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BORE

Sous-comité de la Forêt boréale

 

SOUS-COMITÉ SÉNATORIAL DE LA FORÊT BORÉALE

RÉALITÉS CONCURRENTES : LA FORÊT BORÉALE EN DANGER


CHAPITRE 4

LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE
Tableau 3 : EMPLOI TOTAL DANS L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
Tableau 4 : VALEUR DES VENTES DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
Tableau 5 : EXPLOITATION DES FORÊTS
Tableau 6 : L’industrie forestière canadienne, ventes et exportations, 1993-1997
Tableau 7 : Recettes fiscales provenant du secteur forestier
RECOMMANDATIONS


LA RÉALITÉ ÉCONOMIQUE

Dans l’examen des politiques concernant les forêts boréales du Canada et leur incidence sur l’aménagement durable, il est essentiel de reconnaître l’importance des forêts dans notre économie. La réalité économique est déterminante, et conditionne la vie de milliers de Canadiens partout au pays.

Les chiffres présenté ci-dessous se rapportent à toute l’exploitation forestière au Canada sans se limiter à la forêt boréale. Nous les présentons pour mettre en lumière la situation nationale. Le Sous-comité aimerait recommander qu’à l’avenir, les statistiques forestières soient ventilées par écosystème, plutôt que seulement par province. En l’absence de données fondées sur l’écosystème, le Sous-comité a utilisé le plus possible les données des provinces et territoires où prédomine la forêt boréale (Québec, Ontario, Manitoba, Saskatchewan, Alberta, Yukon et Territoires du Nord-Ouest). Aux fins du rapport, on les appellera les « provinces boréales ».

Devant le Sous-comité, une représentante de l’industrie canadienne des pâtes et papiers a résumé l’importance de la forêt dans l’économie canadienne.

« Le secteur forestier est certainement le principal employeur au Canada, car il emploie, directement ou indirectement, un million de personnes au pays. Nous calculons qu'un quart de million de ces emplois correspondent à des emplois directs. En appliquant un coefficient de trois, nous obtenons 750 000 emplois indirects. Cela signifie qu'un emploi sur 12 au Canada se trouve dans le secteur forestier.

Chaque année, les entreprises du secteur récoltent quelque 190 millions de m3 de bois, sur une possibilité de coupe annuelle totale de 230 millions. Elles en tirent des produits d'une valeur de quelque 55 milliards de dollars : 61 millions de m3 de bois, 8 millions m3 de panneaux en bois et 30 Tm de pâtes et papiers.

Notons que c'est le bois et les panneaux qui constituent notre débouché principal. Près des deux tiers des fibres destinées aux pâtes et papiers sont des déchets de scierie.

Étant donné les quantités produites et la taille relativement réduite du marché canadien, il n'est pas surprenant de constater que notre industrie est largement tributaire des marchés étrangers. Quelque 70 pour cent de la production de notre secteur est exportée, la moitié à destination des États-Unis.

L'an dernier, le secteur forestier a rapporté pas moins de 31 milliards de dollars de devises à l'économie canadienne. C'est un chiffre impressionnant, et c'est bien normal pour un secteur qui depuis 75 ans est le plus gros exportateur de produits forestiers dans le monde. Nous ne sommes pas le plus gros producteur forestier au monde, mais nous sommes le plus gros exportateur. »(217)

« Notre secteur alimente donc notre économie grâce au commerce international. Au moins 350 localités du pays dépendent de notre secteur et de ses débouchés sur les marchés mondiaux.

Les chiffres ne trompent pas. Le secteur forestier apporte une large contribution au tissu socio-économique du Canada. »(218)

En 1997, un peu plus de 13 000 entreprises œuvraient dans le secteur forestier au pays. De ce nombre, 9 636 œuvraient à l’exploitation, 2 872 dans les industries du bois, et 686 dans le secteur du papier et des activités connexes.(219) La Colombie-Britannique compte plus de 4 000 d’entre eux, tandis que les provinces boréales en ont 7 050. En outre, une petite part des 1 238 entreprises du Nouveau-Brunswick utilisent du bois provenant de la petite superficie de forêt boréale de la province(220). Dans les provinces boréales, la coupe, les services forestiers, l’industrie du bois et les pâtes et papiers totalisait environ 395 000 emplois en 1997, sur un total canadien de 830 000 emplois dans le secteur forestiers.(221)

Depuis vingt ans, la mécanisation de l’abattage et les progrès des techniques de transformation ont eu pour effet combiné de diminuer progressivement le nombre d’emplois par unité de production. Cela se remarque en particulier dans les pâtes et papiers, où l’emploi requis pour produire mille tonnes de pâtes et papiers a chuté de quelque 3,4 en 1975 à environ 1,6 en 1993. Dans la production de bois d’œuvre, la baisse a été moins forte, passant de 1,8 à 1,0 emplois par 1000 m3, pendant la même période. La baisse la plus faible a eu lieu dans les chantiers l’exploitation, où l’emploi par mille m3 de bois récolté est passé de 0,5 à environ 0,3(222). Comme l’indique le tableau 1, la part des emplois forestiers directs et indirects sur le total des emplois au Canada a diminué de 9,3 à 7,3 pour cent du total depuis 1989, alors que les chiffres absolus ont peu diminué. Cette situation est attribuable à une augmentation importante de la capacité industrielle, reflétée indirectement dans les ventes de l’industrie et le volume de bois récolté, comme l’indiquent les tableaux 4 et 5 respectivement.

 

Tableau 3 : EMPLOI TOTAL DANS L’INDUSTRIE FORESTIÈRE

ANNÉE

DIRECT

INDIRECT/

PRÉSUMÉ (1)

TOTAL

PART DE L’EMPLOI AU CANADA

1989

305 000

915 000

1 220 000

9,3%

1990

280 000

840 000

1 120 000

8,5%

1991

250 000

750 000

1 000 000

7,7%

1992

241 000

725 000

966 000

7,5%

1993

239 000

717 000

956 000

7,3%

1994

242 000

728 000

970 000

7,3%

1995

247 000

741 000

988 000

7,4%

1996

252 000

755 000

1 007 000

7,3%

1997

254 000

760 000

1 014 000

7,3%

(1)Les hypothèses et méthodes de calcul de l’emploi indirect varient beaucoup selon les sources; ces chiffres sont donc à utiliser avec prudence.

Source: Association canadienne des pâtes et papier, Tableaux de référence 1998, p. 5

 

Tableau 4 : VALEUR DES VENTES DE L’INDUSTRIE FORESTIÈRE
(en millions de $)

ANNÉE

PÂTES ET PAPIER

AUTRES*

TOTAL

PART DU SECTEUR MANUFACTURIER CANADIEN

1989

19 791

10 659

38 514

13,7%

1990

18 047

10 501

35 766

12,2%

1991

15 791

9246

31 945

11,6%

1992

14 929

9752

33 281

11,7%

1993

15 394

9906

37 573

12,2%

1994

19 307

10 387

44 329

12,7%

1995

29 396

11 120

53 959

13,9%

1996

21 935

11 077

49 058

12,1%

1997

21 068

14 272

53 340

12,0%

* panneaux de fibres, panneaux de particules, fentes, bardeaux et copeaux, etc.
Source : Association canadienne des pâtes et papiers, Tableaux de référence 1998, p. 4

Il ressort des données ci-dessus que la santé économique du secteur de la foresterie est déterminante pour l’ensemble de l’économie, et donc importante pour tous les Canadiens. En 1997, Price-Waterhouse-Coopers a produit un rapport détaillé sur la santé financière du secteur canadien de la foresterie(223). Le tableau 6, extrait de ce rapport, indique que les ventes de nos produits forestiers ont atteint 52,3 milliards de dollars en 1997, en hausse de 2,3 pour cent par rapport à 1996. Entre temps, les exportations nettes de produits forestiers ont augmenté légèrement, passant à 31,6 milliards de dollars et faisant du secteur forestier la plus grande industrie d’exportations nettes au pays. Les provinces et territoires qui prélèvent la majeure partie de leur bois dans la forêt boréale comptent pour environ la moitié du total.(224)

Selon Price-Waterhouse-Coopers, même si les ventes et les exportations ont augmenté, les bénéfices nets de l’industrie dans son ensemble ont chuté de 804 millions de dollars en 1996 à 460 millions en 1997. Cette baisse est plus faible que celle survenue entre 1995, année où les bénéfices nets avaient culminé à près de 6 milliards, et 1996. Cette forte chute est attribuable essentiellement à l’effondrement des bénéfices dans les secteurs de la pâte et du papier journal. Ces chiffres témoignent du cycle d’expansion et de ralentissement caractéristique du secteur des ressources naturelles. Ils indiquent également que certains éléments de l’industrie forestière ont été beaucoup plus rentables que d’autres depuis quelques années.

Il est devenu difficile d’attirer l’investissement dans certaines industries forestières car le rendement du capital y demeure très faible (2,9 pour cent en 1997, contre 8 pour cent en 1994). Les investisseurs peuvent obtenir un meilleur rendement ailleurs dans l’économie.

Le tableau 7 indique clairement que les gouvernements partout au pays ont un intérêt direct à favoriser la santé du secteur forestier, parce qu’il génère d’importantes recettes fiscales, tant directement que par l’impôt sur le revenu des travailleurs. Des témoins ont toute fois prétendu que ces avantages étaient minimes. Selon ce tableau, les recettes perçues par les gouvernements auprès de toute notre industrie forestière et des personnes qu’elle emploie ont dépassé 9 milliards en 1997, en hausse par rapport aux 6,6 milliards de 1993. Le tableau ventile les recettes directes versées par l’industrie aux gouvernements par la voie des divers impôts, droits et redevances fédéraux, provinciaux et municipaux. Ici encore, il faut noter que ces chiffres correspondent à toute l’industrie forestière canadienne et pas seulement à celle qui exploite la forêt boréale. Ils comprennent l’impôt sur le revenu et d’autres paiements fiscaux. Pour les « provinces boréales », les revenus issus du paiement des droits de coupe, des baux, des permis, frais de protection, etc. totalisaient 419 millions de dollars en 1996.(225)

 

Tableau 5 : EXPLOITATION DES FORÊTS

ANNÉE

SUPERFICIE EXPLOITÉE

(milliers d’ ha)

VOLUME EXPLOITÉ

(milliers de m3)

% DE LA VARIATION DE LA SUPERFICIE EXPLOITÉE PAR RAPPORT À L’ANNÉE PRÉCÉDENTE

VOLUME EXPLOITÉ PAR HECTARE

(m3/ha)

1975

569

111,7

 

0,192

1980

767

150,7

34,8 (5 ans)

0,196

1990

807

156,0

5,2

0,193

1991

760

153,5

(5,8)

0,202

1992

796

163,5

4,7

0,205

1993

839

169,8

5,4

0,202

1994

857

177,3

2,2

0,207

1995

866

183,1

1,0

0,211

1996

868

177,6

0,2

0,204

Source : Association canadienne des pâtes et papiers, Tableaux de référence 1998, p. 6

 

Tableau 6 : L’industrie forestière canadienne, ventes et exportations, 1993-1997
(en millions de $)

 

1997

1996

1995

1994

1993

Ventes totales

52 340

51 170

53 959

44 329

37 573

Ventes à l’exportation

38 883

38 178

41 227

32 530

26 661

Part des exportations canadiennes

13,9

14,8

16,6

15,3

15,0

Contribution nette à l’excédent commercial

31 600

31 200

34 400

27 200

22 200

Source : Price-Waterhouse-Coopers, L’industrie forestière au Canada — 1997, p. 3

 

Tableau 7 : Recettes fiscales provenant du secteur forestier
(en millions de $)

1997

1996

1995

1994

1993

Par l’industrie

 

Fédéral

         

Impôt sur le revenu courant

411

478

854

836

267

Autres versements

18

22

37

33

28

Total fédéral

429

500

891

869

295

 

Provinces et municipalités

         

Impôt sur le revenu courant

274

319

570

558

155

Taxe de vente provinciale

371

333

415

290

250

Droits de coupe, redevances, baux

2 485

2 357

2 320

1 822

1 100

Impôts fonciers

385

401

380

375

365

Taxe sur l’essence et le carburant

38

35

33

31

31

Taxe sur l’électricité

179

177

172

163

166

Impôts sur les opérations forestières

23

27

170

166

26

Frais à l’exportation de bois d’œuvre1

87

__

__

__

__

Taxe sur le capital des sociétés

155

145

138

135

111

Total provinces et municipalités

3 997

3 794

4 198

3 540

2 204

Total payé par l’industrie directementa

4 426

4 294

5 089

4 409

2 499

Versements relatifs à l’emploi

 

Retenues à la source

3 914

3 806

3 658

3 447

3 306

Régime de pensions du Canada2

406

370

354

331

301

Assurance-emploi2

536

513

546

547

505

Total relié à l’emploib

4 856

4 689

4 558

4 325

4 112

Total des versements (a+b)

9 282$

8 983$

9 647$

8 734$

6 611$

Source : Price-Waterhouse-Coopers, L’industrie forestière au Canada — 1997, p. 3

  1. À compter du 1er avril 1996, le gouvernement fédéral a commencé à percevoir des pénalités relatives aux expéditions de bois d’œuvre vers les États-Unis, en excédant des quotas sans douanes assignées selon l’Accord canado-américain sur le bois d’œuvre. Le gouvernement fédéral retient les frais associés à l’administration de l’accord et remet le solde aux provinces d’origine des exportations de bois d’œuvre.

2. Le Régime de pensions du Canada et l’assurance-emploi incluent les portions de l’employeur et des employés.

 

Les provinces ont touché la plus grande partie de ces recettes parce que la Constitution canadienne reconnaît leur compétence en matière de forêts. La fiscalité liée à l’emploi est également présentée séparément, et les totaux sont ceux des années 1993 à 1997. Bien sûr, les gouvernements ont également des dépenses reliées à l’aménagement forestier; la protection contre les incendies de forêts et la lutte aux incendies étant le plus important poste budgétaire. Comme les feux de forêts sont éminemment imprévisibles dans le temps et le lieu, et variables par leur étendue, les dépenses varient également beaucoup. Ainsi, en 1994, le Manitoba a dépensé près de 20 millions de dollars en protection et lutte contre les incendies et seulement 1,5 million en 1995. La Saskatchewan, quant à elle, a dépensé environ 26 million en 1994. Une mauvaise année au chapitre des feux de forêts a fait grimper la facture au-delà de 90 millions l’année suivante.(226)

Même si les chiffres de revenus des régions non boréales sont soustraites (Colombie-Britannique et provinces de l’Atlantique), il est facile de voir pourquoi les gouvernements, surtout provinciaux, sont prudents lorsqu’ils envisagent des changements de politique qui pourraient influer sur le sort des compagnies forestières. Les recettes fiscales provenant d’autres utilisations de la forêt : tourisme, faune, « puits de carbone », sont beaucoup plus difficiles à mesurer, mais pourraient augmenter sensiblement si la forêt est aménagée de façon écologique.

Même si les chiffres globaux susmentionnés font ressortir l’importance du secteur forestier au Canada, ils témoignent mal de son rôle encore plus considérable en région. Comme il a été mentionné, plus de 300 localités, beaucoup situées en forêt boréale, dépendent de cette industrie; pour nombre d’entre elles, les autres possibilités d’emplois son rares. Nombre de témoins en ont fait part au Sous-comité dans les villes et les villages de la forêt boréale au pays.

Les témoins n’ont cessé de revenir sur l’équilibre à respecter entre les réalités écologique et économique. Par exemple, à Timmins en Ontario, un représentant de l’Abitibi Consolidated a dit au Sous-comité que la société employait quelque 12 000 travailleurs dans le monde. Concernant le nord de l’Ontario, il a déclaré :

« Sur nos quatre sites de l'Ontario, trois sont monoindustriels. Les localités en question vivent surtout de notre industrie. Nous avons largement contribué à les faire vivre au fil des ans. »(227)

L’industrie forestière attire dans les petites localités du nord des capitaux dont elles ont bien besoin. Comme le témoin l’a fait remarquer :

« Notre secteur fait largement appel aux capitaux et à la main-d’œuvre. Pour nous développer, il nous faut pouvoir compter sur des approvisionnements sûrs, ce qui nous permet de réinvestir dans notre entreprise. Le montant en dollars que vous avez devant vous correspond au montant total qui a été investi. À Iroquois Falls, notamment, nous avons investi plus de 200 millions de dollars au cours des quatre dernières années. Nous avons instauré un procédé de fabrication mécanique et thermique de la pâte à papier qui est à la pointe de la technologie. Nous avons mis en place des mesures de contrôle de l'environnement dans l'usine et nous avons construit par ailleurs une nouvelle salle d'entreposage des bois pour mieux utiliser, selon le diamètre et l'essence, le bois qui parvient à l'usine. »(228)

C’est la même réalité qui se répète dans les petites localités qui dépendent de l’industrie forestière partout au pays. Un autre témoin a souligné la nécessité d’équilibrer les besoins écologiques et économiques, et le défi que cela représente :

« Notre objectif majeur et notre raison d'être, c'est de gérer l'écosystème en garantissant son intégrité et en faisant en sorte qu'il soit florissant tout en faisant vivre les industries et les localités qui en dépendent. Il y a donc là un équilibre à maintenir en matière de durabilité, non seulement en fonction des forêts et des ressources, mais aussi au bénéfice des personnes et des localités qui en dépendent. »(229)

Un représentant du ministère des Richesses naturelles de l’Ontario a aussi traité de cette importante question dans son témoignage devant le Sous-comité.

« En général, les collectivités qui vivent dans la forêt boréale ont des économies moins diversifiées que les collectivités du sud, et on dépend grandement de l'industrie forestière. Dans le nord de l'Ontario, près des deux tiers de la population vivent dans une collectivité où l'industrie forestière est importante pour l'économie. Dans près de 50 collectivités du nord de l'Ontario, il n'y a aucune autre industrie de base. De nombreux résidents des collectivités forestières du nord sont beaucoup attachés à leurs lieux de résidence et de travail. La perte de possibilités d'emploi dans l'industrie forestière au sein de ces collectivités peut avoir des effets sociaux très importants. »(230)

Avec la modernisation de l’industrie forestière, les compétences professionnelles requises ont évolué. Il est important de permettre aux gens des petites localités qui dépendent de la forêt de se recycler quand leur emploi traditionnel disparaît. La question a été abordée dans la Stratégie nationale sur les forêts (SNF) :

« En raison des progrès technologiques rapides et de la concurrence accrue, on observe une diminution de la demande à l'égard de certaines compétences traditionnelles. Cela s'est traduit par une diminution des besoins en matière d'emplois traditionnels liés à la forêt, laquelle, à son tour, a une incidence sur la stabilité de certains secteurs de la main-d'œuvre et de certaines collectivités. Par contre, les possibilités augmentent quant aux emplois touchant le développement d'autres produits forestiers et la technologie forestière. Il semble, à juste titre ou non, que les compétences traditionnelles ne permettent pas de répondre aux exigences de la nouvelle technologie. Nous devons cerner les lacunes éventuelles au chapitre des connaissances ou des compétences techniques de la main-d'œuvre, être prêts à offrir des programmes de recyclage à la main-d'œuvre mise à l'écart en raison de la nouvelle technologie et permettre à la prochaine génération de travailleurs d'acquérir les compétences nécessaires. Il est aussi important de veiller au transfert des connaissances, des compétences et de l'expérience acquises par la main-d'œuvre plus âgée afin de ne pas la perdre au cours de la transition. »(231)

Conscient des diverses critiques voulant que le nombre d’emplois dans le secteur forestier diminue, alors que le volume de bois récolté continue d’augmenter, le témoin a souligné que les emplois offerts par l’industrie forestière sont relativement bien rémunérés et de bonne qualité. Ces emplois sont particulièrement importants dans les régions où les solutions de rechange équivalentes sont rares. Le témoin a aussi proposé que l’Ontario délaisse l’exploitation forestière en faveur de l’écotourisme, comme fondement de la création d’emploi dans les localités du Nord. Il a déclaré :

« Vous noterez que les critiques de l'industrie forestière invoquent rapidement l'argument des emplois, mais rarement celui des salaires et de l'investissement de qualité. Au début de la semaine, je me trouvais à Iroquois Falls. J'y ai visité une entreprise, l'Abitibi Consolidated. Le salaire moyen à cette usine est d'environ 80 000 $ pour un travailleur du papier, et il est probablement de 20 pour cent de plus, disons 100 000 $ au total, si l'on tient compte du salaire et des avantages sociaux. Ce sont des emplois à temps plein, fortement rémunérés et hautement spécialisés.

De nombreux critiques diront que nous devrions convertir notre économie du Nord en une économie touristique axée sur les ressources. Une étude récente menée dans le nord-ouest de l'Ontario a montré que ces emplois sont saisonniers et que les salaires connexes sont nettement inférieurs, environ trois fois moins élevés. C'est un élément important lorsqu'on tente de déterminer le nombre d'emplois. »(232)

Le Sous-comité a entendu d’autres témoignages qui attestent l’importance de l’industrie forestière pour les provinces, les régions et les localités. Ainsi, un représentant du Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick nous a dit de façon lapidaire combien l’industrie forestière était importante dans cette province.

« Bien sûr. Le secteur forestier est le fondement de l'économie du Nouveau-Brunswick. C'est le principe vital de nos localité. C’est évident. »(233)

Au Nouveau-Brunswick, l’industrie forestière est le premier exportateur international et fournit un emploi sur 15. Elle emploie directement 17 000 travailleurs et crée 10 000 emplois indirects(234)

Au Québec, les fonctionnaires estiment que leur province est deuxième derrière la Colombie-Britannique pour l’importance de son secteur forestier :

« Bon an mal an, ce secteur génère quelque 80 000 emplois directs et des salaires de 2,8 milliards de dollars. L’industrie forestière joue donc un rôle capital dans le développement socio-économique du Québec et de ses régions. En fait, plus de 250 municipalités dépendraient directement de la forêt. »(235)

Les provinces de l’Ouest comptent également sur les importantes retombées économiques de leur secteur forestier(236). Même en Alberta, où le pétrole et la pétrochimie sont si importants, les produits forestiers emploient un travailleur sur 34. Le secteur forestier emploie 23 000 Albertains et crée 17 000 emplois indirects. Les agrandissements d’usines de pâte réalisés en 1994-1995 ont fait augmenter la valeur des exportations de pâte d’à peine 400 000 $ en 1993 à 1 350 000 $ en 1995(237). La Saskatchewan et le Manitoba réalisent d’importants revenus d’exportation grâce à leurs produits forestiers. En 1995, l’excédent commercial du Manitoba pour les produits forestiers a atteint 225 millions de dollars, celui de la Saskatchewan, près de 400 millions.(238)

Comme on nous l’a répété, la production de bois et les produits forestiers ne sont pas les seules valeurs économiques de la forêt. Elle offre également d’autres avantages économiques : tourisme, chasse, pêche et piégeage. Il est toutefois beaucoup plus difficile de trouver des chiffres précis sur la contribution de ces activités aux économies des diverses régions du pays que sur le secteur forestier dans les régions boréales.

Certains chiffres nous ont été fournis sur ces activités, mais ils sont incomplets et ne devaient pas être comparées directement à ceux tirés de l’exploitation et de la production forestière.

Au Québec comme dans les autres régions du pays, le Sous-comité a posé des questions sur les retombées pour l’économie provinciale du tourisme en milieu boréal. Nous avons appris que ces données sont rarement disponibles, mais que l’industrie du tourisme dans l’ensemble du Québec génère quelque 5 milliards de dollars de retombées économiques par année. Alors que nous visitions l’Abitibi, le président de l’Association touristique de l’Abitibi-Témiscamingue nous a fourni des données régionales; il a chiffré les retombées annuelles du tourisme entre 30 et 40 millions de dollars. Il a ajouté que :

« L’industrie touristique est en pleine expansion chez nous, et nous croyons, dans les années à venir, que nous pourrons nous approprier une part de marché beaucoup plus grande… Nous croyons que nous serons en mesure, d’ici trois ans, de doubler le chiffre de retombées économiques pour notre région. L’industrie touristique deviendra donc une industrie très importante dans l’avenir et non seulement une industrie complémentaire, comme elle l’est actuellement. » (239)

Le tourisme en forêt, particulièrement la chasse, contribue aussi beaucoup à l’économie du Nouveau-Brunswick. Comme dans les autres provinces, la santé et la durabilité des écosystèmes forestiers dans l’avenir seront déterminantes pour le bien-être de la province. Le Sous-comité a appris que :

« En 1997, 82 000 chasseurs locaux -- et quelque 5 000 chasseurs de l'extérieur -- se sont adonnés à la chasse au gros et au petit gibier au Nouveau-Brunswick. Les seuls droits de permis de chasse perçus auprès des chasseurs locaux ont généré 2 millions de dollars de recettes en 1997. » (240)

Le Sous-comité a aussi examiné l’impact du tourisme en Ontario. Comme ce fut le cas dans bien des régions, la discussion a porté sur le conflit entre cette industrie et l’exploitation forestière. On nous a dit que :

« Le ministère du Tourisme a également effectué des estimations récemment et a conclu que les dépenses directes consacrées au tourisme écologique dans le nord de l'Ontario s'élèvent au total à 482 millions de dollars par an. »(241)

On nous a souligné la nécessité de préserver les écosystèmes forestiers boréaux dont dépend l’écotourisme. On a aussi noté que cette activité a l’avantage de se pratiquer en forêt sans la détruire.

« Le tourisme d'aventure et l'écotourisme, qui comprend notamment le canoë, le kayak, l'observation des oiseaux ou autres animaux sauvages a beaucoup progressé. Contrairement à la chasse et à la pêche traditionnelles, ces activités ne consomment pas les ressources mais génèrent néanmoins d'importants revenus. Mais il est impératif de gérer la nature de manière à garantir la pérennité de ces activités et des ressources dont elles et nous dépendons. C'est surtout ce genre de difficultés que nous avons rencontrées en Ontario.

Notre industrie ayant besoin de ressources naturelles de qualité, de forêts bien soignées et d'un accès limité dans les régions éloignées, nous entrons souvent en conflit avec d'autres utilisateurs des ressources, le plus souvent avec ceux qui s'occupent de l'aménagement forestier. Nous sommes gênés par la construction de routes d'accès pour l'exploitation forestière à proximité des zones touristiques éloignées et par l'impact de ces nouvelles routes sur les lacs et autres ressources auparavant éloignées. »(242)

Même si le Sous-comité n’a pas entendu de témoignages d’exploitants d’entreprises touristiques au Yukon, il a appris d’autres sources que l’industrie touristique dans le territoire génère des recettes de 124 millions de dollars par année. Le tourisme au Yukon dépend en grande partie de l’attrait qu’exerce la nature sauvage boréale sur les visiteurs.(243)

Un autre facteur important de la réalité économique de la forêt boréale au Canada est son rôle essentiel dans le bien-être économique et spirituel de nombreux peuples autochtones au Canada. Au Yukon, beaucoup vivent encore dans la nature. Ils dépendent de la forêt pour se nourrir et s’abriter. Lorsque le déboisement à grande échelle, la prospection et la mise en valeur des ressources pétrolières, gazières et minières, le développement urbain ou toute autre activité compromet leur accès à une forêt vierge sur le plan écologique, leur survie tant culturelle qu’économique est menacée. Le rôle particulier que jouent les Premières nations dans l’aménagement forestier durable est examiné en détail au Chapitre 3.

 

RECOMMANDATIONS

  • Que le gouvernement et l’industrie conjuguent leurs efforts pour favoriser la fabrication de produits du bois à valeur ajoutée dans les collectivités forestières et ainsi créer plus d’emplois dans le secteur forestier
    • Qu’on renforce les programmes de recyclage visant à permettre aux travailleurs forestiers déplacés de demeurer dans leur collectivité sans devoir quitter le secteur.

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