quartiers pauvres. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 50)

Le Comité est d’accord avec le Groupe de travail qui note qu’on n’a pas fait la preuve qu’il existe au Canada des conditions semblables, justifiant une approche coercitive. Le Comité estime également que la voie de la CRA constituerait un fardeau réglementaire coûteux et dispendieux pour les institutions financières.


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