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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES
1. L’information sur les besoins en financement des PME
2. Prêts bancaires et roulement des directeurs de comptes commerciaux
3. Décentralisation des pouvoirs de décision en matière de crédit dans les banques
4. Octroi de prêts bancaires aux emprunteurs à risque élevé
5. Analyse, du point de vue de la politique publique, des besoins financiers des petites entreprises
6. Définition des entreprises axées sur le savoir et les banques et les entreprises axées sur le savoir
7. Prestation de crédit par les institutions financières à des particuliers et des institutions autochtones


PARTIE H

LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

1. L’information sur les besoins en financement des PME

Contexte

Au Canada comme à l’étranger, le problème le plus sérieux auquel se heurtent les décideurs publics et les institutions financières lorsqu’ils s’intéressent au marché des PME et des entreprises axées sur le savoir est l’insuffisance de l’information sur leurs besoins de financement (capitaux d’emprunt et capitaux propres) et sur le financement mis à leur disposition. Il faut absolument disposer d’une bien meilleure information sur le marché pour pouvoir élaborer une politique publique pertinente. (Groupe de travail, Document d’information no 4)

Chose étonnante, l’absence de données suffisantes fait obstacle à la compréhension des problèmes vécus par les petites entreprises dans un grand nombre de pays développés. Ainsi que le conclut un rapport de l’OCDE, on a de plus en plus besoin de données fiables, pertinentes et comparables à l’échelle internationale sur les PME. Les organismes statistiques ont commencé à recueillir et à publier des données à ce sujet, mais de sérieuses lacunes persistent.

Cette insuffisance de données sur le financement des petites entreprises se manifeste également aux États-Unis, bien que la CRA (Community Reinvestment Act) rende obligatoire la publication d’information à ce sujet. Selon une étude la Réserve fédérale :

On sait étonnamment peu de choses des petites entreprises en tant qu’emprunteurs ou du marché des prêts aux petites entreprises. Les données d’enquête confirment que les petites entreprises recourent bel et bien aux intermédiaires financiers – tout particulièrement aux banques commerciales – pour obtenir des prêts, mais l’information dont nous disposons au sujet du rôle que jouent les intermédiaires à titre de prêteurs aux petites entreprises, à propos des coûts et des risques liés aux prêts aux petites entreprises et à l’égard des facteurs qui influent sur les décisions d’accorder ou de demander du crédit est maigre, dans le meilleur des cas. Il n’existe aucune source unique de données qui pourrait fournir toute l’information nécessaire pour évaluer la situation du crédit.

Des progrès appréciables ont été réalisés récemment au Canada dans la collecte des données sur le financement des PME par les banques :

  • L’Association des banquiers canadiens (ABC) publie maintenant des statistiques trimestrielles détaillées sur les activités de prêts des principales banques à charte. Ces données portent tout particulièrement sur les prêts aux PME.
  • L’ABC publie également chaque année les provisions constituées par les principales banques au titre des pertes sur leurs prêts aux entreprises.
  • Thompson Lightstone & Company, sous l’égide de l’ABC, mène chaque année une enquête sur les attitudes des PME concernant leurs besoins, leurs attentes et leur satisfaction à l’égard des institutions financières. On trouve dans la même enquête les résultats d’un sondage mené auprès des préposés aux prêts dans les banques, concernant les demandes et les approbations de prêts.

De plus, plusieurs groupements professionnels, dont l’Association canadienne du capital de risque et l’Association canadienne de financement et de location publient des rapports périodiques sur les activités de leurs membres dans le domaine du financement des PME. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) mène aussi des sondages réguliers auprès de ses membres pour connaître leurs impressions et leurs expériences dans le domaine du crédit.

Malgré ces progrès, d’autres renseignements doivent être obtenus :

  • Autres bailleurs de fonds aux PME. Les données publiées par l’ABC ne portent que sur les activités de prêts des principales banques à charte. Il faut obtenir des renseignements comparables sur les activités des autres bailleurs de fonds importants (comme les sociétés de fiducie, les coopératives de crédit, les sociétés d’assurance et les caisses de retraite). Les données devraient porter sur les activités de prêt direct ou indirect, au moyen d’instruments titrisés.
  • Information sur les autres types de financement. Les données de l’ABC ne portent que sur le crédit bancaire dont disposent les PME. Elles devraient porter également sur les prêts, les baux et le financement par capitaux propres.
  • Information plus détaillée sur les caractéristiques des emprunteurs. La ventilation actuelle des données est satisfaisante en ce qui concerne, par exemple, le montant des autorisations de crédit et le secteur d’activité de l’emprunteur. Des renseignements sont également nécessaires sur la répartition des crédits entre les régions rurales et urbaines ainsi que d’autres mesures de la taille de l’emprunteur.
  • Collecte de données montrant le point de vue des PME. On ne dispose pas d’assez de données illustrant le point de vue des PME. Ces données indiqueraient l’importance des diverses sources de fonds dans le financement global des PME.
  • Données recueillies auprès de sources indépendantes. L’ABC recueille des données sur les prêts des principales banques aux petites entreprises. De plus, elle parraine les enquêtes menées par Thompson Lightstone & Company pour obtenir des renseignements sur les attitudes et l’expérience de la clientèle. Les deux catégories d’information sont très importantes pour connaître l’accessibilité du crédit et la façon dont les institutions répondent aux attentes de leur clientèle. Les enquêtes de l’ABC et de Thompson Lighstone semblent objectives. Il reste que certains groupes ne semblent pas disposés à en accepter les résultats parce qu’ils craignent que la collecte ou l’interprétation des données ne soient biaisées. Si les données étaient recueillies et interprétées par un organisme gouvernemental, elles seraient mieux acceptées.
  • Attention particulière aux données relatives aux entreprises axées sur le savoir. Les données devraient indiquer les bailleurs de fonds des entreprises axées sur le savoir et les types de financement dont ces dernières disposent. Comme nous l’avons indiqué, il est prioritaire d’établir une définition uniforme de ces entreprises.

 

Recommandations du Groupe de travail

101) Le gouvernement devrait entreprendre un programme étoffé de collecte et d’analyse de renseignements afin de disposer d’une information appropriée sur les besoins de financement des petites et moyennes entreprises (PME) en vue de l’élaboration d’une politique publique efficace dans ce domaine. À cette fin :

  1. Statistique Canada devrait recueillir des données sur l’offre de capitaux d’emprunt et de capitaux propres aux PME, en portant une attention particulière aux entreprises axées sur le savoir, aux entreprises autochtones et aux autres secteurs ou sous-secteurs que l’on jugerait, selon les circonstances, présenter un intérêt particulier. Le programme de collecte de données devrait viser toutes les institutions financières réglementées et non réglementées, du secteur public et du secteur privé, qui mènent des activités importantes de prêt, de crédit-bail, de financement par capitaux propres ou de titrisation sur le marché de la petite entreprise. Les modalités du programme, qui devrait être exhaustif, seraient déterminées par Statistique Canada en consultation avec les fournisseurs de données, les utilisateurs en puissance dans la collectivité et les représentants d’Industrie Canada.
  2. Les institutions financières devraient être tenues de publier leurs réponses à Statistique Canada, en y apportant les modifications voulues pour protéger le caractère confidentiel de leurs relations avec la clientèle.
  3. Statistique Canada devrait publier des compilations des données recueillies à intervalles réguliers pour que le public puisse en prendre connaissance et les analyser.
  4. Industrie Canada devrait prendre en charge la coordination d’une enquête annuelle sur les attitudes des PME afin d’étudier l’offre de financement du point de vue de ces dernières, selon les mêmes principes que les enquêtes menées actuellement pour le compte de l’Association des banquiers canadiens. Le champ des enquêtes serait étendu à tous les bailleurs de fonds importants.
  5. En outre, Industrie Canada devrait procéder périodiquement à des enquêtes d’évaluation auprès des petites entreprises, y compris les entreprises axées sur le savoir, et publier les résultats de ces enquêtes, de manière à avoir un aperçu complet des financements dont ces entreprises ont besoin et des sources de financement auxquelles elles ont recours, à mesure que les marchés évoluent. Une première enquête devrait être effectuée dès que possible, et des enquêtes de suivi devraient être effectuées tous les trois à cinq ans. Ces enquêtes compléteraient les renseignements recueillis chaque année par Statistique Canada et Industrie Canada.

 

Opinions des témoins

D’une manière générale les témoins approuvent les initiatives de collecte de données. La présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, par exemple, a déclaré que les membres de celle-ci sont tout à fait en faveur d’une collecte plus poussée de renseignements sur les prêts aux petites entreprises

Depuis quelques années, les banques fournissent cette information, sur demande. Il est très utile à tous les intervenants de mieux comprendre le marché.

(Cahterine Swift, 5 novembre 1998)

Pour sa part, le PDG de la Banque Nationale s’est lui aussi dit en faveur d’une amélioration de la qualité des données.

Pour ce qui est des petites et moyennes entreprises, nous applaudissons à la recommandation du rapport MacKay qui vise à garantir la qualité de l’information à laquelle ont accès les décideurs et le grand public. Nous reconnaissons qu’il y a un vide à cet égard. La Banque Nationale et d’autres font beaucoup plus que ce que l’on croit dans ce domaine. L’obligation de divulguer nos données sera un bon moyen de faire avancer le débat et de favoriser la transparence. (Léon Courville, 29 septembre 1998)

Les témoins du Conseil économique des provinces de l’Atlantique ont affirmé au Comité que le manque de renseignements concernant le financement des petites entreprises rendait très difficile la définition des problèmes dans la région de l’Atlantique.

(...) il est difficile de se faire une bonne idée de la situation relative au financement des petites entreprises parce qu’il n’y a pas suffisamment de données pertinentes à ce sujet-là. En tant qu’économiste, j’ai trouvé cette analyse très intéressante. Je suis également membre du Conseil national de la statistique, qui supervise l’activité de Statistique Canada, et j’ai été très heureuse de constater que cela devrait encourager Statistique Canada et Industrie Canada à unir leurs efforts pour fournir de meilleures données dans ce domaine.

Le Conseil économique des provinces de l’Atlantique a effectué un certain nombre d’études, dont une sur le capital de risque, qui ont été très frustrantes à réaliser à cause du manque de données pertinentes. C’est un point qui a son importance parce que, de toute évidence, si nous voulons avoir une bonne politique dans ce domaine-là, nous devons nous assurer que nous disposons de données satisfaisantes. J’ai lu avec grand plaisir les recommandations portant sur la tenue de nouvelles enquêtes au sujet du financement des petites entreprises. Mais j’espère que la taille de l’échantillon retenu pour ces enquêtes sera suffisante pour la collecte de données dans les provinces de l’Atlantique. Beaucoup d’enquêtes sont trop restreintes pour fournir des données utilisables pour notre région, ce qui est une source de frustration continuelle. (Elizabeth Beale, 20 octobre 1998)

 

Conclusions

Le Comité a maintes fois réclamé de meilleures données sur le financement des petites entreprises; dans son étude sur les institutions financières d’État, par exemple, ainsi que dans ses rapports publiés à la suite d’un examen des modifications à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Un débat de fond véritable doit reposer sur des données précises, exactes et complètes.

Le Comité souscrit aux recommandations du Groupe de travail concernant l’amélioration de la qualité des renseignements relatifs aux besoins en financement des petites entreprises et à la fourniture de ce financement.

 

2. Prêts bancaires et roulement des directeurs de comptes commerciaux

Contexte

Les membres du secteur des petites entreprises et leurs associations ont largement fait état, devant le Groupe de travail, des frustrations entraînées par un roulement rapide des directeurs de comptes et l’incapacité, de ce fait, des petites entreprises d’établir et de maintenir la crédibilité personnelle sur laquelle repose une solide relation avec le banquier. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 74)

 

Recommandation du Groupe de travail

102) Le Groupe de travail invite instamment les institutions de dépôts, et en particulier les banques, à trouver des façons nouvelles et créatrices de corriger le problème que constitue pour les petites entreprises le taux élevé de rotation des directeurs de comptes, notamment en établissant des profils de carrière et des formules de rémunération qui permettent aux directeurs de comptes de PME axés sur les besoins locaux de mener une carrière intéressante et de longue durée à ce niveau.

 

Opinions des témoins

Les témoins qui ont abordé cette question la considère très préoccupante. Un représentant du Groupe de travail sur la fusion des banques de la région de l’Atlantique a parlé de :

(...) la nécessité d’améliorer la gestion des comptes commerciaux par les banques. Un grand nombre de nos membres nous ont signalé un taux de roulement élevé des directeurs des comptes commerciaux dans les six grandes banques. Une petite entreprise doit ainsi tout apprendre au sujet de ses affaires à un nouveau directeur des comptes tous les ans ou tous les deux ans. C’est inefficace pour la banque et pour la petite entreprise. Nous recommandons que les banques adoptent une politique selon laquelle un directeur et un directeur adjoint seraient chargés de chaque compte commercial. Un directeur des comptes ne pourrait être muté que si son adjoint était en fonction depuis un an au moins et vice-versa dans le cas de la mutation d’un directeur adjoint. Une telle politique éliminerait la plupart des problèmes au sujet de la familiarisation avec le compte et réglerait la question des vacances et des congés de maladie. Le fardeau actuellement lourd d’un grand nombre de directeurs des comptes commerciaux s’en trouverait également allégé et la transition serait plus facile lorsqu’un directeur des comptes commerciaux quitterait la banque pour un autre emploi. Résultat, il y aurait toujours quelqu’un pour s’occuper des comptes et la situation serait moins frustrante pour la clientèle d’affaires de la banque.

Un autre facteur est la nécessité pour les directeurs des comptes commerciaux de recevoir une formation professionnelle. Les six grandes banques à charte doivent offrir une formation en milieu de travail sur les services bancaires commerciaux alors que la formation d’un nouveau directeur des comptes commerciaux pourrait s’avérer plus difficile pour de plus petites institutions financières, les coopératives de crédit ou les compagnies d’assurance qui n’ont pas encore l’expertise voulue. Des cours de formation devraient être offerts en collaboration avec les universités, les collèges et les écoles de formation privées pour répondre aux besoins de directeurs des comptes commerciaux compétents. (Terry Norman, 20 octobre 1998)

Le chef des opérations de la Banque Nationale a décrit le problème du point de vue des banques, lorsqu’on lui a demandé de réagir à la critique voulant que les gérants locaux arrivent à connaître leur monde mais qu’au bout de quatre ou cinq ans, le bureau chef décide de les muter ailleurs.

Vous touchez au point le plus sensible, qui me préoccupe le plus, contre lequel je suis en train de baisser les bras. Nous avons un taux de rotation des directeurs de compte qui est trop élevé. La seule plainte constante que nous recevons des clients — et je rencontre des clients au déjeuner deux fois par semaine et au petit déjeuner une fois par semaine — est que nous changeons trop souvent de directeurs de compte. J’ai mené des guerres, des batailles, en disant à tout le monde que cela ne me fait rien de perdre des batailles, mais pas la guerre. J’ai l’impression d’être en train de perdre la guerre. Je connais le problème. Cela ne veut pas dire que je vais renoncer. Nous allons trouver des mesures palliatives pour s’assurer que deux personnes connaissent le dossier et qu’on ne déplace pas les deux en même temps. L’an passé, un cinquième de nos directeurs de comptes ont été engagés par nos entreprises clientes tellement elles les aimaient!

Vous voyez, aussitôt qu’il y en a un qui quitte, c’est difficile d’en déplacer un autre parce que c’est peut-être celui de l’autre région qui connaît le mieux ses clients, et lui aussi perdra ses clients. Cela fait deux groupes de clients mécontents pour un seul gérant qui est parti. (...) On perd de l’information, de l’efficacité, de l’adresse dans le marketing en faisant cette rotation constante.

C’est toute la valeur de la connaissance de la clientèle qui est perdue. Ces coûts sont énormes et on mène une guerre. (...) Il y a (...) (bien) des phénomènes qui expliquent cela. (...) C’est normal de vouloir un plan de carrière. On essaie de changer les bandes salariales pour dire à quelqu’un : vous allez être rémunéré davantage si vous faites bien le travail que vous avez présentement et non pas en vous donnant un autre poste. (Léon Courville, 29 septembre 1998)

Dans sa réponse à une question au sujet du roulement des directeurs de comptes et du rétablissement, au niveau local, du pouvoir de prise de décisions sur les demandes de prêt, dont le libellé était le suivant : « Ai-je raison de croire que ces deux questions ne sauraient se régler par le biais de la politique gouvernementale? » (Dans un premier temps, il s’agit essentiellement d’une question de ressources humaines au sein de l’institution financière; à savoir, il ne faut pas que le roulement des directeurs de comptes soit aussi fréquent. Quant aux décisions sur l’octroi du crédit, c’est évidemment une décision de gestion et non pas une décision de politique gouvernementale.), la présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a tenu le propos suivants :

En effet. Incontestablement. Nous avons tenu de nombreuses discussions avec diverses institutions financières tout à fait dans cette même veine, au fil des ans.

(...) on s’entend tous pour reconnaître qu’il y a un problème, mais nous nous demandons pourquoi rien n’a été fait encore. En fait, dans le cas de la centralisation de la prise de décisions, nous constatons le contraire. Une grande partie du problème découle de l’informatisation des décisions de financement, de la tendance à donner des cotes de crédit, etc., ce qui augmente la centralisation. D’autres décisions stratégiques, qui n’ont pas été prises après mûre réflexion, mais qui ont tout simplement suivi, par association, ont encore accentué le phénomène.

Nous trouvons particulièrement contrariante la question des directeurs de comptes. Les représentants de toutes les grandes banques ont reconnu qu’il fallait faire quelque chose, mais ce n’est pas une priorité puisque rien n’a été fait depuis très longtemps. Il serait toutefois très difficile de régler le problème dans un contexte de politique gouvernementale. (Catherine Swift, 5 novembre 1998)

 

Conclusions

Si le Comité appuie la recommandation du Groupe de travail visant à exhorter les banques à résoudre ce problème, il est clair que cette question ne relève pas de la politique gouvernementale. Comme en a témoigné le chef de la direction de l’une des banques à charte, les banquiers sont conscients de la gravité du problème et s’efforcent d’y trouver des solutions.

 

3. Décentralisation des pouvoirs de décision en matière de crédit dans les banques

Contexte

Le Groupe de travail a entendu plusieurs personnes et groupes se plaindre de l’effet de la centralisation des processus de décisions dans les banques. Il s’est renseigné auprès des banques et a déterminé que, dans toutes les grandes banques, les pouvoirs délégués à l’échelon régionale en matière de crédit s’élevaient à au moins 4 millions de dollars. Le Groupe de travail est conscient que, à titre de gardien responsable des dépôts qui leur sont confiés, les banques doivent contrôler comme il se doit toutes leurs décisions de crédit et autres décisions de financement. Le Groupe de travail incite toutefois les banques à poursuivre leur décentralisation lorsque la chose est possible, notamment par des délégations de pouvoir significatives aux succursales locales. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 75)

 

Recommandation du Groupe de travail

103) Le Groupe de travail incite instamment les banques à continuer de décentraliser leurs pouvoirs de décision en matière d’octroi de crédit et de recouvrement, notamment en déléguant les pouvoirs appropriés au niveau local.

 

Opinions des témoins

Les témoins n’ont exprimé aucune opinion sur cette question et cette recommandation.

 

Conclusions

Comme il est mentionné dans la partie traitant du roulement des directeurs de comptes, si le Comité reconnaît le caractère préoccupant de cette question pour les PME, celle-ci n’est pas du ressort du gouvernement.

 

4. Octroi de prêts bancaires aux emprunteurs à risque élevé

Contexte

Le Groupe de travail estime que les banques devraient pouvoir adopter une tarification en fonction du risque. Cela signifie que, lorsqu’il faut demander un taux débiteur plus élevé que celui qui est exigé présentement pour faire crédit à un emprunteur qui, à l’heure actuelle, n’obtiendrait pas de prêt, la banque devrait se sentir autorisée à tarifier le crédit au taux approprié sans risquer une réaction négative du milieu. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 75-76)

Rares sont les prêts, s’il en est, qui sont accordés actuellement par les grandes banques canadiennes à un taux dépassant de plus de trois points de pourcentage le taux de base. Aux États-Unis, par contre, où les entreprises estiment avoir facilement accès au crédit, les institutions offrent à leur clientèle un éventail beaucoup plus large de taux et d’autres conditions. Les institutions américaines semblent plus disposées à tarifier le crédit en fonction du risque. De même, la BDC accorde des prêts, au Canada, à des taux dépassant de plus de trois points le taux de base.

Le Groupe de travail estime que l’accessibilité du crédit, celui-ci étant adéquatement tarifié en fonction du risque, permettrait d’accroître le volume du financement offert aux entreprises qui en ont besoin. À l’heure actuelle, les entreprises en question se passent du crédit demandé et, on peut le supposer, font faillite, renoncent à leurs plans ou ne voient jamais le jour. Il peut aussi arriver que leurs propriétaires soient obligés de financer leurs activités commerciales avec leurs ressources personnelles, par des moyens encore plus coûteux, comme des délais de paiement prolongés sur leurs cartes de crédit personnelles. Un régime plus souple permettrait de régler ce problème.

 

Recommandation du Groupe de travail

104) Le Groupe de travail invite instamment les institutions financières canadiennes à se préparer à offrir du crédit aux emprunteurs présentant plus de risques au moyen de formules de financement innovatrices, assorties de taux appropriés.

 

Opinions des témoins

En réponse à une question portant sur les raisons pour lesquelles les banques canadiennes n’appliquent pas une tarification en fonction du risque, le président et chef de la direction de la Banque Laurentienne a déclaré :

Je ne suis pas expert en la matière, mais c’est bien connu que, lorsqu’une banque canadienne propose de rajuster les taux en fonction du risque, la plupart des hommes d’affaires vont tout de suite dire non. À mon avis, nous devrions tenir compte d’autres facteurs, comme la possibilité pour une petite entreprise d’obtenir du financement gouvernemental — au palier tant provincial que fédéral, de sorte que du côté de la demande les clients aient une porte de sortie; s’ils veulent dire non; ils pourraient toujours s’adresser à cette autre source. Par contre, il y a certains inconvénients, en ce sens que, si vous demandez le prix approprié, il n’est pas accepté. Je ne sais pas pourquoi au juste, mais c’est quelque chose que j’ai déjà observé par le passé. Pour un banquier canadien, il est beaucoup plus facile de dire à un client : «Votre projet présente trop de risques» que de lui dire : «Si je vous prête de l’argent, je vais vous demander de payer le taux préférentiel plus 6 p. 100.».

Je dirai que j’ai une institution financière et que, si je donnais cette directive à mes employés, ils me diraient que nos clients s’adresseraient automatiquement à une autre banque. Par conséquent les gens ont essayé de trouver des capitaux ailleurs pour réduire les risques. Et, à cet égard, je suis fermement convaincu que les programmes gouvernementaux sont assez efficaces. La Banque canadienne de développement est une importante concurrente sur ce marché et elle fait bien son travail. De plus, il existe de nombreuses autres subventions au niveau provincial. Pour moi, la fiscalité, les subventions et les interventions gouvernementales, ainsi que la réglementation ont certainement toutes des effets, même si je ne peux pas répondre avec précision à votre question. Je sais seulement qu’au Canada le secteur des prêts n’est pas dynamique. C’est pour que cette raison que les gens s’en plaignent tant. Ils ont l’impression de ne pas pouvoir accéder aux capitaux, mais, en même temps, ils ne veulent pas participer à un projet risqué. (Henri-Paul Rouseau, 22 octobre 1998)

Puis, quand on lui a demandé si sa banque avait déjà cherché à établir un tarif en fonction du risque, M. Rousseau a répondu :

Oui, et dans la plupart des cas j’ai perdu ce client au profit d’une banque concurrente. Il faut donc examiner la situation. Je ne connais pas la réponse, mais je suis sûr que, si nous parlons des banquiers qui sont actifs dans différentes régions — mettons le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique et l’Ouest des États-Unis, nous allons constater une différence. Un homme ou une femme d’affaires aux États-Unis acceptera beaucoup plus volontiers qu’on impose le taux préférentiel plus autre chose si c’est justifié.

Au fil des années, nous avons dit aux emprunteurs : « Nous savons que vous n’êtes pas prêts à payer le taux préférentiel plus 5, mais que diriez-vous si on vous demandait le taux préférentiel plus 2, à la condition que vous nous donniez une petite prime si votre entreprise prend de l’expansion ». Cette stratégie porte d’ores et déjà fruit. Dans certains cas, des gens d’affaires vont accepter de partager avec nous leurs bénéfices grandissants si nous acceptons de partager les risques. Mais c’est plutôt rare.

... mais il n’est pas facile de changer les attitudes ni des emprunteurs, ni des prêteurs. Les gens ont appris à faire les choses différemment. Les banques sont en général des institutions assez conservatrices, et c’est justement pour cela qu’elles ne prennent pas de risque. Mais il n’est jamais facile d’introduire des changements.

Seulement celles (les petites entreprises) qui sont actives aux États-Unis et au Canada sont prêtes à payer en fonction des risques qu’elles représentent, auquel cas il ne s’agit plus de petites entreprises. Dans la plupart des cas, elles vont voir si des subventions gouvernementales sont disponibles et essayer d’obtenir leurs prêts d’autres façons. (Henri-Paul Rousseau, 22 octobre 1998)

Le président et chef de la direction de la Banque Hongkong du Canada a également déclaré qu’il existe au Canada une approche axée sur le risque en matière de financement.

L’un des sujets abordés à maintes reprises lors des discussions portant sur le financement des petites et moyennes entreprises, un des domaines portés à notre attention par les témoins que nous avons entendus et domaine que, j’en suis sûr, vous connaissez bien, est le financement en fonction du risque. Aux États-Unis, cela existe déjà de façon presque courante, mais, au Canada, on dit que les grandes banques ne le pratiquent pas, et nous essayons de savoir pourquoi. La réponse que nous obtenons est souvent : « C’est la façon dont nous fonctionnons, les Canadiens n’aiment pas ça, nous rencontrerions beaucoup de problèmes, alors nous ne nous en occupons pas. »

Le président et chef de la direction de la Banque Toronto-Dominion a expliqué comment on envisage au Canada la tarification en fonction du risque et l’approche que sa banque a adoptée :

On pourrait dire, effectivement, que c’est la façon « canadienne » de faire les choses. Je suppose qu’on qualifierait cette pratique d’usuraire si on y recourait. Nous avons établi une coentreprise d’investissement — SCC Canada — dans le cadre de laquelle nous investissons avec une entreprise de Nashville qui s’appelle Sirrom. Nous possédons 60 p. 100 des actions et Sirrom, 40 p. 100. Nous investissons dans des sociétés canadiennes en croissance, nous achetons leur dette de second rang et nous possédons des bons de souscription d’actions. Les investissements n’ont pas tous fonctionné, mais il semble qu’on se tire plutôt bien d’affaire, et cela représente environ 60 ou 70 millions de dollars.

C’est l’un des moyens d’obtenir un rendement plus élevé, et nous nous sentons plus à l’aise et en confiance avec celui-là. Nous allons examiner la possibilité de hausser un peu les frais. À l’occasion de la dernière réunion de notre conseil d’administration, nous avons présenté un exposé sur la petite entreprise. Nous expliquions que nous avions commencé à mettre à l’essai des programmes dans le cadre desquels les taux d’intérêt seraient un peu plus élevés et on accepterait une plus grande part de risque, et que nous allions mettre sur pied de tels programmes.

Les résultats de l’enquête menée par Thompson-Lightstone montrent que nous avons approuvé 93 p. 100 des demandes de prêt qui nous ont été présentées par les petites entreprises. C’est un taux plutôt élevé. En vérité, je ne crois pas que notre taux soit si élevé. Nous améliorons constamment notre taux d’approbation mais, à 93 p. 100, on accepterait probablement des demandes qu’on ne devrait pas approuver. (Charles Baillie, 2 novembre 1998)

Le président et chef de la direction de la Société du crédit agricole a déclaré que son organisme pratiquait la tarification en fonction du risque.

Notre taux se situe aux environs du taux préférentiel plus deux et quart. Cela correspond à ce que nous nous sommes fixés comme objectif, à l’interne. Nous trouvons — et je pense que cela est ressorti dans les travaux du Groupe de travail MacKay — qu’il vous faut examiner le degré de risque que vous prenez véritablement. En tant que société, nous sommes passés à un taux d’intérêt établi un peu plus sur mesure, en fonction du risque lui-même. Je pense que nous avons toujours un peu de place pour manoeuvrer sur ce plan-là. Au fur et à mesure que nous nous occupons de plus en plus du volet agricole à valeur ajoutée, nous trouvons, par exemple, que le taux applicable devrait être différent de celui qui s’appliquerait au producteur primaire. Je fais ici une déclaration générale, et j’espère que vous la comprendrez ainsi, mais il faut examiner le risque individuel qui s’y rattache et établir le prix en conséquence. (John Ryan, 26 octobre 1998)

Le président et chef de la direction de la Banque Nationale a fait savoir que sa banque commençait, elle aussi, à pratiquer la tarification en fonction du risque.

Au Canada, les services bancaires commerciaux ont toujours été régis par l’article 432 de la Loi sur les banques, anciennement l’article 88, qui s’appliquait aux marges de crédit que nous consentions à nos clients d’affaires. Nous prenions automatiquement en garantie l’actif, les créances et les stocks, et nous tenions compte de la récupération en cas d’échec, tout simplement. Nous offrions des taux plus ou moins homogènes. Nous ne prenions pas les facteurs de risque en considération pour ce genre de prêt, parce que c’était plus ou moins automatique.

Quand nous prêtons sur l’actif aux États-Unis, nous mesurons les risques. Nous le faisons maintenant au Canada également; j’y reviendrai. Nous mesurons donc les risques et nous fixons notre prix en conséquence. Nous surveillons aussi les créances et les stocks. Nous n’attendons pas que l’entreprise soit en difficulté pour commencer à le faire. Nous envoyons des vérificateurs toutes les semaines, si les risques sont élevés, ou tous les mois autrement. Nous avons un système de boîtes postales qui obligent le trésorier ou les propriétaires de l’entreprise à obtenir l’autorisation de la banque avant de faire des chèques. Donc, si le trésorier veut, par exemple, acheter une Jaguar et que nous ne sommes pas d’accord, nous ne libérerons pas d’argent pour cet achat. Et le trésorier devra s’en tenir à notre décision. Nous surveillons la qualité de l’actif. Nous sommes ainsi en mesure d’évaluer les risques et de demander plus cher quand nous finançons des opérations plus risquées. Mais nous surveillons aussi l’actif, ce qui ne s’est jamais fait au Canada.

Nous essayons d’importer cette formule au Canada jusqu’à un certain point. Il y a déjà quelques sociétés qui l’appliquent. La Nations Bank a publié hier une annonce dans le Globe and Mail pour 5 millions de dollars. Pour la Nations Bank, ce n’est rien, 5 millions. Elle veut faire savoir aux gens qu’elle offre du financement sur l’actif. Capital GE le fait, et Congress. Nous commençons à le faire nous aussi. Newcourt également, mais il s’agit surtout de prêts commerciaux, et pas tellement de financement sur l’actif. (Léon Courville, 29 septembre 1998)

 

Conclusions

Compte tenu des témoignages qu’il a entendus au cours de ces audiences ainsi qu’au cours de nombreuses autres audiences portant sur le financement des petites entreprises, le Comité en est arrivé à la conclusion que la politique actuelle en matière d’octroi de prêts, non fonction du risque, que pratiquent la plupart des institutions financières au Canada constitue un sérieux obstacle à la disponibilité du financement destiné aux PME.

Actuellement, les taux pratiqués par les grandes banques canadiennes dépassent rarement le taux préférentiel majoré de trois points de pourcentage. En revanche, aux États-Unis, où le financement octroyé aux petites entreprises est perçu comme étant relativement accessible, les institutions financières proposent à leur clientèle une gamme beaucoup plus large de modalités et de taux d’intérêt.

Cela signifie qu’il existe des petites entreprises disposées à payer un taux supérieur au taux préférentiel majoré de trois points de pourcentage pour un emprunt, pour que la banque accepte le risque connexe, mais qui ne peuvent obtenir les fonds, pour la simple raison que les banques les leur refusent plutôt que de majorer le taux d’intérêt. Ces entreprises se passent donc de crédit, abandonnent leurs projets ou sont simplement tuées dans l’oeuf, faute de financement. Il se peut également que les propriétaires soient obligés de financer leur entreprise personnellement de façon encore plus onéreuse, en recourant à leurs cartes de crédit personnelles. Il faudrait que les institutions financières adoptent une politique de tarification plus souple de manière à résoudre ces problèmes.

Le Comité convient avec le Groupe de travail et la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante que la disponibilité du crédit, correctement tarifé en fonction du risque, permettrait d’accroître le financement aux entreprises qui en ont besoin. De plus, grâce aux mesures proposées dans le rapport et visant à accroître la concurrence sur le marché du financement des petites entreprises, les banques ne pourront utiliser la politique de tarification en fonction du risque comme prétexte pour hausser les taux dont seraient assortis leurs prêts aux PME, qu’elles accorderaient de toute façon à ces dernières, mais à meilleur marché.

 

5. Analyse, du point de vue de la politique publique, des besoins financiers des petites entreprises

Contexte

La situation des petites entreprises dépend à tout moment de l’état général des marchés du crédit. Au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans d’autres pays industrialisés, les décideurs se sont penchés sur les besoins financiers des petites entreprises par suite des compressions du crédit qui ont marqué le début des années 1990. L’urgence du financement des PME et l’attention qu’on leur accorde sont toujours à la hausse lorsque les entreprises font face à des réductions de leur financement. Mais, dans la mesure où il s’agit de problèmes structurels, le financement des PME demeure important après que l’attention est tombée. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 87-88)

On doit toujours chercher à comprendre le financement des petites entreprises selon une perspective à long terme. Une analyse plus systématique et rigoureuse s’impose du point de vue de la politique publique.

Les gouvernements du R.-U. et des É.-U. ont reconnu la nécessité d’exercer une surveillance régulière du financement des PME. À l’heure actuelle, la Banque d’Angleterre présente des rapports annuels où l’on examine les faits nouveaux à cet égard ainsi que des éléments marquants. De même, la Réserve fédérale doit maintenant soumettre au Congrès, à tous les cinq ans, un rapport sur l’accessibilité des petites entreprises au financement.

Le Canada a besoin de rapports analogues sur l’état du financement des petites entreprises.

 

Recommandations du Groupe de travail

105) Les besoins de financement des petites entreprises devraient faire l’objet d’une analyse plus systématique et rigoureuse du point de vue de la politique publique. À cette fin :

    1. il devrait être établi à Industrie Canada un groupe du financement des PME qui effectuerait en permanence des recherches sur le financement des PME et, notamment, des entreprises axées sur le savoir. Ce groupe superviserait les enquêtes menées auprès des utilisateurs, analyserait les données recueillies par Statistique Canada et présenterait chaque année au Comité de l’industrie de la Chambre des communes un rapport faisant le point sur le financement des petites entreprises;
    2. ce groupe mettrait également en oeuvre un programme de recherches spéciales sur des thèmes et questions particuliers touchant le financement des petites entreprises, par exemple la disponibilité du financement selon les régions, la discrimination selon le sexe dans l’octroi de crédit aux PME et le financement des entreprises autochtones.

 

Opinions des témoins

Les opinions divergent pour ce qui est de savoir s’il existe un problème dans le marché du financement des petites entreprises. D’après la présidente de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante :

L’accès aux prêts est un défi constant pour le petit entrepreneur. C’est un fait que nous avons pu démontrer à maintes reprises. Nous avons l’impression de nous répéter tout le temps. Si enfin des mesures concertées étaient prises dans ce domaine, nous n’aurions pas à nous répéter aussi souvent.

La dernière récession a été très révélatrice à cet égard. On a vu les activités de prêt à la petite entreprise diminuer considérablement. Nous croyons même que la récession a été aggravée par la limitation excessive des prêts aux petites entreprises.

Nous avons constaté par la suite qu’il a fallu énormément de temps pour restaurer les prêts à la petite entreprise aux niveaux où ils étaient avant la récession. Les banques avaient tendance à augmenter leurs prêts aux grandes entreprises, même pendant la récession. Nous avons étudié les données, et nous avons vu que ce n’est qu’en 1998 que les prêts à la petite entreprise sont revenus aux niveaux où ils étaient avant la récession. On ne peut justifier cette sévérité en invoquant uniquement une conjoncture économique difficile.

Il y a une chose qui nous inquiète depuis plusieurs décennies, c’est le nombre des propriétaires d’entreprise qui nous disent : « J’espère ne jamais plus avoir besoin d’une banque, ça a été une expérience tout à fait désagréable, je préfère ne pas prendre d’expansion. Je n’ai pas l’intention de faire l’investissement car ce serait dépendre encore une fois d’un prêteur, je ne veux pas me retrouver dans cette situation ». À cause de cela, il y a des gens qui renoncent à une expansion qui serait bénéfique pour l’économie parce qu’ils ne veulent pas avoir affaire à une institution financière. En même temps, ce sont des débouchés qui ne se matérialisent pas pour l’économie canadienne.

Nous serions certainement les premiers à reconnaître que la petite entreprise n’est pas un secteur auquel il est facile de prêter. C’est tout un défi. Cela exige une expertise particulière. Il a fallu aux banques pas mal de temps pour commencer à comprendre les besoins de ce marché, et aujourd’hui, avec l’avènement du secteur fondé sur le savoir et d’autres sous-segments du marché, les banques se heurtent à de nouveaux défis. (Catherine Swift, 5 novembre 1998)

Les témoins du Fraser Institute ont présenté un point de vue différent.

Nous avons fait une présentation au Comité permanent de l’industrie de la Chambre des communes au sujet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Les prêts aux petites entreprises, et les lacunes à cet égard, soulèvent beaucoup d’inquiétude. La plupart des sondages réalisés par l’ABC, notamment, semblent indiquer que le taux d’approbation des demandes de prêts dès la première fois se situait autour de 92 p. 100 en 1997. C’est très élevé. La plupart du temps, les PME réussissent à gérer leurs problèmes de liquidités en ce qui concerne les comptes clients, les comptes fournisseurs et les stocks. Pour ce qui et du financement des immobilisations de ces PME, ce que nous disons, c’est que la plupart des entreprises appartiennent à un propriétaire unique ou sont des sociétés de personnes. Les enquêtes de Statistique Canada montrent également que la plupart des petites et moyennes entreprises se financent grâce à leurs services et aux bénéfices non répartis.

Si c’est le cas, nous voulons être certains que les impôts sur le revenu des particuliers seront réduits pour que ces gens aient des économies à réinvestir dans leur entreprise. (Fazil Mihlar, 28 octobre 1998)

Je m’empresse de répéter ce qu’a dit M. Mihlar au sujet du fait qu’une enquête réalisée par Statistique Canada en 1996 a révélé que les problèmes de gestion étaient la principale cause de faillite, et en particulier les problèmes de gestion financière. Parmi ces problèmes, le rapport mentionnait plus spécifiquement la structure du capital et le fonds de roulement. Donc, si nous voulons vraiment encourager la capitalisation et le financement par actions, la façon la plus facile d’y arriver — la façon la plus nette, qui n’entraîne à peu près pas d’effets de distorsion —, c’est tout simplement de réduire les impôts des entreprises et des particuliers. Les entreprises constituées en société sont imposées aux taux des entreprises, alors que les sociétés de personnes et les entreprises appartenant à un propriétaire unique sont imposées au taux des particuliers.

De plus, en ce qui concerne les taux applicables aux gains en capital, nous constatons qu’il y a un lien très étroit entre les investissements en capital de risque et les taux d’imposition des gains en capital. Aux États-Unis, on a enregistré une hausse de 1 400 p. 100 dans le niveau des investissements en capital de risque par suite des réductions d’impôt décrétées par le président Reagan au début des années 80.

Quand on parle de l’expansion sur un nouveau marché ou du développement d’un nouveau produit, on pense en réalité à du capital de haut risque.

En faisant des recherches en vue de la présentation que M. Mihlar et moi vous avons faite, j’ai trouvé sur Internet, en 30 minutes, 60 entreprises offrant du capital de risque au Canada. J’ai aussi trouvé une autre association regroupant 108 compagnies. L’an dernier, les investissements en capital de risque ont atteint 1,8 milliard de dollars au total. Ce qu’il faut se demander, c’est ce qu’il faut faire pour faciliter ce genre investissements. Il est clair que nous devons réduire les taux d’imposition applicables aux gains en capital, de même que les taux de l’impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers.

Je répète que les prêts en cours consentis par les banques aux PME représentent des sommes importantes. (Jason Clemens, 28 octobre 1998))

 

Conclusions

L’analyse du financement des petites entreprises du point de vue de la politique publique est liée au problème de la qualité des données. Le Comité est d’avis qu’on doit disposer de meilleurs renseignements sur le financement en question ainsi que d’analyses soignées de ces données afin de tenir le débat nécessaire à la formulation d’une politique publique sur le financement des petites entreprises.

 

6. Définition des entreprises axées sur le savoir et les banques et les entreprises axées sur le savoir

Contexte

Il y a plus d’une définition des entreprises axées sur le savoir (EAS). Les EAS seraient des firmes au sein desquelles le développement et l’application des connaissances revêtent une importance critique pour la production de biens ou de services. Un tel énoncé illustre cependant la difficulté qu’il y a à donner une définition précise, car toute production exige des connaissances sous une forme ou sous une autre. Tracer la ligne de démarcation est difficile et peut s’avérer quelque peu arbitraire.

Au fur et à mesure que l’innovation se propage dans l’économie, de plus en plus d’industries que l’on ne considérait pas auparavant comme étant basées sur la connaissance adoptent des méthodes de production nouvelles et technologiquement avancées. Le savoir et ses applications joueront bientôt un rôle prépondérant dans la production de la plupart des biens et services d’une économie moderne, depuis la conception de logiciels informatiques à l’élevage de bétail laitier. De façon très concrète, toutes les entreprises modernes peuvent prétendre être axées sur le savoir. (Groupe de travail, Document d’information no 4, p. 70, 79-81)

Aux premières étapes de leur existence, les EAS ont surtout besoin de capitaux propres. Mais elles ont aussi besoin d’emprunter pour leur capital d’exploitation, et du crédit mezzanine lorsqu’elles dépassent le stade des risques élevés. Les banques participent activement au financement des EAS et, au cours des trois à quatre dernières années, elles ont modifié sensiblement leur démarche stratégique à cet égard.

Les banques ont déployé beaucoup d’activité dans le secteur du crédit aux EAS. À la fin du troisième trimestre de 1997, les sept grandes banques (y compris la Banque de Hongkong, qui est très présente dans ce marché) leur avaient consenti 7,1 milliards de dollars sous forme de prêts, dans le cadre d’autorisations de crédit en cours de 25,3 milliards de dollars. Il y avait 16 071 EAS emprunteuses, dont 15 555 avaient des prêts de moins de 5 millions de dollars. La Banque royale et la Banque de Montréal, avec la Banque de Hongkong, sont les principales institutions à fournir des prêts inférieurs à un million de dollars aux petites EAS, et elles ont été parmi les premières à ouvrir des centres bancaires spécialisés pour les EAS clientes.

Une étude que la plupart des banques conçoivent des modèles de prêt spécifiques pour les EAS, de même que des techniques d’évaluation des risques qui leur permettent d’établir la valeur de l’entreprise plutôt que des seuls actifs individuels et de reconnaître la valeur hypothécable des avoirs incorporels. De fait, ce ne sont pas toutes les banques qui exigent la pleine garantie des prêts au sens traditionnel. Mais il convient d’élaborer davantage et de diffuser la définition de ce qui peut être accepté comme un nantissement pour les EAS clientes avec des avoirs incorporels.

En 1994, dans le cadre d’un vaste examen du financement des PME, on a recommandé que les institutions de dépôts «accélèrent le processus mis en branle par certaines banques afin d’établir des unités spéciales chargées de servir les PME axées sur le savoir». Toutes les grandes banques ont maintenant établi des unités spéciales pour les EAS au sein de leurs groupes bancaires de détail. Ces unités sont dotées d’un personnel spécialisé dans le financement des EAS, et ce dans quatre à vingt centres régionaux par banque. On décrit de la façon suivante les activités et buts des groupes en question :

Ces groupes essaient de développer la part de leur banque dans ce segment du marché des petites et moyennes entreprises. ... Dans la plupart des cas, ces banques ont intégré leurs groupes EAS au sein de leurs unités bancaires commerciales (de détail). Les banques ont l’intention d’élargir leurs unités EAS au fur et à mesure du développement du marché, en particulier grâce à la formation d’équipes EAS dans leurs centres bancaires régionaux, qui feront appel à du personnel spécialisé pour explorer de nouvelles possibilités.

Outre les prêts directs, les banques ont également participé activement à des accords de partenariat avec des organismes fédéraux de développement économique et avec la Banque de développement du Canada (BDC). En association avec le Programme de diversification de l'économie de l'Ouest, le Bureau fédéral de développement régional (Québec) et l’Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario, les banques ont consenti des prêts aux conditions du marché pour des activités de R-D ainsi que pour le développement de produits et de marchés, l’organisme intéressé établissant des provisions pour pertes sur prêts jusqu’à concurrence de 12,5 p. 100. Les banques ont également conclu avec le CAE des accords en vertu desquels ce dernier offre des prêts sous forme de quasi-participations aux EAS clientes de la banque en question. Cela permet au CAE d’étendre son réseau de clients, et aux banques d’élargir leur gamme de produits.

En 1992, on a modifié la législation fédérale afin d’autoriser les banques et autres institutions financières réglementées au niveau fédéral à créer des « sociétés de financement spécial » qui pourraient être utilisées pour participer au capital des PME et des EAS. Les institutions financières peuvent engager jusqu’à 5 p. 100 de leur capital réglementaire dans les sociétés en question. D’autre part, les sociétés peuvent acquérir des participations dans d’autres entreprises pour une période d’au plus 10 ans et jusqu’à concurrence de 90 millions de dollars dans chaque cas.

De plus en plus, les banques utilisent ces sociétés de financement spécial pour fournir des capitaux propres et du capital d’emprunt. Toutes les grandes banques ont maintenant des fonds de capital-risque, qu’elles administrent directement ou (ce qui est plus fréquent) en association avec d’autres entités ayant une plus grande expérience du capital-risque.

Par ailleurs, plusieurs autres fonds sont affectés à des secteurs particuliers, dont celui des capitaux de démarrage. Par exemple, la Banque de Montréal participe avec des partenaires au Western Seed Investment Tech Fund (25 millions de dollars); la Banque royale et des partenaires ont mis sur pied la Canada Growth Company (30 millions de dollars), qui se spécialise dans les sciences de la vie, la technologie de l’information et les nouveaux matériaux; et la Banque royale, avec d’autres partenaires, a lancé le NeuroScience Partners Fund (52,5 à 100 millions de dollars). La société de financement de la Banque de Montréal a engagé 200 millions de dollars dans plusieurs programmes de technologie, et la Banque royale a une société de financement dotée de 350 millions de dollars pour des prises de participation dans les EAS.

La firme Macdonald & Associates rapporte qu’au total, entre 1994 et la fin de 1997, les banques ont engagé 740 millions de dollars additionnels dans leurs fonds de capital-risque, et 150 millions de dollars additionnels dans des fonds de risque privés. En 1997, les fonds de capital-risque des banques ont investi 129 millions de dollars, principalement dans le cadre de premiers financements.

Certains ont fait savoir au Groupe de travail qu’ils s’inquiétaient de ce bon nombre de ces sociétés de financement spécial n’avaient pas encore fait d’investissements importants. Le Groupe de travail reconnaît que la question du capital de risque, qui s’accompagne bien entendu d’un profil de risque inhérent, exige qu’on examine un grand nombre de propositions pour trouver des projets qui représentent un potentiel d’investissement suffisant. Le Groupe de travail ne souhaite pas encourager les banques à rechercher de façon dynamique les nouvelles possibilités qui s’offrent à elles pour investir dans les entreprises canadiennes axées sur le savoir. Leur succès est une priorité nationale.

 

Recommandations du Groupe de travail

106) Afin de mieux comprendre les besoins de financement des entreprises axées sur le savoir, le groupe du financement des PME devrait accorder la priorité à l’adoption d’une définition commune des « entreprises et secteurs axés sur le savoir », à des fins de recueil de données et d’analyse du secteur.

107) Le Groupe de travail invite instamment les institutions financières à poursuivre les initiatives qu’elles ont prises récemment en faveur des entreprises axées sur le savoir, en mettant l’accent sur le capital de constitution et le capital de risque, et à investir avec dynamisme dans les entreprises axées sur le savoir innovatrices, dans les limites dictées par la diligence appropriée et les règles prudentielles.

108) Le Comité de l’industrie de la Chambre des communes devrait tenir des audiences annuelles sur l’état du financement des entreprises axées sur le savoir, auxquelles le chef de la direction de chaque grande banque serait invité à comparaître afin de mettre le Comité au courant des progrès réalisés par l’institution dans les programmes d’appui aux entreprises de la «nouvelle économie».

 

Opinions des témoins

Le Comité a entendu très peu de témoignages sur les entreprises axées sur le savoir. Le président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a fait ressortir les problèmes auxquels doivent faire face bon nombre de petites entreprises.

Nous (...) serions les premiers à reconnaître qu’il n’est pas facile de prêter à une petite entreprise. C’est tout un défi. Cela exige une expertise spéciale. Les grandes banques ont mis pas mal de temps à comprendre les besoins du marché. Elles éprouvent encore des problèmes en ce qui concerne le secteur des entreprises axées sur le savoir et certains autres sous-segments du marché. (Catherine Swift, 5 novembre 1998)

 

Conclusions

Dans les audiences passées qu’il a tenues sur le financement des petites entreprises, le Comité a entendu beaucoup de témoignages sur le manque de compréhension général à l’égard des besoins de financement des entreprises axées sur le savoir.

 

7. Prestation de crédit par les institutions financières à des particuliers et des institutions autochtones

Contexte

L’un des domaines du financement des PME où il existe des problèmes précis est celui des entreprises autochtones. Les Autochtones du Canada sont de plus en plus actifs dans le secteur des affaires. Les structures gouvernementales et les activités économiques des Premières nations évoluent rapidement vers l’autosuffisance et l’autodépendance. Ces dernières années, des pas importants ont été franchis en vue du financement des entreprises autochtones. (Groupe de travail, Document de Base no 4, p. 77-79)

Plusieurs institutions financières s’occupent précisément des besoins de financement des collectivités autochtones. De plus, il existe un certain nombre de coopératives de crédit chez les Premières nations. La Peace Hills Trust Company est une société de fiducie autochtone qui a des succursales dans trois provinces. La Banque des Premières nations du Canada, pour sa part. a été constituée en société en 1997 en tant que coentreprise de la Saskatchewan Indian Equity Foundation et de la Banque Toronto-Dominion, avec l’intention qu’elle finisse par appartenir à part entière aux peuples des Premières nations.

Beaucoup d’autres banques canadiennes ont pris des mesures pour financer les bandes, les entreprises et les particuliers autochtones. Par exemple, elles ont mis sur pied des entités ou des programmes spéciaux de prêts pour répondre aux besoins émergents de ces collectivités.

Des bandes et des particuliers autochtones ont mis sur pied des entreprises, grandes et petites, dans des secteurs importants de l’économie. Au fur et à mesure que ce processus se poursuivra, ils feront de plus en plus affaires avec les institutions financières et, comme les autres Canadiens, dépendront d’elles pour obtenir du financement.

Le Groupe de travail a rencontré des représentants de certaines des institutions financières autochtones et discuté du financement des entreprises autochtones avec des représentants des banques. Il a aussi examiné le rapport du Groupe de travail national sur le financement des Autochtones (GTNFA), qui a été déposé en 1997. Ce rapport contenait un certain nombre de recommandations à l’intention des dirigeants des collectivités autochtones, des gouvernements et des institutions financières du secteur privé, lesquelles visaient toutes à faciliter aux Autochtones l’accès au capital. En voici quelques-unes :

Le GTNFA déclare dans son rapport que l’article 89 de la Loi sur les Indiens constitue un obstacle de taille pour les petites entreprises autochtones lorsqu’il s’agit d’avoir accès à du capital. L’article interdit en effet la saisie de biens meubles et immeubles situés dans une réserve, ce qui empêche de les utiliser comme garantie. Même si le rapport du GTNFA fait ressortir des différences d’opinion d’un peuple autochtone à l’autre sur la question de l’utilisation des terres comme garantie, il propose que les dirigeants des collectivités réclament des modifications à la Loi sur les Indiens, à la Loi sur les prêts aux petites entreprises (LPPE) et à la Loi sur le crédit agricole, de façon à permettre que des biens meubles puissent être affectés en garantie.

Le rapport du GTNFA encourage les institutions financières à participer au financement des sociétés de financement autochtones en leur consentant des prêts et en achetant de leurs actions privilégiées. À leur tour, les sociétés de financement des Autochtones fourniraient du capital aux entreprises autochtones.

Enfin, le rapport du GTNFA fait remarquer qu’il y a insuffisance de données sur la quantité de capital que les institutions financières mettent actuellement à la disposition des Autochtones. Il recommande donc que, dans le cadre de son programme de collecte de données sur les PME, l’Association des banquiers canadiens recueille des données sur le financement des entreprises et des administrations autochtones par les banques.

Par ailleurs, le Groupe de travail s’est également penché sur les problèmes que posent aux institutions financières les contraintes législatives à l’égard de l’affectation en garantie de l’argent issus de traités et d’autres fonds que le gouvernement fédéral verse aux bandes indiennes.

Il est important que les particuliers et les collectivités autochtones aient les outils nécessaires, notamment accès à du capital, pour participer pleinement à l’économie canadienne. Dans certaines régions du pays où des populations autochtones nombreuses possèdent une quantité considérable de terres et une énorme base économique, les Premières nations sont et continueront d’être d’importants facteurs dans la croissance économique et l’emploi.

 

Recommandations du Groupe de travail

109) Le Groupe de travail souscrit à la recommandation du Groupe de travail national sur le financement des Autochtones selon laquelle, à condition que cette recommandation recueille un consensus raisonnable dans la collectivité autochtone, des changements devraient être apportés à la législation fédérale pour que les biens meubles situés dans les réserves puissent être mis en garantie, ce qui faciliterait l’octroi de crédit par les institutions financières aux Autochtones ainsi qu’à leurs entreprises et institutions.

110) Le Groupe de travail invite instamment les institutions financières à poursuivre les initiatives appuyant les programmes de développement économique des Autochtones et, à cette fin, à établir et à maintenir des programmes de financement innovateurs adaptés à leurs besoins particuliers.

111) Les programmes de recueil de données dont seraient chargés Statistique Canada et Industrie Canada devraient permettre la collecte de renseignements détaillés sur les questions touchant le financement des Autochtones afin de remédier à l’absence de données dont a fait état le Groupe de travail national sur le financement des Autochtones.

 

Opinions des témoins

Le Comité a entendu les témoignages des présidents et chefs de la direction de deux institutions autochtones, qui ont expliqué pourquoi ces dernières ont été créées. Celui de la direction de la Banque des Premières nations a expliqué comment fonctionne la banque.

Au Canada, les Premières nations en sont arrivées au point où nous sentons la nécessité de nous doter d’un établissement financier qui va croître, fusionner et se développer en même temps que nos économies naissantes. En substance, ces économies ne sont pas très différentes de celles du Canada en 1867. Nous partons de la base et nous commençons à croître, à nous développer et à nous diversifier. Cet établissement doit être pour nous un pas important sur la voie de l’autonomie économique des Autochtones et nous considérons l’autonomie économique comme un grand pas vers l’autodétermination politique. Voilà la philosophie qui sous-tend notre banque. C’est pourquoi nos fondateurs ont voulu que nous établissions une banque à charte nationale servant les intérêts des Autochtones.

L’histoire de la création de la banque est elle aussi intéressante. En 1982, la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan a créé la Saskatchewan Indian Equity Foundation, la première société financière autochtone au Canada. Cette création répondait à la nécessité de pallier le manque de capitaux visant à assurer le développement et l’expansion des entreprises des Premières nations. Les gens des Premières nations n’avaient pas de cote de crédit, très peu de capitaux propres, aucune expérience des entreprises et très peu d’expérience des établissements financiers. À l’époque cependant, nous commencions à prendre le contrôle de notre propre économie, de nos finances au niveau des Premières nations, et nous n’avions pas vraiment les moyens de développer les entreprises dont avaient besoin nos collectivités. Les magasins, au sein de nos collectivités, étaient exploités par des gens venus de l’extérieur. Les autobus étaient achetés par le ministère des Affaires indiennes, et exploités par ce ministère. Il y avait très peu de membres de nos Premières nations qui possédaient une entreprise, quelle qu’elle soit.

Lorsqu’il s’agit de prêter aux Premières nations, bien des banques disent : « On ne peut pas obtenir une garantie sur une maison du nord de la Saskatchewan et nous ne pouvons pas mettre une hypothèque sur toute une collectivité. » Nous ne considérons pas que nous faisons de l’immobilier. Nous considérons que notre travail, c’est de prêter de l’argent et de recouvrer les prêts, de payer nos actionnaires et d’exploiter un réseau de services financiers au sein de la collectivité. Nous nous servons pour cela de nombreuses structures communautaires existantes. Ainsi, nous avons des conseils de bande qui cautionnent des particuliers. Nous avons aussi établi des régies du logement au sein des collectivités, dont les particuliers peuvent faire partie et qui disposent d’un certain montant de capitaux pour garantir les hypothèques. Nous pilotons un tel projet en ce moment même dans le Nord du Québec. Nous tirons largement partie du besoin qu’a la collectivité de s’intégrer à l’économie. Celui qui veut protéger ses biens et obtenir des garanties doit accepter que l’on impose des conditions à l’accès aux capitaux. La Saskatchewan Indian Equity Foundation a établi ce droit dès le départ. Nous avons fait savoir à nos interlocuteurs et aux gens à qui nous prêtions de l’argent qu’ils n’étaient pas seulement des emprunteurs, qu’ils étaient aussi propriétaires de l’établissement. Nous avons établi ces mêmes relations en tant que banque des Premières nations. Nous nous attendons à ce que nombre des principales collectivités avec lesquelles nous faisons affaire soient par ailleurs des investisseurs au sein de la banque et il n’est pas dans leur intérêt de renoncer à rembourser leurs prêts. Nous recourons par conséquent à nombre de ces mécanismes pour gérer le risque.

La Banque de développement du Canada s’est efforcée d’accroître ses activités sur le marché des Premières nations. Elle a quelques capitaux, elle prête de l’argent et elle dispense certains services aux entreprises. Nous avons avec elle le même problème qu’avec bien des banques qui pénètrent sur notre marché. Elles n’ont aucune expérience des peuples autochtones. Elles ne connaissent pas la culture, les communautés, les risques et les possibilités propres à ce secteur. Il y a parfois des succès limités, mais nous n’y voyons pas la meilleure façon d’aider nos collectivités. Pour ce qui est des caisses de développement, nous avons la structure des sociétés d’investissement autochtones qui sont administrées par les collectivités et qui, pour la plupart, ont eu du succès. Lorsque nous avons repris au gouvernement les activités de prêts, lorsque nous avons créé la Saskatchewan Indian Equity Foundation, le taux de perte sur prêts du gouvernement se situait aux environs de 80 p. 100. Les gens ne voyaient tout simplement pas là un outil au service de la collectivité. Ils considéraient ça comme des subventions et non pas comme des prêts et pour nous ce genre d’institutions ne sert pas nos collectivités. Il faut rendre les gens responsables de leurs propres décisions. C’est ce que font nos établissements. (Keith Martell, 27 octobre 1998)

Le président et chef de la direction de la Peace Hills Trust Company a décrit son établissement au Comité.

La Peace Hill Trust Company est une société de fiducie universelle à charte fédérale, qui a été fondée en 1980. Son siège social se trouve à Hobbema, en Alberta, dans la réserve crie de Samson. Elle a été créée pour faire face aux difficultés d’accès au capital des collectivités des Premières nations. Ces difficultés étaient principalement dues à certaines interprétations de la Loi sur les Indiens et au manque de compréhension dont faisaient preuve certaines des grandes institutions financières du pays quand il s’agissait du développement des collectivités autochtones.

Son capital initial de 7 millions de dollars avait été prélevé sur les recettes pétrolières des nations cries de Samson. Ce capital dépasse aujourd’hui 40 millions de dollars, tandis que l’actif de la société s’élève à plus de 400 millions de dollars. (Warren Hannay, 3 novembre 1998)

 

Conclusions

La Banque des Premières nations et la Peace Hills Trust Company sont des exemples du type d’entrepreneuriat que le Comité veut encourager dans le secteur des services financiers. Ces deux établissements ont été mis sur pied pour servir un segment bien défini du marché. Il faudrait suivre leurs progrès et en tirer des leçons pour la politique gouvernementale en ce qui concerne 1) le financement des collectivités autochtones et 2) le genre d’encouragement à donner à ces dernières pour qu’elles pénètrent le secteur des services financiers.


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