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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

SOUPLESSE ORGANISATIONNELLE
1. Règles de propriété
2. Règles de large répartition du capital auxquelles répondent les entreprises à forme coopérative ou mutuelle
3. Régime de propriété et règles en matière de prise de contrôle concernant les sociétés d’assurance-vie démutualisées pendant la période de transition
4. Approbation de l’acquisition d’institutions à capital largement réparti par un acheteur étranger
5. Reclassement des banques de l’annexe
6. Protection des droits acquis des institutions ne se conformant pas au nouveau régime de propriété


PARTIE B

SOUPLESSE ORGANISATIONNELLE

1. Règles de propriété

Contexte

Le régime applicable en matière de propriété diffère à l’heure actuelle pour les banques et pour les autres institutions financières de régime fédéral. Il faut en règle générale que les banques canadiennes aient un capital réparti entre un grand nombre d’actionnaires; cela signifie en pratique qu’aucun actionnaire ne peut être propriétaire de plus de 10 p 100 d’une catégorie d’actions d’une banque. Les banques de l’annexe II font exception à cette règle, et trois autres dérogations sont prévues. La première concerne les banques étrangères dont le capital est largement réparti; elles sont autorisées à détenir 100 p. 100 des actions d’une filiale bancaire canadienne. Deuxième dérogation, une banque peut avoir un actionnaire majoritaire pendant les dix années suivant sa constitution, cette mesure transitoire visant à faciliter la transformation en banque de l’annexe I. La troisième dérogation, instituée en 1992, permet à toute institution financière canadienne réglementée et ayant un grand nombre d’actionnaires d’être propriétaire de 100 p. 100 des actions d’une banque. Les banques de l’annexe I et celles de l’annexe II ont des pouvoirs à peu près identiques, la seule différence tenant à la structure de propriété permise. (Rapport du Groupe de travail, p. 86 à 90)

Aucune règle du même genre ne s’applique aux sociétés de fiducie ou aux sociétés d’assurances réglementées au niveau fédéral qui ont un capital-actions. Dans leur cas comme pour les banques de l’annexe II, toute participation supérieure à 10 p. 100 doit être approuvée par le ministre des Finances, mais l’exercice de ce pouvoir ne fait l’objet d’aucune restriction ni indication dans la loi. Depuis 1992, la loi prévoit que, lorsqu’une société de fiducie, une société d’assurances ou une banque de l’annexe II parvient au point où l’avoir de ces actionnaires dépasse 750 millions de dollars, au moins 35 p. 100 de ses actions avec droit de vote doivent être en circulation dans le public. Les sociétés d’assurances peuvent également être des mutuelles appartenant aux souscripteurs plutôt qu’à des actionnaires. Les sociétés mutuelles ont, par définition, un capital largement réparti. Quatre des cinq plus grandes sociétés d’assurance-vie au Canada sont des mutuelles, mais toutes ont fait connaître leur intention de se transformer en sociétés par actions.

La politique publique oblige les banques à avoir un capital largement réparti pour deux raisons principales :

La première est que l’absence d’actionnaire majoritaire facilite le maintien du contrôle canadien sur les banques, peu importe la nationalité de leur propriétaire. Il était un temps où les étrangers ne pouvaient détenir plus de 25 p. 100 des actions d’une institution financière réglementée au niveau fédéral, mais les accords commerciaux internationaux qui ont été conclus au fil des années ont entraîné l’élimination de cette restriction. Parallèlement à la mondialisation des marchés de capitaux et à l’intégration croissante des économies nationales, toutes les grandes banques canadiennes ont cherché à se financer sur les marchés de capitaux étrangers et la plupart sont cotées en bourse aux États-Unis. La propriété étrangère des banques de l’annexe I a augmenté au cours des dernières années . Cependant, la règle des 10 p. 100, combinée à certaines autres dispositions de la Loi sur les banques, permet de garder au Canada la détermination de la politique générale, la direction et le principal lieu d’activité économique des banques à charte canadiennes.

Dans le cas des sociétés d’assurances, la forme mutuelle permet de garder sous contrôle canadien des sociétés qui représentent la majeure partie de l’activité du secteur.

Le contrôle canadien des grandes institutions financières est important pour plusieurs raisons. Des institutions financières canadiennes solides apportent des avantages à la collectivité sous forme de dons de bienfaisance et de leadership dans le milieu. Elles permettent aussi de maintenir au Canada un centre financier offrant aux Canadiens des emplois qualifiés de qualité supérieure et leurs impôts viennent grossir les recettes fiscales des administrations publiques au Canada. Les institutions canadiennes sont également considérées comme sensibles à la situation du marché intérieur — particulièrement en cas de ralentissement économique — que ne pourraient l’être des institutions contrôlées par l’étranger

La seconde raison qui motive l’obligation pour les banques d’avoir un capital largement réparti est que l’absence d’actionnaire majoritaire facilite la séparation des activités financières et commerciales. Les responsables de la solidité et de la fiabilité du système bancaire craignent depuis longtemps qu’un actionnaire majoritaire ayant des intérêts commerciaux ne puisse, en usant de son influence, amener une banque à accorder des prêts qui ne soient pas conformes à l’intérêt des déposants ou des autres actionnaires. La faillite de nombreuses sociétés de fiducie appartenant à des actionnaires importants, pendant les années 1980 et au début des années 1990, apporte un fondement à cette crainte. Celle-ci a entraîné l’instauration de règles beaucoup plus restrictives à l’égard des opérations avec apparentés dans les lois de 1992; elle explique aussi en partie l’obligation, pour les sociétés de fiducie et les sociétés d’assurances à capital-actions d’une certaine importance, d’avoir 35 p. 100 d’actions en circulation, cette règle ayant également été instaurée en 1992.

Le document de discussion de juin 1997 stipulait que " la propriété d’une institution financière réglementée est un privilège, et non un droit ". Ce point de vue reste pertinent pour l’examen des règles applicables en matière de propriété.

De plus, le Groupe de travail soutient qu’« à mesure que les fonctions des institutions continuent de converger, les régimes distincts qui s’appliquent en matière de propriété aux banques, aux sociétés de fiducie et aux sociétés d’assurance deviendront (...) de plus en plus anachroniques ».

En second lieu, il estime que les restrictions actuelles en matière de propriété sont trop rigides, notamment en ce qui concerne les banques. La règle actuelle des 10 p. 100 peut empêcher d’utiliser les actions comme « monnaie d’échange » dans des opérations d’acquisition qui pourraient nécessiter l’octroi d’une participation supérieure à 10 p. 100 à un actionnaire important de la société cible. Dans un monde où les regroupements sont de plus en plus courants et où beaucoup de transactions prennent la forme d’échanges d’actions, cette rigidité risque de limiter considérablement l’éventail des stratégies que pourraient envisager les banques canadiennes. C’est en fait l’un des facteurs qui pourrait les obliger à se tourner vers des regroupements sur le marché intérieur plutôt que vers des acquisitions internationales.

La règle exigeant une large répartition du capital a pour autre conséquence de limiter considérablement l’accès au secteur bancaire pour de nouveaux participants. En théorie, n’importe qui peut lancer une banque au Canada mais, après 10 ans, peu importe les résultats obtenus par la banque, son propriétaire est tenu de vendre suffisamment d’actions pour se conformer à la règle des 10 p. 100. De nombreux obstacles réglementaires se dressent sur la voie des nouveaux participants, notamment les impôts fédéraux et provinciaux sur le capital et l’obligation d’avoir des fonds propres d’au minimum 10 millions de dollars — deux exigences que le Groupe de travail recommande d’assouplir. Cependant, le Groupe de travail est d’avis que l’obstacle réglementaire le plus important à l’accès de nouveaux participants est l’impossibilité pour les entrepreneurs de récolter les fruits de leur investissement. Il estime que, si l’on veut favoriser la concurrence, il faut permettre à ceux qui sont prêts à prendre des risques d’en être récompensés si leur entreprise réussit.

Le Groupe de travail est conscient que la possibilité pour des intérêts commerciaux d’être propriétaire d’une banque représente un écart de taille par rapport à la politique actuellement en vigueur. Il estime que la séparation des intérêts financiers et commerciaux fournit une assurance supplémentaire que les institutions seront gérées et régies dans l’intérêt des déposants et des souscripteurs; dans ses recommandations, il préconise cette séparation pour les plus grandes institutions financières. Cependant, si nous voulons bénéficier d’une concurrence accrue sur le marché intérieur, nous devons faciliter l’accès de nouveaux participants, et la manière la plus efficace d’y parvenir consiste à assouplir les restrictions actuelles concernant la séparation des intérêts commerciaux et financiers pour les banques de petite taille.

Il se pourrait fort bien que, à mesure que de nouveaux participants apparaissent sur le marché et que la concurrence s’intensifie, quelques-unes des plus petites institutions fassent faillite, malgré tous les efforts du BSIF. Cela devrait être considéré comme une conséquence normale du fonctionnement d’un marché dynamique et concurrentiel.

Le principe de départ, pour concevoir un nouveau régime en matière de propriété, est que toutes les institutions financières réglementées au niveau fédéral devraient être assujetties à un régime commun. Celui-ci devrait réaliser un équilibre entre les préoccupations prudentielles et la promotion de la concurrence en facilitant les alliances et l’accès de nouveaux participants au secteur financier. Cela signifie sur le plan pratique que le régime applicable en matière de propriété doit être fonction de la taille des institutions plutôt que de leur nature, et que les considérations d’ordre prudentiel doivent prendre davantage d’importance pour les institutions de plus grande taille.

 

Recommandations du Groupe de travail

3) La politique publique canadienne devrait continuer de favoriser le contrôle canadien des grandes institutions financières réglementées qui font affaire au Canada. Plus précisément :

a) toutes les grandes institutions financières réglementées au niveau fédéral devraient être assujetties à une règle révisée de large répartition du capital visant à promouvoir le maintien du contrôle canadien dans une grande partie du secteur des services financiers;

b) les autres exigences figurant dans la législation afin d’assurer le contrôle canadien devraient être maintenues;

    c) il faudrait renforcer la législation en précisant que les principales fonctions de direction des institutions financières réglementées au niveau fédéral qui ont un capital largement réparti doivent être exercées au Canada.

6) Les règles applicables en matière de propriété devraient être modifiées de la manière décrite à la rubrique " Renforcement de la concurrence et de la compétitivité : règles de propriété " afin de permettre l’établissement de nouvelles banques à capital fermé et de banques coopératives.

29) Les règles applicables en matière de propriété devraient favoriser :

a) l’esprit d’entreprise et la concurrence;

b) la solidité et la stabilité du système financier;

c) le maintien du contrôle canadien sur une bonne partie du secteur des services financiers.

30) En ce qui concerne les grandes institutions financières, le maintien du contrôle canadien et une meilleure garantie de solidité et de stabilité grâce à la séparation des intérêts commerciaux et financiers sont les principes fondamentaux à la base des règles applicables en matière de propriété. Par conséquent, les grandes institutions financières devraient avoir un capital largement réparti, au sens de la recommandation 33. Étant donné qu’il convient de favoriser l’esprit d’entreprise et la concurrence aux étapes du lancement et de la croissance des nouvelles institutions financières, les institutions financières de petite taille ne devraient pas être tenues d’avoir un capital largement réparti.

31) Toute participation de plus de 10 p. 100 d’une personne ou d’un groupe de personnes agissant conjointement ou de concert dans une catégorie d’actions d’une institution financière réglementée au niveau fédéral exigerait encore l’autorisation préalable du ministre des Finances, qui tiendrait compte de l’aptitude de l’actionnaire ou du groupe d’actionnaires.

32) Un même régime devrait s’appliquer en matière de propriété à toutes les institutions financières en fonction de leur taille, mesurée par l’avoir des actionnaires. Les principales caractéristiques du régime de propriété seraient les suivantes :

a) Afin de faciliter le lancement de nouvelles institutions et de favoriser la concurrence, les institutions dont l’avoir des actionnaires est inférieur à 1 milliard de dollars pourraient avoir un capital fermé et, à la limite, appartenir à 100 p. 100 à une personne ou une société.

b) Afin de renforcer la régie des institutions en croissance dans un souci de solidité et de stabilité financières, les institutions dont l’avoir des actionnaires est supérieur à 1 milliard de dollars mais inférieur à 5 milliards devraient avoir au moins 35 p. 100 de leurs actions participantes avec droit de vote réparties dans le public et cotées en bourse.

c) Le ministre des Finances serait autorisé à dispenser une filiale d’une institution financière étrangère de l’exigence des 35 p. 100 énoncée au point précédent.

d) Les plus grandes institutions financières, celles dont l’avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars, devraient avoir un capital " largement réparti " au sens de la recommandation 33.

e) Une institution financière réglementée dont le capital est largement réparti et qui est constituée au Canada devrait pouvoir posséder jusqu’à 100 p. 100 d’une autre institution financière réglementée, peu importe sa taille.

f) Si un propriétaire unique ou un groupe de propriétaires liés contrôlait dans les faits plus d’une institution financière réglementée, les règles applicables en matière de propriété seraient déterminées en fonction de l’avoir des actionnaires combiné des institutions financières contrôlées.

33) Les grandes institutions financières, c’est-à-dire celles dont l’avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars, seraient assujetties aux exigences suivantes en matière de large répartition du capital :

a) Ainsi que l’indique la recommandation 31, aucun actionnaire, seul ou agissant conjointement ou de concert avec d’autres, ne pourrait détenir ou contrôler plus de 10 p. 100 d’une catégorie d’actions sans l’autorisation du ministre des Finances.

b) Le ministre des Finances pourrait, à sa discrétion, autoriser des participations de plus de 10 p. 100, mais ne dépassant pas 20 p. 100, dans une catégorie d’actions. Les actionnaires qui seraient autorisés par le ministre à détenir plus de 10 p. 100 d’une catégorie d’actions ne pourraient détenir ni contrôler collectivement plus de 45 p. 100 d’une catégorie d’actions.

c) Le ministre des Finances devrait aussi pouvoir, à sa discrétion, autoriser temporairement une participation supérieure au plafond de 20 p. 100, à condition que l’actionnaire lui présente un plan acceptable pour se départir dans un délai déterminé de l’excédent des actions sur un pourcentage convenu (ne dépassant pas 20 p. 100). Le ministre serait habilité à exiger des engagements de toute personne détenant une participation excédentaire et à faire exécuter ces engagements, à la fois pour confirmer le plan de cession des actions excédentaires et pour veiller à ce que l’actionnaire n’exerce pas son droit de vote sur les actions en sus du plafond de 20 p. 100 avant de s’en départir.

34) Même si le pouvoir discrétionnaire du ministre des Finances d’autoriser une participation supérieure à 10 p. 100 dans les institutions dont le capital devrait être largement réparti ne devrait pas être limité par la loi :

a) ce pouvoir ne devrait être exercé par le ministre que s’il est convaincu qu’une participation excédentaire est de nature :

i) à renforcer la concurrence dans le secteur des services financiers ou améliorer la compétitivité du secteur;

ii) à renforcer la fiabilité et la stabilité du système canadien des services financiers;

iii) à favoriser la croissance du secteur canadien des services financiers, par exemple en facilitant une alliance entre entreprises ou une acquisition par une institution financière canadienne;

b) le dépassement du plafond ne devrait généralement pas être autorisé pour les placements passifs, lorsque ces derniers n’ajoutent aucune valeur à l’entreprise au-delà de l’apport de fonds de l’actionnaire;

c) le ministre devrait publier des lignes directrices indiquant les circonstances dans lesquelles il serait disposé à envisager d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

35) L’institution qui atteindrait l’un des deux seuils prévus, soit 1 milliard ou 5 milliards de dollars, et qui serait ainsi assujettie à de nouveaux critères en matière de propriété, devrait se voir accorder un délai raisonnable, à déterminer avec l’assentiment du ministre, pour se conformer aux exigences du régime applicable en matière de propriété.

37) En ce qui concerne les sociétés de portefeuille financières, les règles de propriété devraient s’appliquer à la société de portefeuille en fonction de l’avoir des actionnaires combiné des institutions financières réglementées contrôlées par la société de portefeuille.

 

Opinions des témoins

Les témoins qui ont abordé cette question sont généralement favorables aux recommandations du Groupe de travail. Voici ce qu’en dit le président du conseil et chef de la direction de la Banque Royale du Canada :

Les propositions du rapport (au) sujet (des règles de propriété) marquent une orientation pragmatique et sensée. La règle exigeant une large répartition du capital applicable aux banques canadiennes de l'annexe I avait le double objectif d'assurer la séparation des intérêts financiers et commerciaux et le maintien d’un contrôle canadien sur les institutions. Il s'agit certes d'objectifs gouvernementaux justifiés, mais ces règles ont eu quatre conséquences indésirables que le rapport essaie de corriger.

Premièrement, parce qu’elle ne s'applique qu'aux banques, la politique peut être minée par le secteur non bancaire. Pour remédier à ce problème, le rapport propose d'étendre les règles de large répartition du capital à toutes les institutions financières, pas seulement aux banques.

Deuxièmement, comme les règles en matière de propriété peuvent être des entraves à la création de nouvelles banques, puisqu'il est difficile dans la pratique d'avoir une large répartition du capital dans de petites institutions, le rapport prévoit des exceptions à la règle pour les petites institutions.

Troisièmement, comme la règle stricte des 10 p. 100 pourrait limiter l'utilisation des actions bancaires dans une stratégie de fusion et d'acquisition, lorsque le partenaire n'a pas un capital aussi largement réparti qu'une banque canadienne, le rapport propose que la limite de 10 p. 100 puisse être relevée à 20 p. 100 par le ministre.

Enfin, comme le régime de propriété empêche les offres publiques d'achat franches, il peut être une entrave à une concurrence étrangère efficace. Pour remédier à cela, le rapport recommande d'autoriser les offres publiques d'achat directes d'institutions à large répartition du capital par des institutions étrangères à large répartition du capital dans des circonstances exceptionnelles, lorsque cela est nettement dans l'intérêt des Canadiens. (John Cleghorn, 29 septembre 1998)

Le président-directeur général de la Banque de Montréal a formulé des observations sur les recommandations du Groupe de travail sous deux angles différents, celui d’un entrepreneur et celui d’un décideur.

Je pense que M. MacKay a contourné avec habileté une question assez délicate. Si vous lisez notre mémoire au Groupe de travail MacKay, vous constaterez que j'ai dit quelque chose de très discutable. J'ai demandé qu'on supprime la règle des 10 p. 100. Lors d'une séance d'un comité -- et je ne me souviens plus de quel comité il s'agissait parce que j'ai comparu devant un grand nombre d'entre eux -- on m'a demandé si j'étais favorable à l'élimination de la règle des 10 p. 100. J'ai répondu à la question et cela a donné lieu à toutes sortes de malentendus dans les médias.

J'ai répondu à la question en tant qu'entrepreneur, en tant que PDG qui se doit de défendre les intérêts de ses actionnaires. Tout ce qui limite la vente ou la valeur de mon capital-actions est mauvais. En tant qu'entrepreneur, je déciderais donc de supprimer la règle des 10 p. 100.

J'avais une deuxième raison pour souhaiter sa disparition. J'en ai assez d'entendre les critiques dire qu'elle nous a fourni une sorte de protection extraordinaire dont personne ne veut parmi nous. Si certains pensent que la règle de 10 p. 100 constitue une protection, supprimez-la. C'est l'entrepreneur qui parle ici.

Si j'étais ministre des Finances et qu'on me demande si j'allais supprimer la règle des 10 p. 100, voici la question que je devrais me poser: Est-ce que je souhaite perdre mon autorité suprême sur mes banques? Les banques sont les moteurs de l'économie.

J'ai été sollicité à trois reprises par des banques américaines pour une prise de contrôle. Ils n'ont aucune idée de la règle des 10 p. 100. Nous passerions à l’action dans les 10 minutes.

Ce serait extraordinaire pour mes actionnaires.

Soit dit en passant, le Canada n'est pas le seul à être protectionniste à cet égard. Tout le monde n'a pas une règle des 10 p. 100, mais on essaie d'acheter une banque de compensation en Allemagne, en France et même aux États-Unis. On peut acheter Harris. Si j'essayais d'acheter Chase, je serais pris dans cette spirale pendant 50 ans avant d'obtenir l'approbation.

La plupart des pays s'inquiètent encore des décisions concernant la répartition du crédit. Le secteur financier a un rôle et une mission qui sont fondamentaux -- et notamment les banques au sein de ce secteur -- c'est celui qui consiste à mobiliser les épargnes et les investissements dans le pays pour ensuite les réorienter afin de financer les risques du secteur économique. Si vous déplacez l’élaboration des politiques en matière de risques à l'extérieur du pays, alors le pays ne sera peut-être pas aussi bien servi qu'il ne l'est actuellement par des intervenants qui ressentent l'obligation de financer des activités qu'ils ne financeraient peut-être pas de l'étranger.

Je crois que la réponse de M. MacKay a été: «Je comprends le dilemme. Il faut chercher à alléger la règle des 10 p. 100 pour permettre certaines prises de contrôle d'institutions étrangères par des institutions ayant une large base», ce qui me semble bien, «sans autoriser la contrepartie.» Je crois qu'il a réussi à contourner le problème. Ce n'est pas une impasse qui est mauvaise. Franchement, s'il était possible d'éliminer la règle des 10 p. 100 à l'intérieur du pays, je le ferais tout en la conservant pour la scène internationale, mais alors se posent les problèmes de traitement national dans le cadre de l'ALENA. Je crois qu'il a essayé de tourner autour du pot du mieux qu'il a pu. (Matthew Barrett, 8 octobre 1998)

Un témoin s’est dit favorable à l’idée de permettre une plus grande concentration du capital dans le cas des petites banques.

La capacité de créer de nouvelles banques serait un facteur important. Il devrait être plus facile de fonder une nouvelle banque -- quitte au départ à ce que certains groupes détiennent un pourcentage plus élevé des actions et à ce que le capital soit plus largement réparti à plus long terme.

Nous constatons une tendance à une plus grande spécialisation des services financiers. Une société ayant une expertise dans un secteur particulier des services financiers pourrait vouloir créer une banque spécialisée. Il serait utile que cette société puisse, par exemple, détenir 50 p. 100 des actions de cette institution financière spécialisée au départ et ensuite ramener sa participation à 25 p. 100 ou même à 10 p. 100. Il est difficile de lancer une banque aujourd'hui sans un bailleur de fonds important. (Terry Norman, 20 octobre 1998)

Le président et chef de la direction de la Banque Canadienne de l’Ouest est du même avis.

Pour ce qui est des règles de propriété, la concentration de la part majoritaire dans une petite institution financière présenterait beaucoup d'avantages, étant donné que la petite institution relèverait d'une institution mère très forte qui pourrait lui fournir du capital et lui valoir une meilleure cote. Cette institution pourrait être une maison mère ou un actionnaire principal et une importante entité commerciale de la région qui serait convaincue que cette région peut et doit disposer d'une institution financière. Il faudrait que le processus soit surveillé de très près. Au moment de leur démarrage, les petites institutions se heurtent à des risques de gestion, des risques relatifs aux capitaux et toutes sortes d'autres risques qui ne sont pas toujours apparents au départ. La concentration de la part majoritaire pourrait ainsi renforcer certaines petites banques parce qu'elles bénéficieraient du capital, des orientations et de la structure de soutien de la grande institution perçue comme telle -- peut-être une compagnie d'assurance-vie -- qui serait actionnaire de la banque. L'accès au capital en serait grandement amélioré. Il suffit de prendre l'exemple de la Banque Hongkong du Canada. Elle peut diriger son capital avec grande précision aux niveaux appropriés, parce que sa maison mère lui prête les capitaux nécessaires pour maintenir le rendement des actions ordinaires au niveau maximum et parce qu'elle peut faire un mélange approprié de capitaux de première catégorie et de capitaux de deuxième catégorie. Le fait d'être soutenue par une maison mère forte lui permet d'agir de manière très efficiente. (Larry Pollock, 28 octobre 1998)

Le président-directeur général de la Banque laurentienne du Canada est lui aussi favorable à l’assouplissement des règles de propriété proposé par le Groupe de travail.

L'un des aspects positifs du rapport MacKay est justement la flexibilité qu'il recommande. Les membres du Groupe de travail ont un seul grand objectif -- favoriser la concurrence -- et ils se rendent très bien compte que dans certains cas, il faut recourir à des moyens inhabituels pour y arriver. C'est un argument que je trouve assez convaincant. On ne peut pas tout avoir.

Nous avons un petit marché. Si nous voulons qu'il reste entre des mains canadiennes, et en même temps nous voulons créer un marché plus concurrentiel, certains compromis s'imposent. Si tout le monde est pareil, cela ne se produira pas. C'est justement l'un des inconvénients majeurs de la Loi sur les banques; tout le monde est pareil. MacKay prétend cependant qu'on peut faire preuve de plus de souplesse du côté des règles de propriété des petites institutions -- c'est-à-dire celles de deuxième rang. C'est une approche qui semble bien logique, et elle a également l'avantage de dynamiser le système. À mon avis, il serait également intéressant de donner suite à l’autre proposition. Je ne serais pas tellement d'accord pour qu’on se limite à la première. Ce qui me plaît dans le rapport MacKay, c'est que si ont veut avoir un petit marché plus dynamique, encore une fois, il faut faire des compromis, et en ce sens, la souplesse qu'il propose est certainement positive. (Henri-Paul Rousseau, 23 octobre 1998)

D’autres émettent des réserves quant à la pertinence d’adapter les exigences en matière de propriété en fonction de la taille de l’institution.

Les trois critères de propriété, fondés sur la taille, ajouteront au régime un élément de complexité coûteux et laisseront planer le doute chaque fois qu’une entreprise passera d'une catégorie à une autre. Le cadre de réglementation devrait d'abord servir à produire des institutions financières fortes, agiles et concurrentielles, qui sont aptes à réagir promptement à l'évolution rapide du marché. Il ne devrait pas servir à établir des règles qui deviennent difficiles à interpréter.

J'ai de la difficulté avec l'idée de la progression par étapes -- qu'advient-il lorsque vous passez à une catégorie supérieure ou inférieure? Certaines entreprises s'amenuisent au fil du temps, alors que d'autres grossissent. Si les droits acquis sont maintenus éternellement, cela fera tout un salmigondis de structures d’entreprises au Canada.

J'en suis convaincu: sous réserve des règles concernant l'aptitude des propriétaires d'une institution financière, les institutions ne devraient pas être tenues d'avoir un capital réparti entre un grand nombre d'actionnaires. (David Nield, 2 novembre 1998)

Certains ont des réserves quant à la marge de manoeuvre à accorder au ministre en matière de règles de propriété.

Dans l'ensemble, je suis aussi d'accord avec la plupart des dispositions touchant la propriété: priorité à la propriété canadienne, maintien du principe de la propriété largement répartie pour les grandes institutions et ouverture vis-à-vis des regroupements et des sociétés de portefeuille. J'ai cependant quelques réserves, en particulier concernant l'évolution de la règle des 10 p. 100.

Je crains que tous les assouplissements introduits érodent tellement cette règle qu'ils finissent par la faire disparaître. Je souscrit à l'idée de permettre la propriété à 100 p. 100 pour les institutions de moins d’un milliard de dollars de capital. J'appuie aussi l'idée d'une catégorie de transition pour celles ayant entre 1 et 5 milliards de dollars de capital. Cependant, je proposerais de subdiviser cette catégorie en deux : la propriété à 65 p. 100 ne serait permise que jusqu'à un capital de 2,5 milliards de dollars et, pour la tranche 2,5 à 5 milliards de dollars, la limite de propriété serait réduite à 35 p. 100.

Selon le « Document d'information no 2 » du Groupe de travail, il y aurait actuellement quatre institutions financières à charte fédérale dont le capital se situe dans la catégorie du 1 à 5 milliards de dollars. (...) il s'agit de la Banque Nationale, des Services financiers CT, de Canada-Vie et de La Mutuelle du Canada. Je suis contre l'idée qu'un seul actionnaire puisse prendre le contrôle légal de ces institutions. Une position de 35 p. 100 serait largement suffisante pour que l'actionnaire principal puisse exercer un contrôle important sur ces entreprises.

J'adopte cette position parce qu'il est très difficile d'analyser l'incidence de la concentration au Canada. J'attends avec beaucoup d'impatience le rapport du Bureau de la concurrence, mais je soupçonne qu'ils éprouvent actuellement beaucoup de difficultés à en arriver à une conclusion globale parce que, dans certains secteurs, c'est réellement un milieu très concurrentiel et, dans d'autres, probablement beaucoup moins.

La grande vertu de la règle des 10 p. 100, c'est qu'elle fait en sorte que si, et je souligne «si», il y a des profits oligopoles ou des profits provenant de la concentration, ceux-ci sont redistribués. Si nous supprimons cette règle, alors nous permettons de concentrer ces profits excessifs entre les mains d'un seul actionnaire.

Aussi, je suis plutôt défavorable aux assouplissements suggérés par le Groupe de travail pour la catégorie d’institutions dont le capital dépasse 5 milliards de dollars. Selon moi, la règle des 10 p. 100 a des avantages très intéressants et il est important de la maintenir avec une certaine rigueur. D'autre part, il est également vrai qu'elle comporte des inconvénients comme celui de conférer plus de pouvoir aux gestionnaires face à un actionnariat fractionné. Je suis donc un peu déçu que le Groupe de travail ne se soit pas penché davantage sur ce problème et n'ait pas examiné plus en détail l'antidote que constitue le vote cumulatif, qui devrait peut-être être imposé aux grandes institutions. (Jean Martel, 23 octobre 1998)

Le président du Mouvement des caisses Desjardins se dit favorable à l’idée d’appliquer à toutes les banques, petites et grandes, la règle exigeant une large répartition du capital.

Du point de vue de la concurrence et de la compétitivité sur le marché canadien, nous sommes d'avis que la limite de 10 p. 100 devrait continuer à s'appliquer à toutes les banques à charte canadiennes. Dans le contexte canadien, lorsqu’on parle de plus petites banques, on fait souvent référence à des institutions régionales. Le rapport parle des entreprises qui ont un capital inférieur à 5 milliards de dollars. Dans le contexte canadien, ces institutions sont souvent d’importantes banques régionales exerçant une influence marquée dans une ou deux provinces.

Permettre à un actionnaire de détenir une part démesurée des actions pourrait avoir des conséquences néfastes pour cette région, si les intérêts de cet actionnaire ne concordent pas avec le développement économique de cette région du pays.

Nous sommes par contre favorables à l'idée de faciliter l'entrée d'un plus grand nombre d'intervenants sur le marché canadien. Cela donnera plus de choix aux consommateurs et leur permettra d'être mieux servis, à meilleur coût.

(...)Parce qu'on ne voit pas quel est l'avantage de permettre à un groupe de détenir jusqu'à 65 p. 100 de la propriété d'une banque de moindre taille, d'autant plus que souvent, ces banques font affaire soit au niveau d'une ou de deux provinces. Nous trouvons donc un peu risqué de permettre à un groupe, qui souvent peut être un groupe commercial ou un groupe industriel, de devenir, à toutes fins utiles, propriétaire d'une banque, même si celle-ci n'a que 5 milliards de dollars de capital, c'est quand même... C'est 100 milliards de dollars d'actif qui permettent de s'approprier cette richesse et de s'en servir à ses propres fins, sans nécessairement s’intéresser au développement de cette province-là pour plutôt se concentrer sur le développement de son industrie ou des intérêts de son groupe commercial.

On peut imaginer aujourd'hui qu'il y a des groupes qui seraient très intéressés à exploiter en parallèle une banque susceptible de faire partie d’un commerce semblable. Dans ce sens-là, on ne comprend pas cette nuance que fait le rapport MacKay en disant que pour les banques qui ont entre un milliard et cinq milliards de dollars d'actif, on pourrait permettre d'aller jusqu'à 65 p. 100 de la propriété. C'est une proposition que nous avons de la difficulté à comprendre. (Claude Béland, 23 octobre 1998)

Un membre du Comité a cherché à savoir quelle était la différence entre la règle des 10 p. 100 et celle des 20 p. 100 en matière de répartition du capital.

J'aurais une autre question à vous poser au sujet de la disposition sur le capital largement réparti. Je crois pouvoir dire que la plupart de nos témoins s'entendent sur la règle des 10 p. 100, mais quelques-uns aimeraient que cette proportion soit portée à 20 p. 100. Je paraphraserai leur raison en disant qu'à 20 p. 100, ils disposeraient d'une base d'actionnaires plus importante et plus influente qu'à 10 p. 100. Je ne suis pas comptable, mais je dirais qu'il y a plus encore, car à partir de 20 p. 100, on peut comptabiliser à la valeur de consolidation. Qu’avez-vous à dire à ce sujet?

Voici ce que lui a répondu le président-directeur général de Manuvie.

Oui. Pour ce qui est de l'importance des 20 p. 100 pour la comptabilisation à la valeur de consolidation, cela n'intervient que si l'investisseur est une institution devant calculer ses revenus trimestriellement. Pour les particuliers, peu importe que la participation soit de 19, de 20 ou de 21 p. 100 d'intérêt. Il s'agit d'une considération d'ordre comptable.

Personnellement, je trouve qu'il y a quelque chose de plus important que cela. Au Canada, nous avons une économie qui est déjà très concentrée, si bien qu'il est peut-être bon de fixer à 20 p. 100 la limite de propriété dans une société à capital largement réparti. Vous savez, dans bien des cas, cette proportion confère déjà le contrôle. Par exemple, je ne pense pas que la famille Ford possède plus de 20 p. 100 des actions de la compagnie, pourtant le jeune homme qui vient d'être nommé président de Ford porte bien ce nom. Cela n'empêche qu'il est certainement très brillant, mais il est fort possible qu'il doive, en partie, son poste de président de la compagnie à son nom de famille.

Vous devrez particulièrement veiller à ce que vos institutions de dépôt ne tombent pas dans les mains de n'importe qui. Cependant, l'argument voulant qu'une compagnie risque de faire des siennes en l'absence d'une participation prépondérante ne vaut plus. Même si cela a pu être le cas jadis. Les institutions qui détiennent des actions dans ces compagnies, jusqu'à concurrence de la limite de 10 p. 100 -- c'est-à-dire les investisseurs institutionnels, les analystes et les agences de notation -- sont toutes très vigilantes et appliquent des normes de performance qui sont au moins aussi exigeantes que s'il y avait un seul actionnaire détenant 20 p. 100 des actions.

Cela étant, je suis d'accord avec la recommandation du Groupe de travail voulant qu'on fasse preuve de souplesse pour permettre les transactions qui ne seraient possibles que si l'on repoussait de façon temporaire la limite de concentration des actions, de 10 à 20 p. 100. Je suis d'accord avec cela. (Domenic D’Alessandro, 4 novembre 1998)

Le témoin de Power Corporation conteste les règles de propriété proposées.

La situation, c’est qu’au Canada, il n’y a que deux institutions de taille pour lesquelles la règle exigeant une large répartition du capital ou, si vous voulez, la règle des 10 p. 100 ne peut convenir. Il s’agit de Power Corporation et de ses filiales et de Canada Trust.

Dans notre cas, pour ce qui est de la démutualisation, une règle dit que la Financière Manuvie ou la Sun Life peuvent nous acheter, parce qu’elles ont un capital largement réparti, mais que nous ne pouvons pas les acheter. Il nous est très difficile de comprendre qui a pu imaginer cette règle. Une banque à charte pourrait acheter la Great-West ou la London Life, mais nous ne pourrions pas acheter une banque à charte.

Si la rationalisation de l’industrie devait se poursuivre, je ne dis pas que c’est le cas, mais si elle devait se poursuivre, les conditions en place jusqu’ici établiraient une discrimination contre nous en raison de notre taille. Nous ne trouvons pas cela juste ni équitable.

Les lois de 1992 ont établi que les institutions financières réglementées devaient avoir au moins 35 p. 100 de leurs actions en circulation. Cette obligation a été imposée après bien des discussions. Il nous est difficile de croire qu’il y aura maintenant un tout nouveau régime de propriété, fabriqué au Canada; selon nous, la règle du 65-35 est suffisante pour éviter tout problème. On a déjà la règle des 10 p. 100 qui s’applique aux banques. Il est facile de comprendre pourquoi cette règle existe. Elle est là pour éloigner les étrangers. Quel est le but d’avoir une règle des 10 p. 100 pour les compagnies d’assurance?

La règle des 10 p. 100 existe pour tous les ministres des Finances de notre pays depuis les 40 ou 50 dernières années. Cette règle sert à maintenir le statut de nos principales banques à charte, ce qui est très important. En raison de la concentration, ce sont des instruments extrêmement importants pour le gouvernement fédéral. Je ne pense pas que vous soyez terriblement intéressé à voir cela venir d’Amsterdam, de Francfort ou de New York. C’est pour cette raison que la règle des 10 p. 100 est là. Malgré notre souhait de la voir disparaître, si l’on considère le côté pratique des choses, je soupçonne qu’on va la conserver pour les banques.

Lorsque quelque chose inquiète les banques, en raison de leur extrême importance dans la structure financière du pays, on le transfère aux compagnies d’assurance-vie. Pourquoi cela se passe-t-il ainsi? De la façon dont fonctionnent les choses, la distribution alimentaire est contrôlée par trois entreprises. Je pense que la nourriture est plus importante pour la plupart des gens que l’assurance-vie. Les grandes chaînes alimentaires ne sont pas assujetties à une règle des 10 p. 100, même si l’alimentation représente une part significative du budget de chacun. Jusqu’où voulons-nous aller avec ça? (Jim Burns, 5 novembre 1998)

Aux dires de ce témoin, l’exercice d’un contrôle sur les actionnaires, comme Power, a été profitable au secteur des services financiers et la règle exigeant une large répartition du capital désavantage nettement les entreprises comme la sienne. Pour assurer le contrôle canadien des grandes institutions financières réglementées, il faut trouver des solutions de rechange à cette règle. Le président et chef de la direction de la compagnie d’assurance-vie Great-West, dont Power est propriétaire, fait écho à ce point de vue.

Cette recommandation (concernant la large répartition du capital), si elle était mise en oeuvre, serait discriminatoire envers la Great-West/London Life, étant donné que cela nous empêcherait de nous développer à l’avenir par le biais d’une importante acquisition.

Si l’on prive la Great-West/London Life de la possibilité de faire des acquisitions majeures, ce noble objectif (de favoriser une vive concurrence avec les banques) sera presque certainement contrarié; et seules les banques pourront acquérir de grandes institutions financières. (Roy McPeeters, 6 octobre 1998)

En ce qui a trait à la définition d’une large répartition du capital, le président-directeur général de Manuvie fait une mise en garde concernant l’augmentation possible de la limite de 10 à 20 p. 100.

Pour ce qui est de l'importance des 20 p. 100 pour la comptabilisation à la valeur de consolidation, cela n'intervient que si l'investisseur est une institution devant calculer ses revenus trimestriellement. Pour les particuliers, peu importe que la participation soit de 19, de 20 ou de 21 p. 100 d'intérêt. Il s'agit d'une considération d'ordre comptable.

Personnellement, je trouve qu'il y a quelque chose de plus important que cela. Au Canada, nous avons une économie qui est déjà très concentrée, si bien qu'il est peut-être bon de fixer à 20 p. 100 la limite de propriété dans une société à capital largement réparti. Vous savez, dans bien des cas, cette proportion confère déjà le contrôle. Par exemple, je ne pense pas que la famille Ford possède plus de 20 p. 100 des actions de la compagnie, pourtant le jeune homme qui vient d'être nommé président de Ford porte bien ce nom. Cela n'empêche qu'il est certainement très brillant, mais il est fort possible qu'il doive, en partie, son poste de président de la compagnie à son nom de famille.

Vous devrez particulièrement veiller à ce que vos institutions de dépôt ne tombent pas dans les mains de n'importe qui. Cependant, l'argument voulant qu'une compagnie risque de faire des siennes en l'absence d'une participation prépondérante ne vaut plus. Même si cela a pu être le cas jadis. Les institutions qui détiennent des actions dans ces compagnies, jusqu'à concurrence de la limite de 10 p. 100 -- c'est-à-dire les investisseurs institutionnels, les analystes et les agences de notation -- sont toutes très vigilantes et appliquent des normes de performance qui sont au moins aussi exigeantes que s'il y avait un seul actionnaire détenant 20 p. 100 des actions. (Domenic D’Alessandro, 4 novembre 1998)

Finalement, des questions ont été posées sur la définition d,une large répartition du capital et sur le niveau de seuil pour une institution.

Le président-directeur général de la Banque Laurentienne est favorable à l’idée de modifier la définition d’une large répartition du capital pour faire passer la limite de 10 à 20 p. 100.

Une fois que le maximum sera de 20 p. 100, nous tous, c’est-à-dire tous ceux qui sont actuellement actifs dans ce secteur, auront la capacité d’attirer de nouveaux investisseurs; ce qui favorisera la concurrence.

Je serais en faveur d’un seuil de 20 p. 100 justement à cause de l’avantage qui découle de la comptabilité à la valeur de consolidation: ces nouveaux acteurs apporteront de nouveaux capitaux. (Henri-Paul Rousseau, 22 octobre 1998)

A propos du niveau de seuil à partir duquel on peut parler de « grande » institution, le p.-d.-g. de Canada Vie a dit qu’il faudrait l’augmenter.

Pour définir ce qui constitue une grande institution financière, les auteurs du rapport prennent pour référence un avoir des actionnaires de l'ordre de 5 milliards de dollars. Les règles de propriété et l'examen de l'intérêt public des fusions se rapportent donc à ce chiffre.

Si nous cherchons à définir ce qu'est une "grande" institution financière, je dois dire que le chiffre de 5 milliards de dollars n'est pas assez élevé. Un avoir des actionnaires de cet ordre n'est pas suffisant pour qu'une société figure au premier rang des entreprises reconnues à l’échelle mondiale. Par ailleurs, c'est beaucoup moins élevé que ce que détiennent la plupart des grandes banques. Je propose que le chiffre soit établi au minimum à 10 milliards de dollars.

Évidemment, il y a une limite, et je propose que ce soit 10 milliards de dollars. Une partie des difficultés concerne les entreprises comme la mienne, qui s'ouvrent sur des perspectives internationales depuis plus de 100 ans. Je suis conditionné naturellement non seulement par le marché intérieur, mais par ce qui se fait ailleurs. De nos jours, 5 milliards de dollars canadiens équivalent à moins de 3,5 milliards de dollars US, et cela donne une institution assez minuscule par comparaison à ce qui existe ailleurs dans le monde.

Voilà pourquoi je crois que le chiffre de 5 milliards de dollars est trop modeste. Je crois que l'entreprise dont l'avoir atteint 10 milliards de dollars accède pour ainsi dire aux ligues majeures, que l'on compte cela en dollars américains ou en dollars canadiens. (David Nield, 2 novembre 1998)

 

Conclusions

Le Comité est d’accord en principe avec les recommandations du Groupe de travail concernant les règles de propriété; c’est-à-dire qu’il est favorable à l’exercice d’un contrôle canadien des grandes institutions financières réglementées faisant des affaires au Canada. En outre, un seul régime de propriété devrait s’appliquer à l’ensemble du secteur des services financiers réglementés.

D’après le Comité, il devrait y avoir trois catégories d’institutions : les petites, les moyennes et les grandes. Les petites institutions pourraient être possédées par un petit nombre d’actionnaires. Les institutions moyennes devraient avoir au moins 35 p. 100 d’actions réparties dans le public. Les grandes institutions devraient avoir un capital social largement réparti.

Cette analyse doit aussi tenir compte de critères de taille autres que la répartition du capital social. Par exemple, on peut supposer que la part de marché des dépôts de détail d’institutions qui acceptent des dépôts (et des primes annuelles pour les compagnies d'a’surance-vie) constitue une description plus adéquate et efficace de classe que la répartition du capital social.

Sur la question des seuils servant à classer les institutions selon leur taille, une institution ayant des avoirs inférieurs à 1 milliard de dollars étant considérée comme petite et une autre ayant des avoirs supérieurs à 5 milliards de dollars étant considérée comme grande, le Comité a toutefois recueilli peu de témoignages. Il y aurait donc lieu, à son avis, que le gouvernement établisse un ensemble précis de critères pour classer les institutions selon leur taille.

De plus, en ce qui a trait à la définition d’une large répartition du capital, même si le Groupe de travail reconnaît au ministre le pouvoir d’autoriser une personne ou un groupe de personnes agissant conjointement à détenir jusqu’à 20 p. 100 des actions avec droit de vote, le Comité recommande que la règle exigeant une large répartition du capital empêche toute personne ou tout groupe de personnes agissant conjointement de détenir plus de 20 p. 100 des actions avec droit de vote et de posséder plus de 30 p. 100 des capitaux propres.

Le Comité établit donc une distinction entre la propriété et la détention d’actions. Il accroît par ailleurs le pourcentage des actions en circulation qu’une personne ou un groupe de personnes agissant conjointement peut détenir. Il estime en outre que les recommandations du Groupe de travail accordent trop de marge de pouvoir au ministre, ce qui crée une incertitude inutile dans le secteur des services financiers en ce qui a trait à la propriété des institutions financières réglementées.

Le Comité est d’avis que le seuil de 20 p. 100 incitera les actionnaires plus importants à suivre la gestion de plus près, permettra à ceux qui détiennent 20 p. 100 des actions de tirer parti des règles de comptabilité à la valeur de consolidation et offrira une souplesse accrue en vue d’éventuelles fusions et acquisitions, comme l’explique en détail le rapport du Groupe de travail .

 

2. Règles de large répartition du capital auxquelles répondent les entreprises à forme coopérative ou mutuelle

Contexte

Le Canada est presque le seul pays développé à ne pas être doté d’institutions de second niveau assez fortes pour concurrencer les grandes banques. Les coopératives de crédit et les caisses populaires sont des concurrents sérieux dans certaines provinces, mais pas partout. Le Groupe de travail juge extrêmement important de favoriser le développement d’institutions de second niveau qui soient vigoureuses. Afin que le secteur coopératif ait toute possibilité de se développer, le Groupe de tavail recommande que les institutions de dépôts puissent avoir une forme coopérative, de la même façon que les sociétés d’assurances peuvent actuellement avoir une forme mutuelle. On pourrait ainsi voir apparaître de nouvelles banques ou sociétés de fiducie appartenant à leurs membres. Cependant, cette disposition devrait également permettre, selon le Groupe de travail, aux coopératives de crédit ou aux centrales de coopératives de crédit existantes, avec l’autorisation de la province où elles sont constituées, de poursuivre leurs activités sous forme de banques ou de sociétés de fiducie. (Rapport du Groupe de travail, p. 93)

 

Recommandation du Groupe de travail

36) Les entreprises à forme coopérative ou mutuelle seraient réputées se conformer par définition aux règles de large répartition du capital n’auraient pas à obtenir de dispense spéciale, peu importe leur taille,

 

Opinions des témoins

Les quelques témoignages recueillis par le Comité au sujet de cette recommandation lui sont favorables. Voici, par exemple, ce qu’en pense le président-directeur général de la Centrale des caisses de crédit du Canada :

Dans cette recommandation, l'expression «de large répartition» donnera une plus grande souplesse à notre système en lui permettant d'avoir une politique nationale relevant de la compétence fédérale afin de pouvoir mener ses activités dans tout le pays. (William Knight, 8 octobre 1998)

 

Conclusions

Le Comité appuie la recommandation du Groupe de travail.

 

3. Régime de propriété et règles en matière de prise de contrôle concernant les sociétés d’assurance-vie démutualisées pendant la période de transition

Contexte

Après une démutualisation, il pourrait falloir un certain temps à une société de même qu’à sa direction pour s’adapter aux réalités que vivent les sociétés cotées en bourse. Il faudrait aussi un certain temps, probablement, pour que ces sociétés soient reconnues à leur juste valeur par le marché. Les sociétés d’assurances qui se sont démutualisées à l’étranger se sont souvent vu accorder une période de transition pendant laquelle elles ont été protégées contre les tentatives de prise de contrôle.

Le Groupe de travail estime que la démutualisation des quatre grandes sociétés d’assurances constitue un important moyen de renforcer la concurrence sur le marché canadien des services financiers, en particulier si on les autorise à offrir des services de paiement. Par conséquent, il ne veut pas interdire toute alliance ou restructuration pendant la période de transition. Par contre, il ne souhaite pas non plus que ces sociétés puissent être absorbées dans la période qui suivrait immédiatement leur démutualisation, alors que leurs actions ne seraient peut-être pas encore appréciées à leur juste valeur par le marché. (Rapport du Groupe de travail, p. 95)

 

Recommandation du Groupe de travail

38) En ce qui concerne les sociétés d’assurance-vie démutualisées, celles-ci devraient être assujetties après leur démutualisation aux règles générales applicables en matière de propriété d’après leur taille, après une période de transition de trois ans débutant à la date de la démutualisation. Les sociétés démutualisées dont l’avoir des actionnaires est supérieur à 5 milliards de dollars devraient continuer d’avoir un capital largement réparti à compter de la date de la démutualisation. Des lignes directrices applicables durant la période de transition empêcheraient que les sociétés démutualisées fassent l’objet d’une fusion ou d’une OPA hostile. Ces lignes directrices devraient préciser que les petites sociétés démutualisées doivent elles aussi avoir un capital largement réparti pendant la période de transition de trois ans, et stipuler en outre que, en temps normal, le ministre des Finances n’approuverait pas les projets de fusion ou d’acquisition de sociétés récemment démutualisées. Par contre, si une société démutualisée et son conseil d’administration proposent une transaction et que, de l’avis du ministre, il en va clairement de l’intérêt public que cette transaction soit conclue au cours de la période de transition, celle-ci pourrait être autorisée.

 

Opinions des témoins

Les témoins des compagnies mutuelles d’assurance-vie appuient la période de transition. Voici ce qu’en dit le président et chef de la direction de La Compagnie d'Assurance du Canada sur la Vie :

Les sociétés mutuelles font le passage d'une structure assez différente à une structure publique. Il nous faut quand même un certain délai pour passer de l'un à l'autre et pour que la valeur adéquate soit déterminée. Par la suite, je crois tout de même que c'est le marché qui devrait régir les choses. (David Nield, 2 novembre 1998)

Le président et chef de la direction de la Compagnie d’assurance-vie Sun Life du Canada abonde dans le même sens.

Pour une entreprise présente dans plusieurs marchés et qui a été créée il y a 127 ans, la démutualisation pourrait être considérée comme un séisme et un événement qu'il faudra du temps pour mener à bien et pour absorber. Nous entrevoyons la possibilité de réussir cela comme une importante opportunité à court terme, dans le cadre de laquelle une certaine forme de protection du régime de propriété nous permettra d'éviter que nos clients ne puissent retirer la pleine valeur de leur police d'assurance. (Don Stewart, 6 octobre 1998)

Le président-directeur général de La Mutuelle du Canada est d’accord, mais estime que les transactions amicales devraient elles aussi être interdites pendant la période de transition.

J'ai soutenu qu'au cours de cette période de trois ans, il convenait d'interdire aussi bien les prises de contrôle amicales que celles qui ne l'étaient pas parce qu'une opération censée être amicale peut placer les administrateurs dans une situation très difficile. Même si en théorie l'opération serait amicale, on peut très bien envisager qu'une proposition d'offre publique d'achat de toutes les actions comportant une plus-value d'un certain montant soit faite en privé aux administrateurs. Selon la situation des marchés au moment considéré et selon que l'on tient compte ou non du potentiel de la société au moment où elle est en train de se constituer, les administrateurs pourraient se retrouver dans une situation extrêmement difficile. Il leur faudrait consulter les meilleurs avocats pour savoir quelle est leur responsabilité personnelle dans ces circonstances.

Je pense que la distinction entre prise de contrôle amicale et inamicale ne joue pas dans la pratique et c'est pourquoi nous avons adopté ce point de vue. Dès le départ, nous avons considéré, à La Mutuelle, que nous n'étions pas d'accord pour que l'on refuse aux titulaires des polices, qui vont devenir des actionnaires, la possibilité de faire augmenter à terme le prix de leurs actions en tablant sur le rendement de leur entreprise, en faisant des alliances ou, en fait, en acceptant des offres de prise de contrôle.

À notre avis, il est raisonnable d'accorder un délai de trois ans pour que les actions atteignent leur pleine valeur et pour que la société prenne son rythme de croisière. C'est pourquoi nous avons déclaré, dès le premier jour, que nous considérions qu'à long terme, la société Mutuelle ainsi transformée ne devrait pas être soustraite à l'application normale des règles du marché. Notre équipe de direction a l'obligation d'augmenter la valeur des titres de nos nouveaux actionnaires.

Pour l'essentiel, il est dit dans le rapport MacKay qu'il y aura une période de transition de trois ans après quoi les règles normales viendront s'appliquer à toutes les institutions financières. (Robert Astley, 4 novembre 1998)

Le président-directeur général de Manuvie est d’avis qu’une période de transition plus longue devrait s’appliquer aux prises de contrôle hostiles, mais qu’il ne devrait pas y avoir de période de transition dans le cas des fusions amicales de compagnies démutualisées.

Dans le cas de Manuvie, étant donné la qualité de nos franchises et le fort potentiel de nos entreprises dans le monde, il est un fait qu'à l'instar d'autres compagnies démutualisées, nous deviendrons, après cette opération, une cible très intéressante pour une prise de contrôle.

Le Groupe de travail ayant pris acte que cette transformation exigera d'importants efforts, il a recommandé l'imposition d'une période de transition de trois ans durant laquelle aucune prise de contrôle hostile ni aucune proposition de fusion ne pourra être envisagée.

Manuvie estime, cependant, que cette période de trois ans est trop courte et qu'il faudrait la porter à cinq ans. Ce délai serait beaucoup plus réaliste pour nous permettre de nous établir en tant que société publique forte et indépendante.

Le Groupe de travail recommande en outre que l'interdiction imposée aux fusions ne vise pas les transactions amicales entre compagnies démutualisées. Nous estimons, pour notre part, qu'une telle interdiction limiterait de façon inutile la capacité de l'industrie à se regrouper.

Manuvie est donc d'accord avec le Groupe de travail et nous recommandons instamment que les fusions entre compagnies d'assurance-vie démutualisées "consentantes" soient autorisées pendant la période de transition, quelle qu'en soit la durée.

Il convient, par ailleurs, de remarquer que le Groupe de travail a recommandé qu'à l'issue de la période de transition, les banques à charte puissent prendre le contrôle d'une grande compagnie d'assurance-vie démutualisée. Il est dès lors facile de prédire de telles prises de contrôle dans l'avenir.

D'aucuns pourraient soutenir que ces prises de contrôle vont à l'encontre de la vision formulée par le Groupe de travail, celle d'une assurance-vie indépendante livrant une concurrence farouche aux grandes banques bien établies.

Notre idée est fort simple. Après la démutualisation d'une compagnie comme Manuvie, il faudra lui conférer un profil sur le marché des investissements et sur les marchés institutionnels. Manuvie appartient à 700 000 personnes dans le monde entier qui ne savent pas qu'ils en sont propriétaires et qui ne sont pas en mesure d'en déterminer la valeur. Dès lors, nous serions une excellente cible pour d'autres sociétés qui voudraient faire mainmise sur notre compagnie.

C'est pour cela que nous réclamons une période de transition pendant laquelle les compagnies récemment démutualisées auront la chance de prouver ce qu'elles valent. Nous réclamons une période de cinq ans, mais nous ne nous opposons pas, une fois ce délai passé, à ce qu'une compagnie qui n'aurait pas pris d'envergure, qui n'aurait pas développé sa capacité ou qui ne serait pas devenue une franchise autonome, soit absorbée par une autre institution.

Je veux juste ajouter que cette période de cinq ans que nous réclamons n'est pas atypique, par rapport à ce qui a été accordé à d'autres entités démutualisées dans d'autres pays.

Supposons que nous soyons tous démutualisés dans trois ans d'ici. Bien! Les banques, de leur côté, n'ont pas caché leurs intentions. Vous vous souviendrez que la Banque Royale a fait une offre d'achat à la London Life parce que -- et si vous me le permettez, je vais vous en expliquer tout de suite la raison -- elle ne pouvait acheter la Great-West ni les quatre autres grandes compagnies d'assurance qui étaient des mutuelles. Or, elles ne le seront plus dans l'avenir.

Pensez-vous que l'envie des banques d'absorber des compagnies d'assurances disparaîtra? Personnellement, je ne le crois pas. Elles auront quatre compagnies dont elles pourront se porter acheteuses. Je vous ai cité l'exemple de la Banque Royale, mais il pourrait s'agir de n'importe quelle autre banque. Notre stratégie consiste à atteindre une taille qui nous permettra éventuellement d'être autonomes, de pouvoir offrir des services aux Canadiens et d'être très concurrentiels dans le reste du monde. (Domenic D’Alessandro, 4 novembre 1998)

 

Conclusions

Le Comité a déjà fait part de son appui à la démutualisation dans un certain nombre de rapports antérieurs. Il a en outre exhorter le gouvernement à agir rapidement, ce que ce dernier n’a pas fait. Le Comité espère qu’avec les recommandations du Groupe de travail et l’appui d’autres intervenants comme lui, le processus de démutualisation sera enfin mené à terme de façon satisfaisante.

La démutualisation ne peut qu’être profitable aux consommateurs de services financiers, étant donné que les compagnies démutualisées jouiront du même accès au marché financier que les autres sociétés cotées en bourse. Cet accès aux capitaux leur permettra de soutenir plus efficacement la concurrence des autres institutions financières réglementées en offrant une plus grande gamme de produits au consommateur canadien à des prix concurrentiels.

De plus, les titulaires de polices participants détiendront dorénavant des parts dans les compagnies démutualisées; ce qui constituera un ajout imprévu mais sans doute bienvenu à leurs actifs.

 

4. Approbation de l’acquisition d’institutions à capital largement réparti par un acheteur étranger

Contexte

L’époque actuelle se caractérise par une évolution rapide du secteur des services financiers, et il est carrément impossible d’envisager tous les scénarios éventuels. On peut pourtant imaginer des situations où une marge de manoeuvre accrue dans l’application des règles en matière de propriété pourrait être souhaitable du point de vie de la politique nationale.

Supposons par exemple qu’une grande institution financière canadienne soit aux prises avec des difficultés qui remettent sérieusement en question sa viabilité. Une option serait que cette institution soit achetée par une autre grande institution financière canadienne ou qu’il y ait fusion entre les deux. Cela aurait toutefois pour conséquence d’accroître encore la concentration au sein du secteur financier canadien. Dans un tel cas, la loi devrait conférer au ministre des Finances le pouvoir de chercher un " chevalier blanc " hors des frontières canadiennes, en mettant en balance les objectifs qui sous-tendent la politique en matière de propriété d’une part, et l’impératif d’un marché concurrentiel d’autre part.

Autre scénario possible : une institution financière canadienne, pour des raisons associées à son capital ou à d’autres contraintes d’ordre commercial, n’est pas en mesure de se développer au Canada, alors qu’elle pourrait dynamiser la concurrence sur le marché canadien des services financiers. Une institution financière étrangère à capital largement réparti qui souhaite intensifier ses activités au Canada pourrait être intéressée à acheter ladite institution ou à y acquérir une participation importante. Une participation ou une acquisition de ce genre pourrait ne pas être conforme aux règles de propriété proposées précédemment.

Dans l’un ou l’autre cas, le ministre tiendrait à déterminer s’il est possible de procéder à une transaction qui ne remette pas en question les avantages d’un secteur financier contrôlé par des intérêts canadiens, tout en allant dans le sens des objectifs de sécurité et de solidité ou d’intensification de la concurrencer. Le Groupe de travail est d’avis que la politique en matière de propriété doit permettre un tel degré de souplesse. (Rapport du Groupe de travail, p. 96-97)

 

Recommandation du Groupe de travail

39) Le gouvernement devrait être habilité, ce pouvoir ne devant être utilisé que dans des cas exceptionnels, à approuver l’acquisition d’une institution financière canadienne à capital largement réparti par un acheteur étranger, sans égard aux règles de large répartition du capital. Il faudrait, pour qu’une transaction de ce genre puisse être autorisée, que :

a) les processus habituels d’approbation de la fusion (c’est-à-dire l’examen du projet de fusion par le Bureau de la concurrence et le BSIF, ainsi que l’obtention de l’autorisation ministérielle après le processus d’examen de l’intérêt public) soient menés à bien;

b) les critères suivants soient respectés :

i) l’acheteur devrait être une institution financière réglementée à capital largement réparti agréée par le BSIF;

ii) l’acquisition devrait être approuvée par le gouverneur en conseil sur avis conforme du ministre des Finances selon lequel l’acquisition sert l’intérêt public canadien en renforçant la concurrence ou la compétitivité dans le secteur des services financiers, ou encore la solidité et la stabilité du système canadien des services financiers;

iii) l’acheteur devrait prendre des engagements exécutoires envers le ministre de manière que le Canada tire les avantages prévus de la transaction.

Opinions des témoins

Cette question et cette recommandation n’ont fait l’objet d’aucun commentaire.

 

Conclusions

Le Comité appuie la recommandation du Groupe de travail.

 

5. Reclassement des banques de l’annexe

Contexte

La situation particulière des banques actuelles de l’annexe I qui sont de plus petite taille que les précédentes doit aussi être prise en compte. Il existe trois institutions de ce genre qui sont assujetties actuellement à la règle des 10 p. 100 mais dont l’avoir des actionnaires ne dépasse pas 5 milliards de dollars, soit la Banque Canadienne de l’Ouest, la Banque Laurentienne et la Banque Nationale. Le Groupe de travail propose que, dans un premier temps, ces institutions soient assujetties au nouveau régime de large répartition du capital (c’est-à-dire que les participations pourraient être portées jusqu’à 20 p. 100, sous réserve de l’agrément du ministre). Cependant, le Groupe de travail est également conscient que ces institutions pourraient juger qu’un retour à la règle de propriété qui s’appliquerait par ailleurs dans leur cas, en raison de leur taille, sert mieux leurs intérêts. Cela permettrait par exemple à ces institutions d’appliquer une stratégie commerciale, notamment par des alliances, d’une nature et d’une portée différentes que si elles gardaient un capital largement réparti.

Ces institutions canadiennes un peu plus petites peuvent constituer une bonne plate-forme pour bâtir des entreprises de services financiers plus fortes et encore plus concurrentielles, fermement implantées au Canada. Il est donc essentiel de leur laisser la plus grande marge de manoeuvre possible pour envisager la manière don’t elles voudront éventuellement se restructurer, et le moment qui conviendra à cette fin. Les propositions du Groupe de travail en matière de propriété permettraient par exemple à l’une de ces institutions de négocier les participations croisées avec une entité commerciale ou une institution étrangère, ou encore de se prévaloir du régime de société de portefeuille proposé pour former une alliance avec d’autres intervenants de taille moyenne du secteur des services financiers canadien. Elles ne peuvent tirer parti de ces options si leur capital est largement réparti. (Rapport du Groupe de travail, Document d’information no 2, p. 41)

 

Recommandation du Groupe de travail

40) Les banques de l’annexe I qui sont actuellement assujetties à la règle des 10 p. 100 mais qui, en raison de leur taille, ne seraient pas soumises au nouveau régime de large répartition du capital fondé sur la taille, seraient assujetties initialement à la nouvelle règle, mais elles auraient le droit d’être reclassées dans la catégorie applicable en raison de leur avoir des actionnaires et d’être assujetties aux règles correspondantes en matière de propriété. Ce reclassement devrait être approuvé par le conseil d’administration de l’institution financière, confirmé par une résolution spéciale des actionnaires et entériné par le ministre des Finances.

 

Opinions des témoins

Cette recommandation a fait l’objet de très peu de commentaires de la part des témoins.

Le chef des opérations de la Banque Nationale du Canada, l’une des deux banques auxquelles cette recommandation s’applique, se réjouit de cette souplesse.

La structure souple qui est proposée, en ce qui concerne tant les opérations bancaires que la structure du capital social, pourrait être utile un jour selon la direction que prendront les événements. (Léon Courville, 29 septembre 1998)

 

Conclusions

Le Comité appuie la recommandation du Groupe de travail.

 

6. Protection des droits acquis des institutions ne se conformant pas au nouveau régime de propriété

Contexte

Certaines institutions ont actuellement une structure financière et une structure de propriété qui ne sont pas entièrement conformes au nouveau régime proposé par le Groupe de travail pour des institutions de cette taille. Il ne serait pas raisonnable d’obliger ces institutions à se réorganiser pour qu’elles puissent continuer à participer au marché canadien. C’est pourquoi nous proposons que dans ces cas, qui devraient être peu nombreux, la structure de propriété actuelle bénéficie de la protection des droits acquis, sous une forme à déterminer dans les dispositions législatives applicables. Cette politique de protection des droits acquis aurait pour but d’éviter que la valeur économique actuelle de ces institutions et de leurs actionnaires ne soit réduite par la nouvelle politique proposée mais que, à long terme, des mesures soient prises pour se conformer à la politique en question. (Rapport du Groupe de travail, Document d’information no 2, p. 38)

Recommandation du Groupe de travail

41) Une société dont la répartition du capital ne se conformerait pas aux nouvelles règles de propriété lors de l’entrée en vigueur de celles-ci devrait être autorisée à poursuivre ses activités sans modification de sa structure de propriété, à condition que le ministre soit satisfait de la nature et de la qualité des engagements pris en matière prudentielle par l’actionnaire exerçant un pouvoir de contrôle. Une société qui bénéficie de droits acquis à cet égard ne serait pas autorisée à acquérir une société qui, en raison de sa taille, doit avoir un capital largement réparti. Aucune dilution du bloc de contrôle ne serait exigée, peu importe l’avoir des actionnaires de l’institution financière à un moment quelconque. Un régime devrait être mis en place de manière que l’institution se conforme, à terme, aux règles de propriété.

Selon les options proposées par le Groupe de travail, l’actionnaire ayant le contrôle de la société disposerait des options suivantes :

    1. Sous réserve de l’agrément du ministre en fonction des critères d’" aptitude ", les détenteurs d’une participation de contrôle non conforme aux nouvelles règles seraient autorisés à la vendre à un acheteur unique ou à un groupe d’acheteurs même si, à la suite de l’opération, l’institution ne se conformait pas a) à la règle des 35 p. 100 si l’avoir de ses actionnaires est situé entre 1 et 5 milliards de dollars ou b) à l’exigence de large répartition du capital si l’avoir des actionnaires dépasse 5 milliards de dollars. Le ou les acheteurs devraient s’engager à ce que toute cession ultérieure de la participation de contrôle soit faite conformément à l’un des mécanismes exposés au point 2 ci-après.
    2. Outre l’option 1, l’actionnaire majoritaire, ou un acheteur au terme de la dérogation unique prévue dans l’option 1, pourrait se départir de sa participation de contrôle de l’une des façons suivantes :
  • par émission d’actions afin de diluer la participation de contrôle;
  • par vente à des acheteurs multiples, ce qui permettrait de se conformer aux règles applicables du régime de propriété. Comme pour toute autre transaction, l’agrément du ministre serait nécessaire si un actionnaire devait être propriétaire de plus de 10 p. 100 des actions;
  • par vente à une institution financière intérieure ou étrangère ayant un capital largement réparti et agréée par le ministre en fonction du critère d’" aptitude " (et sans l’obligation, pour l’acheteur, de prendre l’engagement décrit à l’option 1);
  • par vente à un acheteur qui aurait présenté au ministre un plan satisfaisant pour se défaire des actions excédentaires et, ainsi, se conformer au régime de propriété.

Grâce à ces dispositions transitoires, les détenteurs actuels de participations de contrôle disposeraient de plusieurs moyens pour maximiser la valeur de leurs actions à long terme, notamment — et il s’agit d’une option importante en vendant leurs actions à des institutions financières à capital largement réparti qui ne sont pas contrôlées par des Canadiens.

 

Opinions des témoins

Les témoins qui ont formulé des commentaires à propos de cette recommandation y souscrivent. Le président et chef de la direction de Canada Trust exprime toutefois certaines réserves.

L'expérience montre qu'il est tout à fait problématique de légiférer là-dessus. Lorsque vous tentez d'avoir une loi générale qui empêche de nouveaux intervenants qui ne sont pas à capital largement réparti d'entrer sur le marché, mais qui accorde en même temps des droits acquis à d'autres, les détails posent énormément de problèmes, comme l'a souligné l'intervenant précédent. Au bout du compte, vous n'établissez pas, au sujet des règles de propriété, une certitude qui permettrait aux intervenants de poursuivre leur travail.

Chacun le sait, les investisseurs n'aiment pas l'incertitude. S'il y a incertitude, ils quittent le marché. Nous craignons de ne pas obtenir le genre de droits acquis qui permettrait à Canada Trust et à Power de poursuivre dans la même veine. (Ed Clark, 7 octobre 1998)

 

Conclusions

Le Comité est d’accord avec le principe d’accorder des droits acquis aux institutions dont la structure de propriété n’est pas conforme, mais selon une approche différente de celle adoptée par le Groupe de travail. Le Comité est d’avis qu’une institution devrait bénéficier de la protection des droits acquis selon sa structure de propriété actuelle tant et aussi longtemps qu’elle ne change pas de catégorie. À partir du moment où elle passe à une catégorie supérieure, elle doit se conformer aux règles applicables à cette catégorie. Si, par exemple, Canada Trust ou Canada-Vie devaient devenir de grandes institutions plutôt que des institutions financières de taille moyenne, elles devraient être tenues d’avoir un capital largement établi.

De plus, le Comité recommande que l’exemption ne s’applique qu’au propriétaire actuel. Le Groupe de travail recommande pour sa part que celle-ci s’applique à l’acheteur ultérieur. Le Comité estime que ce compromis complique inutilement les choses et n’ajoute pas grand chose.

Enfin, le Comité recommande que, seul, le propriétaire actuel d’une institution financière ait le droit d’exercer tous les pouvoirs accordés à d’autres institutions financières de la même catégorie de taille, quelles que soient leur structure de propriété.

Le Comité reconnaît que les institutions financières à but lucratif s’ajusteront à n’importe quel régime législatif et réglementaire s’appliquant à elles. Ce faisant, elles s’efforceront de maximiser la valeur de leur entreprise, compte tenu du contexte dans lequel elles évoluent. Toute modification du contexte— que ce soit en raison d’un changement technologique, de l’évolution démographique, de changements dans les préférences des consommateurs ou de modifications législatives ou réglementaires au pays ou à l’étranger —aura une incidence sur la stratégie commerciale de l’institution et sur sa valeur.

Parce qu’elles ne sont pas identiques, les institutions financières actuelles ne sont pas toutes touchées de la même façon par les changements législatifs et réglementaires. Chacune a sa propre histoire qui est représentative du régime législatif et réglementaire dans lequel elle a été créée. Les modifications apportées à ce régime peuvent les toucher de façon différente.

En ce qui a trait au traitement des institutions existantes, plusieurs options s’offrent aux décideurs au moment d’apporter des changements au régime. L’une des options consiste tout simplement à exiger de toutes les institutions qu’elles se conforment aux nouvelles règles avant une date donnée. On a ainsi l’assurance qu’à compter de cette date, toutes les institutions seront traitées de la même façon. Cette solution impose toutefois des coûts aux institutions visées.

En ce qui a trait aux compagnies d’assurance, par exemple, la nouvelle politique en matière de propriété pourrait exiger que toutes les grandes institutions actuelles (non mutuelles) aient un capital largement réparti à partir d’une certaine date. La Great-West, par exemple, serait tenue de devenir une institution à capital largement réparti avant cette date. Il ne fait pas de doute que cette mesure aurait des effets néfastes sur la valeur de cette compagnie. Elle obligerait celle-ci à émettre des actions dans le public pour se conformer à cette exigence et les « gros acheteurs » ne figureraient pas parmi les acheteurs potentiels.

L’autre option consiste à accorder des droits acquis perpétuels aux institutions existantes en ce qui a trait aux règles et aux règlements auxquels elles sont déjà assujetties. Cette mesure peut créer une valeur économique considérable pour l’institution bénéficiant de droits acquis. Dans l’exemple susmentionné, cela voudrait dire que la Great-West continuerait à être un actionnaire majoritaire pour toujours. Ainsi, les propriétaires actuels intéressés à vendre leurs titres auraient accès à un éventail complet d’acheteurs potentiels, grands et petits. Cela créerait toutefois une injustice par rapport aux autres compagnies qui n’ont pas cette possibilité.

Il existe des solutions « de compromis » comme celle proposée par le Groupe de travail qui consiste à permettre aux propriétaires actuels de vendre leurs actions à un actionnaire majoritaire. Cette option oblige les acheteurs à respecter les règles relatives au capital largement réparti s’ils veulent ultérieurement se défaire de leur capital-actions. Cela peut réduire la valeur du capital-actions pour l’acheteur et le produit de la vente pour les propriétaires actuels, mais dans une moindre mesure que la première option, qui oblige à se conformer sans délai aux règles relatives au capital largement réparti. Par contre, cela complique inutilement les choses.

Dans la mesure où les institutions ne sont pas identiques, le système comportera toujours des anomalies avec lesquelles il faudra composer. La tâche du décideur est de faire en sorte que l’objectif des changements soit atteint sans créer d’injustices inacceptables. Les institutions visées par des exemptions doivent comparer les avantages nets que leur procure l’exemption à ceux auxquels ils auraient eu droit s’ils y avaient renoncé.

À cet égard, les recommandations du Comité représentent un bon compromis.


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